Previous PageTable Of ContentsNext Page

Annexe 2 Le secteur forestier en Afrique Centrale: analyse critique de la situation et défis du développement pour l'an 2020

OBJECTIF ET UTILISATION DU DOCUMENT DE TRAVAIL


Les analyses et propositions faites dans ce document de travail sont destinées à servir de base de discussion lors de l'atelier de travail sur le FOSA (Etude prospective du secteur forestier en Afrique) organisé au Gabon en septembre 1999. Les informations qui servent à l'analyse critique du secteur proviennent d'études disponibles actuellement.

L'objectif des discussions de cet atelier est de déterminer quels sont les «points d'entrées» principaux du développement forestier qui devraient être soutenus, amplifiés ou modifiés pour poursuivre et atteindre des objectifs nationaux et régionaux de développement du secteur forestier en Afrique Centrale pour les 20 prochaines années.

Les conclusions des discussions tenues durant l'atelier devraient: a) confirmer la priorité de ces points d'entrée du développement futur du secteur; b) définir des méthodes de travail pour étudier au niveau de chaque pays les perspectives et activités de développement pour chacun de ces points. Les participants de l'atelier auront également l'occasion de discuter et d'évaluer les expertises régionales qui pourraient appuyer ces activités ainsi que les modalités de mise en oeuvre.

L'Afrique centrale inclut les pays suivants: Burundi, Cameroun, République Centrafricaine (RCA), République du Congo, République Démocratique du Congo (RDC), Gabon, Guinée Equatoriale, Rwanda, Sao Tome et Principe, Tchad. Bien que la définition géographique de l'Afrique centrale se limite traditionnellement à 6 pays, le regroupement de ces10 pays est proposé par l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et par la Banque africaine de développement (BAfD).

LE CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE DE LA SOUS-RÉGION D'AFRIQUE CENTRALE


Placer le secteur forestier dans le contexte du développement économique et social de la nation ainsi que dans le contexte régional et international aide à mieux comprendre son importance relative, d'apprécier son impact et de saisir le rôle que le secteur peut y jouer.

Le contexte politique et institutionnel

Les pays d'Afrique centrale ont en commun un passé colonial partagé entre la France, la Belgique, l'Allemagne, le Portugal et l'Espagne. Ce passé est encore parfois fort présent de part la langue et la culture mais aussi par des liens économiques préférentiels.

La sous-région ne forme pas une entité politique uniforme. Six pays (Cameroun, Gabon, Guinée Equatoriale, la République du Congo, la RCA, et le Tchad) se sont regroupés au sein de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC). Ils ont une monnaie commune en parité avec le Franc français.

La République Démocratique du Congo (RDC) situé pour sa plus grande partie au sud du fleuve Congo tend à se rapprocher du groupe des pays de la SADC (Southern African Development Community - Communauté pour le développement de l'Afrique australe). Le Rwanda et le Burundi ont également des économies totalement indépendantes.

Tous les pays de la sous-région sont dirigés en principe par des régimes présidentiels qui sont ou seront élus au suffrage démocratique. Il existe actuellement une certaine volonté de décentralisation des pouvoirs centraux mais les responsables des communautés locales restent le plus souvent nommés et ne sont pas encore élus.

Certains pays de la sous-région dont la RDC, le Rwanda, le Burundi, la République du Congo et la RCA connaissent actuellement des troubles intérieurs importants dont les effets mettront probablement plusieurs années avant de se résorber.

Dans le secteur forestier, on reconnaît 2 organisations régionales qui s'intéressent à la coordination et à la promotion des activités de développement: l'Organisation africaine du bois (OAB) et la Conférence des écosystèmes de forêts denses humides en Afrique centrale (CEFDHAC).

Le contexte démographique et social

La population totale vivant dans la sous-région est estimée à environ 88 millions d'habitants dont plus de 70% vivent en milieu rural. Le Gabon et la République du Congo sont les pays les plus urbanisés tandis que le Burundi et le Rwanda ont plus de 90% de leur population vivant en conditions rurales. Cependant en termes réels, la RDC et le Cameroun ont les populations urbaines les plus importantes. Environ 25 millions d'habitants vivent actuellement en conditions urbaines dans la sous-région.

Le taux de croissance de la population est d'environ 2 à 3% ce qui porterait la population aux années 2020 aux environs de 120 à 130 millions d'habitants (estimation basse). Il est hautement probable qu'une grande partie de l'augmentation de la population va se concentrer dans les zones urbaines pour atteindre en 2020 un total de 50 à 60 millions d'habitants urbains.

Le développement social d'une population peut s'estimer en considérant des indicateurs comme ceux proposés par la Banque mondiale dans les documents - Indicateurs du développement mondial 1998 ou - Indicateurs de développement de l'Afrique. Ces indicateurs sont variés et mis régulièrement à jour. Ils comprennent par exemple le budget accordé aux soins de santé primaire de la population, l'accès à l'eau potable ou le niveau d'éducation primaire.

D'une façon générale, les indicateurs de développement social des pays d'Afrique centrale sont faibles en comparaison d'autres pays. Ainsi les soins de santé - incluant les soins curatifs et préventifs ainsi que les programmes sociaux tel que le planning familial - dans ces pays ne représente que 1,5% (maximum 1,9% pour le Gabon) du budget annuel global (secteur privé et public). Il est de 7,6% pour la France et 3% pour la Tunisie. Concernant l'éducation primaire les seules informations disponibles montrent un taux de participation de 60% pour le Gabon et la RDC.

Bien que les données pour l'Afrique centrale soient généralement rares ou incomplètes et qu'elles ne concernent que les services publics, la situation montre que les besoins en termes de développement social dans la sous-région sont considérables et urgents.

