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Document No. 2
Évolution des marchés agricoles mondiaux, 1995-98

I. Introduction et résumé

Le présent document analyse l'évolution des marchés agricoles pour la période 1995 à 1998 et les changements éventuels suite á l'application de l'Accord sur l'agriculture du Cycle d'Uruguay. L'analyse porte tout d'abord sur des produits qui ont généralement été soumis à des niveaux élevés de protection et de soutien (par exemple les céréales, la viande et les produits laitiers et le sucre) ainsi que sur certains produits pour lesquels les barrières aux échanges ont été relativement moindres, tels que les produits primaires tropicaux (café, cacao, thé).1 La dernière partie du document analyse les changements de la variabilité des prix de certains produits spécifiques.

La période 1995-98 a été marquée, pour plusieurs produits, par des échanges assez dynamiques et des prix relativement stables et, pour plusieurs d'entre eux, la fermeté du marché a été due en partie à l'application des engagements pris lors du Cycle d'Uruguay, surtout pour les céréales et la viande, du fait de la réduction des subventions à l'exportation, de l'application des engagements d'ouverture des marchés et des effets induits des revenus sur la demande. Les prix de nombreux produits ont augmenté pendant cette période par suite de la réduction des stocks, imputable en partie à la contraction progressive de l'intervention des pouvoirs publics sur les marchés des produits agricoles. Pour la plupart des autres principaux produits agricoles, toutefois, l'évolution des marchés pendant la période 1995-98 a été causée plutôt par des facteurs spécifiques comme le temps, la phase du cycle des produits ou la conjoncture sur d'autres marchés, par exemple ceux des produits synthétiques ou concurrents.

Le fléchissement des prix de nombreux produits agricoles en 1998 a mis en relief l'importance du rôle joué par d'autres facteurs, dont les crises financières et le ralentissement concomitant de l'activité économique qui ont affecté de nombreux pays. Néanmoins, la tendance à la libéralisation et la réduction du rôle joué par les pouvoirs publics sur les marchés des produits - que ce soit dû ou non au Cycle d'Uruguay - ont également influé sur l'évolution récente de la situation.

Analyse produit par produit

Blé

En 1995-98, la production mondiale de blé a dépassé de 10 pour cent environ la moyenne des années 1984-94, tandis qu'aussi bien le commerce mondial que les stocks d'ouverture ont été inférieurs à la moyenne (tableau 1 et figure 1). Les cours mondiaux ont fortement augmenté en 1995-96 par suite de mauvaises récoltes successives en 1994 et 1995 et de la modicité des stocks dans les principaux pays exportateurs due, pour une large part, à la politique délibérée de réduction des stocks de report qui est allée de pair avec l'adoption dans plusieurs pays de politiques axées sur le marché, conformément aux engagements pris lors du Cycle d'Uruguay. En outre, les subventions à l'exportation sont tombées à un niveau bien inférieur à celui prévu lors des négociations (en 1995, 6 pour cent seulement du total autorisé ont été appliqués). Cette hausse marquée des prix a entraîné une augmentation considérable de la production en 1996 et 1997, qui s'est traduite par une reconstitution des stocks et une baisse des coûts. Malgré la diminution enregistrée en 1997 et 1998, les prix en 1995-98 ont été supérieurs de près de 9 pour cent à ceux des années 1984-94.

Céréales secondaires

Pendant la période 1995-98, la production mondiale de céréales secondaires a dépassé de 7 pour cent et le commerce de 2 pour cent les chiffes des années 1985-94. En revanche, les stocks de report en début de période étaient inférieurs de 28 pour cent à la moyenne des dix années précédentes. Pendant la période 1995-98, les prix à l'exportation du maïs en provenance d'Argentine et des Etats-Unis ont été supérieurs à la moyenne d'avant le Cycle d'Uruguay.

Les cours mondiaux des céréales secondaires ont fortement augmenté en 1995-96 car la production a diminué de 10 pour cent - par suite d'une combinaison de mauvais temps et de mesures de politique générale - précisément au moment où l'on avait beaucoup puisé dans les stocks et où la demande était ferme. En outre, en 1995, les importations du Japon, de la République de Corée et de Thaïlande ont dépassé leurs contingents tarifaires et les membres de l'OMC n'ont appliqué que 27 pour cent des subventions autorisées à l'exportation, ce qui a encore encouragé la hausse des prix. Après cette augmentation marquée, la production de céréales secondaires a repris pendant la période 1996-97 et la demande a fléchi, ce qui a entraîné une baisse des cours. La diminution enregistrée récemment peut être imputée en partie à une demande relativement faible de produits animaux causée notamment par la crise financière asiatique.

