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V. LES TENDANCES PASSEES ET PRESENTES DU BOIS-ENERGIE AU MALI ET LES ORIENTATIONS FUTURES

Pendant de longues années avant la grande sécheresse des années 1973 où les précipitations pluviométriques étaient favorables on ne parlait pas de pénurie de bois de feu ou de crise de bois énergie.

L’offre de combustibles ligneux était de beaucoup supérieure à la demande. On se souciait très peu de modes de consommation, car le bois de feu était considéré comme une ressource infinie.

Le bois sec brûlé sous forme de bois de feu ou de charbon de bois (après carbonisation) fournissait toute l’énergie nécessaire à la cuisson des aliments, à la transformation des produits agraires et à la fabrication de tout bien qui doit passer par l’épreuve du feu. Le combustible ligneux était quasiment la seule et unique source d’énergie domestique et professionnelle en milieu rural et même souvent en milieu urbain.

Pratiquement, aucune technique d’économie de bois énergie n’était utilisée, l’approvisionnement en bois de feu se limitait à l’auto-collecte, même dans certaines petites agglomérations urbaines et concernait uniquement le bois mort. Les rayons d’approvisionnement étaient assez réduits pour les centres urbains et se limitaient à la proximité immédiate des habitations pour le milieu rural.

Après la sécheresse de 1973 qui provoqua un véritable cataclysme écologique, détruisant fortement le couvert végétal et notamment forestier et plus particulièrement dans les régions nord du Mali où des formations forestières sont mortes d’un seul tenant en laissant de vraies «cimetières » de bois d’accès difficile, les problèmes d’approvisionnement en bois de feu commencèrent à se poser. Cette sécheresse en plus a conduit à une détérioration de l’agriculture au niveau rural, ce qui entraîna une forte migration des populations vers les centres urbains.

La concentration des populations en milieu urbain créa une forte demande en bois énergie. Ainsi pour satisfaire la demande des populations de plus en plus croissante, un véritable secteur économique s’est constitué en professionnalisant les activités d’exploitation de transport et de commerce de bois énergie. Les agriculteurs/ paysans se sont transformés en bûcherons. Ainsi, l’exploitation du bois énergie occupe désormais la deuxième activité des paysans des zones d’approvisionnement des centres urbains après l’agriculture

La demande de plus en plus croissante de bois énergie amena vers les années 1980 à préconiser les plantations industrielles par des essences à croissance rapide pour la satisfaction des populations urbaines en bois de feu, accompagnés d’aménagement de formations naturelles de type lourd.

Ces actions furent exécutées dans le cadre des Opérations Aménagement et Production Forestière «OAPF» en 2ème région et l’Opération Aménagement et Reboisement dans la Région de Sikasso «OARS».

Afin de mieux gérer la demande de bois énergie et mieux juguler les effets de la sécheresse, des actions de vulgarisation massive des foyers améliorés comme technique d’économie ont été entreprises dans le cadre du Programme Nationale de Lutte contre la Désertification au début des années 1980. Pour ce faire, afin de mieux cerner la tendance de consommation irrationnelle de bois énergie, certains projets d’envergure nationale ont été exécutés, c’est notamment les cas des projet VITA-LESO de diffusion des Foyers Améliorés, UNSO/MLI de diffusion des FA et d’intervention sur les filières d’approvisionnement en bois énergie de Kayes et le projet DNAS-GTZ de diffusion des FA, etc.

Toutes ces actions entreprises n’ont pas pu atteindre les objectifs escomptés en vue de renverser la tendance de la consommation irrationnelle de bois énergie. Les actions dans la plupart des cas ont été exécutées sans réelle coordination et souvent de façon isolée.

Les tendances d’évolution de la consommation de bois énergie jusqu’en 2005 ressortent dans le tableau N°5 ci-après.

