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DISCUSSION ET CONCLUSIONS

Evaluation du régime fiscal forestier nigerian

Les régimes fiscaux forestiers en vigueur dans les différents Etats du Nigeria sont inefficaces car, en dépit de leur diversité, ils ne reflètent pas bien les caractéristiques spécifiques qui existent dans et entre les Etats. Globalement, les défaillances des régimes fiscaux forestiers sont dus aux facteurs suivants :

    1. Attention insuffisante accordée au suivi de la production, pourtant indispensable pour maximiser le recouvrement des recettes ;

    2. Coûts d’application élevés pour les utilisateurs, qui sont censés se rendre dans les offices forestiers pour payer les redevances (de sorte que très peu de personnes obtiennent des permis, en particulier pour les produits non ligneux et mineurs, malgré la faiblesse des droits à payer). Résultats : les activités illicites sont encouragées et les recettes perçues sont insuffisantes ;

    3. Ce sont les utilisateurs, et non le gouvernement, qui supportent les coûts du recouvrement des recettes, ce qui fait qu’il est impossible d’établir une comparaison entre le coût total du recouvrement et les sommes perçues.

En raison de carences administratives évidentes, l’exploitation illicite des produits forestiers est un fléau et l’on estime que plus de 90 pour cent des producteurs de produits forestiers mineurs et 40 pour cent des producteurs de bois d’œuvre ne paient pas les redevances forestières. Le régime fiscal forestier est donc inefficace.

Par exemple, le système de surveillance des forêts, qui a pour but de contrôler l’exploitation et le transport des produits a périclité, faute de véhicules de patrouille et de personnel. En outre, les fonctionnaires des forêts en uniforme n’ont ni la motivation ni l’équipement voulus pour faire appliquer le règlement forestier. Très souvent, les produits forestiers sont exploités par des communautés rurales qui vivent à la lisière des forêts et ne payent pas les droits des permis de récolte.

Le niveau élevé des frais généraux payés par les utilisateurs contribue aussi à l’insuffisance des recettes perçues. La procédure à suivre pour le paiement des redevances forestières peut être un véritable casse-tête. Par exemple, un producteur qui veut couper une espèce forestière en bénéficiant du tarif applicable à une exploitation privée, doit d’abord obtenir le consentement de la communauté qui a la jouissance de la terre, puis de l’agriculteur qui exploite la terre sur laquelle se trouve l’arbre. Lorsque les deux parties acceptent que l’arbre soit abattu, le producteur paye l’agriculteur, mais il doit ensuite se faire délivrer un permis par l’office forestier local, avant de pouvoir couper l’arbre.

En général, les membres des communautés rurales connaissent bien les taux des redevances et les règles concernant le paiement et l’exploitation. Cependant, les communautés dont les terres ont été classées comme réserves, ou qui sont nées sur des terres dont les ressources forestières sont exploitées, voient d’un mauvais œil le recouvrement des recettes forestières, pour plusieurs raisons :

    1. Les communautés se sentent frustrées de leurs terres ancestrales lorsqu’on les oblige à payer pour des ressources qui, selon elles, leur ont été données par Dieu ;

    2. Les recettes provenant de l’exploitation des forêts ne sont pas partagées avec les communautés dans de nombreux Etats ;

    3. le gouvernement conserve les sommes qu’il perçoit en règlement des redevances forestières et les met rarement à disposition pour régénérer et remettre en Etat la ressource forestière ;

    4. Les populations acceptent mal que des " étrangers " (qui n’ont pas de titres de propriété sur leurs terres) soient autorisés à exploiter les ressources qui leur ont été données par Dieu, alors que le libre accès à ces ressources est refusé aux propriétaires des terres.

Le recouvrement des recettes forestières sera plus facile si les barèmes des redevances sont plus réalistes et si un dispositif efficace est mis en place pour dégager des recettes. A l’heure actuelle, le montant des redevances d’exploitation n’est pas déterminé d’après les conditions du marché, et il est sans rapport avec l’offre et la demande de produits forestiers et le coût de production des ressources forestières. Par exemple, les tarifs sont trop bas dans les plantations forestières. Ainsi, alors que le coût d’établissement d’une plantation de Gmelina dans la zone de haute forêt du Nigeria est de 26 N par mètre cube , les Etats propriétaires des terres fixent la redevance d’exploitation à 22 N par mètre cube de bois.