Le secteur forestier peut et doit certainement contribuer à répondre à ces besoins.

Le contexte environnemental

Une caractéristique principale de la sous-région de l'Afrique centrale (du moins en son centre) est sa couverture forestière tropicale dense humide quasi-uniforme. La forêt du bassin du Congo est la deuxième grande surface de forêts tropicales du monde. Sa superficie représente 26% des forêts tropicales humides restantes sur la planète et 70% du couvert forestier humide d'Afrique.

La variété de la biodiversité de cette forêt tropicale a été démontrée dans de nombreux documents. Cependant, avec ses 30 000 espèces de plantes, la richesse de la flore de l'Afrique tropicale est relativement plus pauvre que celles des autres régions tropicales. Certaines familles de plantes abondantes ailleurs comme les Magnoliacées ou les Fagacées sont absentes dans le bassin du Congo. Par contre la plupart des espèces ont une large distribution spatiale.

Certaines zones spécifiques ont une biodiversité remarquable et plus importante que d'autres. En effet, certaines zones refuges sur les bords ouest et est du bassin du Congo ont été isolées durant la dernière période de glaciation (18 000 ans AC). Le centre du bassin moins élevé et moins bien protégé a une biodiversité moins grande. Beaucoup de sites remarquables de conservation correspondent à ces refuges comme le parc national du Korup et le parc du Dja au Cameroun, les montagnes de Cristal au Gabon ou les parcs nationaux du Maica et Salonga au Congo, le parc des Virunga en République Démocratique du Congo, la Kibira au Burundi ou le parc national de Dzanga-Ndoki en RCA.

Les pays d'altitude que sont le Burundi et le Rwanda ainsi que la région du Kivu en RDC possèdent une biodiversité particulière. Cette région des Grands lacs régule le débit des eaux de nombreux fleuves africains et la couverture forestière joue un rôle important dans la stabilisation des sols et la rétention des eaux. La périphérie du Bassin sert de transition avec les zones plus sèches qui entourent le bassin du fleuve Congo. Le Cameroun, le Tchad, la RCA et la RDC ont de larges espaces couverts de forêts sèches.

La forêt tropicale d'Afrique centrale joue un rôle essentiel dans les équilibres climatiques et écologiques du monde entier. Le réservoir biologique que représente la forêt tropicale est unique et contient une diversité d'espèces végétales et animales considérables.

Malgré les dimensions importantes du Bassin, les systèmes écologiques restent fragiles et fort peu connus. Une transformation trop rapide ou une dégradation exagérée du couvert forestier peut avoir des conséquences définitives soit au niveau global comme une augmentation de température par émission de CO2 soit au niveau local comme la disparition d'espèces endémiques.

Le contexte économique

Le développement économique d'un pays peut se caractériser par des indicateurs économiques comme le produit national brut, les valeurs des exportations et des importations, les évolutions des prix, les dépenses des gouvernements, les dettes, les balances des paiements, les taux d'investissement ou des taux basés sur les infrastructures existantes (routes) et moyens de communications (radio, TV).

Ces indicateurs sont disponibles également dans les rapports cités plus haut. Voici quelques exemples: le produit national brut (PNB) par habitant des pays de l'Afrique centrale en 1998 est inférieur à 700 US$ sauf pour le Gabon qui est de 3 490 US$. A l'exception du Gabon, les pays de l'Afrique Centrale ont le triste privilège d'être classés parmi les nations les plus pauvres du monde.

La part du PNB qui revient à l'agriculture est supérieur à 40% pour les pays de l'Afrique centrale sauf pour le Gabon (7%) et la République du Congo (10%) suite à l'impact de la production pétrolière. La part exacte du secteur forestier n'est pas vraiment définie dans les statistiques généralement disponibles.

Le réseau routier est un indicateur plus concret: tous les pays de l'Afrique centrale ont seulement 10% de leur réseau qui est revêtu - à comparer avec les 100% des pays européen et les 60% des Etats Unis.

Les indicateurs économiques des pays d'Afrique centrale sont en général très bas. Les économies de ces pays sont encore basées essentiellement sur la vente de matières premières peu transformées et sont sensibles aux variations incontrôlables et imprévisibles des marchés extérieurs.

LE SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE - SITUATION ET ANALYSE CRITIQUE


Les superficies forestières

La superficie sous forêt naturelle pour l'ensemble de la sous-région était estimée en 1995 à environ 210 millions d'hectares (SOFO-1999). Les superficies forestières plantées sont estimées à 436 000 ha dont 258 000 ha uniquement pour le Rwanda et le Burundi.

La superficie forestière régresse en dimension par la déforestation et en qualité par une dégradation progressive difficile a évaluer. Entre 1990 et 1995, 3,75 millions d'hectares de forêts en Afrique tropicale (soit 0,71% du couvert de 1990) ont été déboisés. Ces superficies sont alors soit converties en terres agricoles ou urbaines, soit dégradées en formations fragmentées ou transformées en forêts claires avec des cultures itinérantes sur brûlis. La perte de la fertilité des sols suite à ces pratiques agricoles traditionnelles est rapide.

Les causes de la déforestation sont multiples. Ces causes peuvent être évidentes et directes (projets de développement, exploitation, urbanisation). Cependant les effets de ces causes directes sont multipliés ou orientés par des facteurs de nature socio-économique ou politique tels que la pauvreté des populations locales rurales ou urbaines, les fluctuations des marchés internationaux, le poids de la dette extérieure, les programmes d'ajustements structurels et les conséquences de la mauvaise gouvernance.

Exemples d'effet indirect: - afin de faire face aux échéances de la dette publique, les pays producteurs de bois sont tentés d'augmenter la production forestière ou de convertir des terres forestières au bénéfice de cultures industrielles; - la production de bois de grumes au Cameroun, au Gabon et en Guinée équatoriale a considérablement augmenté suite à la montée des prix du bois de déroulage et à la forte demande des marchés asiatiques.

