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UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE

Association de tous les acteurs

Dès le début, la démarche du projet, à la fois pragmatique et empirique, va dans le sens de l'approche «Femmes et développement», recherchant donc une meilleure "intégration" des femmes dans le processus du développement. Cette approche prévoit un appui direct aux femmes et leur renforcement économique et organisationnel, sans pour autant mettre en question, au niveau des débats, les inégalités dans les relations de pouvoir et la position de subordination des femmes à l'autre sexe.

Tous les aspects mettant en évidence ces inégalités, par exemple l'accès à la terre, la participation au Conseil du village, la maîtrise de la propre vie, la question ouverte de la soumission des femmes et les possibilités d'une redistribution du pouvoir, ont été abordés transversalement, à travers la mise en place d'activités socio-économiques qui ont permis aux femmes de démontrer leurs capacités, leur force et leur détermination. Cela a déclenché un processus de prise de conscience des contraintes qu'il restait à surmonter pour parvenir à des relations plus égalitaires, qu'il s'agisse d'obstacles liés aux moyens, aux ressources, aux espaces ou aux opportunités.

Les problèmes structurels de la zone pastorale de Kayes-Nord ont orienté les actions du projet dès la première phase. A partir d'un diagnostic participatif des contraintes et des potentialités, l'ensemble de la population a été associée à l'analyse des besoins et des priorités dans le domaine productif, socio-économique et socio-sanitaire. Des activités d'animation, de formation et de vulgarisation ont accompagné ce processus.

Les secteurs d'intervention étant étroitement liés, les effets de chaque action ne se sont pas limités au secteur proprement dit, mais ont concerné tous les aspects de la vie des femmes et du village. L'appui aux femmes a eu des effets bénéfiques pour les hommes qui sont passés d'une réticence initiale aux initiatives des femmes, voire d'une certaine hostilité, à un soutien plus actif.

Pour augmenter la confiance dans le projet et introduire des changements dans la condition des femmes sans bouleverser les relations sociales, il a été choisi d'appliquer une démarche qui s'est caractérisée par les principes suivants, maintenus pour toute la durée du projet:

le respect de la hiérarchie et des structures existantes;

la valorisation des leaders naturels;

l'identification d'activités concrètes pouvant stimuler les femmes à s'organiser;

la promotion de la volonté et de la solidarité pour résoudre les problèmes communs et pour acquérir force et pouvoir.

La validité de la démarche retenue a été confirmée par le développement des organisations féminines dans la zone.

Les aspects relatifs à la qualité de la vie, au statut des femmes et à leur autonomie économique ont été abordés d'une manière transversale:

Qualité de la vie : l'animation a porté sur une multitude d'aspects, tels que la santé, l'alimentation/nutrition, l'environnement, les infrastructures rurales, les conditions de travail, etc.

Statut des femmes : dans ce domaine, le projet a opéré un bouleversement résolu. Deux éléments clés ont véhiculé le changement: les nouvelles techniques culturales et les ouvrages hydrauliques dont l'impact a été fondamental, au regard des carences alimentaires, agricoles et hydriques du Sahel.

Autonomie économique des femmes : la production maraîchère a permis aux femmes, d'une part, de satisfaire à leurs besoins de subsistance et, de l'autre, d'entrer dans le circuit de commercialisation local. Le développement de l'artisanat (savonnerie, teinture), du petit élevage et de la production céréalière a joué également un rôle essentiel. Cependant, il n'existait pas d'infrastructures aptes à écouler ces nouvelles productions, de sorte que de nouveaux marchés ont dû être créés. L'insertion directe des femmes dans le domaine de la production s'est faite en complémentarité et en cohérence avec les activités conduites par les hommes.

Ces différentes étapes se proposaient de susciter de nouveaux comportements et de trouver des réponses novatrices sans pour autant bouleverser la situation ni susciter de conflits. Par ailleurs, elles prenaient en compte les différents aspects de la promotion féminine en les intégrant à la logique globale du village.

Au cours des deux premières phases, le projet avait ciblé des groupes de femmes en s'assurant préalablement l'accord des instances villageoises. En dépit de ses effets bénéfiques (la diminution des migrations saisonnières, l'accroissement de la participation des femmes aux processus de prise de décision, le renforcement de la solidarité et de l'esprit communautaire), cette démarche a en quelque sorte généré une présomption des responsabilités et des droits des hommes par rapport aux femmes, créant des confusions quant aux engagements pris avec le projet, aux décisions et aux responsabilités des groupements d'une part et des autorités de l'autre.

