FO:AFWC/2000/5


 

COMMISSION DES FORÊTS ET DE LA FAUNE SAUVAGE POUR L'AFRIQUE

Point 7 de l'ordre du jour provisoire

DOUZIÈME SESSION

Lusaka (Zambie), 27 - 30 mars 2000

CRITÈRES ET INDICATEURS DE GESTION DURABLE DES FORÊTS ET IMPLICATIONS SUR LA CERTIFICATION ET LE COMMERCE POUR L'AFRIQUE

Note du Secrétariat


RÉSUMÉ

Le présent document décrit les différents processus et initiatives internationaux et régionaux d'élaboration de critères et indicateurs pour la gestion durable des forêts et étudie le lien entre ces processus et initiatives et les efforts de certification. Il fait ressortir leur complémentarité et indique quelles seront leurs implications sur le commerce des produits forestiers.

 

LA GESTION DURABLE DES FORÊTS EST UN OBJECTIF FONDAMENTAL

1. La gestion durable des forêts (GDF) constitue le fondement d'un développement durable du secteur forestier. L'un des principaux enjeux pour les pays africains est de définir cette gestion durable des forêts en fonction des intérêts nationaux et locaux, présents et futurs, et de la valeur de ces forêts. La deuxième gageure est de parvenir à traduire cette notion de gestion durable, au sens large de gestion des rôles environnemental, social et économique des forêts, en des pratiques applicables sur le terrain.

CRITÈRES ET INDICATEURS POUR LA GESTION DURABLE DES FORÊTS

CRITÈRES ET INDICATEURS AU NIVEAU NATIONAL

2. Pour atteindre cet objectif de gestion durable des forêts, une des actions conduites par les pouvoirs publics et d'autres institutions, par les ONG et par le secteur privé consiste à élaborer des "critères et indicateurs de gestion durable des forêts", dans le but de faciliter la traduction de ce concept en outils pratiques pouvant être appliqués à la gestion du secteur et de répondre au besoin pressant de dégager une définition commune du concept de gestion durable des forêts. Les critères et indicateurs au niveau national aident les décideurs, notamment les responsables de la planification et des politiques, à définir ce qui constitue la gestion durable des forêts et à fixer des lignes directrices et suivre les tendances dans la durabilité des biens et services fournis par les forêts d'une nation. Ces critères et indicateurs ont enfin été élaborés après que les pays eurent réclamé des moyens concrets d'appliquer cette notion à l'échelon national ainsi que des données repères qui leur permettraient d'en mesurer les progrès et d'en suivre l'évolution.

3. Les critères et indicateurs au niveau national contribuent à orienter les politiques, règlements et lois appliqués à l'ensemble du territoire national. Ils aident les pays à surveiller et à rendre compte de l'évolution des tendances générales en matière de gestion des forêts. Des tendances positives de la durabilité se manifesteront par une évolution à la hausse de l'ensemble des indicateurs retenus. En d'autres termes, les tendances doivent suivre une courbe positive. Il devient alors possible, en fonction des renseignements recueillis sur les tendances à l'échelon national et des prévisions qui en découlent de rationaliser et d'améliorer les décisions prises et les mesures adoptées. L'objectif final de ce processus est de promouvoir à terme des pratiques améliorées de gestion forestière et de favoriser le développement d'un patrimoine forestier plus sain et plus productif, répondant aux besoins sociaux, économiques, environnementaux et politiques, présents et futurs, des pays intéressés.

4. Les critères au niveau national définissent l'éventail des valeurs forestières qui doivent être étudiées et les éléments essentiels ou principes de gestion des forêts à l'aune desquels la durabilité des forêts pourra être évaluée. Chaque critère renvoie à un élément clé de durabilité et peut être décrit par un ou plusieurs indicateurs. Ces indicateurs mesurent des attributs quantitatifs et qualitatifs spécifiques (et reflètent les valeurs forestières perçues par le groupe d'intérêt qui a défini chaque critère). Ils facilitent le suivi de l'évolution des tendances de la durabilité de la gestion des forêts. L'évolution des indicateurs d'une période à l'autre indique si un pays se rapproche ou s'éloigne de la durabilité. Vus sous cet angle, les critères et indicateurs sont, par exemple, comparables aux indicateurs économiques comme les taux d'intérêt et les taux d'inflation que les gouvernements utilisent pour juger de la santé d'une économie. Si ces indicateurs semblent indiquer qu'une économie s'éloigne de la direction souhaitée, le gouvernement peut infléchir ses politiques pour atteindre les résultats souhaités. L'évolution des indicateurs de gestion durable des forêts fournit aux décideurs et aux forestiers des renseignements semblables, leur permettant d'apporter des mesures correctives lorsqu'une tendance ne va pas dans le bon sens.