Les redevances basées sur le volume bois abattu (VBA) oscillent entre 8, 40 N le mètre cube, pour les essences les moins connues, et 16, 80 N le mètre cube pour les espèces à haute valeur marchande, alors que le bois rond se vend entre 185 N et plus de 268 N le mètre cube en dehors des forêts protégées (prix rendu). Dans les zones qui privilégient le système de taxation par unité de surface, les redevances payées par les utilisateurs s’échelonnent entre 200 N par hectare dans les forêts secondaires et 600 N par hectare dans les forêts riches. Toutefois l’utilisateur peut facilement obtenir entre 30 000 N et 100 000N par hectare, même si le bois est vendu " bord de route ".

Ainsi, un relèvement des redevances prélevées dans le cadre des différents régimes fiscaux forestiers (droits de coupe, redevances VBA et redevances par unité de surface) accompagné d’un contrôle et d’un suivi intensifs de la production, devrait permettre d’améliorer la base de recettes forestières. L’introduction d’un système de recouvrement des redevances forestières automatiquement indexées, conformément à la politique de fixation des prix des produits forestiers et aux conditions de l’offre et de la demande dans chaque Etat, pourrait améliorer les sommes perçues et sonner le glas de la fixation des droits au petit bonheur. L’évasion fiscale pourrait être minimisée ou supprimée, si la fixation des redevances, le suivi de la production, le recouvrement et le partage des recettes étaient basés sur des approches participatives, associant les communautés rurales dont les terres ont été mises hors production (réserves) ou dont les ressources forestières sont utilisées par les gouvernements, comme source de revenu.

 

Impact du régime fiscal forestier sur l’aménagement durable des forêts

Dans le cadre des régimes fiscaux forestiers et des systèmes de licences employés au Nigeria, les mesures visant à promouvoir l’aménagement durable des forêts sont les suivantes :

    1. Versement de redevances aux propriétaires des terres ;

    2. Obligation de remplacer chaque arbre abattu par une plantule ;

    3. Prohibition de revenir dans les concessions après la coupe ;

    4. Fixation de circonférences limites pour l’abattage des arbres ;

    5. Commencement de la coupe immédiatement après que les surfaces de forêt aient été déclarées exploitables (éviter que les opérations ne soient retardées pour des raisons administratives),

    6. Interdiction de tuer des femelles pleines ou des bébés animaux et de prélever des œufs;

    7. Utilisation de marteaux (imprimant des numéros de série sur les grumes) pour contrôler le suivi et s’assurer que les règles d’exploitation ont été respectées.

Toutefois, comme les redevances sont très inférieures à la valeur des produits forestiers sur le marché, le régime fiscal finit par se retourner contre lui-même. Il a favorisé une augmentation spectaculaire du nombre d’entrepreneurs forestiers, en raison des revenus énormes que peut procurer le secteur. Ainsi, la fixation de redevances beaucoup trop basses a encouragé une expansion de l’exploitation des forêts incompatible avec le niveau de rendement constant.

Le problème du régime fiscal forestier au Nigeria tient essentiellement au fait que les mécanismes du marché ne jouent pas. Le montant des redevances forestières est déterminé par le gouvernement, au lieu d’être basé sur le jeu de l’offre et de la demande. Ainsi, comme les mécanismes du marché ne sont pas utilisés pour fixer des taux de droits appropriés, les redevances sur l’exploitation des forêts ne se traduisent pas par des prix propres à équilibrer la demande de bois avec un niveau durable de l’offre.

Un autre problème concerne le partage des recettes forestières. Théoriquement, le gouvernement devrait partager un certain pourcentage des recettes ne provenant pas des réserves forestières avec les communautés locales (25 à 40 pour cent dans les zones de savane et 30 à 35 % dans les zones de forêt principale), mais dans la pratique, les parties prenantes ne reçoivent rien.

De plus, dans la plupart des Etats, au lieu d’être administrées par une Commission des forêts indépendante, les recettes forestières sont versées sur le fonds de recettes consolidées du gouvernement. Or, cet argent est rarement mis à la disposition du secteur aux fins de l’aménagement et du développement des forêts.