En revanche, la troisième phase a définitivement fait des femmes les bénéficiaires directes des actions et des groupements féminins le moteur du développement des villages, dès lors qu'à travers les femmes, les bénéfices retombent directement sur les familles et sur la communauté villageoise.

Etapes de l'animation

  • le village demande l'appui du projet;
  • l'équipe d'animation prend contact avec la chefferie du village;
  • des réunions avec les femmes sont organisées, notamment pour identifier des leaders;
  • les problèmes les plus aigus sont hiérarchisés et un consensus sur les priorités est recherché;
  • des solutions en accord avec les ressources du milieu et du projet sont proposées;
 
  • la planification des opérations est faite avec les différentes acteurs;
  • les activités sont mises en oeuvre, avec l'appui des leaders;
  • le suivi des réalisations et l'analyse des résultats sont assurés de façon constante;
  • des nouvelles actions sont discutées et planifiées.


Initiatives des femmes

Les villages ont été répartis en villages-base et en villages satellites. Par base, on entend un village pilote qui, par tradition et autorité, influence le développement dans les autres villages dits satellites et dont le groupement féminin doit servir d'exemple. C'est dans le village-base que réside l'encadreur PRODESO et que se concentrent les activités du projet. A la fin du projet, on comptait 16 bases, dont 14 couvertes par les agents d'encadrement et 2 suivies par l'animateur et l'équipe du projet.

Les groupements féminins

Pour les femmes, s'organiser en groupement signifie d'abord sortir de l'isolement, se rencontrer et discuter ensemble en dehors de l'entourage familial et s'aider mutuellement. L'entraide a toujours existé, mais elle se limite à la famille étendue. En effet, les femmes, intégrées dans la famille du mari et souvent dans un mariage polygame, sont des étrangères l'une pour l'autre ; elles ne se connaissent pas et se regardent même avec méfiance. Aussi, les femmes considèrent-elles la constitution d'un groupement comme un fait très important et, lorsqu'elles en parlent, elles mettent l'accent sur l'entente et la solidarité, sur la confiance en soi et sur leur nouvelle indépendance.

Les groupements réunissent soit toutes les femmes d'un village, soit un certain nombre d'entre elles qui travaillent avec le projet. Le nombre des membres peut varier de 15 à 300. Les groupements sont en général composés de femmes adultes et mariées qui, surtout dans la dernière phase, ont été sensibilisées à l'importance de transmettre leurs connaissances et savoir-faire aux filles, pour les rendre plus autonomes. Ainsi, des groupes de jeunes filles se sont formés à leur tour, s'associant parfois aux formations dispensées aux groupements féminins.

Les groupements féminins organisent des champs collectifs dont la production peut, d'une part, générer des revenus destinés à la caisse du groupement et, de l'autre, alimenter une banque de céréales. Les décisions relatives à l'utilisation des fonds sont prises au sein du groupement, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre d'activités d'intérêt communautaire (puits, pharmacie, fêtes, etc.) ou de la constitution d'une garantie pour obtenir des crédits, dont l'octroi dépend de la capacité d'épargne du groupement. La plupart des groupements féminins ont ainsi ouvert des comptes bancaires pour y déposer leurs épargnes et ont commencé à se familiariser avec les structures financières.

Chaque groupement est géré par un comité d'animation, composé des femmes les plus sages et les plus respectées. Les responsabilités sont partagées suivant un schéma assez classique: présidente, vice-présidente, secrétaire aux relations extérieures, secrétaire, trésorière, trésorière adjointe, commissaire au compte, organisatrice. De fait, chaque membre du comité représente un groupe de travail au sein du groupement qui s'occupe, à tour de rôle, des travaux dans le champ collectif, de l'assainissement du village, du traitement de l'eau potable, etc.

Quelque 30 groupements féminins se sont dotés d'un récépissé qui marque leur statut juridique et se sont érigés en associations. Cela a favorisé une prise de conscience du rôle du groupement dans la vie socio-économique du village et du niveau de représentativité atteint par les organisations des femmes.

