Previous PageTable Of ContentsNext Page

ADMINISTRATION DU REGIME FISCAL FORESTIER

 

Procédure de détermination des taxes forestières

Les services forestiers de nombreux Etats du Nigeria n’ont pas de mécanisme bien défini pour la détermination des taxes forestières. Les taxes sont fixées par des voies administratives et la périodicité des révisions n’est pas spécifiée. Toutefois, l’autorité compétente est le Conseil exécutif de l’Etat, qui reçoit des avis techniques des Départements des forêts. Selon Skoup (1987), la procédure est un peu différente pour les écosystèmes de savane du Nord, où les administrations locales sont habilitées pour toutes les questions ayant trait à la fiscalité forestière.

Un exemple des dispositions légales sur lesquelles se fondent les régimes fiscaux forestiers des Etats est donné dans la section 53 du Règlement forestier de 1976 relatif à l’Etat de Bendel, dont on trouvera un extrait dans l’Encadré 1 ci-dessous.

Encadré 1 Exemple du texte de loi sur lequel se fonde la détermination des taxes forestières au Nigeria

Les taxes forestières ne sont pas mises à jour régulièrement. Les départements forestiers des Etats font fortement pression sur leurs gouvernements pour obtenir des relèvements périodiques des redevances, mais sans succès car les négociants en bois font pression en sens contraire et exhortent les gouvernements à refuser les révisions en hausse.

Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux autres secteurs d’activité, les informations sur les redevances forestières ne sont pas ouvertes au public, de même qu’elles ne sont pas diffusées dans les quotidiens ou par d’autres médias. Ces informations ne sont disponibles que dans les offices forestiers des divisions et tous les marchands des produits forestiers les connaissent parfaitement. La détermination des redevances forestières ne prévoit pratiquement aucune consultation.

L’autorité compétente, désignée par la loi forestière, en matière de détermination des redevances, à savoir l’exécutif, est aussi chargée de leur mise en application. D’une manière générale, il n’existe pas de formule bien définie pour fixer ou calculer les redevances forestières, qui ne sont pas indexées en fonction de l’inflation.

 

L’administration fiscale dans les forêts naturelles

En raison de la dualité de la propriété des forêts naturelles (autorités locales et gouvernements des Etats), il incombe aux services forestiers des Etats de prendre les décisions quant au niveau et au type d’activités d’exploitation forestières à autoriser à l’intérieur et à l’extérieur des réserves forestières. Ils décident aussi de la superficie de terres forestières à réserver à des activités autres que la production de bois, telles que : activités récréatives, protection de la faune et de la flore sauvage, chasse, pâturage et exploitation minière. Toutefois, leurs décisions dépendent moins de la valeur des différentes activités ou des quantités de bois immédiatement disponibles que des pressions politiques.

Dans de nombreux Etats, les services forestiers sont contraints de viser des objectifs de recettes incompatibles avec de bonnes pratiques d’aménagement forestier ou avec les intérêts des communautés. Les objectifs sont fixés de manière arbitraire, le plus souvent d’après les performances de l’année précédente. Lorsqu’un objectif ne peut pas être atteint au cours d’une année, il est réduit l’année suivante et vice versa. Par exemple, dans l’Etat de Cross River, l’objectif de recettes brut pour 1975/76 était de 698 000 N, mais le pourcentage de réalisation n’a été que de 12, 01 pour cent. L’objectif de l’année suivante a donc été abaissé à 580 000 N (Udo, 1982). Toutefois, en 1977/78 l’objectif a à nouveau été relevé à 605 000 N , mais le pourcentage de réalisation a été de 27, 4 pour cent, ce qui a conduit à rabaisser l’objectif à 590 000 N pour 1978/79. Cette année-là, le pourcentage de réalisation a été de 75, 54 pour cent de l’objectif, qui a à nouveau été relevé à 370 500 pour 1979/80.

Ces dernières années, la plupart des Etats situés dans la zone de hautes forêts ont cependant dépassé leurs objectifs, grâce à l’exploitation extensive des plantations de tecks. Toutefois, dans des Etats comme Ondo, Ogun, Ekiti, Edo et Oyo depuis 1995, ces bonnes performances n’ont certes pas été obtenues grâce à une administration judicieuse, elles dérivent plutôt d’une exploitation débridée, par suite de la détermination arbitraire des objectifs et d’une course effrénée au revenu.

L’assignation d’objectifs de recettes est une stratégie couramment employée au Nigeria, pour le recouvrement des taxes. Toutefois, ce n’est pas une méthode appropriée pour la production forestière, qui varie en fonction des conditions géographiques et écologiques, de l’âge d’exploitabilité ou des conditions d’exploitation.

Durant la période coloniale, les conservateurs en chef des forêts (actuels Directeurs des services forestiers des Etats) étaient chargés de réviser et de publier les barèmes des redevances. Bien que cette loi d’habilitation soit toujours en vigueur dans la plupart des Etats, elle n’est plus appliquée qu’à Anambra et Enugu.

