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CHAPITRE VIII. KENYA1

I. INTRODUCTION

L'agriculture (y compris l'élevage, les forêts et les pêches) représente environ 27 pour cent du PIB du Kenya et 60 pour cent des recettes d'exportation provenant des échanges de marchandises. Le secteur est d'une importance fondamentale, vu que 80 pour cent de la population dépend de l'agriculture pour sa subsistance. L'essentiel de la production provient de petites exploitations familiales produisant à la fois des cultures vivrières et commerciales qui représentent deux-tiers de la production agricole.

Le Kenya a mis en place une série de réformes économiques à partir de la moitié des années 80. Des réformes plus radicales ont été entreprises au début des années 90, afin de favoriser la participation du secteur privé à la production, à la commercialisation, à la transformation et aux échanges de produits agricoles. La plupart des offices agricoles de commercialisation ont été restructurés, et le monopole qu'ils exerçaient sur la détermination des prix et la commercialisation des produits a été supprimé. Ainsi, la plupart des prix agricoles sont maintenant établis par les forces du marché. Les prix de parité à l'importation et à l'exportation sont les principaux facteurs qui déterminent les prix internes. Les droits de douane sont devenus les seuls instruments de réglementation des échanges.

Ces réformes ont été engagées au cours d'une période critique. Le secteur agricole a stagné pendant plusieurs années, progressant à moins de 2 pour cent par an, contre 4 pour cent ou davantage au cours des années 80. Le Kenya se trouve confronté à une situation grave pour la sécurité alimentaire. Selon les estimations de la FAO, la part de la population qui est touchée par l'insécurité alimentaire a augmenté, passant de 26 pour cent entre 1979 et 1981 à 41 pour cent de 1995 à 1997. Cette tendance très fâcheuse, se retrouve aussi bien en termes absolus que relatifs. A titre d'exemple, dans l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne, cette proportion est passée de 37 à 33 pour cent au cours de la même période. Ces résultats tiennent essentiellement à la réduction des approvisionnement en vivres par habitant, qui ont chuté de 8 pour cent, passant de 2 146 kcal/jour à 1977 kcal/jour entre les deux périodes.

On constate avec une certaine déception, que les réformes n'ont pas favorisé le secteur agricole et qu'elles n'ont pas non plus amélioré la sécurité alimentaire. Le secteur n'a pas bénéficié des réformes d'orientation et certains analystes estiment aussi que le régime de plus en plus libéral des échanges a aggravé les difficultés du secteur agricole, (notamment l'augmentation des importations vivrières, telles que le maïs, le riz, le blé, le sucre et les produits laitiers). Avec une telle dépendance de la population vis à vis de l'agriculture et la prédominance des petites exploitations familiales, on réalise combien les réformes en cours et l'impact de l'Accord sur l'agriculture , sont des questions importantes pour le secteur agricole au Kenya. C'est dans ces circonstances que le Kenya se prépare à participer aux nouvelles négociations de l'OMC, avec des espoirs renouvelés.

II. BILAN DE L'APPLICATION DE L'ACCORD SUR L'AGRICULTURE

2.1 Accès aux marchés

Dans le Cycle d'Uruguay, le Kenya a consolidé ses lignes tarifaires agricoles à 100 pour cent. Tous les "autres droits ou impositions" ont également été consolidés à zéro. Les lignes tarifaires agricoles sont sur un base de droits ad valorem (89 pour cent), et le restant se voit appliquer des droits de douane mixtes (10 pour cent) ou des droits spécifiques. Les droits de douane mixtes portent sur un certain nombre de produits alimentaires de base importants comme le blé, le maïs, le riz, le sucre et le lait. Le Kenya n'a pas pris d'autres engagements spécifiques pour l'accès aux marchés (e.g. contingents tarifaires). Comme il a opté pour la consolidation à un taux plafond et non pour la tarification, il n'a pas accès aux clauses de sauvegarde spéciale (SGS) de l'Accord sur l'agriculture (tableau 1).

Table 1: Les engagements du Kenya dans le Cycle d'Uruguay concernent l'accès aux marchés

Dispositions relatives à l'accès aux marchés

Engagements

· Tarifs consolidés

100 pour cent de tous les produits agricoles

· Droits additionnels ou impositions

Aucun (c'est-à-dire consolidé à zéro pour cent)

· Clause de sauvegarde spéciale (SGS)

Aucun accès

· Contingents tarifaires

Non offerts

De 1995 à 1999, les droits effectivement appliqués ont été constamment inférieurs aux taux consolidés. Les taux effectivement appliqués ont oscillé de 0 à 95 pour cent, mais la moyenne arithmétique pour tous les produits agricoles était seulement de 17 pour cent en 1999 2, ce qui est considérablement inférieur au taux consolidé de 100 percent. Le tableau 2 fait état des moyennes arithmétiques des taux effectivement appliqués pour les principaux chapitres du SH sélectionnés en 1999. Les droits les plus élevés ont été appliqués aux céréales (41 pour cent), au sucre et à la confiserie en sucre (35 pour cent) ainsi qu'à la viande et aux produits laitiers (25 pour cent). La moyenne pour la plupart des autres chapitres du SH allait de 10 à 20 pour cent. A la suite d'une récente réforme tarifaire, le Kenya a réduit le nombre de tranches de taux ad valorem à cinq (0 pour cent, 5 pour cent, 10 pour cent, 15 pour cent, 20 pour cent et 25 pour cent). Les taux ad valorem maximum ont également diminué passant de 60 pour cent en 1992 à 25 pour cent en 1999 (à l'exclusion des droits suspendus, voir ci- après).

Tableau 2: Droits NPF effectivement appliqués en 1999 1

Code du SH

Description

Moyenne

Minimum

Maximum

02

Viande et abats

25

25

25

04

Produits laitiers

25

25

25

07

Légumes et racines et tubercules

22

10

35

08

Fruits et fruits à coque

22

10

35

09

Café, thé, maté et épices

15

15

15

10

Céréales

40.8

15

75

11

Produits de minoterie; malt; amidons; inuline; gluten de blé

21.8

15

95

12

Oléagineux dont fruits

12.6

5

15

15

Graisses animales et végétales et huile

21.1

10

40

17

Sucre et confiserie de sucre

34.5

15

95

18

Cacao et préparations à base de cacao

21.2

10

30

1 Y compris les droits de douane de base et les droits suspendus.

Source: Examen des politiques commerciales du Kenya, 2000, OMC. Tableau AIII.1.