Suivant l'exemple des villages où le projet a appuyé les groupements féminins, des noyaux d'organisation sont nés un peu partout dans la zone de Kayes-Nord, ainsi qu'au sud de la région, où les femmes ont commencé à s'organiser en groupes et à développer des activités soit communautaires soit individuelles. Ce dynamisme est de plus en plus soutenu par les hommes et les autorités villageoises qui se sont adressés au projet pour qu'il appuie les femmes dans leurs entreprises.

LE SCHÉMA D'ORGANISATION PEUT ÊTRE RÉSUMÉ DE LA FAÇON SUIVANTE:

  • Dans chaque village le groupement féminin (GF) est le bénéficiaire direct de l'assistance et de l'appui offerts par le projet.
  • Au sein de chaque groupement, un comité d'animation est responsable de la mobilisation et de l'information des femmes membres, ainsi que de l'organisation d'activités de formation et de vulgarisation.
  • Au sein de ces groupements, souvent très importants, le projet favorise la constitution de groupes d'intérêt économique (GIE) en vue du développement d'activités productives et de l'auto-organisation.
 
  • Chaque groupement élit une animatrice chargée des relations à l'intérieur et à l'extérieur du GF, ainsi que du transfert des formations reçues et des savoir-faire aux femmes membres.
  • L'évolution des groupements en associations juridiquement reconnues est appuyée avec détermination pour que ceux-ci puissent bénéficier des appuis et de l'assistance technique prévus pour les organisations paysannes et pour que soit renforcée la participation des organisations féminines aux décisions relatives au développement du secteur rural.

Les groupes d'intérêt économique

Alors que le groupement féminin joue le rôle d'agglutinant social et influence le développement dans le village en stimulant la prise de conscience de la population sur les problèmes sociaux (éducation des jeunes filles, malnutrition, santé, assainissement/environnement, etc.), les groupes d'intérêt économique (GIE) constituent le moteur des activités économiques des femmes, dans le sens où ils permettent d'améliorer les revenus et de valoriser la position des femmes au sein de la famille.

La constitution des GIE se fait par affinité, famille ou activité; elle facilite la répartition des tâches, l'accroissement de la responsabilité individuelle, un meilleur contrôle de l'efficacité des activités, ainsi que la création de revenus directs et individuels pour ses membres. Les activités entreprises par ces groupes ont concerné principalement le petit commerce, l'embouche ovine, la saponification, la teinturerie et les pharmacies villageoises. Par effet de multiplication, nombre de GIE se sont organisés dans les villages sans appui direct du projet. Pour le moment, grâce notamment à la présence des marchés hebdomadaires et des boutiques villageoises, cela n'a pas provoqué de phénomènes de surproduction ou de compétition entre les GIE, même s'il faut noter que ce risque existe.

Les GIE ont été les principaux bénéficiaires des crédits octroyés par le projet sur la base de la caution solidaire offerte par les groupements féminins, auxquels revient le contrôle sur les activités proposées par les GIE, en plus du respect des engagements. L'analphabétisme et la faiblesse des capacités de gestion ont constitué des limitations que le projet a cherché à surmonter par des formations et des cours d'alphabétisation fonctionnelle. Cependant, étant donné la multiplication des GIE et l'absence d'un professionnel en la matière, l'expérience des GIE peut être évaluée uniquement au niveau des groupes les plus performants, qui ont su profiter régulièrement du renouvellement et de l'augmentation annuelle du crédit. Ces GIE peuvent réellement justifier, moyennant des données techniques, les choix qu'ils ont opérés, évaluer les bénéfices obtenus et donner de nouvelles idées en fonction de la réussite de leurs activités.

En effet, c'est au niveau de ces groupes d'intérêt économique que le projet a assuré un processus d'apprentissage qui a permis de définir des critères plus stricts pour l'octroi des crédits, de fournir un suivi plus précis et une meilleure planification des activités, de parvenir à un partage plus efficace des responsabilités entre les femmes.

Les animatrices rurales

Dans le schéma organisationnel du groupe cible, le rôle des animatrices rurales élues au niveau de chaque groupement féminin est fondamental. Reconnues par les villages et cooptées par le projet à cause de l'expérience et de la confiance dont elles bénéficient de la part des femmes et de la population, elles assurent une fonction de liaison, d'animation et d'information entre le projet, les groupements et le village. De plus, elles représentent une garantie de durabilité du dynamisme et des actions développées au sein des groupements.