L’absence d’un régime fiscal forestier unifié pour tout le pays peut aussi être un problème. Par exemple, l’écart considérable des redevances applicables aux produits forestiers, d’un Etat à l’autre, pourrait se traduire par une répartition inéquitable des taxes et des subventions accordées au secteur forestier, dans le pays.

Compte tenu des taux actuels des redevances forestières et des niveaux des recettes perçues dans le secteur, il n’est pas du tout certain que le régime fiscal forestier favorise l’aménagement durable des forêts au Nigeria. En effet les deux principaux effets de la fiscalité sur l’aménagement des forêts sont la surexploitation de la ressource et le manque de coopération entre les services forestiers et les communautés rurales, qui ne sont associées ni au recouvrement des recettes, ni au suivi ni au partage des avantages.

Pour s’assurer la coopération des communautés rurales au recouvrement des recettes forestières, il faudrait leur permettre de prendre part à la détermination des redevances, au recouvrement et au partage des recettes. En outre, les principaux utilisateurs des forêts devraient être obligés, non seulement de payer des redevances pour exploiter la ressource, mais aussi d’investir dans l’aménagement et la régénération des forêts. Enfin, toutes les parties prenantes devraient être encouragées à participer activement à tous les aspects de la gestion des forêts et le développement du secteur ne devrait pas être considéré comme relevant de la seule responsabilité du gouvernement.

 

Dépenses publiques en matière d’aménagement des forêts

Comme on l’a déjà signalé, au Nigeria l’aménagement des forêts est sous la responsabilité des gouvernements des Etats et de l’Autorité du Territoire de la capitale fédérale. Le rôle du gouvernement fédéral consiste principalement à coordonner les politiques et à acheminer l’argent versé dans certains fonds vers les services forestiers des Etats. Malheureusement, au cours de la dernière décennie, les flux de capitaux des budgets des Etats vers le secteur forestier ont été de l’ordre de zéro à moins de deux pour cent du budget total des investissements agricoles.

Le Tableau 23 présente une analyse des budgets prévisionnels des dépenses d’investissement relatives à l’aménagement des forêts, à répartir entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des Etats, durant la dernière décennie. Les chiffres du tableau ne disent rien sur le montant des investissements effectivement réalisés par le gouvernement dans ce domaine, mais ils donnent une estimation des dépenses d’investissement qui seraient nécessaires pour réaliser les objectifs de l’aménagement durable des forêts dans le secteur.

Tableau 23 Budgets prévisionnels indicatifs des dépenses d’investissement dans le secteur forestier, au Nigeria, pour la période 1990-2000

Activités forestières

Budget prévisionnel total

(en millions de N)

(en %)

Boisement

1,002

47.6

Gestion de la faune sauvage

424

20.2

Conservation in situ des ressources forestières et protection

404

19.2

Renforcement des capacités

210

10.0

Recherche

63

3.0

Total

2,103

100.0

Sources: Département forestier fédéral (1995 et 1999).

En matière d’aménagement durable des forêts, le principal souci du gouvernement est de remettre en état les forêts dégradées par le développement agricole, la surexploitation et la création d’infrastructures. Les pouvoirs publics sont en effets conscients du fait que, si la ressource forestière n’est pas préservée, la majorité des réserves forestières du pays finiront par devenir des " parcs de papier ". Le service forestier s’occupe donc avant tout de boisement, activité qui absorbe une grande partie (47,6 pour cent) des dépenses envisagées.

La gestion de la faune sauvage représente environ 20,2 pour cent des dépenses d’investissement proposées. Ces fonds sont utilisés pour la création et l’entretien de zones de conservation ex situ (jardins zoologiques et centres de sauvetage), et pour des activités de protection. La conservation in situ représente quant à elle 10,2 pour cent du budget prévisionnel et couvre la protection du domaine forestier ainsi que les opérations d’aménagement et de planification, dans les réserves forestières. Le renforcement des capacités représente 10 pour cent du budget prévisionnel.

La recherche est la composante la plus faible du budget d’investissement prévisionnel (3 pour cent). Au Nigeria, la recherche forestière se fait à deux niveaux : à l’institut nigerian de recherche forestière, qui effectue les recherches en rapport avec le développement durable de la ressource forestière et dans les instituts d’enseignement supérieur (polytechnique et universités) du pays. Malheureusement, les financements alloués au secteur forestier sont si bas que les résultats de ces recherches sont pour l’instant le plus souvent insignifiants.

