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AVANT-PROPOS

Dans le cadre de l'assistance fournie aux Etats membres pour le suivi du Cycle d'Uruguay et pour les prochaines négociations sur l'agriculture, la FAO a pris toute une série de mesures en vue d'améliorer la capacité de ces Etats, notamment les pays en développement, d'analyser les effets des Accords du Cycle d'Uruguay sur le secteur agricole. Ils pourront ainsi tenir compte du nouvel environnement commercial, tirer profit des débouchés et participer de manière effective aux prochaines négociations commerciales multilatérales.

En 1996, dans le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation, la FAO s'est engagée à aider les pays en développement pour les questions relatives aux échanges et en particulier " à se préparer aux négociations commerciales multilatérales concernant notamment l'agriculture, les pêches et les forêts, par des études, des analyses et des activités de formation". L'objectif est " d'assurer que les pays en développement " soient "correctement informés et considérés comme des partenaires égaux dans le processus de négociation". L'assistance fournie aux Etats membres a été intensifiée à cet effet, dans la perspective des futures négociations avec l'OMC. De nombreuses activités ont été entreprises notamment au plan régional où des ateliers de renforcement des capacités ont porté sur les questions concernant essentiellement les Accords du Cycle d'Uruguay sur l'agriculture, sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ASPIC).

Dans la même optique, un colloque (" L'agriculture, le commerce et la sécurité alimentaire : questions et alternatives concernant les prochaines négociations de l'organisation mondiale du commerce (OMC) dans la perspective des pays en développement") a été organisé à Genève les 23 et 24 septembre 1999, avec pour objectif d'accorder une place importante aux problèmes des pays en développement en matière d'échanges agricoles, et notamment aux relations d'interdépendance entre l'agriculture, le développement économique et la sécurité alimentaire. Ce colloque était destiné surtout aux représentants des gouvernements concernés par les prochaines négociations de l'OMC sur l'agriculture, ainsi qu'aux institutions internationales, aux organisations régionales et aux experts des échanges agricoles intéressés. Il a été suivi par environ 170 participants relevant de ces catégories.

Le colloque se subdivise en deux parties. La première, traitée le premier jour, s'est attachée surtout à l'étude des relations d'interdépendance entre l'agriculture, le développement économique et la sécurité alimentaire, à l'examen des orientations générales de la production agricole et des échanges ainsi qu'à l'analyse des leçons tirées à ce jour de la mise en oevre des Accords du Cycle d'Uruguay pour ce qui est de leur incidence sur les marchés agricoles mondiaux et sur les pays en développement. La deuxième journée a été consacrée aux enjeux des pays en développement et aux alternatives proposées pour améliorer la production agricole, les échanges et la sécurité alimentaire, dans la perspective des prochaines négociations de l'OMC.

La première partie du Vol. I du présent rapport établit un résumé des travaux du colloque. Compte tenu de la variété et de la richesse des idées exprimées, on a estimé que toute tentative de synthèse amputerait le contenu et qu'il convenait donc de présenter l'ensemble des opinions exprimées. Ce rapport présente donc l'essentiel des points principaux évoqués par les orateurs (experts et autres participants) au cours des quatre sessions, de la manière la plus fidèle possible (voir Annexe 1 - Programme et liste des orateurs et des experts)

Le deuxième partie du Vol. I contient cinq des six documents d'informations préparées pour le Colloque (le sixième, qui résume les expériences de 14 pays, figure au Vol. II).

Le Vol. II reproduit les études de cas par pays, y compris une synthèse, distribuée aux participants comme document d`information (No 3).

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

   

ACP

Etats de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique

ADPIC

Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

ADRD

agriculture et développement rural durables

AMF

Arrangement multifibres

CARICOM

Communauté des Caraïbes

CE

Communautés européennes

CEI

Communauté des états indépendants

CNUCED

Conférence des Nations Unies sur les commerce et le développement

ESB

encéphalopathie spongiforme bovine

ESP

Equivalent subvention à la production (de l'OCDE)

FAO

Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

FMI

Fond monétaire international

GATS

Accord général sur le commerce des services

GATT

Accord général sur les tariffs douaniers et le commerce

IFPRI

Institut international de recherche sur les politiques alimentaires

IIASA

Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués

MERCOSUR

Marché commun austral (Mercado Común del Sur)

MGS

Mesure globale du soutien

NPF

nation la plus favorisée

OCDE

Organisation de cooperation et de développement économique

OGM

organismes genetiquement modifiés

OMC

Organisation mondiale du commerce

ONG

organisation non-gouvernementale

OTC

Accord sur les obstacles techniques au commerce

PAC

Politique agricole commune (CE)

PIB

produit intérieur brut

PMA

pays les moins avancés

SADC

Communauté de développement de l'Afrique australe

SGP

système généralisé de préférences

SGS

clause de sauvegarde spéciale

SH

Système harmonisé de désignations et de codification de marchandises

SPARTECA

Accord régional de commerce et de coopération économique pour le Pacifique Sud

SPS

Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires

TEC

Tarif extérieur commun

TRIMS

mesures concernant les investissement et liées au commerce

UE

Union européenne

RÉSUMÉ

Le symposium de la FAO sur l'Agriculture, le Commerce et la Sécurité alimentaire a examiné les liens qui existent entre l'Agriculture, le développement économique et la sécurité alimentaire et a passé en revue l'expérience que les pays en développement ont acquise dans la mise en oevre des accords du cycle de l'Uruguay sur l'agriculture et d'autres accords OMC en rapport avec l'agriculture, à la fois en termes de marché global et de l'impact au niveau du pays. Les participants ont discuté les questions qui préoccupent les pays en développement en vue du prochain cycle de négociations commerciales multilatérales et a examiné les options politiques leur permettant d'atteindre leurs objectifs de sécurité alimentaire et de développement agricole. Les principales conclusions du Symposium sont résumées ci-dessous:

1. L'impact du cycle de l'Uruguay jusqu'à ce jour

D'après les participants, les effets inhérents à la mise en oevre des résultats du cycle de l'Uruguay étaient difficiles à identifier et à distinguer des autres événements tels que les premiers programmes nationaux d'ajustement structurel, la crise financière asiatique et El Niño. Toutes les preuves empiriques indiquaient que les effets quantitatifs sont relativement insignifiants pour les pays en développement concernés par l'étude. Cependant l'impact qualitatif était significatif. L'esprit de l'Accord sur l'Agriculture a profondément changé l'approche des gouvernements envers les politiques de commerce agricole ; de développement rurale et de sécurité alimentaire. Parmi les observations spécifiques, on notait :

Les participants ont regretté que malgré quelques progrès enregistrés dans plusieurs grands pays développés, des niveaux très élevés de soutien et de protection commerciale subsistent encore. L'utilisation continue des subventions à l'exportation a été soulignée comme étant la pratique la plus nuisible au commerce.

La mise en oevre de l'Accord sur l'Agriculture s'est avérée plus facile que ne l'espéraient beaucoup de pays en développement. Ceci est essentiellement le résultat des programmes nationaux d'ajustement structurel mis en oevre dans les années 1980 et qui avaient anticipé jusqu'à un certain degré les réformes libérales du commerce contenues dans l'Accord.

Les participants craignaient néanmoins qu'une adaptation plus poussée du secteur agricole des pays en développement au nouvel environnement commercial serait coûteux et prendrait beaucoup de temps. Par conséquent, beaucoup d'entre eux étaient confrontés à une situation dans laquelle l'ouverture des frontière a entraîné une augmentation des importations des produits alimentaires alors que les exportations agricoles stagnaient toujours.

2. Les questions et options politiques clés pour les futures négociations commerciales

Deux grandes approches ont émergé concernant les négociations : rééquilibrer les accords existants et essayer d'obtenir plus de flexibilité pour permettre aux pays en développement d'atteindre leurs objectifs nationaux de sécurité alimentaire et de développement. Parmi les observations particulières, on note ce qui suit :

Il y avait un consensus général que les pays en développement continueraient à avoir besoin d'un traitement de faveur spécial et différencié. Beaucoup de producteurs nationaux auraient besoin de temps pour s'adapter avant de pouvoir profiter des nouveaux avantages commerciaux.

Une des options politiques suggérées était la création d'une `caisse de développement' comparable à la `caisse verte'. Cette caisse identifierait les mesures d'accompagnement que les pays en développement seraient autorisés à continuer à utiliser en vue d'atteindre les objectifs nationaux liés dans différents domaines, y compris une augmentation de la production vivrière, la réduction des écarts entre les revenus urbains et ruraux, le développement rural, l'ajustement structurel, l'environnement et la sécurité alimentaire.

On a remarqué que les petits producteurs étaient souvent les perdants de la libéralisation du commerce. Comme toute menace aux moyens d'existence des petits producteurs augmente le risque d'insécurité alimentaire nationale, il était nécessaire d'établir une sorte de mécanisme d'appui ciblé pour augmenter la productivité, la compétitivité et stimuler la diversification de l'économie rurale. Aussi, les dispositifs de sécurité sociale ont besoin d'être considérablement améliorés dans beaucoup de pays en développement.

Les participants ont regretté que l'assistance technique et financière promise dans la Décision Ministérielle de Marrakech sur les Mesures Concernant les Effets Négatifs Potentiels du Programme de Réforme sur les Pays les Moins Avancés et les Pays en Développement Importateurs Nets de Produits Alimentaires n'a pas été traduite en action concrète à ce jour. Ils proposent que les négociations futures de l'OMC examinent les moyens les plus adaptés pour concrétiser ces types de programmes d'assistance.

PREMIÈRE PARTIE
RAPPORT DU COLLOQUE

Chapitre 1
INTRODUCTION

(a) Remarques préliminaires du Président du Colloque1

Depuis sa création en 1945, la FAO s'est efforcée de réduire la pauvreté et la famine dans le monde en apportant son concours aux politiques en faveur du développement agricole et de la sécurité alimentaire. La sécurité alimentaire est assurée lorsque "tous les êtres humains ont à tout moment accès à une nourriture suffisante pour mener une vie saine et active". Dans le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation qui s'est tenu à Rome en 1996, la FAO a renouvelé son engagement d'aider les pays en développement sur les questions relatives au commerce et à " se préparer aux négociations commerciales multilatérales concernant notamment l'agriculture, les pêches et les forêts, entre autres par des études, des analyses et des activités de formation...afin d'assurer" qu'ils soient " correctement informés et considérés comme des partenaires égaux dans le processus de négociation". L'assistance accordée aux Etats membres pour le suivi du Cycle d'Uruguay et pour préparer les prochaines négociations sur l'agriculture bénéficie donc d'une priorité spéciale.

A cet effet, les travaux de la FAO et l'assistance technique, se concrétisent principalement de deux façons : dans les études analytiques et dans les programmes de terrain. Notre travail analytique porte sur l'évaluation de l'effet du Cycle d'Uruguay sur les marchés de produits, sur l'analyse des facteurs qui influent sur les marchés agricoles et leur stabilité, sur les possibilités d'action en matière de sécurité alimentaire pour les pays en développement dans le cadre des règles de l'OMC, et sur les évaluations annuelles de la situation mondiale de la sécurité alimentaire. Les programmes de terrain prévoient une assistance technique dont le but est de développer le potentiel commercial au plan régional et national. Nous attachons une attention particulière aux Accords sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et sur les obstacles techniques au commerce (OTC) qui accordent une large place au rôle déterminant joué par la Commission du Codex Alimentarius et par la Convention internationale pour la protection des végétaux.

Le présent colloque a pour objet d'examiner les rapports fondamentaux qui existent entre l'agriculture, le développement économique et la sécurité alimentaire et qui sont étroitement liés aux échanges agricoles. Dans la plupart des pays en développement, la croissance du secteur agricole est indispensable au développement économique global et à la sécurité alimentaire. Aucun autre secteur n'est à même d'offrir des multiplicateurs de croissance de manière aussi percutante que l'agriculture tout en fournissant des biens de consommation de base sous la forme de denrées alimentaires.

Au cours de la première session du colloque, les principales orientations des marchés agricoles mondiaux et de la sécurité alimentaire seront examinées ainsi que les perspectives à moyen terme, en attachant une attention particulière à la participation des pays en développement aux échanges agricoles mondiaux.

La deuxième session sera consacrée aux expériences de la mise en oevre de l'Accord sur l'agriculture à l'échelle mondiale et au niveau national. Comme vous vous en souviendrez certainement, l'Article 20 de l'Accord sur l'agriculture fait appel aux membres de l'OMC pour examiner et tenir compte de ces expériences en vue de poursuivre le processus de réforme.

La troisième session abordera les enjeux des prochaines négociations, du point de vue des pays en développement, en tenant compte du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation. On essayera d'établir dans quelle mesure, l'Accord sur l'agriculture et les autres dispositions pertinentes de l'OMC, vont pouvoir contribuer au processus de développement économique et quelles seront les modalités qui pourrons nous assurer que le prochain cycle de négociations commerciales oevrera en faveur du développement agricole.

Au cours de la quatrième et dernière session nous nous intéresserons aux alternatives disponibles en vue de favoriser la production agricole, le commerce et la sécurité alimentaire des pays en développement, dans le cadre des prochaines négociations de l'OMC - alternatives relatives au soutien interne, à l'accès au marché et à la concurrence dans le secteur des exportations et à certaines questions de nature générale telles que la Décision ministérielle de Marrakech relative aux mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement et importateurs nets de produits alimentaires, ainsi qu'aux dispositions relatives à un traitement spécial et différencié.

(b) Processus intergouvernemental de préparation de l'OMC à la réunion de Seattle -Situation fin septembre 1999 : Remarques du Président du Conseil général de l'OMC2

Au cours de la deuxième Conférence des ministres de l'OMC, qui s'est tenue à Genève en mai 1998, les ministres ont convenu, dans la Déclaration du 20 mai 1998, que lors de la prochaine Conférence ministérielle ils évalueraient en premier lieu et pour l'essentiel la mise en oevre des différents accords. Quelles sont les difficultés rencontrées et quelles sont les solutions proposées ? Les ministres ont accepté de s'intéresser aux "négociations prescrites" pour l'agriculture et les services et aux "questions de Singapour" qui ont été examinées au cours de la première Conférence ministérielle (investissements, politiques concurrentielles, facilitations des échanges et transparence dans les achats effectués par des organismes gouvernementaux). A Singapour, il a été décidé d'établir un programme concerté pour les pays les moins avancés (PMA) afin de les aider à s'insérer dans le système mondial en fournissant une assistance technique capable d'améliorer leur capacité de production et leur accès aux marchés. La Déclaration de Genève contenait l'engagement d'examiner et d'assurer le suivi de la question à Seattle. La dernière série de problèmes qui sera examinée à Seattle concerne les " questions récentes" comme les droits de douane industriels et l'environnement, mais seulement si tous les Etats membres acceptent à l'unanimité qu'ils figurent à l'ordre du jour.

Il a été demandé au Conseil général de définir le champ des négociations et d'établir un calendrier et une structure. Au cours de la première phase (septembre 1998 - mars 1999) les Etats membres ont dû cerner les questions à examiner qui leur paraissaient importantes. Dans un deuxième temps (mars - juillet 1999) des propositions concrètes relatives aux diverses questions choisies ont été avancées. Toutefois, bien que 200 propositions portant sur les divers secteurs aient été examinées, les membres continuent encore à présenter de nouvelles propositions, et c'est pourquoi nous sommes encore en train de nous mettre à jour avec l'arriéré de la deuxième phase. Au cours de la troisième et dernière phase (de septembre à novembre) il faudra préparer un projet de déclaration ministérielle pour servir de base aux négociations, mais il ne contiendra pas les propositions susmentionnées. Il s'agira d'une sorte de synthèse effectuée par les Ministres des tâches à accomplir, au cours des diverses négociations qui se tiendront à partir de l'an 2000 et au- delà.

Telle est la situation actuelle, mais nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés. Certains pays pensent que les accords ne devraient pas être rouverts, alors que les pays en développement disent qu'ils ne peuvent pas continuer à appliquer certains accords sans que leurs diverses dispositions soient réexaminées. L'agriculture suscite de nombreuses controverses, les différents pays ayant des positions divergentes. Le groupe de Cairns, par exemple, n'a pas les mêmes priorités que l'Union européenne. Le secteur des services est moins complexe, et les questions sur les pays les moins avancés font l'objet d'un consensus car leur besoin d'assistance est en général reconnu. La question est de savoir comment leur venir en aide et où prélever l'argent nécessaire. La principale question concernant les pays les moins avancés à Seattle est de savoir s'ils recevront une assistance concrète pour accéder aux marchés.

La Déclaration ministérielle reflétera l'opinion de tous les pays. Les négociations des prochaines semaines seront donc très importantes. En qualité de Président du Conseil général, j'ai dressé la semaine dernière une esquisse dans laquelle je tente de mentionner les divers points qui doivent être examinés. La difficulté sera d'obtenir un accord de tous les membres pour une approche commune des questions agricoles, des modalités de mise en oevre pour les questions récentes, etc. Il faudra également décider de la durée du nouveau Cycle de négociations multilatérales, bien que l'on estime en général qu'une période de trois ans soit optimale. Une fois que l'on sera parvenus à un accord sur ces points, on entamera la rédaction du projet afin de pouvoir arriver à Seattle avec un texte concerté, acceptable pour les ministres. Nous souhaitons que les échanges qui auront lieu lors du présent colloque facilitent l'accord sur la déclaration ministérielle et les négociations qui suivront.

Chapitre 2
L'AGRICULTURE, LE COMMERCE ET LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE: EXPOSÉ GÉNÉRAL

Un représentant de l'OMC et le Secrétaire général de la CNUCED ont pris la parole sur ce thème au cours du Colloque. L'allocution principale a été adressée par le Professeur Kirit S. Parikh, Directeur de l'Indira Gandhi Institute of Development Research (Inde).

Déclaration de Mme Gretchen Stanton 3(OMC)

La sécurité alimentaire qui est au centre des préoccupations de nombreux pays en développement représente un problème quotidien pour divers secteurs de la population. Afin d'améliorer la sécurité alimentaire, l'action gouvernementale doit relever six défis. Nous avons besoin : i) de la paix ; ii) d'un renforcement du pouvoir d'achat des pauvres ; iii) d'une rationalisation accrue de la production et de la distribution des denrées alimentaires ; iv) d'une croissance et d'une stabilité suffisantes des disponibilités alimentaires; v) d'un accès facilité et plus sûr aux disponibilités alimentaires; et vi) d'une disponibilité satisfaisante de l'aide alimentaire, surtout dans les situations d'urgence. Je voudrais insister particulièrement sur l'un des divers problèmes qui sont en cause, à savoir le rapport entre la sécurité alimentaire et le commerce. L'approfondissement des questions liées au commerce au cours des prochaines négociations de l'OMC pourrait répondre en partie à ce problème, en agissant simultanément de manière positive sur les six points susmentionnés

Outre les guerres et les conflits civils, la pauvreté est l'une des principales causes du manque de sécurité alimentaire. Dans ce contexte, une libéralisation accrue des échanges peut avoir un effet décisif. Il a été amplement démontré que la croissance économique et la création d'emplois découlant des échanges augmentent fortement le pouvoir d'achat destiné à l'alimentation. Une libéralisation accrue des échanges peut être une arme puissante dans la lutte contre la pauvreté. A cet égard, la suppression de nombreux obstacles au commerce, à l'intérieur des pays, revêt autant d'importance que les améliorations apportées à l'accès aux marchés extérieurs.

Le prix des denrées alimentaires est, évidemment un autre facteur important et dépend en grande partie de la qualité de la production alimentaire et de la distribution. Ainsi, dans le cadre des prochaines négociations de l'OMC, une suppression plus radicale des obstacles au commerce et des subventions qui faussent les échanges, permettrait de stimuler la production vivrière dans les pays et les régions où la production peut être obtenue à meilleur coût. Il s'agit notamment des nombreux pays en développement dont la croissance du secteur agricole est actuellement entravée par les subventions accordées à l'étranger. La diminution du prix des denrées alimentaires les rendra plus accessibles, notamment aux pauvres.

Une utilisation plus rationnelle des ressources mondiales disponibles pour la production de denrées alimentaires, renforce, presque par définition, la capacité de nourrir une population mondiale en expansion. Du point de vue de la sécurité alimentaire, la question n'est pas seulement de savoir si les disponibilités alimentaires mondiales progressent au même rythme que la demande de vivres. La stabilité des approvisionnements et l'accès à ces disponibilités, sont aussi des points importants.

Même dans les circonstances les plus favorables, l'aide alimentaire continuera à jouer un rôle essentiel, notamment dans les situations d'urgence découlant de catastrophes naturelles ou de conflits armés. Le défi dans ce domaine consiste toutefois à réduire tout effet négatif sur le développement agricole dans le pays ou la région concernée. C'est donc à bon droit, qu'au titre de l'Accord sur l'agriculture, l'aide alimentaire est exemptée de l'application des engagements de réduction des subventions à l'exportation, mais à certaines conditions, notamment que les transactions d'aide alimentaire respectent les règles édictées par la FAO sur l'utilisation des surplus et les consultations obligatoires.

L'Accord sur l'agriculture de l'OMC contient aussi des dispositions concernant les programmes internes de sécurité alimentaire (notamment la "catégorie verte" pour l'aide alimentaire interne et les stocks publics à des fins de sécurité alimentaire). Les dispositions pertinentes visent aussi le traitement spécial et différencié des pays en développement. Donc, sous réserve de l'application des critères appropriés, les Etats membres de l'OMC peuvent appliquer ces programmes comme ils l'entendent.

La sécurité alimentaire, aussi bien à l'échelle internationale que nationale, pourrait bénéficier d'un renforcement ultérieur du système des échanges multilatéraux, notamment par le biais d'une libéralisation accrue. L'importance d'un système d'échanges fort permettant à l'économie mondiale de progresser sur la bonne voie, grâce à l'aide accordée notamment aux pays atteints par une forte récession pour amorcer la reprise, a été illustré de manière remarquable par la récente crise financière qui a sévi en Asie et dans d'autres régions. Il ne faut pas une grande imagination pour concevoir les répercussions que cela aurait pu avoir pour le développement économique mondial dans son ensemble, et pour la sécurité mondiale en particulier si, comme cela se produisait par le passé, ces crises financières avaient déclenché un mouvement protectionniste des échanges.

La contribution des prochaines négociations de l'OMC au renforcement de la sécurité alimentaire dépendra des résultats obtenus dans le domaine de la croissance économique et de la création d'emploi, surtout dans les pays en développement. Cela dépendra aussi de la portée des négociations et de l'efficacité des résultats. La libéralisation des échanges et la sécurité alimentaire ne s'opposent pas de manière absolue. Bien au contraire. Ceci n'implique pas nécessairement que le système commercial actuel soit parfait à tout point de vue, pour ce qui est des aspects de la sécurité alimentaire, mais les négociations commerciales fournissent l'occasion d'examiner ses carences.

Commentaires de M. Rubens Ricupero (Secrétaire général de la CNUCED)

Je vais me limiter aux questions concernant la libéralisation des échanges agricoles. L'agriculture représente la pierre de touche de la crédibilité d'un système commercial basé sur une réglementation inspirée par la conviction que le libre échange contribue à une répartition satisfaisante des ressources. Si nous acceptons cette position, il n'y a aucune raison que l'agriculture soit tenue à l'écart des normes et des règles établies par le système, comme cela est le cas depuis trop longtemps. On reproche souvent aux pays en développement les longues périodes de transition dont ils ont besoin pour s'adapter, par exemple, aux nouvelles règles sur les droits de propriété intellectuelle. Mais l'on oublie qu'à l'échelle du globe,et pour les pays industriels en particulier, l'agriculture a bénéficié d'un demi-siècle de transition. Si nous n'acceptons pas que l'agriculture soit soumise à un système de règles, nous ne sommes pas honnêtes en essayant d'imposer un tel système à l'industrie et aux services ou à d'autres secteurs. Il n'existe aucune justification valable, intellectuelle ou théorique, en faveur de l'exemption de l'agriculture :

Lorsque j'étais ambassadeur du Brésil à Washington, Mme Carla Hills, Représentant des Etats Unis pour le commerce, lors de notre première entrevue en 1991, m'a indiqué toutes les faiblesses de mon pays dans le domaine commercial ainsi que toutes nos erreurs, en arguant des solides théories des économistes classiques et en mettant l'accent sur tous les maux auxquels nous nous exposions en ne suivant pas les bons conseils des théoriciens. Je ne lui ai posé qu'une seule question " Pourriez - vous m'indiquer le chapitre dans lequel David Ricardo ou Adam Smith exemptent expressément le jus d'orange concentré surgelé de ces belles théories ?" Elle a éclaté de rire : "Vous savez, pour le jus d'orange concentré nous avons un groupe de pression en Floride...". Vous voyez donc quel est le problème. Où vous êtes cohérents, ou vous ne l'êtes pas.