Les redevances sur les produits forestiers non ligneux et mineurs, ou sur le bois et les autres services sont rarement basées sur des mesures précises et sur la valeur économique relative des produits disponibles dans chaque Etat. Les superviseurs administratifs et les percepteurs peuvent prétendre qu’ils ne sont pas au courant des différentes taxes applicables aux produits forestiers non ligneux. C’est du reste ce que font les fonctionnaires des services forestiers de l'Etat d’Edo, qui ne perçoit pratiquement aucune recette sur les taxes d’enregistrement des marteaux de martelage individuels, qui rapportent pourtant beaucoup d’argent dans les Etats d’Ondo, Ekiti et Ogun.

 

Le recouvrement des redevances et son suivi

Les méthodes employées pour évaluer les redevances forestières sont aussi très variables suivant les Etats du pays. La méthode adoptée dépend du produit et dans une certaine mesure aussi de l’écologie de la zone. La méthode basée sur le volume bois abattu (VBA) est privilégiée dans beaucoup d’Etats qui possèdent des forêts de haute futaie contenant de nombreuses essences commerciales de grande taille. Ce système, avec lequel les négociants en bois ne payent que le volume réel de bois prélevé dans la forêt, oblige à prendre des mesures et à calculer (par estimation) le volume de chaque grume prélevée. Sur la base du volume estimé, on calcule la valeur monétaire de chaque grume, conformément au barème approuvé par l’Etat.

Dans les Etats d’Edo et de Delta, le système VBA est progressivement remplacé par les redevances par unité de surface. Ce système suppose de classer la forêt dans des zones, en fonction de sa richesse, qui est mesurée par les espèces qui la composent, la densité de peuplement, la proximité des marchés et la nature du terrain. Un taux fixe est assigné à chaque catégorie de surface ou de zone. Dans l’Etat d’Oyo, les réserves forestières sont simplement classées dans deux zones (forêt riche, forêt pauvre) pour la détermination de la redevance par unité de surface. Pour les zones de forêt riche, la redevance est de 600 N par hectare, contre 200 N pour les zones de forêts pauvres. La redevance par unité de surface, pourtant basée sur une évaluation subjective, semble avoir éliminé certains problèmes associés à la méthode VBA ; elle a notamment réduit les lenteurs administratives.

L’Etat de Cross River et la plupart des autres Etats à forêts de haute futaie préfèrent avoir recours à la méthode des droits de coupe pour déterminer la valeur des redevances forestières. Contrairement au système VBA, qui couvre aussi bien les arbres des réserves forestières que ceux qui se trouvent à l’extérieur, la méthode des droits de coupe n’est appliquée que dans les zones libres, c’est-à-dire en dehors des réserves forestières.

Les redevances sur les produits forestiers non ligneux sont aussi une source de recettes. Dans les Etats d’Ogun et d’Oyo, des permis sont délivrés chaque année à ceux qui cueillent des feuilles et qui chassent à l’intérieur des réserves forestières. Les départements forestiers des Etats emploient et forment un corps de cadres de rang intermédiaire, appelés gardes forestiers. Ils gravissent les échelons de la hiérarchie jusqu’au rang de gardes forestiers en chef, et reçoivent une formation aux techniques d’évaluation et de classement des produits forestiers. Les membres des communautés rurales connaissent encore mieux ces gardes en uniformes que leurs superviseurs en civil, car ils les voient souvent et savent qu’ils ont pour tâches d’inspecter les arbres et d’autoriser le prélèvement des grumes.

Le système des redevances basées sur l’unité de surface est avantageux en ce sens que les versements sont effectués à l’avance, avant la coupe. Au contraire, les redevances VBA sont payées en différé et en espèces.

On l’a déjà dit, le recouvrement des recettes forestières est décentralisé au Nigeria. Les recettes forestières sont perçues par :

    1. Des employés du Trésor dans les offices forestiers de zone sous administration locale, et au siège des services forestiers.

    2. Des fonctionnaires des forêts en uniforme (gardes forestiers et gardes chasse) dans les différentes zones forestières.

Les utilisateurs doivent se faire délivrer des permis ou des licences payants par les offices forestiers, et présenter les reçus du Trésor correspondants, pour pouvoir accéder aux produits dans la forêt, où ils seront contrôlés par les fonctionnaires responsables des redevances forestières. De plus, les gardes forestiers recouvrent aussi certains types de redevances et de taxes, à des barrages routiers installés pour surveiller et contrôler la production de grumes. Les reçus correspondants sont remis aux utilisateurs en guise de lettres de voiture.

Les droits de coupe, les redevances sur les produits forestiers non ligneux et les redevances basées sur le VBA sont recouvrées aussi bien au siège du service forestier que dans les offices forestiers de zone ou des administrations locales. Les taxes sur la vente des produits forestiers sont perçues au niveau des divisons. Chaque province a un office forestier de division dirigé par un fonctionnaire forestier de division ou de province, responsable de l’ensemble des activités forestières de sa division.

Dans la majorité des Etats, un compte bancaire spécial est ouvert pour recevoir les recettes provenant de toutes les transactions forestières. Des récépissés du Trésor sont délivrés pour tous les versements, pour prouver que le négociant a payé ce qu’il devait et peut accéder aux produits. A la fin de chaque année, les montants inscrits sur les souches des carnets de reçus sont confrontés au montant effectivement versé sur le compte et envoyés au siège du service forestier.