Riz

En comparaison de la moyenne des années 1985-94, la production de riz (équivalent usiné) en 1995-98 a augmenté de 12 pour cent (41 millions de tonnes), et le commerce mondial de 70 pour cent tandis que les stocks se sont contractés de 7 pour cent. Les prix du riz long thaï ont nettement dépassé les niveaux atteints pendant la période précédente et sont demeurés inchangés en 1998, tout comme d'ailleurs le riz long américain et les brisures de riz thaï.

Il serait faux de dire que les marchés mondiaux du riz ont été tendus pendant la période 1995-98, entièrement du fait du Cycle d'Uruguay car d'autres facteurs sont également intervenus. Par exemple, la hausse marquée des prix enregistrée en 1994 et au début de 1995 a été due principalement à la sécheresse qui a sévi au Japon. La baisse légère des prix en 1996 et 1997 a reflété une amélioration générale de la production dans tous les principaux pays importateurs. Inversement, l'augmentation constatée en 1998 a été due, dans les principaux pays importateurs de riz du sud-est de l'Asie et d'Amérique du Sud, aux mauvaises récoltes causées par les intempéries provoquées par le phénomène El Niño, ce qui a compensé les effets de la baisse des prix entraînée par la crise financière asiatique.

Sucre

Généralement parlant, l'on ne pensait pas que le Cycle d'Uruguay aurait un effet significatif sur les marchés mondiaux du sucre car les principaux pays développés consommateurs n'avaient accordé que des concessions limitées pour ce qui était de l'accès à leurs marchés. La réduction des exportations subventionnées ne devait pas avoir d'effet marqué dans la mesure où ces exportations ne représentaient que 5 pour cent du commerce mondial. L'on comptait que, pour l'essentiel, le commerce mondial de sucre serait stimulé par des réductions tarifaires dans les pays en développement. On s'attendait à ce que les prix, la production et le commerce mondial augmentent légèrement, mais pour des raisons qui n'avaient pas nécessairement de rapport avec l'Accord sur l'agriculture. Pendant la période 1995-98, la production, le commerce, les stocks et les prix du sucre ont tous dépassé les niveaux atteints pendant la période 1985-94. Néanmoins, les récoltes ayant à nouveau atteint des chiffres records en 1998, les prix ont nettement baissé en cette année-là.

L'augmentation de la production et des stocks a été due à des prix relativement favorables à la production, tandis que l'expansion économique et, parfois, le subventionnement des prix à la consommation, ont stimulé la demande et le commerce mondial. Le fléchissement de la demande d'importations en 1998 enregistrée par la Fédération de Russie, la Chine et quelques autres pays d'Asie affectés par la crise financière, de même que la prévision d'importantes récoltes en 1998-99, ont entraîné une baisse significative des cours en 1998. L'augmentation des exportations du Brésil, encouragée par la dévaluation du réal, a aggravé la situation excédentaire de l'offre, ce qui a fait tomber les cours mondiaux à leurs niveaux les plus bas depuis 20 ans. Pendant les années 1985-94, les prix ont eu tendance à être un peu plus stables, sauf à la fin des années 80, période pendant laquelle l'impact de l'expiration des dispositions économiques de l'Accord international sur le sucre s'est fait pleinement sentir.

Graisses et huiles

En 1995-98, la production et le commerce mondiaux de graisses et d'huiles ont été bien supérieurs à ce qu'ils avaient été pendant les années 1985-94. Bien que les prix aient reculé par rapport aux chiffres records atteints en 1994, ils n'en étaient pas moins supérieurs, en 1995-98, à leurs niveaux de la décennie précédente.

On pensait que le Cycle d'Uruguay encouragerait légèrement la production et le commerce de graisses et d'huiles non seulement en raison de la réduction des subventions à l'exportation, mais aussi par suite de l'augmentation de la demande entraînée par l'élévation des revenus. On s'attendait surtout à une augmentation de la production et des exportations pour les huiles de palme et de noix de palme dans le sud-est de l'Asie et, dans une moindre mesure, l'huile de soja en Amérique du Sud.

Farines d'oléagineux

La production et le commerce mondiaux de farines d'oléagineux ont nettement dépassé, en 1995-98, les niveaux atteints en 1985-94. Le Cycle d'Uruguay n'était pas censé avoir des effets directs significatifs sur la production ou sur les prix car les échanges se faisaient déjà avec peu de distorsions majeures, même si certains effets indirects, relativement mineurs, étaient attendus suite aux changements éventuels dans les filières des produits animaux et des aliments pour le bétail. L'augmentation de la production, des prix et des échanges en 1995-98 s'explique pour une large part par l'expansion continue de la demande dans le secteur de l'élevage et par la relance de la demande dûe à la hausse marquée des prix des céréales destinées à l'alimentation animale en 1995-96. À court terme, les prix devraient retomber aux niveaux d'avant 1995 en raison de l'accroissement de la production enregistré en 1998. Certains prix ont d'ailleurs déjà nettement baissé en 1998. À moyen terme, il est à prévoir que la demande continuera d'être forte , tempérée néanmoins par les effets du ralentissement de la croissance économique dans le secteur de l'élevage en Asie du Sud et de l'Est.