Les progrès réalisés en agriculture sont très limités. Au début du Cycle d'Uruguay sur les négociations agricoles, l'une des première propositions du Président Reagan concernait l'option zéro, c'est à dire l'absence de soutien interne et la suppression des obstacles au commerce et des subventions à l'exportation. Par rapport à ces objectifs ambitieux, quels sont les résultats que nous avons obtenus ? Je l'ignore mais je me demande parfois si nous n'avons pas commis une erreur en acceptant des conditions aussi peu avantageuses pour l'agriculture, à la fin du Cycle.

Il y a aussi un autre point qui concerne le développement. Nous avons constaté avec satisfaction que de plus en plus d'organisations et de personnalités soutiennent maintenant que nous devons redresser les déséquilibre du système des échanges. La semaine dernière, nous avons eu une réunion très importante du G-7 et de la Chine à Marrakech, au cours de laquelle le Directeur général de l'OMC, M. Moore, a pris fermement position en faveur de l'idée que le prochain cycle de négociations sur le commerce devrait être consacré au développement. Il est extrêmement encourageant de voir que maintenant tout le monde estime que le développement devrait occuper le devant de la scène, mais cela augmente aussi le niveau de l'attente et la déception sera d'autant plus amère, si encore une fois, nous ne réussissons pas à transposer les changements contenus dans les déclarations en actions concrètes.

Il faut reconnaître qu'après cinq années entières d'application, il est communément admis parmi les pays en développement que l'Accord sur l'agriculture n'a pratiquement pas amélioré leur participation aux échanges agricoles mondiaux. Les droits de douane agricoles sont encore nettement plus élevés que ceux du secteur industriel - au moins six fois plus, sur une base pondérée en fonction des échanges commerciaux. Les problèmes liés aux crêtes tarifaires et à la progressivité des droits de douane sont encore à l'ordre du jour (comme en atteste une étude conjointe OMC/CNUCED). L'ensemble des mesures globales de soutien actuellement en vigueur dans les pays de l'OCDE est encore très élevé et représente au moins 100 milliards de dollars, dont plus de la moitié pour l'Union européenne et plus du quart pour le Japon. Ce montant dépasse encore de beaucoup le PIB de certains pays en développement à revenus moyens.

Certains engagements qui comportaient des avantages potentiels pour les pays en développement n'ont pas été appliqué totalement ou de manière satisfaisante. Ces problèmes de mise en oevre concernent entre autres, l'échec des pays développés qui n'ont pas réussi à fournir un meilleur accès au marché pour les exportations des pays en développement. On peut citer aussi les taux de droits élevés applicables dans la limite du contingent, les contingents tarifaires discriminatoires et dépourvus de transparence, les méthodes de gestion et, comme susmentionné, une mauvaise application de la Décision ministérielle sur les pays importateurs nets de denrées alimentaires.

Compte tenu de cette évaluation, quel devraient être les objectifs retenus lors des prochaines négociations ? Insérer le secteur agricole dans la réglementation multilatérale évidemment, mais aussi formuler le prochain accord de manière que, les objectifs poursuivis soient certes d'établir un système d'échanges agricoles juste et orienté vers le marché mais en tenant mieux compte des besoins et des conditions spécifiques des pays en développement. Son application devrait assurer un équilibre et une attribution équitable des avantages entre tous les pays. Dans cette optique, il est encourageant de constater que les pays en développement ont participé de manière plus active à la phase préparatoire. Sur environ 40 propositions concernant l'agriculture, nombreuses sont celles élaborées par les pays en développement qui ont su se regrouper en fonction de leurs orientations pour poursuivre activement leurs objectifs.

A la veille des négociations nous pouvons distinguer trois positions principales : Il y a tout d'abord celle des pays industrialisés comme les Etats-Unis, le Japon, la Suisse et la Norvège, qui insistent sur le caractère multifonctionnel de l'agriculture, c'est à dire sur des considérations autres que d'ordre commercial. Un deuxième groupe est constitué par les "demandeurs" les plus actifs dans les négociations - les Etats-Unis bien sûr, mais aussi le groupe de Cairns qui comprend des pays en développement fortement tributaires de l'agriculture pour l'amélioration de leurs perspectives commerciales. Enfin, le dernier groupe est représenté par des pays en développement dans lesquels l'agriculture est une activité qui n'est pas uniquement soumise aux règles du marché, car elle emploie une part importante de la population, (en général plus de 50 ou 60 pour cent) et où les problèmes d'éradication de la pauvreté ou de sécurité alimentaire sont très graves.

Loin de moi l'idée de nier les difficultés liées à la libéralisation des échanges agricoles, mais je voudrais tout de même élever une mise en garde contre l'isolement de l'agriculture, dont on souligne par exemple les aspects multifonctionnels. L'agriculture en effet ne concerne pas seulement la production de biens destinés au marché mais comporte aussi la question de la protection de l'environnement, des paysages, la conservation du développement rural, etc. C'est indéniable. La question est de savoir toutefois si ces objectifs nécessitent l'adoption de politiques ayant des effets de distorsion sur le commerce.

La multifonctionnalité ne s'applique pas seulement à l'agriculture. Si je me réfère à mon expérience de Ministre de l'environnement, dans les forêts pluviales de l'Amazone, la menace vient précisément de l'agriculture car il faut brûler la forêt pour pouvoir convertir les terres à un usage agricole. Il y a environ une vingtaine d'années, nous avons créé une zone libre à Manaus. Cela a eu un effet étonnant : de nombreuses personnes qui vivaient dans les zones rurales de l'Amazone ont décidé d'émigrer vers la capitale, en réduisant ainsi la pression exercée sur les forêts. Dans ce cas, nous pouvons dire que c'est l'industrie qui est une activité multifonctionnelle, parce qu'elle préserve la forêt.

Il nous reste encore à affronter de nombreux problèmes liés à l'accès aux marchés : les crêtes tarifaires et la progressivité de droits de douane; les questions concernant le SPS et l'OTC (qui ne dispensent personne des normes qui sont nécessaires d'un point de vue scientifique mais qui tentent d'améliorer la capacité des pays en développement pour établir et respecter ces normes) ; la réduction des droits de douane NPF et leurs effets sur les régimes différenciés, le système des contingents tarifaires. En termes de soutien interne, nous devons décider si nous avons besoin ou non d'une "catégorie développement". Le critère de la "catégorie développement" pour être opérationnel, devrait être lié à des indicateurs de développement appropriés, comme la part occupée par l'agriculture dans le PIB, le taux de sous-alimentation de la population, le taux de croissance démographique, le taux de croissance de la productivité, le niveau de dépendance des importations pour les denrées de base, etc. Enfin et surtout, il faut régler de manière décisive le scandale des subventions aux exportations pour les denrées agricoles. Rien ne justifie, dans un système commercial ou les subventions à l'exportations ont été interdites pour les produits industriels, de continuer à permettre aux pays de défendre leur part sur le marché mondial, grâce à leur capacité financière de fournir des subventions à l'exportation. Cette question ne doit pas faire l'objet de tractations. L'élimination des subventions à l'exportation découle des principes fondamentaux qui régissent un système commercial sain.

Allocution principale du Professeur Kirit S. Parikh, Directeur de l'Indira Gandhi Institute of Development Research (Inde)

J'approuve la plupart des points évoqués par Mme Stanton, mais la rationalisation du système de marché, repose fondamentalement sur la distribution initiale des revenus et il faudra peut être pas mal de temps avant que les effets de la croissance parviennent jusqu'aux pauvres. Au cours de la période de transition, qui peut être de longue durée, comme l'a souligné M. Ricupero, un nombre important de personnes peut être confronté à de graves problèmes de sécurité alimentaire. Nous ne pouvons pas compter sur le marché pour les résoudre et l'Accord sur l'agriculture n'a pas été particulièrement sensible à la nécessité d'assurer la sécurité alimentaire, notamment au cours de la période de transition.

La notion de sécurité alimentaire, telle qu'elle a été définie par le Sommet mondial de l'alimentation devrait peut-être être complétée. La nourriture devrait bien sur être disponible pour tous, à tout moment, mais elle devrait aussi être disponible de droit, sans que cela comporte une humiliation ou le respect d'autres conditions liées à l'octroi de l'aide alimentaire. Le point clé repose sur l'accès économique ; la sécurité alimentaire est essentiellement un problème pour les pauvres. Le système alimentaire mondial permet de couvrir les besoins de ceux qui disposent de moyens suffisants. Si l'on donne de l'argent aux pauvres, leur demande de nourriture va s'accroître et la quantité produite et fournie va augmenter. Mais si l'on verse de l'argent aux agriculteurs, ou si on les encourage à produire davantage de denrées vivrières par l'octroi d'incitations, la nourriture ne parviendra pas jusqu'aux pauvres, car ils ne disposeront pas des moyens nécessaires pour l'acheter. Il y a actuellement en Inde, plus de 13 millions de tonnes de céréales dans les stocks régulateurs officiels et parallèlement plus de 200 millions d'Indiens qui souffrent de la faim..

Si l'on retient que la faim est due à la pauvreté, il faudra donc enregistrer la pauvreté pour réduire la faim. Les pauvres n'ont pas suffisamment de terres, de capitaux et de qualifications et il nous faut accroître la valeur de leurs ressources et de leurs produits pour augmenter leurs revenus réels. Tout cela prend du temps, d'où l'importance fondamentale de la période de transition.

Nous avons examiné divers scénarios en utilisant la méthode de l'équilibre général et les modèles d'analyse de l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA). Afin de vérifier si l'introduction d'une quantité importante de nourriture supplémentaire sur le marché mondial peut ou non être utile aux pauvres, nous avons procédé à une simulation. Nous nous sommes fondés sur l'hypothèse que 50 millions de tonnes supplémentaires de blé seraient déversées sur les marchés mondiaux chaque année. Après une période de 10-15 ans, nous avons constaté qu'une part infime seulement avait bénéficié aux pauvres sous forme de consommation additionnelle. Même si les cours du marché mondial baissent au départ, ils remontent par la suite à nouveau, pour revenir au niveau de la période de référence. On assiste à un ajustement du système : les structures de la production des cultures et des échanges sont modifiés mais la consommation des pauvres ne varie pratiquement pas.

De même, certains pensent qu'en cas de mauvaise récolte, un système de libre-échange permettra d'avoir accès au marché mondial. Cela est vrai pour ceux qui disposent de moyens suffisants. Dans un exercice de simulation, nous avons tout d'abord pris pour hypothèse une réduction de la production dans les pays industrialisés du Nord due à de mauvaises conditions météorologiques. Nous avons ensuite posé la même hypothèse pour les pays en développement. Le nombre de pauvres dans les pays en développement augmente toujours, quel que soit l'endroit où la mauvaise récolte a lieu. Les pays développés sont suffisamment riches pour acheter de la nourriture sur le marché international et de ce fait les prix des denrées mondiales augmentent et les pays en développement importateurs de denrées sont incapables de suivre le mouvement, l'aide alimentaire se tarit, etc... Ainsi, même lorsqu'il ne pleut pas assez dans le Nord, la faim augmente dans le Sud. Il en va de même, bien sûr, lorsque la sécheresse sévit dans le Sud. La faim y augmente dans tous les cas. Le système ne fournit de la nourriture qu'aux pays qui disposent des moyens pour l'acheter.

Nous avons aussi examiné les effets de la libéralisation des échanges agricoles selon divers scénarios qui supposaient l'existence d'une zone de libre échange dans les pays de l'OCDE, dans les pays en développement et au niveau mondial. Je voudrais attirer l'attention sur un point précis : certains pays en sortent vainqueurs, d'autres sont vaincus. On ne peut pas poser comme axiome que le libre échange a forcément des répercussions positives dans tous les pays. Selon nos conclusions, les pays de l'OCDE bénéficient en général de la libéralisation des échanges, quelque soit le scénario. Certains pays en développement tirent profit du libre échange dans certains scénarios, mais en général les pays les plus pauvres sont perdants. Ils sont touchés par les pertes des termes de l'échange, par d'autres distorsions et rigidités et par les prix élevés des denrées. Ainsi, l'on peut opter pour la libéralisation, mais seulement en prévoyant des politiques de correction, afin d'éviter l'effet des pertes.

Certains points doivent être approfondis. Il est nécessaire d'établir tout d'abord l'ordre des réformes. Les pays en développement doivent avoir la possibilité d'accéder convenablement aux marchés pour leurs exportations, afin de pouvoir importer les denrées vivrières qui leur sont nécessaires, même si les prix augmentent. En deuxième lieu, il est important de procéder à la stabilisation des prix internes des économies qui sont soudain exposées aux cours mondiaux. Dans ces cas nous pourrions permettre la création de stocks régulateurs et d'autres dispositions, comme les droits de douane variables ou une fourchette des prix, afin d'éviter l'impact immédiat et total des cours mondiaux.

La multifonctionnalité de l'agriculture, mentionnée par M. Ricupero, est liée à la question de l'autosuffisance. Un certain degré d'autosuffisance peut être souhaitable à plusieurs points de vue, et notamment pour la sécurité politique. L'alternative consistant à constituer des stocks régulateurs est coûteuse et ne peut en aucun cas être envisagée par de nombreux pays en développement, car trop de personnes dépendent pour leur subsistance du secteur agricole. Ces pays devraient être autorisés à se fixer des objectifs d'autosuffisance raisonnables, afin de préserver le niveau de l'emploi dans le secteur agricole, mais sans effet de distorsion du marché mondial.

Plusieurs dispositions de l'Accord sur l'agriculture sont injustes. Du point de vue de l'effet sur la faim et la sécurité alimentaire, les pays en développement ne sont par traités de manière équitable. Dans certains cas, le traitement spécial et différencié n'est pas approprié et dans d'autres le problème naît seulement du fait que les pays en développement sont incapables de respecter les conditions de l'Accord qu'ils ont signé.

Le nombre de personnes qui, dans le monde, ne bénéficient pas de la sécurité alimentaire est très élevé. Il est donc essentiel d'accorder une place prioritaire à ce problème dans le nouveau cycle de négociations de l'OMC. L'Accord sur l'Agriculture doit être plus équitable et plus sensible aux préoccupations des pays en développement à cet effet. Les pays les moins avancés (PMA) ont besoin de flexibilité, mais ils ne doivent pas oublier que les distorsions du marché sont coûteuses et que les bénéficiaires ne sont pas nécessairement les pauvres au nom desquels elles sont souvent effectuées. La croissance est l'une des meilleurs moyens d'agir contre la pauvreté et les pays en développement devraient s'efforcer de parvenir le plus rapidement possible au développement de leur secteur agricole et de leur économie en général. En attendant, les transferts de revenus par le biais d'un mécanisme automatiquement ciblé, se corrigeant seul, et financièrement autonome peuvent constituer l'une des meilleures solutions. Un mécanisme de ce type pourrait être un plan de garantie de l'emploi, comme celui qui a donné de bons résultats dans l'Etat de Maharastra,en Inde, au cours des quinze dernière années. L'expérience a démontré que lorsque la mousson est mauvaise, le nombre de personnes qui offrent leurs services augmente par rapport aux bonnes années. Le programme est automatiquement ciblé car seulement les pauvres offrent leur travail, les riches n'ayant pas besoin de ces salaires. Avec le développement de l'économie et lorsque les possibilités d'emploi augmentent, les demandes diminuent pour ces activités relativement mal rétribuées, dans le cadre des plans de garantie de l'emploi. Ainsi, l'on peut donc envisager un système de sécurité sociale, ou un réseau de sécurité destiné à la sécurité alimentaire, qui ne provoque pas nécessairement des distorsions dans le secteur agricole. C'est pourquoi les pays en développement devraient bénéficier d'une aide, au cours de la période de transition.

Chapitre 3
LES PRINCIPALES TENDANCES DES MARCHÉS AGRICOLES MONDIAUX ET LES PERSPECTIVES À MOYEN TERME

Exposé des experts

M. Nikos Alexandratos4: Au cours des vingt-cinq dernières années, des modifications importantes sont intervenues dans le domaine de la disponibilité des denrées destinées à la consommation humaine dans les pays en développement. On a assisté à une forte amélioration de la consommation dans les régions du Proche-Orient /Afrique du Nord, de la moitié des années 70 à la moitié des années 80, reflet du boom pétrolier qui s'est associé à un accroissement des importations de denrées alimentaires. Des progrès significatifs ont été obtenus au cours de la même période dans l'Est asiatique. Le Sud asiatique est encore dans une position intermédiaire, mais progresse tout de même. En Afrique subsaharienne la situation s'est détériorée ; elle était beaucoup plus critique au milieu des années 80 qu'au milieu des années 70, bien qu'une certain amélioration ait été enregistrée récemment.

Il y a vingt-cinq ans, on comptait de par le monde, environ 1 milliard de personnes sous-alimentées de manière chronique, soit quelque 37 pour cent de la population des pays en développement. Cette proportion n'est plus maintenant que d'environ 19 pour cent, mais, comme l'a remarqué M. de Haen, le nombre des personnes sous-alimentées a diminué très lentement en absolu et s'est établi à plus de 800 millions de personnes. En Afrique subsaharienne il a augmenté en absolu, alors qu'il est relativement stable en Asie du Sud où il ne fléchit que très lentement. La proportion de personnes sous-alimentées dans l'Est asiatique, y compris la Chine, a diminué très rapidement bien qu'en absolu leur nombre reste élevé, du fait de la croissance démographique. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, la proportion et le nombre des personnes sous-alimentées ont baissé rapidement. L'Amérique latine qui a enregistre relativement moins de cas de sous-alimentation, a eu des difficultés pendant les années 80, mais a fait des progrès importants au cours des années 90.

L'amélioration de la consommation de denrées alimentaires par habitant dans les pays en développement tient à deux facteurs : la production interne et le commerce. Dans l'ensemble, on trouve en tête des pays en développement la Chine et l'Inde qui sont devenus autosuffisants, qui le sont restés et qui sont rarement présents sur le marché mondial comme gros importateurs de denrées vivrières. Toutefois, pour un certain nombre de pays, les échanges de produits alimentaires ont été très importants car ils ont permis d'accroître la consommation par habitant et de réduire la sous-alimentation, surtout dans la plupart des pays du Proche Orient et d'Afrique du Nord.

Au cours des trente-cinq dernières années, les pays en développement ont été des importateurs nets de céréales. Cette période de croissance soudaine et très rapide des importations alimentaires, notamment à partir du début des années 70 et jusqu'au début des années 80, était due au boom pétrolier qui avait créé un marché en expansion très rapide pour les céréales. Lorsque cet effet s'est dissipé, les pays en développement ont continue à croître comme importateurs nets, mais a un rythme beaucoup plus lent. Depuis que l'ex-Union Soviétique et les pays d'Europe orientale ont abandonné le marché des importations, les échanges mondiaux de céréales sont restés pour l'essentiel stationnaires. Cette situation des exportations de céréales, dans les pays industrialisés reflète la croissance des échanges de viande. Les Etats-Unis, qui étaient un pays importateur net de viande, sont devenus un exportateur net, tout comme l'Union européenne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Brésil et l'Argentine. Les importations de viande augmentent très rapidement au Mexique, en Arabie Saoudite, en République de Corée, en Egypte, à Hong Kong et en Chine.

Supposons que la libéralisation des échanges fasse exploser la demande mondiale de denrées alimentaires. Est-ce que la capacité productive, à l'échelle mondiale serait suffisante ? Cette question est souvent posée par les gros importateurs de denrées alimentaires, comme le Japon ou l'Afrique du Nord. La production mondiale de céréales a diminué lentement au cours des dernières années et les quantités disponibles par personne ont baissé. Certains observateurs en sont préoccupés, mais la contraction des disponibilités était essentiellement due à l'effondrement de la production dans l'ex Union Soviétique et en Europe orientale. Plus récemment, la production a augmenté et la consommation mondiale par habitant a recommencé à croître à nouveau. Il semblerait que le potentiel de production soit suffisant dans les principaux pays exportateurs (Amérique du Nord, Europe occidentale, Australie et Argentine) pour satisfaire une augmentation raisonnable de la demande additionnelle sur les marchés mondiaux.

On peut, en conclusion, dire que le potentiel de production est suffisant. La croissance des échanges s'est ralentie récemment parce que la demande réelle a été faible. Dans les pays en développement confrontés au problème de la sécurité alimentaire, la cause est encore la pauvreté, et c'est pourquoi le développement local de l'agriculture entre en jeu. L'une des question à examiner ici, est de savoir si des changements ultérieurs dans l'environnement des politiques commerciales seront favorables ou non au développement de l'agriculture locale, et s'ils entraîneront l'augmentation des revenus des pauvres, accroissant ainsi leur capacité d'acheter de la nourriture ou de consommer leur propre production.

M. Loek Boonekamp5: Au cours des dernières années, l'OCDE a été relativement optimiste sur les perspectives du marché à moyen terme pour les produits agricoles et pour les marchés mondiaux, tant pour le volume des échanges que pour les prix. Nous avons par conséquence indiqué la possibilité d'un ralentissement dans le déclin du prix réel pour un certain nombre de produits agricoles à moyen terme, reposant sur trois éléments principaux: (i) l'accroissement de la demande dans un certain nombre d'économies émergentes et le passage à un régime axé davantage sur les protéines ; (ii) le mouvement lent et très progressif vers l'adoption de mesures gouvernementales ayant moins d'effets de distorsion, dans les pays de l'OCDE; et (iii) l'espoir que l'Accord du Cycle d'Uruguay entraîne moins de distorsions sur le marché.

Actuellement, les prix de nombreux produits sont très bas, à un niveau sans précédent. Toutefois, cela tient davantage à une réaction et à un ajustement des disponibilités au niveau record atteint parfois au cours des années précédentes. Pour toute une série de raisons, je ne crois pas que les cours exceptionnellement bas que nous enregistrons actuellement, pour un certain nombre de produits, remettent en cause nos évaluations précédentes prévoyant un déclin plus lent des prix réels. Cela s'explique premièrement du fait de la reprise d'un certain nombre d'économies n'appartenant pas à l'OCDE qui laisse espérer un marché plus soutenu à moyen terme. Les résultats de la croissance économique en République de Corée et dans certains pays d `Asie touchés par la crise économique, dépassent de loin ce qu'on aurait pu prévoir, il y a seulement six mois. Deuxièmement, il faut souhaiter que la tendance à adopter des politiques plus orientées vers le marché, du moins dans les pays de l'OCDE, ne soit pas remise en cause. Si ces deux conditions sont réunies, on assistera à une reprise des cours mondiaux et les échanges se développeront ultérieurement. Je pense toutefois que les perspectives à moyen terme pour les prix devront être corrigées. Même si l'on relève une reprise pas rapport à ce faible taux de croissance économique sans précédent, les économies touchées par le bouleversement économique enregistreront des revenus globaux bien inférieurs à ce qu'ils auraient été en l'an 2005, en l'absence de récession économique.

Deux facteurs pourraient avoir une forte incidence sur les marchés de produits à moyen terme. Il s'agit d'une part de l'intérêt accordé par le public à la production des denrées alimentaires, à leur innocuité pour la santé et aux répercussions éventuelles sur le milieu social et l'environnement. Ceci pourrait avoir des conséquences importantes sur les marchés et les échanges. On relève d'autre part un besoin accru de réglementation. A notre avis, ces exigences devraient être prises très soigneusement en considération et les problèmes devraient le plus possible être résolus par des consommateurs capables d'exprimer leurs choix. Lorsque une réglementation est nécessaire, elle devrait être transparente et reposer sur des critères internationalement acceptés.

L'évaluation des perspectives à moyen terme est soumise à un certain nombre de variables qui échappent parfois à notre contrôle (conditions météorologiques, désastres naturels...) Mais, il y a un élément sur lequel il est possible d'agir de manière décisive. Il s'agit de l'immixtion des pouvoirs publics sur les marchés. Si la tendance amorcée très lentement dans l'OCDE en faveur du recours à des mesures ayant moins d'effets de distorsion sur les marchés se poursuit et se renforce, on est en droit de s'attendre à un meilleur fonctionnement des marchés à moyen terme. Par contre une remise en cause, risquerait de nous ramener aux dépressions que nous avons connues dans les années 80.