Le choix de l'animatrice parmi les membres du groupement s'explique par le fait que le travail de celle-ci, entièrement bénévole, doit bénéficier du consensus du groupement et ne pas dépendre de l'existence du projet. S'agissant d'un travail à titre gratuit, les groupements féminins ont été encouragés à récompenser l'apport de l'animatrice moyennant, par exemple, un pourcentage de la production collective, une prime annuelle ou de la main-d'oeuvre sur sa parcelle ou dans son ménage. Pour mieux garantir la continuité de l'animation, les groupements ont été poussés à choisir une animatrice suppléante et déjà deux tiers d'entre eux ont deux animatrices.

Le projet a accordé aux animatrices une attention particulière; elles ont ainsi constitué la cible des formations dispensées, des échanges et des voyages d'études effectués. Un certain nombre d'animatrices est déjà en mesure d'assurer les formations en teinture et savonnerie et en certaines techniques de maraîchage.

Les animatrices les plus dynamiques sont désormais capables de chercher les appuis dont elles ou leur groupement ont besoin. La continuité de leur rôle dépend de la prise en compte, à la fin du projet, du réseau des animatrices par les services techniques, ainsi que de l'évolution de l'Union des groupements féminins de Kayes-Nord, dont les animatrices sont les principales promotrices.

A travers le récit d'une des animatrices les plus actives, Goundo Kamissoko, 35 ans, mariée et mère de 5 enfants, présidente et animatrice du groupement féminin de Somankidi Coura (16 membres), nous pouvons saisir un parcours d'apprentissage et d'émancipation.

Le cas de Goundo n'est pas représentatif de toutes les animatrices du projet, puisque beaucoup de facteurs influent sur la possibilité, pour une animatrice, de profiter des opportunités offertes par le travail avec le projet : le fait d'être alphabétisée, de parler français, la condition sociale, l'accessibilité et les relations de son village, l'esprit d'ouverture du mari, l'âge, etc. Pourtant, il reflète un élément primordial : l'investissement dans la formation des femmes peut donner des résultats vraiment extraordinaires.

Histoire de Goundo Kamissoko, animatrice et présidente du Groupement des femmes de Somankidi Coura

Goundo a commencé à travailler avec le GCP en 1990. Elle avait 26 ans. A l'époque, son mari l'informa qu'il y avait à Kayes un projet (le GCP) qui formait les femmes sur les techniques artisanales. C'est ainsi que Goundo et une femme de Somankidi ont été formées à la teinture et à la production de savon.

«Après la formation, raconte Goundo, on a pris contact avec madame Diarra. On lui a expliqué l'organisation des femmes de Somankidi Coura et on a demandé un prêt (185 000 FCFA) pour faire le savon et la teinture. En six mois, on a remboursé le prêt et on a obtenu un bénéfice de 195 000 FCFA pour les 12 femmes du Groupe d'intérêt économique. Avec cet argent, on a ouvert un compte pour ne pas garder l'argent à la maison et aussi pour avoir les intérêts.

Les matières premières pour l'artisanat, on les achetait avec l'argent des cotisations (3.000 FCFA/an par 12 femmes) qui ont également servi à l'achat d'un moulin pour l'arachide. Les revenus du moulin ont servi à leur tour pour les semences, les médicaments, etc.»

Goundo a formé alors les femmes de Kabaté, de l'Union de coopératives agricoles de Kayes (URCAK), dont elle et son mari sont membres depuis 1989, et du Centre de formation professionnelle de Bakel, au Sénégal. Ceci lui a permis d'avoir des revenus personnels.

«J'ai fait un recyclage en teinture à Bamako. J'était avec Salama Bathily, l'animatrice de Mogoyafara. C'était la première fois que je m'absentais mais cela n'a pas posé des problèmes avec mon mari. Pour la teinture, je donne des cours aux femmes des villages encadrés et à d'autres. Le revenu varie: il peut être de 15.000 FCFA/jour, pour 7-10 jours de formation.

