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CHAPITRE VI. INDE1

I. INTRODUCTION

L'agriculture indienne a subi une transformation remarquable au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle. Parallèlement au développement de l'économie, la part de l'agriculture dans le PIB n'a cessé de diminuer, passant d'environ 55 pour cent au début des années 50 à environ 25 pour cent à la fin des années 90. Toutefois, la part de main d'_uvre employée dans ce secteur n'a pas varié. Environ 70 pour cent des ménages ruraux et 8 pour cent des ménages urbains travaillent encore pour l'essentiel dans l'agriculture. Comme environ les trois-quarts de la population vit dans des zones rurales, la majorité des ménages indiens dépend principalement de ce secteur.

L'Inde a également effectué avec succès une série de révolutions agricoles: révolution "verte" pour le blé et le riz dans les années 70; révolution "blanche" pour le lait dans les années 80; et révolution "jaune" pour les oléagineux. Elle est ainsi parvenue à l'auto-suffisance pour la plupart des denrées de base, en net contraste avec les années précédentes où les déficits alimentaires étaient chroniques. Malgré ces transformations radicales, le secteur agricole est encore dominé par un grand nombre de petits propriétaires et caractérisé par de fortes fluctuations de la production, bien que ce phénomène soit en recul du fait du développement des installations d'irrigation, de l'adoption de nouvelles technologies et des modifications qui ont été apportées aux assolements.

L'Inde ne négocie pas d'importantes quantités de produits agricoles sur les marchés mondiaux. Les importations et les exportations agricoles étaient respectivement de l'ordre de 1,6 et de 6,4 milliards de dollars E.-U. en 1997-98 et représentaient 4,1 et 18,8 pour cent des importations et des exportations totales. Jusqu'en 1991, l'Inde a suivi une stratégie de développement tournée vers l'intérieur, le régime des échanges étant caractérisé par des restrictions quantitatives, l'octroi de brevets et des droits de douane élevés. De ce fait les marchés internes étaient pratiquement étanches aux modifications des cours mondiaux. Les pouvoirs publics sont intervenus de manière décisive sur les marchés des produits et des intrants, par le biais des programmes de soutien des prix appuyés par des marchés publics et des subventions aux intrants. Ces interventions ont entraîné une taxation nette du secteur agricole, alors que le secteur non agricole a bénéficié d'une protection. La valeur de la taxation totale du secteur devrait selon les estimations correspondre à 29 pour cent de la valeur de la production agricole pour la période 1971-85, à 18 pour cent pour la période 1986-91, mais seulement à 9 pour cent pour la période 1992-95.2

L'Inde a connu une libéralisation importante des échanges, à partir de 1991. Au début l'accent était mis sur les objets manufacturés y compris les biens d'équipement. La libéralisation a été étendue à l'agriculture en 1994, date à laquelle les autorités ont supprimé un certain nombre de restrictions sur les importations et les exportations, simplifié les mesures d'échanges et réduit les interventions publiques sur les marchés internes.

II. BILAN DE LA MISE EN PLACE DE L'ACCORD SUR L'AGRICULTURE

2.1 Accès aux marchés

Dans l'Uruguay Round, l'Inde a consolidé 81 pour cent de tous les droits de douane du secteur agricole, à deux niveaux (34 pour cent des lignes tarifaires à 150 pour cent et 47 pour cent à 100 pour cent). Quatre pour cent des lignes tarifaires étaient consolidées à 350 pour cent et 15 autres à moins de 100 pour cent, y compris les taux consolidés pour 11 lignes. Les consolidations nulles pour des produits comme le riz, le maïs, le mil, les prunes, les raisins frais et le lait sec écrémé, ont été engagées dans les cycles précédents du GATT.3 La moyenne arithmétique pour approximativement 600 lignes tarifaires était de 116 pour cent. Tous les droits étaient ad valorem, il n'y avait donc pas de droits spécifiques.

L'Inde a aussi maintenu des restrictions quantitatives sous la forme d'interdictions des importations, de licences d'importations ou d'importations canalisées pour environ 43 pour cent des lignes tarifaires agricoles (606 sur un total de 1 398). Pour 262 de ces produits, les restrictions étaient dues à des motifs de sécurité, ou religieux ou concernaient l'environnement; pour les autres, ce sont les dérogations liées à la balance des paiements, conformément à l'article XVIII.B du GATT qui était invoquée.

Il n'existait pas d'autres engagements pour l'accès aux marchés (e.g. des contingents tarifaires) car l'Inde a préféré choisir les consolidations à un taux plafond plutôt que la tarification. Ainsi l'Inde ne peut pas invoquer en sa faveur des dispositions spéciales de sauvegarde, au titre de l'Accord sur l'agriculture.

A part les restrictions quantitatives maintenues sur la base de la balance des paiements, l'Inde n'a pas eu de problèmes particuliers à respecter ses engagements tarifaires. Cela était dû principalement à la série de réformes sur les échanges qui ont été engagées unilatéralement en 1994 (dans le cadre du processus qui a débuté en 1991). Par exemple, les contrôles sur les importations de sucre et de coton ont été supprimés en 1994 et les importations de palmoleine ont été autorisées au titre de la licence générale à vue, assortie de droits d'importation à 65 pour cent. Par la suite, en 1995, presque toutes les huiles alimentaires (à l'exception de l'huile de coco) ont été soumises à la licence générale à vue, le droit d'importation étant de 30 pour cent. Les droits sur les huiles alimentaires ont été encore réduits en 1998. Les importations de beurre liquide et de lait en poudre écrémé ont été dispensés de canalisation et de formalités pour l'octroi de licences.

L'écart qui existe entre les taux consolidés et les taux effectivement appliqués est un indice des difficultés plus ou moins grandes liées au nouveau régime des échanges. Comme dans nombre d'autres pays en développement, les taux effectivement appliqués qui sont considérablement inférieurs aux taux consolidés, atteignaient en moyenne 26 pour cent en 1997/98, la moyenne des taux consolidés étant de 116 pour cent. D'après les résultats d'une étude, les taux NPF effectivement appliqués actuellement4 sur 556 (83 pour cent) des 673 lignes tarifaires agricoles au niveau du SH à 6 chiffres, sont inférieurs de moitié au moins aux taux consolidés (tableau 1). Par exemple, le taux consolidé pour le blé est de 100 pour cent mais les minoteries sont autorisées à importer du blé en franchise de droits, sous licence. De même, il ne faut acquitter aucun droit pour les légumes secs, assortis d'un taux consolidé de 100 pour cent, qui par ailleurs ne sont soumis à aucune restriction quantitative. Les droits d'importations pour la plupart des huiles alimentaires sont consolidés à 300 pour cent, mais les taux appliqués ont varié de 15 à 30 pour cent, au cours des dernières années.