M. Eugenio Diaz-Bonilla6: J'aimerais insister sur quatre points. Le premier concerne les liens existant entre les échanges agricoles et la sécurité alimentaire : les échanges ont eu un effet positif, mais la sécurité alimentaire reste une question interne. Un indice permettant d'établir la capacité de financer les importations alimentaires est d'établir un rapport entre leur valeur courante et le pourcentage des exportations totales de biens. Cet indice a diminué progressivement. Le montant des dépenses consacrées aux importations alimentaires pour les pays en développement a diminué parce que dans l'ensemble, ils sont davantage ouverts aux échanges. Certains de ces pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires exportent des services (par exemple le tourisme). Si l'on inclut les revenus provenant des exportations, les dépenses consacrées aux denrées alimentaires sont encore inférieures. Malgré l'apport des échanges internationaux, la sécurité alimentaire reste une question interne, qui touche des questions comme les structures foncières, les infrastructures, les politiques internes en général, les institutions et les méthodes propres aux divers pays. Un autre indice est fourni par la part des importations alimentaires par rapport à la production alimentaire totale (plutôt que par rapport à la consommation totale, car certains pays sont des importateurs net de denrées alimentaires). Pour les pays les moins avancés, cette part qui était d'environ 4 pour cent dans les années 60, a grimpé dans les années 80 à environ 8 pour cent pour diminuer à nouveau actuellement. Ainsi, rien ne prouve, pour ces pays, que la mondialisation croissante puisse affecter la production intérieure. Pour les pays à faible revenu et déficit vivrier, pour lesquels la FAO dispose de données distinctes, la part oscille de 6 pour cent à 10 pour cent, mais n'a jamais dépassé ce chiffre malgré la mondialisation.

Le troisième point sur lequel je voudrais attirer l'attention est que l'Accord sur l'agriculture n'entrave pas les politiques intelligentes prises dans les pays en développement concernant la pauvreté, l'environnement, la sécurité alimentaire et l'aide alimentaire, etc... Il entrave par contre certaines mauvaises pratiques, notamment pour ce qui est des transferts. Le Professeur Parikh a fait allusion aux distorsions qui concernent le transfert d'argent des consommateurs vers certains producteurs, en général les plus riches. La protection des produits alimentaires dans les pays en développement, ou dans n'importe quel pays, est une taxe à la consommation sur les denrées alimentaires, qui, compte tenu du pourcentage des revenus impliqué, est supportée en grande partie par les pauvres. Fondamentalement, les pauvres qui consomment sont taxés en faveur des riches producteurs. Si l'on s'intéresse aux pauvres, ce sont eux qui doivent bénéficier des mesures prises et il faut leur fournir ce dont ils ont besoin : régimes fonciers, crédits, infrastructures, irrigation, etc... L'Accord sur l'agriculture entrave les mesures qui concernent les transferts qui ne créent pas de richesse.

Enfin, l'OMC a été au centre de nombreuses controverses. Nous savons qu'à Seattle la libéralisation sera fortement critiquée, mais le cadre juridique de l'OMC appartient aussi au cadre juridique de chaque pays. Les décisions sont prises et appliquées par les gouvernements. Je ne connais aucun document de l'OMC indiquant que la décision ait été prise anonymement par un fonctionnaire international. C'est toujours un pays qui prend telle ou telle décision. Si vous voulez davantage de démocratie, il vous faut commencer dans votre pays. L'OMC a besoin d'être renforcée plutôt qu'affaiblie, et tous ceux qui essayent d'exclure l'agriculture de son orbite ou d'affaiblir l'Organisation, travaillent contre les pays pauvres sous-développés.

M. Keiji Ohga7: Je voudrais me limiter à quelques observations sur la structure de base à long terme de l'offre et de la demande de denrées alimentaires à l'échelle mondiale. Avant les années 80, cette structure était fortement conditionnée par la guerre froide. Les pays, de par le monde, protégeaient et octroyaient des subventions à leur agriculture afin d'obtenir le soutien de leur population, (surtout des agriculteurs) et pour protéger leur système économique et social, qu'il soit socialiste ou capitaliste. Les pays développés, à la tête desquels se trouvaient les Etats-Unis, ont créé divers instituts de recherche et ont aidé les pays en développement à augmenter leur productivité. Après la guerre froide, cet enthousiasme a disparu et ils sont maintenant essentiellement en faveur de la liberté des échanges, système de marché préconisant le laissez faire. Même la Banque mondiale et les banques régionales, comme la Banque asiatique de développement, ont commencé à se retirer de l'agriculture. De nombreuses organisation, y compris la FAO, réduisent leurs budgets et leur personnel. De ce fait nous ne pouvons pas extrapoler, en tenant compte des orientations précédentes, mais nous devons tenir compte des effets à long terme de la baisse des investissements dans le secteur agricole (par exemple pour l'irrigation) et de la recherche agricole.

Un autre point, en rapport avec les négociations de l'OMC : on pose souvent en principe que la concurrence sur le marché mondial ne fera que des vainqueurs, mais elle fera aussi des vaincus. Ceux qui disposeront d'un avantage comparatif seront gagnants, mais les personnes ou les entreprises qui n'en auront pas perdront surtout au cours de la période de transition. La plupart des pays en développement sont des importateurs de denrées alimentaires et ont donc peu d'avantages comparatifs dans ce secteur. Dans les pays vainqueurs, ce sont les gros agriculteurs qui tireront un avantage de la situation. Les petits agriculteurs et les paysans seront dans une position défavorable. Ils devront abandonner l'agriculture et aller vivre en ville dans des taudis. Selon la théorie, on devrait assister à l'accroissement du bien-être, mais il y aura toutefois des gagnants et des perdants. Les pauvres ont tendance à perdre et les riches à gagner. C'est la dure loi de la concurrence, et il est nécessaire d'établir des modalités de compensation au sein des pays et d'un pays à l'autre.

Débats

Questions posées à M. Ogha: Plusieurs orateurs voudraient que vous développiez votre position sur les gagnants et les perdants dans un système de libre échange, sur les besoins de compensation aux niveaux national et international, et sur le rôle de la concurrence en agriculture.

Réponse: Pour ce qui est de la "concurrence" en agriculture il faut tenir compte de deux facteurs. Dans les négociations commerciales le problème consiste essentiellement à établir le respect des mêmes règles de jeu pour tous. Même lorsque ces conditions sont respectées la concurrence a pour effet de créer des gagnants et des perdants. C'est sous cet aspect que la concurrence devrait être examinée au cours des négociations. La question des compensations devrait être étudiée au niveau interne et international. A l'échelle des pays, ceci comporte généralement un processus politique de négociations entre les groupes intéressés. Normalement les compensations sont fournies par le biais d'allocations budgétaires, des subventions étant octroyées aux perdants et ainsi de suite. Il existe des programmes de compensation dans le cadre du FMI et d'autres institutions mais ils présentent de nombreuses imperfections. Cette question doit donc être traitée de manière approfondie, non seulement dans le cadre des négociations de l'OMC sur le commerce, mais en élaborant aussi un plan de compensation international. Lorsque le Système généralisé des préférences (SGP) a été négocié, il devait à l'origine, fournir un traitement spécial aux pays en développement. sous la forme d'une compensation.

Question posée à M. Boonekamp: M. Boonekamp est convaincu qu'il y aura une reprise de la demande et que les prix agricoles augmenteront. M. le Professeur Ogha est parvenu à la conclusion que les difficultés liées à l'approvisionnement (production, technologie) pourraient se traduire par un accroissement encore plus fort des prix. Ceci nous confronte donc à de questions que nous avons tendance à éluder dans la plupart de nos discussions, à savoir : Que se passe-t-il lorsque les prix sont en hausse ? De nombreuses pertes peuvent avoir lieu. Une autre question concerne le rôle de l'OCDE dans le domaine de la recherche. La recherche agricole financée sur des fonds publics est en déclin un peu partout. Est-ce que l'OCDE ou tout autre organisme peut intervenir dans ce secteur ?

Réponse: On peut examiner le problème des prix sous des angles différents. D'aucuns, et nous partageons ce point de vue, estiment que la chute des prix à un moment donné indique que le marché, du moins en partie, réagit à une offre trop abondante. Après une période d'ajustement, les ressources excédentaires laisseront les zones de production et on assistera à un relèvement des marchés. Dans cette optique une baisse des prix indique le bon fonctionnement des mécanismes du marché. Si par la suite les prix augmentent à nouveau, cela sera certainement négatif pour les consommateurs, mais probablement pas pour les producteurs. En effet si l'on passe à une situation où l'attribution des ressources est dans l'ensemble orientée vers le marché mondial, un accroissement des prix attirera des ressources additionnelles dans la production. Pour ce qui est du rôle de l'OCDE dans la recherche agricole, je tiens à préciser que nous ne sommes pas une université ou un institut de recherche. La recherche appliquée que nous effectuons est une recherche financée par des fonds publics et les domaines qui nous intéressent le plus concernent les politiques agricoles et leurs implications sur le marché et sur les échanges.

Questions posées à M. Parikh: Un certain nombre de questions concernent l'effet de la libéralisation des échanges sur les prix agricoles, notamment sur le lien qui existe entre les subventions agricoles, les innovations technologiques, la réponse des transferts et de l'offre et les prix. On demande en particulier à M. Parikh, s'il estime qu'un accroissement des prix provenant de l'élimination des subventions peut stimuler la production et entraîner une baisse des prix.

Réponse: Il est vrai que lorsque l'on augmente les prix des denrées alimentaires les pauvres souffrent de cette situation, mais parallèlement, des prix plus élevés stimulent la production. Est-ce que les prix des denrées alimentaires vont ensuite baisser, et permettre ainsi aux consommateurs pauvres de bénéficier de cet avantage ? Nous avons mis au point quelques simulations dans cette optique : même après 10 ans de prix forts des denrées alimentaires, la situation des consommateurs dans de nombreux pays en développement restait déplorable. L'offre peut être très forte pour une culture donnée mais pour le secteur agricole dans son ensemble elle reste quelque peu limitée. Il est possible de produire davantage de blé en cultivant des terres affectées normalement à la production de maïs, mais il n'est pas possible d'accroître en même temps la production de blé, de maïs et autre, au même taux de croissance.. Ainsi du fait du changement de l'offre globale, le PIB agricole augmente mais la situation des consommateurs se détériore, même après dix ans de prix soutenus.

Question posée à M. Boonekamp: Une perspective à moyen terme d'une durée de cinq ans n'est pas suffisante pour juger d'une politique. De nombreux problèmes concernant le potentiel productif mondial doivent être examinées à plus long terme, comme les modifications climatiques, le manque d'eau, les questions liées à l'environnement. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Réponse: Je ne partage pas le point de vue selon lequel une évaluation à moyen terme est dépourvue de validité. Il est certain que certaines politiques ou certaines modifications de politiques ont besoin de temps pour mûrir et produire des effets, mais il y a, cela ne fait aucun doute, des mesures, notamment dans le cadre de politiques qui touchent directement l'offre de produits agricoles, qui ont des effets presque immédiats. Nous pensons qu'un modèle de projection à moyen terme qui définit une direction est très utile pour analyser les effets sur quatre, cinq ou six ans des modifications apportées aux politiques agricoles et leur incidence directe sur le secteur agricole.

Questions posées à M. Diaz-Bonilla: Pensez-vous que la libéralisation des échanges atteint réellement les consommateurs ? ou bien est-ce que les bénéfices sont simplement absorbés sur le marché par les intermédiaires? L'Accord sur l'agriculture n'entrave peut-être pas les politiques intelligentes mais est-ce qu'il fait réellement obstacle aux politiques ayant des effets de distorsion sur le commerce ?

Réponse: Il est vrai qu'il est possible de libéraliser complètement l'économie et le secteur agricole, sans que, pour autant, les prix à la consommation baissent et ceci du fait de l'existence de structures de monopole ou d'oligopole sur le marché. Le problème ne tient donc pas aux échanges mais à la politique interne et à la façon dont les mesures concurrentielles sont appliquées sur le marché interne.

En effet l'Accord sur l'agriculture permet aussi le recours à des politiques ayant des effets de distorsion sur le commerce comme "la catégorie bleue" et certaines Mesures globales de soutien que les pays développés ont utilisé à leur avantage. C'est pourquoi il est important de compléter le processus de réforme agricole dans le cadre de l'OMC.

Chapitre 4
BILAN DE LA MISE EN oeVRE DE L'ACCORD SUR L'AGRICULTURE DU CYCLE D'URUGUAY

(a) Bilan relatif aux marchés agricoles mondiaux

Exposé des experts

M. Jim Greenfield8: Il est extrêmement difficile d'évaluer l'effet du Cycle d'Uruguay sur les marchés mondiaux des produits de base, pour deux raisons. L'une est une pure conjecture : Quelle aurait été la situation mondiale des produits agricoles en l'absence du Cycle d'Uruguay ? Nous l'ignorons, mais nous pouvons facilement imaginer qu'elle n'aurait pas été bien brillante. Les guerres commerciales de la fin des années 80 ont porté un observateur à parler de "confusion" pour décrire la situation mondiale des produits. La deuxième raison est que toutes les évaluation entreprises jusqu'à présent mentionnent des effets assez limités. Les modifications observées sur les marchés des produits agricoles, mois après mois, années après années, relèvent donc de changements d'orientation à long terme, qui progressent lentement.

Selon l'analyse effectuée par la FAO : i) on dispose de peu d'éléments attestant de l'incidence du Cycle d'Uruguay sur le volume du commerce et sur le niveau des prix, sauf pour quelques produits ; ii) une partie de l'accroissement des dépenses d'importations alimentaires dans les pays ayant signé la Décision de Marrakech pourrait être attribuée directement ou indirectement aux changements d'orientation politiques liées au Cycle d'Uruguay et iii) nous disposons de peu de preuves relatives à un grand changement dans l'instabilité des cours mondiaux.

Nous avons accompli un travail plus approfondi sur l'impact relatif à certains produits spécifiques, qui est présenté dans le document d'information n°2. On peut y observer que le Cycle d'Uruguay a eu des effets sur les marchés mondiaux des céréales et de beurre par le biais de la diminution des stocks détenus par les pouvoirs publics et pour la viande de boef par le biais des plafonds des subventions à l'exportation. L'Accord SPS s'est appliqué aux agrumes et les procédures de règlement ont été utilisées pour les bananes. Pour les autres produits agricoles principaux, nous n'avons remarqué aucun effet direct sur les marchés mondiaux, parce que les modifications de politiques étaient négligeables et/ou couvertes par des chocs macro-économiques, des anomalies météorologiques ou d'autres facteurs de marché.

Certaines de ces modifications sont imputables au Cycle d'Uruguay, mais dans plusieurs cas à des accords autres que l'Accord sur l'agriculture (SPS, textiles, règlement des différends). La force anticipée des marchés des produits, dans le modèle de la FAO et dans d'autres modèles, était dû largement à l'augmentation prévue des revenus. On présumait que l'évolution serait positive, mais elle ne l'a pas été. Les taux moyens de croissance du PIB ont été inférieurs au cours des quatre ou cinq dernières années aux résultats obtenus au cours des quatre ou cinq années qui ont précédé. Les marchés de produits ont été perturbés par la maladie de la vache folle, le phénomène météorologique El Niño et toute une série d'effets plus réduits, mais la moyenne suit de près les revenus.

Est-ce que la stabilité des marchés de produits a changé, dans un sens ou dans un autre, depuis le Cycle d'Uruguay ? Nous l'ignorons, mais nous devrions faire attention au mot "instabilité". Il a une signification économique précise : les prix retournent à un équilibre après un choc. Dans ce sens, la stabilité est parfaitement compatible avec toute une série de fluctuations des prix dues aux conditions météorologiques et à d'autres chocs. Le Professeur Sarris, de l'Université d'Athènes, a montré que les marchés de produits sont stables. Ils retournent à un situation proche de l'équilibre après un choc, malgré de très grandes fluctuations.

M. samarendu mohanty9: Il est difficile de mesurer l'effet de l'Accord sur l'agriculture sur les marchés agricoles mondiaux, car nombre d'autres facteurs sont intervenus en même temps. Au cours des six dernières années, on a assisté dans un premier temps à une flambée des prix agricoles (environ 40 pour cent de plus) puis à un effondrement (de 40 pour cent) dans les deux années suivantes. Il est très difficile d'établir si l'Accord sur l'agriculture, y est pour quelque chose.

Les modifications intervenues dans les politiques de soutien interne, aux Etats-Unis et dans l'Union européenne, pourraient être dûes en partie aux engagements pris avec l'OMC, et ont un effet sur le marché des céréales, bien que d'autres facteurs soient plus importants. Les exportations ont augmenté entre 1993-94 et 1995-96, mais les prix ont baissé et les exportations ont diminué dans les deux années qui ont suivi. Est-ce que l'OMC a joué un rôle dans ces changements? Sur les 11 millions de tonnes de réduction des exportations de céréales, la chute des importations chinoises représente 9 millions de tonnes, mais cela n'a rien à voir avec l'OMC puisque la Chine n'en fait pas partie. Les engagements du Cycle d'Uruguay sur l'accès aux marchés ont créé très peu d'ouvertures réelles, notamment pour les produits politiquement sensibles. Les droits de douane n'ont rien fait pour améliorer les marchés agricoles mondiaux ; ils ont foncièrement augmenté le niveau de protection. Mais peut-être s'agit-il d'une bonne base de départ pour le prochain cycle.

M. John Finn 10: La mise en oevre de l'Accord sur l'agriculture se poursuit de manière assez satisfaisante, la plupart des pays respectant leurs engagements dans tous les secteurs. Pour ce qui est de l'accès aux marchés, pratiquement toutes les gammes de produits ont été assorties de droits de douane, bien que les résultats puissent ne pas satisfaire tout le monde. Nous avons eu quelques problèmes avec l'administration de l'accès aux marchés mais dans l'ensemble, tout procède conformément aux engagements. De même, pour ce qui est du soutien et des subventions à l'exportation, il existe des problèmes dans certains secteurs, mais dans l'ensemble les engagements sont respectés.

L'Accord sur l'Agriculture limite les types de mesures que les pays peuvent adopter. Les réformes de 1992 de la Politique agricole commune de l'Union européenne ont subi l'influence du Cycle d'Uruguay. L'une des raisons qui sous-tendent la modification du FAIR Act aux Etats-Unis était de déplacer les politiques de la "catégorie orange" à la "catégorie verte". Les Etats-Unis se sont mis dans une très bonne position pour les prochaines négociations, en passant d'une situation de soutien des prix du marché à une situation de paiements directs. L'Union européenne et d'autres pays sont passés à des politiques de la "catégorie bleue" et de la "catégorie verte" en abandonnant les achats d'intervention et en utilisant des formes de soutien ayant moins d'effets de distorsion. Il y a donc eu un effet important sur la manière dont les pays prennent leurs décisions. La place occupée par les pays en développement dans les échanges agricoles a diminué très nettement jusqu'aux environs de 1993 et depuis elle s'est développée. Bien sûr, nous aimerions attribuer ce succès au Cycle d'Uruguay, mais nous savons que cela n'est pas possible. D'autres facteurs ont beaucoup plus d'importance en ce moment. A mon avis, l'effet le plus décisif est qu'il a imposé des limites aux pays dans leurs politiques agricoles. Pour répondre à M. Greenfield, s'il n'y avait pas eu d'Accord sur l'agriculture, le résultat le plus évident aurait été une liberté considérable d'action pour les pays qui peuvent se permettre d'avoir recours aux subventions, au détriment de ceux qui ne le peuvent pas.

On a beaucoup parlé de l'effet négatif que le Cycle d'Uruguay devrait avoir, mais cela doit être remis en question. Les données disponibles mentionnent des effets positifs, mais l'effet le plus important concerne les limites imposées aux mesures prises. Au lieu de prendre des décisions en fonction d'un pouvoir politique ou financier, nous avons maintenant des règles qui donnent à tous les mêmes droits.

M. Donald Mitchell 11: Les questions relatives au prix d'un produit donné semblent être d'une complexité inouïe. Mais dans l'ensemble, les prix des produits sont bien policés, réguliers et très faibles. Cela est vrai, pour les prix nominaux de tous les produits (à l'exception de l'énergie), depuis 1980, sur une base mensuelle. Les prix réels ont diminué de 50 pour cent au cours de cette période. Ainsi, pour les producteurs agricoles et les exportateurs de pays en développement il s'est agi d'une mauvaise passe, mais pour les importateurs de denrées alimentaires la situation a été beaucoup moins difficile, parfois même relativement satisfaisante.

Depuis mai 1996, nous sommes entrés dans une phase typique de récession cyclique : l'offre a augmenté, la demande finale n'a pas pu absorber l'accroissement de l'offre et les prix ont commencé à fléchir. Un an plus tard s'ouvrait la crise asiatique ; elle n'a évidemment pas provoqué la chute des marchés des produits, mais elle y a certainement contribué. La baisse des prix n'est pas particulièrement insolite. Les cycles des prix, de puis 1980, se ressemblent de manière frappante. La baisse actuelle est légèrement plus forte que les précédentes (29 pour cent contre 25 pour cent en moyenne) et sa durée se situe pour l'instant dans la moyenne. Toutefois, on note certaines irrégularités dues à la crise asiatique, ce qui donne un caractère particulier à la récession actuelle.

Pour les produits qui sont exportés en grande quantité par les pays de l'Est asiatique, l'effet de la crise a été très fort et immédiat. Les pays ont dévalué leurs monnaies et ont parallèlement accusé une récession qui a fait chuter la demande intérieure et a rendu le marché international plus intéressant. L'offre interne s'est portée sur le marché international, favorisant la baisse des prix. Par contre, lorsque la crise a suscité des craintes pour l'approvisionnement interne en denrées alimentaires, l'Indonésie a imposé des contrôles à l'exportation pour l'huile de palme, ce qui a provoqué l'effet inverse à celui recherché : une hausse des cours internationaux de l'huile de palme et de l'huile de soja.

Les pays en développement sont dans l'ensemble importateurs de denrées alimentaires et les prix des vivres ont subi un réel tassement. Pour les pays en développement qui sont importateurs de denrées alimentaires, il s'agit d'une bénédiction, mais malheureusement ils financent une grande partie de ces importations en exportant des matières premières et des produits tropicaux. Les cours des céréales, notamment du blé, un des principaux produits importés dans le secteur alimentaire par les pays en développement, ont été relativement stables jusqu'en 1995, date à partir de laquelle les stocks mondiaux ont fléchi très nettement. Les prix n'ont pas réagi dans un premier temps, mais l'économie mondiale et la demande ont augmenté très rapidement et les prix ont soudain commencé à répondre aux sollicitations. Sous l'effet d'une panique temporaire, tout le monde a pensé que l'on allait manquer de blé, et l'on a assisté pendant quelques mois à la flambée des prix.. Ils ont ensuite diminué progressivement, pour s'établir maintenant à 100 dollars pour le blé et à 85 dollars pour le maïs. A bien des égards, ces mouvements de prix ne sont donc pas tellement insolites. Ils correspondent à l'orientation à long terme du marché des produits.

Débats

Questions et observations: Un participant a demandé à M. Mitchell et à M. Greenfield si les changements récents d'orientation pouvaient avoir provoqué à un accroissement de l'offre. Il a précisé que cela était important parce que l'on pensait que la réduction des subventions pouvait entraîner la diminution de la production. Toutefois, certains changements d'orientation du Fair Act et de l'Agenda 2000 - suppression des opérations de compensation et développement de ce que l'on appelle les "articles découplés" dans la "catégorie verte" - ont fait que les autorités publiques pouvaient prélever les coûts fixes des producteurs. L'autre question portait sur le fait de savoir s'ils s'attendaient que les prix s'établissent plus près des coûts variables qu'auparavant, sans les opérations de compensation.

Une autre participant a remarqué que l'Accord sur l'agriculture contenait des engagements sur les subventions à l'exportation, le soutien interne et l'accès aux marchés. Si l'effet de l'Accord est insignifiant, à quoi cela tient-il ? Est-ce parce que les réformes ont été insignifiantes dans ces trois secteurs, ou parce que le marché ne fonctionne pas correctement ? Il a été appuyé par un autre orateur qui a noté que les plus fortes réductions ont été appliquées aux droits de douane les plus bas, que les contingents n'ont pas été correctement appliqués, et que l'on s'interrogeait sur le montant des soutiens et des subventions. S'agit-il seulement d'engagements superficiels qui ne devaient pas toucher le marché ou y a-t-il eu un réel changement dans le comportement des pays ?

