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Sauver la forêt pour sauver l'humanité

Prof. PULUDISU MPUR'AKES Dom Martin 1 et Ir. IWELE EFALO NKONG'OKUL Vicky 2


Résumé

Bien qu'usager de la forêt pendant des millénaires, c'est seulement depuis une date relativement récente que l'homme a acquis une compréhension des contributions multiples des zones sylvestres et des forêts, cet écosystème de grande importance pour son bien-être. celui-ci ayant compris, dès lors que les ressources forestières, bien que renouvelables, n'étaient pas inépuisables, il s'avère indispensable de les exploiter rationnellement. C'est pourquoi des méthodes et des techniques ont été mises en place pour assurer la pérennité des forêts.

Il est tout à fait évident que pour que la forêt demeure source de vie il faut assurer un équilibre dynamique entre les besoins humains et la capacité de cette forêt à répondre à ces besoins, les forêts seront pour des gens; étant donné que nous devons transmettre la culture de génération en génération, ces forêts seront aussi pour la planète car amusons-nous à dire que les manguiers, avocatiers, cocotiers dont nous consommons aisément les fruits aujourd'hui, ce n'est pas nous qui les avions forcement plantés.... Finalement cet équilibre entraînera une harmonie entre les gens et les forêts.

Pour y parvenir, l'entière responsabilité revient à l'homme, auteur de son propre développement, qui doit mettre sur pied une bonne politique d'exploitation forestière dont l'accent sera mis sur l'agroforesterie et la régénération de plantes pour sauver la forêt et de fait sauver aussi l'humanité dont la survie en dépend de part ses multiples fonctions, notamment son rôle physico-géographique et anthropo-géographique.


Introduction

Les ressources forestières quoique naturellement renouvelables sont toutefois épuisables. Elles devront donc être exploitées méthodiquement pour pourvoir de manière permanente aux besoins de l'humanité.

La forêt en tant qu'écosystème doit-être protégée par des lois universellement adoptées qui assureraient sa constitution, sa structure son organisation... son exploitation, aux fins d' un rendement économique et social.

Si jusqu'ici nous n'avons considéré que l'armement, la guerre, le VIH-Sida, les pollutions comme éléments majeurs faisant obstacle à la vie de l'homme; nous devons désormais ajouter la déforestation comme facteur qui menace aujourd'hui l'avenir de l'humanité.

Face à cette situation, à la fois troublante et révoltante, nous ne devons pas cependant assister impuissants en nous limitant au simple constat des faits; mais nous devons plutôt chercher à mobiliser toutes les forces intellectuelles, morales et physiques, pour assurer la pérennité de la forêt qui entrainerait, bien entendu, la survie de l'humanité.

Cependant les cultures africaines en général et congolaises en particulier pour ne parler que de cet espace vivable, n'accordent qu'une importance limitée au rôle prépondérant que doivent jouer les forêts dans le processus du développement de cette société qui se recherche toujours.

Dans cette optique , notre contribution se présente comme une approche critique et analytique du système actuel de gestion de notre espace forestier comme écosystème. en vue de proposer des mécanismes modernes et pratiques de sa rentabilisation. C'est une analyse pratique portant sur l'exploitation, l'aménagement ou la régénération et la mise en valeur du milieu forestier qui sont au centre de la foresterie

Nous nous rendons toutefois compte que malgré la diversité des pays et des essences, à des conditions climatiques analogues, correspondent des forêts de types comparables auxquelles peuvent s'appliquer des méthodes similaires.

Voila qui justifie parfaitement l'opportunité qu'offre ce XIIe Congrès Forestier Mondial, où les diverses célébrités et amis de la forêt partageront et échangeront connaissances et expériences en vue de rassembler différents points de vue qui aideraient et contribueraient à l'élaboration et à la mise en commun des politiques forestières (antérieures) afin de les harmoniser, les moderniser et les adapter dans le contexte actuel de la mondialisation

A l'occasion de cette tribune privilégiée des découvertes, avant de souligner qu'il faut donc sauver la forêt...pour assurer la survie de l'humanité car cette forêt est source de vie; il est plus qu'impérieux de nous interroger sur le rôle effectif de nos forêts dans le développement de notre environnement ": qu'est-ce que nous faisons de notre forêt ?, joue t-elle vraiment son rôle dans la vie de l'homme ?, si non, que faire ?..."