Tableau 1: Droits NPF effectivement appliqués: répartition en fonction de l'écart avec les taux consolidés

Taux effectivement appliqué (par rapport au taux consolidé) Nombre de lignes tarifaires1 Pourcentage du total
     
Inférieur de 75% ou davantage 401 59,6
Inférieur de 50 -74% 155 23,0
Inférieur de 25-49% 29 4,3
Inférieur de 10-25% 39 5,8
Inférieur, jusqu'à 10% 41 6,1
Au-dessus du taux consolidé 8 1,2
     
Total 673 100
1 Au niveau du SH à six chiffres.

Source: A. Gulati, R. Mehta and S. Narayanan, "From Marrakesh to Seattle: Indian Agriculture in a Globalising World", Economic and Political Weekly, 34(41).

Cependant cela n'a pas été aussi simple dans tous les cas. Parfois, les taux effectivement appliqués ont dépassé les taux consolidés; l'Inde a aussi été bloquée à des consolidations tarifaires égales à zéro, pour certains produits, découlant de cycles précédents, comme susmentionné. A part le fait que les consolidations sont très faibles (zéro), elles s'appliquent à des produits alimentaires sensibles. L'Inde a engagé des négociations avec les membres de l'OMC pour porter ces consolidations à des niveaux comparables à d'autres produits. Enfin, il a fallu affronter d'importantes difficultés au sein de l'OMC sur la question des restrictions quantitatives maintenues pour des raisons liées à la base de la balance des paiements, comme cela est décrit ci-après. Les restrictions concernant des questions de sécurité, de religion et d'environnement n'ont pas été remises en question.

L'Inde avait au départ prévu d'éliminer les restrictions quantitatives sur une période de neuf ans, mais cela a soulevé les objections d'un certain nombre de membres de l'OMC. A la suite de négociations, elle a accepté d'y parvenir d'ici 2003. Cette proposition a été acceptée par tous les pays, à l'exception des Etats-Unis qui ont introduit un différend contre l'Inde. L'Organe de règlement des différends de l'OMC (ORD) a pris une décision contre l'Inde en septembre 1999. L'Inde a commencé à supprimer les restrictions quantitatives de manière unilatérale, en attendant la conclusion des négociations avec les Etats-Unis. En décembre 1999, elle est parvenue à un accord sur une date butoir pour supprimer le restant des restrictions quantitatives, fixée 18 mois après la date de l'adoption du rapport de l'ORD, soit avril 2001. Entre temps, dans le budget présenté au Parlement en février 2000, le gouvernement a renouvelé son intention de supprimer les restrictions quantitatives pour 714 lignes tarifaires (y compris les produits non agricoles), à partir d'avril 2000.

Nombreux étaient ceux qui craignaient que la suppression des restrictions quantitatives puisse entraîner une augmentation des importations. La plupart des analystes estimaient toutefois que l'incidence serait limitée car les prix intérieurs étaient dans l'ensemble plus bas par rapport aux cours mondiaux, pour la plupart des produits agricoles. Pour l'instant cette incidence n'a pas encore été démontrée.

Enfin de compte, les résultats obtenus par l'Inde en matière de libéralisation des échanges n'ont pas été négatifs dans l'ensemble. La plupart des mesures de réforme ont été engagées unilatéralement dans le cadre d'un processus de réforme de toute l'économie qui a commencé en 1991, avant l'application des règles du Cycle d'Uruguay. Avec des taux effectivement appliqués considérablement inférieurs aux taux consolidés, on dispose d'une ample marge de man_uvre pour abaisser les taux consolidés, si cela devient nécessaire du fait des nouvelles négociations multilatérales.

2.2 Soutien interne

Dans le Cycle d'Uruguay, l'Inde a présenté en détail ses mesures de soutien interne pour la période de référence, qui couvre tous les principaux secteurs de soutien. L'Inde a également présenté en détail les mesures actuelles du soutien pour l'année commerciale 1995-96. Il en ressort que les dépenses relevant de la catégorie verte s'élevaient à 2 196 millions de dollars E.-U., soit en gros 3 pour cent de la valeur totale de la production agricole de cette année-là (tableau 2). Sur ces dépenses totales, une part de 71 pour cent concernait une seule rubrique (les stocks publics à des fins de sécurité alimentaire) 18 pour cent les services généraux (e-g- recherche, vulgarisation, formation etc.) et les 11 pour cent restants des postes divers. Aucune limitation n'est imposée à ces dépenses au titre de l'Accord sur l'agriculture.

Aux fins de la flexibilité des politiques internes, une importance primordiale est accordée à l'engagement concernant les MGS. En Inde, les MGS par produit, pour la période de référence (1986-1988) était négative (244 milliards de Rs, soit environ 22 pour cent de la valeur totale de la production agricole). Le soutien était négatif pour toutes les cultures à l'exception du tabac et de la canne à sucre. Pour 1995-96, également, le total des MGS par produits était négatif, et équivalait à 30 pour cent de la valeur de la production agricole (tableau 2).5

Les MGS autres que par produit pour la période de référence étaient positives (46 milliards de roupies, soit 4 pour cent de la valeur totale de la production agricole). Pour 1995-96, elles se montaient à 5 772 millions de roupies soit 7,5 pour cent de la valeur de la production. Sur les subventions totales, 42 pour cent concernaient l'électricité, 32 pour cent les engrais et 23 pour cent l'irrigation, alors que le crédit et les semences revêtaient peu d'importance.

