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TENDANCES ACTUELLES DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE EN MATIERE FORESTIERE AU MAGHREB

Omar MHIRIT 1


Résumé

La gestion, la mise en valeur et la conservation de plus de 14 millions d'hectares de forêts et d'espaces boisés de l'Afrique du Nord dans l'espace sud-méditerranéen a conduit à la création d'institutions d'enseignement, de formation et de recherche depuis plus d'un demi siècle au Maroc et en Tunisie et bien avant en Algérie.

La mondialisation des questions forestières, depuis le Sommet de Rio et les processus qui l'on suivi, ont permis l'émergence d'une nouvelle vision de la foresterie en terme de gestion, de conservation et d'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts. Dans cet ordre d'idée, les pays de la sous région ont élaboré et développé des instruments stratégiques d'appui à la planification, en particulier, des programme forestiers nationaux. (PFN)

L'adaptation et le renforcement de l'enseignement, de la formation et de la recherche constituent autant de leviers sur lesquels il faudrait agir pour la réalisation efficace des plans d'actions émanant des PFN.

Les tendances générales de l'enseignement et de la recherche au Maghreb évoluent d'une manière générale vers la clarification des missions, le renforcement institutionnel, l'adaptation des profils et des contenus de formation, l'amélioration de la gouvernance, des priorités et de la programmation de la recherche et du financement.


Introduction

Les forêts et les espaces boisés de l'Afrique du Nord couvrent dans l'espace méditerranéen du sud plus de 14 millions d'hectares, formés de plus de trente écosystèmes terrestres complexes et diversifiés, qui occupent un éventail très large de bioclimats du saharien aux bioclimats perhumide et de haute montagne. La gestion, la mise en valeur et la conservation de cet ensemble est naturellement une tâche qui ne va pas sans poser de nombreux problèmes d'ordre écologique, technique, économique et social.

Aussi, la nécessité d'un système de formation et de recherche pour assurer à la fois la charge de l'étude des problèmes fondamentaux et pour répondre aux besoins techniques et socio-économiques d'une gestion rationnelle des écosystèmes forestiers, a-t-elle conduit, dans les pays de la sous région, à la création d'institutions d'enseignement, de formation et de recherche depuis plus d'un demi-siècle au Maroc et en Tunisie et bien avant en Algérie.

La mondialisation des services, la libéralisation de l'économie, les perspectives d'association avec l'Europe, la demande sociale en technologies nouvelles et les implications de la gestion durable des ressources naturelles et la protection de l'environnement sont autant de facteurs qui ont engagé les pays du Sud et de l'Est de la région méditerranéenne dans un vaste programme de mise à niveau et de réformes au cours de ces dix dernières années.

Les systèmes d'enseignement et de recherche scientifique, en général, et agricole en particulier, en tant que vecteur de dynamisation et de croissance, d'entreprise de production scientifique et technologique ont, ainsi, fait l'objet d'une revue et d'une analyse approfondie quant aux enjeux que pose le nouveau contexte et quant aux défis à relever et aux réformes à entreprendre (10; 11).

La présente note, après avoir esquissé la problématique de gestion et de conservation des forêts et des espaces boisés de l'Afrique du Nord, présente une analyse du système d'enseignement supérieur et de recherche forestiers et ses tendances, et souligne la nécessité d'une nouvelle vision de la coopération méditerranéenne.

1. La forêt nord-africaine: espace multifonctionnel et multiusages

Les pays de l'Afrique du Nord ou Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) présentent un certain nombre de caractéristiques bio-écologiques et socio-économiques voisines, en particulier: ressources en eau limitées, vastes étendues arides, superficies importantes de parcours naturels, forte tradition d'élevage, pression démographique. Déduction faite du désert, ces pays présentent une proportion importante de superficies boisées, plus de 14 millions d'ha. soit 10 % de leur territoire, incluant quelques belles forêts naturelles en altitude et de bons boisements, quoique, une forte dégradation se poursuit sur de vastes espaces boisés.

Dans les pays de l'Afrique du Nord, la croissance démographique élevée, la densité rurale, le niveau de vie et de revenu relativement faible et un régime forestier à dominante publique sont autant de facteurs à l'origine d'activités sylvopastorales vitales pour les populations et, de surcroît, à de fortes pressions sur les espaces naturels. La surexploitation de bois, les défrichements pour l'agriculture de subsistance et le surpâturage constituent les principales causes de dégradation et de déforestations dont les manifestations se traduisent par l'érosion des sols, la perte de leur fertilité et par la désertification (14).