5. Le fait que sept grands processus et initiatives d'élaboration de critères et indicateurs existent actuellement témoigne de l'importance que les pays accordent à ces outils de gestion durable des forêts1. Il s'agit des processus et initiatives de l'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), du processus Paneuropéen, du processus de Montréal, du processus de Tarapoto, du processus relatif à l'Afrique sèche, du processus pour le Proche-Orient, du processus pour l'Amérique centrale et de l'initiative de l'Organisation africaine du bois (OAB). Si tous ces processus et initiatives sont quelque peu différents du point de vue de leur contenu ou de leur structure, leurs objectifs généraux et leurs démarches sont similaires. Il convient de mentionner que les critères pour toutes les initiatives et processus internationaux, régionaux et nationaux s'articulent autour de sept éléments de critères convenus à l'échelle mondiale. Ce constat a deux conséquences importantes: premièrement, la définition de la durabilité est pratiquement identique dans tous les processus; deuxièmement, cela est de bon augure pour les possibilités de convergence ou de reconnaissance mutuelle entre ces différents processus, afin qu'à terme une approche commune soit suivie dans le monde entier pour mesurer la gestion durable des forêts.

CRITÈRES ET INDICATEURS AU NIVEAU DE L'UNITÉ DE GESTION FORESTIÈRE

6. De plus en plus, les critères et indicateurs au niveau national sont complétés par l'élaboration et l'application de séries de critères et d'indicateurs définis pour chaque unité de gestion forestière. Un certain nombre des processus en cours cités plus haut ont effectivement élaboré des critères et indicateurs au niveau des unités de gestion forestière en plus des critères et indicateurs au niveau national. À ce niveau là, les indicateurs reposent sur des facteurs locaux, parfois propres à un lieu précis, comme le type de forêt et la topographie, outre certains aspects sociaux et économiques, tout en contenant certains éléments applicables à plus grande échelle. Les critères et indicateurs à l'échelon de l'unité de gestion forestière peuvent varier d'une zone forestière à une autre à l'intérieur du même pays, ainsi que dans le temps, selon les conditions, priorités et objectifs de gestion du moment. Les résultats obtenus avec deux niveaux de critères et indicateurs différents peuvent donc présenter des variations importantes. Toutefois, il est important d'en garantir la compatibilité et la comparabilité et d'assurer un retour d'information permanent sur l'applicabilité des critères et indicateurs définis aux deux niveaux.

7. Les critères et indicateurs au niveau national peuvent encourager et faciliter la définition de critères et indicateurs à l'échelle de l'unité de gestion forestière. Les critères et indicateurs à ces deux niveaux sont de conception et de nature différentes. Les indicateurs au niveau national contribuent essentiellement à l'élaboration et à la mise à jour périodique des instruments de réglementation (lois, politiques, règlements), alors que les tendances des indicateurs au niveau de l'unité de gestion forestière servent à modifier les solutions prescrites en matière de gestion des forêts pour répondre aux objectifs nationaux établis. Toutefois, si leur objet et leur champ d'application sont différents, les critères et indicateurs identifiés pour ces deux niveaux devraient être mutuellement compatibles, même si tous les indicateurs nationaux ne peuvent s'appliquer, tels quels, à toute unité de gestion forestière, à n'importe quel moment.

CRITÈRES ET INDICATEURS ET CERTIFICATION

8. Étant donné que les critères et indicateurs - quel que soit le niveau où ils se situent - constituent des outils d'évaluation neutre pour surveiller les tendances, ils ne devraient pas être employés comme normes d'appréciation des pratiques de gestion. Toutefois, l'élaboration de normes ou de directives en matière de rendement à l'échelon de l'unité de gestion peut s'inspirer des critères et indicateurs, comme cela a été fait à maintes reprises. De la même façon qu'il existe des liens évidents entre les critères et indicateurs de gestion durable des forêts au niveau national et au niveau de l'unité de gestion forestière, il se peut qu'il existe ou non des liens entre les critères et indicateurs au niveau des unités de gestion forestière et les normes de certification des produits forestiers.

9. Les critères et indicateurs servent à mesurer, évaluer, suivre et établir les progrès vers la réalisation des objectifs de durabilité des forêts dans un pays donné ou dans une zone forestière précise, pendant une certaine période. De son côté la certification est un moyen d'attester de la réalisation de certaines normes prédéfinies, convenues entre les producteurs et les consommateurs, dans une forêt donnée, à un moment donné, en matière de gestion des forêts.