Pour ce qui est du traitement spécial et différencié, la Liste originelle pour la période de base énumérait seulement certaines mesures de soutien sans indiquer les dépenses. La notification de 1995/96 faisait état de 254 millions de dollars E.-U. de dépenses soit 0,3 pour cent de la valeur de la production y compris les subventions pour les intrants (59 pour cent) et les subventions aux investissements (41 pour cent). Toutefois, l'Inde s'est réservée l'option de transférer au moins 80 pour cent des subventions pour les intrants, actuellement enregistrées dans les MGS à la catégorie du traitement spécial et différencié, en indiquant dans sa Liste qu'environ 80 pour cent des exploitations sont de petites exploitations.6 Si elle le fait, les dépenses totales de MGS autres que par produit devraient diminuer considérablement (e.g. de 5 772 millions de dollars E.-U. à 1 154 millions en 1995/96 ce qui donnerait une bien plus grande flexibilité pour augmenter les subventions pour les intrants.7

Tableau 2: Soutien octroyé à l'agriculture indienne pour 1995-96, conformément aux notifications faites à l'OMC 1

Mesures de soutien Dépenses pour 1995/96
  Valeur (millions de dollars E.-U.) En pourcentage de la valeur de la production agricole1
1. Catégorie verte

2. MGS par produit

3. MGS autre que par produit

4. Mesures de traitement spécial et différencié

5. Total MGS (2 + 3)

2 196

- 29 619

5 772

254

- 23 847

2,9

- 38,6

7,5

0,3

-31,0

1 Estimations de la FAO.

Source: OMC, document AG/N/IND/1, 17 juin 1998.

Cela est sans grand effet sur les grandes orientations. Le principal problème est d'assurer que les mesures de la catégorie verte puissent continuer à relever de cette catégorie. En particulier les mesures décrites comme "stocks publics à des fins de sécurité alimentaire" sont importantes car ce sont les dépenses les plus élevées de la catégorie verte. Compte tenu de la forte MGS négative par produit, il existe de grandes marges de man_uvre pour augmenter les dépenses de soutien, sous la forme du soutien des prix, pour diverses cultures. Par exemple, ces dépenses auraient pu être d'au moins 50 pour cent supérieures en 1995/96 (le pourcentage négatif de 39 pour cent, plus 10 pour cent pour atteindre le seuil de minimis). La flexibilité pour les MGS autres que par produit est plus réduite (e.g. en 1995/96, l'Inde aurait pu octroyer une subvention additionnelle équivalente, jusqu'à 2,5 pour cent seulement de la valeur de la production. Même dans ce cas, si les niveaux de soutien se révèlent consolidés, elle pourrait transférer 80 pour cent des subventions pour les intrants dans la catégorie TSD, permettant ainsi une plus grande flexibilité des MGS. Ainsi, dans l'ensemble, les règles de l'Accord sur l'agriculture et les engagements de l'Inde ont eu peu de conséquences directes dans ce domaine.

Cependant, il est important de penser à la position qui pourrait être prise à l'avenir dans le domaine de la flexibilité des orientations En outre, les mesures actuelles de soutien interne ont fait l'objet de débats au sein du Comité de l'agriculture de l'OMC, instance dans laquelle un certain nombre de questions doivent trouver une solution:

2.3 Concurrence à l'exportation

Dans le cycle d'Uruguay, l'Inde n'a notifié aucune subvention directe pour l'exportation des produits agricoles, au cours de la période de référence. Toutes les subventions qui existaient ont été éliminées depuis 1991, à la fois pour les produits agricoles et non agricoles. Bien qu'elle ne puisse donc pas à l'avenir octroyer de telles subventions, elle peut selon les dispositions de l'Accord sur l'agriculture concernant les pays en développement, fournir des subventions pour réduire le coût de la commercialisation des exportations et des transports à l'intérieur du pays, ainsi que le prix du fret pour la livraison des exportations. L'exercice de cette option n'a pas encore été réglementé, notamment pour les fleurs, les fruits et les légumes, mais l'Inde n'a notifié à l'OMC aucune de ces subventions.

Les autorités fournissent toutefois, des incitations destinées aux exportations agricoles par le biais de mesures telles que celles énumérées à l'Annexe I de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, (notamment l'exemption de l'impôt sur le revenu pour les profits découlant des exportations et des bonifications d'intérêt). Le budget annuel présenté au Parlement en février 2000,8 fait état de l'intention d'éliminer les exemptions de l'impôt sur le revenu en cinq ans à partir de l'exercice 2000/01. Les bonifications d'intérêt devraient compenser le coût plus élevé des emprunts à l'intérieur du pays, plutôt que sur les marchés mondiaux. Certains estiment que les bonifications d'intérêt devraient être autorisées pour les pays en développement pour autant que le taux subventionné n'est pas inférieur au LIBOR.9

Le contrôle des exportations et des taxes, a été pratiquement supprimé. En 1994, les contrôles des exportations ont été totalement éliminés pour le blé dur et partiellement pour les légumes. Les prix minimum pour les exportations de riz ordinaire et de riz basmati ont aussi été annulés. Les exportation de blé tendre ont été autorisées en petites quantités en 1995, mais l'interdiction a été réintroduite l'année successive (pour le blé en général et pour tous les produits à base de blé). Toutefois, l'objectif principal reste la suppression des limitations à l'exportation pour les produits agricoles.

III. BILAN DES ÉCHANGES ALIMENTAIRES ET AGRICOLES

3.1 Echanges agricoles

Les exportations agricoles totales se sont établies en moyenne à 2,3 milliards de dollars E.-U. de 1985 à 1987, ce qui est peu pour un secteur agricole relativement important. Les exportations ont augmenté de manière significative par la suite, atteignant plus que le double de 1996 à 1998 (5,7 milliards de dollars E.-U.). Les denrées vivrières représentaient en gros 51 pour cent de toutes les exportations agricoles au cours de la dernière période, contre 43 pour cent de 1985 à 1987. Parmi les produits alimentaires, les céréales ont pris de l'importance, puisqu'elles ont représenté 43 pour cent de toutes les exportations alimentaires de 1996 à 1998.

Tableau 3: Echanges agricoles de 1990 à 1994 et de 1995 à 1998 (valeur annuelle moyenne, en millions de dollars E.-U., et variations en pourcentage)

Période Exportations Importations Exportations nettes
1990-94 réelle (a)

1995-98 réelle (b)

1995-98 extrapolée (c)1

(b) - (a) 2

(b) - (c) 2

3 083

5 635

3 612

2 552 (83%)

2 023 (56%)

1 286

2 980

1 318

1 694 (132%)

1 662 (126%)

1 797

2 655

2 294

858 (48%)

361 (16%)

1 Valeur extrapolée basée sur la tendance 1985-1994.

2 Les chiffres entre parenthèse sont des variations en pourcentage par rapport à (a) et (c) respectivement.

Source: Elaboré à partir des données FAOSTAT. L'agriculture ne comprend ni les produits de la pêche ni ceux des forêts.