La conservation et la gestion de la ressource forestière


Lors des indépendances, les pays d'Afrique centrale ont trouvé une situation foncière caractérisée par la coexistence d'une propriété coutumière et d'une tenure fondée sur le droit écrit. Les législations forestières coloniales avaient essayé d'appliquer les concepts fonciers de l'époque en déclarant forêt protégée tous les espaces sans cultures agricoles ou ne faisant pas l'objet d'un titre écrit.

Cependant, après les accessions à l'indépendance, la situation foncière de chaque pays a évolué différemment en fonction des évolutions de nature politique. Ainsi le Gabon, le Cameroun, et la République centrafricaine (RCA) ont maintenu le droit coutumier (ces deux derniers lui donnant une plus large place) tandis que la RDC et la République du Congo ont aboli la propriété privée du sol.

Actuellement, les forêts en Afrique centrale appartiennent dans leur grande majorité à l'état et leur gestion est confiée à une administration publique. Les forêts ont reçu un statut de production, de protection ou de réserves naturelles selon leurs particularités. Des règlements de gestion ont été proposés pour chaque type de forêt dans chaque pays spécifique.

La gestion forestière en Afrique centrale est grosso modo limitée à la délimitation des zones mises en exploitation et au contrôle des volumes exploités. Les forêts de production sont généralement attribuées à des exploitants ou des industriels du bois selon des systèmes de concession à plus ou moins long terme.

D'une manière générale, les conditions actuelles - techniques, financières, politiques et institutionnelles - sont loin d'être toutes appropriées pour créer un cadre favorable au développement de la gestion durable des forêts.

Des efforts significatifs sont cependant entrepris pour fournir les guides techniques nécessaires à cette gestion. Par exemple dans le domaine de la recherche, le projet Forafri3 a fait le point des leçons du passé; au niveau réglementaire: l'obligation de faire des inventaires et de proposer un plan d'aménagement avant toute exploitation de concessions est imposée au Gabon et au Cameroun; au niveau commercial: un processus de certification des provenances de produits forestiers incite le consommateur à acheter des produits venant de forêts aménagées; au niveau des guides d'aménagement: la définition de critères et indicateurs pour une gestion durable.

L'ensemble des pays d'Afrique centrale a placé légalement de grandes surfaces forestières sous protection soit comme réserve de terres pour l'agriculture soit pour la conservation intégrale de la nature - faune sauvage, végétation et paysage. Cette protection légale existe mais la réalité de terrain est toute autre du fait du manque de moyens (humains et financiers) de contrôle et d'une réelle volonté ou intérêt de la part des décideurs.

La biodiversité est particulièrement menacée par la déforestation et plus insidieusement par la dégradation forestière. Cette menace est plus précise et souvent dramatique près des lieux de développement économique (villes, industries).

Le soutien des grandes organisations non gouvernementales (ONG) internationales permet d'appuyer les efforts de financement faits par les gouvernements pour protéger les réserves naturelles et les parcs. Cependant en condition de grande instabilité politique d'un pays, les parcs et autres aires de réserve naturelle sont bien souvent dévastées (par ex: les parc des Virunga, de la Kagera, de Conkouati, le parc d'Avakaba au nord de la RCA).

L'utilisation des produits forestiers

La production de bois industriel (incluant les grumes, les sciages ainsi que les bois de trituration) est d'environ 11 millions de m3 par an (en équivalent bois rond) pour l'ensemble des pays d'Afrique centrale. Ce volume exploité à des fins industrielles est relativement faible si on le compare avec les productions des autres zones tropicales. Les pays du bassin de l'Amazonie produisent environ 10 fois cette production soit 110 millions de m3 pour une surface sous forêt trois fois plus grande (700 millions d'ha).

L'exploitation de bois de chauffage
représente pour l'ensemble des pays environ 65 millions de m3. Cette production est proportionnelle à la densité de la population. Les consommations annuelles varient entre 300 et 2 600 m3/1 000 habitants. Le bois de chauffage ainsi que le charbon de bois est un produit stratégique pour l'approvisionnement des villes. C'est en effet un élément essentiel pour la préparation des aliments pour la grande majorité de la population.

La disponibilité d'une telle ressource forestière - en quantité et en qualité - représente un potentiel économique considérable. Ce potentiel est actuellement utilisé à un niveau certainement inférieur à ses réelles possibilités.

Cependant, la dispersion des espèces forestières les plus commercialisées dans le peuplement, la faible quantité prélevée à l'hectare, le manque d'infrastructures routières et sociales, la mécanisation importante (gros engins et services spécialisés) et le manque de ressources humaines compétentes rendent l'exploitation des bois fort onéreuse et difficile. Le potentiel forestier de la cuvette congolaise en RDC reste encore presque entièrement inexploité suite à des problèmes d'évacuation du bois essentiellement.

Les produits industriels forestiers

Les industries forestières d'Afrique centrale sont relativement jeunes comparativement aux développement industriel qu'a connu les pays de l'Afrique de l'Ouest. Le Cameroun présente les infrastructures industrielles les plus diversifiées de la sous-région. Le Gabon a rédigé un plan d'industrialisation à l'an 2025 mais exporte encore maintenant la majorité de son bois en grumes. La République du Congo a vu son tissu industriel se dégrader ces dernières années du fait des difficultés d'évacuation et une instabilité socio-politique. La RCA et la RDC ont également des difficultés d'évacuation des bois et une instabilité socio-politique qui décourage actuellement les investissements dans l'amélioration des infrastructures de transport.