Dans certains Etats, les communautés locales sont associées au recouvrement des redevances. A Sokoto et à Kebbi, des permis autorisant la récolte du bois de feu sont délivrés par les chefs de district et de village pour le compte des administrations locales. Ces chefs traditionnels rendent compte chaque mois des recettes perçues. La plupart des communautés, notamment dans l’Etat d’Edo, se font payer des redevances avant l’abattage des arbres situés dans leurs fermes ou aux alentours de leurs villages. Les recettes ainsi dégagées ne vont pas au gouvernement, elles sont conservées par les communautés pour des activités de développement rural. Dans l’Etat de Cross River, la communauté d’Ekuri fait payer une redevance pour tout le bois prélevé dans la forêt. Cette méthode a été inaugurée par une Organisation non gouvernementale (ONG) dans le but de promouvoir et de maintenir l’aménagement durable des forêts. Toutefois, dans la plupart des Etats, les fonctionnaires du gouvernement recouvrent toutes les recettes forestières.

Des contrôles sont effectués sur les routes pour s’assurer que le matériel prélevé a été payé. Des équipes se postent aussi à l’entrée des scieries pour vérifier si les grumes sont marquées comme il convient et si elles ont été payées. Sur certaines routes, des barrages sont installés pour vérifier tous les véhicules transportant des grumes et s’assurer que celles-ci ont été acquises légalement. Lorsqu’elles ont été produites légalement, elles ont un timbre valide aux deux extrémités (le tampon indique le numéro du fonctionnaire qui a donné l’autorisation) et les reçus officiels doivent accompagner le chargement sur tout son trajet. Toutefois, malgré tous ces contrôles, l’abattage illicite est encore monnaie courante dans toutes les forêts du Nigeria.

Les échelons centralisés et décentralisés du gouvernement et l’administration des recettes

L’organe central du gouvernement, au niveau national, est le Département forestier fédéral. Ses principales fonctions sont les suivantes : formulation des politiques forestières nationales ; planification de l’utilisation des terres, développement du secteur forestier et aménagement de l’environnement ; promotion et financement de projets d’intérêt national ; coordination et suivi d’activités forestières découlant de projets financés au niveau international ; et développement des institutions. Le gouvernement fédéral intervient aussi dans l’administration des recettes forestières dans les huit parcs nationaux du pays, où les touristes paient des droits d’entrée et où quelques espèces animales en surnombre sont chassées.

Les forêts naturelles et les plantations sont gérées par les départements forestiers des Etats, au nom du gouvernement dont ils dépendent. L’Etat, qui est propriétaire de toutes les réserves forestières, formule et met en œuvre les politiques et gère les activités forestières. Les administrations locales n’ont aucune responsabilité en matière de gestion des forêts. L’organisation des Départements forestiers des Etats prévoit que le siège formule les politiques (y compris pour la création de revenus), coordonne les programmes de terrain et administre les pratiques forestières, alors que les offices forestiers de zone ou de division sont responsables d’une ou plusieurs zones sous administration locale, dans lesquelles ils interprètent et appliquent les politiques de l’Etat et coordonnent les activités de terrain.

Les gouvernements de plusieurs Etats ont compris les défaillances des systèmes actuels d’administration des recettes forestières et se sont efforcés d’y remédier. Plusieurs nouveaux types de redevances ont été introduits pour compléter les crédits alloués au secteur forestier. A cet égard on peut citer les fonds de boisement ; le prélèvement pour le développement du secteur forestier, les fonds fiduciaires forestiers etc… Ces programmes sont certes louables mais pas un seul Etat n’a mis en pratique ces bonnes intentions jusqu’au bout.

Les perspectives de développement du secteur forestier suscitent de sérieuses préoccupations dans le pays, mais la bureaucratie constitue un goulot d’étranglement majeur qui empêche de planifier rationnellement le secteur en vue d’améliorer l’aménagement. Toutes les recettes doivent être versées sur les comptes des Etats d’où il est très difficile de les débloquer pour des politiques et des programmes forestiers. Les fonds qui sont censés être réinvestis dans le secteur pour améliorer l’aménagement des forêts n’arrivent jamais. Le secteur forestier attend toujours des siècles que le gouvernement se décide à allouer des crédits, a lors des recettes affluent continuellement dans ses caisses. Voici ce qu’a conclu à juste titre Cnossen (1979):

"D’une manière générale on se préoccupe de ce qui devrait être fait plutôt que de la manière d’agir ; on recherche les réformes et des ajustements plus spectaculaires des politiques au lieu de se concentrer sur la mécanique plus ennuyeuse mais indispensable, de la mise en œuvre. "

Toutefois, dans le pays le vrai problème en matière d’administration des recettes vient du fait que chaque Etat de la fédération a son propre cadre institutionnel, et que la ressource forestière est essentiellement considérée comme une source de fonds constante pour le Trésor, au lieu d’être vue comme une importante ressource naturelle dont le développement devrait être encouragé par des investissements.

 

 

Previous PageTop Of PageNext Page