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LA POLITIQUE FORESTIERE ET DE LA PROTECTION DE LA NATURE EN ALGERIE.

M. MEZALI 1


Résumé

L'Algérie est caractérisée par des écosystèmes forestiers très diversifiés et fragiles, incombant à sa position géographique et aux variations importantes de son climat. Les forêts et maquis couvrent 4.1 millions d'hectares de la superficie du pays. Il s'y ajoute les nappes d'alfa qui couvrent 2.6 millions d'hectares.

Les formations forestières algériennes se composent principalement d'essences méditerranéennes et endémiques du Maghreb ou de l'Algérie, ainsi que d'essences introduites tel que l'eucalyptus. Ces écosystèmes sont aujourd'hui exposés aux effets de l'érosion, de la désertification et à la pression de l'homme.

Face à de telles pressions menaçant l'environnement et la biodiversité du pays, les pouvoirs publics ont répondu par l'élaboration d'une politique forestière et de protection de la nature reposant sur des principes qu'imposent les réalités physiques économiques et sociales qui caractérisent l'Algérie et la société algérienne. D'autre part, cette prise de conscience des dangers qui pèse sur l'équilibre des écosystèmes naturels a conduit notre pays à adhérer aux conventions internationales liées à la préservation des milieux naturels. C'est dans ce contexte que s'inscrit l'action du sous-secteur des forêts et de la protection de la nature, dont les principaux objectifs sont la protection et l'extension du patrimoine forestier existant, la protection et la restauration des solsainsi que la consolidation et l'extension du barrage vert.

En application des principes qui fondent la politique forestière et dans le cadre de la concrétisation des objectifs assignés au sous-secteur des forêts, un plan d'action a été élaboré s'articulant autour de la gestion, la protection et l'extension du patrimoine, le traitement des bassins versants ainsi que la lutte contre la désertification, l'économie forestière et la protection de la nature. Pour se concrétiser, la politique forestière algérienne accorde une approche globale mais en même temps différenciée par zone écologique.


I- INTRODUCTION:

La déforestation, l'érosion hydrique et éolienne, la désertification, les atteintes portées à l'environnement et plus spécifiquement à la biodiversité du milieu naturel sont des phénomènes mondiaux qui risquent de mettre en péril l'avenir des générations futures.

Les conséquences de ces dégradations et évolutions régressives des divers milieux qui s'éloignent de leur état d'équilibre sont:

Dans notre pays, les risques sont accrus par:

Cette prise de conscience s'est traduite chez nous par:

II- CONSISTANCE DU PATRIMOINE:

L'Algérie est caractérisée par des écosystèmes forestiers très diversifiés et fragiles comportant des régions sylvatiques dans le Nord et des régions sub-sahariennes et sahariennes arides au Sud.

Les forêts et maquis couvrent dans notre pays environ 4,1 millions d'hectares soit un taux de boisement de 16,4 % pour le nord de l'Algérie et de 2% seulement, si les régions sahariennes arides qui couvrent 90% du territoire sont également prises en considération. Il s'y ajoute les nappes d'alfa qui totalisent 2,6 millions d'hectares.

Les formations forestières d'essences principales qui couvrent 1.468.000 hectares, le reste étant des peuplements mélangés, se répartissent en deux groupes:

Le groupe des forêts économiques qui couvrent 1.249.000 hectares qui comprend: Les pineraies de pin d'Alep (881.000 Ha) qui se rencontrent principalement dans les zones semi-arides et comportent un capital sur pied assez pauvre; les suberaies 229.000 Ha) localisées principalement dans le nord-est, les chênes Zeen et Afarès (48.000 Ha) occupent les milieux les plus frais dans la suberaie: les cédraies (16.000 Ha) éparpillées en îlots discontinus dans le Tell Central et les Aurès; le pin maritime (32.000 Ha) qui est naturel dans le Nord Est du pays; et les eucalyptus (43.000 Ha) qui ont été introduits dans le Nord et surtout à l'Est du pays.

Le second groupe constitué par le chêne vert, le thuya et le genévrier qui, en étage semi-aride, jouent un rôle de protection essentielle, ne couvre que 219.000 hectares. Les forêts apparaissent très marquées par des conditions naturelles difficiles et un surpâturage important. Elles présentent une proportion élevée de peuplements usés et ouverts et leur volume sur pied sont en général faibles.

III- LA PROBLEMATIQUE:

L'importance de la dégradation du milieu naturel, l'accélération du processus d'érosion, la sécheresse et son corollaire la désertification constituent un danger qui menace l'équilibre physique du pays par notamment la réduction des surfaces agricoles utiles due aux phénomène d'érosion et de désertification.