La situation des usines de transformation en Afrique Centrale se présentait comme suit dans les années 1995/1996:

Pays

Scieries

Déroulage-tranchage

Contreplaqués

Cameroun

60

5

4

RCA

6

1

2

Congo (Braz)

26

4

2

Gabon

33

3

3

Guinée Equatoriale

5

-

-

RDC

68

6

4

(Fomete)

Les principaux types de transformation du bois sont les sciages, les panneaux à base de bois (comprenant le tranchage) et les pâtes de bois. D'après les statistiques de la FAO (1997), les productions se présentent comme suit (comparaison bassins Amazonie et Congo):

Production en millions de m3

Produits

Amazonie

Bassin du Congo

Bois industriel

110

11

Bois de chauffage

236

65

Sciage

23

1,8

Panneau à base de bois

4,4

0,184

Pâte de bois (en tonnes)

6

0

La proportion de bois transformé localement en Afrique centrale a connu une forte diminution à partir des années 1992 suite aux fortes demandes de bois en grumes vers les pays asiatiques. Cette tendance tend est se stabiliser suite aux problèmes économiques qu'a connu depuis lors l'Asie mais aussi grâce aux dispositions légales que prennent certains pays de la région pour favoriser la transformation industrielle sur place.

La trop grande dépendance de l'étranger de l'économie industrielle forestière rend cette dernière fragile et sous influence extérieure. La participation locale aux capitaux industriels est relativement faible par rapport à ceux apportés par les corporations financières étrangères. Les produits forestiers exportés sont peu transformés et la demande (clients traditionnels - Europe, Asie) est peu diversifiée.

Les contraintes économiques qui touchent l'industrie du bois sont nombreuses (qualification du personnel et rendement, coûts de transport, faible normalisation des produits, approvisionnement, etc.). Sur certaines contraintes et non des moindres le secteur forestier lui-même a peu de capacité d'intervention pour modifier le cours de choses. Ainsi les marchés mondiaux des bois ont une influence prépondérante sur la demande et sur les prix des produits forestiers d'exportation.

La transformation industrielle et locale du bois par arrêt des exportations de grumes est devenue un souhait ou un des objectifs majeurs du développement forestier de la plupart des pays concernés. L'Afrique centrale bénéficie de l'expérience dans ce domaine des pays de l'Afrique de l'Ouest (Ghana, Côte d'Ivoire). Cependant chaque pays a ses problèmes spécifiques et une mutation obligée ne se fait pas sans mal: perte possible de revenus publics directs (taxes d'exportation), lourds investissements privés pour modifier l'outil de travail, forte compétition des nouveaux marchés, la formation d'une main d'oeuvre hautement spécialisée, etc.

La diversification des marchés et des produits semble être actuellement l'approche la plus appropriée pour accélérer un développement de l'industrie forestière dans la sous-région.

L'approvisionnement des industries reste principalement orienté vers le bois de la forêt naturelle. Les plantations de bois d'oeuvre sont des investissements à long terme et coûteux et les quelques expériences effectuées dans la région ont montré des résultats assez décevants.

La production de pâte à papier est inexistante dans la région. La production de bois d'eucalyptus dans la région de Pointe Noire est jusqu'à présent une exceptionnelle réussite qui pourrait être multipliée si entre autres les conditions financières se montraient favorables.

Parallèlement au développement industriel reconnu, le secteur informel de transformation est non organisé et très peu contrôlé administrativement. Il est particulièrement actif et son impact sur le développement économique ne peut être sous-estimé. Comment intégrer ce secteur informel dans les circuits économiques officiels sans pour autant détruire son dynamisme et sa rapide capacité d'adaptation à toutes situations favorables?

Les productions forestières secondaires

Les statistiques de l'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) incluent désormais des informations sur les produits forestiers dits secondaires (secondary processed wood products - SPWP). Ces produits sont classés en différentes catégories dont les meubles (la plus importante en valeur), les bois de construction, les bois décoratifs, les palettes et les autres produits manufacturés comme les manches d'outils).

Ainsi on constate que les marchés des SPWP se développent considérablement depuis la dernière décennie. Ces marchés s'orientent principalement vers l'Europe, le Japon et les USA. Les SPWP des pays tropicaux comblent respectivement 8%, 36%, et 22% du marché total de ce type. Le marché européen à lui seul représente un potentiel considérable estimé à 1,25 billions U$ pour ces produits. Le Brésil fait partie des principaux pays exportateurs de SPWP et connaît avec la Chine une expansion rapide. Selon les chiffres disponibles, l'Afrique serait quasiment absente de ce courant commercial.

Le développement de technologies telles que le MDF (Medium Density Fibre Board) et de nouvelles sources de matières premières (bois d'hévéa) donnent de nouvelles perspectives pour l'utilisation d'espèces tropicales dans la fabrication des meubles ou autres SPWP. Egalement avec les économies qui se développent, il est permis d'espérer que la demande des marchés intérieurs africains va augmenter.

Les autres produits dits non-ligneux

La forêt est grande productrice de produits non-ligneux tels que miel, les gommes, les feuilles, les animaux sauvages, les produits médicinaux, etc. Ces produits sont utilisés principalement par la population locale. Ces produits ne sont non seulement pas ou peu valorisés financièrement et ne rentrent pas dans les comptes économiques des pays mais ils ne font pas partie des listes des patrimoines nationaux. Il n'existe pas actuellement de politiques nationales cohérentes pour tenir compte du rôle important de ces produits dans les secteurs socio-économiques de ces pays.