Les observations suivantes ont également été faites :

Réponses:

M. john finn: Je ne voulais pas donner l'impression que l'Accord sur l'agriculture était insignifiant mais dire seulement qu'il y a un grand nombre d'autres facteurs qui ont peut-être autant d'importance. Tous ces facteurs doivent être pris en considération si l'on veut savoir pourquoi les prix varient, la part des marchés se modifie, et ainsi de suite. De même, je n'ai peut-être pas suffisamment insisté sur le fait qu'au cours d'un an l'incidence du Cycle d'Uruguay peut être inférieur, à disons, l'influence des conditions météorologiques au cours de la même période. Mais si l'on prend une moyenne de cinq ou six ans, les effets sont déjà beaucoup plus significatifs parce que les engagements ont un effet cumulatif.

Y a-t-il eu réellement des changements d'orientation ? C'est indéniable, l'évolution a été très importante. On peut citer la réforme de la politique agricole communautaire de l'Union européenne en 1992 et l'Agenda 2000, le FAIR Act des Etats-Unis ainsi que d'autres modifications similaires concernant d'autres pays. Le soutien interne dans les pays de l'OCDE a augmenté cette année, mais la tendance est encore à la baisse et le niveau est encore inférieur à ce qu'il était avant le Cycle d'Uruguay. Je reconnais qu'il y a une quantité significative d'engagements de soutien à l'exportation ou de soutiens internes non utilisés, principalement du fait des changements d'orientation des divers pays, qui ont maintenant déplacé leur soutien de la "catégorie orange" à la "catégoriel verte".

M. jim greenfield: Est-ce que l'Accord sur l'agriculture a eu un effet insignifiant ? Les changements auxquels nous avons assisté ont été occultés par d'autres forces et il est difficile de les démêler. Je ne dirais pas que son incidence est insignifiante. Dans l'ensemble on admet que les effets qualitatifs relatifs à l'élaboration des politiques sont beaucoup plus importants que les effets quantitatifs sur les marchés. Dans certains pays il y a eu indéniablement un changement réel. Certains pays n'ont pas toujours suivi l'esprit de l'Accord bien qu'ils puissent avoir suivi les dispositions établies. Cette recherche de la législation à appliquer est quelque chose que vous constaterez continuellement dans le Comité sur l'agriculture.

En ce qui concerne l'ESP (équivalent subvention à la production) et la MGS (mesure globale du soutien) il est délicat d'établir des comparaisons. La MGS est une mesure très spécialisée. L'ESP publié par l'OCDE est un chiffre beaucoup plus important qui varie beaucoup plus d'une année à l'autre, compte tenu de fluctuations des prix. La MGS est un système de mesure des prix fixés. C'est le prix administratif contre le prix fixé, et il ne varie donc pas très rapidement. Il y a aussi des soutiens non utilisés et je pense que c'est là le point de votre question. Actuellement il y a une certaine protection qui n'est pas utilisée, qui pourrait augmenter, mais parallèlement l'ESP pourrait encore baisser, parce qu'il est calculé différemment.

J'appelle l'attention sur le point soulevé par le représentant de la Commission européenne. Au niveau des pays on a enregistré indéniablement des changements Ce thème sera examiné lors de la prochaine session.

Je me réfère à la remarque fort pertinente d'Osamu Koyama concernant la stabilité des prix internes. La transmission de l'instabilité des cours mondiaux à l'échelle nationale est potentiellement une question très grave, qui je crois sera examinée demain.

M. donald mitchell: La question a été posée de savoir si les changements d'orientation ont accru la sensibilité de l'offre. J'estime que dans l'ensemble, cela a été le cas. L'Argentine est le pays où la production et les exportations de céréales ont le plus augmenté, à la suite de la hausse des cours en 1994-95. La forte réaction a été en partie dictée par les mesures prises. Les agriculteurs ont bénéficié de prix plus favorables, le coût des transports a diminué et ils sont devenus plus compétitifs comme exportateurs. Les principaux pays exportateurs de céréales - et ici il est possible que je sois contesté - disposent d'énormes capacités de production excédentaires et vu les faibles possibilités d'accroissement des prix, ils vont augmenter la production. Au niveau mondial la production a augmenté de 12 pour cent pour les céréales et de 13 pour cent pour le soja dans les deux années qui ont suivi l'envolée des prix. Ainsi il n'y a pas de manque de capacité, mais les échanges mondiaux de céréales ayant stagné pendant 20 ans, il n'est pas vraiment nécessaire d'accroître la capacité. Le changement intervenu dans la part de marché occupée par l'Argentine, l'Australie et l'Union européenne est du même ordre d'idée. On dispose de la capacité, si un pays se retire du marché, de donner à un autre la possibilité de s'étendre.

Que serait-il arrivé sans la crise asiatique ? On l'ignore évidemment. D'importantes dévaluations monétaires ont rendu ces pays plus compétitifs à l'exportation, et je suis convaincu que cela se traduira par un accroissement de leur part de marché avec le temps et que le marché des produits en subira le contrecoup pendant de nombreuses années. Ces répercussions de la crise auront des conséquences relativement durables. On assiste actuellement à une bonne reprise au plan des revenus, ainsi nous devrions bientôt cesser de parler de cet aspect. Cela dit, la crise asiatique aura aussi des effets à plus long terme.

M. samarendu mohanty: Je vais essayer de décrire ce qui se serait passé sans la crise asiatique. Il ressort des quelques scénarios que nous avons simulé que la demande a diminué de moins de 5 pour cent du fait de la crise. Nous aurions donc, de toute façon, eu des prix très bas. Pour ce qui est des engagements réels pris par les pays, on peut dire que le secteur des droits de douane n'a pas été concerné. Les pays ont disposé d'une grande flexibilité pour manipuler le système. Ils ont pu obtenir une réduction moyenne de 36 pour cent en ne créant pratiquement pas d'accès réel au marché. Dans le domaine des subventions à l'exportation, on a noté des modifications réelles parmi les principaux exportateurs au cours des trois ou quatre dernières années : l'Afrique du Sud a éliminé les subventions ; le Canada a supprimé la subvention octroyée aux transports ; les Etats-Unis ont été très modérés, et l'Union européenne a annoncé dans l'Agenda 2000 qu'elle va réduire les subventions à l'exportation.

Observations 12: Je reconnais qu'il y a eu une diminution des subventions à l'exportation. Toutefois, ce n'est pas à cause du Cycle d'Uruguay mais du fait des restrictions budgétaires auxquelles l'Amérique et l'Union européenne ont du faire face

(b) Expérience des pays en développement

Exposé des experts

m. Ramesh Sharma13: La FAO a évalué les expériences des pays en développement dans le cadre de la mise en oevre de l'Accord sur l'agriculture et de ses effets sur les courants d'échanges, dans des études de cas portant sur 14 pays. La plupart de ces pays avaient déjà reformulé leurs politiques internes au titre des programmes d'ajustement structurel, et de ce fait, il ne leur a pas été difficile de se conformer aux dispositions de l'Accord. Les Programmes d'ajustement structurels et l'Accord sur l'agriculture vont dans la même direction. Il est donc difficile de dire si les modifications des politiques ont été déterminées par l'Accord ou par d'autres réformes.

Seulement 3 de ces 16 pays se sont engagés à réduire les soutiens internes mesurés par la MGS (dans le Cycle d'Uruguay seulement 12 pays en développement se sont engagés dans ce sens). Pour ces trois pays, les dépenses courantes de 1995 à 1998 ont évolué à l'intérieur des limites autorisées. Un seul cas seulement a posé quelques problèmes car la MGS autre que par produit s'est avoisinée du de minimis autorisé de 10 pour cent. Dans les autres pays, la mesure du soutien relève des catégories exemptées comme la "catégorie verte", les mesures de traitement spécial et différencié et dans certains cas de l'exemption de minimis.

Ces pays avaient déjà éliminé les obstacles non tarifaires avant la conclusion du Cycle d'Uruguay et les études montrent que leurs droits de douane consolidés étaient généralement élevés, mais que les droits effectivement appliqués étaient beaucoup plus bas. Les droits effectivement appliqués étaient souvent modifiés pour répondre au déséquilibre entre l'offre et la demande ou à des modifications des cours mondiaux et comme moyen de stabiliser les marchés internes. Un certain nombre de limitations ont empêché ces pays d'utiliser tout l'arsenal de leurs droits de douane consolidés, y compris : i) les engagements pris avec les organisations financières internationales ; ii) la crainte de détruire les rapports de commerce avec les gros exportateurs qui ont fourni un accès préférentiel au marché, une aide au développement, etc... et iii) la nécessité politique, dans de nombreux cas, de maintenir des prix faibles à la consommation. Aucun des 16 pays n'avait une expérience des contingents tarifaires, des mesures de sauvegardes ou d'autres mesures de circonstance.

La majorité des études a prouvé qu'aucune amélioration des exportations agricoles n'a eu lieu au cours de la période de réforme. Pour les produits agricoles traditionnels, les boissons tropicales et les matières premières, les exportations ont suivi la tendance, sans enregistrer de modifications significatives. Pour les produits non-traditionnels (y compris les produits transformés industriellement) certains effets positifs ont été signalés pour les fruits et légumes. En outre, tous ces pays pensent que les perspectives sont bonnes dans ce domaine. Parmi les problèmes mentionnés on peut citer : i) les difficultés d'approvisionnement ; ii) le respect des exigences des Accords SPS/TBT ; iii) les crêtes tarifaires et la progressivité des droits de douane.

Les importations alimentaires ont augmenté rapidement dans la plupart des pays, et les brusques poussées des importations, notamment pour le lait en poudre écrémé et les volailles, sont fréquentes. La libéralisation des échanges a conduit à une poussée presque immédiate des importations alimentaires, mais ces pays n'ont pas été capables d'augmenter les exportations agricoles du fait de la faible réponse de l'offre, des obstacles du marché et de la concurrence des exportations subventionnées. On n'a signalé aucun cas d'assistance au titre de la Décision de Marrakech.

Le renforcement de la concentration des exploitations est commun à de nombreux pays. Ce processus a eu comme effet positif d'accroître la productivité et la compétitivité, mais il a aussi marginalisé les petits producteurs et renforcé le chômage et la pauvreté. Pour ces pays, le principal enjeu est de continuer ce processus de libéralisation et de développement sans toucher ces secteurs sensibles. Bien que les règles concernant les mesures de soutien internes ne les aient pas empêchés d'investir dans le secteur agricole, on craint qu'à l'avenir elles puissent entraver le plein développement de leurs potentiels.

M. Abhijit Sen 14: Cela vaut aussi pour un certain nombre d'autres pays. Les réductions des droits de douane qui ont eu lieu en Inde auraient probablement été appliquées, avec ou sans l'Accord sur l'agriculture. Avant Marrakech, l'Inde, comme d'autres pays avait une position extrêmement défensive, les consolidations tarifaires allant généralement de 100 à 300 pour cent, sauf pour certains produits consolidés à 0 pour cent dans les années 50. Pour la plupart des produits, les droits effectivement appliqués vont de 0 à 40 pour cent au maximum. Ainsi nous avons des consolidations tarifaires qui sont d'environ 100-150-300 pour cent et des droits effectivement appliqués de 0-10-40 pour cent.

Nous n'avons pas de contingents tarifaires, de droits à l'exportation ou de subventions aux exportations. Dans le cadre de la MGS, l'Inde, comme un certain nombre de pays en développement a commis deux types d'erreur. Dans notre première notification, nous avons fait celle de calculer la MGS en monnaie locale, et non en dollars. Nous l'avons corrigé dans notre communication successive et la MGS a été notifiée avec des prix de référence en dollars. Du fait de l'inflation, de nombreux pays en développement partagent le même sort. Dans l'esprit de l'Accord, si une erreur a été faite à l'origine, il est possible de réexaminer la question et cette possibilité est offerte à tous.

Notre deuxième problème est une difficulté de procédure et concerne l'équilibre des soutiens par produit et autre que par produit. Pour ces derniers, l'Inde est un peu au-dessous du de minimis autorisé, alors que les soutiens spécifiques par produits présentent de nombreux aspects négatifs (les prix de soutien par exemple sont inférieurs aux prix de référence mondiaux et il s'agit donc d'une subvention négative). En Inde, on a la conviction qu'il est possible d'équilibrer les résultats positifs des soutiens autres que par produits par les résultats négatifs des soutiens par produits, mais évidemment nombre de pays n'acceptent pas cette position. Si l'on dit aux agriculteurs qu'on leur donne des subventions négatives et qu'on les taxe, ils demanderont la suppression des taxes et l'augmentation des prix. Il est nécessaire de clarifier ces questions et d'adopter des normes communes. De nombreux pays en développement ont pris contact avec le Cycle d'Uruguay à travers un ajustement structurel, il faut donc adopter certaines normes très rapidement.

L'Inde a engagé son processus de réforme en 1991-92. Au cours des cinq années de prix élevés qui ont suivi, les exportations ont été plus importantes et le taux de croissance des importations a été plus élevé qu'au cours des 5-10 années précédentes. Au cours des trois années qui ont suivi (1996-98) les importations ont augmenté d'environ 50 pour cent, alors que les exportations diminuaient d'environ 20 pour cent. Ainsi au cours de la période de huit ans, on n'a enregistré aucune modification des exportations. On peut difficilement imputer toutes ces variations à l'Accord sur l'agriculture, parce que les obligations que nous avons contractées sont très limitées.

M. T. Ademola Oyejide15: Je voudrais préciser quatre points qui concernent l'ensemble de l'Afrique australe. Le premier concerne l'attitude que les pays d'Afrique australe étaient censés adopter dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture. Le seul pays développé qui ait indiqué qu'il respecterait les règles d'accès au marchés, de soutien de la production et de subventions aux exportations est l'Afrique du Sud. La plupart des autres pays en développement de la région sont des PMA auxquels on ne demande pas de prendre de véritables engagements mais seulement d'interdire tous les obstacles non tarifaires et la consolidation de tous les droits de douane. Ils ont tous respecté ces deux règles. Six pays seulement ont des droits de douane consolidés de 30-40 pour cent. Les autres pays ont des consolidations tarifaires doubles. Il ont imposé des consolidations tarifaires uniformes de 100-150 pour cent et en outre chaque pays a fixé d'autres droits et d'autres taxes à hauteur de 80-100 pour cent. Les droits de douane appliqués, toutefois, ne dépassent pas normalement 30-40 pour cent. Les PMA et les pays africains en développement n'ont pas grand chose à signaler pour ce qui est des soutiens à la production et des subventions nationales.

Le deuxième point porte sur la libéralisation de la production agricole du marché et sur les régimes alimentaires relevant des programmes d'ajustement structurels qui ont précédé l'Accord sur l'agriculture. Ils ont entraîné une dévaluation substantielle des monnaies, des droits de douane réduits (surtout pour les industriels), la libéralisation de la production agricole et des systèmes de commercialisation ainsi que des taxes réduites sur les exportations agricoles. En général, le secteur agricole est maintenant moins taxé qu'auparavant, mais il reste toutefois plus taxé que l'industrie qui bénéficie d'un niveau plus élevé de protection.

Le troisième point concerne les résultats agricoles. Si l'on compare les trois années qui s'achèvent en 1997 avec les trois dernières années de la décennie précédente, on notera une amélioration, mais à quoi tient-elle ? Les tenants des réformes économiques soutiendront bien sûr que c'est grâce aux changements d'orientation, mais un fait fondamental à noter est que la productivité n'a pas changé, et qu'en fait elle a même baissé, en partie parce que les programmes d'ajustement structurel n'ont pas porté une attention suffisante aux facteurs autres que les prix.

Enfin l'Accord sur l'agriculture a eu des répercussion sur l'environnement externe de l'agriculture africaine dans deux domaines i) le prix des produits et ii) leur incidence sur les importations de denrées alimentaires. Comme de nombreux pays africains sont des pays à faible revenu, importateurs nets de produits alimentaires, les dépenses d'importations ont augmenté. Parallèlement ils ont souffert de l'érosion des préférences, du fait du Cycle d'Uruguay. Les revenus des exportations n'ont pas augmenté aussi rapidement que les dépenses d'importations et c'est un effet négatif que l'on peut attribuer à l'Accord.

M. Mahmoud Al Oduimy16: Il est encore trop tôt pour évaluer l'incidence globale du Cycle d'Uruguay sur l'agriculture égyptienne, mais certaines études réalisées dès 1995 sur ses effets probables ont conclu que les dépenses d'importation augmenteraient pour la plupart des produits alimentaires. L'Egypte a mis en place son programme d'ajustement structurel au début des années 1990. Ainsi l'Accord sur l'agriculture a renforcé et consolidé la réforme économique effectuée plus tôt.

Le coton, le riz et les pommes de terre sont les principales exportations égyptiennes. Si la situation des exportations ne s'est pas améliorée, cela est dû essentiellement aux conditions internes, plutôt qu'à l'Accord. Les principales importations alimentaires sont le blé, les huiles comestibles, la viande et le sucre. Les importations de blé ont augmenté de 50 pour cent récemment, celles d'huiles comestibles ont probablement doublé de 1989 à 1998 et la valeur des importations de viande rouge a également doublé au cours de cette période. Ces accroissements ne dérivent pas du Cycle d'Uruguay mais de l'augmentation des prix à l'importation et de l'augmentation de la consommation.

Pour conclure, je voudrais faire trois remarques. Premièrement les mécanismes institutionnels doivent être améliorés au niveau national et international. Les pays en développement ont trop de possibilités de contourner l'Accord sur l'agriculture. Deuxièmement, les expériences relatives aux dispositions du SPS et de l'OTC sont importantes et la reconnaissance mutuelle d'une description et des normes ainsi que l'harmonisation de ces mesures entre les pays, sont essentielles. L'acceptation de certaines normes, entre par exemple l'Egypte et l'Union européenne aurait évité le conflit récent sur les exportations de pommes de terre. Troisièmement, la plupart des pays en développement ont connu les effets négatifs du Programme d'ajustement structurel. Si l'on ajoute à cela l'impact de l'accord, il est nécessaire de compenser cet effet négatif par le biais de l'aide alimentaire, et de la coopération financière et technique.

M. Antonio Salazar P. Brandao17: On note actuellement une amélioration de l'agriculture brésilienne. Les associations de cultures se modifient et les producteurs sont en train de faire un gros effort pour réduire les coûts à l'échelle internationale, essentiellement du fait des réformes unilatérales entreprises approximativement au cours des dix dernières années. Evidemment, les producteurs doivent faire face à des difficultés, aggravées par l'instabilité macro-économique du pays et par le plan récent de stabilisation qui a apporté un forte hausse des taux d'intérêts et une dépréciation monétaire.

L'effet du Cycle d'Uruguay sur le Brésil est très relatif par rapport à la force et à l'ampleur des réformes unilatérales engagées précédemment. Une importante réforme globale des droits de douanes engagée en 1990 a porté les droits de douane moyens de 32 pour cent à 14 pour cent et ces droits ont été encore réduits avec l'Accord de Marrakech. Les effets de toutes ces réformes ont été beaucoup plus significatifs que les engagements du Cycle d'Uruguay à proprement parler. Evidemment ces réformes n'auraient peut-être pas eu lieu sans le Cycle d'Uruguay et les modalités qui l'ont entouré.

Les engagements brésiliens pris au titre du Cycle d'Uruguay ont consolidé la plupart des droits de douane agricoles à 35 pour cent, à quelques exceptions près, comme pour les produits laitiers. Les droits appliqués sont bien inférieurs. La MGS englobe le soutien des prix et les politiques de subvention du crédit. Ces politiques ont été abandonnées progressivement, mais elles sont encore en place, notamment en ce qui concerne le soutien des prix dans le crédit, bien que leur champ d'application soit beaucoup plus limité que par le passé, du fait des limites budgétaires. Il n'y a pas de programmes de subvention des exportations.

Le Brésil participe au nouveau cycle avec des droits de douane faibles, aucune restriction quantitative, de faibles niveaux de soutien interne et des agriculteurs en difficultés. La modernisation de l'agriculture favorisera l'exode rural, ce qui représentera un problème important pour le gouvernement, car ces mouvements ne sont pas favorablement accueillies par la population urbaine qui tend à s'opposer à la modernisation de l'agriculture. Nos sujets de préoccupations sont les suivants : droits de douane élevés à l'étranger, progressivité des droits de douane, subventions aux exportations et soutien interne élevé à l'étranger. Si nous n'obtenons pas de résultats significatifs dans ces domaines, au cours du nouveau cycle, notamment pour ce qui est des subventions aux exportations et des droits de douane élevés, l'agriculture brésilienne pourrait être gravement perturbée et la modernisation en cours pourrait prendre fin.

M. J.R. Deep Ford18: Je voudrais tout d'abord parler du Guyana et évoquer les pays des Caraïbes et de l'ACP.

La libéralisation des échanges ayant commencé depuis longtemps au Guyana et dans les Caraïbes, la plupart des conditions requises par l'Accord sur l'agriculture existaient déjà. Nous avions pris un engagement régional de libéraliser les échanges et ce processus a introduit un certain nombre de réformes qui ont simplifié la structure externe des tarifs douaniers et de la réduction des droits de douane. Les droits de douane sont restés plus élevés dans le secteur agricole, généralement autour de 40-50 pour cent. L'OMC a suivi le mouvement et le Guyana, comme nombre de pays, a adopté globalement des consolidations tarifaires de 100 pour cent. Les droits de douane appliqués sont bien inférieurs, mais on estimait qu'il était désirable d'avoir la flexibilité de pouvoir aller jusqu'à 100 pour cent si nécessaire. Pour ce qui est du soutien intérieur, aucune réduction de MGS n'était nécessaire. Les restrictions budgétaires ont réduit nos dépenses pour les mesures de la "catégorie verte" et nombre de services que les pouvoirs publics offraient auparavant aux producteurs ruraux ont été privatisés.

Un environnement de libre échange a été positif pour le Guyana, les modifications qualitatives ayant été plus importantes que les modifications quantitatives. Le système est beaucoup plus transparent et beaucoup plus fiable, les réglementations ont été limitées, etc...Les producteurs ont répondu par un accroissement énorme de la production des deux principaux produits caractéristiques de l'agriculture au Guyana, le riz et le sucre. La production de riz a été multipliée par quatre au cours de la période 1990-1998.

Pendant plus de deux décennies, des efforts ont été effectués dans de nombreux pays des Caraïbes pour mettre l'accent sur les cultures d'exportation non traditionnelles, mais en vain. C'est pourquoi l'octroi d'une période de transition suffisamment longue est l'une des questions qui nous tient le plus à coer, lors des négociations. L'un des secteurs clé est celui des cultures d'exportations non traditionnelles dans lequel figurent de nouveaux produits : papayes, poivrons etc.. Nos pays ne doivent pas seulement accepter d'appliquer certaines règles de contrôle des échanges mais avoir aussi la capacité d'appliquer et de superviser ces réglementations.Cela vaut surtout pour certaines dispositions du SPS, qui sont à notre avis dépassées.

Les importations de denrées alimentaires ont pratiquement doublé, parallèlement à la capacité d'importer. Il est de plus en plus évident que les produits importés (par exemple le lait, la volaille, les fruits et légumes) remplacent ceux du pays. Cette poussée des importations se traduit aussi dans nos pays par la modification de la consommation qui tend à s'éloigner du modèle traditionnel reposant sur les racines et à préférer un régime "poulet - pommes frites".Dans le cas des importations, on a de plus en plus besoin de dispositifs de contrôle pour les pratiques déloyales et pour les échanges de produits de qualité inférieure. Les pays ouvrent leurs marchés mais ils n'ont pas la capacité de contrôler ce qui se passe dans ce secteur. Tels sont les enjeux pour le Guyana, ainsi que pour les autres pays de la CARICOM, et bien sûr de l'ACP.

L'un des défis les plus important est de conserver un accès préférentiel sur nos deux principaux marchés : l'Union européenne et les Etats-Unis. Dans les Caraïbes on est dans l'ensemble préoccupé par l'incertitude qui entoure l'accès préférentiel. Ces doutes doivent être dissipés pour que les entrepreneurs puissent participer à la transformation du secteur des trois principaux produits : bananes, sucre et riz. Cette question sera fondamentale au cours du prochain Cycle de négociation. Nous devons faire face à une réduction du marché interne du fait de la concurrence des importations, de l'accroissement de la concentration de la production agricole, de l'accroissement de la vulnérabilité de petits agriculteurs et, qui plus est, de la diminution de la capacité institutionnelle du secteur public.