Viande

La production, le commerce et les prix de viande bovine ont généralement été inférieurs à la tendance pendant la période 1995-98, et la production et les prix ont été inférieurs aux moyennes de la décennie précédente. La baisse des prix a été imputable en majeure partie à différents facteurs tels que la crise de la vache folle et d'autres mouvements de panique qui ont entraîné une baisse de la demande de viande de boef. Avant le Cycle d'Uruguay, les subventions à l'exportation et les barrières non tarifaires étaient plus fréquentes sur le marché mondial du boef, et les engagements pris dans l'Accord sur l'agriculture concernant le subventionnement des exportations et l'accès aux marchés ont été de plus large portée que pour les autres types de viande.

Avant le Cycle d'Uruguay, la Communauté européenne, deuxième exportateur mondial de viande, subventionnait presque toutes ses exportations de viande de boef. À l'heure actuelle, ses exportations de viande bovine sont limitées par les plafonds imposés aussi bien sur le volume que sur la valeur, ce qui laisse supposer qu'en absence de ces restrictions, les exportations subventionnées en auraient sans doute été plus importantes, et les prix du boef sur les marchés mondiaux auraient sans doute été plus bas qu'ils ne sont réellement. La reconstitution récente des stocks de boef de la Communauté européenne, qui avaient été presque éliminés avant l'application des engagements pris lors des négociations du Cycle de l'Uruguay, confirme le rôle important joué par ce dernier dans la limitation du volume des exportations subventionnées écoulées sur les marchés mondiaux.

Les possibilités d'accès aux contingents tarifaires de la viande de boef dépassent, et de loin, celles de tous les types de viande concurrents pris dans leur ensemble. De ce fait, les engagements pris en matière d'amélioration de l'accès aux marchés, principalement aux Etats-Unis et en République de Corée, devaient, pensait-on, encourager une augmentation tant du commerce mondial que des prix de la viande de boef. Toutefois, aussi bien le commerce que les prix ont fléchi en 1996 et au début de 1997 suite á la réduction de la demande entraînée par les craintes des consommateurs. Cette situation s'est par la suite encore aggravée du fait des crises financières qui ont touché l'Asie, la Russie et d'autres pays. Le ralentissement général de la production de viande bovine a été imputable au rétrécissement du secteur de la viande dans nombre de pays en transition.

Les prix de la viande de porc en 1995-98 ont été nettement inférieurs à la moyenne des années 1985-94 tandis que le commerce mondial et la production ont dépassé la moyenne. L'Accord sur l'agriculture était censé accroître le commerce et les prix du fait des engagements pris concernant l'amélioration de l'accès aux marchés et des disciplines imposées en matière de subventionnement des exportations.

En 1995 et surtout en 1996, le commerce mondial a connut une accélération suite á une réduction des prix minimums à l'importation (prix à l'exploitation) et des droits de douane au Japon ainsi que par des achats substantiels effectués par la Fédération de Russie. Par la suite, toutefois, l'augmentation du volume des importations du Japon a déclenché l'application de la clause spéciale de sauvegarde de l'Accord sur l'agriculture, ce qui a eu pour effet d'accroître les prix à l'exploitation réduisant ainsi les importations. Après avoir beaucoup augmenté, le commerce mondial de viande de porc a diminué en 1997 et 1998 en raison du refus des consommateurs craignant pour leur santé de manger de la viande de porc dans plusieurs pays ainsi que du ralentissement de l'activité économique qui a entraîné une baisse de la demande d'importations en Asie. En 1998, une production record de porc dans les principaux pays exportateurs a encore fait baisser les prix.

L'Accord sur l'agriculture permet une certaine flexibilité dans l'utilisation des subventions à l'exportation. La Communauté européenne a usé de cette latitude pour reporter la partie inutilisée des engagements des années précédentes pour le porc et ses exportations ont par conséquent été plus importantes en 1998/99 que ne l'aurait autorisé le plafond pour l'année, ce qui a peut-être contribué aussi à faire baisser les prix sur les marchés mondiaux.