Le Kenya a aussi la possibilité d'appliquer des taxes additionnelles (droits suspendus ou commission d'engagement au titre d'un accord de confirmation) pour un certain nombre de produits, essentiellement des produits alimentaires de base, dont, en 1999, le maïs, le riz, le blé, le sucre, le lait, les produits tirés du tabac, certains fruits et les huiles végétales3. Ces droits ont été introduits en 1994 pour remplacer les droits variables auparavant en vigueur et sont appliqués à la demande d'un secteur économique national, de manière discrétionnaire. Une loi a fixé le taux maximum pour les droits suspendus qui peuvent être appliqués à tout moment, sur tous les produits à un taux de 70 pour cent. Par exemple, en 1999, l'ensemble des droits sur la farine de blé, la farine de méteil et le sucre (99,5° au relevé du polarimètre) pouvaient atteindre 95 pour cent (droit de base de 25 pour cent et droit suspendu effectivement appliqué au maximum de 70 pour cent). Ces droits sont aussi appliqués sur certains produits agricoles transformés totalement ou en partie.

La possibilité d'appliquer des droits suspendus a soulevé des questions de la part des membres de l'OMC. Au cours des débats relatifs à l'Examen des politiques commerciales pour l'an 2000, certains membres se sont inquiétés du fait que l'existence de droits mixtes ou suspendus rendait la structure tarifaire moins transparente et hypothéquait les résultats, par ailleurs satisfaisants, de la libéralisation des échanges.

Le Kenya a répondu que ces droits suspendus étaient nécessaires comme mesures de transition, à la suite de l'abolition des droits variables.4 Ils le sont également comme mesures correctives des échanges car le Kenya a dû faire face à une augmentation non prévue des importations qui ont fortement concurrencé l'économie nationale. Dans ce contexte, le Kenya a dû également, au sein du Comité de l'agriculture de l'OMC, répondre à des questions relatives à l'interdiction de certains produits laitiers, entrée en vigueur en janvier 1996 pour une durée de 12 mois. Le recours à cette mesure a été rendu nécessaire à la suite de la forte progression des importations non taxées, et donc illégales, qui ont fait l'objet d'une concurrence déloyale sur le marché interne. Cette situation a aussi appelé l'attention sur un problème que connaissent de nombreux pays en développement, à savoir les difficultés pour utiliser des instruments compatibles avec l'OMC comme les mesures anti-dumping et les droits compensatoires, en cas de forte augmentation des importations. Les droits suspendus n'ont été envisagés qu'à titre transitoire en attendant de parvenir à la capacité institutionnelle qui permettra au pays d'appliquer les sauvegardes générales de l'OMC.

La limitation des importations de semences de maïs a également fait l'objet d'une autre question au sein du Comité de l'agriculture. Il semblerait en effet que cette mesure soit incompatible avec les dispositions des articles III et XI du GATT ainsi qu'avec l'article 42 de l'Accord sur l'agriculture. Le Kenya a précisé que les semences de maïs étaient encore soumises à la quarantaine (Cap.324 des Lois du Kenya) du fait de risques élevés d'introduction de maladies et de parasites. Un certain nombre de protocoles phytosanitaires ont été pris pour l'importation de ces semences, indispensable compte tenu du rôle fondamental du maïs pour la sécurité alimentaire du pays.5

Comme dans plusieurs autres pays en développement, on a relevé de nombreux cas dans lesquels les droits effectivement appliqués ont du être modifiés pour répondre à des facteurs spécifiques et imprévus, survenus à l'intérieur ou à l'extérieur du pays. Ces variations ont fonctionné dans les deux sens. Par exemple, en avril 1998, en raison d'une situation de pénurie de céréales, les droits d'importation ont été supprimés pour le maïs pendant trois mois afin de permettre aux importations commerciales de couvrir le déficit. De même, les droits d'importations ont été réduits pour le blé en février 1998, passant de 75 pour cent à 35 pour cent. Le sucre est un autre produit qui a connu des difficultés épisodiques. On a signalé que du sucre avait pénétré sur le marché interne en 1996 à des conditions de dumping et c'est pourquoi les importations ont été réglementées par des droits élevés (environ 65 pour cent) et par d'autres mesures. Dans le cadre de ces mesures, le Kenya a dû aussi contrôler le sucre en transit qui est parfois détourné sur le marché local.

Dans l'ensemble, le Kenya a donc rempli les engagements de base pris dans l'Accord sur l'agriculture concernant l'accès aux marchés (tous les droits sont consolidés et les taux effectivement appliqués sont inférieurs au taux consolidés). On signale toutefois certains problèmes, liés principalement aux produits alimentaires "sensibles" qui ont eu lieu lorsque les politiques à la frontière se sont occasionnellement écartées des règles établies (e.g. interdiction temporaire des produits laitiers.) Il est vrai, bien sûr, que les droits mixtes et suspendus rendent la structure tarifaire moins transparente, mais leur existence ne constitue pas une infraction aux engagements pris dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture pour autant que les droits totaux effectivement appliqués restent en dessous des taux consolidés. Le Kenya, toutefois, n'est pas le seul dans cette situation.

Le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) projette de créer une Zone de libre échange dès l'an 2000, date à laquelle tous les pays membres du COMESA devraient avoir adopté un TEC. Le passage des taux courants effectivement appliqués, au TEC, pourrait être compliqué pour certains produits.

2.2 Soutien interne

Dans le Cycle d'Uruguay, le Kenya n'a pas présenté des engagements détaillés sur les mesures de soutien interne car il estime que toutes ces mesures relèvent des catégories exemptées ou sont comprises dans les niveaux de minimis, lorsqu'il s'agit de mesures de soutien ayant des effets de distorsion sur le commerce. Les notifications faites ces dernières années à l'OMC pour les mesures de la catégorie verte indiquent que les dépenses totales étaient de l'ordre de 53 millions de dollars E.-U. (2,7 milliards de shillings) en 1996 et de 65 millions de dollars E.-U. (3,8 milliards de shillings) en 1997 (tableau 3), soit une hausse de 22 pour cent. Il s'agit de sommes minimes par rapport à l'ensemble de la production agricole du Kenya qui se chiffre environ à 2 200 millions de dollars. En 1997, environ 30 pour cent des dépenses totales ont été affectées à l'enseignement agricole, à la recherche agricole et aux services vétérinaires bénéficiant respectivement d'une part de 18 et de 47 pour cent..