Pendant la décennie 1985-1994 les exportations agricoles n'ont cessé d'augmenter, quoique modestement (accroissement total de 43 pour cent). En 1995, on a enregistré une montée en flèche (70 pour cent) qui a porté les exportations à 5,5 milliards de dollars E.-U., niveau qui est resté pratiquement identique au cours des trois années successives (figure 1). Ainsi, les exportations agricoles pour la période 1995-1998 étaient en moyenne supérieures de 83 pour cent au niveau de la période 1990-94 et de 56 pour cent par rapport à la tendance (tableau 3). Les exportations alimentaires ont progressé beaucoup plus rapidement que les exportations des autres produits agricoles.

Figure 1: Echanges agricoles de 1985 à 1998, en millions de dollars E.-U. (en gras, les valeurs réelles; en fin, les tendances pour 1985-94, extrapolées jusqu'en 1998)

Source: FAOSTAT

Pour ce qui est des importations agricoles, les denrées vivrières occupent plus de 80 pour cent du total, et de ce fait la tendance des importations alimentaires (examinée ci-après) détermine celle des importations agricoles totales. Ces dernières, de 1995 à 1998, ont été de 132 pour cent supérieures au niveau obtenu de 1990 à 1994 et ont dépassé plus ou moins dans la même proportion le niveau de la tendance, qui est resté plat pour l'essentiel. L'Inde était donc un exportateur net de produits agricoles, les exportations nettes pour la période 1995-1998 étant de 48 pour cent supérieures (858 millions de dollars E.-U.) au niveau de 1990-94 mais dépassant de 16 pour cent seulement, la valeur de la tendance, du fait de la forte orientation à la hausse des exportations nettes.

Une analyse plus approfondie serait nécessaire pour cerner les produits ou les groupes de produits - y compris les denrées transformées et les produits agricoles - qui ont été les plus dynamiques dans les exportations après 1994. Ces renseignements sont essentiels pour pouvoir notamment négocier de meilleures conditions d'accès aux marchés dans le cadre des nouvelles négociations multilatérales sur l'agriculture. Il est clair par exemple, que les céréales ont permis d'amélioration considérablement les exportations agricoles de 1995 à 1998.10 Si au cours de cette période, la progression des exportations de céréales s'est effectuée seulement par rapport à la tendance de 1985-94, les autres éléments ne variant pas, les résultats des exportations sont ramenés à de justes proportions: la valeur des exportations agricoles nettes de 1995 à 1998, est donc seulement de 9 pour cent supérieure au niveau de la période 1990-94 (et non plus de 48 pour cent) et elle est de 16 pour cent inférieure à la tendance (elle était auparavant supérieure de 16 pour cent). Dans cette optique, on pourrait se demander si les très bons résultats obtenus par les exportations agricoles en 1995-98 n'étaient pas, tout compte fait, un phénomène éphémère, traduisant la flambée des cours mondiaux des céréales, en 1995-96.

Le tableau 4 indique la tendance des exportations (valeur, volume et prix) pour certains des principaux produits agricoles. Dans l'ensemble, le bilan est mitigé. Parmi les céréales, les exportations de riz de 1995 à 1998 ont été exceptionnelles, dépassant le niveau moyen de la période 1990-94 de 425 pour cent et le niveau de la tendance de 269 pour cent. Pour le riz les modalités d'accès aux marchés , sont complexes dans de nombreux pays importateurs depuis le Cycle d'Uruguay - ce qui donne une indication pour les perspectives concernant les exportations de riz indien, si d'autres réformes sont effectuées dans le nouveau cycle de négociations commerciales.

Pour les fruits et légumes, le bilan des exportations a été positif dans l'ensemble, des résultats particulièrement étonnants ayant été obtenus pour les fruits primeurs bien que le volume total des exportations soit négligeable pour un gros producteur de fruits comme l'Inde. Les exportations de fruits et de légumes transformés ont également été importantes, celles de la période 1995-98 dépassant le niveau de la période 1990-94 de 51 pour cent, mais de beaucoup moins le niveau de la tendance. Par ailleurs, les exportations de légumes ont diminué après 1994. Enfin on m'a pas enregistré de modifications pour la valeur des exportations de thé.

3.2 Echanges vivriers11

Au cours des 14 années allant de 1985 à 1998, l'Inde a été un importateur net de produits alimentaires pendant six ans (de 1985 à 1988, en 1994 et en 1997) et un exportateur net les autres années. Dans l'ensemble la tendance a été orientée vers des exportations nettes de produits vivriers: de 1985 à 1987 les importations nettes étaient en moyenne de 329 millions de dollars E.-U.; de 1990 à 1994 et de 1995 à 1998 les exportations nettes ont été en moyenne de 407 et de 567 millions de dollars E.-U., respectivement.

Bien que dans l'ensemble la tendance des exportations alimentaires au cours de la période 1985-94 ait été positive, le taux d'accroissement a été modeste (figure 2). Toutefois, on a enregistré un net changement en 1995, lorsque les exportations qui étaient de 1 500 millions de dollars E.-U. l'année précédente ont doublé et se sont établies à 3 100 dollars E.-U. Elles ont reculé quelque peu en 1996 et en 1997 mais ont poursuivi leur progression en 1998. La valeur moyenne des exportations de 1995 à 1998 a donc été de 128 pour cent supérieure au niveau de la période 1990-94 et de 87 pour cent à la valeur tendancielle (tableau 5).