Dans le secteur de la volaille, la production et le commerce mondial en 1995-98 ont été nettement supérieurs aux moyennes de la décennie précédente, bien que les prix aient été, quant à eux, inférieurs à la moyenne. L'effet escompté du Cycle d'Uruguay était essentiellement de stabiliser quelque peu les prix, reflétant ainsi l'augmentation des revenus, la hausse des prix des aliments pour la volaille et la réduction des subventions à l'exportation. Les marchés de la volaille sont, dans le secteur de la viande, ceux dont l'accès a été le moins libéralisé. Globalement, le dynamisme du secteur de la volaille ne peut pas être imputé au Cycle d'Uruguay. C'est plutôt l'augmentation de la demande de la Fédération de Russie et en Chine - qui ne sont ni l'une ni l'autre membres de l'OMC - qui est l'origine de près de 80 pour cent de l'augmentation du commerce mondial enregistrée pendant la période 1995-98.

Enfin la production, le commerce mondial et les prix de la viande d'ovins ont été supérieurs aux niveaux atteints en 1984-94. Le Cycle d'Uruguay n'était pas censé produire d'effets marqués sur la production et le commerce, encore qu'un raffermissement des cours était prévu. Les possibilités d'accès aux marchés de contingents tarifaires dans ce secteur sont dues presque entièrement à la transformation des accords relatifs à l'accès aux marchés précédemment conclus par la Communauté européenne. Aux Etats-Unis, l'abrogation de la Loi relative aux importations de viande semble avoir eu sur le commerce mondial un impact positif qui a néanmoins été compensé par une évolution défavorable, de la conjoncture dans d'autres pays sans rapport avec le Cycle d'Uruguay.

Lait

L'Accord sur l'agriculture ne devait pas, pensait-on, entraîner de changements notables en ce qui concerne le volume de la production mondiale et des échanges de lait et de produits laitiers, mais les prix étaient censés augmenter légèrement du fait des engagements pris en matière d'accès aux marchés et de la réduction des subventions à l'exportation. Pendant la période 1995-98, la production et le commerce mondial ont été supérieurs aux niveaux de la période 1985-94. L'évolution de la production a essentiellement reflété, d'une part, la baisse continue de la production dans la CEI et, de l'autre, l'augmentation de la production en Australie, et en Nouvelle-Zélande ainsi que dans plusieurs pays en développement d'Asie et d'Amérique latine.

Pendant la période 1995-98, les prix ont été, à des degrés divers, supérieurs aux années précédents, et tel est notamment le cas du lait écrémé en poudre, du beurre et du fromage. Les prix du fromage sur les marchés mondiaux ont été favorisés, dans une certaine mesure, par la réduction des subventions à l'exportation. Pour la plupart des autres produits, cependant, les prix ont été affectés par des facteurs autre que le Cycle d'Uruguay étant donné que, dans la plupart des cas, la mise en oevre des engagements pris en matière de réduction des subventions à l'exportation a été e général facilitée par une conjoncture favorable du commerce international au cours de cette période. Les prix du beurre, en particulier, ont été influencés par la réduction considérable des stocks excédentaires ces dernières années - en comparaison de ce qu'ils étaient au début des années 90 - ainsi que de la forte demande d'importations de la Fédération de Russie. Depuis 1998, les cours internationaux des produits laitiers ont baissé par suite du fléchissement de la demande entraîné par le ralentissement de l'activité économique dans les pays du sud-est de l'Asie, la Fédération de Russie et au Brésil, qui sont tous d'importants importateurs nets de produits laitiers.

Les produits laitiers ont donné lieu à deux cas de litige soumis au système de règlement des différends de l'OMC: l'un concernait le système canadien de détermination des prix du lait (qui, selon les plaignants, équivaut à un subventionnement croisé des exportations du fait des prix élevés pratiqués sur le marché intérieur) et l'autre les importations dans la Communauté européenne de beurre à tartiner en provenance de Nouvelle-Zélande.

Bananes

Le volume des exportations de bananes en 1995-98 a été plus élevé qu'en 1985-94. Au cours de cette décennie, le commerce mondial a été caractérisé par une nette tendance à la hausse, d'autant que les expéditions vers la Communauté européenne ont atteint des niveaux inhabituels pendant la période qui a précédé l'entrée en vigueur, à la mi-1993, des dispositions du marché commun applicables aux bananes, les pays essayant d'établir des contingents de référence avant l'entrée en vigueur des contingents tarifaires. Depuis lors, le commerce mondial a suivi sa tendance à la hausse. Le ralentissement de l'augmentation des importations dans la Communauté européenne a coïncidé avec un accroissement plus rapide des exportations vers d'autres pays et régions, en particulier l'Europe orientale, la CEI et la Chine.