Comme la plupart des autres pays en développement, le Kenya a commencé à adopter une série de mesures de libéralisation plusieurs années avant la conclusion du Cycle d'Uruguay. De ce fait, la plupart des subventions faussant les échanges ont été éliminées ou réduites au minimum. Initialement, les réformes agricoles ont mis l'accent sur la libéralisation des marchés agricoles et sur la suppression du contrôle des prix. Elles se sont tout d'abord concentrées sur les cultures d'exportations, pour lesquelles la politique était d'aligner les prix d'exportation sur leur niveau de parité à l'exportation. Les réformes concernant les cultures vivrières en concurrence avec les importations ont connu beaucoup plus de difficultés que prévu6. On a donc assisté à plusieurs reprises à des réorientations. En outre, de fréquentes vagues de sécheresse et des chocs externes ont souvent entravé le processus de réforme. En 1997, la réforme de l'Office national des céréales et des produits agricoles a constitué une étape difficile et importante car cet Office avait réglementé pendant de nombreuses années la commercialisation et la distribution du maïs, produit de base essentiel, assurant la sécurité alimentaire.7

Au sein du Comité de l'agriculture, les questions posées au Kenya sur les programmes de soutien interne, n'ont pas été nombreuses, vraisemblablement du fait qu'on ne disposait que de peu de renseignements sur les mesures de soutien. On a demandé au Kenya de fournir des éclaircissements sur certaines mesures de la catégorie verte (notamment l'achat et le maintien de machines et d'équipements et la construction d'installations de manutention pour le bétail, de bains désinfectant et de broyeurs à fourrages). Le Comité a été informé que ces mesures étaient conformes aux critères de la catégorie verte.

Nous ne disposons pas d'études, officielles ou autres, établissant l'ensemble des dépenses de soutien en faveur des producteurs. On ne peut donc examiner certaines questions relatives à ce domaine que d'une manière plus générale, et à partir d'autres sources.

Pour ce qui est des mesures ayant des effets de distorsion sur le commerce, le Kenya est autorisé, en tant que pays en développement à accorder des subventions agricoles, au titre des dispositions de minimis, à hauteur de dix pour cent de la valeur de la production d'une culture déterminée. Pour les mesures de soutien autres que par produit (e.g. les engrais), la limite a été fixée à 10 pour cent de la valeur de la production agricole totale. Les calculs réalisés pour d'autres pays montrent que ces limites sont élevées et offrent des possibilités réelles de subventionnement. Selon les estimations, la limite de minimis pour les subventions autres que par produit devrait s'élever approximativement à 380 millions de dollars E.-U. pour le Kenya.

Tableau 3: Dépenses de la catégorie verte, 1996 et 1997 (en millions de shillings)

Types de mesures

Description du programme

1996

1997

       

Services généraux

Enseignement agricole

1 064

1 127

 

Vulgarisation agricole

482

447

 

Recherche agricole

1

674

 

Services de développement du cheptel

337

438

 

Services vétérinaires

591

635

 

Services de développement des terrains de parcours

66

71

       

Stocks publics à des fins de sécurité alimentaire -opérations de réserve stratégiques

Assurer et maintenir des réserves stratégiques pour certains produits essentiels.

201

400

Total

 

2 740

3 791

1 Les dépenses affectées à la recherche agricole pour 1996 ont été englobées dans les dépenses relatives à la vulgarisation agricole.

Source: Notifications à l'OMC.

Pour ce qui est des subventions par produits, les limites suivantes auraient été retenues (à partir de 10 pour cent de la valeur de la production d'une culture): 55 millions de dollars E-U. pour le thé; 43 millions de dollars E.-U. pour le café; 39 millions de dollars E.-U. pour le maïs; et 5 millions de dollars E.-U. pour le blé (produit en quantités relativement réduites). Il semble improbable que le Kenya dépasse les limites de la MGS, compte tenu des possibilités de subventionnement relevées plus haut. Le calcul de ces seuils pourrait être toutefois utile pour évaluer si les règles de l'Accord sur l'agriculture sont susceptibles d'entraver de quelque façon l'application des mesures de soutien, le cas échéant. A cet effet il serait souhaitable de comptabiliser toutes les mesures de soutien visées dans l'Accord sur l'agriculture, de les répartir en fonction des différentes catégories et d'en communiquer les résultats à l'OMC. Un tel exercice aurait aussi l'avantage de permettre de réclamer le transfert de certaines subventions autres que par produits dans la catégorie des TSD qui n'est pas soumise à des limites. Il serait également utile de donner une définition claire des agriculteurs "à faible revenus" et ne disposant que de "peu de ressources" et d'établir la part des subventions totales qui leur est attribuée. Cela éviterait des questions inutiles au sein du Comité de l'agriculture.

2.3 Subventions à l'exportation

Dans le Cycle d'Uruguay, le Kenya n'a indiqué aucune subvention pour les produits agricoles destinés à l'exportation et de ce fait il n'est pas tenu de réduire les subventions à l'exportation et il n'a pas la possibilité de recourir à ces mesures à l'avenir. Quoi qu'il en soit, il ne pourrait pas se permettre cette procédure qui serait d'ailleurs contraire à son intérêt. L'Accord sur l'agriculture permet aux pays en développement de fournir des subventions pour réduire le coût de la commercialisation au sein du pays et du fret international. Le Kenya pourrait, le cas échéant, recourir à ces mesures, de manière limitée et pour certains produits (e.g. les fleurs coupées et les fruits).

Comme dans nombre de pays, les pouvoirs publics ont introduit des mesures en faveur des exportations, du type de celles énumérées dans l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires. Par exemple le Plan de compensation des exportations, qui a été supprimé en 1993, prévoyait des abattements fiscaux et au titre du Plan de remise des droits, introduit en 1990, les exportateurs de produits horticoles et de produits à base agricole bénéficient de l'exonération des droits d'importations et de la TVA sur les marchandises qu'ils utilisent pour leur production. Les montants des subventions accordées au titre de ces plans sont certainement très limités et de ce fait il est improbables qu'ils soient remis en question.

III. BILAN DES ÉCHANGES DE PRODUITS ALIMENTAIRES ET AGRICOLES

3.1 Echanges de produits agricoles

Les exportations kényennes sont dominées par les produits agricoles (notamment le thé, le café, le pyrèthre et les produits horticoles - fleurs, fruits et légumes-) qui représentent environ 60 pour cent des exportations totales. Ainsi, les variations météorologiques et les fluctuations des cours mondiaux de ces produits ont une forte incidence sur les recettes d'exportation. La part des produits agricoles sur le total des marchandises exportées est stable depuis 1993. En 1998, trois produits (thé, café et produits horticoles) représentaient plus de 75 pour cent de l'ensemble des exportations agricoles, la part du thé à elle seule atteignant plus de 45 pour cent du total.