Les autres formes d'utilisation de la forêt

Le tourisme: La forêt offre un atout essentiel pour le développement de l'industrie touristique dans les pays de l'Afrique centrale. L'organisation de visites guidées pour observer les gorilles dans les parcs des Virunga au Rwanda et au Congo Démocratique est un exemple du potentiel touristique. La sécurité reste cependant une condition indispensable pour espérer des investissements significatifs dans ce domaine de développement. Les ventes de gènes: La forêt tropicale représente également un immense réservoir génétique. Il existe un marché potentiel basé la diversité biologique et la vente possible de droits sur l'utilisation et la commercialisation de gènes animaux et végétaux. Les grandes firmes pharmaceutiques ou de produits agricoles mènent de véritables campagnes de prospection à la recherche de gènes «sauvages» intéressants.

Le commerce du carbone: Suite aux conventions prises lors de la conférence de Kyoto, un marché des droits de vente et d'achat de droits d'émission de dioxyde de carbone est en train de se mettre en place. La forêt et sa gestion peuvent entrer dans le jeu des négociations entre le monde industrialisé et les pays non pollueurs. Les systèmes qui doivent réglementer ces marchés ne sont pas encore tous en place. Cependant sur une période de 20 ans ces négociations Nord-Sud devraient prendre de l'importance.

Le commerce des produits forestiers

Selon l'OIBT, les exportations des pays producteurs se sont élevées en 1996 à 11 billions US$ pour les produits primaires dont 80% pour l'Asie, 13% pour l'Afrique et 7% pour l'Amérique latine. Le total des exportations de grumes tropicales a atteint 14,3 millions de m3 en 1996 dont 50% à partir de la Malaisie. L'ensemble du commerce des produits forestiers tropicaux se dirigent principalement vers le Japon 42%, l'Europe 24%, la Chine 18% et la Corée 18%.

Le prix des produits primaires tropicaux reste généralement stable et les fluctuations sont faibles dans le temps. Les sciages africains ont cependant connu une flambée suite à la restriction des exportations en Côte d'Ivoire et au Ghana. Les marchés restent donc sensibles aux crises et la crise asiatique est un bon exemple.

Le Gabon en 1997 exportait 2,7 millions de m3 de bois rond dont 60% à destination de l'Asie (surtout la Chine). Au mois d'août 1998 et suite à la dévaluation du Yen, la Société nationale du bois du Gabon (SNGB) se retrouvait avec un stock de bois de 380 000 m3 invendus et une chute de prix de 30 à 40%.

L'activation d'un marché du bois à l'intérieur même des pays se heurte à des difficultés majeures liées au développement économique général des pays comme le pouvoir d'achat des habitants, le manque d'infrastructures commerciales ou le goût des consommateurs qui à prix égal préfèrent le ciment. Le développement de ce marché intérieur est une condition de bonne santé pour le secteur forestier.

Les perspectives régionales ne manquent pas comme les pays méditerranéens et surtout le Nigeria mais les difficultés sont nombreuses comme les formalités douanières, la concurrence des pays du Nord, les échanges financiers, etc.

Impact de la forêt et foresterie sur les populations

Sur les 88 millions d'habitants vivant dans les pays d'Afrique centrale, on estime qu'environ 25 à 30 millions - principalement d'origine bantoue - sont considérés comme vivant en relation directe avec la forêt dont environ 3 millions dépendent de l'écosystème forestier pour leur survie.

Parmi ceux-ci les pygmées vivant d'agriculture de subsistance, de chasse, de pêche et de produits de collecte de la forêt. Il existe une étroite relation d'interdépendance entre les populations pygmées et les fermiers bantous. Cette interdépendance est un système économique et social intégré relativement fragile. Ainsi suite à la grande demande de viande de brousse dans les sites urbains, les pygmées utilisent leur expérience de la chasse pour approvisionner les restaurants populaires et circuits commerciaux spécialisés. Cette pratique a des conséquences sur la faune mais aussi entraîne la rupture des liens ancestraux entre les paysans bantous et les populations pygmées.

La forêt représente une réserve stratégique vitale pour les populations qui y habitent. Ce refuge et cette réserve de nourriture, de matériaux, de produits divers sont particulièrement importants dans les contextes d'insécurité et d'instabilité sociale.

Cependant, les droits coutumiers des populations sur la propriété (ou l'usage) de la terre ou la disponibilité de la ressource ne sont pas toujours reconnus par les administrations. Cette situation entraîne une dé-responsabilisation des populations locales sur la gestion des ressources forestières.

La dimension de certains espaces forestiers dans le bassin du Congo permet encore à des populations forestières typiques de pouvoir se maintenir tout en perpétuant leurs méthodes de cultures sur brûlis de la forêt. Mais sans protection et sans une politique cohérente de planification des terres, ces espaces vont se réduire de façon rapide.

Les populations urbaines d'émigration récente restent fort dépendantes de la forêt pour leur approvisionnement en bois de chauffage ou de construction et autres produits traditionnels comme la pharmacopée. Cette dépendance est liée aux facteurs économiques et devrait durer encore longtemps surtout si les concentrations urbaines augmentent. Ces besoins sont parfois énormes et font subir sur certaines forêts - notamment les plus accessibles - des pressions incompatibles avec une gestion raisonnable et durable de la ressource.

Les populations déstabilisées

Le retour à la forêt de populations déstabilisées pour raisons économiques, sociales ou politiques entraîne également des conversions brutales de surfaces forestières en terres de cultures. Le secteur forestier doit être prêt à répondre à ces demandes spécifiques.

Le développement rural

L'industrie forestière représente une source d'emploi importante et un élément promoteur et essentiel du développement rural. C'est l'industrie forestière qui créait le routes, installait les dispensaires et les écoles, formait les ouvriers dans les zones pionnières. Cependant, les conditions sociales et économiques se modifient fortement actuellement et les industries de transformation générant de l'emploi ont tendance à s'établir dans la périphérie des centres urbains et ne laissant pour l' «intérieur» que les activités d'exploitation (récolte) de plus en plus mobiles et peu spécialisées.