Tableau 4: Exportations et valeur des unités d'exportation des principaux produits agricoles, de 1990 à 1994 et de 1995 à 1998 (moyenne annuelle)

      Valeur réelle Valeur de la tendance1 Variations en pourcentage
      1990-94 1995-98 1995-98 (b/a) (b/c)
Produit  Unité (a) (b) (c) (d) (e)
Céréales millions de $EU 375 1 338 489 256,9 173,9
  milliers de tonnes 963 4 489 1 254 366,2 257,8
  $EU/tonne 419 324 428 -22,7 -24,5
Oléagineux, millions de $EU   1 183 1 033 72,5 14,6
tourteaux, milliers de tonnes 3 798 4 707 5 693 23,9 -17,3
huiles $EU/tonne 181 252 182 39,1 38,7
Fruits & millions de $EU 510 643 636 26,1 1,1
légumes milliers de tonnes 625 805 775 28,8 3,8
  $EU/tonne 820 809 805 -1,4 0,4
Epices et millions de $EU 422 592 481 40,2 23,0
fruits à coque milliers de tonnes 159 196 200 23,2 -2,1
  $EU/tonne 2 670 3 068 2 235 14,9 37,3
Thé millions de $EU 417 417 313 0. 33,3
  milliers de tonnes 177 181 149 2,5 21,6
  $EU/tonne 2 332 2 277 2 106 -2,4 8,1
Café millions de $EU 163 386 161 136,6 139,5
  milliers de tonnes 107 149 127 39,7 17,8
  $EU/tonne 1 503 2 680 1 049 78,3 155,6
Viande millions de $EU 101 290 132 187,4 120,7
  milliers de tonnes 98 260 136 164,6 91,9
  $EU/tonne 1 034 1 123 912 8,6 23,1
Coton millions de $EU 184 227 180 23,3 26,4
  milliers de tonnes 165 142 159 -14,2 -10,9
  $EU/tonne 1 097 1 623 1 167 48 39,1
Sucre millions de $EU 53 106 80 99,9 32,2
  milliers de tonnes 177 320 266 80,8 20,7
  $EU/tonne 336 311 359 -7,5 -13,5

1 Voir note 1 du tableau 3.

Source: Elaboré à partir des données FAOSTAT.

La tendance des importations alimentaires au cours de la même période était négative. A partir de 1994, elles ont commencé à grimper - de 147 pour cent cette année-là par rapport à l'année précédente et se sont maintenues à ce niveau (environ 1 600 millions de dollars E.-U.) au cours des deux années suivantes. Elles ont augmenté en flèche à nouveau en 1997 (valeur multipliée par deux) pour atteindre 3 440 millions de dollars E.-U. La valeur moyenne des importations alimentaires de 1995 à 1998 était par conséquent de 168 pour cent plus élevée qu'en 1990-94 (tableau 5) mais elle dépassait de 216 pour cent la valeur tendancielle extrapolée, car la tendance était négative.

Tableau 5: Les échanges alimentaires de 1990 à 1994 et de 1995 à 1998 (valeur annuelle moyenne, en millions de dollars E.-U., et variations en pourcentage)

Période Exportations Importations Exportations nettes
1990-94 réelle (a)

1995-98 réelle (b)

1995-98 extrapolée (c)1

(b) - (a) 2

(b) - (c) 2

1 290

2 938

1 574

1 648 (128%)

1 364 (87%)

883

2 371

751

1 488 (168%)

1 620 (216%)

407

567

823

160 (39%)

-256 (-31 %)

1 Voir note 1 du tableau 3.

2 Les chiffres entre parenthèses sont les variations en pourcentage par rapport à (a) et (c) respectivement.

Source: Elaboré à partir des données FAOSTAT. Les produits de la pêche ne sont pas compris dans les denrées vivrières.

Les échanges de produits alimentaires nets de l'Inde ont largement fluctué au cours des quatre dernières années, passant d'un solde créditeur de 1,3 milliards en 1995 et de 1,6 milliard en 1996 à un solde débiteur de près de 1 milliard en 1997, suivi d'un solde légèrement créditeur en 1998 (figure 2). En moyenne, les exportations nettes de produits alimentaires ont été pour la période 1995-98 de 39 pour cent supérieures (160 millions de dollars E.-U.) au niveau de la période 1990-94, mais ont montré un solde déficitaire de 31 pour cent (256 millions de dollars E.-U.) par rapport à la tendance extrapolée les échanges alimentaires, car les tendances des exportations et des importations étaient toutes deux "défavorables".

Figure 2: Les échanges alimentaires, de 1995 à 1998, en millions de dollars E.-U. (en gras, les valeurs réelles; en fin, les tendances pour 1985-94, extrapolées jusqu'en 1998)

Source: FAOSTAT

Le tableau 6 indique la tendance des importations (valeur, volume et prix) pour certains des principaux produits alimentaires. Le cas le plus étonnant a été celui des huiles végétales, dont les importations de 1995 à 1998 ont été multipliées par neuf en valeur par rapport à la période 1990-94. Au cours des années 80, l'Inde a relevé de manière remarquable son niveau d'autosuffisance pour les oléagineux, du fait de "la révolution jaune". Le problème essentiel relatif à la croissance du secteur des oléagineux concernait leur transformation, cette activité ayant été jusqu'à présent fortement protégée, non seulement par le biais d'instruments commerciaux, mais aussi et peut-être de manière plus importante, par les limitations imposées aux entrées, par les grandes sociétés modernes.12 Un changement de politique devrait maintenant être en cours. S'il se poursuit, il devrait se traduire par une amélioration de la productivité, facteur positif à la fois pour les producteurs et les consommateurs. Les importations de fruits et de légumes ont aussi augmenté de manière significative après 1994; pour les légumes secs, l'accroissement a été plus limité.

La figure 3 montre l'évolution des rapports entre les importations alimentaires et les exportations agricoles au cours de la période 1985-98. Le ratio a fluctué très nettement, puisqu'il a suivi une tendance à la baisse jusqu'au début des années 90 et un tendance ascendante par la suite. De 1985 à 1987 le ratio était en moyenne de 0,57 pour cent, c'est à dire que les importations alimentaires atteignaient 57 pour cent du total des exportations agricoles. Il a chuté à 0,18 pour cent en 1991, puis a amorcé une reprise par la suite. De 1995 à 1998, il était en moyenne de 0,32 pour cent soit 36 pour cent supérieur à la valeur de 0,24 pour la période 1990-94 et dépassait de 15 pour cent la valeur tendancielle extrapolée. Autrement dit, on a noté une détérioration nette et marquée de l'équilibre entre le total des importations alimentaires et le total des exportations agricoles de 1995 à 1998 par rapport aux quatre années précédentes, mais aussi par rapport à la tendance.