Les difficultés de financement des diverses institutions gouvernementales compétentes en matière d’aménagement forestier sont dues aux facteurs suivants :

    1. Les hommes politiques et les décideurs ne sont pas conscients de l’importance de la foresterie pour le développement du pays. Le montant des crédits à allouer au secteur est ordinairement déterminé sur la base d’une comparaison avec l’agriculture, en termes de contribution au PIB. Malheureusement, la plupart des produits des forêts (autres que le bois) sont exclus de ces calculs, de sorte que le secteur forestier paraît jouer un rôle insignifiant dans l’économie.

    2. Le financement insuffisant et le retard ou l’absence de déblocage des crédits budgétaires convenus pour le secteur.

    3. Le désintérêt du secteur privé : l’aménagement des forêts est considéré comme l’affaire du gouvernement, ce qui n’incite pas le secteur privé à investir pour développer le secteur.

    4. L’absence de volonté politique du gouvernement, qui ne se préoccupe pas de soutenir le développement du secteur forestier.

Plusieurs options sont possibles pour améliorer le financement public de l’aménagement des forêts:

  1. Les administrateurs des forêts devraient intervenir activement dans des questions intersectorielles qui ont une incidence sur le développement du secteur forestier. Par exemple, si la contribution des forêts aux approvisionnements en énergie domestique du pays est reconnue comme significative, le financement des programmes énergétiques devrait être examiné en tenant compte, non seulement du secteur pétrolier, mais aussi du sous-secteur des forêts.

  2. Les administrateurs des forêts devraient sensibiliser les législateurs, les membres du pouvoir exécutif et le grand public au rôle de la foresterie dans la stabilité de l’environnement et le bien-être socio-économique des populations.

  3. Les principaux utilisateurs des produits forestiers devraient être encouragés à investir dans l’aménagement des forêts.

  4. Le gouvernement devrait continuer à mobiliser une aide extérieure pour des secteurs spécifiques de l’aménagement des forêts. Les dons et les prêts déjà obtenus en faveur du développement du secteur forestier ont eu un impact positif significatif dans des secteurs comme la conservation de la faune sauvage, le renforcement des capacités et le développement des infrastructures forestières.

  5. Les recettes provenant des forêts devraient être mises à disposition pour l’aménagement des forêts.

 

Les effets des autres politiques fiscales sur l’aménagement durable des forêts

Les autres politiques fiscales qui ont une incidence sur l’aménagement durable des forêts se sont caractérisées par leur instabilité et leur fréquents remaniements. Les cadres de politique et les stratégies qui ont été définis pour atteindre les objectifs ont très rarement été ancrés dans les valeurs et les objectifs fondamentaux de la société nigériane ou largement acceptés par la population. Les politiques passées qui ont eu un impact sur le secteur forestier ont découlé dans une large mesure de l’agitation qui a régné durant les trois dernières décennies.

Dans le passé, les fréquentes modifications des politiques fiscales et budgétaires ont dans une large mesure été la conséquence de changements de gouvernement, pour la plupart peu favorables au secteur forestier. Par exemple, entre 1973 et 1985, les politiques budgétaires étaient caractérisées par un taux d’expansion relativement stable et un niveau élevé des dépenses dans le secteur agricole. Mais entre 1986 et 1988, un programme d’ajustement structurel s’est traduit par une politique d’austérité, visant à réduire les déficits budgétaires et à réorienter les dépenses d’investissement et le crédit vers l’agriculture, le développement rural et la transformation. Durant la période 1989-1992, cette discipline budgétaire s’est relâchée et des déficits considérables ont commencé à s’accumuler à un rythme croissant. Ces revirements politiques ont mis le secteur forestier à rude épreuve.

Les principales politiques fiscales extra-sectorielles qui ont une influence sur le secteur forestier ont trait à la sécurité alimentaire, aux approvisionnements en énergie domestique, au logement, au commerce, et au développement industriel, et chacune a eu un impact différent sur la durabilité de l’aménagement des forêts.