La forêt est un espace boisé multifonctionnel et multi-usages dont l'aménagement et la gestion sont difficiles à mettre au point; les fonctions souvent concurrentes, parfois incompatibles, sont susceptibles des varier en importance relative et en priorité dans le temps et dans l'espace. Les problèmes de droits d'usage compliquent la gestion tandis que le renouvellement de la ressource est difficile, aléatoire et lent. Les terres techniquement reboisables situées hors forêt sont rares et souvent convoitées par l'agriculture.

Ainsi, la problématique forestière de cette région est à la fois d'ordre environnementale et socio-économique; elle conditionne les stratégies et les choix politiques de développement forestier et de protection de l'environnement ainsi que les orientations en matière d'éducation, de formation et de recherche forestières.

Le tableau ci-après présente les domaines phytogéographiques et les types de forêts de la région (encadré n° 1).

2. Situation actuelle du système d'enseignement et de recherche

2.1. De l'enseignement forestier: L'ENFI un modèle de coopération maghrébine.

Avant 1968, les cadres forestiers, ingénieurs de travaux et ingénieur de conception, ont été formés, dans leur grande majorité, en France, respectivement à l'Ecole des Barres et à l'Ecole Nationale du Génie Rural des Eaux et Forêts à Nancy. Lors de la première semaine forestière maghrébine, à Tunis en 1967, les chefs des administrations des pays du Maghreb ont convenu du principe de former les cadre supérieurs dont ils ont besoin. La similitude des conditions écologiques et socio-économiques permet de concevoir et de rendre souhaitable une formation spécifique, mieux adaptée aux besoins et aux réalités de cette partie du bassin méditerranéen.

L'Ecole Nationale Forestière d'Ingénieurs (ENFI) a été créée, à cet effet, en 1968, avec l'appui du PNUD et de la FAO «Projet Education et Formation Forestière» en vue de répondre aux besoins en cadres forestiers supérieurs des pays du Maghreb. En 1975, la formation a été élargie à d'autres pays d'Afrique et du Proche Orient. Depuis sa création, l'ENFI a formé un millier d'ingénieurs forestiers représentant plus de 20 nationalités.

L'ENFI dispense un enseignement relatif principalement à la conservation, à l'aménagement et à la gestion durable des forêts, des ressources naturelles et à la promotion de l'économie montagnarde. La formation se déroule en trois cycles de deux années chacun. Elle est relativement polyvalente, , mais le degré de polyvalence et les capacités d'analyse et de synthèse sont confortées par une formation scientifique, technique et socio-économique et de solides connaissances en économie forestière, planification, organisation et administration. Un mémoire de recherche couronne le cycle de formation de l'ingénieur.

Encadré 1: DOMAINES PHYTOGEOGRAPHIQUES ET TYPES DE FORETS DU MAGHREB.
I. DOMAINE MEDITERRANEEN
Forêts de chênes sclerophylles: Quercus ilex, Q.suber, Q. coccifera
Forêts décidues de chênes méditerranéens: Quercus faginea, Q.afares, Q.canariensis, Q.pyrenaica.
Forêts méditerranéennes de résineux:
Forêts de pins: Pinus halepensis, P.pinaster, P.nigra, P.pinea, etc...
Forêts de thuya: Teraclinis articulata.
Forêts de genévriers: Juniperus phoenicea, J.thurifera, J.communis.
Forêts de cèdre: Cedrus atlantica
Forêts de sapins: Abies marocana, A.numidica
Formation arborée de l'Oléolenticetum: Olea europea, Pistacia atlantica,
Ceratonia ciliqua...
Formation arbustives et buissonnantes: Formation de haute montagne,
maquis et garrigues méditerranéens.
II. DOMAINE SUBMEDITERRANEEN
Formations arbustives d'arganier: Argania spinosa
Formation arbustives d'acacia: Acacia gummifera et A. tortilis, Zizphus lotus.
Formations steppiques: Stipa tenacissima...
III. DOMAINE SAHARIEN: Acacia sahariens, Maerua crassifolia, Balanites
aegyptiaca, Rhus tripartitum; Tamarix sp.

