ZAIRE

Son Excellence Monsieur Mutombo Bakafwa Nsenda, Vice-Premier Ministre et Ministre des mines de la République du Zaïre


Avant toute chose, j'aimerais m'associer aux éminents orateurs qui m'ont précédé à cette tribune pour présenter, au nom de mon pays, de la délégation qui m'accompagne et au mien propre, mes vives félicitations, à vous-même Monsieur le Président, ainsi qu'aux autres membres du Bureau, pour votre brillante élection à la coordination des travaux de nos présentes assises. Ma délégation et moi-même saisissons l'occasion de la présente déclaration pour remercier le peuple italien de l'accueil chaleureux et de l'hospitalité dont nous sommes l'objet depuis notre arrivée dans cette belle ville de Rome.

Le Sommet mondial de l'alimentation de Rome, 1996, offre à chaque pays un cadre exceptionnel pour échanger, avec l'ensemble de la communauté internationale, son expérience sur un problème qui, depuis l'antiquité, demeure au coeur des préoccupations de tous les dirigeants des nations du monde, à savoir la faim et la pauvreté sur notre planète. Si, dans un proche avenir, les dispositions qui seront arrêtées au cours de nos travaux permettent de soulager tant soit peu la malnutrition et la pauvreté à l'échelle planétaire, alors ce Sommet aura atteint son but.

Comme vous le savez, la République du Zaïre est située au coeur de l'Afrique, de part et d'autre de l'équateur. Il dispose d'énormes potentialités agricoles et halieutiques. Son territoire, vaste de 2 345 000 km2, comporte environ 80 millions d'hectares de terres arables, près de 170 millions d'hectares de forêts, et des pâturages à même de nourrir 30 à 40 millions de bovins. Ses eaux continentales renferment un potentiel estimé à 700 000 tonnes de poissons par an. La diversité de ses climats ainsi que celle de ses sols permettent d'exploiter une gamme étendue de cultures. Outre ce potentiel agricole et halieutique, la République du Zaïre possède un sous-sol riche dont les substances minérales les plus exploitées sont le cuivre, le diamant, l'or, le manganèse, le cobalt et le zinc. L'énorme et dense bassin hydrographique du pays est drainé par un fleuve du même nom, le Zaïre, qui parcourt tout le territoire national du sud-est à l'ouest, en passant par le nord et le nord-ouest. Ce fleuve, long de 4 374 km, a la particularité de traverser deux fois l'équateur, ce qui explique que son débit de 40 000 m3/seconde, à l'embouchure, ne varie pas durant toute l'année. Le potentiel hydroélectrique du pays est évalué à 100 000 mégawatts, soit l'équivalent de 300 millions de tonnes de pétrole par an. Environ 40 pour cent de toutes ces ressources sont concentrées dans le site d'Inga. La population de la République du Zaïre est estimée actuellement à 44 millions d'habitants, soit près de 19 habitants au km2, et 70% de cette population vivent en milieu rural et se consacrent chaque jour aux activités agricoles.

Après cette brève présentation de mon pays, je voudrais aborder la question de la sécurité alimentaire proprement dite. Dans mon pays, l'agriculture vivrière fournit la majeure partie des denrées alimentaires de base, c'est-à-dire le manioc, le riz, le maïs, la banane, les produits carnés, les légumes et les fruits. Au cours des dix dernières années, alors que la production annuelle des principales cultures vivrières a connu un accroissement annuel moyen de 2,2 pour cent, la population, quant à elle, a enregistré un taux d'accroissement annuel moyen de 3,2 pour cent, créant ainsi un déséquilibre entre les besoins de la population et la production vivrière nationale. Toutefois, ce déficit est atténué d'abord par l'apport non négligeable des produits forestiers non ligneux provenant de la chasse et de la cueillette: gibier, chenilles, champignons, fruits sauvages, etc., ensuite par les importations commerciales, et enfin par les aides alimentaires.

La situation des disponibilités vivrières a connu dans notre pays quelques perturbations au cours de la période considérée. En effet, la République du Zaïre fait face, depuis cinq ans, à une crise persistante dont les causes sont à la fois internes et externes. Parmi les causes externes, il y a lieu de citer notamment un déséquilibre profond de la balance des paiements avec comme conséquence la dépréciation accélérée de la monnaie nationale et les accumulations d'importants arriérés de la dette extérieure; la suspension de la coopération internationale structurelle, suite principalement à la turbulence politique créée par le processus de démocratisation des institutions du pays, turbulence qui a eu des méfaits socioéconomiques profonds.