Débats

Question posée à M. Sharma: Selon l'étude de cas consacrée au Sri Lanka, des milliers d'emplois, dans le secteur de la production des oignons et des pommes de terre ont été supprimés du fait de la poussée soudaine des importations. Est-ce que la FAO dispose d'un chiffre global pour l'ensemble des 16 pays, relatif aux nombre d'emplois supprimés dans les zones rurales ou du nombre de personnes qui ont abandonné le secteur agricole au cours des cinq dernières années ?

Question posée à tous les experts: Est-ce que parmi vous, quelqu'un a établi une comparaison entre les conclusions officielles de l'OMC relatives à la politique commerciale et une évaluation personnelle de la situation, plus indépendante. Vous êtes tous de l'avis qu'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions à long terme. L'on dispose toutefois de suffisamment de données pour parvenir à certaines conclusions : les importations alimentaires ont augmenté, les exportations n'ont pas beaucoup évolué tant du point de vue du volume que de la structure, on a assisté à une marginalisation des petits agriculteurs et ceci est venu s'ajouter au chômage et à la pauvreté. Dispose-t-on d'informations plus approfondies montrant comment le lien entre la pauvreté, la sous-alimentation et les importations et les revenus des exportations ont évolué avant et après le Cycle d'Uruguay ?

Observations destinées à M. Oyejide: L'observation selon laquelle la libéralisation qui a eu lieu en Afrique subsaharienne, dépend davantage d'un Programme d'ajustement structurel est peut être pertinente, mais nous pensons que l'Accord a donné un nouvel élan et a exercé de nouvelles pressions en Afrique subsaharienne, notamment dans des pays comme les nôtres. Nous avons fait l'objet de fortes pressions pour supprimer plusieurs obstacles non tarifaires aux échanges agricoles, et cela a eu un effet notable sur notre économie.

Question: Lorsque mon pays a participé au Cycle d'Uruguay, nous pensions que les pays en développement auraient de nombreuses possibilités de diversifier la structure de leurs exportations, mais nous ne constatons aucun effet positif dans ce domaine. Si la FAO dispose de données confortant la thèse selon laquelle le Cycle d'Uruguay a entraîné des résultats positifs, nous serions ravis d'en prendre connaissance.

Question posée à M. Brandao: Vous signalez que les réformes unilatérales engagées au Brésil ont eu lieu dans un cadre très instable. Comment est-il possible d'appliquer de telles politiques lorsque le système macro-économique est un obstacle ?

Réponses

M. Sen: L'impression générale qui se dégage est que nous avons été très optimistes. Si je compare l'économie de l'Inde dans les années 1990 à celle des années 1980, il y a des éléments très préoccupants : la croissance agricole s'est ralentie ; le recul de la pauvreté amorcé au cours des années 80 ne s'est pas poursuivi au cours des années 90. Mais je ne crois pas qu'il y ait un lien, de cause à effet, avec l'Accord sur l'agriculture.Ces orientations fâcheuses, sont dues à un manque d'investissements, et à d'autres questions qui ne sont pas visées dans l'Accord. Ces question doivent être posées, et notamment celle sur la sécurité alimentaire. Nous ne voulons pas dresser par force un tableau optimiste de la situation, mais nous constatons simplement que a) l'Accord sur l'agriculture n'est appliqué que depuis quatre ans, ce qui est très court ; b) de nombreux événements ont eu lieu bien avant que l'accord n'ait été adopté. Il y a en effet un côté à la fois positif et négatif, mais la plupart des réformes, pour ce qui est des pays en développement, ont eu lieu bien avant l'Accord, qui a imposé les principales obligations aux pays développés. Ils sont censés nous ouvrir davantage leurs marchés et nous donner plus de possibilités, mais cela n'a pas été le cas. Telle est la réalité.

M. Sharma: Nous ne disposons pas de tableaux sur les données globales relatives à la perte d'emplois et au chômage pour toutes les études de cas, mais j'estime que cela devrait être fait. Nous effectuons bien sûr un recoupement avec les études de politique commerciale de l'OMC qui sont une source importante de données sur des points comme les droits de douane réels et les obstacles non tarifaires aux échanges. Nous utilisons aussi les rapports du Département de l'agriculture des Etats-Unis et nos propres recherches pour suivre le développement des politiques - quels que soient les documents dont nous disposons. Pour ce qui est d'autres indicateurs, certains ne sont pas disponibles après 1997 et ainsi il faut beaucoup de temps pour les analyser de manière périodique.

M. Oyejide: Je voudrais tout d'abord préciser que mon rapport n'a rien à voir avec les études de cas de la FAO. Il se base sur un champ d'action beaucoup plus vaste des pays subsahariens et sera distribué à une conférence conjointe de l'OMC et de la Banque mondiale, à la fin de ce mois (" Agriculture in the Millennial Round, African Interests and Options"). La plupart des réformes de l'agriculture africaine sont dues aux Programmes d'ajustement structurel, mais cela ne veut pas dire que l'Accord sur l'agriculture n'a eu aucun impact. Le fait que ces pays aient maintenant signé des accords contraignants est important parce que les réformes prises dans le cadre des Programmes d'ajustement structurels n'étaient pas contraignantes. Diverses études réalisées par l'African Economic Research Consortium démontrent que d'importantes réorientations ont eu lieu en Afrique pour ce qui est de la libéralisation du commerce, mais dans le cadre de l'OMC il n'est pas possible de revenir en arrière. L'Accord a été utile pour soutenir la crédibilité des politiques en imposant le respect des engagements pris.

Sur le point de savoir si le Cycle d'Uruguay a aidé les pays africains à diversifier la production agricole et les exportations, à la lumière des dispositions de ces accords, je ne comprend pas comment certains ont pu s'y attendre. Ainsi il n'est pas raisonnable de s'attendre qu'en tant que chercheurs, nous puissions répondre à cette question. La diversification était peut être votre objectif au cours des négociations, mais cela ne figure pas dans l'Accord.

M. Al Oduimy: L'augmentation des importations de denrées alimentaires est due à la hausse des cours mondiaux et à la demande croissante liée à la croissance démographique et à la hausse des revenus par habitant. Pour ce qui est de la diversification, chaque pays voudrait accroître et diversifier ses exportations et nous avons agi en ce sens en Egypte. Le coton, par exemple, représentait par le passé environ un tiers de nos exportations agricoles, mais la proportion s'établit maintenant à un niveau plus bas de 17-18 pour cent.

M. Brandao: Je ne pense pas que la situation soit aussi favorable. L'orientation générale est satisfaisante mais il y a bien sûr des problèmes d'ajustement. Si, comme susmentionné, les producteurs doivent affronter des difficultés et certaines exploitations sont en train de fermer, les politiques doivent tenir compte de ces questions, mais cela ne doit pas être une excuse pour arrêter les réformes censées améliorer le secteur agricole au Brésil. Passons à la question des matières premières et des produits transformés comme le jus d'oranges, le café marchand et les produits dérivés du soja. Pour nous la progressivité des droits de douane est un élément important qui doit être examiné très attentivement au cours du prochain cycle. Pour ce qui est des réformes unilatérales entreprises dans un cadre macro-économique instable je dois dire qu'un certain nombre de personnes ont été touchées et que probablement les réformes auraient pu être entreprises de manière moins douloureuse, mais l'essentiel c'est qu'elles aient eu lieu.

M. Ford: Je partage l'opinion de nombreux experts : la stabilisation du cadre macro économique est une condition préalable. Il est très important de se rappeler que ce sont les entreprises et les entrepreneurs qui font le commerce et non les pays. Dans ce domaine le rôle de l'OMC a été de nous signaler de nouvelles possibilités, une transparence accrue et une plus grande déréglementation. Pour le prochain cycle il est fondamental que le troisième élément soit réellement mis en place, ce qui est essentiel pour souligner le rôle important des gouvernements, des organisations non gouvernementales et des organisations internationales, pour fournir la technologie et l'éducation nécessaires qui permettront aux pays d'avoir accès à ces nouvelles possibilités, pour aider les entreprises et les entrepreneurs à avoir les informations et l'infrastructure dont ils ont besoin pour affronter la concurrence, et pour soutenir les communautés au cours de la période de transition vers ces nouvelles possibilités. Ceci afin de ne pas avoir seulement un accroissement des échanges et des revenus, mais pour obtenir en fait un développement accru.

Chapitre 5
ENJEUX DES NÉGOCIATIONS DE L'OMC SUR L'AGRICULTURE DANS LA PERSPECTIVE DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT, COMPTE TENU DU PLAN D'ACTION DU SOMMET MONDIAL DE L'ALIMENTATION

Remarques du Président du Comité de l'OMC sur les échanges en agriculture19

Dès la signature de l'Accord de Marrakech, il a été précisé que les négociateurs se rencontreraient à nouveau cinq ans plus tard pour poursuivre le processus de réforme de l'agriculture. A Singapour, les ministres ont engagé un processus informel spécial que nous appellerons "analyse et échange d'informations" pour voir comment, les différentes questions liées à l'accord étaient traitées, parallèlement au processus de mise en oevre. Cet exercice a donné de bons résultats, et a été très important et déterminant pour la formation des négociateurs. Nous disposons d'une liste des questions en jeu et d'une vision assez claire des intérêts respectifs ainsi que des objectifs et des aspirations des participants aux négociations. Les pays en développement ont été nombreux à participer et ils ont accordé un soutien substantiel à ce processus. Ainsi nous n'assisterons plus à une situation où Etats-Unis et la Communauté européenne seront les seuls à négocier. Les décisions se prendront à plusieurs, par groupes (le groupe de Cairns par exemple), et en tenant compte des intérêts communs comme ceux des pays importateurs nets de denrées alimentaires, ou des pays ayant des problèmes réel de sécurité alimentaire.

Pour certains, affronter à nouveau un cycle de négociations semble prématuré, notamment depuis les bouleversements spectaculaires des deux dernières années. Les crises financières et économiques récentes ont créé une atmosphère totalement différente, notamment dans certains pays en développement qui ont été frappés de plein fouet. L'année dernière, l'Amérique latine a connu une récession qui a poussé de nombreux acteurs à réexaminer leurs modèles et à s'orienter vers un ralentissement de tous les processus d'ouverture économique.

Les pays ont réagi différemment à la crise selon leurs niveaux de développement. Les Etats-Unis, par exemple, ont vu leurs exportations de produits agricoles chuter de quelque 30 pour-cent du fait de la crise dans l'Est asiatique et ont réagi en accordant des soutiens substantiels au secteur agricole, grâce à des programmes d'assistance de 6 ou 7 milliards de dollars. Parallèlement, les Etats- Unis protègent ce secteur, et s'emploient à trouver de nouveaux débouchés et de nouveaux marchés pour leurs produits. Ainsi, si l'on considère le besoin de protéger le secteur agricole associé au besoin de créer et d'ouvrir de nouveaux marchés, on a une idée de l'état d'esprit qu'un pays, de l'importance des Etats-Unis, peut avoir au cours des négociations. Si l'on ajoute à cela le fait que le déficit commercial des Etats-Unis continue a augmenter, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi, les négociateurs américains estiment qu'il est essentiel d'être très agressifs pour l'accès aux marchés.

Dans le camp des pays développés, l'autre membre important est l'Union européenne. L'agriculture est l'axe portant de sa politique et absorbe au moins la moitié de son budget. Les ajustements de l'Agenda 2000 indiquent la position de l'Union européenne. Elle sera suivie de tous les pays qui ont une attitude très protectionniste en la matière comme le Japon, la République de Corée, la Norvège et la Suisse.

Pour de nombreux pays en développement, fournisseurs de produits agricoles, le problème est de pénétrer sur les marchés, de toucher le consommateur. Ils doivent affronter la concurrence des finances des pays développés et non leur concurrent naturel qui devrait être l'agent agricole. Il s'agit là d'une difficulté énorme pour les négociateurs, parce qu'afin de maintenir l'ordre social et une certaine stabilité sous forme de soutien politique, ces pays - à la fois les pays européens et les pays en développement - ont besoin d'adopter une nouvelle approche. De nombreux pays en développement ne peuvent pas ouvrir leurs marchés parce que cela pourrait perturber gravement la stabilité sociale et rurale. Leurs craintes de devoir faire face à de nouveaux gros conglomérats européens sont justifiées, et doivent être prises en considération lorsqu'ils lancent des appels pour accéder au marché. En Inde, par exemple, le secteur agricole est fondamental pour l'économie et pour la stabilité sociale du pays. Avec l'ouverture du marché, la concurrence extérieure affronte la production interne, et il est possible - je l'ai vu moi même - d'assister à un bouleversement spectaculaire de la société et de la vie rurale. Cela vaut aussi pour d'autres pays dans lesquels la stabilité rurale et sociale est fondamentale. Les Européens plaident en faveur de la conservation des zones rurales, et c'est pourquoi ils parlent du concept de multifonctionnalité, rôle que tient l'agriculture dans l'univers stable des zones rurales. Les pays en développement connaissent leurs exigences pour le secteur rural, mais ils ne devraient pas aborder la question de la même façon que les Européens. Ils devraient plutôt chercher à obtenir un traitement spécial et différencié, dans le sens réel du terme. Ils ont besoin de telles mesures afin de créer des conditions plus satisfaisantes et plus stables pour leur agriculture. Ce point doit être examiné au cours des négociations et il faudra prendre des dispositions plus concrètes.

La question des organismes génétiquement modifiés (OGM) occupe maintenant une place importante et comporte de très fortes connotations émotives. Ce point, qui suscite de vives réactions devrait être abordé, mais dans un cadre approprié, à savoir le régime commercial de l'OMC. Certains aspects qui ne relèvent pas de la compétence de cette organisation doivent aussi être examinés et le défi consiste maintenant à savoir comment régler le commerce des produits génétiquement modifiés. Quels seront les critères à adopter pour réglementer les échanges ? Il faut tenir compte des considérations éthiques et scientifiques, mais cela ne relève pas des compétences des négociateurs de l'OMC dont la tâche est de s'occuper des modalités de commercialisation du produit, des informations à fournir au consommateur final, et du pouvoir discrétionnaire des importateurs. Aucune proposition et aucune idée précise sur ce sujet n'a encore été abordée au cours des négociations, mais je suis sûr que cela ne saurait tarder.

L'article 20 et la structure générale de l'Accord sur l'agriculture soulignent les secteurs dans lesquels les négociations pourraient évoluer. Il s'agit évidemment des problèmes traditionnels des subventions à l'exportation, du soutien interne, de l'accès aux marchés et des considérations autres que d'ordre commercial. La sécurité alimentaire et l'évaluation de la situation des importateurs net de denrées alimentaires sont des points qui vont prendre beaucoup d'importance, mais qui doivent être étudiés en relation avec la Décision de Marrakech.

Venant d'un pays en développement, la Colombie, j'estime que cela doit être l'occasion de valoriser les pays en développement dans les échanges internationaux. Il est évident, pour beaucoup, que les pays industrialisés ont su tirer au mieux parti du Cycle d'Uruguay, parce qu'ils étaient capables de le faire mais les pays en développement ont maintenant réussi à cerner leurs problèmes (comme la progressivité des droits de douane et les crêtes tarifaires). Les pays développés ont été avantagés au cours de ces cinq années parce que le marché agricole a évolué substantiellement en terme d'échanges sur les produits ayant une valeur ajoutée. A l'heure actuelle, plus de 50 pour cent des échanges agricoles portent sur des produits à valeur ajoutée, alors qu'il y a dix ans, la part des échanges dans ce secteur était inférieure à 30 pour cent. Ce sont les pays industrialisés qui ajoutent une valeur aux produits. Les pays en développement continuent à être les fournisseurs de matières premières et dès qu'ils commencent à participer au processus d'industrialisation, les pays développés appliquent d'importants droits de douane. Ce point doit être étudié au cours des négociations. La progressivité des droits de douane est sans aucun doute l'un des principaux facteurs qui fait obstacle à nouveaux investissements. A partir du moment où les pays développés auront une vision plus précise de ce qui peut être fait du point de vue de la diversification horizontale et verticale des produits agricoles, ainsi que des possibilités d'accroître les investissements, d'augmenter la production et d'être de meilleurs partenaires dans les échanges internationaux, les pays en développement répondront à l'appel.

Il sera difficile de parvenir à un accord sur un mandat concret, spécifique et détaillé. Qui plus est, l'année prochaine sera une année d'élection pour les Etats-Unis, qui de ce fait pourraient retarder leur pleine participation aux négociations. Il y a aussi les limites imposées par certaines dates bien précises de l'Accord, comme l'expiration de la Clause de paix. Trois ans de négociations semblent une durée raisonnable. Nous n'avons pas à rédiger des accords supplémentaires ou un nouvel accord, ainsi les questions pourraient être approfondies très rapidement. Nous verrons ensuite dans quelle mesure tous ces objectifs et ces aspirations seront respectées, mais une chose est sûre, nous devrons affronter de nombreuses difficultés.

Débats

Questions posées à S.E. M. Osorio: Le préambule de l'Accord sur l'agriculture prévoit des modalités d'accès améliorées pour les produits agricoles d'un intérêt particulier pour les Etats membres en développement, et notamment une plus grande libéralisation des échanges des produits agricoles tropicaux. Comme vous l'avez justement remarqué, c'était l'un des buts des négociations, mais il n'a pas été atteint. Sera-t-il possible d'y parvenir au cours du cycle à venir.

Réponse: Il est fondamental que chaque pays établisse un cadre précis, d'une part en identifiant un certain nombre de produits agricoles exportés et les pays destinataires et d'autre part en déterminant quels sont les obstacles à l'exportation et quels sont les marchés sur lesquels ils ne peuvent pas pénétrer du fait de droits de douane spéciaux ou de barrières non tarifaires. L'un des problèmes concernant l'accès au marché pour le café marchand, par exemple est la progressivité des droits de douane. La Colombie peut exporter du café vert sans droit de douane à peu près partout, mais des droits de douane sont appliqués au café torréfié et au café soluble. Ce problème a été cerné et fera partie de nos objectifs au cours des négociations. Lorsque les pays savent mieux définir ces objectifs et peuvent identifier ces critères, ils peuvent avoir un rôle décisif dans les négociations. Il en va de même pour les contingents tarifaires : tous ceux qui sont soumis à des contingents tarifaires à l'importation connaissent le problème. Le contingent sur le sucre établi par les Etats-Unis porte préjudice à de nombreux pays, comme d'ailleurs c'était le cas pour celui sur les bananes, et comme cela pourrait être le cas pour le tabac. Les objectifs concrets portent sur les points suivants: essayer d'élargir ces contingents où les éliminer. Cela soulève un problème, parce que certains pays en développement, fournisseurs de ces produits, ont réussi à trouver une niche protégée, et si le contingent disparaît ou est élargi, ils auront des problèmes. C'est pourquoi il est si difficile de parler d'intérêts communs pour les pays en développement.

Question: De nombreux petits pays en développement et de nombreux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires n'ont pas accès aux mécanismes spéciaux de sauvegarde, contrairement à la plupart des pays développés et à certains pays en développement avancés, et ils n'ont pas un cadre institutionnel et juridique qui puisse leur permettre de suivre la procédure générale de sauvegarde. Est-ce que cette question sera examinée au cours des négociations ?

Réponse: Les pays en développement ont besoin d'une certaine protection en matière de sauvegarde. La clause de sauvegarde spéciale n'a été utilisée que par les pays développés, qui sont très protectionnistes. Certains pensent que la clause de sauvegarde spéciale devrait disparaître et que certaines formes de sauvegarde devraient être mises à la disposition des pays en développement à titre de traitement spécial et différencié. En dernier ressort, c'est le système général de sauvegarde qui devrait s'intéresser de ces problèmes.

Question: En relation avec la Décision de Marrakech, un processus d'évaluation fonctionne maintenant depuis cinq ans et je voudrais savoir quelles sont les mesures concrètes prises pour l'assistance aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires.

Réponse: De nombreuses études ont été effectuées par la FAO et par d'autres institutions, et je suis incapable de vous dire où nous en sommes du point de vue technique, sur cette question de l'évaluation. Mais au cours des négociations, la question est de savoir quel pourrait être l'effet de l'élimination ou de la réduction des subventions pour les importateurs nets de produits alimentaires. Il existe deux courants de pensée : ceux qui soutiennent qu'en réduisant les subventions les prix vont augmenter et qu'il sera plus difficile de se procurer les produits ; et ceux qui pensent au contraire qu'à partir du moment où les subventions sont réduites, du fait de la concurrence accrue, il y aura davantage de produits sur le marché et les prix fléchiront. Je laisse ce débat aux économistes.

Question: Si l'on abandonne l'ensemble de la question des OGM à l'OMC, comme cela a eu lieu pour les hormones, ainsi que dans d'autres cas, nous ignorons la position que prendront les groupes spéciaux chargés du règlement des différends. Les pays en développement qui ont adopté les OGM en agriculture, comme le conseille la Banque Mondiale, peuvent se retrouver face à des marchés fermés dans les pays du Nord. L'innocuité des OGM n'est pas totalement assurée pour tous les produits. Cette question est fort débattue et les scientifiques ont des opinions divergentes. Ainsi les principes de précaution peuvent être difficiles à appliquer par les pays en développement. Dans cette situation, si l'on permet la commercialisation des produits contenant des OGM, quelles seront les conséquences pour les pays pauvres en développement ?

Réponse: Pour ce qui est des OGM, je ne peux donner aucun conseil. Je peux simplement dire que cette question sera prise en considération au cours des négociations. Les difficultés que connaît l'OMC concernent la possibilité de trouver une solution au problème de la commercialisation. Cet autre question est très importante, mais j'essaie de mettre l'accent sur les échanges et sur le rôle qu'ils pourraient avoir dans les négociations, et je n'ai aucune opinion sur les OGM.

Question: Comme les négociations risquent de se poursuivre pendant pas mal de temps, existe-t-il un moyen d'examiner certaines questions urgentes où certains problèmes comme les poussées soudaines des importations et les OGM.

Réponse: Au cours de la première phase des négociations, nous verrons que certains engagements non respectés peuvent être traités, en préambule aux négociations. Mais l'approche que nous appelons "récolte précoce " qui consiste à prendre certaines décisions au début des négociations est délicate parce qu'une initiative isolée peut en faire les frais. Dans une initiative isolée on crée un contexte dans lequel les négociateurs peuvent faire des compensations réciproques d'un secteur à l'autre, ainsi dès que l'on parle de "récolte précoce" il faut penser à une "récolte précoce" horizontale.

Question: Pour ce qui est de la question du traitement spécial et différencié et du besoin de plus de flexibilité, pourriez-vous cerner certaines mesures spécifiques que les pays en développement pourraient utiliser ? Pensez-vous, par exemple, à des droits de douane plus élevés dans les pays en développement ou des contingents divers pour les pays en développement ou à certaines dispositions de la "catégorie verte ".

Réponse: Je pense qu'une approche très concrète pourrait consister à accroître les niveaux de minimis. Une autre solution pourrait être une approche différenciée selon laquelle, en présence d'une formule de réduction des droits de douane, un barème serait appliqué aux pays en développement et un autre aux pays développés, pour l'accès au marché ou la réduction des subventions. Il pourrait y avoir une approche spéciale à tous ces obstacles techniques aux échanges ; il y a quatre ou cinq questions qui pourraient être spécifiquement couvertes. De même, lorsque nous avons des thèmes concernant l'agriculture, il est possible de les envisager de manière plus durable et dans un contexte plus élargi (pas seulement dans l'optique d'une durée supplémentaire de trois ou quatre ans, pour un traitement spécial ou d'autres traitements exceptionnels) 

Exposés des experts

M. Harmon Thomas20: Je voudrais rapidement rappeler les principaux éléments contenus dans le Document d'information n°4, où nous résumons les principales questions ayant une importance particulière pour le développement agricole, les échanges et la sécurité alimentaire. En général, ces questions portent sur la nécessité des pays en développement de passer d'une position fondamentalement négative, en termes de soutien aux secteurs agricoles, à une position qui soit neutre ou dans le cas des pays à faible revenu et déficit vivrier, plus positive pour l'impact des politiques. Un autre point important concerne l'environnement des échanges qui devrait moins subir l'effet des distorsions, notamment par le biais des subventions qui conduisent à une exclusion des pays en développement des marchés mondiaux. Le troisième élément concerne un meilleur accès au marché afin de permettre à ces pays d'élargir leurs exportations agricoles ainsi que d'obtenir une meilleure croissance économique générale et un développement accru. Ce document étudie de manière détaillée toutes ces questions.