Trois marchés (à savoir la Communauté européenne, les Etats-Unis et le Japon) absorbent plus des deux tiers des importations mondiales de bananes. Les Etats-Unis, premier importateur mondial, n'applique pas de droits de douane ni de restrictions quantitatives aux importations de bananes. Le Japon n'impose pas non plus de restrictions quantitatives mais applique un droit saisonnier à l'importation. Conformément aux engagements pris lors du Cycle d'Uruguay, les droits appliqués sur la base de la clause de la nation la plus favorisée sont progressivement réduits, mais presque toutes les importations japonaises de bananes sont soumises à des taux préférentiels inférieurs à ceux calculés selon le traitement de la nation la plus favorisée. L'effet attendu du Cycle d'Uruguay sur le marché des bananes a pour l'essentiel été pris en compte dans l'accord-cadre conclu par la Communauté européenne, y compris pour ce qui est des contingents tarifaires.

L'Accord sur l'agriculture a eu indirectement, par le biais du mécanisme de règlement des différends, un impact marqué sur les structures du marché mondial de la banane. Saisi de plaintes des Etats-Unis et de l'Équateur contre la Communauté européenne, l'Organe de règlement des différends de l'OMC a considéré que les dispositions communautaires applicables aux importations de bananes étaient en contradiction avec plusieurs éléments de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, et en particulier l'Article XIII, ainsi que de l'Accord général sur le commerce de services. L'Organe de règlement des différends a considéré que, du fait de l'application des dispositions communautaires, les Etats-Unis avaient subi un préjudice égal à 191,4 millions de dollars E.-U.. Cette décision a permis aux Etats-Unis d'imposer des droits de douane représentant au total un montant équivalent sur une série de produits de la Communauté. Celle-ci s'emploie actuellement à mettre au point un régime pour les importations de bananes conforme aux règles de l'OMC.

Bien qu'aucune décision n'ait encore été prise sur le nouveau régime qui sera appliqué en la matière, il se peut que le régime révisé offre à quelques pays en développement la possibilité de vendre plus de fruits sur le marché communautaire et ainsi d'accroître leurs recettes d'exportation. Simultanément, ce nouveau régime risque d'éliminer en partie la protection que le système actuel accorde à d'autres pays en développement, lesquels risquent à leur tour de perdre une partie de leur part de marché et de voir diminuer les recettes d'exportation qu'ils en tirent.

Agrumes

Le Cycle d'Uruguay n'a guère eu, dans l'immédiat, d'impact significatif sur le commerce mondial d'agrumes frais. Bien que les exportations aient augmenté à un rythme annuel de 7 pour cent en moyenne pendant la période 1991-94, elles n'ont progressé que de 1 pour cent par an pendant la période 1994-97.

Pour la Communauté européenne, qui est le premier importateur mondial d'agrumes frais, l'Accord sur l'agriculture a exigé une modification du régime applicable à l'importation de fruits et légumes. Le nouveau régime a remplacé l'ancien système de prix de référence et de droits compensatoires par un système fondé sur les prix à l'importation et des droits maximums. Toutefois, le nouveau système fonctionne de la même façon (même s'il n'est pas totalement identique) que l'ancien, et les prix à l'importation des agrumes ont été fixés à des niveaux semblables à ceux des anciens prix de référence (sauf pour les oranges, pour lesquelles il a été fixé à un niveau plus élevé). De ce fait, les importations totales d'agrumes dans la Communauté européenne n'ont guère changé depuis 1995.

Aux termes de l'Accord sur l'agriculture, les Etats-Unis doivent réduire de 15 pour cent, d'ici à l'an 2000, le droit à l'importation applicable au concentré surgelé de jus d'orange conformément à la clause de la nation la plus favorisée. Toutefois, cette concession n'a pas eu jusqu'à présent d'impact majeur sur le marché de ce produit. Les "nouvelles" plantations qui ont remplacé en Floride celles détruites par le gel au milieu des années 80 sont parvenues au stade de maturité et, de ce fait, les récoltes ont atteint des niveaux records ces dernières années. La production nationale de jus d'orange ayant augmenté aux Etats-Unis, la demande d'importations a baissé.

À plus longue échéance, il se peut fort bien que ce soit par le biais de l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires que le Cycle d'Uruguay aura l'impact le plus marqué sur le commerce mondial d'agrumes. Le processus d'harmonisation des procédures d'analyse actuellement en cours débouchera sans doute sur une libéralisation des échanges et devrait bénéficier aux exportations d'agrumes. Plusieurs des principaux pays importateurs ont récemment convenus de rapporter les mesures d'interdiction des importations d'agrumes fondées sur des critères phytosanitaires dès lors qu'il peut être démontré que les risques sont réduits au minimum. Le Japon, par exemple, a conclu un certain nombre de protocoles concernant les importations de mandarines en provenance d'Australie, tandis que le Ministère de l'agriculture des Etats-Unis a proposé d'autoriser les importations d'agrumes en provenance d'Argentine. Dans la Communauté européenne, les négociations sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires se poursuivent avec l'Argentine et l'Uruguay dans le but d'ouvrir davantage le marché communautaire aux importations d'agrumes en provenance de ces pays.

