CENTRAL AFRICAN REPUBLIC - REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE - REPUBLICA CENTROAFRICANA

Son Excellence Monsieur Ange-Félix Patassé, Président de la République Centrafricaine


Tout en me réjouissant de vous voir diriger nos travaux, permettez-moi tout d'abord de dire à votre Gouvernement et au peuple italien nos remerciements et notre gratitude pour l'accueil de qualité dont ma délégation et moi-même ne cessons de bénéficier depuis notre arrivée dans la belle et prestigieuse ville de Rome. A M. Jacques Diouf, Directeur général de notre Organisation, je voudrais adresser mes félicitations et lui rendre un hommage mérité pour la réussite de ce Sommet, dont la République centrafricaine a soutenu l'initiative. Depuis sa désignation à la tête de la FAO, M. Jacques Diouf s'est employé à mener en faveur des milliers de mal nourris du monde une action courageuse et permanente que mon pays salue.

Au moment où des crises diverses tendent à entraver davantage l'expression des liens de solidarité et de coopération entre les peuples, la FAO a pris l'initiative de réunir ce Sommet, occasion exceptionnelle pour dégager une solution commune à l'échelle mondiale aux questions de la pauvreté et de la faim. Force est aujourd'hui de constater que, malgré les efforts déployés, le nombre de mal-nourris, estimé à plus de 800 millions, semble d'année en année marquer le pas, traduisant ainsi les insuffisances du dispositif international de l'aide au développement et de l'aide alimentaire.

En République centrafricaine, le taux de prévalence de la malnutrition chronique chez les enfants de 5 à 10 ans est en moyenne de 32 pour cent avec un taux de 36,9 pour cent en milieu rural. Chez les adultes, le déficit chronique moyen en énergie est de 21 pour cent avec un taux plus élevé chez les femmes, 23,1 contre 17,7 pour cent chez les hommes. Que ce soit à Copenhague, lors du Sommet sur le développement social, comme aujourd'hui à Rome à l'occasion du Sommet mondial de l'alimentation, la République centrafricaine entend toujours attirer l'attention de tous les dirigeants de notre planète sur les risques sociaux qui pèsent sur les populations, en général, et sur celles de l'Afrique, en particulier, avec les conséquences socioéconomiques qu'ils comportent, s'il n'est pas établi en faveur de l'Afrique un plan Marshall, susceptible de garantir la sécurité alimentaire de ses populations.

La sécurité alimentaire est une préoccupation majeure de notre politique de développement, une politique soutenue par nos potentialités et inspirée par nos expériences, et dont l'axe central demeure la production agrosylvopastorale. Nous disposons en effet de 15 millions d'hectares de terres arables, dont seulement 700 000 hectares sont cultivés avec des moyens rudimentaires; 16 millions d'hectares des parcours pastoraux susceptibles de supporter 7 millions de têtes de bovins mais qui n'en supportent pour le moment que 3 millions; 3,8 millions d'hectares de forêts denses; 7,7 millions d'hectares d'aires cynégétiques protégées en zone nord; 3 millions d'hectares de grandes plaines dans le nord-est, qui sont d'excellentes frayères pour beaucoup d'espèces de poisson. Malgré ces potentialités, nos populations continuent d'être exposées aux risques de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition. C'est pourquoi je voudrais réitérer ici la demande de la République centrafricaine de voir établi en faveur de l'Afrique un véritable plan Marshall.