La surface menacée par l'érosion hydrique est estimée à 12 millions d'hectares dans les zones montagneuses du nord et 20 millions d'hectares en zones steppiques, et les pertes solides équivaudraient à une réduction annuelle des terres agricoles de 40.000 Ha

Ce phénomène se traduit par un comblement rapide des retenues hydrauliques et par une diminution importante de leur capacité utile.

On estime que les barrages sont envasés au rythme d'une perte de 20 millions de m3 /an sur la capacité de stockage global (45 barrages sont concernés).

La désertification est aujourd'hui un phénomène important qui affecte particulièrement les zones arides et semi-arides. Elle a pour conséquence la perte progressive d'importantes surfaces agricoles, pastorales et forestières et donc la régression du couvert végétal, une réduction des ressources en eau, l'ensablement des agglomérations et des voies de communication qui affecte gravement l'équilibre physique et socio-économique de vastes régions du pays.

Les forêts sont la proie de dégradations et d'agressions de toutes sortes.

Aux défrichements anarchiques, au surpâturage, s'ajoutent les attaques parasitaires dues à l'état de faiblesse généralisée des peuplements, et surtout les incendies auxquels les forêts payent chaque année un lourd tribut.

Ce danger risque de s'accentuer durant les prochaines années. Il faut absolument le circonscrire sinon l'éradiquer par des actions énergiques de développement et de préservation du milieu.

En ce qui concerne la protection de la nature, il faut noter que l'Algérie recèle des ressources naturelles diversifiées, qui méritent une grande attention sur le plan de l'exploitation et de la gestion.

La position géographique de l'Algérie et ses variations importantes de climat allant de 2.000 mm de pluie au nord à 5 mm et moins au sud expliquent en grande partie, cette grande diversité parmi les espèces végétales et animales qu'on y rencontre.

Malheureusement, les ressources faunistiques et floristiques du pays ont eu beaucoup à subir l'action néfaste de l'homme et de certaines calamités naturelles.

IV- LA POLITIQUE FORESTIERE ET DE LA CONSERVATION DE LA NATURE:

L'élaboration d'une politique forestière constitue la réponse la plus pertinente des pouvoirs publics aux préoccupations de la collectivité nationale en vue de promouvoir le développement économique et social et préserver en même temps les chances des générations futures.

La définition d'une politique forestière et de protection de la nature est à même de fixer également le cadre d'action du secteur des forêts.

Cette politique repose sur des principes qu'imposent les réalités physiques économiques et sociales qui caractérisent l'Algérie et la société algérienne.

4-1. LES PRINCIPES:

La forêt représente généralement un investissement à long terme; elle est donc peu adaptée à des changements de cap soudains et importants.

Il est essentiel que la stratégie forestière et de la protection de la nature de notre pays vise le long terme et que les actions engagées soient assurées de la continuité.

Le sous secteur des Forêts et de la protection de la nature est un ensemble constitué de nombreuses activités fortement imbriquées (semences - pépinières - ressources cynégétiques - plantations - exploitations - 1ère transformation ... ). Il réclame donc une stratégie globale et unitaire.

Les actions forestières ont évidemment un caractère d'utilité publique, et d'intérêt général; à ce titre les investissements opérés dans le secteur sont à la charge de l'état.

La fonction économique de la forêt est cependant primordiale en tant que source de matière première indéfiniment renouvelable dans la mesure où elle est bien gérée.

La forêt est aussi génératrice d'emplois, concourant dans la stratégie du développement des zones rurales pour y fixer la population et améliorer ses conditions de vie.

Le sous secteur des forêts et de la protection de la nature inscrit son action dans ce contexte et dans une démarche qui tient compte des orientations des autorités politique et des besoins des populations qu'il s'emploie à affirmer. Il est fait état ici des principaux objectifs.

4-2. OBJECTIFS GENERAUX:

Devant l'ampleur de la dégradation des terres et du couvert végétal et leur corollaire la diminution des ressources naturelles, il importe de définir une stratégie à long terme d'actions d'envergure à la dimension des problèmes posés et de réaliser dans le cadre de cette stratégie de vastes programmes de protection et de remise en état des terres dégradées à travers tout le territoire national.

Du nord au sud les objectifs principaux de gestion et de développement comportent les préoccupations suivantes:

La protection, la gestion et l'extension d'un patrimoine forestier constitué de près de 4,1 millions d'hectares de forêts à divers stades de conservation, le plus souvent caractérisé par une extrême fragilité propre aux milieux méditerranéens.

La protection et la restauration de douze (12) millions d'hectares de terres menacées par l'érosion avec comme enjeux la sauvegarde de 88 barrages et sites de barrage contre les dangers de l'envasement et la fixation d'une importante frange des populations rurales en zone de montagne dont les exploitations sont en péril par les effets conjugués du ruissellement et de la torrentialité.