Tableau 4: Les échanges agricoles en 1990-94 et 1995-98 (valeur annuelle moyenne, en millions de dollars E.-U., et variations en pourcentage)

Période

Exportations

Importations

Exportations nettes

1990-94 réelle (a)

1995-98 réelle (b)

1995-98 extrapolée (c)1

(b) - (a) 2

(b) - (c) 2

832

1 215

958

383 (46%)

257 (27%)

287

426

406

139 (49%)

20 (5%)

545

788

552

243 (45%)

236 (43%)

1 Valeur extrapolée basée sur la tendance pour 1985-94.

2 Les chiffres entre parenthèses indiquent des variations de pourcentage par rapport à (a) et (c) respectivement.

Source: Elaboré à partir des données FAOSTAT. L'agriculture comprend les produits de la pêche et des forêts.

Les exportations agricoles totales ont suivi une tendance à la hausse au cours de la décennie 1985-95, et ont plus que doublé du début à la fin de la période (passant de 685 millions de dollars E.-U. à 1 384 millions de dollars E.-U., voir figure 1). Jusqu'en 1994, on a enregistré un taux linéaire de croissance impressionnant, de l'ordre de 25 millions de dollars par an. La progression a été particulièrement marquée de 1992 à 1995, puis elle s'est stabilisée. La valeur moyenne des exportations pour la période 1995-98 était de 46 pour cent supérieure au niveau de 1990-94, et dépassait de 27 pour cent la valeur de la tendance extrapolée (tableau 4).

Au cours de la décennie, les importations agricoles, qui ne représentent que 35 pour cent du montant des exportations agricoles, ont également progressé rapidement, au taux linéraire de 27 millions par an.8 Leur valeur moyenne pour la période 1995-98 (426 millions de dollars E.-U.) était de 49 pour cent supérieure au niveau de 1990-94, mais ne dépassaient que de 5 pour cent la valeur tendancielle extrapolée (du fait de la forte orientation à la hausse de la tendance de 1985 à 1994). Les exportations agricoles nettes ont donc de ce fait baissé légèrement de 1985 à 1991 mais ont augmenté par la suite. Ainsi, leur valeur moyenne de 1995 à 1998 était de 45 pour cent supérieure au niveau de 1990-94, avec des résultats similaires par rapport à la tendance, qui était pratiquement stable.

De 1995 à 1998, trois produits ont représenté 73 pour cent de toutes les exportations agricoles: le thé (37 pour cent); le café (23 pour cent); et les fruits et légumes (13 pour cent). Leurs échanges sont examinés ci-après ( voir tableau 5).

Figure 1: Echanges agricoles pour la période 1985-98, en millions de dollars E.-U. (en gras, les valeurs réelles; en fin, les tendances pour la période 1985-94, extrapolées pour la période 1995-98)

Source: FAOSTAT

Tableau 5: Exportations et valeur des unités d'exportation des principaux produits agricoles, de 1990 à 94 et de 1995 à 98 (moyenne annuelle)

     

Valeur réelle

Valeur tendancielle1

Variation en pourcentage

     

1990-94

1995-98

1995-98

(b/a)

(b/c)

Produit

 

Unité

(a)

(b)

(c)

(d)

(e)

               

Café

 

millions de $EU

188

281

112

49.2

151.5

   

milliers de tonnes

90

81

73

-10.0

11.4

   

$EU/tonne

2 094

3 472

1 538

65.8

125.8

               

Thé

 

millions de $EU

300

454

347

51.5

30.9

   

milliers de tonnes

178

246

205

37.9

20.0

   

$EU/tonne

1 684

1 850

1 695

9.8

9.1

               

Fruits et

millions de $EU

111

153

135

37.3

13.4

légumes

 

milliers de tonnes

158

165

187

4.3

-12.1

   

$EU/tonne

705

928

719

31.6

29.0

1 Voir note 1 du tableau 4.

Source: Elaboré à partir des données FAOSTAT.

Le café qui était la principale exportation agricole du Kenya au cours des années 80 a ensuite perdu sa position dominante pour de nombreuses raisons, notamment la chute des cours mondiaux, des fortes taxes à l'exportation et la possibilité d'obtenir des revenus plus confortables avec d'autres cultures. De 1985 à 1994, le volume des exportations de café a diminué au taux linéaire de 3 000 tonnes par an et les recettes d'exportation de 19 millions de dollars E.-U., du fait de l'effondrement des cours. Le tonnage exporté pour la période 1995-98 était de 10 pour cent inférieur au niveau de la période 1990-94, mais les recettes d'exportation étaient supérieures de 49 pour cent du fait de la hausse des prix. Il dépassait toutefois de 11 pour cent le montant extrapolé et avec la reprise des prix à l'exportation les recettes d'exportations avaient augmenté de 151 pour cent. Ainsi, les résultats obtenus étaient nettement meilleurs, par rapport à la tendance.

A la même époque, des réformes étaient en cours. Jusqu'à ces derniers temps, l'Office kényen du café, organisme semi-public, était chargé d'un certain nombre de fonctions, et notamment de la transformation, de l'octroi de licences, du contrôle des producteurs et des fabricants, ainsi que de la promotion de la recherche. Le monopole de la commercialisation détenu par l'Office a été aboli en janvier 1999. L'Office exerce maintenant ses fonctions, en concurrence avec le secteur privé. Il doit être encore restructuré par le biais de la modification de la Loi sur le café, à la suite de laquelle on s'attend à une plus grande libéralisation des activités de commercialisation et de transformation.

Le thé a pris la place du café en tête des exportations en 1989 et il a depuis consolidé sa position. Le Kenya est maintenant un gros exportateurs de thé, qui se taille une part de 22 pour cent dans les échanges mondiaux. De 1985 à 1994, la valeur des exportations a progressé au taux linéaire de 11 millions de dollars E.-U. par an, tant en raison de l'augmentation du volume que de celle des prix. Depuis 1994, la situation s'est encore améliorée. La valeur moyenne des exportations, pour la période 1995-98 était de 58 pour cent supérieure à celle de la période 1990-94, cette progression étant liée à une croissance du volume (38 pour cent de plus) et des prix (10 pour cent de mieux). Ces résultats sont toutefois, moins exceptionnels si on les compare à la forte tendance à la hausse (on a relevé une certaine décélération de la croissance des exportations).

