0349-B3
Stéphane
Hamptaux[1]
Larbre et son système forestier est un élément fondamental de la vie.
Sa prolifération au travers des temps a permis de composer lair que nous respirons, de perpétuer la fertilité des sols et dengendrer la majorité de lénergie que nous consommons chaque jour.
Un nouvel argument vient sajouter à lutilité de larbre; la mise en évidence de son rôle «daggradeur» du sol au travers de lutilisation de ses rameaux.
Les équilibres entre la nature et lhumanité semblent avoir été rompus. Lhumanité est plus conquérante, prédatrice et gaspilleuse des ressources naturelles quelle ne la jamais été. Les conséquences, plus prononcées sous les tropiques, sont moins dissimulées sous le boisseau. Lorgueil humain croit quil peut dominer la nature sans la respecter; attribuant trop souvent aux climats, les responsabilités qui sont les siennes dans le dérèglement des espaces de vie.
Le problème de la dégradation des sols et de la désertification sont au centre de nos préoccupations. Spécialisés dans la réhabilitation des sols, nous avons expérimenté et adopté plusieurs techniques agricoles et forestières, en Europe, au Tchad et à Madagascar.
Compostage, jachères améliorées, engrais verts, parcs à bufs améliorés, agroforesterie, aménagements en courbes de niveaux et gestion forestière se sont avérés une bonne base dans notre quête pour un réel système de gestion intégré du terroir.
La lecture et lapplication des travaux effectués par le groupe de coordination des B.R.F. de lUniversité Laval à Québec, ont permis dobserver, après le développement et la mise en place de différents itinéraires techniques, les prémices dune réelle gestion intégrée du terroir.
Considérés comme sous produit ou déchets verts, les branches ou rameaux constituent cependant un des matériaux biologiques des plus complexe et diversifié qui soit. Il lui faut une certaine transformation pour devenir un produit biologique actif. En procédant à sa fragmentation en copeaux de 0 à 5 cm. il en résultera des Bois Raméaux Fragmentés mieux connus sous le nom de B.R.F.
Ce matériel abondant et facile à produire peut devenir, une fois fragmenté et incorporé à la couche superficielle du sol, lunique source d'origine biologique et universelle capable de régénérer le sol, tant dans le domaine forestier quagricole.
Mots clés:système forestier, rôle «daggradeur», Bois Raméal Fragmenté (B.R.F.), humanité, ressources naturelles, gestion intégrée du terroir.
De tout temps et sous toutes les latitudes, seul le «bois caulinaire» est utilisé: le reste, soit près de 30% de toute la biomasse forestière est perçue comme déchets et nuisances.
La littérature nous suggère que le bois «caulinaire» ou bois de tronc est la partie la plus pauvre en nutriments, constitué principalement de celluloses et de lignines gaïacyl chez les conifères et syringyl chez les feuillus.
Par contre, les premières analyses montrèrent aux chercheurs canadiens que le bois des rameaux, en plus des celluloses et des lignines, contient sucres, polysaccharides divers, protéines et lignines. Ce matériau fort équilibré est capable de générer une nouvelle vie aux sols dégradés. Dans un travail récent, Stevanovic-Janezic [2003] démontre les pocessus biochimiques par lesquels les B.R.F. se transforment sous l'action de champignons Basidiomycètes pour donner des polyphénols et des agrégats; pièces fondamentales de la structure du sol et de sa fertilité.
Ce sont des chercheurs finlandais et français (Leisola & Garcia [1989] qui, les premiers, montrent le rôle des enzymes spécialisées dans l'utilisation des cycles benzéniques des lignines dans la formation des fractions humiques et fulviques du sol. Ainsi, la lignine si souvent décriée par l'industrie devient la pièce maîtresse de la structure de la biologie et de la fertilité des sols.
En incorporant les Bois Raméaux Fragmentés au sol (BRF), non seulement nous introduisons un grand nombre de nutriments, mais surtout une complexité de vie capable de générer certains nutriments comme l'azote et le phosphore; totalement dépendants de l'activité biologique. Ainsi, l'azote est apporté au sol par des nitrogénases produites par un grand nombre de formes de vie et le phosphore est dépendant des phosphatases pour le rendre disponible à la croissance des plantes.
En résumé, les B.R.F. apportent au sol l'ensemble des mécanismes biochimiques d'origine biologique. Ici, la chimie des polyphénols a une influence sur la structure des agrégats. Les réseaux mycéliens, tout comme les enzymes (p. e. la lignoperoxydase dépendante du manganèse) jouent un rôle primordial dans la vie du sol, sa structure, sa biochimie et sa gestion chimique des nutriments. Lemieux [1997].
Des expériences et applications menées au Canada, en Europe, en Afrique, en Australie de même quà Madagascar donnent des résultats incontestables: des sols incultes retrouvent rapidement fertilité et productivité.
Par lincorporation des Bois Raméaux Fragmentés au sol, nous observons la formation de nouveaux agrégats. Pour mieux définir et identifier ce phénomène; nous avons utilisé le sens du terme anglais upgrading ou allemand aufgradieren.