Parallèlement à sa mission d'éducation et de formation, l'ENFI apporte une contribution importante à la réalisation d'études et de programmes de recherche dans les différents domaines de la foresterie en rapport avec les orientations et les besoins du département chargé des Eaux et Forêts.

Néanmoins, le Maghreb a continué à diversifier la formation durant les dernières décennies. Dans le cadre de programmes de coopération, une partie des cadres forestiers ingénieurs, chercheurs ou enseignants-chercheurs ont été formés dans les écoles et universités européennes et nord-américaines, en particulier en France, en Belgique, aux Etats-Unis et au Canada. De même des options de foresterie ont été développées dans les instituts de formation agricole des différents pays de la sous région INAT de Tunis, INA d'El Harrach, Algérie; IAV Hassan II, Maroc).

2.2. De la recherche forestière: atouts et faiblesses

La recherche relève principalement des centres et instituts de recherche forestière existant dans les trois pays: l'Institut National de Recherche Forestière en Algérie (INRF), le Centre National de Recherche Forestière au Maroc (CNRF) et l'Institut National de Génie Rural, des Eaux et Forêts en Tunisie (INGREF); au sein des départements chargés de l'agriculture et des Eaux et Forêts.

Néanmoins, plusieurs organismes nationaux, en particulier les établissements d'enseignement supérieur, les universités, les instituts de recherche scientifique développent des recherches en rapport avec la foresterie quoique spécialisées dans des domaines spécifiques. La Faculté des Sciences d'Agadir est focalisée sur le système Arganier; l'Institut de recherche de Médenine est orienté sur les problèmes de sylvopastoralisme et de lutte contre la désertification au sens large dans le Sud tunisien...

La recherche dans la région a focalisé son activité principalement dans les domaines suivants: (i) connaissance , inventaire et sylviculture; (ii) amélioration et conservation des ressources génétiques; (iii) valorisation du bois et autres produits de la forêt; (iv) protection sanitaire des forêts et (v) aménagement de l'espace forestier et préforestier.

La recherche forestière au Maghreb présente des atouts en rapport avec une culture scientifique forestière ancienne, un système de financement approprié, une ouverture nationale et internationale et un potentiel humain et technique non négligeable. Mais, elle soufre de certains problèmes et insuffisances d'ordre structurel et organisationnel, (14),en particulier:

3. Orientations nouvelles de la politique forestière

La reconnaissance de l'importance des espaces boisés de la région méditerranéenne pour le développement a donné lieu, depuis longtemps à des efforts de coopération et à la mise en place de programmes spécifiques. En particulier le Programme d'Action Forestier Méditerranéen, (PAF-MED) (2), mis en œuvre, en 1993, par la FAO dans le cadre des activités de «Silva mediterranea» fournit un cadre conceptuel à partir duquel les pays du Maghreb ont élaboré et mis en œuvre des plans forestiers nationaux (PFN).

Le PFN constitue, dans le Maghreb, le cadre stratégique de gestion durable du secteur forestier et le cadre de mobilisation, de programmation et d'allocation des moyens pour atteindre les objectifs suivants: (i) sauvegarder et conserver le patrimoine forestier (ii) conserver le sol et lutter contre l'érosion (iii) préserver et valoriser la biodiversité des milieux naturels (iv) aménager et valoriser les ressources productives (v) promouvoir le développement intégré des zones forestières et périforestières. La stratégie du PFN repose sur une approche à la fois patrimoniale, partenariale et participative et territoriale.

La mise en œuvre des PFN est tributaire d'un renforcement institutionnel; elle a constitué l'occasion d'une réflexion approfondie et d'une restructuration des institutions (3; 4; 6). A cet effet, l'adaptation de la formation et de la recherche constitue autant de leviers sur lesquels il faudrait agir pour une réalisation efficace des plans d'action émanant du PFN.

4. Tendances actuelles du système d'enseignement et de recherche.

Le système d'enseignement et de recherche scientifique en général et agricole en particulier, en tant que vecteur de dynamisation et de croissance, d'entreprise de production scientifique et technologique, a fait l'objet, durant la dernière décennie,

d'une revue et d'une analyse approfondie quant aux enjeux que pose le nouveau contexte de développement durable et de ses implications politiques, économiques et sociales et quant aux défis à relever et réformes à entreprendre (5; 10; 12).