Après une brève description de nos forêts, surtout tropicales de la République Démocratique du Congo, nous parlerons de la forêt El l'humanité, du mécanisme de survie de la forêt et nous formulerons quelques recommandations.

1. Présentation de l'espace forestier congolais

En République Démocratique du Congo, les forêts occupent plus de la moitié du territoire national, avec un grand capital forestier considérable estimé à environ 128 millions d'hectares, soit 54% de l'étendue nationale1.

Du point de vue phytogéographie, ces forêts se trouvent en grande partie dans le domaine de la forêt dense humide de basse et moyenne altitude. Cette formation fermée fait partie du massif forestier guinéen équatorial; immense massif alloué sur 4.800 Km, du Sierra-Leone à la dorsale orientale de la République Démocratique du Congo et représentant une largeur allant de 340 à 800 kilomètres environ.2

L'espace forestier de la République Démocratique du Congo comprend la forêt dense humide sempervirente et semi-décidue (forêt ombrophile), la forêt sèche (décidue dense ou claire), la forêt de montagne et les mangroves.

1.1. Forêt dense humide sempervirente et semi-décidue

La forêt dense congolaise s'étend de la Cuvette centrale jusqu'à l'Est de Kisangani dans la province Orientale. Elle est à l'abri des inondations et couvre près de 101 millions d'hectares dans la cuvette centrale et 240.000 hectares dans le Mayumbe.3 Cette forêt est compacte, très dense avec des lianes ligneuses, plus ou moins abondantes, dominant un sous-bois assez ouvert, avec des tâches de soleil, mais le plus souvent ombragé, le sol étant légèrement couvert de feuilles mortes, parsemé de troncs renversés et de branches brisées. La forêt dense congolaise est bornée au Nord et au Sud de forêts-galeries moins riches en beaux arbres. Elle est caractérisée principalement par:

Les forêts à Gilbertiodendron dewevrei, très répandues et couvrant le Nord, le Nord-est et l'Est de la cuvette centrale congolaise constituent les peuplements de cette forêt dense. Toutefois se rencontrant un peu partout dans la cuvette, ils sont absents à la lisière Sud et Ouest. Aussi, les peuplements à Brachystegia laurenti se rencontrent par tâches de quelques hectares dispersés dans la forêt hétérogène semi-décidue de la cuvette centrale.

1.2. La forêt sèche (décidue dense ou claire) et savane

En République Démocratique du Congo, les forêts sèches sont essentiellement localisées dans le sud et l'extrême nord du pays. Elles payent le très lourd tribut des déboisement et des feux de brousse.

Occupant de vaste étendues particulièrement semblables par leur climat, ces formations sont composées totalement ou presque d'essences à feuillage caduc qui sont dépouillées de leur feuilles pendant une partie au moins de la saison sèche. Les espèces caractéristiques sont Brachystegia et Isoberlinia.

Selon leur structure, elles se rament à deux types fondamentaux . Il s'agit de:

En ce qui concerne la savane, nous soulignons qu'elle se caractérise par des formations graminéennes plus ou moins riches en arbres et arbustes. On distingue quatre types physionomiques de savane selon la présence, la nature et la densité des arbres ou des arbustes. A savoir:

1.3. La forêt dense de montagne

En République Démocratique du Congo, la forêt dense de montagne avec plus de 1000 m d'altitude, peuple quelque 300.000 hectares. Elle s'observe surtout sur la dorsale de l'Ituri et les flancs du Ruwenzori, sur les crêtes bordant le lac Edouard dans la région volcanique de Virunga, sur la dorsale du Kivu et aussi plus au sud des crêtes bordières du lac Tanganika dans la partie Est du pays. Elle est regroupée en trois catégories suivantes:

1.4. Les mangroves

Les mangroves sont localisées sur la côte littorale, à l'embouchure du fleuve Congo et couvrent près de 555 Km2. Elle se présente comme une forêt dense, sempervirente, apparemment impénétrable, haute de quelques mètres à une trentaine de mètres et davantage, formant un ruban littoral large de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres.