En 1995, en Côte d'Ivoire, j'ai reçu, avec d'autres animatrices, la formation en "cabakourouni", une technique améliorée de fabrication de savon. Le stage était organisé par le projet. Depuis, je suis appelée un peu partout (Kenieba, Bafoulabé, Walia, Kayes-Nord...). La technique cabakourouni est très demandée parce que le savon est très apprécié sur le marché».

«Grãce au projet, j'ai fait des voyages d'étude au Mali et à l'extérieur. J'ai connu des expériences et des réalités différentes. Ensuite, le projet nous a aidé pour l'embouche ovine avec un crédit et une assistance technique. Les résultats ont été tellement bons qu'en 1998, le groupement féminin a demandé un crédit pour l'embouche bovine qui était jusque là réservée aux hommes. Pour la teinture et le savon, le groupement féminin de Somankidi (16 femmes) est déjà autonome puisqu'il dispose d'un fonds de roulement. A l'occasion des fêtes et au début de la saison des cultures, l'argent de la caisse est partagé. Tous les membres reçoivent la même somme et le partage est enregistré dans le cahier du groupement» (aujourd'hui Goundo veut ouvrir un compte personnel à la banque, à Kayes, pour y verser ses épargnes).

En 1997, les femmes de Somankidi ont été alphabétisées en soninké. Goundo est devenue la Présidente du Comité d'organisation de l'Association Madi Kaama Musundo, qui regroupe 60 villages de Kayes. Celle-ci promeut le soninké, grâce à un concours national thématique, où les meilleurs textes sont édités en soninké et en français. Le prix «Madi Kaama» a encouragé les femmes de Somankidi Coura à participer. Deux femmes de Koussane et de Kirane, encadrées par le Projet, ont gagné le deuxième prix en 1997.

Goundo est reconnaissante au projet qui leur a permis à elle et aux femmes de Somankidi d'évoluer: alphabétisation, formations, animation... les femmes ont pu se faire une place dans le village et dans l'URCAK où, au début, il n'y avait que des hommes. Maintenant, il y a une commission chargée spécifiquement de la promotion féminine.

Les associations

Afin d'augmenter la représentativité des femmes, le projet a promu la constitution des groupements féminins en associations. Il s'agit d'organisations juridiquement reconnues par l'administration et qui disposent d'un statut et d'un règlement intérieurs. Pendant la troisième phase, 8 associations inter-groupements se sont constituées et 30 groupements féminins sont devenus des associations officielles avec récépissé. Elles deviennent ainsi un interlocuteur obligatoire et sont parties prenantes dans les programmes d'assistance et de formation que les différents services techniques d'appui au monde rural se proposent de mettre en place dans la région.

Les associations, émanation directe des groupements devant faire face aux mêmes contraintes que les groupements féminins - analphabétisme, manque de formation, d'outils et de maîtrise - ont toujours besoin de suivi et d'assistance, surtout au niveau du renforcement des capacités de gestion, de la formation technique et de la capacité à trouver de façon autonome des partenaires techniques et financiers pour la promotion de micro-projets.

L'Union des groupements féminins de Kayes-Nord

A été fondée par les animatrices rurales et par les femmes les plus dynamiques d'une trentaine de groupements féminins, ainsi que par la coordinatrice du projet. Elle est née dans le but d'assister les groupements de la zone et d'assurer le lien entre les groupements féminins et les autres instances de développement présentes dans la région. A l'Union adhèrent aussi les groupements érigés en associations.

L'Union se propose d'aider les groupements féminins à trouver des solutions aux problèmes concernant:
  • l'acquisition des matières premières et des intrants pour les activités d'agriculture et d'artisanat;
  • l'alphabétisation et la formation technique;
  • l'assistance des services techniques;
 
  • la recherche de partenaires techniques et financiers pour la promotion de micro-projets;
  • la promotion et la participation des femmes rurales à tous les niveaux de la vie sociale.

Pour éviter que la participation soit formelle, l'adhésion est individuelle même si chaque femme représente effectivement son groupement d'appartenance. La cotisation des membres s'élève à 2 500 FCFA par mois, somme versée sur le compte bancaire de l'Union. Un Bureau de coordination a été mis en place avec les personnes les plus actives. La présidente de l'Union, élue par l'assemblée des déléguées, est Mme. Diarra, la coordinatrice du projet GCP.

