TOGO

Son Excellence le Général Gnassingbé Eyadema, Président de la République togolaise


Avant toute chose, je voudrais, au nom de la délégation qui m'accompagne et en mon nom personnel, exprimer mes vifs remerciements au Gouvernement et au peuple italiens pour l'accueil chaleureux qu'ils nous ont réservé depuis notre arrivée à Rome, cette belle ville qui a marqué de son sceau l'histoire du Monde. Je voudrais également exprimer mes vifs compliments au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, au Directeur général de la FAO, au Président et aux membres du Bureau de ce Sommet, ainsi qu'à tous les experts pour les efforts qu'ils ont déployés pour la préparation et l'organisation de ce grand Sommet mondial. Le Togo est heureux de répondre à ce rendez-vous important qui nous rassemble aujourd'hui en ce haut lieu, d'où ont été déjà lancées des idées qui ont changé le destin des peuples et des nations.

Cette Conférence historique sur le lancinant problème de la lutte contre la faim, engagée depuis plus d'un demi-siècle par la FAO, continue de préoccuper la communauté internationale. L'originalité de la présente rencontre est qu'elle est basée sur le double souci d'éveiller, avec la caution des premiers responsables des pays de la planète, la conscience commune de l'humanité sur l'existence de millions d'hommes, de femmes et d'enfants privés de nourriture et d'engager les nations, avec détermination, dans la voie d'une solidarité plus active, pour éloigner de notre monde, le spectre de la faim. Le thème du Sommet n'est pas nouveau mais l'ampleur, les causes et les conséquences de la faim dans le monde donnent au sujet une nouvelle dimension.

Aujourd'hui, près de 800 millions d'hommes, de femmes et d'enfants des pays en développement souffrent de sous-nutrition chronique. Selon l'UNICEF, la mortalité infantile due à la malnutrition dans le monde est de 400 000 enfants par jour. Les groupes les plus défavorisés de la planète atteignent environ 1,1 milliard d'âmes, soit un cinquième de l'humanité tout entière. Les réalités régionales sont encore plus préoccupantes. Le continent africain reste aujourd'hui la région la plus pauvre du monde. En Afrique subsaharienne, le degré de pénurie par rapport au seuil de pauvreté est le plus fort: 19,1 pour cent contre 2,8 pour cent en Asie. La famine sur notre continent est extrêmement répandue et le nombre de gens souffrant de sous-alimentation avoisine 200 millions. Ce niveau déjà élevé peut atteindre 300 millions en l'an 2010 si rien n'est fait pour renverser la tendance. Cette situation inquiétante résulte de la pression démographique croissante. La population de l'Afrique, qui est aujourd'hui de 750 millions d'habitants passera à 1 milliard 500 millions en l'an 2025.

La dégradation des terres et de l'environnement, marquée par la progression du désert et la très forte vulnérabilité du continent aux catastrophes naturelles (sécheresse, inondations, ravages des criquets et des sauterelles, etc.), sont aussi des facteurs qui expliquent en partie la baisse constante de la production agricole en général et l'insuffisance des ressources propres, pour promouvoir un développement durable de la production vivrière. A l'insuffisance de la production agricole s'ajoute la réduction des aides publiques au développement. Ainsi, l'aide internationale publique à l'agriculture dans les pays en développement est passée de 16 milliards en 1988 à 10 milliards en 1994.

Le continent africain est donc le plus préoccupé par la réalisation de la sécurité alimentaire. Si aucune action n'est engagée pour mobiliser davantage de ressources en faveur du développement agricole dans les pays pauvres, notre engagement ici n'aura qu'une portée limitée. C'est pourquoi, je voudrais ici lancer un appel pressant à la communauté internationale pour qu'elle augmente de façon substantielle son aide au continent africain, afin de lui permettre de relever le défi de la faim. Les concours des donateurs aideront à moderniser progressivement les systèmes traditionnels d'exploitation, à mettre à la disposition du petit paysan l'eau dont il a besoin pour cultiver son périmètre de terre. Les aides venant des pays riches permettront également de s'attaquer aux multiples contraintes qui freinent la mise en oeuvre des stratégies nouvelles de développement agricole. Ces solutions exigent de toute évidence une participation plus active des agriculteurs eux-mêmes, assistés de vulgarisateurs et de chercheurs.