TABLEAU N° 5 : TENDANCE D'EVOLUTION DE LA CONSOMMATION DE BOIS-ÉNERGIE DE 1995 À 2005

 

 

 

SECTEURS

Bois de Feu (000 m3)

Charbon de bois (000 tonnes)

Total Equivalent bois (000 m3)

1995

2000

2005

1995

2000

2005

1995

2000

2005

Ménages

6979,6

7879,228

8667,15

87,44

124,407

223,932

7795,706

9040,36

10 757,182

Collectivités

6,89

13,012

25,373

-

-

-

6,89

13,012

25,373

Industrie

7,236

7,552

7,862

-

-

-

7,236

7,552

7,862

Informel

32,196

50,077

105,162

8,36

11,536

26,532

110,223

157,746

352,794

TOTAL

7025,922

7948,869

8805,547

95,8

135,943

250,464

7920,055

9218,67

11 143,211

 

 

Source : CCL/SED :H. KONANDJI «  L’Evolution de la Demande de bois-énergie au Mali. » Bamako 1998

 

 

 

L’analyse du tableau fait ressortir que les tendances d’évolution pour la consommation de bois de feu au niveau des ménages, des collectivités et des industries pratiquement reste constantes.

Pour les ménages, elle est respectivement de 13 % entre 1995 et 2000 et 12,5 % entre 2000 et 2005. Pour les collectivités, elle est de 89 % entre 1995 et 2000 et 95 % entre 2000 et 2005. En ce qui concerne les industries, cette évolution est de 4 % pour les deux intervalles de temps.

Par contre, l’évolution est très marquée au niveau de l’informel ; de 55,5 % entre 1995 et 2000 elle passera à 110 % entre 2000 et 2005. Ceci peu s’expliquer dans le premier cas d’évolution constante à une utilisation progressive des techniques d’économie et dans le second par la prolifération des petits métiers.

S’agissant du charbon de bois, l’évolution pour les ménages est de 42 % entre 1995 et 2000 et 80 % entre 2000 et 2005. Pour le secteur informel, elle est de 38 % entre 1995 et 2000 et sera de 130 % entre 2000 et 2005.

Cette évolution pourra atteindre 250 % pour Bamako la capitale, entre 2000 et 2005.

C’est au début des années 1990 que des actions novatrices furent engagées dans le domaine du bois énergie afin de réduire la demande et d’accroître l’offre de combustibles ligneux.

Ces actions entrent dans le cadre d’une Stratégie Nationale pour l’Energie Domestique, visant une meilleure gestion de la ressource bois énergie, et dont la mise en œuvre a démarré en 1996.

Ces actions visent à maintenir ou à réduire sur une période de dix (10) les consommations en bois énergie des populations maliennes des centres urbains par rapport à leur niveau d’antan.

Les innovations majeures consistent à agir simultanément sur l’approvisionnement, la consommation, le commerce et la demande de bois énergie.

En terme de logique d’intervention : la gestion du bois énergie repose sur un certain nombre de principes dont notamment :

La réduction de la consommation de combustibles ligneux en encourageant l’utilisation des combustibles de substitution sans peser sur la balance extérieure ;

La protection des zones écologiquement menacées sans priver les paysans producteurs de bois énergie d’une source importante de revenus ;

La valorisation du bois sur pied sans pénaliser les consommateurs urbains les plus pauvres ;

La valorisation de la biomasse (résidus agro-industriels) comme source d’énergie domestique pour une substitution partielle au bois énergie avec l’implication du secteur privé ;

Le développement de l’initiative privée et le partenariat en vue d’une gestion cohérente du bois énergie ;

L’amélioration des capacités d’intervention des différents partenaires (aussi bien au niveau rural qu’urbain) par un dispositif d’appui-formation-conseil efficace ;

La décentralisation de l’exploitation du bois énergie (forêts) par la responsabilisation des populations rurales impliquées dans la gestion des ressources bois énergie de leur terroir ;

L’utilisation des techniques d’économie du bois énergie en développant une gamme de Produits d’Energie Populaire (PEP), équipements de cuisson, adaptés aux besoins et répondant aux attentes des différentes couches socio-économiques de la population.

En terme d’organisation (montage institutionnel) : pour une meilleure gestion du bois énergie, un certain nombre de dispositions stratégiques tant au niveau de l’Etat que du secteur privé ont été préconisées :

5.1. Au niveau de l’Etat 

Le lancement de la Stratégie Nationale pour l’Energie Domestique (SED) à partir de 1996, qui à travers ses deux grands volets  vise deux objectifs essentiels de développement.

Au niveau du Volet Offre : faire en sorte que les modes d’approvisionnement en bois énergie soient porteurs de développement économique et social et ne portent pas préjudice à l’environnement à travers la gestion rationnelle des formations forestières par les populations rurales.