Comme pour le café, la commercialisation du thé était par le passé réglementée par les pouvoirs publics, à travers le Kenya Tea Development Authority (KTDA) et un organisme semi-public, l'Office kényen du thé. Le KTDA participait à la détermination des prix à la production, et l'Office était notamment responsable de la promotion du secteur du thé. Le secteur du thé a été restructuré depuis 1999. Un amendement a été présenté au Parlement en vue du transfert des pouvoirs réglementaires à l'Office. Le KTDA devrait devenir une agence de gestion soumise au droit des sociétés, chargée de la promotion du thé, c'est à dire des questions concernant la production. L'emballage et la distribution du thé ont également été libéralisés en 1999, ce qui a provoqué l'accroissement du nombre de sociétés qui participent à ces activités.

Les exportations de produits horticoles concernent divers fruits (mangues, fraises, noix de macadamia, avocats, fruits de la passion et ananas) et légumes (haricots d'Espagne, haricots verts et pois mange-tout, maïs miniature, pois écossés, épinards, oignons de printemps, aubergines, piments et gombos) frais et transformés, ainsi que les fleurs coupées. Les produits frais contribuent à hauteur de 50 pour cent aux recettes des exportations horticoles. Le Kenya est le quatrième exportateur mondial de fleurs coupées, ce qui représente près de 40 pour cent des exportations horticoles.

Au cours de la période 1985-94, les exportations totales de fruits et légumes ont augmenté au taux linéaire de 7 000 tonnes par an et de 5 millions de dollars E.-U. en valeur, alors que les prix d'exportation ont légèrement chuté. Le volume moyen des exportations en 1995-98 (165 000 tonnes) était seulement de 4 pour cent supérieur à celui de la période 1990-94, mais comme les prix d'exportation ont augmenté de 32 pour cent, le total des dépenses d'exportation était de 37 pour cent plus élevé. Ces résultats sont moins marquants, si on les compare avec la tendance jusqu'en 1994: de 1995 à 1998 le volume était de 12 pour cent inférieur au chiffre extrapolé mais les recettes d'exportation étaient de 13 pour cent supérieures car les prix d'exportation étaient plus élevés.

Un organisme semi-public, Horticultural Crop Development Authority (HCDA), dont le but est de conseiller les cultivateurs, les établissements d'emballages, les transporteurs, les distributeurs, les fabricants et les exportateurs, est en cours de restructuration, en vue de permettre au secteur privé de jouer un rôle dominant. Pour le Kenya, les conditions d'accès à l'Union européenne sont particulièrement importantes puisqu'il s'agit de leur marché principal. On estime que les conditions actuelles dans l'Union européenne sont loin d'être libérales, car les droits de douane de l'UE sur les fruits et légumes sont à la fois élevés et complexes.

3.2 Echanges des produits alimentaires9

Les produits alimentaires dominent les importations agricoles du Kenya (88 pour cent de l'ensemble) mais représentent seulement un quart des exportations agricoles. Ainsi, la situation des importations de produits alimentaires est semblable à celle des importations agricoles signalées ci-dessus. Au cours de la décennie 1985-94, les importations alimentaires ont suivi une tendance fortement ascendante, progressant à un taux linéaire de 27 millions de dollars E.-U. par an (figure 2). Elles ont diminué en 1995 et 1996 et ont grimpé en 1997, pour se maintenir à ce niveau au cours des années suivantes. La valeur moyenne des importations, de 1995 à 1998, était donc de 49 pour cent supérieure au niveau de la période 1990-94 et correspondait environ à la valeur extrapolée, dans le prolongement de la tendance (tableau 6). Les exportations alimentaires ont aussi augmenté au cours de la décennie, au taux linéaire de 19 millions de dollars E.-U par an. Elles ont commencé à augmenter en 1992 et sont restées à un niveau élevé au cours des années suivantes. La valeur des exportations de 1995 à 1998 a dépassé le niveau de la période 1990-94 de 38 pour cent mais était de 4 pour cent inférieur à la valeur de la tendance extrapolée, la croissance des exportations ayant diminué après 1994. Le revenu global, en termes d'importations nettes de produits alimentaires, était fortement négatif: les importations nettes pour la période 1995-98 étaient de 45 pour cent supérieures au niveau de 1990-94 et de 15 pour cent supérieures à la valeur de la tendance extrapolée.

Tableau 6: Les échanges alimentaires pour la période 1990-94 et 1995-98 (valeur annuelle moyenne, en millions de dollars E.-U. et variations en pourcentage)

Période

Importations

Exportations

Importationsnettes

1990-94 réelle (a)

1995-98 réelle (b)

1995-98 extrapolée (c)1

(b) - (a) 2

(b) - (c) 2

250

373

370

123 (49%)

3 (1%)

207

286

297

79 (38%)

-11 (-4%)

43

88

72

45 (103%)

15 (21%)

1 Voir note 1 du tableau 4.

2 Les chiffres entre parenthèses sont des variations en pourcentage par rapport à (a) et à (c) respectivement.

Source: Elaboré à partir des données FAOSTAT. Les produits de la pêche ne sont pas compris dans les produits alimentaires.

Figure 2: Echange des produits alimentaires au cours de la période 1985-98, en millions de dollars E.-U. (en gras, les valeurs réelles; en fin les tendances pour la période 1985-94, extrapolées jusqu'à 1998)

Source: FAOSTAT

Tableau 7: Importations et valeurs unitaires d'importation des principaux produits alimentaires de 1990 à 1994 et de 1995 à 1998 (moyenne annuelle)

     

Valeur réelle

Valeur tendancielle 1

Variation en pourcentage

     

1990-94

1995-98

1995-98

(b/a)

(b/c)

Produit

 

Unité

(a)

(b)

(c)

(d)

(e)

Riz

 

millions de $EU

16

13

22

-16,9

-41,8

   

milliers de tonnes

54

45

76

-16,7

-41,2

   

$EU/tonne

289

288

292

-0,2

-1,2

               

Blé

 

millions de $EU

45

75

60

67,1

25,6

   

milliers de tonnes

287

378

379

32

-0,2

   

$EU/tonne

157

199

158

26,6

25,9

               

Maïs

 

millions de $EU

38

78

74

104,5

5,2

   

milliers de tonnes

229

377

439

64,7

-14,1

   