M. Baba Dioum21: Pour les vingt pays d'Afrique orientale et centrale que je représente, les enjeux des prochaines négociations sont importants, non seulement parce que l'agriculture est la clé du développement, mais aussi parce que le cadre est incertain. Il est incertain, parce que nous n'avons pas encore appliqué les mesures préconisées dans l'Accord sur l'agriculture et l'effet des mesures qui sont déjà appliquées n'est pas encore perceptible. De ce fait, il est difficile d'évaluer l'incidence réelle de l'Accord et de signaler ce qui devrait être changé d'une manière ou d'une autre. Par ailleurs, au cours des prochaines négociations, les pays en développement devront raisonner en terme de perspectives de développement liées au commerce. Le développement doit être au centre de leurs préoccupations, surtout dans le secteur agricole.

Le point essentiel est l'accès au marché, parce que l'on n'a pratiquement pas obtenu de résultat dans ce domaine. Il est aussi nécessaire d'étudier de manière plus approfondie le soutien interne. Les mesures phytosanitaires sont aussi très importantes car elles entraînent une discrimination. En plus, il importe de savoir comment les positions prises dans le cadre de la Convention de Lomé peuvent être conciliées avec les positions prises par l'OMC. Leur accès préférentiel dans l'Union européenne représente 52 pour cent de la production totale et ils n'ont pas l'intention d'y renoncer. La question de la propriété intellectuelle est également importante, notamment en ce qui concerne les règles que les pays devront adopter pour les variétés animales et végétales, les brevets et autres.

A la lumière de ces questions il est important d'établir un lien entre les accords à négocier sur l'agriculture et un pacte pour la sécurité alimentaire et le développement agricole. Autrement dit, il s'agit d'ouvrir une nouvelle "catégorie" concernant l'agriculture et la sécurité alimentaire, qui pourrait être l'équivalent d'un traitement spécial et différencié pour les PMA. Les pays en développement devraient aussi essayer de renforcer leurs pouvoirs lors des négociations, ce qui est un exercice de renforcement des capacités. Les pays que je représente sont suffisamment bien organisés pour avoir des positions communes et être suffisamment forts dans les négociations. Je pense à la création d'un comité consultatif pour l'agriculture, qui permettrait aux pays de réfléchir sur ces problèmes de commerce et de développer une position convergente. De manière plus fondamentale, je pense qu'il serait judicieux d'établir un partenariat pour créer des marchés intéressants. Nous ne devrions plus négocier pour des subventions, mais pour une contrepartie financière qui pourrait permettre le développement. Je fait encore référence à la catégorie susmentionnée.

En résumé, nous sommes actuellement comme un couple d'amoureux qui veulent se marier mais qui n'ont pas la même religion. Que faut-il faire ? L'un doit se convertir à la religion de l'autre, celle du libéralisme.

M. Nipon Poapongsakorn22: Je voudrais examiner les enjeux relatifs aux subventions à l'exportation, au soutien interne et à l'accès aux marchés, du point de vue des pays exportateurs de produits alimentaires, comme la Thaïlande et le groupe de Cairns, et souligner combien il est important que les négociations sur l'agriculture soient liées aux négociations en cours avec les autres secteurs.

La Thaïlande a tiré indubitablement profit de l'Accord sur l'agriculture : d'une part du fait de la hausse des cours du riz à l'exportation et de l'élargissement de l'accès aux marchés pour ses exportations de volailles vers l'Union Européenne, mais aussi grâce au renforcement des mécanismes de règlement des différends, et à l'accroissement des contingents d'importation des céréales fourragères, qui a permis d'abaisser le coût de production des poulets. La Thaïlande, comme les pays du groupe de Cairns estime qu'un système commercial mondial, juste et axé sur le marché, entraînera un accroissement de la prospérité. Toutefois, au cours des cinq dernières années, les progrès concernant une réduction des protections en agriculture et des subventions ont été très limités notamment dans les pays de l'OCDE. De ce fait, le premier point, et peut être le plus important dans le cadre des prochaines négociations agricoles, devrait être la suppression des subventions à l'exportation afin que l'agriculture puisse être sur le même plan que l'industrie dans le cadre du GATT et que soit rétabli le principe non discriminatoire du GATT. Il devrait maintenant être beaucoup plus facile de parvenir à un accord sur cette question que lors de l'institution du Cycle d'Uruguay, des réformes unilatérales de politique agricole ayant eu lieu, vers le milieu des années 90 aux Etats-Unis et dans une partie des pays de l'Union européenne, ainsi qu'au Japon.

Pour ce qui est des subventions internes, on pourrait supprimer la "catégorie bleue", qui englobe les paiements de réserve et les paiements compensatoires, car aux Etats-Unis, le FAIR Act de 1996 a encore accentué la séparation entre les mesures de soutien des revenus agricoles et la production. Les mailles de la "catégorie verte" devraient être resserrées pour réduire le nombre de subterfuges qui permettent l'octroi des subventions pour l'accroissement de la production. Enfin, les mesures globales de soutien devraient être encore réduites ce qui pourrait encourager les pays développés à conformer le plus possible leurs politiques aux critères de la "catégorie verte".

Pour ce qui est de l'accès aux marchés d'importation, on note encore beaucoup de flottement dans les droits de douane, ce qui ôte toute valeur aux contraintes. L'association d'une tarification impure appliquée par les pays développés et de consolidations tarifaires assorties de plafonds très élevés dans les pays en développement, permet de varier la protection. Il est donc nécessaire de réduire les droits de douane consolidés à des niveaux qui ne dépassent pas trop les droits effectivement appliqués aux industriels. A cet effet on peut procéder de diverses façons. La première consiste à procéder à une réduction générale. La deuxième est la formule adoptée en Suisse, selon laquelle le taux de réduction pour chaque article est d'autant plus fort que le niveau des droits de douane est élevé, ce qui a l'avantage économique de réduire la dispersion tarifaire. La troisième, appelée l'approche zéro pour zéro, pourrait accroître la dispersion des droits de douane sur les produits. Les autorités thaïlandaises semblent préférer les deux premières possibilités. Les réductions de droits de douane devraient aussi s'appliquer aux importations hors contingent, dans le cadre des contingents tarifaires. Des études démontrent qu'une certaine réduction du pourcentage des droits de douane hors contingent entraînerait une hausse des cours mondiaux du sucre, dans la même proportion que celle de l'augmentation des contingents. L'alternative consiste à élargir les contingents pour réduire leur importance et accroître la concurrence.

Il est aussi nécessaire d'établir un lien entre les négociations sur l'agriculture et celles engagées dans d'autres secteurs. Une des caractéristiques de l'OMC est que les négociations sont multidimensionnelles, ce qui permet des compensations réciproques et des liens transversaux. Ces liens sont indispensables pour faire progresser la libéralisation de l'agriculture. Les agriculteurs tournés vers les exportations ont intérêt d'obtenir un meilleur accès aux marchés des produits alimentaires à l'étranger, mais aussi d'avoir une concurrence accrue sur le marché interne pour les produits non agricoles et les services, dont ils ont souvent besoin comme intrants intermédiaires. Qui plus est, les membres de l'OMC qui importent nos produits agricoles et nos services pourraient souhaiter réduire les obstacles qu'ils établissent pour les importations agricoles si notre gouvernement diminuait les obstacles relatifs aux exportations de leurs services. En outre les contribuables thaïlandais pourraient tirer profit des sociétés étrangères qui fournissent du travail sous contrat aux autorités thaïlandaises sur la base de soumissions correctes.

M. B.L. Das23: Je commence en signalant deux points qui ne sont pas nouveaux mais qui ont besoin d'être soulignés. Le premier est que l'agriculture bénéficie d'une position très particulière dans le monde et en particulier dans les principaux pays industrialisés et c'est pourquoi les règles multilatérales appliquées dans ce domaine sont différentes de celles en vigueur dans d'autres domaines. Elle occupe aussi une place spéciale dans la plupart des pays en développement, où des liens étroits existent non seulement avec la situation économiques générale mais aussi avec les conditions sociales et politiques.

Le deuxième point est que l'Accord sur l'agriculture comporte de fortes inégalités, parce qu'au cours du processus de négociations, les conclusions finales ont été obtenues au terme d'un compromis entre les deux principaux partenaires, à savoir les Etats-Unis et l'Union européenne. L'Accord est caractérisé par de fortes limitations aux importations, un soutien important de l'agriculture interne et d'importantes subventions à l'exportation dans les pays développés. Les pays qui faussaient les échanges peuvent donc continuer à le faire, alors que ceux qui ne le faisaient pas seront empêchés de le faire, même pour favoriser leurs propre développement et leurs échanges. Il s'agit donc d'une profonde injustice.

Je voudrais faire cinq propositions concernant les principaux points qui devraient être abordés au cours des négociations pour tenir compte de la nature spéciale de l'agriculture et supprimer les déséquilibres et l'injustice inhérents à l'Accord.

Premièrement : Certaines activités, politiques et mesures ne devraient pas relever de la réglementation établie par l'Accord et en général des règles établies par l'OMC. Il s'agit notamment de la production de denrées vivrières destinées à la consommation interne des pays en développement. Ce point est important et va à l'encontre de la conception actuelle de la mondialisation et de la libéralisation des échanges. Je prends la liberté de dire que la production vivrière pour la consommation interne est presque aussi cruciale que, par exemple, la sécurité aux frontières. L'article XXI du GATT contient des exceptions pour les mesures de sécurité aux frontières, ce qui n'est pas nouveau. Mais à quoi bon protéger les frontières si la population ne dispose pas de la nourriture nécessaire ? L'autre mesure à exclure de la réglementation de l'OMC est la protection des petites exploitations des pays en développement. L'esprit de l'Accord repose évidemment sur la concurrence internationale pour la production et les échanges. Toutefois, si les petits agriculteurs des pays en développement sont exposés à une concurrence internationale, cela n'entraînera pas seulement un désastre économique mais aussi un chaos social et politique total.

Deuxièmement : Si l'agriculture doit être soumise aux règles internationales de l'économie et du commerce, les pays développés doivent complètement supprimer les limitations aux importations. L'agriculture est fortement protégée dans ces pays et certains secteurs constituent un marché fermé.

Troisièmement: Pour que les agriculteurs des pays en développement et des pays développés soient soumis à un traitement comparable il faut que les soutiens internes et les subventions aux exportations soient éliminés dans ces derniers (totalement éliminés, pas seulement réduits ultérieurement), sinon les règles du jeu sont faussées.

Quatrièmement: Les pays en développement qui n'ont pas pu utiliser des subventions au-delà des niveaux de minimis ou des mesures à l'importation pour améliorer et diversifier leur production agricole, devraient être autorisés à le faire dans certains cas. Les handicaps qu'ils ont du subir au cours de ces cinq années doivent être modifiés.

Cinquièmement: Les dispositions de l'OMC relatives aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, sont typiques de nombreuses dispositions du système GATT/OMC. La Décision ministérielle est très emphatique, mais elle n'a pas été appliquée. Si les dispositions relatives aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires ne sont pas renforcées par des obligations contraignantes, rien ne sera fait. Je suggère de créer un fonds de compensation destiné à ces pays qui devrait fonctionner pendant un certain temps. Il serait juste (nous pouvons appeler cela l'équité de la demande) que la plupart des pays développés qui ont profité de fortes protections pendant de nombreuses années, et du moins depuis les cinq années qui se sont écoulées à partir de l'Accord sur l'agriculture, soient les principaux donateurs.

M. T.J. Aldington24: J'ai eu l'honneur de préparer le document d'information n°5 pour la FAO, qui reflète abondamment mes propres opinions. La Déclaration de Rome et le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation concernent évidemment la sécurité alimentaire mais aussi le commerce. Mme Stanton a rappelé que le système de commerce multilatéral, en supprimant les éventuelles divergences de vue, est un facteur de paix, extrêmement important pour le développement agricole et rural et pour le développement mondial dans son ensemble. Nous avons besoin d'une vision d'ensemble, pour examiner le rôle du commerce dans le développement agricole et rural et les questions essentielles pour les pays en développement, en évitant de nous enliser dans les détails.

Il faut également rappeler que le Sommet mondial de l'alimentation faisait partie d'une série de conférences des Nations unies, comme le Sommet mondial pour le développement social de Copenhague, la Conférence mondiale sur la population du Caire ainsi que la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et l'Agenda 21. Ces conférences ont établi un ordre du jour important pour le développement dans son ensemble, dans lequel la sécurité alimentaire tient un rôle important.

Par rapport aux engagements internationaux assez contraignants représentés par le Cycle d'Uruguay et les négociations pertinentes, les sept engagements du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation sont plutôt souples. Une question essentielle est de savoir comment une législation internationale aussi dure puisse tenir compte effectivement des désirs des pays en développement et de leurs besoins de développement. Trois des sept engagements concernent le commerce : (i) l'Engagement quatre, concerne spécifiquement le commerce, (ii) l'Engagement Trois, porte sur la production agricole, et notamment sur la question de la multifonctionnalité, et(iii) l'Engagement Deux traite davantage de l'accès matériel et économique aux ressources nécessaires par les groupes vulnérables. L'Engagement Quatre couvre aussi la sécurité alimentaire et vise par exemple l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS). L'encéphalite spongiforme bovine (ESB) par exemple et les problèmes liés à la dioxine qui se sont posés récemment seront un thème épineux au cours des prochaines négociations et les questions relatives à l'environnement doivent aussi être rappelées.

Débats

Question: La plupart des économistes qui plaident en faveur des avantages du libre échange semblent se citer les uns les autres, sans tenir compte des faits qui prouvent que le libre échange n'a jamais entraîné la croissance. C'est la croissance qui découle du libre échange. La croissance et la productivité, sont déclenchés par d'autres phénomènes, et non par le libre échange. Est-ce que M. Poapongsakorn, ou tout autre expert pourrait, nous éclairer sur ce point ?

Réponse de M. Poapongsakorn: Je reconnais que la croissance a une action sur le commerce, mais les échanges ont eu aussi une incidence sur la croissance. La libéralisation des échanges est seulement un des facteurs responsables de la croissance. C'est un rapport qui fonctionne dans les deux sens. Le protectionnisme en vigueur dans les années 30 a conduit a un vaste déclin des échanges mondiaux, ce qui a abouti à la Grande Dépression, et c'est la libéralisation des échanges qui a permis une reprise et la croissance.

Observation: Pour ce qui est de la sécurité alimentaire, il est maintenant généralement admis que ni l'autosuffisance totale, ni la libéralisation complète ne sont envisageables. La FAO pourrait aider les pays en développement à travailler sur ce que l'on pourrait considérer comme une sécurité alimentaire adéquate, afin que chaque pays trouve le juste équilibre en se soumettant aux obligations de l'OMC.

Observation: Les fortes inégalités qui existent dans l'Accord sur l'agriculture perturbent tous les pays en développement mais sont surtout flagrantes dans les dispositions relatives au soutien interne et au calcul de la mesure globale du soutien (MGS). J'approuve la proposition de M. Das d'éliminer toutes ces subventions et ces soutiens, mais il faut être réalistes... Je propose d'intégrer la "catégorie bleue" dans le calcul de la MGS et d'établir une limite à la MGS totale par rapport à la production globale, en fournissant bien sûr un petit avantage aux pays en développement sous forme d'un traitement spécial et différencié. Le soutien de la "catégorie verte" a considérablement augmenté dans les pays développés, et il faudrait penser à établir des limites à de telles dépenses (comme pour la MGS).

Observation: Les subventions à l'exportation devraient être interdites parce qu'elles frappent les producteurs d'autres pays pour supporter les coûts de soutien dans les pays développés. Fondamentalement, si un pays verse à ses agriculteurs un certaine somme par tonne de produits et est incapable d'écouler sa production sur le marché interne, les pouvoirs publics doivent absorber la totalité de la somme. Si elle peut être vendue sur le marché mondial, ils ne supportent qu'une partie du coût. Il s'agit d'une taxe sur les producteurs des pays en développement. Cette situation est fondamentalement injuste car ils ne devraient pas avoir à affronter la concurrence des finances publiques des pays développés.

Question: Si les pays développés souhaitent verser un soutien interne au-dessus d'un certain pourcentage de production, en toute équité, les pays en développement devraient être autorisés à augmenter leurs droits de douane. Les pouvoirs publics avaient l'habitude de réglementer les importations pour s'assurer de vastes réserves alimentaires mais ils ont moins la possibilité de le faire maintenant que l'Accord est en vigueur, alors qu'au niveau mondial il n'y a pas d'engagement obligatoire prévoyant l'assistance aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, ce qui semble difficilement acceptable.

Question posée à M.Das: L'idée de créer un fonds pour aider les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, financé essentiellement par les principaux pays développés revient à déshabiller saint Pierre pour habiller saint Pierre au lieu de déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul. En l'absence d'une volonté de taxer les exportations commerciales des exportateurs réalisant de grands profits et de verser les sommes recueillies dans un fonds, on parviendra difficilement à rassembler l'argent nécessaire. Comment un tel fonds pourrait-il donc être effectivement financé ?

Réponse: Mon idée était de créer un fonds auquel seraient obligés de contribuer les principaux pays développés exportateurs de produits agricoles, ceux dont les agriculteurs et les économies ont profité jusqu'à présent du système. Ils ont la responsabilité de contribuer à titre spécial à de fonds.

Observation: Les dispositions qui régissent l'aide alimentaire autorisent les pays donateurs à fournir une aide alimentaire sous forme monétaire et c'est ce que les pays développés, qui sont les principaux donateurs, devraient faire. Le système juridique, l'Accord sur l'agriculture et les directives sur l'écoulement des excédents autorisent cette procédure et il n'est donc pas nécessaire d'avoir recours à de nouveaux mécanismes. Il s'agit seulement de verser l'argent. Pour ce qui est du financement du développement rural, les pays en développement n'ont ni l'argent ni les ressources humaines nécessaires pour poursuivre des programmes de développement rural. La Banque mondiale a beaucoup agi en ce sens dans les années 70, mais les fonds ont été supprimés au cours des années 80. Les pays en développement devraient demander à la Banque mondiale et aux banques régionales de développement d'accroître la part des programmes agricoles. C'est là que se trouve l'argent.

Question posée à M. Dioum: Le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation vise l'éradication de la pauvreté et de l'inégalité ; il a également pour objectif l'accès aux marchés pour ce qui est de la sécurité alimentaire et l'adoption de politiques commerciales qui soient plus justes et équitables. Ces déclarations ne peuvent pas être de simples déclarations d'intention, elles doivent servir de transition en vue de l'application. Nous devrons peut-être accepter le principe de différenciation et de spécificité des pays à faible revenu et déficit vivrier. Pourquoi ne pas envisager aussi, au cours des négociations, une catégorie spéciale qui serait réservée à la sécurité alimentaire ? Quel est le rôle qu'un groupe comme la Conférence des ministres africains de l'agriculture peut jouer dans ce domaine ?

Réponse: Nous avons besoin d'une conception du développement basée sur les résultats du marché. Nous voulons nous ouvrir au marché mondial mais nous voulons aussi obtenir un développement homogène, et cela comporte une contribution non seulement dans le domaine des ressources naturelles et financières mais aussi dans celui des ressources intellectuelles. L'idée de la Conférence des ministres africains de l'agriculture est de développer ce que les anglais appellent "advocacy" - c'est à dire identifier les enjeux et comprendre les règles du jeu. Si nous admettons que la sécurité alimentaire est une question fondamentale, cette question doit figurer ipso facto dans les négociations de l'OMC. Au-delà des questions commerciales se pose la question de l'accès matériel à la nourriture. Il faut produire des denrées alimentaires et il est nécessaire d'avoir les ressources financières nécessaires pour rendre possible l'accès au marché. Ainsi nous continuons à répéter : négocier est une bonne chose, mais laissez-nous continuer à participer à cet oevre de développement. Nous devons poursuivre le dialogue, afin qu'au-delà de ce qui a été dit au cours du Sommet mondial de l'alimentation, cette idée puisse se traduire par un accord commercial équilibré qui défende les intérêts que nous avons indiqués au cours du Sommet.

Observations adressées à M. Das: L'Accord fournit déjà une ample latitude aux pays en développement de soutenir le développement agricole et la sécurité alimentaire. Conformément à l'article 6, les secteurs qui sont exclus du calcul de leurs MGS sont : le soutien pour le développement agricole et rural fourni comme partie intégrante d'un programme de développement ; les subventions d'investissement généralement disponibles pour l'agriculture ; les subventions pour les intrants agricoles généralement disponibles pour les producteurs à faible revenu ou dépourvus de ressources, etc...L'Annexe 2 exempte les stocks publics destinés à la sécurité alimentaire, à l'aide alimentaire interne, au paiement direct des agriculteurs, ainsi qu'une longue liste de services généraux, etc... Certains gouvernements n'ont peut-être pas les ressources financières qui permettent de tels soutiens, mais c'est une autre affaire. Tous ces éléments pourrait être insérés dans une "catégorie développement", mais ils figurent déjà dans l'Accord.

Réponse: Conformément à l'Accord. les pays en développement peuvent acheter des denrées au cours du marché et les distribuer à des prix inférieurs, mais il ne s'agit pas là d'une réelle sécurité alimentaire. Pour les pays en développement, la sécurité alimentaire réelle consiste à produire les denrées dont ils ont besoin pour couvrir la consommation interne. Il s'agit d'une question de disponibilité alimentaire. Si les denrées sont disponibles ailleurs dans le monde à bas prix, est-ce que les pays pauvres sans réserves de devises peuvent le acheter ? Quoi que les économistes puissent dire de l'efficacité de la production, de l'utilisation des ressources et ainsi de suite, la sécurité alimentaire, comme la sécurité nationale, doit être totalement géré de manière autonome et interne, pour ce qui est de la production et de la distribution. Cela suppose une production interne pour la consommation interne. Naturellement, cela n'exclut pas les échanges de denrées vivrières, qui contrairement à ce qui concerne l'autosuffisance, relèvent de questions commerciales. Si certaines dispositions de l'Accord portent sur la sécurité alimentaire réelle, alors, comme pour les dispositions relatives à la sécurité nationale, cela devrait être l'exception.

Observations: Bien que les pays en développement puissent n'avoir besoin de rien de plus que de l'Accord sur l'agriculture, car des mesures axées sur le développement sont déjà prévues, nombre d'entre eux s'opposent au MGS de minimis. Est-ce que parce qu'ils ne peuvent pas affronter d'autres dépenses ? Si un pays déclare que tous ses agriculteurs, ou du moins 90 pour cent d'entre eux sont par définition pauvres, peut-il commencer à accroître les MGS bien au-dessus du de minimis sans provoquer de fortes protestations ? De nombreuses questions doivent être soulevées et clarifiées.

Réponse d'un participant: En présence d'un programme qui cible réellement les producteurs pauvres, bien des choses peuvent être faites (y compris les subventions aux intrants). Il y a tout le secteur de la "catégorie verte", on peut construire des routes rurales et faire des travaux d'irrigation qui pour l'essentiel n'entrent pas dans les MGS. Le programme doit être bien conçu et bien défini.

Réponse des experts:

M. Das: Je voudrais simplement suggérer que les subventions des pays en développement qui sont maintenant interdites au-dessus de la limite de minimis, soient autorisées et réglementées de quelque sorte, afin de respecter des règles de jeu identiques pour tous. Il est important que la nourriture soit fournie et qu'il y ait une diversification agricole et un développement économique.

M. Aldington: Ce qui est important, ce n'est pas tant ce que les pays en développement sont autorisés ou non à faire, mais ce qu'on leur impose de faire. L'idée avancée au cours du Sommet mondial de l'alimentation d'un système commercial à la fois juste et axé sur le marché, plutôt qu'une simple libéralisation des marchés, est digne d'être prise en considération. La question est donc de savoir quelle est l'action qui peut être prise par les pays en développement pour contrebalancer les forces potentiellement massives de la mondialisation et de la libéralisation des échanges qui s'imposeront sur des groupes très vulnérables.