Les établissements d'enseignement supérieur et de recherche agricole ne sont pas restés à l'écart de cette mouvance. Plusieurs ateliers sur le sujet ont été tenus dans les différents pays et des projets de réformes et de restructuration avaient été initiés voire promulgués (Loi n° 99 05 du 4 avril 1999 portant loi d'orientation sur l'enseignement supérieur, Ministère de l'Enseignement Supérieur et Recherche Scientifique en Algérie; Projet de Charte Nationale d'Education et de Formation octobre 1999, Loi 01.00 du 19 mai 2000 portant organisation de l'enseignement supérieur et Projet de Loi relative à la recherche scientifique et technologique au Maroc; création du Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique et de la Technologie et du Comité d'Evaluation des Activités de Recherche auprès du Premier Ministre en 1997 et de l'Institut de la Recherche et de l'Enseignement Agricole (organe de coordination) en Tunisie).

4.1 Tendances générales de l'enseignement forestier.

Les tendances générales de la structuration de l'enseignement supérieur forestier dans le cadre général de la réforme de l'enseignement supérieur (8) peuvent être résumées comme suit:

(i) Clarification des mission des établissements.

Les missions de l'enseignement agricole et forestier sont élargies pour intégrer, à côté de la formation, la recherche et la participation au développement économique et social;

(ii) Autonomie administrative financière et pédagogique.

Elle facilitera l'intégration interdisciplinaire et inter-institutionnelle, l'ouverture sur l'environnement socio-économique et l'évaluation dans ses différentes composantes. La possibilité de recherche de financements alternatifs en serait aussi facilitées;

(iii) Réorganisation et amélioration du système pédagogique.

A traversl'intégration inter-institutionnelle permettant la répartition des activités et des ressources nécessaires à leur réalisation entre les entités du système agricole et facilitant la mise en place de troncs communs et de passerelles, l'organisation de l'enseignement en semestres, filières et moduleset la promotion de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication;

(iv) Mise en place de mécanismes de coordination.

L'instauration de commissions nationales de coordination des établissements de formation supérieure, de conseils d'établissement investis de tous les pouvoirs et attributions nécessaires à l'administration des établissements, de commissions permanentes ou ad-hoc, sont autant d'instruments de nature à améliorer le fonctionnement du système;

(v) Promotion des ressources humaines.

L'amélioration de la gestion des ressources humaines est nécessaire et doit reposer sur une politique claire de recrutement, d'évaluation et de promotion de carrière et sur la motivation et la formation continue des enseignants chercheurs.

La conduite du changement de l'enseignement forestier, à la lumière des nouvelles orientations, des nouveaux besoins des PFN et des réformes de l'enseignement supérieur (19), est entreprise à travers les actions principales suivantes:

(i) Adaptation du profil de l'ingénieur à la formation d'un cadre polyvalent

capable de prendre en charge, non seulement la gestion des ressources forestières et des ressources naturelles mais aussi tous les autres problèmes d'un aménagement d'ensemble de l'espace rural.

(ii) Mise en place de plans de formation continue:

Il est certain que la polyvalence des ingénieurs appelle un complément de formation indispensable. Le programme de formation continue permettra de recycler et de perfectionner les cadres et les techniciens forestiers et faciliter leur adaptation en vue d'une mise en œuvre efficace du PFN;

(iii) Promotion d'une recherche finalisée inter-institutionnelle intégrante

la diversité des systèmes forestiers et préforestiers. La recherche constitue une activité vitale et indispensable dans le système d'enseignement supérieur forestier; c'est à travers elle que l'enseignement perfectionne ses connaissances scientifiques et améliore le niveau de son enseignement et du transfert de techniques et de technologie. Des efforts sont consentis vers la résolution de problèmes prioritaires définis dans la stratégie forestière et dans le programme national de recherche forestière.

4.2. La recherche forestière: structuration et programmation

Les tendances prévisibles de la structuration et la programmation de la recherche forestière au Maghreb (5; 9; 13; 15; 18; 21) s'identifient aux éléments principaux suivants:

(i) Interface entre la recherche et la prise de décision politique.