Les causes internes de la crise sont principalement liées à un déficit budgétaire chronique, à une hyperinflation persistante, à une raréfaction des biens manufacturés produits par une industrie locale tournant largement en dessous de sa capacité de production. Elles proviennent aussi de la désarticulation du système bancaire dans son rôle d'intermédiation financière, de la dégradation des infrastructures de base, de l'application difficile de prix agricoles rémunérateurs, du manque de disponibilité des intrants et de l'inefficacité des services d'encadrement.

La réalisation de l'objectif de la sécurité alimentaire est d'abord l'affaire de chaque Etat, quand bien même la communauté internationale se doit d'accompagner les Etats dans leurs efforts, au nom de la solidarité entre les peuples. En République du Zaïre, et particulièrement en cette période de crise multiforme qui secoue nos populations, le Gouvernement a entrepris depuis son entrée en fonction les diverses actions nécessaires au renforcement de la sécurité alimentaire et ce, dans tous les domaines. A ce titre, une série de mesures sont en train d'être prises sur le plan politique en vue de conduire le pays aux élections qui permettront l'installation des institutions démocratiques. Sur le plan économique et financier, le Gouvernement poursuit le programme d'assainissement visant principalement la désinflation, la lutte contre la défiscalisation de l'économie et le rétablissement de tous les équilibres macroéconomiques, tout en clarifiant le rôle et la dimension de l'Etat dans le processus de production et de commercialisation des biens et des services.

Des réformes sont aussi entreprises dans les autres secteurs de la vie de la nation en vue de poursuivre et de renforcer le rétablissement de l'autorité de l'Etat, de la sécurité juridique et judiciaire et de la sécurité des personnes et de leurs biens. En ce qui concerne le secteur de l'agriculture, un programme de relance est mis en application en vue d'assurer l'augmentation de la production vivrière, la réhabilitation des infrastructures d'appui à la production agricole, la conservation de la nature et de l'environnement, la recherche agronomique et zootechnique et la lutte contre les catastrophes naturelles et artificielles, en mettant en place des systèmes nationaux d'alerte.

Ce programme de relance du secteur agricole bénéficie de l'appui de la FAO, du Programme des Nations Unies pour le développement, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, du concours des ONG, surtout en ce qui concerne les catégories les plus défavorisées de la population.

Concernant les femmes, le gouvernement a poursuivi et renforcé des actions relatives à la promotion du statut de la femme en vue d'assurer son intégration et sa participation au processus de développement national, à la planification familiale, à la planification nutritionnelle et à la vulgarisation des technologies appropriées pour alléger son travail.

En faveur des enfants, plusieurs programmes, notamment ceux relatifs à l'éducation formelle, à l'alphabétisation, à l'éducation à la vie, au reclassement social sont en train d'être exécutés par l'Etat, les confessions religieuses et les ONG, en vue de l'épanouissement intégral de l'enfant.

Pour ce qui est des personnes handicapées, une Fédération nationale des personnes handicapées a été mise en place en 1988 par le Gouvernement. Elle a pour mission, entre autres, de procéder au recensement des associations et des coopératives des personnes handicapées, en vue de les mobiliser davantage et de mieux les intégrer dans la vie active de la communauté nationale.

Concernant les personnes du troisième âge, le Gouvernement a créé l'Institut national de la sécurité sociale pour la prise en charge des personnes retraitées. En outre, l'Etat et les organisations privées, laïques et religieuses apportent une assistance en nourriture, en habillement, en logement et en soins médico-pharmaceutiques à ces personnes du troisième âge grâce à des maisons de retraite disséminées dans tout le pays.

Mon pays ne peut rester insensible aux différents propos tenus par les uns et les autres au cours de ces assises, en raison du drame qui se déroule dans sa partie Est, à Goma et à Bukavu, où le sort de millions d'êtres humains se joue dans l'indifférence totale de la communauté internationale et des gouvernements dont ces êtres sont originaires.