10. Certaines des initiatives relatives aux critères et indicateurs présentent un lien étroit avec la certification. C'est le cas notamment des initiatives au Ghana, en Indonésie, en Malaisie, en Finlande et au Canada. Toutes ces initiatives nationales reposent sur la définition de normes de gestion durable des forêts et de moyens pour évaluer les résultats obtenus. Elles ont déjà élaboré, ou sont en train d'élaborer, des principes, critères et indicateurs décrivant les conditions environnementales, écologiques, économiques et sociales nécessaires à une bonne gestion des forêts. Elles ont également abordé la question de l'adoption de normes et de méthodes communes.

11. La plupart de ces initiatives sont parties des critères et indicateurs pour leurs activités de certification. Par exemple, un certain nombre de pays producteurs membres de l'OIBT ont utilisé les Directives pour l'aménagement durable des forêts tropicales naturelles de cette Organisation comme point de départ; d'autres pays se sont inspirés du processus paneuropéen ou du processus de Montréal, alors que d'autres ont fait reposer leur régime de certification sur les normes ISO. Presque tous ont également tenu compte des principes et critères adoptés par le Forest Stewardship Council et se sont efforcés d'assurer une certaine compatibilité. Il y a donc eu un enrichissement mutuel très fécond.

12. De nombreux pays africains sont en train de mettre au point, de tester et d'appliquer des critères et indicateurs ou des régimes de certification. Pour 28 pays, ces activités s'inscrivent dans le cadre du processus pour l'Afrique sèche. En outre, 13 pays membres de l'OAB (dont la plupart sont également membres de l'OIBT et participent à cette initiative), procèdent actuellement à la mise au point et aux essais de principes, critères et indicateurs pour la gestion durable des forêts tropicales africaines.

13. Si, à l'instar de la plupart des pays en développement, la plupart des pays africains sont bien avancés en ce qui concerne les critères et indicateurs, leurs progrès sont plus lents et inégaux pour les régimes de certification. Ceci tient, dans une large mesure, à l'état actuel de la gestion des forêts dans le continent, qui est en règle générale plus loin des normes de gestion durable établies que la plupart des pays développés, et donc de la certification. De surcroît, il existe une carence en matière de connaissances, de ressources, de main-d'oeuvre, d'institutions et, dans une certaine mesure, un manque de volonté politique des gouvernements. Également, un certain doute plane encore, dans de nombreuses situations, quant à la nécessité ou à l'opportunité d'un régime de certification. Enfin, les avantages à tirer d'un régime de certification sont moins évidents et risquent de ne pas l'emporter sur les coûts qui y seraient associés dans un certain nombre de pays. Certains pays africains sont en train de mettre au point, ou au moins d'envisager, un système de certification et un petit nombre de forêts ont été déjà certifiés dans le cadre du processus du Forest Stewardship Council.

CERTIFICATION ET COMMERCE

14. La dernière question traitée dans le présent document concerne les relations entre certification et commerce. Étant donné qu'elle soulève le problème de la nécessité ou de l'opportunité d'un régime de certification, il s'agit donc d'une question beaucoup plus complexe. La certification représente l'un des instruments reposant sur les règles du marché susceptibles d'améliorer la gestion des forêts et le développement du secteur forestier. C'est un outil qui a à la fois ses points forts et ses points faibles, qui peuvent varier selon les conditions propres à un pays, le régime de propriété des forêts, le climat social et enfin, mais ce n'est pas là la moindre considération, en fonction des marchés desservis.

15. À la question de savoir si un régime de certification est souhaitable, qui devrait s'en charger, comment devrait-on procéder et si les pouvoirs publics ont un rôle à jouer, la réponse variera d'un pays à l'autre. La décision de procéder ou non à la mise en place d'un régime de certification doit être prise au cas par cas. La certification est prônée pour un certain nombre de raisons, allant à des motifs liés à la gestion des forêts à des impératifs de commercialisation. L'objectif est d'essayer d'établir un lien entre le commerce et la gestion durable des ressources forestières, en fournissant aux acheteurs des renseignements sur les normes de gestion appliquées dans les forêts d'où provient le bois. S'il est peu probable que la certification en soi garantisse une gestion durable des forêts, elle peut encourager des efforts redoublés dans ce sens. La certification présente un certain nombre d'avantages potentiels - et certains inconvénients - mais il est probable que ceux qui adoptent actuellement un régime de certification le font essentiellement pour des raisons commerciales, par exemple pour prendre l'avantage sur d'autres fournisseurs dans des marchés sensibles aux problèmes écologiques et/ou pour éviter des difficultés d'accès à certains débouchés.