Dorénavant, nous utiliserons le terme aggradation pour définir ce phénomène pédogénétique mis en évidence.
Lapplication de la technologie incite rapidement à une meilleure gestion et aménagement du terroir. Cest une véritable solution de production et dautonomie durable en fertilisants de qualité, disponibles dans la nature depuis laube des temps.
Pour des cultures maraîchères, fruitières, vivrières ou industrielles; des rendements sans pareil ont été atteints; ceci, sans aucun autre apport de substance organique ou de synthèse.
En zones tropicales, selon une loi exponentielle (loi dArrhénius); les sols se dégradent plus rapidement à cause de lintensité des processus biologiques. Ce phénomène se solutionne et devient avantageux par lapplication des BRF. Ceux-ci alimentent plus vite le système édaphique et redressent, en quelques mois, les caractéristiques des sols traités.
En zones tempérées, si les cycles daggradation des sols mettent plus de temps à sétablir; les observations démontrent que cest après la deuxième année que ces derniers sont complètement rétablis. La même chose en gains de croissance et de productivité ont été observés dans les zones tropicales.
Les Bois Raméaux Fragmentés sont obtenus au départ de rameaux verts dessences feuillues, de moins de 7 cm. de diamètre (on peut tolérer jusquà 20% de résineux).
Ils sont incorporés aux 10 cm. de la couche superficielle du sol.
En bref; larbre feuillu et ses rameaux sont une solution dapproche globale, durable et rentable pour une meilleure productivité et assurance alimentaire ainsi quune des réponses aux problèmes environnementaux tant au Nord quau Sud.
Correction positive du rapport carbone/azote (C/N) du sol,
Formation de nouveaux agrégats du sol,
Correction du pH vers la neutralité,
Augmentation significative de la production et de sa qualité végétale,
Réduction des besoins en eau des cultures avec une nette augmentation de la résistance à la sécheresse ou au gel,
Constitution de nouvelles chaînes trophiques et maintien de celles qui existent,
Forte diminution de lérosion des sols tant éolienne quhydrique,
Modification de la flore adventice et de son agressivité,
Contrôle du parasitisme de nombreux insectes; nématodes, pucerons, flétrissements bactériens, viroses,
Élimination des pertes dazote par lessivage; responsable de la pollution des nappes phréatiques,
Meilleure qualité gustative et meilleure conservation des produits de récoltes,
(Guay, E., Lachance, L. & Lapointe R.A. [1983], Aman, S.A. [1996], Gómez, E.R.C. [1997] Lemieux, G. [1998] Lalande, R. Furlan, V. Angers, D. & Lemieux, G. [1998] Lemieux, G. & Germain D. [2001] Chervonyj, A.Y. [1999] Lemieux, G. [1996].
Les arts, tout comme les sciences, sont en constante évolution. Cependant, les courants de pensée en foresterie tout comme en agriculture, évoluent, sans égard au facteur principal de production et déquilibre du sol.
Pendant longtemps, la fertilisation minérale, au moyen de produits chimiques, a été considérée comme la voie essentielle daccroître la productivité des agricultures. Ceux qui lont prônée ont souvent manqué dobjectivité quant aux effets secondaires et destructeurs à plus long terme.
Sur le plan agricole, les apports minéraux de l'industrie chimique ne trouvent leur efficacité réelle que sils sappliquent dans un contexte où les sols sont bien structurés et correctement occupés par les systèmes racinaires.
Sur le plan économique, la fertilisation minérale savère extrêmement coûteuse dans le cadre des exploitations paysannes du Sud. Si elle a intéressé certains sur le plan technique par sa facilité dutilisation; le constat négatif de son utilisation prolongée est unanime; limpact sur la structure du sol est dévastateur et elle ne répond pas de la même manière que les apports dorigines organiques qui sont mieux adaptés. De là, le défi lancé aux agronomes et décideurs politiques; comment produire plus d'apports organiques!
Dans ce système agricole, tout est basé sur des critères de rendements en produits commercialisables. Les seules spéculations sont celles qui maximalisent le revenu dexploitation sans tenir compte de larbre et du potentiel productif naturel du milieu. Souvent imposés aux paysans comme paquets techniques liés aux cultures commerciales, aucun ne pariait sur la production dune biomasse fertilitaire comme préalable à la production de consommables. Tous créaient une relation directe entre lapplication de la fertilisation minérale et les rendements monospécifiques; considérant le sol plus comme un substrat que comme un milieu de vie.
On constate quaucun itinéraire agroforestier napporte la mécanisation appropriée (fragmenteuse ou broyeur) pour la transformation et lutilisation de substances organiques produites... hormis la fourche, la hache et parfois la tronçonneuse.
Les paysans se sentent déstabilisés devant cette «nouvelle approche moderne» dinterprétation et dutilisation de larbre dans lagriculture, sans apport technologique suffisant ou approprié.
Des tentatives de mise en place de systèmes agroforestiers ont été faits avec une approche souvent bien «agricole» de lutilisation de larbre. Plusieurs implantations despèces exotiques se sont imposées au détriment des espèces indigènes mieux adaptées aux milieux et aux connaissances dutilisations des paysans.