Politiques fiscales visant à soutenir la sécurité alimentaire

Ces politiques ont principalement soutenu la production alimentaire, par des prix élevés et par une extension des cultures sur des terres forestières. Or, les prix élevés des denrées ont obligé les communautés rurales à devenir trop dépendantes des forêts naturelles pour leur subsistance. Premièrement, les membres des communautés rurales économiquement tributaires des forêts, les ont exploité de manière plus intensive, notamment pour obtenir des produits mineurs, afin d’accroître leurs revenus. Deuxièmement, les individus trop pauvres pour pratiquer l’élevage ont été pratiquement contraints de chasser et de pêcher à l’intérieur des domaines forestiers, pour assurer leur consommation de protéines animales. Troisièmement, la multiplication des mauvaises pratiques d’exploitation des produits forestiers non ligneux, à des fins alimentaires, a nui a la conservation de la diversité biologique.

La brusque poussée des prix des produits alimentaires a aussi incité les petits paysans à développer leurs exploitations agricoles. Or, comme plus de 95 pour cent des approvisionnements alimentaires proviennent de petites exploitations, l’expansion de l’agriculture artisanale basée sur des méthodes traditionnelles (ex : agriculture itinérante) s’est faite au détriment de la forêt naturelle. Ainsi la superficie totale de terres cultivées a été en expansion continue : 8,9 millions d’hectares en 1957, 9,1 millions d’hectares en 1960, 21,8 millions d’hectares en 1970, et 59, 9 millions d’hectares en 1995 (Federal Office of Statistics (1972), mise à jour avec des données plus récentes).

Par suite de l’expansion de la superficie de terres consacrées à la production agricole, environ 2,4 pour cent des réserves forestières officielles du pays ont disparu. Pourtant, la demande intérieure de produits forestiers n’a fait qu’augmenter et reste supérieure à l’offre. Un proportion importante des forêts communautaires ayant une valeur culturelle (ex : bois sacrés) et la majorité des sites de conservation in situ situés en dehors des réserves forestières du gouvernement, ont par exemple été défrichées en raison des prix élevés des produits alimentaires. Le Projet de développement agricole et l’Autorité nationale pour le développement agricole soutiennent aussi la production alimentaire, par une expansion des surfaces cultivées.

Politiques budgétaires dans le secteur de l’énergie

Les efforts déployés par le gouvernement pour intégrer l’offre de bois de feu dans le secteur de l’énergie ont aussi été une cause majeure de la dégradation des forêts et de perte de biodiversité. Le Nigeria est fortement tributaire du bois pour ses approvisionnements en énergie domestique, car les ménages utilisent traditionnellement le bois comme combustible. Le bois de feu représente 80 pour cent de la consommation d’énergie domestique, soit plus de 109 millions de mètres cubes de bois par an (Cleaver et Schreiber, 1994).

En zone urbaine comme en zone rurale, le principal substitut du bois de feu est le kérosène, qui reste toutefois hors de la portée des pauvres, en raison de son prix volatile et élevé, de problèmes de distribution et de pénuries locales. Ceci se traduit par une dépendance croissante à l’égard de la forêt naturelle pour les approvisionnements en énergie domestique. L’exploitation massive des forêts pour l’approvisionnement en bois de feu contribue à la dégradation de l’environnement, à l’érosion du sol, à la désertification et à la perte croissante de la biodiversité et d’habitats naturels à l’intérieur des réserves créées par le gouvernement.

En intégrant mieux les approvisionnements en bois de feu dans le secteur de l’énergie, la production extensive de bois de feu issu des plantations forestières pourrait satisfaire les besoins en énergie domestique en zone rurale, sans accroître la pression sur la forêt naturelle.

Les politiques fiscales dans le secteur du logement

Le Gouvernement nigérian s’est fixé pour objectif de donner à chacun un logement d’ici 2005. Ceci a encouragé la surexploitation des forêts pour fournir au secteur du logement les produits des forêts et de la terre nécessaires à son expansion. Comme le secteur du logement couvre 98 pour cent de ses besoins en bois (toitures, huisseries, volets, mobilier etc…), avec les ressources des forêts du pays, les volumes de bois prélevés ont dépassé les possibilités de coupe annuelles et compromis les activités proposées dans les plans d’aménagement pour régénérer et préserver les forêts.