16. Un certain nombre de questions ou d'incertitudes continue de planer sur la certification. Dans de nombreux pays, on débat encore de la nécessité d'appuyer ou non la certification. Parmi les questions demeurant à ce jour sans réponse quant aux avantages ou aux inconvénients de la certification, on peut mentionner les suivantes:

CONCLUSIONS

17. Les critères et indicateurs ont pour principal objectif d'améliorer la gestion des forêts en définissant la notion de gestion durable des forêts et en permettant une évaluation des progrès réalisés dans le temps vers cet objectif. La certification est un des nombreux instruments axés sur les forces du marché pouvant contribuer à améliorer la gestion des forêts et le développement du secteur forestier. C'est un moyen d'attester de la réalisation de certaines normes de gestion forestière prédéfinies dans une zone forestière donnée, à un moment donné, d'un commun accord entre producteurs et consommateurs. C'est un outil qui a donc ses points forts et ses points faibles, qui peuvent varier selon les conditions propres à un pays, le régime de propriété des forêts, le climat social et enfin, mais ce n'est pas là la moindre considération, selon les marchés desservis.

18. Lorsque la certification est considérée comme un instrument utile, il est souhaitable que les processus de certification soient étroitement reliés aux critères et indicateurs au niveau national. Ces deux démarches visent le même objectif de gestion durable des forêts et présentent donc de nombreux points communs. Si, dans la plupart des cas, les critères et indicateurs au niveau national ont été essentiellement mis au point pour faciliter la gestion durable des forêts à l'échelon national, la certification a jusqu'à présent été surtout employée comme outil de promotion commerciale.

19. Une gestion durable des forêts est possible en l'absence d'un régime de certification, mais l'inverse n'est pas vrai. Les produits ne peuvent être certifiés en l'absence de forêts durables ou bien gérés et si ce constat n'a pas été établi par des moyens objectifs. En d'autres termes, la certification est une condition suffisante, mais non nécessaire pour parvenir à la gestion durable des forêts. Elle ne peut avoir un impact direct sur l'instauration d'un régime de gestion durable, mais peut avoir à cet égard un effet indirect.

20. Les critères et indicateurs au niveau national et au niveau de l'unité de gestion forestière constituent de leur côté un élément utile, mais non essentiel, de la certification. Bon nombre des processus à l'échelon national peuvent être perçus comme des jalons (essentiels) pour les processus à l'échelle subnationale et pour les efforts de certification. Certains critères établis au niveau le plus général et essentiels pour la certification, comme le cadre juridique et réglementaire, peuvent s'appuyer sur les données nationales fournies par les critères et indicateurs nationaux. Lorsque c'est le cas, la certification devrait utiliser les programmes nationaux directement ou par le biais des critères et indicateurs pertinents au niveau de l'unité de gestion forestière. Elle devrait percevoir ces éléments comme des éléments complémentaires plutôt que concurrentiels. Lorsque l'un ou l'autre des processus révèlent des carences, des efforts devraient être engagés pour les combler, afin de faire avancer la cause de la gestion durable des forêts. Un certain nombre de questions devraient être abordées lors de tout examen de ce genre: les processus de critères et indicateurs sont-ils l'équivalent des critères de certification, leur sont-ils complémentaires ou suffisent-ils à répondre aux besoins de la certification? Les critères et indicateurs servent-ils de fondement aux efforts de certification? S'ils sont insuffisants ou incompatibles avec les exigences de la certification, peuvent-ils être modifiés ou raffinés pour satisfaire plus directement à ces conditions (et faut-il absolument le faire)?

21. De toute évidence, il semble qu'il y ait un nombre croissant, quoique encore limité, de marchés où les échanges peuvent être subordonnés à - ou au moins conditionnés par - la présentation d'un certificat. Et c'est surtout en Europe et, à un degré moindre, en Amérique du Nord que la certification continuera vraisemblablement de susciter le plus grand intérêt. Elle pourrait devenir une condition incontournable d'accès à certains marchés, ou du moins à certains segments de marché. Les fournisseurs africains qui concentrent leurs activités sur ces marchés, ou désirent le faire, doivent donc sérieusement examiner la question de la certification.

22. Les pays africains devraient soigneusement peser les implications de la certification et décider si elle constitue une mesure souhaitable et/ou nécessaire et, dans l'affirmative, ils devront décider de la meilleure façon de procéder. Ils devraient également participer aux différents processus et initiatives concernant les critères et indicateurs et, selon qu'il convient, tirer parti des complémentarités et des synergies qu'ils offrent.

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1  F. Castañeda, FAO, 1999. Why National and Forest Management Unit Levels Criteria and Indicators for Sustainable Forest Management of Dry Forests in Asia/South Asia? Communication présentée à l'atelier FAO/PNUE/OIBT/IIFM sur les critères et indicateurs au niveau national pour une gestion durable des forêts sèches en Asie/Asie du Sud, Bhopal (Inde), 30 novembre-3 décembre 1999.