$EU/tonne

166

206

169

24,1

22,4

               

Toutes

 

millions de $EU

109

177

175

61,5

1,1

céréales

 

milliers de tonnes

599

820

946

37

-13,3

   

$EU/tonne

183

215

185

17,9

16,6

               

Huiles

 

millions de $EU

75

133

95

76,1

39,1

végétales

 

milliers de tonnes

189

199

259

5,3

-22,9

   

$EU/tonne

398

666

369

67,3

80,4

               

Sucre

 

millions de $EU

47

32

71

-32,4

-55,7

   

milliers de tonnes

127

83

187

-34,6

-55,7

   

$EU/tonne

368

380

380

3,3

-0,1

               

Fruits et

 

millions de $EU

10

13

16

31,5

-17,4

légumes

 

milliers de tonnes

21

18

41

-13,5

-55,8

   

$EU/tonne

475

723

386

52,1

87,1

               

Produits

 

millions de $EU

5

4

6

-12,9

-38,7

laitiers

 

milliers de tonnes

3

2

4

-47,8

-55,6

   

$EU/tonne

1 353

2 258

1 635

66,9

38,1

Voir note 1 du tableau 4.

Source: Elaboré à partir des données FAOSTAT.

Les dépenses totales d'importations pour les céréales de 1995 à 1998 dépassaient de 62 pour cent (68 millions de dollars E.-U.) le niveau de 1990-94, en grande partie du fait d'un accroissement du volume (37 pour cent) et dans une moindre mesure des prix (18 pour cent). Environ, 60 pour cent de l'accroissement des dépenses d'importations de céréales était imputable au maïs et 40 pour cent au blé. La progression des importations de blé de 67 pour cent était dû en parts pratiquement égales aux prix et au volume, alors que le volume était l'élément déterminant de l'augmentation de 105 pour cent des importations de maïs. Pour le riz, la réduction des volumes explique totalement la chute de 17 pour cent de la valeur des importations. Ainsi, le bilan des importations de céréales au Kenya, de 1985 à 1998, n'a pas été positif. Toutefois, du point de vue de la tendance, depuis 1985, elles sont beaucoup plus favorables, car le tonnage importé de 1995 à 1998 était de 13 pour cent inférieur à la tendance extrapolée. Néanmoins, les dépenses d'importation n'ont pas chuté du fait de la hausse des cours.

De 1995 à 1998, les importations d'huiles végétales ont été de 76 pour cent plus supérieurs au niveau de 1990-94, presque exclusivement du fait de la hausse des prix, mais elle ne dépassaient que de 39 pour cent la tendance extrapolée pour la période. Ce résultat aussi, reflète en grande partie l'augmentation (80 pour cent) des prix. Le tonnage importé était inférieur de 23 pour cent à la valeur tendancielle. Autrement dit, la situation des importations était moins défavorable par rapport à la tendance.

Le bilan des importations de sucre a été positif. Les importations de sucre pour la période 1995-98 étaient inférieures de 32 pour cent au niveau de la période 1990-1994, ce qui s'explique totalement par une réduction du volume des importations. Par rapport à la tendance, elles ont été encore inférieures, atteignant seulement 44 pour cent de la valeur tendancielle extrapolée. Ce résultat était entièrement imputable au volume ce qui indique une décélération des importations.

Les importations de fruits et légumes de 1995 à 1998 ont dépassé de 32 pour cent le niveau de la période 1990-94, en raison exclusivement de la hausse des prix d'importations puisque le tonnage importé a diminué de 14 pour cent. L'expérience était positive par rapport à la tendance. Les importations étaient de 17 pour cent inférieures à la valeur de la tendance extrapolée, mais le tonnage était en proportion encore moindre.

La figure 3 indique dans quelle proportion les importations alimentaires ont varié annuellement par rapport au total des exportations agricoles. Au départ (1985-88) le rapport était d'environ 0,15 pour cent, puis il est passé à 0,2 en 1989 et a fluctué très nettement après, doublant pratiquement de 1996 (0,23) à 1997 (0,43), et reculant à 0,36 en 1998. La valeur moyenne du rapport était de 0,30 de 1995 à 1998, soit seulement 3 pour cent de plus que pour la période 1990-94 mais 23 pour cent de moins par rapport à la valeur de la tendance extrapolée. Il s'agit donc d'un bilan positif pour le Kenya.

Figure 3: Rapport de la valeur totale des importations de produits alimentaires à la valeur totale des exportations de produits agricoles, pour la période 1995-98

Source: FAOSTAT

IV. QUESTIONS CONCERNANT LES FUTURES NÉGOCIATIONS SUR L'AGRICULTURE

Comme indiqué dans l'introduction de ce chapitre, le Kenya doit affronter une situation difficile pour la sécurité alimentaire. La population dépend fortement de l'agriculture pour sa subsistance et les structures agraires reposent essentiellement sur la famille. L'impact des reformes en cours et de l'Accord sur l'agriculture sur le secteur agricole revêt donc une importance majeure. De ce fait, les questions relatives à la sécurité alimentaire, qui concernent essentiellement la situation du secteur agricole, devraient être au centre de tous les débats relatifs à la réforme de la politique commerciale.

A la lumière des expériences décrites ci-dessus, diverses questions importantes pour le Kenya, dans le contexte des nouvelles négociations de l'OMC sur l'agriculture, seront brièvement examinées ci-après. Les points sur lesquels un travail d'analyse plus approfondi serait utile pour la préparation de ces négociations, seront également signalés.

Dispositions fondamentales de l'Accord sur l'agriculture et engagements du Kenya

Comme susmentionné à la Section II, le Kenya a mis en place d'importantes réformes, surtout à partir du début des années 90 et de ce fait, lorsque l'Accord sur l'OMC est entré en vigueur, les politiques internes et commerciales étaient déjà conformes aux grandes lignes envisagées par l'Accord sur l'agriculture. Les réformes se sont poursuivies au cours de la période 1995-99 et l'harmonisation avec l'Accord sur l'agriculture ne pose pas vraiment de problèmes. Les quelques divergences qui subsistent devraient être réglées très prochainement, au terme de la présente phase de réforme.