La récupération des déchets d'entreprise du bois soit après exploitation soit à la sortie des usines de transformation a favorisé la création et le développement de toute une activité artisanale (menuisiers, charbon de bois, sciage, meubles) qui fournit du travail à une main d'oeuvre abondante.

Les institutions nationales

Les politiques forestières et le cadre légal

Depuis 1985 et la mise en place des plans d'action forestiers tropicaux (PAFT), l'ensemble des pays de l'Afrique centrale se sont dotés de politiques de développement forestier dont les objectifs répondent bien aux principes du développement proposés lors de la Conférence de Rio.

Afin d'appliquer ces politiques - parfois très récentes (Gabon, Cameroun, la RCA) - les pays ont modifié leurs lois forestières ainsi que leurs lois de finances pour la levée de taxes appropriées et créer les incitations nécessaires.

Les types de taxes (sur la surface en concession, sur les exportations, etc.) et leur importance sont des puissants leviers pour imposer des décisions ou des orientations politiques dans le secteur forestier. Le choix des taxes est actuellement le sujet de nombreuses études au Cameroun.

Cependant, les politiques proposées - parfois suggérées de l'extérieur dans le contexte de réformes économiques plus générales - sont souvent peu négociées avec tous les intérêts en présence. Ainsi leur mise en oeuvre - et donc l'application des règlements - est contestée localement par les populations concernées, par les intérêts privés qui estiment ne pas trouver leur compte ou même internationalement par les lobbies de conservation. Les politiques forestières et leur application sont remises en question, modifiées parfois trop rapidement et ces changements jettent la confusion dans la gestion forestière.

Les administrations forestières

Les administrations publiques en charge des forêts n'ont à l'évidence pas pu faire face à leurs responsabilités de gestion et de conservation de la forêt en grande partie à cause du manque de moyens financiers et humains mais aussi par les effets de politiques et de systèmes réglementaires inappropriés visant le court terme. Cette situation a permis des abus à tous les niveaux de responsabilité et jeté un discrédit sur l'ensemble du secteur et sur la profession.

La mainmise entière de l'administration sur la gestion forestière par l'adoption des mesures réglementaires aux objectifs mal définis et à l'application souvent difficile a certainement contribué à la dé-responsabilisation des communautés et du secteur privé à la gestion des ressources naturelles. Cette situation est en discussion sous la poussée principalement de la société civile représentée souvent par les organisations non gouvernementales.

Ainsi les 20 dernières années ont montré les limites des pouvoirs publics dans la gestion des ressources naturelles et de leur utilisation pour le bien-être des communautés. La forêt ne cesse de régresser et se dégrader. Les bénéfices attendus de la mise en valeur des terres forestières soit converties soit mises en exploitation se font attendre. La forêt est devenue source de conflits entre les utilisateurs. La mauvaise définition des droits d'utilisation des ressources ou de propriété des terres fait naître des sentiments d'injustice sociale et de frustration.

L'ensemble de ces problèmes institutionnels montre que pour dessiner et organiser le développement futur du secteur, il faut penser différemment. Il est nécessaire d'introduire des formes d'organisations nouvelles qui permettent à tous les utilisateurs de la forêt de participer à sa gestion et de bénéficier équitablement de ses ressources.

La formation

Le délabrement de la gestion forestière incite peu les étudiants à choisir les professions liées au secteur forestier. Le système d'éducation ne bénéficie pas actuellement de l'appui qu'il est en droit de recevoir compte tenu de l'importance de la ressource à gérer. Sans un réservoir de compétence, le développement du secteur ne peut que stagner. Pour échapper à ce cercle vicieux, il faudra certainement sortir du contexte traditionnel et faire appel à l'appui de compétences venant de l'extérieur du secteur (compétence en économie et en finance, en sciences sociales et environnementales, etc.).

L'aménagement forestier est tout d'abord un investissement intellectuel pour l'estimation de la ressource, pour la planification de son exploitation et de sa conservation. La demande future en aménagistes forestiers devrait augmenter rapidement tant pour le secteur privé que pour le secteur public. Actuellement les capacités de formation ne semblent pas être prêtes à fournir la demande.

La recherche forestière

Des instituts de recherche forestière existent dans chaque pays mais ils se débattent avec des problèmes d'intendance journalière et manquent donc de perspectives pour la définition de leurs programmes.

Récemment, des efforts significatifs ont été faits pour améliorer la gestion technique et économique des forêts mises en production. Un ensemble de principes et d'indicateurs - sorte de guides techniques de l'aménagement durable - sont proposés. Il manque cependant une application de ceux-ci et apporter la preuve de leur efficacité.

La concertation régionale

Une coordination ou pour le moins une coopération dans le développement de la sous-région serait souhaitable pour des raisons d'intérêt mutuel, de synergie et d'efficacité. La planification d'un développement régional devrait être large et inclure les moyens de communication (routes, voies aériennes et maritime, les outils informatiques de télécommunications modernes tels que l'Internet), les programmes d'éducation et de santé, etc. La tâche est certes énorme et complexe. Une telle idée demande une vision du développement régional et une volonté commune de l'ensemble des pays.

Le secteur forestier peut contribuer spectaculairement à une construction sous-régionale en démontrant qu'une collaboration efficace - dans des domaines prioritaires du développement forestier - est possible et peut porter rapidement des fruits.

Bien qu'il existe des organisations régionales (OAB4, CEFDHAC, CEMAC) et des programmes régionaux (CARPE5, ECOFAC, PRGIE, le Programme de formation et de coopération en formulation de politiques forestières dans le Bassin du Congo, WWF-Carpo, APFT, etc..) actifs dans la région, la concertation régionale reste encore trop faible pour tendre réellement vers une harmonisation du développement forestier dans la région.