Politiques commerciales et industrielles

Au Nigeria, la politique relative au commerce des produits forestiers est instable depuis les années 80. En 1985, le gouvernement a interdit les exportations de bois ronds, pour lever la prohibition en 1986. En 1995, la demande de perches de Teck était forte sur les marchés internationaux, ce qui a conduit les entrepreneurs à exploiter massivement les plantations de Teck, car ils pouvaient exporter le bois à un bon prix.

Craignant les effets négatifs des exportations massives de Teck sur l’environnement, le gouvernement a à nouveau sévèrement interdit ces exportations en 1997. Toutefois, la réintroduction de la prohibition s’est traduite par le rejet (en mer) de bois de teck prisé qui avait déjà été coupé. Vu le faible niveau des redevances sur le bois, qui étaient inférieures au coût de production dans les plantations forestières, et de toutes façons versées sur les comptes consolidés des Etats, les exportations de bois d’œuvre n’ont rien rapporté au secteur forestier.

Soucieux d’améliorer le niveau de vie de la population, le gouvernement a été amené à développer les infrastructures de transport et à promouvoir la croissance industrielle. Ces politiques se sont traduites par la construction de nouvelles routes, l’expansion du réseau routier existant et la création d’industries pour fournir des emplois à la population en augmentation. Ces activités ont accru la demande de terres, ce qui a compromis l’aménagement des forêts.

Politiques environnementales

La création de huit parcs nationaux dans le pays (Old Oyo, Yankari, Bassin du Tchad, lac de Kainji, Cross River, Gashaka-Gumti, Okomu et Kamuku), a obligé le gouvernement à accorder un soutien financier accru à des activités d’ aménagement durable des forêts ne relevant pas du secteur forestier. Par exemple, entre 1992 et 1999, le budget d’investissement dans les parcs nationaux était supérieur d’environ 60 pour cent aux sommes mises à disposition pour d’autres projets forestiers, au cours de la même période.

L’établissement du Ministère fédéral de l’environnement a aussi élargi le champ d’application de l’aménagement forestier durable. Par exemple, trois départements (forêts, conservation de l’environnement et lutte contre la sécheresse et la désertification) s’occupent à présent ensemble de questions en rapport avec l’aménagement forestier durable, comme la régénération des forêts, la conservation de la diversité biologique et la conservation des sols. Ainsi, en plus des activités spécifiques que mène le gouvernement dans le secteur forestier, davantage de fonds sont aujourd’hui mis à la disposition du secteur, dans le cadre des activités d’autres secteurs.

 

Attitude face au changement

Arrangements politiques et institutionnels généraux

Soucieux d’enrayer les processus de désertification rapide des zones semi-arides, d’érosion du sol, de déforestation généralisée, de pollution de l’environnement ainsi que la perte progressive de la biodiversité, le Président du Nigeria a chargé le Département forestier fédéral d’entreprendre sans attendre un programme énergique de remise en état de l’environnement. La directive, publiée en 1999, précisait quels devaient être les principaux axes des initiatives de développement forestier:

    1. élaboration de programmes forestiers pour chaque zone écologique ;

    2. création de réserves forestières dans chaque zone sous administration locale du pays ;

    3. mise en place d’un programme de développement rural et d’aménagement des terres arides aux fins de la conservation des forêts et de la faune sauvage;

    4. examen complet de la politique forestière nationale.

La création du Ministère fédéral de l’environnement, doté de trois départements techniques responsables de problèmes spécifiques (désertification, dégradation de l’environnement, aménagement et conservation des forêts), montre l’importance qu’accorde le gouvernement fédéral au secteur forestier. L’aménagement forestier a été réorienté vers l’examen de la politique nationale forestière, l’introduction d’une législation nationale sur les forêts et la faune sauvage, l’examen de la législation forestière des Etats, la formation et le recyclage en matière d’aménagement des forêts, le développement de la recherche forestière, la formation et le recyclage de techniciens forestiers et l’amélioration des ressources forestières et des centres de soutien nationaux.

L’administration actuelle s’intéresse de très près au développement du secteur forestier, qu’elle a classé en tête de ses priorités. Le principal souci du gouvernement est de préserver l’environnement grâce à des programmes de boisement, à la fois pour lutter contre l’avancée du désert et l’érosion du sol, et pour que les forêts continuent à fournir des biens et des services à l’économie.