Tableau 6: Valeurs unitaires pour les importations et les exportations des principaux produits alimentaires, de 1990 à 1994 et de 1995 à 1998 (moyenne annuelle)

      Valeur réelle Valeur tendancielle1 Variations en pourcentage
      1990-94 1995-98 1995-98 (b/a) (b/c)
Produits Unité (a) (b) (c) (d) (e)
             
Huiles millions de $EU 141 1 280 -182 2 2
végétales, milliers de tonnes 305 2 129 -429 2 2
total $EU/tonne 477 610 518 28 18
Huile de millions de $EU 99 941 -39 2 2
palme milliers de tonnes 249 1 609 -137 2 2
  $EU/tonne 406 595 439 47 35
Autres millions de $EU 42 339 -143 2 2
huiles milliers de tonnes 56 520 -291 2 2
  $EU/tonne 754 647 864 -14 -25
Fruits et millions de $EU 399 669 513 68 31
légumes milliers de tonnes 819 1 145 951 40 20
  $EU/tonne 496 586 560 18 5
Légumes millions de $EU 188 325 188 73 73
secs milliers de tonnes 570 721 585 27 23
  $EU/tonne 329 441 315 34 40
Céréales millions de $EU 80 209 94 163 121
  milliers de tonnes 388 1 288 484 232 166
  $EU/tonne 268 211 265 -21 -20
Sucre millions de $EU 147 94 218 -36 -57
  milliers de tonnes 389 335 162 -14 107
  $EU/tonne 310 345 420 11 -18
Produits millions de $EU 9 6 -22 -38 2
laitiers milliers de tonnes 33 28 -122 -16 2
  $EU/tonne 305 188 329 -38 -43
1 Voir note 1 du tableau 3.

2 Variations en pourcentage très élevée.

Source: Elaboré à partir de données FAOSTAT.

Figure 3: Rapport de la valeur totale des importations de produits alimentaires à la valeur totale des exportations de produits agricoles ( 1985 à 1994)

Source: FAOSTAT

3.3 Problèmes de sécurité alimentaire, dans le cadre de l'Accord sur l'OMC

Les données recueillies dans une enquête sur les ménages effectuée en Inde ne laissent pas d'étonner. Elles font ressortir en effet que la pauvreté n'a pas reculé, malgré l'amélioration de la croissance économique enclenchée en 1991, avec l'introduction d'un programme de libéralisation alors que l'opposé s'était produit dans les années 80. L'un des motif avancés pour expliquer cette situation est que les prix des aliments ont augmenté relativement plus vite que les prix généraux à la consommation, après 1991. De ce fait, on a considéré que la stabilité des prix était un élément essentiel pour protéger les conditions de vie des pauvres, au cours de la phase de transition.

Compte tenu de la situation, l'un des sujets de vive préoccupation en Inde est de savoir si la sécurité alimentaire du pays a été compromise par l'Accord sur l'agriculture. Bien que les opinions soient très divergentes, l'opinion dominante semble être qu'à long terme, la libéralisation des échanges recherchée dans cet Accord et les réformes politiques prises parallèlement par les pays, devraient conduire à une répartition plus efficace des ressources, à accroître les revenus et à améliorer le niveau de l'emploi, ce qui réduirait l'insécurité alimentaire. A court terme, toutefois, l'on craint un effet négatif . La persistance de la pauvreté que l'on a observée après 1991, n'était pas encourageante, et va dans ce sens.

L'Inde applique depuis longtemps des programmes spécifiques orientés vers la sécurité alimentaire (plans de soutien des prix, stocks pour stabiliser les prix, distribution ciblée de nourriture, et plans destinés à l'emploi). Les incidences de l'Accord sur l'agriculture pour ces programmes sont examinées ci-après et s'articulent autour de trois questions précises i) la libéralisation des échanges et la stabilisation des prix des produits alimentaires; ii) les politiques relatives aux dispositifs de sécurité; et iii) la gestion des denrées alimentaires à long terme

La libéralisation des échanges et la stabilisation des prix des produits alimentaires

Par le passé, l'Inde a su stabiliser ses prix internes pour les produits alimentaires (par rapport à la variabilité des marchés mondiaux) à travers une série de mesures telles que les restrictions quantitatives sur les échanges, les droits de douane et les opérations concernant les stocks régulateurs. Les restrictions quantitatives sont maintenant interdites, et les principaux instruments des échanges pour régler les importations, sont les droits de douane. Si les droits consolidés de l'OMC sont suffisamment élevés, les taux effectivement appliqués peuvent être augmentés jusqu'au niveau consolidé, pour réglementer les importations et ont donc une incidence sur les prix nationaux. Pour l'Inde, cet instrument est encore applicable. Une variante consiste à fixer des fourchettes de prix, en fonction desquelles les taux effectivement appliqués varient automatiquement en fonction de l'écart entre les prix sur le marché national et ceux pratiqués sur les marchés mondiaux. Les politiques de fourchette des prix sont encore suivies par certains membres de l'OMC, mais leur compatibilité avec les provisions de l'OMC pourraient être remises en cause, car l'Accord sur l'agriculture interdit de manière explicite les droits variables. Il a toutefois été avancé que ces politiques sont acceptables pour autant que les droits effectivement appliqués ne dépassent pas les taux consolidés.

L'Accord sur l'agriculture permet l'utilisation de politiques de stockage en vue d'assurer la sécurité alimentaire. L'Inde connaît bien ces questions. Dans le nouvel environnement libéral des échanges, le débat national s'est porté sur l'analyse coût-efficacité, de ces politiques. Dans quelle mesure les échanges et le stockage sont-ils compatibles, dans ce contexte?

Une étude récente a utilisé la technique des simulations de Monte Carlo, pour analyser les transactions concernées?13 Elle a établi une comparaison entre le coût des opérations de stockage et le coût des échanges et montre qu'il est possible d'associer ces deux options pour parvenir à une stabilité des prix ayant une faible incidence fiscale. La méthode envisagée repose sur des stocks limités, par rapport aux niveaux actuels en Inde, à savoir 4 millions de tonnes de riz et 0,5 millions de tonnes de blé (par rapport aux niveaux actuels en Inde). L'analyse montre que même lorsque la production nationale est insuffisante, les besoins d'importation en vue de contenir les prix internes restent modeste et que dans l'ensemble, les coûts sont limités. En conclusion, les auteurs estiment que la libéralisation des échanges n'est pas nécessairement préjudiciable à la stabilité des prix, si elle est appuyée par des politiques de stockage.