Depuis notre accession à la magistrature suprême de l'Etat, il y a de cela trois ans, nous avons adopté une nouvelle politique agrosylvopastorale intégrée dont les principales orientations portent sur: la priorité qu'il faut accorder aux producteurs; l'augmentation de la productivité du secteur agricole; l'approche systématique et les réformes institutionnelles. Oui, la pratique d'une agriculture moderne s'impose car nous ne pouvons continuer à pratiquer une agriculture archaïque dont le système agraire dominant est la polyculture semi-itinérante et sur brûlis. Nous avons un réseau hydrographique très dense. Une bonne maîtrise de nos eaux devrait nous permettre de réaliser le programme d'irrigation d'un million d'hectares de terre sur 10 ans que nous envisageons. Notre potentiel en terres irrigables est immense (1,9 million/ha) si l'on s'en tient seulement aux plaines alluviales hydromorphes. Nous avons un sous-sol et un sol riches, nous avons du soleil, nous avons de riches pâturages et une végétation uniformément luxuriante sur toute l'étendue du territoire. J'en appelle au système des Nations Unies, et plus particulièrement à la FAO, pour qu'elle aide mon pays à réaliser, dans le cadre de la décentralisation et de la réorganisation, un programme de développement axé sur une agriculture moderne. Les objectifs poursuivis par le Gouvernement de la République centrafricaine à moyen terme visent trois domaines: le domaine agropastoral, celui des forêts, des chasses et des pêches, et celui social.

Dans le domaine agropastoral, la politique d'intensification des cultures doit être accompagnée de nouvelles techniques et de technologies adaptées, les cultures in vitro, pour la propagation des variétés sélectives des semences à haut niveau. L'accroissement de la production agricole s'inscrit dans cette nouvelle vision de développement agricole qui prend en compte le stockage des produits, leur transformation ainsi que l'amélioration des circuits de commercialisation et de distribution et la facilité d'accès au crédit à taux consensuel. Un degré de priorité élevé sera consacré au développement des industries agricoles et agroalimentaires.

Dans le domaine des forêts, chasses et pêches, tout en privilégiant la préservation et l'exploitation rationnelles des ressources naturelles, de nouvelles activités génératrices de revenus seront initiées en faveur des communautés. Dans la perspective de réduire la pression sur ces ressources, un plan national d'action environnementale est en préparation. L'irrigation initialement limitée à la riziculture sera, grâce à une maîtrise et une bonne gestion de l'eau, étendue à l'élevage et à toute l'agriculture, permettant ainsi aux paysans d'accroître la gamme de variétés des produits vivriers.

Dans le domaine social, s'agissant de la santé publique, le Gouvernement a élaboré depuis 1994 un plan national de développement sanitaire dont l'exécution devrait permettre d'assurer la sécurité alimentaire grâce à une bonne santé et une meilleure nutrition de la population. L'accès aux services de santé de base est privilégié, notamment les soins pour les enfants, les femmes enceintes et allaitantes.

Nourrir le monde en cette fin de XXe siècle est une préoccupation essentielle qui requiert la mobilisation de la communauté internationale. Il est possible d'accroître la production agricole, tout en préservant la nature. Il nous faut également lutter contre la désertification, l'érosion et la surexploitation des sols, en encourageant les producteurs à développer des méthodes d'exploitation respectueuses de l'environnement. Je suis, certes, venu m'exprimer en qualité de président de la République centrafricaine, mais vous voudrez bien permettre à l'ingénieur-agronome généticien, donc au chercheur individuel que je suis, de vous annoncer que j'ai pu mettre sur le marché centrafricain et sur le marché international une variété de maïs jaune dénommée "Maïs Patassé-Ngakoutou", dont le très haut rendement a été reconnu par la FAO. C'est ma contribution personnelle et, à travers moi, celle de mon pays, la République centrafricaine, à la lutte contre la faim dans le monde.

Je tiens à la disposition de la FAO, pour diffusion en circuit intégré pendant ce Sommet, un documentaire réalisé sur cette variété. Je voudrais enfin vous remercier de votre aimable attention et vous prier de bien vouloir partager avec moi cette idée, que seule une solidarité agissante peut faire en sorte que, non seulement nourrir le monde ne soit pas un slogan vide de sens, mais également que les prochaines décennies aient des lendemains meilleurs pour les populations de notre belle planète.


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