Au niveau du Volet Demande : Améliorer l’accès à l’énergie et son utilisation, notamment pour ses formes modernes, et améliorer ainsi les conditions de vie quotidienne d’une partie de la population.

Cette stratégie qui a d’abord une justification écologique et sociale, tout en abordant le problème foncier sous l’angle forestier, à travers la délégation progressive des ressources forestières aux paysans, participe à la mise en place de nouvelles dynamiques économiques en milieu rural et permet le développement d’une exploitation durable de combustibles ligneux, dans le cadre plus global de la gestion des ressources naturelles.

Elle s’appuie sur un ensemble de dispositions législatives et réglementaires visant une meilleure gestion des ressources forestières à travers une participation concertée de tous les acteurs concernés tant au niveau rural qu’urbain. Il s’agit de :

la Loi N° 95-004 du 18 janvier 1995 fixant les conditions de gestion des ressources forestières,

la Loi N°95-003 du 18 janvier 1995 portant organisation de l’exploitation du transport et du commerce du bois. Cette loi renforce la professionnalisation de l’activité d’exploitation du transport et du commerce du bois énergie. Elle dé finit les lieux de vente du bois-énergie et les opérateurs autorisés par la mise en place des «Marchés Ruraux de Bois » agréés et gérés par les Structures Rurales de Gestion (SRG) elles-mêmes agréées par l’administration dans le cadre des Schémas Directeurs d’Approvisionnement des Villes en bois énergie (SDA).

le Décret 422/P-RM du 05 décembre 1995 fixant les taux et la répartition des taxes perçues à l’occasion de l’exploitation du bois, remplacé par le Décret 402/P-RM du 17 décembre 1998 fixant les taux, les modalités de recouvrement et de répartition des taxes perçues à l’occasion de l’exploitation du bois dans le domaine forestier de l’Etat.

l’Arrêté N° 98-001/MF - SG du 06 janvier 1998 portant suspension des droits de douane et taxes sur les équipements d’énergie domestique (équipement pour foyer, réchauds et pour transformation de la biomasse agricole).

5.2. Au niveau des Privés 

Appui à l’importation, la fabrication locale et la distribution par les opérateurs privés nationaux d’équipements d’énergie domestique (foyers améliorés, réchauds à pétrole, à gaz et autres).

Pour la valorisation énergétique de la biomasse deux projets ont été initiés. Il s’agit de :

un Projet de briquette de charbon de résidus agricoles et de poussier de charbon de bois par compactage ;

un Projet de briquette de charbon de résidus agricoles par agglomération

En terme d’implication des acteurs : Pour la gestion efficace de la biomasse-énergie, la nouvelle approche vise à établir un partenariat basé sur la compréhension et le respect mutuel par la concertation et par les rapports contractuels entre les acteurs (Etat, ONG, Ruraux, Collectivités) engagés conjointement dans les différentes actions d’aménagement forestier, de transformation et de distribution de la biomasse-énergie sous ses différentes formes.

L’implication des acteurs est favorisée par leur représentation au sein d’institutions socioprofessionnelles forte (Association, ONG, GIE ou autres Opérateurs).

Pour les orientations technico-économiques et financières, l’approche gestion efficace de la biomasse-énergie repose sur la production et l’utilisation rationnelle de la biomasse-énergie par l’aménagement simplifié pour le bois-énergie et la valorisation efficace de la biomasse issue des résidus agricoles par des systèmes simplifiés et peu coûteux.

Dans le cadre de l’incitation des différents opérateurs à la valorisation des résidus agro-industriels par leur transformation, des mesures d’ordre économique et financières (exonération sur les différents équipements) sont préconisées par l’Etat. C’est également des mesures similaires qui ont été prises pour les matériels (foyers et réchauds) servant à utiliser ces différentes sources d’énergie (bois, charbon, briquettes de résidus agricoles).

Au niveau de l’offre de combustibles ligneux les différentes actions de la SED se traduisent par l’élaboration dans un premier temps de Schémas Directeurs d’Approvisionnement en bois énergie de quatre grands centres urbains du Mali (Bamako, Ségou, Mopti et Koutiala). Ces schémas font les bilans des ressources dans les bassins d’approvisionnement desdites villes ainsi que les tendances d’évolution de ces bilans productions ligneuses, prélèvement de bois à l’horizon 2005.

 

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