Il existe donc divers instruments permettant de parvenir à un certain niveau de stabilité des prix et de libéralisation des échanges. L'Accord sur l'agriculture ne gêne guère la capacité des pouvoirs publics de stabiliser les prix pour assurer la sécurité alimentaire. Au cours des prochaines négociations multilatérales, il est important toutefois que l'Inde s'assure que ces possibilités soient maintenues.

Politiques relatives aux dispositifs de sécurité

L'autre domaine important pour l'Inde est celui du maintien des politiques relatives aux dispositifs de sécurité (programmes d'emploi et Système public de distribution , notamment). Ces mesures de la catégorie verte, auxquelles ne s'appliquent pas les engagements de réduction, sont énumérées à l'Annexe 2 de l'Accord sur l'agriculture. Le paragraphe 4 définit les dépenses d'aide alimentaire intérieures: "dépenses (ou recettes sacrifiées) en rapport avec la fourniture d'aide alimentaire intérieure à des segments de la population qui sont dans le besoin". Il stipule aussi que: "Le droit à bénéficier de l'aide alimentaire sera déterminé en fonction de critères clairement définis liés à des objectifs en matière de nutrition. Une telle aide consistera à fournir directement des produits alimentaires aux intéressés ou à fournir à ceux qui remplissent les conditions requises des moyens pour leur permettre d'acheter des produits alimentaires aux prix du marché ou à des prix subventionnés. Les achats de produits alimentaires par les pouvoirs publics s'effectueront aux prix courants du marché et le financement et l'administration de l'aide seront transparents"14. Ainsi les programmes ciblés pour l'emploi semblent relever des mesures qui consistent à "fournir à ceux qui remplissent les conditions requises des moyens pour leur permettre d'acheter des produits alimentaires aux prix du marché ou à des prix subventionnés". Le reste du paragraphe concerne le programme de distribution alimentaire du type Système public de distribution. Pour l'Inde, la question fondamentale n'est donc pas de savoir si les mesures sont compatibles avec les règles de l'OMC mais de déterminer les coûts et la valeur du programme, aspect qui ne concernent que la politique nationale.

Gestion des excédents alimentaires occasionnels

L'Inde, comme probablement quelques autre pays en développement encore plus proches de l'autosuffisance alimentaire, connaît un problème spécifique à résoudre dans le cadre des règles de l'Accord sur l'agriculture - celui de la gestion d'excédents alimentaires occasionnels. Un pays peut en effet être dans une situation où il est confronté à des récoltes exceptionnelles dues aux bonnes conditions météorologiques et à des cours très faibles sur le marché, mais il ne peut pas exporter ses excédents sans recourir aux subventions à l'exportation. Or, ces dispositions ne sont pas prévues dans les engagements pris pour le Cycle d'Uruguay. Dans une telle situation on peut soit accroître les stocks pour éviter l'effondrement des cours,(mais les coûts sont élevés), soit laisser les prix s'effondrer (cette situation est avantageuse pour les consommateurs à court terme mais a des effets négatifs sur la production et la sécurité alimentaire à long terme). Tant qu'une telle situation se présente rarement, les coûts et les effets négatifs peuvent être absorbés. Pour l'Inde toutefois, il s'agit maintenant d'une situation récurrente. Du fait de plusieurs années de bonnes récoltes, les stocks sont en hausse.

La sécurité alimentaire est certes un objectif important de l'Accord sur l'agriculture, mais il faudrait trouver une solution à cette situation sans pour autant modifier l'esprit de l'Accord. Serait-il possible d'envisager l'exportation des excédents avec des subventions assorties de règles et de mécanismes de déclenchement clairement définis, afin de limiter les abus? Pourrait-on penser que ces exportations puissent être annulées par des importations occasionnelles, ce qui est inévitable en cas de mauvaises récoltes dues aux conditions météorologiques? L'Inde, comme d'autres pays confrontés à cette situation a besoin de se pencher sur la question afin de trouver une solution appropriée, dans le cadre de l'OMC. Ainsi pourrait-on peut-être considérer que les exportations subventionnées relèvent dans ce contexte des dispositions générales du TSD, relatives aux pays en développement.

IV. QUESTIONS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION LORS DES PROCHAINES NÉGOCIATIONS SUR L'AGRICULTURE

Diverses questions importantes pour l'Inde ont été examinées jusqu'à présent. Nous en résumerons ici certaines dans la perspective des nouvelles négociations sur l'agriculture.

Engagements dans le cadre du cycle d'Uruguay

Il a été remarqué que l'Inde ne doit pas modifier grand chose pour se conformer aux obligations qu'elle a contractées dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture (en matière de soutien interne et pour la concurrence des exportations). Alors que la MGS pour le soutien autre que par produit est positive, le soutien par produit était fortement négatif. De ce fait, il existe de nombreuses possibilités d'augmenter les niveaux de soutien sans enfreindre les règles de l'OMC. L'exemption accordée aux mesures de TSD, à laquelle l'Inde n'a pas eu encore recours mais qu'elle se réserve le droit d'utiliser le cas échéant, fournit encore une possibilité d'octroyer des subventions aux intrants. Les conséquences sont limitées dans le domaine des subventions à l'exportation, qui ont été abolies avant l'Accord sur l'agriculture.

On a relevé certaines difficultés liées à l'accès aux marchés, principalement du fait des mesures non tarifaires. Pour les droits de douane, les problèmes n'existent pratiquement pas. On a signalé plus haut que les droits effectivement appliqués étaient généralement inférieurs aux taux consolidés, jusqu'à 50 pour cent pour la plupart (83 pour cent) des lignes tarifaires agricoles. Alors que pour certains produits les taux effectivement appliqués dépassaient les taux consolidés, on ne devrait pas rencontrer de grosses difficultés pour les ramener au niveau de ces derniers. Il existe toutefois certains produits pour lesquels les taux consolidés sont nuls ou très bas, ce qui met le pays dans une situation critique du fait de leur importance pour la sécurité alimentaire. L'Inde a tenté de renégocier ces droits de douanes dans le cadre de l'OMC.

L'établissement d'un calendrier pour supprimer les restrictions quantitatives sur de nombreux produits agricoles, pour des motifs liés à la balance des paiements, a été plus complexe. L'idée de supprimer les restrictions quantitatives à plus long terme n'a pas été jugée acceptable par plusieurs membres de l'OMC, et l'Inde à dû s'engager à les supprimer plus rapidement (d'ici 2001).

