L'Association africaine des feuilletons radiophoniques (ARDA) est une organisation de communication pour le développement, créée suite à l'analyse des besoins du continent en termes de communication pour le développement, lors d'un symposium réunissant des spécialistes africains de la radio, en novembre 1994 à Harare, au Zimbabwe.
Lors du Forum, il a été reconnu que la radio était un moyen hautement accessible et très efficace pour informer et éduquer la population qui est majoritairement illettrée, à faible revenu et dépendante d'une communication narrative orale.
En outre, les résultats partagés de la recherche montrent que les programmes de théâtre sont particulièrement efficaces pour motiver le changement des comportements. Après tout, dans la tradition africaine, le divertissement est un élément clé parmi les activités éducatives. Les contes populaires, la musique, la danse et le théâtre servent toujours des objectifs didactiques, mais ont en plus l'avantage de captiver, impliquer et motiver les audiences. Le théâtre imite la vie réelle en dépeignant les caractères, mais aussi en mimant des situations, des conflits et leurs résolutions. De par sa nature même, le théâtre permet de captiver les individus et donne la confiance nécessaire à l'utilisation de nouvelles idées et compétences.
Ainsi, les participants au Symposium de Harare perçurent le besoin d'organisations régionales pour attirer l'attention vers la radio et créer des opportunités de rencontre (de mise en réseau) entre praticiens, tout en relevant le niveau professionnel de la radio pour le développement.
Depuis ses débuts, la section nigériane a joué le rôle de fer de lance et collaboré avec des agences - comme la Fondation Ford, l'UNICEF, le Service d'information des Etats-Unis (USIS), la Fondation McArthur, l'Université John Hopskin, le Réseau africain de communication (ACN) du WWF - pour faire passer des messages sur le développement, sur des questions aussi diverses que populations, santé, environnement ou droits civiques, par des feuilletons radiophoniques.
Depuis, l'association joue un rôle de leader pour relancer des stations radio, démocratiser totalement ce moyen d'expression et veiller au professionnalisme des présentateurs et des gens de radio. Jusqu'ici, nous avons collaboré avec plus de 20 radios dans le monde, des radios communautaires soutenues par l'Institut Panos Afrique de l'ouest et Hausa Service, Dutch Welle. Actuellement, ARDA diffuse trois feuilletons radiophoniques en langue Pidgin, Hausa et Igbo. Les feuilletons, qui prennent en compte les caractéristiques du milieu socio-culturel des auditeurs, traitent essentiellement des questions de démocratie, HIV/SIDA, transparence et responsabilité, bonne gouvernance, et des droits de l'homme.
En février 2000, ARDA a fait équipe avec la Fondation Ford, participé à un concours organisé par la Banque Mondiale récompensant les innovations en matière de développement, et remporté le Prix. ARDA utilise actuellement les sommes gagnées pour piloter un Projet de Développement par la Radio (DTR) avec des femmes issues de communautés à l'est du Nigeria. Le projet, appelé « Rencontre au village », a une partie en DTR qui permet à des femmes rurales dans 2 états situés à l'est du Nigeria d'exprimer leurs besoins et attentes vis-à-vis du gouvernement, lors d'émissions radio qu'elles présentent et enregistrent elles-mêmes. Le projet comprend également la création, la production et la diffusion d'une série de 52 feuilletons radio en langue locale (l'Igbo). Ce théâtre radiophonique traite des questions des droits de la Femme dans les communautés du projet.
Les activités de nos clubs d'auditeurs permettent de forger un sens communautaire, en échangeant sur des questions traitées lors des différents feuilletons radiophoniques. Dans ce cadre, outre le courrier spontané des auditeurs, on a enregistré de nombreuses actions entreprises par des auditeurs pour améliorer la condition de leur communauté. Il y a à peine un mois, des femmes ont manifesté devant les bureaux du Gouverneur de la région de Lagos pour protester, car depuis 11 ans leur région est sans électricité. Cette action a été dirigée par les membres de l'un des clubs d'auditeurs, le groupe CULAN constitué de femmes d'Ikota, en banlieue de Lagos.
De plus, les activités des femmes de la communauté dans l'une des régions du projet DTR (Etat d'Ebonyi) ont mis en évidence les activités frauduleuses d'entrepreneurs régionaux qui collectent de l'argent auprès du Gouvernement, mais ne font pas leur travail. Un exemple : lors d'une visite sur le terrain, le gouverneur de l'Etat a été choqué de constater que rien n'était fait sur une route dont il finançait pourtant les travaux.
Il existe un réel besoin de trouver des auteurs qui sachent écrire de bons scénarios dans toutes les régions du Nigeria. C'est pourquoi, ARDA, avec des fonds de la Fondation Ford, a entrepris un Atelier national pour auteurs de scénarios radiophoniques, de 2 semaines, afin de développer la méthode « diverto-éducative » qui consiste à trouver le bon équilibre entre divertissement et éducation dans les scénarios de théâtre radiophonique, pour changer les comportements. Parallèlement, ARDA a pu former des acteurs et des actrices dans le nord du pays, pour jouer des scènes, ce qui a permis d'améliorer la qualité théâtrale. ARDA a également dû faire appel à la générosité de différentes entités pour se doter en équipements, former les équipes, réduire les coûts de diffusion et gagner des plages horaires auprès des meilleures radios. Le tout a permis sans nul doute d'améliorer la qualité des programmes au sein de ces radios.
Nos clubs d'auditeurs dans les différents sites du projet contrôlent nos émissions et fournissent un feed-back, pour continuellement améliorer la qualité du théâtre radiophonique et pour intégrer des questions cruciales dans les feuilletons suivants. Autre avantage, cette fois inattendu : après s'être rencontrés, les membres du club commencent à réfléchir à des moyens d'améliorer leur statut économique. Dans les régions de Enugu et Ebonyi (où se déroule le projet DTR), ARDA a satisfait la demande des femmes de la communauté en leur offrant des semences et des machines de traitement. L'introduction de shari'ah dans certaines régions du nord a eu des implications sur les activités des clubs d'auditeurs. Certains groupes mixtes et groupes de femmes ne peuvent plus s'en passer.