Questions intersectorielles

Le gouvernement a toutefois tendance à prescrire des solutions sans chercher à analyser les causes des problèmes. C’est ainsi que ses actions ne sont pas basées sur une approche participative et semblent occulter les causes profondes qui entravent la croissance du secteur forestier.

Au Nigeria, beaucoup de problèmes affectant le secteur forestier, ne peuvent être résolus que par des politiques concernant d’autres secteurs. Par exemple, même si toutes les terres publiques classées comme réserves étaient plantées en forêts et exploitées de manière intensive, leurs rendements en bois et en produits non ligneux ne seraient pas suffisants pour faire vivre la population qui s’accroît. Ainsi, pour résoudre ce problème, il faut premièrement, que le gouvernement crée de nouvelles réserves forestières et remette en état celles qui existent déjà. L’objectif de convertir 25 pour cent de la superficie totale de terres du pays en réserves forestières est crucial à cet égard. Deuxièmement, les activités des programmes forestiers doivent être étendues au-delà des limites des réserves forestières. Il est important d’introduire des arbres cultivés dans les fermes pour accroître la base de ressources nécessaire à la production de bois et de produits forestiers non ligneux et pour créer de nouveaux habitats pour les petits animaux (oiseaux, rongeurs et reptiles).

Le gouvernement devrait aussi se pencher sur les problèmes que pose l’accroissement d’une population tributaire des forêts pour sa subsistance, et tenter de le résoudre en introduisant, par le biais d’une réforme des politiques, des programmes qui atténueront la pression sur les forêts pour l’approvisionnement en biens et services. Ces programmes devraient fournir à la population d’autres sources d’énergie domestique et garantir aux communautés rurales et urbaines un accès équitable et à des prix abordables au kérosène, tout en améliorant la distribution de ce produit. Le go uvernement devrait faire en sorte de sensibiliser les populations afin qu’elles acceptent et adoptent d’autres modes d’utilisation des terres, pour réduire leur dépendance à l’égard des forêts.

L’agriculture est le premier mode d’utilisation des terres au Nigeria, avec environ 59, 9 millions d’hectares, ou 64 pour cent de la superficie totale des terres du pays. L’agriculture constitue donc la principale menace pour le développement forestier. Toutefois, le Nigeria n’a probablement pas besoin de 59, 9 millions d’hectares de terres agricoles pour nourrir 120 millions de personnes. Si la production agricole supérieure n’est pas intensifiée à un rythme supérieur à celui de la croissance de la population, il sera impossible d’éviter que l’agriculture ne continue à grignoter les réserves forestières du pays, et le Nigeria sera confronté à l’insécurité alimentaire, même si toutes les terres restantes sont mises en culture (Cleaver et Schreiber, 1994).

Pour que le secteur forestier progresse, le gouvernement devrait réexaminer la politique du secteur, et celle d’autres secteurs qui ont une incidence sur son développement. Un projet de loi nationale sur les forêts (à soumettre à l’examen de l’Assemblée nationale), vient d’être déposé et pourrait influencer l’attitude du gouvernement si elle est votée et mise en œuvre dans de bonnes conditions. Toutefois les services forestiers des Etats, responsables dans une large mesure du développement forestier, ne semblent pas comprendre comment améliorer les performances économiques, sociales et environnementales du secteur. Le principe hérité du régime militaire de 1979 à 1999, à savoir que les forêts sont une ressource qui se régénère naturellement et dont les biens et services peuvent être exploités sans qu’il soit nécessaire de réinvestir, semble avoir la vie dure, mais le gouvernement s’efforce d’améliorer cette situation.

Mettre en œuvre le changement dans un système décentralisé

En matière de développement forestier, le gouvernement fédéral a essentiellement un rôle de conseil. Les barèmes des redevances forestières qui ne reflètent pas les conditions économiques qui prévalent depuis plusieurs années, risquent de rester bas pendant un certain temps, car chaque Etat exerce sa prérogative de décider de son propre régime fiscal forestier. En outre, dans les Etats du Nord, il est difficile de réviser la fiscalité forestière car les statuts prévoient que les gouvernements locaux interviennent dans l’administration et le recouvrement des recettes du secteur.

