0918-A2

STRATEGIE DE VALORISATON DU BOIS DES FORETS COMMUNAUTAIRES AU CAMEROUN

KINGUE SOBGOUM Joseph 1


Résumé

Le Cameroun possède dans le grand bassin du Congo la forêt la plus menacée par les pressions combinées de l'agriculture et des groupes industrielles. Les populations ne bénéficient pas directement des retombés liées à cette exploitation. Depuis 1994 une nouvelle politique forestière reconnaît aux communautés villageoises le droit de gérer et d'exploiter elles-même une portion de la forêt. L'objectif global étant d'améliorer la participation des populations locales dans la conservation et la gestion des forêts, afin que celle-ci contribue à élever leur niveau de vie. Mais les populations éprouvent de difficultés quant à la valorisation du bois d'œuvre et des produits autres que le bois de leur forêt.

Le présent article qui est le résultat des descentes sur les forêts communautaires et entretiens avec les personnes ressources a permis de mettre en évidence l'ensemble des problèmes limitant la meilleure valorisation des ressources forestières dans certaines forêts communautaires au Cameroun :

Eu égard aux problèmes sus-cités, des stratégies organisationnelles et techniques de valorisation des ressources forestières ont permis dans ce mémoire de montrer que pour une exploitation annuelle de 1800 m3 de bois d'œuvre et de certains produits autres que le bois, les populations locales peuvent dégager un revenu d'environ 23.5 millions de francs CFA par an.


Introduction

La foresterie communautaire au Cameroun s'articule autour des organisations proactives rencontrées surtout en milieu rural. Il s'agit ici de regroupements sociaux intentionnellement créés pour réaliser des objectifs spécifiques et donc les règles de fonctionnement sont établies par les institutions étatiques du Cameroun. Jusqu'à présent, la cellule de la Foresterie Communautaire avait reçu environ 190 demandes d'attribution des forêts communautaires. En dépit des multiples problèmes que pose l'élaboration des plans simples de gestion, une quarantaine de forêts communautaires ont été attribuées aux communautés villageoises. Les forêts accordées à la communauté ne dépassent pas 5000ha. S'il faut rappeler qu'en l'an 2000, on n'avait que 20 demandes d'attribution, on peut conclure que le processus de mise en place des forêts communautaires au Cameroun est en phase ascendante. Toutefois une telle ascendance ne s'accompagne pas des renforcements de capacités des populations tant sur le plan organisation, humains, matériels et financiers. Plusieurs organismes ont assisté les communautés à la phase de lancement et les ont abandonné à la phase active.

Nous nous proposons de présenter ici une stratégie de valorisation du bois d'œuvre par les populations locales sur laquelle un bailleur pourrait s'inspirer pour apporter de l'appui aux communautés ayant bénéficié des forêts communautaires.

Matériels et méthodes.

Les descentes sur les quelques forêts communautaires, les entretiens avec les responsables dans les institutions étatiques, les entretiens avec les populations locales ont permis de d'apprécier l'existant dans les forêts communautaires tant sur le plan organisationnel, humain, équipements et financier. L'analyse et le résultat a été chantillonné sur 07 forêts communautaires, en l'occurrence la forêt communautaire de l'ADIZAN dans la province du centre Cameroun, la forêt communautaire de KOMPIA à l'EST du Cameroun, les forêts communautaires de CODEVIR, NGOLA, KONGO, ESCHIAMBOR, BOSQUET ; toutes à l'EST du Cameroun.

Sur le plan organisationnel

L'organisation dans les forêts communautaires ne permet pas de tirer au maximum profit du bois d'œuvre. On observe une mauvaise organisation à partir de l'exploitation jusqu'à la commercialisation, des conflits de la désignation des leaders. Les familles ne s'accordent pas toujours sur les critères d'élection des responsables dans les activités de la foresterie communautaires.

Sur le plan humain

Les populations ne sont pas suffisamment sensibilisées, formées, sur les petites activités de l'exploitation forestière et sur les petites techniques de sciage, préservation et séchage naturel, négoce marketing du produit bois. Faute de ces moyens, des contrats d'exploitation et de transformation du bois sont signés avec les sous-traitant qui malheureusement ne maîtrisent pas les techniques élémentaires d'exploitation, de valorisation et de ventes du bois.

Sur le plan équipements

Les équipements rencontrés dans les forêts communautaires au Cameroun se résument aux tronçonneuses et à la sie mobile.