Les recherches effectuées à lUniversité Laval de Québec (Canada) sur le rôle et limportance de la lignine présente dans le bois de faible diamètre et sur les mécanismes biologiques du sol, navaient jamais été considérées par le monde agronomique.
Et pourtant, la mise en évidence des mécanismes dynamiques de la pédogenèse a prouvé que cest principalement la forte proportion décorce, par rapport au bois juvénile, qui est à lorigine des mécanismes daggradation des sols et de la création dhumus stables et durables.
La présence de cires, de phénols, de gommes et de résines font de l'écorce, des plantes ligneuses; une barrière efficace contre la pénétration des organismes biotransformateurs. La fragmentation a pour effet la destruction de ces barrières et permet dobtenir des fragments de granulométrie adéquate qui favorisent la prolifération de chaînes trophiques bénéfiques basées sur les entrées d'hyphes de champignons Basidiomycètes: Maîtres d'uvre de la pédogenèse.
La plante et les organismes du sol forment un écosystème qui s'autorégule par le biais des interactions rhizosphériques. Lorsque la plante a besoin de nutriments, ses racines excrètent des sucres qui vont alimenter les bactéries comme les arthropodes de la rhizosphère (la zone autour des racines qui contient des bactéries spécialisées).
Ces organismes se reproduisent alors rapidement et utilisent les substances organiques disponibles. Ce faisant, elles mettent les éléments nutritifs qui la composent en circuit.
Certains champignons inférieurs ont un effet négatif, empêchant entre autre, l'installation de ceux capables de participer à la pédogenèse par la production de substances humiques et fulviques. Tout comme la présence de nombreux polyphénols, l'activité des organismes du sol est susceptible de réguler la croissance ou la germination des plantes.
D'autres substances bactériennes sont capables d'activer chez la plante un gène de résistance à une maladie (résistance systémique).
Les apports en substances organiques sont essentiels car c'est sur cette ressource que l'écosystème sol peut construire son équilibre et se consolider afin de résister aux perturbations (sécheresse, maladies, froid,...). En outre, le sol est un milieu complexe; il ne suffit pas d'apporter à ce dernier une quelconque substance organique pour obtenir des résultats.
De nombreux faits scientifiques montrent que «l'aggradeur» idéal sont les B.R.F. Constitués de branches de faible diamètre, fragmentées en fins copeaux; ils sont un élément clé du cycle forestier. Les terres les plus fertiles de la planète sont issues de la forêt de feuillus. Les méthodes qui permettent la mise en valeur de cette ressource pour rétablir léquilibre et la fertilité des sols sont: le compostage, le paillis (mulching) et l'incorporation directe de BRF.
Devant ce constat et les résultats obtenus, une autre approche doit être introduite et ceci, sans aucune confusion possible avec les autres modes dagriculture ou de foresterie.
De là, la nécessité de développer un nouveau mode dapproche et de gestion de ce potentiel applicable de manière universelle.
Ce concept relève du système forestier et touche directement le système agricole.
La forêt et les plantations darbres représentent un état déquilibre quasi parfait, durable et permanent dans sa diversité. Ladjonction de rameaux au sol, permet linitiation et le maintien des chaînes de vie que tous les scientifiques reconnaissent comme le milieu le plus diversifié qui soit. Ainsi, le sol forestier devient lantithèse du sol agricole qui, par les pratiques culturales, est en constante dégradation et où seul des apports extérieurs peuvent maintenir une productivité. Cest cet état de déséquilibre qui apporte aux cultures carences minérales, destruction, sécheresse, susceptibilité aux maladies cryptogamiques et aux infestations dinsectes.
À lexception des zones sub-sahariennes, désertiques ou polaires, il ne manque pas despèces darbres capables de produire du bois et une multitude de produits indispensables à la vie et à son équilibre. Ce qui manque présentement est plutôt dordre humain:
conscience insuffisante de ce quest la production naturelle du bois; tant chez les populations que chez les autorités politiques ou administratives;
connaissances scientifiques et techniques insuffisantes des dynamiques arboricoles et forestières avec les besoins domestiques et industriels;
mentalités prédatrices, dans de nombreuses régions; tendances à prendre ce qui pousse spontanément, sans veiller au remplacement de ce que lon coupe;
conception non intégrée des activités rurales par rapport à la capacité de production du terroir ou de la région, manque de politiques de développement global intégré;
régimes fonciers inadaptés;
divergences dintérêts et de droits entre hommes et femmes, autochtones et allogènes, agriculteurs et éleveurs, collectivités locales, commerçants et États;
politiques darborisation restrictives, limitées à des superficies minimes;
règles administratives inadaptées et utilisées par de nombreux agents comme moyen de soutirer des fonds à la population, plutôt que comme règles de bonne gestion.
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URL: http://www.users.skynet.be/BRFinfo révision 2002.
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[1] Président pour
Agroforestis inc. spécialisé dans les systèmes de
réhabilitation des sols par les BRF et construction de matériels
(brevet) pour la production de Bois Raméaux Fragmentés
(BRF) |