L'Union étant née lorsque le projet arrivait à son échéance, l'organisation de cette structure n'a pas pu recevoir tout l'appui nécessaire à son renforcement, surtout en ce qui concerne la gestion et la formation des membres du Bureau de coordination. Cependant, la naissance de l'Union est un fait très important pour garantir la durabilité des acquis, le développement des organisations féminines de la région, leur visibilité ainsi que le soutien aux activités productives et socio-économiques des femmes rurales.

Un appui direct à l'Union, après la fin du projet, constituerait une garantie de continuité et de soutien pour l'ensemble des groupements féminins actifs dans la zone de Kayes-Nord et en même temps pour ceux qui sont en train de s'organiser dans la région.

Suivi-évaluation: un regard critique

Le chef du village de Diadoumbéra montre les produits du maraîchage des femmes.
Là où jadis on ne voyait jamais une salade ou une tomate fraîche, on consomme aujourd'hui des légumes très variés.

Dans les deux premières phases du projet, le suivi a été purement empirique. En effet, il n'y a pas eu de collecte et d'organisation systématiques des données sur la situation socio-économique des villages. Le "cahier de bord" de la coordinatrice, ses notes et sa mémoire ont constitué la source de la plupart des informations. Par ailleurs, les instances de tutelle ne semblent pas avoir exigé une restitution régulière des informations et des résultats concernant ce projet.

L'impact du projet pendant cette période a donc été évalué à partir des résultats visibles sur le terrain et des rapports périodiques élaborés par la coordinatrice du projet. La mission d'évaluation de la deuxième phase en 1993 a insisté sur la nécessité d'un suivi régulier des activités, ainsi que d'une programmation fondée sur la concertation entre bénéficiaires, villages, administration et projet. Les appuis nécessaires pour assurer le suivi et l'évaluation ont été par conséquent précisés. C'est seulement lors de la troisième phase qu'un système de suivi a été mis en place. Son application a toutefois rencontré plusieurs obstacles, notamment: le démarrage tardif des monographies, les blocages de la collecte de données par les Agents de vulgarisation de base suite à l'introduction du PNVA.

En ce qui concerne la programmation des activités, les étapes suivantes ont été respectées:
  • écoute, dialogue et négociation avec les villages, les groupements et les femmes de la zone d'intervention;
  • retour d'information vers le projet par le biais de l'équipe et des encadreurs;
  • synthèse des données, besoins et demandes des bénéficiaires et organisation du travail avec les ressources à mobiliser pour l'exercice à venir;
  • planification des activités.
  
En ce qui concerne la programmation, le suivi et l'evaluation, les outils suivants ont été conçus:
  • monographies des villages-base;
  • rapport mensuel des encadreurs;
  • fiches de collecte de données sur les différentes activités à partir des indicateurs retenus;
  • dossier village pour regrouper toutes les informations;
  • carte des réalisations du projet.

La création d'une base de données informatisées, collectées à partir des monographies et des fiches de suivi des activités, était prévue dès le début de la troisième phase, mais ce n'est qu'en 1997 que la collecte des données et le suivi sont devenus plus réguliers en ce qui concerne les crédits, les activités agricoles, l'alphabétisation et les formations.

L'informatisation des données a été discontinue à cause aussi des coupures continues de courant, de sorte qu'il a été difficile d'apprécier la qualité des données collectées et du travail effectué par les enquêteurs. Il aurait fallu tenir compte des contraintes structurelles pour la mise en place d'un suivi de cette ampleur et mieux adapter le système aux capacités réelles de gestion de l'équipe et de l'encadrement. Si tous ces moyens avaient été investis dans une formation/ alphabétisation approfondie et appropriée des animatrices et d'un groupe restreint de femmes qui assurent le suivi dans leurs villages respectifs, on aurait renforcé les capacités d'auto-évaluation et garanti davantage l'autonomie du système.

Enfin, il faut signaler que les défaillances de l'équipement informatique n'ont jamais été compensées par un travail d'enregistrement systématique des différentes activités réalisées avec les groupements et les villages. Certains outils de collecte d'informations et de documentation proposés, tels que le "dossier village", le cahier de visite et la carte des réalisations, ont été adoptés seulement à la fin de la troisième phase. S'ils avaient été utilisés à temps, ils auraient pu pourtant constituer un outil pratique de suivi.

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