Commentaire: Deux courants s'opposent quant à l'importance de respecter un ordre dans la négociation. D'aucuns estiment qu'il faut étudier les subventions à l'exportation et le soutien interne puis s'intéresser à l'accès au marché, sinon l'on permettra l'accès de produits subventionnés. D'autres pensent exactement l'inverse : il convient de parvenir à l'accès au marché en premier lieu, et puis s'occuper des subventions à l'exportation et du soutien interne parce qu'une fois que l'accès est obtenu les subventions seront très coûteuse à maintenir. Il est important d'analyser ces questions clairement du point de vue des pays en développement.

Observation: Les liens entre l'accord relatif à l'agriculture et les autres accords (SPS, OTC et ADPIC) sont extrêmement importants parce que la libéralisation du commerce a été rendue vaine par des normes techniques.

Réponse de M. Aldington: Les réglementations au niveau des pays, qui servent de toile de fond au SPS et aux autres accords, sont nécessaires à leur application. C'est dans ce secteur que la communauté des donateurs internationaux peut aider les pays en développement. Comme l'a souligné M. le Professeur Deep Ford, ce ne sont pas les pays qui participent aux échanges mais les individus, les sociétés et le secteur des affaires, et ils doivent travailler dans un cadre réglementaire. La question est de savoir de quelle manière le marché est efficace en transmettant les incitations fournies par le système commercial de libre échange orienté sur le marché,(c'est ce que nous recherchons en tâtonnant), et de quelle manière il peut être réglementé pour protéger la sécurité alimentaire. Est-il nécessaire de mettre en place ces réglementations au niveau de base pour soutenir ce qui est fait au plan international ?

Observation : Les documents d'information donnent l'impression que le Système généralisé de préférences (SGP) n'est plus important et ne servira plus à l'avenir, mais il y a encore des droits de douane de 400 pour cent et des taux de droit applicables dans la limite du contingent qui dépassent 30 pour cent. Le SGP a donc un rôle à jouer, notamment pour les membres les plus faibles.

Réponse de M. Thomas: Le fait est que des réformes commerciales multilatérales continues vont réduire le but du traitement préférentiel à long terme, et les pays qui s'appuient sur les préférences doivent avoir ce point présent à l'esprit en passant à un type d'environnement plus compétitif....En attendant il faudra prendre en considération les problèmes de ceux qui bénéficient de ces plans préférentiels.

Commentaire: Nous avons procédé à une évaluation des paiements découplés et l'idée selon laquelle il serait possible dans les paiements aux agriculteurs de ne pas tenir compte de leur niveau de production s'est avérée complètement fausse. Quelle est la position des économistes sur ce point? Aux Etats-Unis la production a augmenté parallèlement à l'effondrement des prix, d'une part parce que les exploitations ont fusionné et que nombre de travailleurs ont abandonné ce secteur, et d'autre par du fait de la technologie. La théorie selon laquelle du fait de la chute des prix les agriculteurs vont réduire leurs activités ne s'est pas avérée juste. Le lien entre un agriculteur et les cours mondiaux est très faible. Aux Etats-Unis, les agriculteurs ne vendent pas leur production sur le marché mondial, mais par exemple à Cargill ou à ADM. Il est important, pour qu'une analyse plus complexe de ces mécanismes puisse être faite, que les hypothèses relatives aux prix, et à l'offre et à la demande, reposent sur la réalité des marchés et non sur un modèle.

Réponse de M. Das: L'un des problèmes fondamentaux qui se pose avec les questions soulevées, est que nous avons tendance a raisonner d'une manière stéréotypée. Les différentes catégories- les exceptions, la MGS, et ainsi de suite - ont-elles fonctionné ? Nous le savons tous. De 1947 à 1994, nous avons traversé un désert. Toute discussion relative à la réglementation de l'agriculture était considérée comme non pertinente. ll y a eu des discussions très secrètes à Genève. Ce thème était entouré d'un grand silence, d'une grande résistance et de grandes hésitations et ce jusqu'en 1994. Puis l'Accord a été signé, mais ce n'est pas la Bible. Le défi consiste à voir au-delà de la structure actuelle de l'Accord et pas seulement à travers les diverses catégories. Ces catégories doivent être laissées aux négociateurs mais il faut laisser aux intellectuels et aux hommes d'action la possibilité d'élargir leur vision.

Question posée à M. Aldington: Le gouvernement suisse a utilisé souvent le concept du caractère multifonctionnel de l'agriculture dans la formulation des politiques agricoles et les pays en développement devraient pouvoir bénéficier de certaines leçons que nous avons apprises au cours des dernières années. Le Professeur Parikh, par exemple, lorsqu'il a mentionné le Plan de garantie de l'emploi au Maharastra, n'a peut être pas réalisé qu'il englobait la dimension sociale de la multifonctionnalité. Certains programmes de développement des bassins versants reçoivent un soutien, afin que le facteur de la multifonctionnalité soit aussi mis en évidence. Est- ce que M. Aldington, dans son document essaie d'encourager la discussion de cet aspect important pour les pays en développement, dans le cadre de la "catégorie verte".

Réponse: Au cours de mes travaux sur la multifonctionnalité, j'ai relevé que les pays en développement ignorent souvent cet aspect, à part l'Inde où l'agriculture est considérée comme un mode de vie dans les communautés rurales. L'importance de la multifonctionnalité nous rappelle les externalités positives de l'agriculture pour ce qui est de la sécurité alimentaire, des services destinés à l'environnement et des communautés rurales. Elles peuvent être encouragées par les politiques de développement qui sont autorisées au titre de l'Article 6 en ce qui concerne les pays en développement. Les politiques de développement intelligentes devraient insister sur ces externalités positives. Il n'est donc pas nécessaire de créer un point séparé dans la "catégorie verte". Elles peuvent figurer dans les politiques de développement des pays en développement. Bien sûr la multifonctionnalité à des résonances quelque peu diverses dans les pays développés. Cela dit, placer ces politiques de développement dans une catégorie séparée pourrait permettre une meilleure transparence et cela pourrait, quoi qu'il en soit, être une bonne idée.

Chapitre 6
ALTERNATIVES POUR ACCROÎTRE LA PRODUCTION AGRICOLE, LE COMMERCE ET LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT DANS LE CONTEXTE DES PROCHAINES NÉGOCIATIONS DE L'OMC SUR L'AGRICULTURE

Exposés des experts

M. panos Konandreas 25: Il est intéressant de rappeler les problèmes que l'Accord sur l'agriculture devait traiter. Le principal problème est la prédominance des politiques ayant des effets de distorsion sur le commerce et la production dans les pays développés, ce qui entraîne un excès de l'offre sur les marchés mondiaux. En gros, les pays en développement se trouvent confrontés au problème inverse, leur production ne permettant pas souvent de couvrir les besoins, du fait de politiques de désincitation. En acceptant les mesures de limitation de la production qui figurent dans l'Accord, les pays en développement ont souscrit une série de mesures concernant un problème qui ne les concerne pas. Il est donc nécessaire de redresser le déséquilibre fondamental de l'Accord dans les secteurs suivants : renforcement de la capacité de production, amélioration de l'accès au marché, sauvegarde de la stabilité des marchés internes et renforcement de la capacité institutionnelle.

Dans le secteur des soutiens internes, de nombreux pays développés ont été capables de légitimer les mesures prises ayant des effets de distorsion sur la production et le commerce, alors que les pays en développement n'ont ni le droit ni la capacité d'utiliser ces mesures. Ainsi, une approche en deux temps est adoptée par de nombreux pays en développement. Elle vise premièrement à limiter les mesures ayant des effets de distorsion sur la production et le commerce des pays développés et deuxièmement à ajouter plus de flexibilité aux dispositions existantes dans les domaines qui intéressent les pays en développement, sous la forme d'un traitement spécial et différencié. Dans cet ordre d'idée on peut suggérer les mesures suivantes : recalculer la mesure globale du soutien (MGS) et réviser les listes pas pays, élever les niveaux de minimis pour les MGS autre que par produits, fournir des crédits pour les MGS par produits négatifs, élargir la "catégorie verte" pour englober les mesures de sécurité alimentaire, et clarifier certaines questions méthodologiques et certaines définitions contenues dans l'Accord.

Les pays en développement ont été déçus par les difficultés d'accès aux marchés depuis la conclusion du Cycle d'Uruguay. Leurs exportations portent essentiellement sur des produits de base et l'on n'a pas enregistré une grande diversification dans les produits transformés industriellement à valeur élevée. Certains secteurs à améliorer pour favoriser l'accès au marché, ont déjà été mentionnés dans ce colloque - crêtes tarifaires, progressivité des droits de douane, administration des contingents tarifaires, etc.

La stabilisation du marché interne est particulièrement importante pour les pays en développement parce qu'ils dépendent du marché mondial pour une grande part de leur consommation alimentaire et consacrent une grande partie de leurs recettes d'exportation à l'importation de denrées vivrières. Une part importante de la population tire ses revenus de l'agriculture, ainsi d'importantes fluctuations des prix agricoles se répercutent sur leurs revenus et de nombreux ménages consacrent l'essentiel de leurs ressources à la nourriture. Certains mécanismes d'amélioration de la stabilisation du marché ont été mentionnés, mais il est nécessaire d'insister sur la clause de sauvegarde spéciale. Si les délais accordés pour avoir recours à cette clause étaient prolongés, il serait normal que cette option soit ouverte à tous les pays membres de l'OMC du moins peut être pour les produits de base les plus sensibles à la conjoncture et en établissant les conditions de "déclenchement" plus strictes afin d'eviter les abus.

Les deux principaux problèmes liés à la Décision de Marrakech - la lourde charge de la preuve et le manque de clarté concernant qui doit faire quoi, et quand - pourraient être résolus de la manière suivante : faire de la Décision un instrument juridiquement obligatoire ; établir un mécanisme d'octroi automatique d'assistance en fonction de certaines variables de déclenchement ; créer un fonds pour fournir l'assistance technique et financière aux pays répondant aux conditions voulues, notamment pour augmenter la productivité agricole ; clarifier les rôles et les responsabilités respectives de l'OMC et des autres acteurs participant à la mise en place de la Décision.

Le dernier point concerne le renforcement des capacités. Sur les trente-huit pays d'Afrique subsaharienne, huit environ, ont une représentation permanente à Genève. Ils sont donc contraints à affronter de graves limitations dans les négociations et pour l'application des accords. Les pays ont besoin de capacités techniques afin de pouvoir affronter la concurrence internationale. Il est essentiel qu'ils puissent appliquer de manière effective le cadre intégré pour les pays les moins avancés. En outre les pays en cours d'accession, qui sont pour la plupart des pays en développement, ont besoin d'une aide.

On a tenté d'inclure sur la liste les problèmes communs à un grand nombre de pays, mais clairement il ne s'agit ni d'une liste exhaustive ni d'une liste de réformes prioritaires destinées à tous ceux qui sont concernés.

M. luis abugattas:26 Les pays en développement devraient faire porter leurs efforts sur six points fondamentaux. Le premier concerne l'ensemble des questions portant sur les crêtes tarifaires, la progressivité des droits de douane et les contingents tarifaires, la tarification impure (une attention particulière étant accordée à cet aspect) ainsi que sur les mesures globales de soutien gonflées. La question est de savoir si le prochain cycle de réductions devra se baser sur ces droits de douane et sur ces soutiens trop élevés ou si des dispositions devraient être prises pour les ramener à des niveaux acceptables, avant de négocier de nouveaux engagements.

Le deuxième point à prendre en considération est que l'Accord sur l'agriculture a eu un effet très limité, même sur la formulation des politiques, dans la plupart des pays en développement.

Dans ces pays, la réforme politique s'est manifestée davantage dans le cadre des programmes d'ajustement et des engagements avec le FMI, qui ont réduit les éléments discriminatoires contre l'agriculture et ont eu récemment un certain effet positif sur la production agricole. Aucune négociation commerciale ne parviendra à avoir une forte influence sur l'accroissement de la production, qui est du domaine des réformes internes. Ces réformes étaient nécessaires, mais il est clair qu'elles ne sont pas suffisantes. Certaines politiques actives sont nécessaires pour combler les lacunes lorsque le marché n'y parvient pas : investissements, crédit et services. Le problème financier est grave, notamment dans les pays où une réforme financière draconienne a été introduite, et a éliminé les banques de développement. Il n'y a pas de crédits disponibles pour le secteur agricole et aucunes disponibilités à destiner à la production agricole. Le marché ne fournit pas assez rapidement tous les services relatifs à la production agricole. Une asymétrie structurelle est en train de se développer dans le système commercial international. Les moyens d'action qui sont légitimes dans le contexte des disciplines multilatérales, nécessitent un niveau élevé de capacité institutionnelle (facteur qui fait fondamentalement défaut dans la plupart des pays en développement) alors que les moyens d'action qui peuvent être utilisés sans difficulté institutionnelle majeure sont en train d'être éliminés. Un des principaux objectifs des pays en développement au cours du prochain cycle, est de sauvegarder la liberté d'appliquer des mesures de soutien en faveur du secteur agricole.

Une question est revenue plusieurs fois au cours des débats, c'est celle de la stabilité du marché. Le bien fondé des mécanismes de stabilisation des prix devrait être clarifié, notamment l'Article 4 et la note de fond de page, pour établir avec précision qu'il est légitime d'utiliser des droits variables en tant que mécanisme de stabilisation des prix.

Le quatrième point porte sur les sauvegardes. L'introduction d'une sauvegarde agricole permanente favoriserait les pays en développement.

Une autre point qui a été mentionné est celui du rapport qui existe entre l'agriculture et d'autres secteurs visés par les négociations. Les développements de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et des Mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC) ont une incidence plus forte sur le secteur agricole des pays en développement que l'Accord sur l'agriculture, dans deux secteurs : l'extension du domaine de la brévétabilité des variétés de plantes et d'animaux et le contrôle de la technologie et des importations parallèles. Ils ont un effet important sur le prix des intrants de base pour le secteur agricole. Les données montrent déjà qu'il y a eu une forte hausse du prix des intrants. Il sont de ce fait hors de la portée des plus pauvres et des petits agriculteurs. Dans les débats relatifs aux investissements, un consensus est nécessaire pour parvenir à un accord sur les investissements, mais il ne fait aucun doute que les débats concernant l'ADPIC seront à nouveau ouverts. L'interdiction des condition locales a touché de nombreux secteurs agricoles, surtout celui du lait.

Enfin, il y a la question de la concurrence. Bien qu'un pays puisse négocier le droit d'exporter des produits alimentaires vers un autre, les licences d'affaires peuvent empêcher le passage de ces produits d'un marché à l'autre. C'est toute la question de la distribution sur les marchés, compte tenu des licences et des franchises qui entravent réellement les exportations. Il y a aussi un problème de commercialisation entre les sociétés, avec l'expansion des grandes sociétés, après l'ouverture de tous les investissements en agriculture. Cette question devrait être examinée.

M. Hesham Youssef27: La Décision de Marrakech sur les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires a été importante parce qu'elle a permis à un certain nombre de pays en développement d'accepter l'ensemble des résultats des Accord du Cycle d'Uruguay, et cet aspect ne devrait pas être négligé.

La Décision porte sur cinq éléments fondamentaux : i) établir un niveau d'engagements pour l'aide alimentaire suffisant pour satisfaire les besoins des pays en développement au cours du programme de réforme ; ii) s'assurer qu'une part croissante est donnée à des conditions de faveur ; ii) fournir une assistance technique et financière pour améliorer la productivité agricole et l'infrastructure ; iv) assurer un traitement préférentiel aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires dans le secteur des crédits à l'exportation ; et v) assurer le financement à des niveaux normaux d'importation par le biais d'institutions internationales de financement ou selon les modalités établies.

Afin de bénéficier de l'assistance prévue par la Décision, il a été demandé aux pays en développement de prouver qu'ils ont subi les effets négatifs de l'Accord sur l'agriculture. Nous avons vu qu'il est pratiquement impossible d'isoler les effets de l'Accord, mais on a demandé aux pays en développement d'établir un lien de cause à effet entre l'Accord et les difficultés auxquelles ils étaient confrontés. En outre, cela ne concerne pas seulement certains pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, parce que les pays appartenant à diverses catégories sont confrontés à ces problèmes. Toutefois, un certain nombre d'études réalisées par la FAO et par d'autres organismes ont établi une différence très nette entre les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires et les autres pays en développement en termes de revenus par habitant, populations sous-alimentées, production de céréales, importations de céréales et part des importations alimentaires dans les importations totales. Ils représentent donc un groupe particulier avec un problème qui leur est propre par rapport à cette question.

Pour ce qui est de la mise en oevre, rien n'a été fait. La situation de l'aide alimentaire est déplorable. De 1994 à 1997, l'aide alimentaire en céréales pour les PMA a diminué de 37 pour cent pour les pays moins avancés, de 65 pour cent pour les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires et de 77 pour cent pour l'Egypte. Nous étions censés obtenir quelques traitements différenciés, mais rien ne s'est concrétisé. L'assistance technique et financière d'un certain nombre de donateurs - Australie, Canada, Japon a également faibli. L'aide des Etats-Unis est restée dans l'ensemble stationnaire au cours de cette période. La position de la Communauté européenne est très intéressante. N'ayant pas fait de notification en 1996 ou en 1997, il semble qu'elle a aussi besoin d'assistance technique dans ce secteur. On a enregistré en Nouvelle-Zélande un accroissement, mais la situation de départ était très modeste. De même, il y a un accroissement en Afrique du Sud. La Norvège, comme d'ordinaire, se distingue.

Pour ce qui est des prix, nous avons envisagé la question des cours et des aspects financiers au cours de la présente session. Le volume des importations de céréales des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires a augmenté depuis 1993, tout comme leur valeur. Bien sûr, 1995/96 a été une année atypique, ce qui explique le record atteint, mais les importations ont augmenté au cours de la période. On a soutenu que les modifications n'étaient pas importantes, mais seulement significatives. Les études de la FAO ont établi que 40 pour cent de l'accroissement des dépenses d'alimentation était imputable au volume et 60 pour cent à d'autres facteurs. De nombreux problèmes ont surgi avec les institutions financières internationales pour ce qui est du financement des importations des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. Il a été conclu à Singapour que les membres de l'OMC travailleraient avec les institutions financières internationales pour établir si les facilités existantes pouvaient être élargies ou si d'autres pouvaient être créées, mais encore une fois rien n'a été fait Lorsque les cours ont flambé en 1995/96, peu de pays en développement ont pu se procurer un financement auprès des fonds de prévoyance ou du mécanisme de financement compensatoire du FMI. La question des financements doit être complètement réexaminée.

L'une des difficultés fondamentales relative à la Décision est que nous avons traité le problème comme s'il était transitoire, alors qu'il ne l'est pas et il faudra en tenir compte à l'avenir. Certains pays - très petits et disposant de capacités tout à fait réduites d'exportation et de renforcement de la production- continueront à être vulnérables, indépendamment des mesures que nous prendrons. Il faut également tenir compte du fait que la responsabilité de la mise en oevre de la Décision a été fragmentée dans le monde entier. Il y a la Convention relative à l'aide alimentaire, à Londres, l'OCDE à Paris pour les crédits relatifs à l'exportation, et les institutions financières internationales à Washington. Peu de choses ont été faites à Genève où l'équilibre des droits et des obligations était censé avoir lieu. A Rome, l'action de la FAO pourrait être renforcée, notamment dans le domaine de la productivité et des divers aspects relatifs à la production agricole. Pour ce qui est de l'aide alimentaire, le point le plus important est que l'aide a jusqu'à présent varié en raison inverse des cours mondiaux ; lorsque les prix grimpent et l'aide est très nécessaire, elle ne se manifeste pas, mais lorsque les prix chutent et qu'il est moins difficile d'acheter des denrées sur le marché, l'assistance augmente. Nous devons aussi nous intéresser aux engagements pris pour accroître l'assistance technique et financière, et c'est dans ce contexte qu'un fonds peut-être utile. Les crédits à l'exportation doivent être étudié sérieusement.

Le dernier point est que, si nous voulons sérieusement parvenir aux objectifs fixés par le Sommet mondial de l'alimentation, qui est de diminuer par deux le nombre des personnes sous-alimentées d'ici l'an 2015,il faudra faire appel à un renforcement de la volonté politique. La Décision n'a pas été mise en oevre et si nous nous penchons sur les autres engagements de l'OMC comme nous l'avons fait pour la Décision, nous aurons de gros problèmes. Il n'y aura plus d'Accord de Blair House. Les pays en développement ont adopté une position plus agressive pour défendre leurs intérêts et continueront à le faire. A l'avenir les accords entre l'Union européenne et les Etats-Unis seront toujours les bienvenus mais ils ne détermineront pas les prochains accords.

M. ademola Oyejide28: Je voudrais tout d'abord commencer par une citation : "Dans une négociation on n'obtient pas ce dont on a besoin, mais ce que l'on négocie". Les pays en développement ne devraient pas participer aux négociations en supposant qu'ils vont se trouver face à de braves gens qui vont leur accorder tout ce qu'ils veulent. Ils doivent prendre leur destinée en main et reconnaître que la capacité de négocier effectivement dans l'OMC est d'une importance fondamentale. Ensuite, si vous parcourez l'Accord de Marrakech portant création de l'OMC, et pas seulement l'Accord sur l'agriculture vous trouverez un déséquilibre entre les engagements obligatoires et les offres d'assistance prises librement ou promettant "tous les efforts possibles". Les pays en développement ont signé en considération de l'offre des pays développés de faire quelque chose, mais il ne s'est rien produit. S'il y a une leçon à tirer, c'est qu'à l'avenir les engagements pris, doivent être de part et d'autre, clairement obligatoires

Il est important de reconnaître qu'il y a au moins deux types de coûts dans un accord commercial : les coûts de mise en oevre et les coûts d'ajustement. Dans les pays en développement, la mise en oevre nécessite la création de nouvelles institutions et de nouvelles capacités humaines. Lorsqu'il y a un changement d'orientation, l'économie devra s'ajuster et il y aura des gagnants et des perdants. Le système fiscal peut compenser les pertes mais dans les échanges internationaux, les gagnants et les perdants n'appartiennent pas nécessairement au même pays. Avec le calcul de ces coûts de mise en oevre et d'ajustement les gagnants et les perdants seront évidents à tous, et une pression pourra donc être exercée pour trouver un moyen de compenser les perdants. Au cours des prochaines négociations, les pays en développement devraient peut-être demander que la tâche de calculer ces coûts soit confiée à un organisme particulier, distinct de l'OMC. Pour ce qui est du secteur agricole, la FAO semble tout indiquée.

Le deuxième point concerne les traitements spéciaux et différenciés. Ce problème n'est pas nouveau, mais les Accords du Cycle d'Uruguay l'ont complètement remis en question. Il est dans l'intérêt des pays en développement de négocier certains types d'accords multilatéraux sur la définition du concept avant de passer à la négociation d'autres questions. La modalité actuelle de classification des pays est étrange. Elle repose sur une série de critères qui reflètent davantage des considérations politiques que la concurrence commerciale, la sécurité alimentaire ou tout autre élément objectif. Les pays en développement devraient réclamer une négociation multilatérale pour établir le critère à utiliser. Ensuite, il faudrait négocier les dispositions qui sont nécessaires. Dans le domaine de l'accès au marché, le concept du Système généralisé de préférences devrait être étendu pour demander aux pays en développement d'accorder une préférence aux pays les moins avancés (PMA). Les pays en développement - notamment ceux qui ont bénéficié précédemment de préférences commerciales - devraient à leur tour rendre quelque chose. Mais les pays les moins avancés ne devraient pas être des resquilleurs. Ils doivent respecter régime rationnel de production agricole et d'échange. Pratiquement tous les pays d'Afrique subsaharienne ont des droits de douane uniformes de 150 pour cent sur tous les produits, mais je doute qu'un pays, quel qu'il soit, ait besoin de droits de douanes de plus de 40 pour cent, aussi bien du point de vue de la protection qu'à des fins fiscales. Nombre de pays africains n'ont pas la capacité de participer effectivement aux processus de l'OMC, mais ont d'importants intérêts à protéger. J'espère que la FAO acceptera de fournir un certain soutien - par exemple des séminaires réguliers avec nos représentants. L'assistance est aussi nécessaire pour financer les frais de voyage des participants des pays africains aux négociations et ils ont besoin d'aide pour comprendre pleinement les dispositions de l'Accord en vigueur et pour établir des comparaisons avec leur production agricole et leurs régimes commerciaux.