Ces seuls équipements ne permettent pas de valoriser de manière optimale la ressource, d'optimiser le rendement matière de la ressource, d'obtenir facilement les différents variétés des produits (chevrons, lattes, bastings etc.) rencontrés sur le marché du bois.

Sur le plan financier

Les revenus financiers des populations provenant essentiellement de l'agriculture ne leur permettent pas de se procurer du matériel pour une valorisation du bois, ces revenus pour les planteurs de cacao s'élèvent en moyenne à 175.000 francs CFA par an alors que celui des artisans et exploitants de Produits forestiers Non ligneux s'élèvent en moyenne à 350.000 francs CFA par an. Ces revenus tels que présentés ci-dessous ne peuvent pas permettre au populations locales de financer une installation minimale de valorisation du bois d'œuvre.

Recettes actuelles

Les recettes des forêts communautaires varient selon que l'activité de la transformation de la ressource soit sous-traitée ou bien si la ressources est transformée par les populations locales elles-mêmes. Ainsi pour des forêts communautaires faisant l'objet d'un contrat de sous-traitance de transformation, un montant d'environ 15.000frsCFA ( Quinze mille francs CFA) par mètre cube de bois scié est reversé à la communauté villageoise quels que soient la qualité et le type de produit. Ainsi, pour un volume de 1080m3 scié, les populations ne bénéficient que d'un montant annuel de 16.200.000 francs CFA. Par contre si la communauté transformait elle-mêmes sa ressource, elle pouvait davantage tirer profit. Ceci va nous conduire à présenter les types d'équipements, les techniques nécessaires et le personnel pour une meilleure valorisation du bois.

Résultats et discussion

Une meilleure valorisation des bois d'œuvre dans les forêts communautaires passe par une formation et une senbilisation de toute la communauté dans les thèmatiques de la foresterie communautaire, une meilleure organisation des personnes impliquées dans sa gestion, un choix optimal des équipements, une formation du personnel sur les petites techniques de valorisation de la ressource ligneuse. Tous ces aspects conduisant à une meilleure valorisation de la ressource vont nous amener au bout du compte à la présentation du plan de financement de la transformation du bois dans les forêts communautaires.

Comité de gestion

Dans le processus d'installation d'une unité minimale de transformation du bois d'œuvre, un comité de gestion strucuré de la manière suivante devrait être mis sur pied :

Les quatre comités ainsi constitués seront sous la responsabilité du responsable local de gestion élu le jour de la réunion de concertation. Le responsable local de gestion est sous la responsabilité d'un président de conseil d'administration.

Formation du personnel.

Avec l'appui des ONG ou organismes internationaux, le personnel impliqué dans la transformation devra être formé dans plusieurs thèmatiques :

Choix des équipements et coûts.

Le bon choix des équipements permettra d'assurer un bon rendement de la production.

Les équipements nécessaires sont catégorisés suivant deux types :

a) Les équipements d'exploitation forestière

L'abattage des arbres necessitera une tronçonneuse d'une valeur de 750.000francs CFA, soit un amortissement annuel de 250.000 francs CFA pendant 03 ans. Le carburant requis pour le fonctionnement de la tronçonneuse est de 12 litre d'essences en moyenne par jour, soit 3240 litres de Gasoil par an ( 09 mois de fonctionnemt effectif) pour une valeur annuelle de 1.506.600. Ainsi, l'amortissement et les frais de fonctionnement de la scie mécanique s'élève à 1.806.600francs CFA par an. Ce coût inclut également les frais d'entretien de la tronçonneuse qui s'élève à 50.000francs CFA.

b) Les équipemnts de transformation du bois d'œuvres.

Dans le tableau suivant nous presentons la liste des équipements nécessaire pour une meilleure valorisation de la production. Les coûts d'acquisition présents permettront de dresser le coût de production.

Tableau I : choix des équipements de Transformation du bois dans les forêts communautaires

Equipements

Coût d'aquisition ( en franc CFA)

Taux d'amortissement (%)

Amortissement (Francs CFA)

Scie mobile (16 chevaux)

15.000.000

25

3.750.000

Scies à chaînes

3.000.000

20

600.000

Déligneuse

5.000.000

20

1.000.000

Matériel d'affûtage

8.000.000

20

1.600.000

Equipement de soudure

3000.000

20

600.000

Sous-total

34.000.000

 

8.150.000

frais d'entretien (20%)

6.800.000

 

1.630.000

Total

40.800.000

 

9.780.000

Le tableau ci-dessus présente les différents types d'équipements permettant d'optimiser la production. Le choix judicieux de la déligneuse permettra à la communauté d'élargir la gamme de ses produits. La scie mobile quant à elle permettra de ressortir les produits de qualité proche de celle rencontée dans les scieries industrielles. L'équipement de soudure permettra d'accroitre la productivité. Les scies à chaînes assisterons la déligneuse et la scie mobile.