La recherche peut être aussi considérée comme un instrument politique parmi d'autres; elle fournit de nouvelles technologies et révèle de nouvelles connaissances pour les décideurs. C'est au décideur politique qu'il incombe de choisir l'importance et l'allocation de ressources. Il est nécessaire d'améliorer l'interface de la recherche et de la prise de décision, notamment, en garantissant la crédibilité de la recherche, en donnant l'importance aux sciences sociales et à la recherche intégrée, en mettant en place des mécanismes/incitations à la mise en œuvre, en améliorant le dialogue, la présentation des résultats et les mécanismes institutionnels;

(ii) Construction d'un réseau efficace d'institutions de recherche.

Le système de recherche forestière, constitué essentiellement d'organismes du secteur public, (Instituts de recherches, établissements d'enseignements, universités...) présente une hétérogénéité dans la tutelle et les statuts. La structuration en réseaux permettra une meilleure coordination des programmes. (Loi relative aux Groupements d'Intérêt Public) du 19 mai 2000 au Maroc; Institution de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur Agricole (IRESA), et Comité technique interministériel de la Recherche scientifique et de la technologie, 1997, en Tunisie...);

(iii) Amélioration de la gouvernance.

La gouvernance peut être définie comme la façon dont le système de recherche ou les organismes sont orientés et guidés. Le principal mécanisme de gouvernance est le conseil d'administration et les mesures qu'il impose pour évaluer les performances de l'institution. Les changements prévisibles dans la gouvernance concernent d'une manière générale: La modernisation des méthodes de gestion et de management des établissements dans le sens de la participation; L'adaptation des statuts de recherche et de chercheurs; La mise en place d'un système d'évaluation de la recherche à la fois individuel et collectif ainsi que de son impact sur le développement forestier; La mise en place d'un système de veille technologique et un système d'information intra et inter-institutionnel;

(iv) Séparation du financement et de l'exécution de la recherche.

Les institutions de recherche ne peuvent être à la fois juges et partie, d'où la nécessité de créer des mécanismes qui veillent aux intérêts nationaux en matière de recherche pour la coordination des programmes, la répartition des fonds et l'évaluation des résultats. Le Comité Technique de la Recherche Scientifique et de la Technologie, auprès du Secrétariat d'Etat à la Recherche Scientifique et à la Technologie vient d'être créé, à cet effet, en Tunisie. Les établissements d'enseignement et de recherche au Maroc étudient l'opportunité de la mise en place d'une instance de coordination. La Direction de la Coordination et de la Recherche Scientifique et du Développement Technologique en Algérie, au Ministère de l'Enseignement et de la Recherche Scientifique est créée dans ce sens.

(v) Transformation progressive du financement institutionnel: financement par programme et partenariat.

Devant la réduction du financement budgétaire et la nécessité d'optimisation des moyens de la recherche, la nécessité s'impose d'évoluer vers un financement par programme qui devrait distinguer le budget institutionnel (salaires et maintenance, etc.) du budget de recherche proprement-dit et vers des formes alternatives du type: Création de fonds compétitifs de recherche (PRAD, PROTARS); Recherche par convention et contrat-programme; Recherche dans un cadre bilatéral; Recherche à financement public et privé; Recherches financées par des ONG (IFS, UICN, ....)

(vi) Développement des ressources humaines.

La politique des ressources humaines devra s'articuler autour de plusieurs éléments: le recrutement, la formation, la valorisation du statut du chercheur, l'évaluation des performances, la promotion, la mobilité et la gestion des carrières.

5. Renforcement de la coopération

D'une manière générale, la coopération internationale en matière d'enseignement et de recherche forestiers se situe à un niveau faible dans le Maghreb comparativement aux autres régions de l'Afrique, de l'Asie ou de l'Amérique latine (14). Les coopérations bilatérales sont pratiquement réduites à des actions ponctuelles (projets de recherche GRAM sur financement INRA - France, projets INCO relevant du Programme cadre Recherche Développement de l'Union Européenne, projets PRAD sur financement du Ministère français des affaires étrangères). La coopération gravitent autour de quelques organismes internationaux ou régionaux, tandis que les fonds alloués à l'enseignement et à la recherche restent négligeables.

Les actions de coopération doivent être fondées sur une véritable stratégie et pas seulement décidées en fonction d'opportunités. Les pays du nord de la Méditerranée offrent des possibilités d'assistance et de coopération et sont une source inestimable de savoir et d'informations pour les pays du Sud.