Les gouvernements des Etats n’ont pas été en mesure de fournir les fonds nécessaires au secteur, ce qui explique le manque de dynamisme des activités dans tous les Etats, sauf dans ceux qui avaient des projets financés par des ressources extérieures. Le personnel des services forestiers des Etats n’est pas motivé, l’équipement de terrain et les vêtements de protection ne sont pas fournis et les indemnités ne sont pas payées.

La politique forestière en vigueur doit aussi être revue pour associer les communautés aux décisions concernant l’aménagement, le partage des recettes provenant des forêts naturelles, le développement des forêts privées et la réglementation de l’exploitation dans les réserves forestières. Dans le cadre de ce processus, les responsables des politiques forestières doivent tenir compte des droits de jouissance traditionnels des communautés dans les zones forestières, lorsqu’ils examinent les modèles d’utilisation des forêts et de partage des bénéfices.

Remaniements du régime fiscal

Le régime fiscal forestier se caractérise par une très grande hétérogénéité entre les Etats et à l’intérieur d’un même Etat. Une révision s’impose pour améliorer la base de recettes. Toutefois une politique de prix différenciée devrait être introduite pour protéger les pauvres qui sont tributaires des produits forestiers non ligneux pour leur subsistance et pour protéger des essences forestières gravement menacées (Département forestier fédéral, 1995). Les droits de coupe et les redevances VBA devraient refléter plus fidèlement les prix du bois rond sur le marché et les redevances par unité de surface devraient être basées sur le matériel sur pied et sur la superficie de terre.

Les recettes forestières représentent un enjeu pour le gouvernement (gouvernements des Etats et administrations locales) et pour les communautés locales, qui ont un droit de jouissance coutumier sur les terres qui procurent les recettes. Les recettes sont distribuées aux administrations locales sur la base de la formule de partage des recettes appliquée dans l’Etat. Cette part va de 20 pour cent dans la zone de forêt ombrophile, à 40 pour cent dans les zones de savane. Les communautés rurales reçoivent quant à elles entre 20 et 25 pour cent des recettes. Le bien-fondé des formules de partage existantes ne peut être déterminé que si les parties prenantes sont pleinement associées au processus décisionnel.

Les produits forestiers du pays sont fortement sous-évalués sur le marché intérieur. Ceci s’explique en partie par la forte variabilité des redevances forestières, qui tient au fait que chaque Etat est indépendant et libre de fixer ses propres tarifs forestiers. A qualité et quantité égale, les utilisateurs paient donc des prix très différents, suivant les Etats, même si ceux-ci ont une frontière commune. Le prix du bois d’œuvre sur le marché est sans rapport avec les redevances forestières ou avec le coût de régénération de la forêt (Département forestier fédéral, 1995). Dans de telles conditions, toute tentative d’encourager la plantation d’arbres est vouée à l’échec. C’est pourquoi il faudrait concevoir une politique appropriée pour déterminer les redevances ou les taxes forestières, afin de garantir une utilisation durable à long terme des produits forestiers. A court terme, on ne peut guère faire plus que de lancer une campagne de sensibilisation, pour montrer aux populations où mène la fixation de redevances forestières exagérément faibles (déforestation et dégradation des terres).

Comme la majorité des produits forestiers qui arrivent sur le marché intérieur échappent au paiement de toute redevance (augmentation des activités illicites), les prix pratiqués sur le marché intérieur ne reflètent pas leur valeur réelle, et encore moins les coûts et les avantages environnementaux et sociaux plus généraux associés à leur production. Cette situation favorise les gaspillages, l’inefficacité au stade de la production et de la consommation, et dissuade les entrepreneurs privés de cultiver des arbres pour leur consommation personnelle ou à des fins commerciales. Ainsi, l’écart considérable entre les régimes fiscaux et les règlements forestiers des différents Etats nuit aux investissements dans le secteur. Voici quelques propositions pour résoudre ce problème :

  1. Le gouvernement devrait lever toute forme de restriction à l’exportation du bois;

  2. Les régimes fiscaux forestiers devraient être révisés, sur la base d’une étude nationale des recettes forestières, de directives globales sur l’aménagement des forêts et d’une base de données complète et détaillée sur les coûts d’établissement et d’aménagement des forêts ;

  3. Le gouvernement devrait associer toutes les parties prenantes à la formulation des régimes fiscaux forestiers, au recouvrement et au partage des recettes.

 

 

 

 

 

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