Depuis plus de trente ans, à l'avènement des indépendances africaines, le Zaïre a adopté et respecté la politique de bon voisinage et celle de la coexistence pacifique avec tous ses voisins. Se fondant sur ces principes et sur ceux qui régissent l'Organisation des Nations Unies, mon pays a accueilli sur son territoire, au cours du mois de juillet 1994, plus de trois millions de réfugiés rwandais et burundais fuyant la mort et l'extermination dans leur pays pour s'établir principalement dans les régions du nord-Kivu et du sud-Kivu.

Cette présence massive, prolongée et inédite des réfugiés a eu des effets néfastes dans différents secteurs de la vie des populations de notre pays. Il s'agit des secteurs de l'environnement, en particulier la grave dégradation due à la déforestation, la destruction des parcs nationaux de Virunga et de Kahuzi-Biega et au braconnage d'espèces rares et protégées dont le nombre est passé de 40 000 à 16 000; de l'agriculture et de l'élevage, surtout en ce qui concerne l'occupation des terres arables, la destruction de cultures et la consommation des semences; des infrastructures de base, dont l'endommagement considérable des routes, ports, aéroports, écoles et hôpitaux; dans le domaine de l'économie, où le cheptel du nord-Kivu, qui était de 450 000 têtes, est tombé à 30 000 têtes à ce jour. L'introduction des devises sur le marché local par la présence de plusieurs organismes humanitaires a provoqué l'érosion de la monnaie, la hausse vertigineuse des prix des biens de consommation usuelle et la baisse du pouvoir d'achat de la population dans une région qui était hier le grenier du Zaïre.

Comme affirmé plus haut, la réalisation de l'objectif de la sécurité alimentaire est d'abord l'affaire de chaque Etat et de chaque Gouvernement.

Les réfugiés qui vivent aujourd'hui par milliers dans l'est du Zaïre appartiennent à des Etats dirigés par les gouvernements qui ne peuvent sous aucun prétexte se dérober à leurs responsabilités de recevoir leurs compatriotes à l'intérieur de leurs frontières.

Le Zaïre, victime de la présence massive et prolongée des réfugiés rwandais sur son territoire, apparaît aujourd'hui sur la scène internationale comme l'auteur des troubles dans la région des grands lacs. De l'attention particulière, de l'assistance spéciale et de la reconnaissance que notre pays devait attendre de la communauté internationale, en vue de réduire et réparer tant soit peu les graves maux et préjudices endurés par ses populations de par cette présence encombrante des réfugiés rwandais, le Zaïre ne récolte qu'indifférence, ingratitude, voire mépris, de la part des pays d'origine des réfugiés, des Nations Unies et de la communauté internationale. C'est pourquoi le Zaïre lance un appel pressant aux peuples du monde réunis à l'occasion du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire pour que toute action urgente ou toute aide humanitaire destinée aux réfugiés soit déposée et distribuée dans leur pays d'origine, au Rwanda et au Burundi, et non au Zaïre.

Je vous ai décrit la situation alimentaire de la République du Zaïre, mon pays. Je vous ai ensuite exposé les principaux éléments des programmes qu'applique actuellement mon gouvernement, avec le concours des agences du système des Nations Unies et des ONG, en vue d'assurer la sécurité alimentaire. Je vous ai enfin précisé que, concernant la situation qui prévaut actuellement dans la partie est de mon pays, l'action urgente à prendre consiste à ce que toute l'aide humanitaire destinée aux réfugiés soit déposée et distribuée dans leur pays d'origine. Le monde entier assiste aux présentes assises du Sommet mondial de l'alimentation; cela veut dire que le monde entier est décidé d'assurer davantage et de manière durable la sécurité alimentaire de tous les peuples du monde, c'est-à-dire la disponibilité alimentaire, la stabilité des approvisionnements et l'accès aux vivres suffisants, équilibrés et réguliers, pour toutes les couches sociales.

La République du Zaïre, mon pays, est consciente de cette nécessité vitale. Aussi me dois-je de prendre, au nom de mon Gouvernement, l'engagement solennel d'assurer à mon pays un environnement politique, social et économique propice à l'éradication de la pauvreté, au maintien de la paix sociale et à la garantie de la sécurité alimentaire durable pour tous.

Il ne reste plus qu'à formuler le voeu de voir les présentes assises jeter les bases d'une réussite plus certaine, de la volonté de la communauté internationale de vaincre la faim et d'accorder à tout moment à toutes les populations du monde l'accès effectif à une nourriture suffisante, régulière et équilibrée.


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