2. La forêt et l'humanité ( pourquoi sauver les forêts ? )

Les produits forestiers sont une richesse naturelle capable à elle seule de faire passer nos populations d'un état moins humain vers un état plus humain. La forêt elle, constitue un écosystème important au maintien de la vie. Cela se justifie entre autre par son rendement économique (revenu) et social (création de l'emploi); l'exploitation de ses divers produits permet à l'homme de survivre.

La forêt remplit des fonctions environnementales essentielles, elle joue un rôle physico-géographique et anthropo-géographique très important qui s'explique dans l'influence qu'elle a sur le relief, les facteurs climatiques, édaphiques, et sur le réseau des cours d'eau. En effet, la forêt diminue ou limite les extrêmes des températures, augmente l'humidité absolue, et relative de l'air, la vitesse du vent, les pertes en eau empêche l'évaporation de l'eau, elle augmente aussi l'infiltration et limite le ruissellement de surface.

En effet, La forêt protège le sol contre les la sécheresse, l'érosion par l'eau et le vent, empêche le sol de s'appauvrir, produit la nourriture pour les hommes et les animaux, produit du bois pour la construction et le mobilier, du bois de chauffage, ou du charbon, produit des médicaments. Au delà de tout ceci, la forêt est un grand réservoir de la planète terre, elle héberge des milliers d'espèces animales et végétales, ses eaux renferment des nombreuses espèces des poissons

Considérant ce double rôle (physico-géographique et anthropo-géographique) nous soulignons que la forêt soutient les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la production des capitaux pour le développement économique, bref le bien-être humain pour établir un équilibre entre l'homme et son environnement.

Si en occident c'est le développement accentué de l'industrie et de la consommation qui menace l'environnent, en Afrique par contre c'est la pauvreté, le manque de politique appropriée, la culture éthique qui sont à la base de la déforestation: abattage désordonné des arbres pour cultiver le champ mais avec un faible rendement et pour obtenir des bois de chauffage, feu de brousse ,etc.

Les statistiques quotidiennes de destruction massive des forêts tant par les incendies, le déboisement que par l'utilisation de pesticides indiquent que chaque jour les forêts (surtout tropicales) diminuent sensiblement. Ce qui nécessite de grandes stratégies pour sa protection afin de concilier les deux réalités dichotomiques à savoir protéger et consommer en même temps. L'on pourrait dès lors se demander, qui doit sauver la forêt et comment ?

3.Mécanisme de survie de la forêt

3.1.Stratégies et politiques gouvernementales en matière de gestion forestière

"Les structures si élaborées soient-elles ne valent que par les hommes qui les animent " déclarait Guy Bel Oncle. L'homme reste le principal acteur de son propre développement, pour atteindre un résultat il doit associer le savoir au pouvoir avec une ferme volonté d'agir

Compte tenu de l'importance de l'espace sylvestre, le développement du secteur forestier nécessite l'appui d'une politique administrative efficace qui, sur le plan national comme sur le plan international, consiste notamment à:

Cependant cette politique de gestion de l'espace forestier se bute souvent à des contraintes diverses:. Contraintes techniques, économiques, humaines, politiques et contraintes connexes

Généralement, la politique d'exploitation forestière de nos pays africains vise bien l'optimisation de la production et la mise sur pied d'un système d'exploitation favorisant l'implantation des complexes forestiers intégrés, ce qui pourrait permettre une utilisation rationnelle et intégrale de la matière ligneuse, cependant son accomplissement nécessite de gros investissements

Les ressources humaines étant les plus importantes, en plus de la volonté politique surtout, la formation des agents forestiers s'avère indispensable. La formation des ingénieurs et techniciens forestiers capables d'assurer une administration efficace et rationnelle fait encore défaut. D'où la nécessité de former chaque année beaucoup d'ingénieurs et techniciens forestiers locaux.

3.2. Mécanisme de régénération des forêts

Au fil du temps, l'homme s'est aperçu que la forêt, et les arbres qui la composent, constituaient une communauté de vie complexe dont l'utilisation devait absolument s'appuyer sur la connaissance scientifique de la vie des êtres et de leurs réactions vis-à-vis des conditions d'existence qui leur étaient imposées.