Le personnel

Pour un grand bien de la communauté, le personnel technique choisi en son sein sera reparti comme présente les tableaux II et III. Ce personnel sera formé avant le lancement de la production.

Tableau II : Personnel d'exploitation forestière et leurs coûts

Fonction

Nombre

Salaire mensuel (Franc CFA)

Mois par an

Coût annuel du personnel ( Franc CFA)

Equipe de surrveillance
- Chef d'équipe
- Assistant


01
02


40.000
30.000


12
12


480.000
720.000

Equipe de prospection et d'abattage :
- Prospecteur
- Abatteur
- Pointeur-Cubeur
- Ouvrier non qualifié



02
02
02
02



40.000
40.000
30.000
20.000



12
12
12
12



480
960

Sous total :

11

 

12

4.320.000

Autres frais indirects (20%)

     

864.000

Total :

     

5.184.000

Tableau III : Personnel technique impliqué dans l'utilisation des équipements de transformation.

Fonction

Nombre

Salaire mensuel (Franc CFA)

Mois par an

Coût annuel du personnel ( Franc CFA)

Scieur-affûteur

02

80.000

12

1.920.000

Aide scieur

02

50.000

12

1.200.000

Déligneur

02

60.000

12

1.440.000

Cubeur

01

40.000

12

480.000

Aide-cubeur

01

25.000

12

300.000

Manœuvre

04

20.000

12

960.000

Gardien

02

20.000

12

480.000

Sous-total

     

6.780.000

Autres frais indirects (20%)

     

1.356.000

Total

 

8.136.000

La consommation journalière de la mini scierie (Scie mobile, déligneuse) en carburant sera de 20 litres par jour, soit une consommation de 5400 litres par an. Ce qui représente un coût de 2.430.000frs CFA de frais de gazoil par an pour 09 mois de fonctionnement effectif de la mini scierie.

Le Marché et les produits de la mini scierie.

Les produits

Au vu du choix des équipements, les produits à livrer sur le marché seront les planches, bastings, les lattes, les chevrons, les frises, etc.

Destination des produits

Les produits de la mini-scierie seront vendus sur le marché Local, en l'occurrence Yokadouma, Bertoua, Yaoundé, etc. Toutefois, une partie de la production sera utilisée dans la communauté pour la construction ou la réhabilitation des écoles, des ponts, et tout autre œuvre social de la communauté.

En fonction de l'aptitude du comité de gestion à diriger les activités de la foresterie Communautaire, il pourrait être mis sur pied une petite menuiserie de la communauté capable de fabriquer les produits à consommer par les populations locales et à moindre coût.

Le coût de mise en œuvre

Données de base :

Le coût de mise en œuvre de la scierie.

Le coût de mise en marche du projet est de trois types :

Synthèse des coûts d'exploitation, de transformation et de mise de produits sur le marché.

Tableau IV : Coût de production d'un mètre cube de bois

Poste des dépenses

Coût annuel

Coût de production par m3

Exploitation
- Personnel
- Equipement et fonctionnement


5.184.000
1.806.000


4800
1673

     

Transformation
- Personnel
- Equipements et fonctionnement


8.136.000
9.780.000


7533
9055

Marché
- Personnel
- Transport
- Matériel de bureau


1.440.000
-
800.000


1333
10.000

Autres dépenses
- Consommables
- rénumération porteur
- Assurance du personnel
- Atres charges ( taxes, impôts)

 

13.000
10.000
4000
2000

Total

 

63.394

Le coût de production d'un mètre cube de bois dans les forêts communautaires est donc estimé à 63394 francs CFA par m3 ( Tableau IV)

Tableau V : Bilan financier

Recette

Prix unitaire

Montant ( F CFA)

Volume de bois transformé ( 1080 m3)

85.000

91.800.000

Coût
- Volume de bois transformé


63394


68465520

Marge bénéficiaires ( 91.800.000 - 68465520)

23.334.480

Le bilan financier de la transformation du bois d'œuvre est de 23.334.480 FCFA. Contre le bénéfice dégager de la sous-traitance qui n'est que de 16.200.000.