Egalement, les relations entre les régions, entre les continents, entre les zones économiques (pays développés ou en développement) sont en pleine évolution. Les dettes d'un pays peuvent être rachetées par un autre ou une organisation contre des engagements à caractères environnementaux. Les droits de production de dioxyde de carbone s'achètent et se vendent. Les négociations sur la «convention sur les forêts» sont en cours. L'Afrique forestière doit se positionner comme un interlocuteur crédible et valable dans les grandes négociations environnementales qui se mettent (ou vont se mettre) en place au niveau mondial.

Le financement du secteur forestier

Les budgets nationaux

Les budgets nationaux dits de fonctionnement sont relativement limités et sont alimentés annuellement par le trésor national. Toutes les taxes prélevées sur les activités forestières sont versées au trésor en vertu d'accords internationaux sur la gestion des fonds publics et l'unicité des caisses. Bien que les fonds générés par le secteur forestier soient parfois très importants, il ne peut récupérer qu'une faible partie des montants versés au travers de fonds forestiers disponibles dans la plupart des pays de la sous région. Le secteur forestier reste toujours considéré comme une inépuisable «vache à lait».

Les budgets d'investissement du secteur public dans le secteur forestier sont très faibles et ne correspondent bien souvent qu'aux fonds de contrepartie des projets financés par l'extérieur.

La coopération internationale

Les coopérations bilatérales fournissent un appui significatif dans le domaine forestier. On retrouve la France (projet de Dimako, Forafri), l'Allemagne (projets GTZ d'appui au Cap Esterias), la Hollande, les USA (projet Carpe).

Les agences multilatérales sont également actives. La Commission Européenne apporte un soutien considérable au secteur forestier au travers de programmes régionaux comme ECOFAC ou nationaux. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) soutien un programme forestier.

Cependant, on constate une «fatigue» de l'aide publique au développement. En outre, cette aide s'oriente dans un pays en fonction des priorités de développement et d'investissement décidées par le pays. Si le secteur forestier n'est pas repris dans les priorités, ce dernier ne pourra profiter de cet appui de l'aide publique extérieure.

Concernant les agences de financement, la Banque Mondiale est active dans le secteur forestier au Gabon, au Cameroun et en RCA au travers de financement de projets de développement ou de projet d'ajustement structurel ayant un impact sur la forêt. La Banque africaine de développement (AfDB) - projets au Gabon et au Cameroun - ainsi que d'autres agences publiques (françaises, allemandes ou britanniques) de financement sont également présentes et intéressées par le développement du secteur.

Les investissements privés

Du côté des investissements privés - les entreprises à capitaux nationaux et internationaux - la discrétion est souvent de rigueur pour des raisons de stratégie commerciale. Les grandes ONGs investissent également dans des activités centrées sur la conservation des écosystèmes. Les investissements privés dépassent considérablement les investissements publics et cette tendance tend de plus en plus à se confirmer.

Cependant, toute situation engendrant une instabilité institutionnelle (modification des lois, mauvaise gouvernance, insécurité) a pour effet immédiat de réduire le flux des investissements privés qui se dirigent alors soit vers d'autres pays soit vers d'autres secteurs économiques où les risques financiers sont plus limités.

RAISONS ET CONDITIONS POUR UN DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE


Les raisons

La forêt en Afrique centrale représente un atout et une richesse disponible pour le développement et particulièrement pour les pays qui ne disposent pas en abondance d'autres ressources naturelles comme les minerais ou le pétrole. Chaque gouvernement cherchera - au travers de sa politique économique et sociale - à utiliser au mieux possible les ressources mises à sa disposition pour améliorer les conditions de vie de la population.

En outre, elle représente la seule possibilité pour une grande partie de la population de subsister ou de participer à la vie économique du pays en valorisant les produits forestiers ou en convertissant des surfaces forestières pour d'autres spéculations.

De fortes et nouvelles pressions pourront s'exercer sur la forêt. Ces pressions viendront soit de l'intérieur comme par l'extension des villes ou des voies de communication soit de l'extérieur sous l'effet de puissants intérêts financiers et commerciaux. Le secteur doit être à même de contrôler et maîtriser ces pressions.

Chaque pays par son gouvernement a la responsabilité vis-à-vis des générations futures de garantir le maintien de la ressource forestière. Une ressource abandonnée ne peut que se dégrader. Chaque pays doit se donner les moyens de gérer «en bon père de famille»sa ressource forestière.

Les conditions

Les politiques de développement - objectifs et actions - suivies par le secteur forestier dans chaque pays doivent être acceptables par toutes les parties intéressées au niveau national et être en harmonie avec les principes du développement durable admis au niveau régional et international.

La stabilité politique du pays est une condition indispensable à toute idée de développement qui suppose des réformes institutionnelles parfois profondes mais négociées avec toutes les parties.

Un investissement initial est nécessaire à tout développement. Il faudra donc trouver des financements. Les fonds publics d'investissement sont limités et réservés aux priorités sociales. Le secteur privé est incontournable et la société civile est de plus en plus active. Le secteur forestier devra créer les conditions nécessaires pour attirer et retenir l'intérêt de ces partenaires de son développement.

QUELLES SONT LES CLES DU DEVELOPPEMENT DU SECTEUR FORESTIER POUR L'AN 2020?


Les espérances sont grandes lorsqu'il s'agit planifier un développement. Mais les problèmes sont nombreux et les moyens limités. L'analyse critique précédente a passé en revue l'ensemble du secteur et a énoncé les principaux problèmes ou contraintes qui ont ralenti ou ralentissent encore son développement. Va-t-on retrouver ces mêmes problèmes dans le futur?