M. Zaid Bakht29: Trois points fondamentaux sous-tendent l'Accord sur l'agriculture. Le premier était de réglementer de manière multilatérale les politiques agricoles ayant un effet de distorsion sur le commerce, essentiellement en appliquant le " juste prix". Des progrès considérables ont été effectués en ce sens, mais il reste encore beaucoup à faire. Les principales questions qui doivent être examinées au cours du prochain cycle de négociations portent sont : les déséquilibres des dispositions en vigueur relatives à la MGS pour ce qui est de l'utilisation particulière de la "catégorie verte" et de la "catégorie bleue" ; la persistance des crêtes tarifaires, la progressivité des droits de douane, les complexités liées aux droits de douane et les subventions aux exportations ; le déséquilibre des mesures spéciales de sauvegarde ; et l'utilisation récente des clauses sociales et des autres mesures non tarifaires comme nouvelles formes de protectionnisme. La liste complète des points à prendre en considération semble très longue et très controversée, donc tout ne sera pas simple, mais nous devons être optimistes.

Le deuxième point fondamental concerne la flexibilité à accorder aux pays en développement dans leurs politiques de développement agricole. On estimait que cela avait été obtenu dans le cadre des dispositions relatives aux traitements spéciaux et différenciés, mais dans la plupart des pays les politiques agricoles n'avaient pas d'importants effets de distorsion sur le commerce et quoi qu'il en soit les Programmes d'ajustement structurel apportaient la correction nécessaire. De ce fait, les dispositions relatives à des coupures plus petites et à des transitions plus longues étaient dépourvues de sens. La question qui se pose est donc de savoir si c'est pays disposent de la flexibilité nécessaire pour recourir aux mesures de soutien. Le Bangladesh, par exemple, a consolidé ses droits de douane agricoles à 200 pour cent, mais le taux appliqué est bien inférieur, ainsi il a le droit d'augmenter les droits de douane si besoin est. Mais opérationnellement, la flexibilité est tout autre chose, du fait surtout du fort bras de fer et de la pression exercés par d'autres institutions mieux connues, à savoir la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Au cours du prochain cycle de négociations, les pays en développement devront constater une plus forte cohérence de vues entre l'OMC et les autres institutions.

Pour ce qui est des préférences, le Système généralisé de préférences, semble avoir eu un rôle stratégique pour promouvoir la croissance des exportations dans de nombreux pays. La croissance des exportations à long terme ne peut pas reposer sur de telles préférences, mais comme la base des exportations est en général très étroite, principalement du fait des diverses limitations imposées à l'offre, il est essentiel de chercher une continuation et une extension des préférences.

Le dernier point concerne l'assistance technique et financière accordée aux pays en développement pour élargir leur production agricole et leur base d'exportations, contrecarrer les effets négatifs du processus de réforme, parvenir aux normes établies par l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et élaborer la capacité de négocier et de mettre en oevre les accords multilatéraux. Il s'agit d'un secteur où le bilan est absolument négatif. Rien n'a été fait pour répondre à ces besoins. L'Accord sur l'agriculture semble s'être occupé d'obtenir de justes prix, mais l'observation des faits montre que les facteurs autres que les prix - rareté des ressources d'investissement, infrastructures et technologies inadaptées, institutions faibles - ont eu des limites contraignantes. Les dispositions relatives au traitement spécial et différencié doit être rendu plus cohérent et il faudrait commencer à appliquer la Décision de Marrakech.

M. Abhijit Sen30: Au cours de la présente session, il me semble que nous avons élargi de manière significative la discussion, en considérant le développement dans l'ensemble de l'Accord de Marrakech et pas simplement dans l'Accord sur l'agriculture. Je voudrais rester dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture et m'intéresser à certaines questions, notamment celle de la sécurité alimentaire. Toutefois, il y a deux points de base importants - l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelles qui touchent au commerce (ADPIC)- L'ADPIC est important parce que l'aide internationale pour la diffusion de nouvelles technologies qui étaient disponibles - aide du type de celle qui a permis la Révolution Verte par exemple - n'existe plus. Le SPS suppose essentiellement qu'indépendamment de ce que les pays en développement puissent faire pour accéder au marché, pour divers produits, les pays développés disposent d'une série de règles qui peuvent contrôler l'accès au marché. Nous devons tenir compte de ces deux points.

Nous avons étudié un Accord qui n'est pas équitable. D'aucuns pensent que les pays en développement demandent essentiellement des augmentations aux pays en développés : en fait ils ne devraient pas seulement augmenter l'accès au marché et réduire le niveau de leurs subventions mais permettre aux pays en développement de garder le contrôle de leurs marchés et d'avoir une meilleure flexibilité en matière de subventions. Toutefois pour les négociations, il est nécessaire de partir d'une plateforme, qui tienne compte d'une série de principes. L'Accord de l'OMC dans son ensemble, porte sur la réduction des obstacles au commerce en pensant que cela aidera tout le monde. Nous devons donc nous concentrer sur ce qui ne fonctionne pas, et être fermes sur ce qui fonctionne. De ce fait les pays en développement devraient se concentrer sur la suppression généralisée des subventions - les leurs et celles des pays développés. Autrement dit, il devrait y avoir réellement une "catégorie verte" contenant seulement deux types de mesures - celles destinées au marché lorsqu'il ne fonctionne pas et qui concernent des externalités très nettes, ou celles relatives à la distribution en faveur des personnes que le marché n'a pas touché. Il s'agit donc d'une question commerciale.

Est-ce qu'une "catégorie-développement" ou une "catégorie-sécurité alimentaire" répondrait à ce critère ? Evidemment, les marchés à eux seuls ne vont pas assurer le développement, comme l'expérience le prouve. Ils ne permettent pas non plus d'assurer la sécurité alimentaire telle que nous l'avons définie. Nous avons besoin d'analyser minutieusement ce point. Nous ne devrions pas exiger une flexibilité élargie mais définir clairement ce qu'il est possible d'autoriser, parce que si les pays en développement sont flexibles, les autres pays le seront également et ils pourront en faire un meilleur usage. Le problème réel, concerne certaines classifications. La raison pour laquelle l'Accord sur l'agriculture soulève des questions qui concernent l'ensemble des intérêts visés par le Cycle d'Uruguay est que la plupart des pays en développement sont bloqués par un simple fait : l'essentiel de leur population travaille dans l'agriculture, non par choix mais du fait de l'échec du processus de développement. Situation en nette opposition avec les pays développés où des subventions doivent être octroyées pour stabiliser les personnes dans le secteur agricole et où l'argent est gaspillé à cet effet. Comment apporter un simulacre d'économies d'échelle à des millions de pauvres et parvenir à les aider à accroître leur production sans annuler les mesures d'encouragement ou les résultats ? C'est le thème bien connu du développement, et pour la plupart des habitants des pays en développement c'est là que réside le problème.

Le commerce ne joue qu'un rôle limité dans ce phénomène, mais il crée aussi des problèmes. En Inde, par exemple, on a enregistré une croissance agricole tout à fait respectable à la suite de l'Indépendance, surtout après la Révolution verte, lorsque l'on distribuait gratuitement les technologies, mais le succès était circonscrit à une région particulière du pays et il est en train de parvenir à son terme. Pendant 20 ans nous avons vécu sur le Punjab Harayana, une partie de l'Inde, et cela ne sera plus possible. Nous devons rapidement nous développer dans tout le pays, mais je doute fort que le modèle axé sur les subventions utilisé par le passé fonctionnera. A ce stade nous n'avons certainement pas besoin d'une situation où la production d'autres pays en développement, qui ne peuvent pas accéder aux marchés des pays développés, se déversent sur les nôtres. Comme nous nous trouvons dans une phase très critique du développement de l'agriculture indienne, nos taux de croissance se ralentissent et notre agriculture doit s'étendre à de nouvelles régions et à de nouvelles cultures. Nous somme donc inquiets, mais il ne s'agit pas d'un problème de protectionnisme. En agriculture, comme dans nombre d'autres domaines, certaines régions du pays sont à un stade embryonnaire et donc certains types de protection adaptés à cette phase sont nécessaires. Cette idée n'est peut-être plus en vogue mais elle n'en est pas moins valable aujourd'hui que par le passé. Pour pouvoir "marcher sur ses jambes" il faut tenir compte des différences qui existent parmi les pays en développement, notamment si les pays développés, gardent leur portes fermées.

Débats

Observations d'un participant: La question de l'instabilité des prix et les suggestions de légaliser la fourchette des prix me gêne un peu. Avec les règles établies par le nouveau système il n'est pas nécessaire d'avoir des stocks aussi importants. De même l'instabilité des prix ne conduit pas nécessairement à l'instabilité des dépenses d'importation, parce beaucoup de prix sont négativement liées entre eux. On a accordé trop d'importance à la stabilité des prix et trop peu au point le plus important, qui est la stabilité des revenus. Il est difficile d'appliquer une fourchette des prix de manière neutre. Cela entraîne toujours des transferts, une certaine forme de protection et leur utilisation est difficile à justifier dans le nouvel environnement commercial. L'instabilité des prix et des revenus est plus fréquente avec des mécanismes orientés davantage vers le marché,comme les marchés à terme.

Réponse du Président: La Banque mondiale a pris une initiative en ce sens, en mettant l'accent sur la gestion des risques dans les pays en développement et a organisé une série de réunions sur ce thème.

Question posée à M. Sen: Vous avez préconisé de supprimer les subventions à la fois aux pays développés et aux pays en développement. Dans la plupart des pays en développement, les petits agriculteurs dépourvus de ressources ont un accès limité au crédit alors que les pays développés ont pu soutenir leurs agriculteurs et qu'ils sont du point de vue technique et financier plus en avance, mais si le soutien de l'agriculture est supprimé dans les pays en développement, quelle sorte de scénario peut-on envisager?

Réponse: Je n'ai pas préconisé de supprimer les subventions dans les pays en développement. J'ai seulement dit que les subventions devraient être maintenues seulement dans deux cas : pour fournir des produits que les marchés ne peuvent pas fournir et pour aider les gens que le secteur privé ne parvient pas à toucher. Des institutions nécessaires devraient être créées à cet effet ou au pire des subventions devraient être spécifiquement destinées aux personnes concernées.

Observation: M. Oyejide a demandé l'instauration de négociations multilatérales sur le critère de la classification des pays ainsi qu'une échelle mobile pour le traitement différencié afin que les pays puissent commencer à appliquer des politiques saines, en passant d'un stade au stade successif. Ce processus pourrait être engagé par la FAO, en collaboration avec l'OMC, afin qu'au moins certaines discussions préliminaires puissent avoir lieu avant Seattle. Il faudrait établir des principes, notamment du fait que nombre de ces pays n'ont même pas la capacité de négocier.

Observation : En tant que pays producteur de pétrole, mon pays trouve qu'ils est classé d'une manière qui ne correspond pas à sa situation réelle. Le critère du revenu par habitant ne permet pas d'appréhender des problèmes comme la mortalité infantile, la durée de la vie, l'analphabétisme et l'extrême pauvreté.

Réponse du Président: Pour ce qui est de fournir une instance pour les négociations portant sur la classification des pays, je ne peux prendre aucun engagement de la part de la FAO, parce qu'il s'agit davantage d'une question politique que scientifique ou technique. Nous fournissons toutefois des informations sur les indicateurs que les pays membres peuvent utiliser comme base pour leur classification, et notamment des renseignements sur les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV)

Observation: Deux questions très importantes concernent l'Accord sur l'agriculture. L'un concerne le phénomène du régionalisme, qui a pour but d'obtenir des exceptions spéciales en se fondant sur les principes du traitement de la nation la plus favorisée et donc d'établir des discriminations envers les pays tiers. L'autre porte sur l'environnement qui a d'important rapports avec les politiques agricoles et la production. Les questions liées à l'environnement devraient être examinées au cours des négociations sur les politiques agricoles qui favorisent la concurrence dans les échanges agricoles.

Question: On a beaucoup parlé d'une période de négociation d'environ 3 ou 4 ans. Qu'est-il possible de faire au cours de cette phase, pour ce qui est des effets de distorsion et des autres problèmes.

Réponse: Un comportement à la fois agressif et protecteur doit être adopté dans les négociations. Les pays doivent réagir aux propositions des autres pays, étudier leur propre situation interne pour voir quelles questions ils aimeraient examiner, et ensuite former des coalitions avec d'autres pays, qu'ils soient en développement ou développés. Les coalitions devraient ensuite agir pour faire avancer ces problèmes autant que faire se peut.

Question: Sur la question de maintenir la flexibilité pour poursuivre le développement agricole, Panos Konandreas a suggéré que les pays en développement puissent avoir la possibilité d'augmenter les droits de douane pour les produits sensibles à la conjoncture, mais cela aurait deux effets indésirables. D'une part cela frapperait les consommateurs pauvres et, si le décalage des droits de douane devait se maintenir à long terme, cela provoquerait une grave distorsion des ressources. Le secteur des produits sensibles à la conjoncture pourrait être très inefficace, ainsi pendant combien de temps faut-il maintenir ces différences de droits de douane ?

Réponse: Je me référais à certains pays qui se sont engagés aussi à appliquer des droits de douane très bas pour certains produits qui sont essentiels pour eux. Dans certains cas il est nécessaire de procéder à un certain rééquilibrage, comme pour l'Inde et l'Egypte.

Question: La proposition de ventiler encore plus les contingents tarifaires en fonction des produits, entraînerait probablement davantage d'échanges encadrés par rapport à une situation où les négociants sont libres de choisir parmi une série de produits qui sont couverts par un contingent tarifaire composite. Du point de vue du consommateur, est-ce que cela apportera une amélioration pour l'utilisation des contingents tarifaires et du développement des marchés ?

Observation : Un aspect important du développement agricole est lié à l'accroissement de la valeur ajoutée non distribuée des pays exportateurs. Il existe une concentration croissante d'échanges agricoles, et indépendamment des possibilités d'accès au marché. Tant que cette concentration se poursuivra, la valeur ajoutée qui sera retenue par les producteurs agricoles et les exportateurs ne devrait pas augmenter beaucoup. Cela soulève la question de la politique de concurrence, mais dans le cadre de l'OMC on estime que cela ne concerne que les politiques internes. Les situations qui nécessiteraient un action interne sont laissées sans discipline au niveau international. Il s'agit donc d'une question importante qui devra être examinée, à un moment donné, au cours des négociations, mais un grand nombre de personnes sont réticentes du fait des implications que cela pourrait avoir dans le domaine des politiques intérieures. Ce point est toutefois très important.

Conclusions du Président du Colloque

Une compréhension du système des échanges agricoles mondiaux bien meilleure qu'il y a cinq ans ressort de nos discussions. Bien qu'il soit prématuré de mesurer quantitativement l'incidence du Cycle d'Uruguay, nous avons semble-t-il convenu à l'unanimité qu'il y a eu une modification qualitative remarquable. Cette évolution a entraîné l'introduction d'un système international d'échanges agricoles réglementé, ayant un effet à la fois sur l'élaboration des politiques internationales et nationales ainsi que sur les conceptions et les réflexions. Pour ce qui est de l'incidence quantitative globale, il convient d'attendre.

On a généralement admis que les échanges et une libéralisation plus approfondie du commerce doivent déboucher sur la sécurité alimentaire, conclusion tirée du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation. Tous les participants et tous ceux qui ont pris la parole, ont admis que la sécurité alimentaire est l'objectif de développement poursuivi par les pays concernés et que l'insécurité alimentaire à laquelle se trouvent encore confrontés environ 800 millions de personnes de par le monde en développement, est le principal enjeu des responsables de l'élaboration des politiques et pour les négociations sur l'agriculture.

En tant qu'organisation internationale, la FAO doit avoir un rôle impartial dans ce processus. Elle doit se limiter à fournir un lieu de rencontre dans lequel les pays puissent exprimer leurs positions. Deux orientations ont vu le jour au cours de ce Colloque : Réequilibrer les accords qui existent et essayer de parvenir à plus de flexibilité pour permettre aux pays en développement de poursuivre leurs objectifs internes de sécurité alimentaire et de développement. C'est dans cet esprit qu'un grand nombre si ce n'est toutes les propositions ont été faites. Le besoin de s'intéresser aux intérêts spéciaux des perdants, à titre temporaire ou plus permanent, du système commercial international ou de sa réforme, a été particulièrement souligné, comme le besoin de fournir une compensation ou une assistance au cours de la période de transition.

En qualité d'institution internationale participant au processus de réforme agricole, la FAO continuera à analyser et à contrôler la situation et à essayer de fournir les renseignement et l'aide nécessaires. On a donné de nombreux exemples de l'incidence sur certains pays en développement. Ces études portant sur les pays doivent encore être intensifiées et approfondies, et la FAO est prête à fournir son assistance à cet effet. Pour ce qui est de la demande de M. le Professeur Oyejide, je ne suis pas sûr que la FAO puisse apporter son concours à un groupe de pays, ou à un pays en particulier, car nous devons être au services de tous les Etats membres. Je voudrais toutefois, attirer l'attention sur un programme de formation que nous venons juste de lancer, qui sera mis en place dans 14 ou 15 sous-régions, et qui sera ouvert pour chaque pays en développement et pays en transition à cinq participants au maximum. Il s'agit d'un cours d'une semaine destiné aux autorités agricoles et autres, couvrant non seulement l'Accord sur l'agriculture mais aussi le SPS, l'ADPIC et l'OTC, et donc les questions fondamentales relatives à la sécurité alimentaire.

ANNEXE
Programme et liste des experts et des autres orateurs

Jeudi 23 septembre

 

SESSION D'OUVERTURE

   

Commentaires:

Hartwig de Haen, sous-directeur général, Département économique et social, FAO

Gretchen Stanton, conseiller, OMC

Rubens Ricupero, secrétaire général, CNUCED

Allocution principale :

Kirit S. Parikh, directeur, Indira Gandhi Institute of Development Research, Mumbai, Inde

   

SESSION I

LES PRINCIPALES TENDANCES DES MARCHES AGRICOLES MONDIAUX AU COURS DES DEUX DERNIERES DECENNIES ET LES PERSPECTIVES A MOYEN TERME

   

Experts:

Nikos Alexandratos, ancien chef, Unité des études prospectives globales, FAO

Loek Boonekamp, chef de division, Division des marchés et échanges agricoles, Direction de l'alimentation, de l'agriculture et des pêcheries, OCDE

Eugenio Diaz-Bonilla, stagiaire de recherche invité, Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Washington, DC

Keiji Ohga, Université de Tokyo, Institut d'agriculture et de sciences naturelles

Débats

 
 

SESSION II

BILAN DE LA MISE EN oeVRE DE L'ACCORD SUR L'AGRICULTURE DU CYCLE D'URUGUAY

Session IIa: Bilan relatif aux marchés agricoles mondiaux

Experts:

Jim Greenfield, ancien directeur, Division des produits et du commerce international, FAO

Samarendu Mohanty, directeur de recherche, Food and Agriculture Policy Research Institute (FAPRI), Iowa State University

John Finn, Division de l'agriculture, OMC

Donald Mitchell, économiste principal et chef d'équipe des produits, Development Prospects Group, Banque mondiale

Débats

 
 

Session IIb: Expériences des pays en développement (basées sur des études de cas par pays)

Experts:

Ramesh Sharma, économiste principal, Division des produits et du commerce international, FAO

 

Afrique Subsaharienne:

T. Ademola Oyejide, professeur d'économie, Université d' Ibadan, Niger

 

Proche Orient :

Mahmoud Al Oduimy, Faculté d'agriculture, Université Ain Shams, Le Caire

 

Amérique latine:

Antonio S. P. Brandao, professeur et économiste (spécialiste des échanges agricoles), Université Santa Ursula et Université de Rio de Janeiro, Brésil

 

Caraïbes:

J.R. Deep Ford, professeur d'économie, Université du Vermont, Etats-Unis

 

Asie:

Abhijit Sen, professeur d'économie, Université Jawaharlal Nehru, New Delhi

Débats

 
   

Vendredi 24 septembre

   
   

Commentaires:

Hartwig de Haen, sous-directeur général, Département économique et social, FAO

Ali Said Mchumo, Président du Conseil général de l'OMC

Nestor Osorio Londoño, Président du Comité de l'OMC sur les échanges agricoles

   
   
   

SESSION III

ENJEUX DES PROCHAINES NEGOCIATIONS DE L'OMC SUR L'AGRICULTURE DANS LA PERSPECTIVE DES PAYS EN DEVELOPPEMENT COMPTE TENU DU PLAN D'ACTION DU SOMMET MONDIAL DE L'ALIMENTATION

Experts:

Harmon Thomas, chef, Service des politiques et des projections concernant les produits, Division des produits et du commerce international, FAO

Tim Aldington, ancien conseiller technique principal et secrétaire, Comité de l'agriculture, FAO

Baba Dioum, coordinateur général, Conférence des ministres africains de l'agriculture, Afrique de l'Ouest et Afrique centrale

B.L. Das, spécialiste du commerce international et consultant auprès du Third World Network

Nipon Poapongsakorn, vice-président, Thailand Development Research Institute

SESSION IV

ALTERNATIVES POUR ACCROITRE LA PRODUCTION AGRICOLE LE COMMERCE ET LA SECURITE ALIMENTAIRE DES PAYS EN DEVELOPPEMENT DANS LE CONTEXTE DES PROCHAINES NEGOCIATIONS DE L'OMC

Experts:

Panos Konandreas, fonctionnaire principal chargé de liaison, Bureau de liaison de la FAO avec les Nations Unies, Genève

Abhijit Sen, professeur d'économie, Université Jawaharlal Nehru, New Delhi 

J.R. Deep Ford, professeur d'économie, Université du Vermont, Etats-Unis

Hesham Youssef, Cabinet du Ministre des affaires étrangères, Le Caire, Egypte

Zaid Bakht, directeur de recherche, Bangladesh Institute of Development Studies

Luis Abugattas, conseiller, Ministère de l'industrie, de l'intégration et des négociations internationales, Pérou

T. Ademola Oyejide, professeur d'économie, Université d'Ibadan, Nigeria

Débats 

 




1 Mr. Hartwig de Haen, sous-directeur général, Département économique et social, FAO.

2 S.E. Ali Said Mchumo (Tanzanie).

3 Conseiller, Organisation mondiale du commerce.

4 Ancien chef, Unité des études prospectives globales, FAO.

5 Chef de division, Division des marchés et échanges agricoles, Direction de l'alimentation, de l'agriculture et des pêcheries, OCDE. 

6 Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI).

7 Professeur, Institut d'agriculture et de sciences naturelles, Université de Tokyo.

8 Ancien directeur, Division des produits et du commerce international, FAO.

9 Directeur de recherche, Food and Agriculture Policy Research Institute, Iowa State University.

10 Conseiller, Division de l'agriculture, OMC.

11 Economiste principal et chef d'équipe des produits, Banque mondiale.

12 Observations du participant auquel M. Mohanty avait répondu.

13 Economiste principal, Division des produits et du commerce international, FAO.

14 Professeur d'économie, Université Jawaharlal Nehru, Inde.

15 Professeur d'économie, Université d' Ibadan, Nigeria.

16 Faculté d'agriculture, Université Ain Shams, Le Caire.

17 Professeur et économiste (spécialiste des échanges agricoles, Université Santa Ursula et Université de Rio de Janeiro, Brésil.

18 Professeur d'économie, Université du Vermont, Etats-Unis.

19 S.E. Nestor Osorio Londoño (Colombia).

20 Chef, Service des politiques et des projections concernant les produits, Division des produits et du commerce international, FAO.

21 Coordinateur général, Conférence des ministres africains de l'agriculture, Afrique de l'Ouest et Afrique centrale.

22 Vice-president, Thailand Development Research Institute.

23 Ancien ambassadeur de l'Inde auprès du GATT et ancien président des Parties contractantes à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.

24 Ancien conseiller technique principal et secrétaire, Comité de l'agriculture, FAO.

25 Fonctionnaire principal chargé de liaison, Bureau de liaison de la FAO avec les Nations Unies, Genève.

26 Conseiller, Ministère de l'industrie, de l'intégration et des négociations internationales, Pérou.

27 Cabinet du Ministre des affaires étrangères, Le Caire.

28 Professeur d'économie, Université d'Ibadan, Nigeria.

29 Directeur de recherche, Bangladesh Institute of Development Studies.

30 Professeur d'économie, Université Jawarhalal Nehru, New Delhi.

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