C'est ainsi qu'à la simple technique forestière, qui consistait à réorganiser au mieux l'exploitation forestière, à adapter les divers produits qui en étaient récoltés au meilleur usage possible, devait dès lors succéder la science forestière. La préoccupation économique tient ainsi la première place: il faut mettre de l'ordre dans la forêt, assurer un rendement soutenu et prévoir la quantité annuelle des produits non seulement pour aujourd'hui mais aussi pour demain et le lendemain.

Ceci consistera à créer la forêt par voie naturelle ou par voie artificielle, à l'entretenir, à l'améliorer pendant son existence et à assurer des coupes principales d'exploitation et de régénération naturelle ou artificielle.

a) la régénération naturelle

Il sera question d'enrichir la forêt dense en essences de valeur en favorisant soit leur ensemencement, soit la croissance de régénérations préexistantes, soit le matériel sur pied de taille intermédiaire, grâce à des opérations culturales accompagnant en général l'exploitation: délianages, nettoyages, dégagements, abattages ou empoisonnement des espèces gênantes, exécutés avant, pendant ou après l'exploitation commerciale. Ces résultats s'obtiendront par les méthodes suivantes:

b) La régénération artificielle (avec utilisation du potentiel naturel ou avec modification radicale du peuplement en peuplement pur)

On estime ici qu'il est avantageux de planter directement un certain nombre de pieds des meilleures espèces commerciales, produits en pépinière ou introduits par semis directs en poquets, dans les forêts appauvries par l'exploitation.

Pour la régénération artificielle avec utilisation du potentiel naturel, les méthodes suivantes entre en compétition notamment:

Tandis que la régénération artificielle avec modification radicale du peuplement en peuplement pur, fait appel aux:

Ces méthodes avec plantation sur cultures temporaires sont intéressantes sur le plan de la rentabilité financière, en réduisant fortement les coûts de préparation du terrain qui sont élevés si on part d'une vieille forêt hétérogène constituée normalement.

4.Conclusion et recommandations

Les difficultés culturelles liées notamment à la sorcellerie, aux tabous alimentaires, à l'appropriation des forêts par des chefs coutumiers, les feu de brousse, le déboisement anarchique, font grandement obstacles au rôle important que doit jouer la forêt dans la promotion du bien être social des populations paysannes qui constituent presque le 80% de la population totale des pays africains.

Les guerres sanglantes répétées trouvent leurs assises dans les forêts, les hommes armés perpétuent la culture de la vengeance et de repositionnement. La forêt , finalement, au lieu d'être source de la vie devient source de la mort; pour ne pas citer les bombardements en cascade détruisant l'écosystème et rendant difficile les possibilités de leur régénération.

c'est pourquoi au terme de ce raisonnement nous formulons les quelques recommandations suivantes:

7 Multiplication les forums ou autre champs de réflexion sur la forêt à l'issu desquels un mécanisme de suivi et de vulgarisations des résultats (décisions) doit être mis sur pied et strictement respecté

Références bibliographiques

CATINOT, R. 1974, Le présent et l'avenir des forêts tropicales humides. Possibilités biologiques et économiques des écosystèmes forestiers tropicaux. Les limites de leur transformation. Bois et Forêts de Tropiques, n°154.

DONIS, C., 1956, La forêt dense congolaise et l'état actuel de sa sylviculture, Bruxelles.

LOKOMBE D., (1981) "Le secteur forestier dans l'économie du Zaïre", in Zaïre-Afrique, n°160, p. 631-642.

MALELE M., S. 2001, Sylviculture générale, notes de cours, Université de Kinshasa, (inédit).

WASSINK, J.T., 1973, Notes sur la commercialisation des bois tropicaux (Notes on the Marketing of Tropical Timber). Royal Tropical Institute, Amsterdam.

1 MALELE MBALA, S. , Sylviculture générale, notes de cours, Université de Kinshasa, octobre 2001 (inédit).

2 DONIS, C., La forêt dense congolaise et l'état actuel de sa sylviculture, Bruxelles, 1956, p. 3.

3 DONIS (1957).


1 Superviseur et Secrétaire Général du Centre d'Action pour le Développement (CADEV), rue Matadi, 25, Q. Wenze, Commune de Kintambo, Ville de Kinshasa, République Démocratique du Congo. B.P. 11.824 Kinshasa 1 - R.D.C.
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(+243) 99 39 145)

2 B.P. 11.824 Kinshasa 1 - R.D.C.
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