Boissons tropicales

La production et le commerce mondial de café pendant la période 1995-98 ont légèrement dépassé leurs niveaux de 1985-94. Les cours du café ont suivi une tendance marquée à la baisse du milieu des années 80 à 1993, année au cours de laquelle les dommages causés aux récoltes par les intempéries se sont traduits par de sérieuses pénuries. Le Cycle d'Uruguay ne devait pas avoir d'effets prononcés, les échanges étant presque exempts de barrières non tarifaires et les droits de douane étant généralement peu élevés. L'évolution des prix pendant la période 1995-98 est donc imputable surtout au caractère cyclique des récoltes, à l'incidence des gelées au Brésil et aussi, dans une certaine mesure, au fonctionnement du système de rétention des exportations.

En ce qui concerne le cacao, la situation est très semblable, la production et le commerce mondial dépassant légèrement, dans ce cas également, les chiffres de 1985-94. Les cours du cacao suivaient eux aussi une tendance marquée à la baisse pendant la décennie qui a précédé la signature l'Accord international sur le cacao, en 1993. On estimait que le Cycle d'Uruguay aurait qu'un impact positif limité sur le commerce et sur les prix suite à l'augmentation des revenus. Ainsi, les prix assez élevés enregistrés en 1995-98 ont été dus principalement à la reprise cyclique des cours après la conclusion du nouvel accord sur le cacao et à la crainte que la production ne soit limitée dans certains des principaux pays fournisseurs.

Par ailleurs, la production et le commerce mondial de thé ont été supérieurs en 1995-98 à ce qu'ils étaient pendant les années 1985-94, mais les prix ont été inférieurs à la moyenne enregistrée pendant cette dernière période. Le Cycle d'Uruguay ne devait guère avoir d'impact sur les marchés mondiaux du thé car les droits à l'importation sont déjà faibles ou nuls dans les principaux pays importateurs. Il existe peut-être cependant certaines possibilités d'expansion des marchés dans les pays en développement. Malgré tout, la crise économique actuelle a quelque peu freiné cette croissance.

Matières premières agricoles

Le commerce de matières premières agricoles ne fait généralement l'objet que de peu de restrictions tarifaires et il n'a pas été affecté directement par les accords conclus à l'issue du Cycle d'Uruguay. Ces accords n'ont pas directement entraîné de changements majeurs dans le régime applicable aux échanges de coton, de caoutchouc, de cuirs et peaux ou de fibres naturelles comme le jute. Nombre de ces matériaux souffrent de la faiblesse des cours, laquelle est due dans certains cas, comme ceux du caoutchouc et des cuirs et peaux, aux difficultés économiques que traversent certains pays importateurs depuis un an ou deux et, dans d'autres, comme ceux du coton et du jute, à des facteurs cycliques liés à des niveaux de production élevés et à une accumulation de stocks ces dernières années.

Toutefois, l'issue du Cycle d'Uruguay affectera, parfois de manière très significative, les produits fabriqués au moyen de ces matériaux. L'Accord sur les textiles et l'habillement, en particulier, se traduira sans doute par une augmentation considérable du commerce mondial de textiles et par conséquent par une réorientation géographique des échanges de coton. Il devrait en résulter une légère augmentation de la demande globale de coton, mais il faudra sans doute attendre que l'Accord soit pleinement appliqué, en 2005, pour que tous ses effets se fassent sentir. En outre, les droits de douane imposés aux importations de certains produits à base de cuir, en particulier les chaussures, ont été réduits. Cela affectera sans doute aussi l'orientation des échanges étant donné que le traitement du cuir se concentrera ailleurs que dans les pays consommateurs, mais pourrait aussi entraîner une légère augmentation de la demande de ces produits et, indirectement, des cuirs et peaux non traités.

Pendant la période 1995-98, la production mondiale, le commerce et les prix du coton ont été supérieurs à leurs niveaux des années 1985-94. Le fléchissement récent des prix du coton, entre 1997 et 1998, a été dû davantage à la concurrence exercée par les fibres synthétiques en Chine et en Inde, à l'augmentation de l'offre et à la crise financière en Asie qu'à la disparition progressive de l'Arrangement multifibres (AMF) en tant que tel.