Les instituts de recherche des pays du Sud manquent de moyens nécessaires à la recherche: savoir-faire, matériel, accès à la documentation scientifique, capacité de bénéficier d'une formation appropriée dans des centres d'excellences internationaux. Les échanges entre les instituts de ces pays et leurs homologues du nord sont courants, mais souvent s'opèrent sur une base ponctuelle, ou trop réduite, comme c'est le cas des projets PRAD.

Les réseaux constituent un instrument de coopération et peuvent ouvrir aux pays du Maghreb des possibilités fort intéressantes. Ils sont fondés sur le principe que les problèmes auxquels fait face la recherche nationale dépassent les limites des priorités nationales ainsi que les ressources des seuls instituts nationaux et nécessitent parfois des approches multidisciplinaires (11; 17).

Néanmoins, la formule des réseaux est une approche politiquement acceptable et scientifiquement enrichissante quand elle repose sur les principes fondamentaux suivants:

La nécessité de promouvoir la création d'un réseau d'instituts d'enseignement et de recherche au sein duquel s'effectueront la collaboration et l'assistance s'impose à l'évidence. Elle peut être accès sur le jumelage des instituts et permettrait d'ouvrir de nouveaux horizons aux scientifiques et de renforcer les capacités des chercheurs du Sud à mener des recherches de qualités conformes aux «standards internationaux».

Ces réseaux peuvent orienter, principalement, leur action dans le sens suivant: (i) contribuer à l'harmonisation des actions de recherche et de formation entre les pays aux problématiques forestières voisines; (ii) promouvoir des échanges d'informations d'enseignants de chercheurs et de stagiaires; (iii) développer des programmes fédératifs entre le Nord, le Sud et l'Est de la Méditerranée et (iv) encourager et soutenir les initiatives d'autres organismes (FAO, UNESCO, IUFRO...).

Conclusion

La problématique forestière de la région du Maghreb est à la fois d'ordre environnementale et socio-économique comme dans l'ensemble du Sud de la zone méditerranéenne; elle conditionne les stratégies et les choix politiques de gestion et de conservation des forêts et de l'environnement naturel, mais aussi les orientations en matière d'éducation, de formation et de recherche forestières.

La mondialisation des questions forestières, depuis le Sommet de Rio et les processus qui l'on suivi, ont permis l'émergence d'une nouvelle vision de la foresterie en terme de gestion, de conservation et d'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts. Dans cet ordre d'idée, les pays du Maghreb ont élaboré et développé des instruments stratégiques d'appui à la planification, en particulier, des programme forestiers nationaux. L'adaptation et le renforcement de l'enseignement et de la formation et de la recherche constituent autant de leviers sur lesquels il faudrait agir pour la réalisation efficace des plans d'actions émanant des PFN.

L'analyse de la situation actuelle du système d'enseignement supérieur et de recherche a permis de mettre en relief les atouts et les faiblesses de ce système. Dans ce sens, l'Ecole Nationale Forestière d'Ingénieurs de Salé, au Maroc, présente un modèle de coopération des pays du Maghreb dans le domaine de la formation des cadres supérieurs forestiers. Elle a joué pleinement ce rôle depuis trois décennies et permis la mise en place dans ces pays d'un corps forestier dont les qualités s'imposent à l'évidence.

La recherche relève principalement des centres et instituts de recherche forestière existant dans les pays au sein du département chargé de l'agriculture et des forêts. A côté de ces centres, les établissements universitaires développent des activités de recherche de base en rapport avec la foresterie. Mais la coordination inter-pays est quasi absente malgré les progrès sensibles induits par les réseaux de recherche de «Silva mediterranea».

Malgré l'intérêt manifesté à l'enseignement et à la recherche dans la région, la coopération internationale et méditerranéenne se situe à un niveau encore faible comparativement aux autres régions de l'Afrique, de l'Asie ou de l'Amérique latine. Cependant, les pays du nord de la Méditerranée offrent des possibilités importantes d'assistance et de coopération pour les pays du Sud, qui sont leurs partenaires naturels et privilégiés, dans les perspectives de zone de libre-échange méditerranéenne. La nécessité d'une nouvelle vision de la coopération Nord-Sud de la méditerranée s'impose à l'évidence; elle doit être fondée sur une véritable stratégie soutenue par l'Union Européenne.

Références bibliographiques

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1 Professeur de Sylviculture, Directeur de l'Ecole Nationale Forestière d'Ingénieurs de Salé
Tél: 212 37 86 22 04 / Fax: 212 37 86 11 49
Courriel: [email protected]