HAITI

Son Excellence Monsieur René Préval, Président de la République d'Haïti


C'est avec fierté et avec joie que je prends aujourd'hui la parole à l'occasion de ce Sommet mondial de l'alimentation. Au nom du peuple haïtien, au nom des millions d'hommes et de femmes qui constituent cette nation et qui ont lutté contre l'horreur militariste, contre le totalitarisme le plus abject et le plus meurtrier, au nom de tous les hommes et les femmes qui ont accueilli avec joie cette solidarité mondiale en faveur du peuple haïtien dans sa lutte pour en finir avec le coup d'Etat du 30 Septembre 1991 et restaurer la légitimité populaire et démocratique, au nom du Gouvernement de la République de Haïti et de tous les miens, la délégation haïtienne présente un salut cordial à tous les chefs d'Etat et de Gouvernement ici présents. Ce salut s'adresse également à tous ceux et à toutes celles qui, à un titre quelconque, ont travaillé pour rendre possible cette rencontre.

La faim dans le monde constitue l'un des aspects les plus tragiques de notre époque. Pour une grande partie de l'humanité, elle évoque de terribles souffrances et des drames collectifs ou individuels qui "handicapent" le devenir des sociétés et des personnes en quête d'épanouissement. En dépit des progrès réalisés par l'humanité en cette fin du XXe siècle, on retrouve, même au coeur de pays hautement industrialisés, le problème de la faim. Selon les rapports de la FAO, 800 millions de personnes souffrent dans le monde de sous-alimentation chronique. Deux cents millions d'enfants de moins de cinq ans sont atteints d'un déficit protéino-énergétique.

Les stocks mondiaux de céréales sont tombés à des niveaux très bas et les prix à l'exportation ont augmenté de 30 à 50 pour cent durant les dernières années. Pour les pays à faible revenu et à déficit vivrier, le coût de leurs importations devient insupportable. En même temps, les engagements d'aide extérieure tant bilatérale que multilatérale en faveur de l'agriculture dans les pays en développement sont passés de près de 16 milliards de dollars EU en 1988 à un peu moins de 11 milliards en 1993. Durant la même période, la part de l'aide publique, consacrée à l'agriculture, est tombée de 19 à 10 pour cent et ce en dépit du bon sens.

En Haïti, un million d'enfants souffrent de la faim et de la malnutrition. Pour des besoins alimentaires estimés à 1,7 million de tonnes équivalent-céréales en 1995, la production nationale de denrées alimentaires est estimée à 500 000 tonnes équivalent-céréales.

La poussée démographique est forte tandis que la production d'aliments est en stagnation. Cette situation, si elle n'est pas résolue au plus vite, réduira la perspective pour le Gouvernement de parvenir à un mieux être nutritionnel de la population alors que le droit de se nourrir s'impose comme l'un des droits humains fondamentaux, notamment pour les enfants. C'est donc bien à un défi sans précédent que fait face le Gouvernement actuel de Haïti.

Au nom du peuple et du Gouvernement de Haïti, je veux exprimer les positions suivantes à ce Sommet:

· Que la nourriture cesse de servir d'outil de pression politique;

· Que la capacité des Etats à fixer eux-mêmes leurs stratégies et leurs programmes d'action en fonction de leurs ressources et de leurs priorités de développement soit reconnue et respectée;

· Que la Déclaration de Copenhague en matière de réduction de la pauvreté, de satisfaction des besoins et de respect des droits fondamentaux des pauvres mérite d'être réaffirmée et réellement appliquée;

· Enfin qu'un mécanisme de suivi et d'évaluation du Plan d'action proposé soit mis en place.

· Nous espérons également:

· Que les différentes conventions sur le désarmement aboutissent à la reconversion des industries militaires pour financer les programmes de lutte contre la pauvreté et la malnutrition;

· Que la communauté internationale, à travers ses institutions spécialisées, apporte un support raisonnable aux investissements dans la recherche agricole, le crédit rural, les systèmes d'information et les analyses de politique liées aux pays identifiés comme étant à risque élevé d'insécurité alimentaire;

· Que des études sérieuses sur l'effet des politiques d'ajustement structurel soient entreprises tout en tenant compte des réalités très hétérogènes de nos pays;

· Qu'il soit reconnu de façon nette que la libéralisation du commerce international ne constitue pas une solution universelle au problème de la sécurité alimentaire et que, dans le cas des pays à déficit vivrier, elle peut parfois même la compromettre. Aussi, les décisions de Marrakech sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du Programme de réforme dans les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires doivent être soigneusement appliquées.

Quant à nous, Gouvernement haitien, nous nous engageons:

· A garantir un contexte politique, économique et social favorable à la sécurité alimentaire, en favorisant une participation élargie de l'ensemble de la société civile;

· A travailler en vue d'améliorer l'accès de notre population à une nourriture saine et adéquate, grâce à la mise en place d'une politique globale de sécurité alimentaire.

Les mesures ont commencé à être prises en ce sens.

Les dispositifs visant à mettre en place un programme de réforme agraire pour sécuriser et protéger les exploitants agricoles viennent d'être récemment lancés. Un plan global de sécurité alimentaire et de nutrition a été défini et fait actuellement l'objet d'un processus de concertation démocratique. Son principal objectif est d'élargir, à court et moyen termes, l'accès aux aliments et d'améliorer l'utilisation biologique de ceux-ci. Pour le long terme, d'autres actions viseront à augmenter notre degré de satisfaction des besoins alimentaires. Pour cela, il faudra stimuler la production nationale en respectant le capital ressources naturelles, en tenant compte des spécificités propres à chaque zone et des avantages comparatifs au point de vue économique, social et humain, tout en prenant des mesures appropriées de maîtrise de notre croissance démographique.

Dans l'immédiat cependant, compte tenu de l'état de détérioration dans lequel se trouve notre système de production, il faut avoir recours aux importations alimentaires. Parallèlement à la relance de la production agricole, des mesures immédiates de gestion rationnelle de ces importations seront prises.

La présence et la participation de la Délégation haïtienne à ce Sommet mondial de l'alimentation traduisent la ferme volonté du Gouvernement de travailler résolument avec l'ensemble de la communauté internationale à la lutte commune contre ce fléau que constitue la faim dans le monde. Cette présence exprime également la volonté du peuple haïtien d'instaurer une société plus équitable, condition indispensable à l'éradication de la pauvreté et de la faim sur cette terre.


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