Si, le commerce mondial de jute est resté inchangé par rapport à ce qu'il était en 1985-94, la production a été inférieure. L'Accord sur l'agriculture ne s'applique pas au jute et le Cycle d'Uruguay ne devait avoir sur ce secteur d'autres effets que ceux découlant, pour l'essentiel, de l'amélioration de l'accès au marché des fibres synthétiques entraînée par l'Accord sur les textiles et l'habillement. Après avoir augmenté en 1995-96, les prix sont tombés à des niveaux très faibles de 1997 jusqu'en 1998-99.

Pendant la période 1995-98, la production, le commerce et les prix du caoutchouc ont été supérieurs à ce qu'ils avaient été pendant les années 1985-94, mais pas du fait du Cycle d'Uruguay, le commerce du caoutchouc étant déjà passablement libre et l'impact sur les prix de l'élévation des revenus et ainsi de l'augmentation de la demande de véhicules à moteur et donc de caoutchouc rendue possible par le Cycle d'Uruguay ne devant être que limité. La stabilité relative des cours en 1995 et 1996 est imputable à l'augmentation de la demande d'importations de caoutchouc dans les principaux pays exportateurs de véhicules, mais les prix ont baissé en 1998 et sont demeurés peu élevés suite á l'augmentation de l'offre et aux effets de la crise financière en Asie.

III. Analyse de l'instabilité des prix agricoles

La présente section contient une analyse de la variabilité des cours internationaux des produits agricoles pendant la période 1995-98 en comparaison avec la période 1990-94, immédiatement avant l'entrée en vigueur de l'Accord sur l'agriculture. L'analyse porte sur l'instabilité des prix en cours d'année, sur la base des données de 48 mois pour les périodes 1995-98 et 1990-94. Les résultats de l'analyse sont présentés au tableau 2.

La variabilité des cours internationaux mensuels, telle que mesurée par les coefficients de variation en cours d'année, est répartie de manière assez homogène entre les différents produits agricoles: pour certains (13 produits), la variabilité a été plus forte en 1995-98 qu'en 1990-94, tandis que c'est l'inverse qui est vrai pour 12 autres. Il n'est pas possible de discerner de tendance générale et, si certaines des variations sembleraient être statistiquement significatives, elles ne peuvent pas être intégralement imputées à l'entrée en vigueur de l'Accord sur l'agriculture. Dans le cas des céréales, les coefficients de variation ont accusé une nette augmentation pour le blé, le maïs et une variété de riz. Cela est vrai aussi pour la viande et certaines huiles végétales. Bien que ces augmentations ne soient peut-être pas directement imputables à l'entrée en vigueur de l'Accord sur l'agriculture, elles s'expliquent en partie par l'adoption, dans les principaux pays exportateurs de céréales, de politiques agricoles orientées vers le marché et compatibles avec le régime institué par le Cycle d'Uruguay, ce qui s'est traduit par une diminution des stocks et une plus grande instabilité des prix. Pour la plupart des autres produits, l'instabilité des prix a en fait diminué.

IV. Conclusions

Deux principales conclusions se dégagent des analyses qui précèdent.

_ Premièrement, pour un certain nombre de projets agricoles, le relatif dynamisme des marchés pendant la deuxième moitié des années 90 peut être imputé en partie aux négociations d'Uruguay. Tel est le cas surtout des céréales et des secteurs de la viande, dont l'essor a été dû à la réduction des subventions à l'exportation, à l'ouverture des marchés, à une moindre intervention sur les marchés qui s'est traduite par une diminution des stocks et à l'effet produit par l'élévation des revenus. Pour la plupart des autres produits agricoles, toutefois, le Cycle d'Uruguay n'a probablement eu qu'un impact négligeable sur le volume du commerce mondial et le niveau des prix. La conjoncture de 1998 illustre à quel point les marchés agricoles sont affectés par un changement soudain des conditions météorologiques ou économiques, qui peut compenser les effets plus graduels liés à des transformations structurelles, comme celles qui sont dues au Cycle d'Uruguay.

_ Deuxièmement, les indications disponibles ne permettent pas de dire qu'il y a eu un changement significatif et général concernant l'instabilité des prix sur les marchés mondiaux en cours d'année depuis 1995. Toutefois, les experts considèrent qu'au cours des quelques prochaines années, et tandis que les politiques seront ajustées au nouvel environnement commercial, les prix seront probablement instables.2 En comparaison avec le passé, le nouvel environnement commercial international sera sans doute caractérisé, globalement, par des stocks moins volumineux; toutefois, les marchés seront probablement plus résistants, pouvant réagir plus rapidement à des chocs de la production ou de la demande. Il est donc difficile de dire si l'instabilité des prix sera plus forte ou moindre à l'avenir ou si la probabilité de hausses brutales des prix sera plus grande ou au contraire plus faible. La variabilité des prix, dans ce nouvel environnement, dépendra de plusieurs facteurs, dont l'impact de l'application des engagements pris lors du Cycle d'Uruguay, ainsi que d'autres éléments pouvant affecter la conjoncture sur les marchés3.