La lutte contre la faim, la malnutrition et la pauvreté dans le monde est un puissant désir qui doit guider le destin des peuples et de toute l'humanité. Elle est une invitation à penser et une incitation à agir. Dans ce combat légitime, la responsabilité qui nous incombe est à la fois individuelle et collective. Elle doit se fonder sur un ordre équitable qui permette un système ouvert et efficace dans les échanges mondiaux et un meilleur accès de nos produits sur le marché international. Si nous avons répondu à ce rendez-vous, c'est parce que nous avons à la fois le désir et les moyens de réaliser cet objectif commun. Cette quête permanente de la sécurité alimentaire pour tous englobe toutes les données sociales, politiques et économiques et commande d'affronter courageusement tous les problèmes cruciaux de notre temps. C'est pourquoi le Togo voudrait joindre sa voix à celle des autres Etats du tiers monde pour exprimer ses remerciements au G7 pour la décision prise dernièrement à Washington, visant à réduire de 80 pour cent la dette des pays les plus pauvres.

Enfin, je voudrais, dans le cadre de cette Conférence, saluer les efforts consentis par tous pour parvenir à l'importante Déclaration et au Plan d'action auxquels le Togo adhère pleinement. Nos experts ont suffisamment approfondi la question. Ils ont abouti à des conclusions et à des recommandations pertinentes, susceptibles d'amener les gouvernements à assumer la responsabilité qui leur incombe dans notre lutte commune contre la faim. La contribution active de tous les Etats et la ferme volonté de coopérer sur les plans national, régional et international, me semblent être les voies propices pour la mise en oeuvre des principes de la Déclaration et du Plan d'action que nous avons adoptés.

La population togolaise, estimée à 4 millions d'habitants cette année, atteindra en l'an 2000 5 millions d'âmes. Avec l'urbanisation rapide de 4,4 pour cent l'an pour l'ensemble des villes et de 6,1% pour la capitale, le tiers de la population vivra en milieu urbain en l'an 2000. Cette croissance rapide de la population et l'évolution qu'elle engendre ont pour conséquence une forte demande alimentaire assortie d'une modification des habitudes de consommation.

Face à cette situation, le Gouvernement togolais, soucieux d'intensifier la production alimentaire et agricole pour faire face aux besoins croissants de la population, a lancé un programme axé sur la croissance du secteur vivrier et la promotion d'une agriculture durable. Dans le cadre de ce programme, de vastes campagnes de sensibilisation et de mobilisation sont en cours, pour susciter une participation de plus en plus active des populations. Les conclusions de ce Sommet constitueront donc une des armes de ce combat pour parfaire nos stratégies en vue de sortir nos populations rurales de leur état actuel d'extrême pauvreté et de garantir à chacun le minimum vital.

Je voudrais rendre hommage à la communauté internationale, et plus particulièrement aux organismes et aux pays donateurs, qui n'ont cessé de conjuguer leurs aides pour soutenir et appuyer nos efforts de développement. C'est en nous appuyant sur cette solidarité de plus en plus active que nous pourrons assurer ensemble la sécurité alimentaire de la planète. Mais il va sans dire que, sans la paix, toutes les initiatives que nous prendrons ici pour soulager la misère des peuples déshérités ne seront que des leurres.

C'est pourquoi je souhaite que les pays qui nous apportent leur assistance pour le développement économique renforcent également leur aide dans les domaines des droits de l'homme, des libertés, de la paix et de la sécurité afin que les peuples déshérités puissent éloigner d'eux le spectre de la guerre ethnique ou fratricide et consacrer leurs efforts et leurs maigres ressources à la lutte contre la faim et la malnutrition. Je forme le voeu que cette nouvelle expression de la solidarité entre les peuples et les nations se concrétise et porte ses fruits pour le bonheur de notre humanité.


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