La vente des produits de sciage sur le marché local (hypothèses coservatrices / hypothèses réalistes) constitue ici l'éssentiel de revenu du projet de la foresterie communautaire. Le prix moyen qui tient compte de la valeur relative de chaque esssence dans les ventes est de 90.000 F CFA. Pour la vente de bois, nous retenons un prix moyen de 85.000francs CFA par m3 pour toutes les essences et les qualités de bois offert sur le marché de Yaoundé.

Conclusion et recommandation

a) Conclusion

La possibilité offerte aux communautés villageoises regroupées en association, de gérer une portion de forêt du domaine non permanent par la nouvelle Loi forestière du 20 janvier 1994 est progressivement entrain d'être expérimentée au Cameroun. Les résultats de différentes expérimentations dans quelques Forêts Communautaires nous ont amené à proposer une nouvelle approche stratégique de valorisation du bois d'œuvre dans ces forêts. C'est ainsi que pour dégager la marge bénéficiaire dans l'activité de transformation du bois d'œuvre dans la Forêt Communautaire, nos avons articulé notre réflexion autour des points suivants : analyse de l'existant, Proposition des solutions adéquates ( création du comité de gestion, formation du personnel, choix des équipements, Recrutement du personnel). Au terme de notre analyse, la communauté pourra dégager une marge bénéficiaire de 23 334 480 francs CFA Cette marge est largement supérieure à celle dégagée lorsqu'on inscrit la forêt en sous-traitance (16.200.000). la communauté bénéficie donc d'un montant supplémentaire de 7.134.480.

Les bénéfices nets générés par l'activité de valorisation du bois d'œuvre serviront à réaliser essentiellement les œuvres sociales ( Electrification, adduction d'eau, création des cases de santé, réhabilitation des écoles, des ponts, etc.) et des projets générateurs de revenus en l'occurrence la création d'une menuiserie artisanale pour la localité, la valorisation des produits forestiers non ligneux ( Rotins, Mangue sauvage, Njansang, Noisettes, Fruit de moabi, Ecorces de Essok, etc. )

A côté des œuvres sociales dont les populations locales pourront bénéficier, une trentaine de personnes pourront bénéficier d'un travail leur permettant de prendre en charges des familles ; contrairement au schéma existant où les populations ne bénéficie que de postes de porteurs dans l'activité de la foresterie. D'autres part, la formation aux différents postes permettra aux populations d'apprendre de nouveaux métiers.

b) Recommandation

Le présent mémoire fait des recommandations importantes ci-dessous qui permettent son intégration dans la nouvelle politique forestière du Cameroun.

Les ONG existants sur le terrain, devrait sensibiliser et former davantage les populations locales, les autorités traditionnelles, les élites sur le concept de foresterie communautaire, ses enjeux, ses attentes et ses perspectives à moyens et long termes.

Le Ministère de l'Environnement et des Forêts doit établir des liens forts avec les bailleurs de fonds afin que ces derniers soient impliqués davantage dans la dynamique de la foresterie et des forêts communautaires. A cet effet, une table- ronde des bailleurs de fonds, y compris l'Etat devrait être organisé pour une faisabilité de financement des projets liés à la foresterie communautaire.

Le Ministère de l'Environnement et des Forêts devrait organiser des forums régionaux et internationaux pour partager avec les autres Nations l'expérience du Cameroun dans la Foresterie communautaire et ses enjeux.

Bibliographie :

Beyone, P., 2002. Renforcement des capacités de la communauté ZIENGA MILEME dans la mise en œuvre du plan simple de gestion de la forêt communautaire de KOMPIA. Mémoire de Master, CRESA FORET-BOIS de Yaoundé, 82p.

Arnold, J., 1991. Foresterie communautaire : un examen de dix ans d'activité. FAO, 39p.

Auzel, P., 1998. Forêts Communautaires et exploitations forestières : de l'alternative à l'interface. Rapport « mise en place des forêt communautaires en périphérie de la réserve du Dja ». MINEF, 52-59

Fomete, T., 2001. Atelier d'échange d'expérience en foresterie communautaire. Rapport SNV-CAMEROUN, 12p.

MINEF, 1998. Manuel des procédures d'attribution et des normes de gestion des forêts communautaires au Cameroun.

ACDI, 1991. Etude de faisabilité d'un projet de scierie mobile et d'une scierie fixe en région rurale au Gabon. Rapport final. Tesult Canada, 175p.


1 Professeur de la filière «  valorisation Industrielle du bois », CRESA FORET-BOIS, BP : 8114 Yaoundé, CAMEROUN. Tél. : (237) 994 38 56 / 223 89 14 , Fax : (237) 223 89 15, E-mail : [email protected]