Tableau 1. Moyennes de la production, du commerce des stocks et des prix des produits agricoles en 1985-94 et 1995-98

   

Production

Commerce

Stocks

Prixa/

Produit

Période

(en millions de tonnes)

Nominaux en $E.-U. la tonne

Blé b/

1985-94

538

96

143

140

 

1995-98

588

94

118

166

Céréales secs. c

1985-94

825

90

167

102

 

1995-98

885

91

130

125

Riz (usiné) d/

1985-94

337

13

58

258

 

1995-98

378

22

54

330

Sucre e/

1985-94

107

28

36

205

 

1995-98

124

35

43

252

Graisses et huiles

1985-94

74,6

26,9

 

490 f/

 

1995-98

96,2

43,6

 

592

Farines d'oléagineux

1985-94

124,1

57,1

 

206 g/

 

1995-98

152,7

72,8

 

228

Viande bovine

1985-94

54,0

5,81

 

2 575

 

1995-98

42,1

6,7

 

1 831

Viande de porc

1985-94

68,6

4,1

 

3 077

 

1995-98

80,8

5,7

 

2 532

Volaille

1985-94

40,3

2,8

 

1 009

 

1995-98

57,8

6,7

 

881

Viande d'ovins

1985-94

6,8

0,87

 

2 708

 

1995-98

7,3

0,88

 

3 151

Lait

1985-94

529

53,1

 

1 386 h/

 

1995-98

543

63,6

 

1 867

Café

1985-94

5,9

4,5

 

2 221

 

1995-98

6,0

4,6

 

2 662

Cacao

1985-94

2,4

1,8

 

1 524

 

1995-98

3,0

2,0

 

1 546

Thé

1985-94

2,5

1,1

 

1 901

 

1995-98

2,8

1,2

 

1 882

Bananes

1985-94

47,2

8,4

 

561

 

1995-98

57,9

11,7

 

590

Jute

1985-94

3,6

0,4

 

334

 

1995-98

3,2

0,4

 

344

Coton

1985-94

19,2

5,8

 

1 498

 

1995-98

19,2

5,8

 

1 785

Caoutchouc

1985-94

5,3

3,5

 

918

1995-98

6,6

4,8

1 226

Source: FAO.a/ Pour le blé et les céréales secondaires (maïs) les prix sont ceux de la campagne agricole qui se termine au mois de juin. b/ blé dur d'hiver no.2. c/ maïs, jaune américain no.2. d/ riz, thaï usiné, 100%. e/ sucre, brut, AIS. f/ huile de soja. g/ farine de soja. h/ lait écrémé en poudre.

Tableau 2 - Coefficients de variation des prix nominaux mensuels de divers produits (en pourcentage)*

Produits

Moyenne

1990-94

Moyenne

1995-98

Blé (BDH No.2)

6,8

7,9

Maïs (jaune américain No.2)

5,3

12

Riz (thaï 100%)

10,3

8,6

Riz (thaï A1)

7,6

9,7

Sucre raffiné

7,9

7,0

Sucre brut (AIS)

11,0

8,4

Huile de soja

5,5

5,3

Huile de palme

9,2

4,6

Huile de tournesol

6,1

8,3

Huile de colza

5,2

5,9

Lait écrémé en poudre

11,7

5,4

Lait entier en poudre

9,8

5,1

Beurre

9,1

9,5

Fromage

10,6

2,4

Viande bovine

4,8

5,8

Agneau/mouton

4,7

8,8

Porc

10,9

11,0

Volaille

4,4

5,0

Café

14,4

12,0

Cacao

9,9

5,0

Thé

10,8

11,2

Coton

7,2

6,4

Caoutchouc

7,6

10,7

Jute

14,5

14,4

Cuirs et peaux

8,9

9,4

Note: Le coefficient de variation (COV) est calculé comme suit:

Pi = prix au cours du mois i , et p = prix moyen mensuel

Figure 1: Prix des produits de base pendant la période 1985-1998 (tous les prix sont exprimés en dollars E.-U. / tonne)

Figure 1: (suite)

Figure 1: (suite)


1 Voir également FAO, Rome, 1999, Rapport sur les marchés des produits, 1998-1999, pour plus amples détails sur l'évolution des marchés des produits.

2 "Rapport d'une Réunion d'experts sur l'instabilité des prix agricoles", Rome, 10-11 juin 1996,(ESCP No.2).

3 Sarris,A. (1996) "The Evolving Nature of International Price Instability in Cereals Markets'', FAO, (ESCP N_4).

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