Insécurité alimentaire et pauvreté

La libéralisation des échanges agricoles devrait avoir une incidence négative sur la pauvreté rurale et urbaine dans différents pays, e.g. en exposant les petits agriculteurs à la concurrence des importations et en relevant le niveau des prix des produits alimentaires. Des dispositifs de sécurité ont été prévus pour répondre à ces problèmes (programmes d'emploi et des subventions ciblées pour les produits alimentaires). Des études ont montré que l'Inde peut agir sur les stocks régulateurs tout en adoptant un régime libéral d'échanges dans le cadre d'un programme de stabilisation des prix alimentaires, conformément aux dispositions de l'Accord sur l'agriculture.

Problèmes spécifiques importants pour le prochain cycle de négociations

Bien que l'Inde ait respecté l'esprit et la lettre de ses engagements dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture, les pouvoirs publics estiment que l'Accord permet des abus notamment de la part des pays développés qui ont eu recours de manière excessive à un soutien et à une protection de leurs producteurs et qui continuent à le faire, en compromettant les avantages escomptés par les pays comme l'Inde qui ne font pas recours aux subventions et qui produisent à un prix de revient bas. Les nouvelles négociations donnent la possibilité de revenir sur ces questions. En particulier, des réformes dans les domaines suivants seraient avantageuses pour l'Inde.

Accès aux marchés

Mesures de soutien internes

Subventions à l'exportation

L'importante latitude dont disposent certains pays pour subventionner les exportations se traduit par un coût potentiel pour les autres. Non seulement il est injuste mais il perpétue aussi les disparités dans l'Accord sur l'agriculture. Les subventions à l'exportation doivent être totalement éliminées. De nombreuses études ont montré que compte tenu de son importante diversité agroclimatique, l'Inde dispose d'un avantage comparatif pour divers produits agricoles. On a de plus en plus nettement l'impression que l'Inde devrait s'associer aux pays du Groupe de Cairns pour ce qui est de la question des subventions aux exportations et des autres réformes d'accès au marché.

Sécurité alimentaire

On estime en général en Inde, que le pays a beaucoup à gagner d'une application effective de l'Accord sur l'agriculture qui représente un équilibre des droits et des obligations de toutes les parties concernées. L'Inde a joué un rôle très actif au sein de l'OMC et devrait continuer à _uvrer en vue de faire de l'organisation, comme souligné par Stiglitz, une instance qui "respecte loyalement les règles"15 et assure la pérennité de ce lieu d'échanges multilatéraux.


1 Etude réalisée à partir d'un document d'information préparé pour la Division des produits et du commerce international de la FAO par Manoj Panda et A. Ganesh-Kumar, Mumbai.

2 Pursell, G, 1996, Some aspects of the Liberalization of South Asian Agricultural Policies: How can the WTO Help?, in B. Blarel, G. Pursell and A. Valdés (ed.), Implications of the Uruguay Round for South Asia: The Case of Agriculture, Actes d'une réunion Banque mondiale/FAO , Allied Publishers, New Delhi, 1999.

3 Pour ce qui est des principaux produits importés, les droits sur le riz et le lait écrémé en poudre ont été consolidés à zéro pour cent en 1947 au titre du Protocole de Genève; le maïs et le mil en 1951 au titre du Protocole de Torquay et le sorgho en 1962, au titre du Cycle de Dillon.

4 On parle en Inde de "droits de douane de base" et on exclut les droits spéciaux.

5 Pour la notification courante (1995-96),l 'Inde a exprimé des niveaux de soutien en dollars E.-U., alors qu'elle avait utilisé les roupies pour la période de référence.

6 L'énoncé exact de la Liste originelle, repris dans la notification de 1995/96 est le suivant. Dans l'estimation des subventions généralement disponibles pour les intrants, il n'a pas été tenu compte de la dérogation concernant les subventions sur les intrants, pour les producteurs ayant des faibles revenus ou dotés de ressources limitées dans les pays en développement, aux termes de l'article 6.2 de l'Accord sur l'agriculture de l'Acte final. En Inde, les exploitations de 10 hectares ou moins, représentaient 79,5 pour cent des terres agricoles. Si les agriculteurs dont les terres ne dépassent pas 10 hectares sont considérés comme ayant de faibles revenus ou dotés de ressources limitées, au moins 80 pour cent des subventions pour les intrants pourront bénéficier d'une dérogation et ne pas être englobées dans les MGS autres que par produits. De ce fait, le montant des MGS sera encore inférieur.

7 R. Sharma et P. Konandreas, Supporting Import-Competing Agricultural Sectors with Tariffs, Safeguards and Domestic Measures within the Framework of the Uruguay Round Agreements, Rapport examiné lors d'une table ronde sur le Cycle d'Uruguay, qui s'est tenue à New Delhi, FAO, Rome 1999. Voir également A. Gulati et T. Kelly, Trade Liberalization and Indian Agriculture, Oxford University Press, New Delhi, 1999.

8 Aux Etats-Unis, la législation prévoit l'exemption fiscale sur les revenus des exportations des Foreign Sales Corporation notamment pour celles qui s'occupent d'exportations agricoles. Cette législation a été remise en cause par l'UE dans l'OMC.

9 Voir C.Satpathy, "Subsidies and Countervailing Measures: Case for review of WTO Agreement", Economic and Political Weekly, 34 (34-35),1999.

10 Les exportations annuelles de céréales ont augmenté, passant de moins de 1 million de tonnes en 1990-94 à 4,5 millions de tonnes pour la période 1995-98.

11 Les produits de la pêche ne sont pas inclus dans les denrées alimentaires.

12 Gulati et Kelly, op. cit.

13 Voir A. Ganesh-Kumar et K. S. Parikh, "A Stock-Trade Policy for National Level Food Security for India", polycopié, Indira Gandhi Institute of Development Research, Mumbai, 1998.

14 Dans une note de fond de page, il est précisé que "la fourniture de produits alimentaires à des prix subventionnés ayant pour objectif de répondre aux besoins alimentaires des populations pauvres urbaines et rurales des pays en développement sur une base régulière à des prix raisonnables sera considérée comme étant conforme aux dispositions de ce paragraphe".

15 Stiglitz, J.E. (1999): "Two Principles for the Next Round: Or How to Bring Developing Countries in from the Cold", Banque mondiale, Washington D.C.

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