Pour ce qui est des trois principales dispositions de l'Accord sur l'agriculture, le Kenya a été peu concerné par les engagements en matière de subventions à l'exportation puisqu'il n'en octroie pas et que ces mesures ne sont ni souhaitables ni envisageables dans son cas. Pour les mesures de soutien interne, il n'a pas été possible de déterminer avec précision la situation du fait du manque d'information sur les niveaux de MGS, mais on estime que, comme nombre d'autres pays en développement, le Kenya dispose d'une marge de manoeuvre considérable pour octroyer ces subventions, si elles sont inférieures au niveau de minimis. Il peut également accorder des subventions qui relèvent de la catégorie TSD. Il est donc fort improbable que les dispositions de l'Accord sur l'agriculture aient entravé directement les politiques de soutien interne du Kenya au cours de la période 1995-98. Toutefois, dans son propre intérêt, le Kenya devrait calculer les niveaux de MGS avec précision, pour voir où ils se trouvent. Cet exercice contribuerait à la transparence et permettrait d'établir de bonnes bases en vue des nouvelles négociations. Parallèlement, on devrait chercher à maintenir la catégorie de soutien TSD.

Dans le domaine de l'accès aux marchés, seuls les droits de douane ordinaires réglementent à peu près tous les échanges agricoles et les taux effectivement appliqués ont été inférieurs aux taux consolidés de 1995 à 1999. De ce fait, la conformité aux règles de l'Accord sur l'agriculture ne pose pas de problèmes. Mais apparemment, comme avec de nombreux membres de l'OMC, les mesures à la frontière ont parfois quelque peu dérogé aux règles de l'Accord sur l'agriculture (e.g. l'interdiction temporaire des importations de produits laitiers en 1996) pour des raisons spécifiques et ponctuelles. Il ne s'agit néanmoins que de quelques cas isolés.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'un point relevant de la conformité aux règles de l'Accord sur l'agriculture, le Kenya a dû affronter quelques questions de la part des membres de l'OMC sur son système de droits suspendus, du fait du manque de transparence et de prévisibilité. Ces droits sont un genre de taxe variable, appliqué par plusieurs pays membres de l'OMC, en développement et développés. Le bien-fondé des taxes variables n'a pas été clairement établi. L'Accord sur l'agriculture semble les avoir interdites, mais elles ont été rarement remises en cause dans l'OMC. Les droits suspendus du Kenya sont différents des autres formes plus courantes de fourchettes de prix, car la surtaxe est décidée par les pouvoirs publics (dans la limite de 70 pour cent) plutôt que sur les moyennes fluctuantes des prix des cours mondiaux ou sur les prix de référence internes. Il est difficile de savoir si cette caractéristique (c'est-à-dire le caractère non automatique du déclenchement) fait du Kenya un cas particulier qu'il faut supprimer ou si toutes les politiques de fourchette de prix appartiennent à la même catégorie, pour autant que le droit global appliqué ne dépasse pas le droit consolidé.

Le Kenya doit donc suivre de près ces questions au sein de l'OMC et dans d'autres instances, mais il devrait surtout analyser sa propre situation en détail, et chercher à apporter des réponses à diverses questions: Pourquoi a-t-on recours en premier lieu à ces surtaxes, si les droits de douane ordinaires peuvent être portés jusqu'à 100 pour cent?; Quelles sont les raisons précises qui exigent le recours à des surtaxes sur une liste sélectionnée de produits alimentaires - est-ce seulement une question de sécurité alimentaires?; Quels sont les avantages et les inconvénients liés au déclenchement automatique des surtaxes, sur la base des cours mondiaux ou des prix de référence interne?; Quelles sont les conséquences découlant du fait de ne pas avoir accès aux clauses de sauvegarde spéciales (SGS) agricoles?; Est-ce que le Kenya devrait négocier pour y avoir accès au cours du prochain cycle et, le cas échéant, pour quelles raisons précises?; Comment devrait-il envisager la question d'une réduction ultérieure des taux consolidés à l'OMC au cours des nouvelles négociations, compte tenu du bilan des cinq ou six dernières années?

Questions relatives aux produits

Sur les trois principaux produits d'exportation (café, thé et produits horticoles, y compris les fleurs coupées) il ressort que l'accès aux marchés est surtout complexe pour les fruits et légumes, pour lesquels l'Union européenne est le principal marché. Contrairement au Maroc et à l'Egypte par exemple, le Kenya n'a pas signé un accord bilatéral avec l'Union européenne, lui octroyant un contingent. Ainsi, ce sont principalement des produits qui sont hors-saison dans l'UE qui sont exportés vers ce marché. Le Kenya est signataire de la Convention de Lomé, mais cette dernière ne prévoit pas un traitement préférentiel de la part de l'UE. Compte tenu de ses avantages comparatifs révélés pour la production et l'exportation de fruits et légumes, il est important que le Kenya analyse le régime des importations complexes de ces produits, afin d'obtenir de meilleures conditions d'accès.10

Pour ce qui est du café et du thé, la plupart des marchés dressent peu d'obstacles aux importations non transformées. Toutefois, la progressivité des droits de douane est considérable, sur nombre des principaux marchés, pour le café.11 Par exemple, les droits consolidés pour le café torréfié à la fin de la mise en place de l'Accord d'Uruguay devraient être encore de 8 pour cent dans l'UE et de 12 pour cent au Japon (alors que le café vert entre en franchise de droits) ; pour les extraits de café ils seraient respectivement de 11 et 39 pour cent. La situation est similaire pour les produits en cuir, qui sont potentiellement des produits d'exportation importants. La nécessité d'éliminer rapidement la progressivité des droits de douane et de réduire les crêtes tarifaires sur les produits agricoles a été souligné dans la déclaration du Kenya au cours de la Troisième conférence ministérielle de l'OMC, à Seattle.

Accords SPS et OTC

Dans la présente étude, il n'a pas été possible de dresser le bilan du Kenya dans l'application des ces Accords et d'établir dans quelle mesure les échanges agricoles ont été affectés. La recherche dans ce domaine devrait être un secteur prioritaire et reposer notamment sur l'expérience des négociants. Le Kenya s'est efforcé d'attirer l'attention sur les difficultés existantes et à défendre sa position. A Seattle, par exemple, il a souligné que les pays en développement, dont fait partie le Kenya, avaient rencontré de graves difficultés, face à des demandes arbitraires liées à l'Accord SPS qui ont limité l'accès aux marchés. Il a été propose qu'un examen global soit entrepris pour tenir compte des nombreuses difficultés affrontées dans la formulation et l'application des mesures de SPS et a réclamé un système d'arbitrage transparent et non partisan de règlement des différends, assorti de sauvegardes suffisantes pour les consommateurs.