La clé du succès du développement résidera dans l'identification des «vrais» problèmes et dans la détermination des méthodes appropriées pour les solutionner.

Comment organiser notre réflexion? Un développement forestier touche les domaines technique, social, institutionnel, environnemental, économique, financier. Dans chaque domaine, on peut certainement identifier un problème qui est une priorité à résoudre avant tout autre. La solution de chacun de ces problèmes constitue une clé du développement.

Voici quelques problèmes qui semblent être prioritaires. Dans le cas où ils ne trouveraient pas solution, quelques conséquences sont énoncées.

Domaine technique

Problème majeur: l'aménagement forestier - les forêts de tous types - production, protection, réserves naturelles - manque de systèmes d'aménagement pour une utilisation durable de ces forêts. Les méthodes d'aménagement, les responsabilités, les moyens financiers et humains ne sont pas définis.

Conséquences: la forêt se réduit et se dégrade de plus en plus. Personne ne sait vraiment comment faire pour arrêter ces processus et combien cela va coûter. Le gaspillage de production est énorme. La conservation forestière pour les générations futures n'est pas garantie.

Domaine social et culturel

Problème majeur: la contribution du secteur forestier au développement social n'est pas en rapport avec son importance et sa richesse. Les populations vivant dans la forêt ou de la forêt ne participent pas assez à sa gestion et sont laissées pour compte dans le développement social du pays. Le secteur ne tire pas un parti suffisant de la forêt pour contribuer au développement social du pays. Les aspects culturels de la forêt sont délaissés voire ignorés.

Conséquences: sentiment d'injustice entre les populations forestières et les utilisateurs économiques. Les populations ne sont pas motivées pour prendre des responsabilités dans la gestion durable de ressources qui n'améliorent pas leurs conditions de vie. Le secteur forestier ne s'intègre pas dans les priorités de développement social et culturel national.

Domaine institutionnel

Problème majeur: La politique nationale de gestion du secteur forestier est globalement déficiente. La responsabilité de la gestion forestière pèse uniquement sur l'administration forestière qui est trop faible pour y faire face. Les bénéfices forestiers (droits d'exploitation, taxes) ne sont pas répartis équitablement. La formation et la recherche sont délaissées.

Conséquences: les politiques de gestion et de développement du secteur sont proposées par des services administratifs débordés et critiqués tandis que les intéressés sont démotivés et déresponsabilisés. Le secteur occupe une position de plus en plus faible dans le contexte institutionnel. Le système institutionnel est sclérosé et incapable de faire face à de nouvelles situations. Le secteur souffre d'une grave pénurie de ressources humaines capables de conduire efficacement des réformes nécessaires.

Domaine environnemental

Problème majeur: La rupture des équilibres écologiques comme la déforestation de la forêt naturelle ou la coupe abusive d'arbres en milieu urbain ou de montagne a des effets induits et souvent pervers sur toutes les formes de vie qui dépendent - de près ou de loin - de ces milieux déstabilisés. La pression démographique en Afrique centrale va créer une répétition de ces points de déséquilibre. Il manque une vision commune de l'évolution environnementale de la sous-région.

Conséquences:
Les sociétés d'Afrique centrale - humaines, animales ou végétales - vivent mal les conséquences des déséquilibres écologiques qu'ils ne comprennent pas. Ces sociétés vont réagir et essayer de s'adapter mais le plus souvent vont se déplacer ou disparaître. Le paysage de l'Afrique centrale va se modifier profondément d'abord autour des concentrations de population à une rapidité difficilement contrôlable. Le manque d'harmonisation des politiques forestières de développement entraîne des incohérences dans les décisions de gestion forestière de la sous-région et la perte de bénéfices synergiques.

Domaine économique

Problème majeur: le secteur industriel du bois manque de dynamisme pour mieux valoriser l'utilisation et la transformation des produits forestiers. L'impact du secteur sur la vie économique (comme l'emploi) des pays est nettement insuffisant et son organisation ne bénéficie pas du secteur informel particulièrement actif et instable. Ce manque de dynamisme a des effets sur le commerce des produits qui souffre de l'étroitesse de ses marchés traditionnels (intérieur et extérieur).

Conséquences: la production industrielle stagne et les parts du marché des bois tropicaux africains sont faibles. L'emploi se réduit de plus en plus du fait de la modernisation des outils sans pour autant créer des compétences locales. Les parts des marchés régionaux du bois transformé se perdent. L'industrie du bois reste dans le sous-développement. Les dynamiques individuelles des petits ou grands entrepreneurs s'épuisent et s'éteignent par manque de synergie.

Domaine financier

Problème majeur: le secteur forestier manque cruellement d'investissements (argent frais) pour envisager un développement ambitieux. Les risques financiers du développement forestier sont élevés et effraient le secteur privé petit ou grand. Les programmes d'aide publique au développement sont en diminution constante.

Conséquences: délabrement progressif des structures du secteur forestier dans son ensemble. Les outils de gestion et de mise en valeur de la ressource ne sont pas maintenus. L'intérêt pour le secteur diminue de plus en plus. La privatisation de la ressource est envisagée.

Note :

3 FORAFRI: projet de capitalisation et de transfert des recherches menées dans les forêts denses humides d'Afrique (1996 - 1999).

4 OAB: Organisation africaine du bois; CEFDHAC: Conférence sur les écosystèmes des forêts denses et humides d'Afrique Centrale.

5 CARPE: Programme régional sur l'environnement en Afrique Centrale; ECOFAC: Conservation et utilisation rationnelle des écosystèmes en Afrique Centrale; PRGIE: Programme régional de gestion de l'information environnementale; WWF- Carpo: World Wildlife Fund - Central African Regional Program office; APFT: Avenir des peuples des forêts tropicales.

Previous PageTop Of PageNext Page