En 1999, lors de la session du Comité de l'agriculture, le Kenya a déclaré que l'article 10 de l'Accord SPS, qui demandait aux pays développés de tenir compte des exigences particulières des pays en développement au cours de la préparation et de l'application des mesures SPS, devrait être examiné, à la lumière des difficultés de mise en oeuvre que ces derniers doivent affronter ( notamment : procédures de notification complexe; terminologie vague ("période raisonnable"); défaut d'application des promesses d'assistance technique prévues dans les Accords. Ainsi, pour assurer une participation effective des pays en développement aux discussions internationales relatives à l'établissement des normes, le Kenya a proposé, qu'une approche régionale soit prise en considération par les pays développés, dans leur programme d'assistance.

Analyse des politiques, en vue de rationaliser les mesures à la frontière et les mesures de soutien interne dans le cadre du COMESA et de l'Accord sur l'OMC

A Seattle, le Kenya a demandé à la Conférence ministérielle de prier instamment les différents organes de l'OMC de reconnaître rapidement les organismes d'intégration régionale existants, notamment le COMESA et la Communauté de l'Afrique orientale, afin qu'ils puissent suivre l'évolution des affaires et les décisions prises au niveau multilatéral de plus près et assurer ainsi la conformité et la cohérence des programmes et des politiques élaborés et adoptés au niveau régional, avec les règles de l'OMC. Ils pourraient aussi servir réellement de forum pour fournir l'assistance technique nécessaire. Le COMESA a accepté de faire mettre en oeuvre un TEC d'ici 2004, à des taux bien inférieurs aux taux consolidés actuellement en vigueur au Kenya (100 pour cent).

Compte tenu des difficultés rencontrées par plusieurs pays en développement, ayant signé un ou plusieurs accords régionaux, ainsi que les Accords de l'OMC, pour harmoniser leurs TEC avec l'OMC, ces questions devraient être examinées en priorité par le Kenya et les autres membres du COMESA. L'enseignement tiré de l'expérience d'autres régions est que l'établissement du TEC est complexe lorsque les membres de l'accord régional ont des engagements tarifaires différents dans le cadre de l'OMC.12 Il ressort de la présente étude que ce sujet n'a pas été approfondi et que l'on dispose de peu de données dans ce domaine. Il serait utile de pouvoir bénéficier d'une assistance technique pour effectuer ce travail, notamment si cela concerne l'expérience d'autres régions.

Assistance technique

Avec le développement de la mondialisation et le renforcement de la réglementation des échanges mondiaux et régionaux, les capacités d'analyse, et d'information ainsi que la connaissance des marchés et des problèmes juridiques liés aux échanges sont devenus toujours plus nécessaires. Les pays disposant d'une capacité institutionnelle limitée ne leur permettant pas de répondre à ces besoins seront désavantagés dans les échanges. Cela vaut aussi pour l'amélioration des infrastructures matérielles utiles pour développer les échanges et pour la remise à niveau des normes SPS et OTC. Les pays en développement peuvent faire beaucoup de choses par eux-mêmes mais ils estiment que les promesses d'assistance technique qui figurent dans divers accords du Cycle d'Uruguay n'ont pas été tenues et nombre d'entre eux attendent les nouvelles négociations de l'OMC sur l'agriculture pour que cette situation soit rectifiée.

Il est possible de délimiter trois principaux secteurs dans lesquels les besoins d'assistance technique se font sentir. On relève tout d'abord un besoin pressant d'assistance technique pour mettre à niveau les normes SPS. Une assistance est également nécessaire pour les politiques agricoles, notamment pour adapter les mesures à la frontière au nouvel environnement commercial, notamment dans les rapports avec les accords régionaux et multilatéraux d'échanges, comme susmentionné. Enfin une assistance technique pourrait aussi servir à appliquer de manière effective la Décision ministérielle de Marrakech pour les questions liées aux produits alimentaires. Le Kenya est un pays en développement importateur net de produits alimentaires conformément aux dispositions de la Décision, mais a n'a pratiquement pas bénéficié de l'aide promise. Au contraire, malgré la forte augmentation des importations alimentaires, le volume de l'aide alimentaire reçue a chuté nettement, passant de 53 pour cent des importations totales de céréales en 1986-88 à moins de 8 pour cent en 1996-98. Le Kenya aura donc de nombreux dossiers à préparer et à traiter au cours des prochaines négociations agricoles.


1 Etude réalisée à partir d'un document d'information préparé pour la Division des produits et du commerce international de la FAO par Hezron Nyangito, Nairobi.

2 Le droit effectivement appliqué peut être spécifique ou ad valorem (c'est celui qui permet d'obtenir les recettes les plus élevées qui est retenu).

3 Examen des politiques commerciales du Kenya, 2000, OMC.

4 Des prélèvements variables ont été introduits pour la première fois en 1994, pour certains produits alimentaires.

5 Examen des politiques commerciales du Kenya, 2000, et procès verbal de la réunion.

6 Ikiara, G.N., M.A. Juma et J.O. Amadi, 1993, "Agricultural Decline, Politics and Structural Adjustment". Voir Gibbons,P.(Ed). Social Change and Economic Reform in Africa, Nordiska Africainstituete, Uppsala.

7 Nyangito, H., 1999. "Agricultural Sector Performance in a Changing Policy Environment". Voir Kimuyu, Wagacha et Abagi, Kenya's Strategic Policies for 21st Century: Macroeconomic and Setoral Choices. Institute of Policy Analysis and Research (IPAR), Nairobi.

8 La chute des importations en 1993 était largement imputable à la dévaluation et à la crise économique. Le système de changes flottants adopté à la fin de 1994 a favorisé par la suite la stabilisation de la monnaie.

9 Il convient de rappeler que les données FAOSTAT sur les produits alimentaires ne tiennent pas compte des produits de la pêche et des forêts.

10 Les problèmes des pays méditerranéens qui font concurrence aux exportateurs bénéficiant de contingents préférentiels pour les fruits et légumes sont examinés de manière assez approfondie dans l'étude relative à l'Egypte, qui figure dans le présent volume. De nombreux points sont aussi valables pour le Kenya.

11 Pour une étude approfondie de la progressivité des droits de douane concernant les produits agricoles, voir, The impact of the UR on Tariff Escalation in Agricultural Products de J. Lindland, ESCP Document No. 3, FAO 1997.

12 Par exemple, lorsque le TEC est supérieur aux droits consolidés d'un certain pays dans le cadre de l'OMC, ce pays peut-être obligé à compenser certains membres de l'OMC pour la différence.

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