La consolidation et l'extension du barrage vert sur une superficie de 3 millions d'hectares dans le double but de la préservation des terres de parcours et plus généralement de la lutte contre la désertification.

V. PROGRAMME D'ACTIONS:

En application des principes qui fondent la politique forestière, et de la nécessité de poursuivre, de consolider et d'étendre les travaux décidés par le Gouvernement dans le cadre de la concrétisation des objectifs assignés au sous secteur, un plan d'actions s'articulant autour des axes suivants a été élaboré:

5-1. GESTION ET PROTECTION DU PATRIMOINE:

Dans le but de poursuivre et de consolider les dispositifs mis en place pour la protection du patrimoine forestier contre les agressions majeures dont il est l'objet: incendies - parasites - défrichements - surpâturage ... , l'accent devra être mise de plus en plus sur les actions de sensibilisation des citoyens aux dangers qui les menacent.

De plus il faudra s'attacher à étendre et à parfaire le réseau d'infrastructure pour une meilleure pénétration des massifs, mais aussi à équiper convenablement le sous secteur en moyens de liaison et de 1ère intervention.

5-2. L'EXTENSION DU PATRIMOINE:

Le reboisement est apparu de manière précoce en tant que préoccupation nationale pour contrebalancer la régression subie par le couvert végétal naturel.

Il a ainsi constitué une part prépondérante des programmes forestiers.

Ces résultats obtenus et qui ont permis de comptabiliser 1.100.000 hectares plantés depuis 40 ans témoignent des efforts accomplis durant toutes les étapes de la planification nationale.

La juxtaposition de ces parcours sur la dimension de l'objectif recherché, celui d'atteindre le taux d'équilibre écologique nous a ramené à développer une nouvelle stratégie.

Celle-ci impose d'imprimer un rythme soutenu de réalisations de 100.000 hectares pendant trente (30) ans pour assurer dans une perspective à long terme une couverture végétale satisfaisante avoisinant 7 millions d'hectares.

5-3. PROTECTION DES BASSINS VERSANTS:

L'administration forestière cherche à inscrire le traitement des bassins versants des barrages dans une démarche permanente qui a pour cadre territorial le périmètre d'utilité publique, et pour programme des travaux reconnus d'intérêt général à la charge de la collectivité nationale.

La protection des bassins versants concerne donc une part importante du territoire national et participe pour une part non moins importante à l'économie rurale.

Par conséquent, elle influe directement sur la politique nationale en matière hydraulique.

5-3.1. Protection des périmètres de barrages:

Les territoires menacés par les effets malfaisants du ruissellement et de la torrentialité couvrent une étendue de 12 millions d'hectares dont près de la moitié sur les versants les plus sensibles à l'érosion.

Ce phénomène se traduit par:

Afin de lutter contre ces phénomènes dévastateurs engendrés par l'érosion et partant de la nécessité de protéger essentiellement les ouvrages hydrauliques, les études existantes estiment les superficies à traiter à:

1.459.000 Ha soit 30% de la surface totale des bassins versants de 88 barrages et sites de futurs barrages (45 barrages existants et 43 sites de futurs barrages).

5-3.2. Agriculture de montagne:

Le secteur forestier contribue au développement de l'agriculture de montagne qui s'intègre dans le développement rural. Il s'agit de répondre à des besoins d'une population démunie, vivant sur des terres marginales.

Cette mise en valeur menée par le secteur reste néanmoins à compléter par l'assise d'un développement rural global qui nécessite une intervention multisectorielle. Toutefois le secteur des forêts reste le précurseur des activités agro-pastorales orientées essentiellement sur l'arboriculture rustique figuier, olivier, grenadier..., qui permet à la fois de valoriser les terres pauvres et assurer une bonne protection des sols.

Les améliorations foncières au profit des fellahs visent par des techniques mécanisées appropriées à restaurer et réhabiliter le capital foncier, à augmenter les capacités de rétention des eaux du sol et accroître les rendements des cultures. L'assise d'une infrastructure de pistes, qui permet la gestion et le désenclavement, est complétée par la création de points d'eau pour la satisfaction des besoins d'eau potable, d'abreuvement du cheptel ou d'irrigation de vergers familiaux.

5-4. Lutte contre la désertification:

La lutte contre la désertification s'insère dans le cadre des différents programmes de développement de la steppe.

En effet, cette lutte ne peut être envisagée uniquement sous un angle sectoriel car les causes de la désertification sont bien entendu d'ordre physique mais aussi d'ordre social et économique.

C'est pourquoi, seule une approche globale et coordonnée entrant dans le cadre du développement des hauts plateaux pourra infléchir à terme le processus de désertification.

De plus la convention internationale de lutte contre la désertification signée en 1994, traduisant la prise de conscience internationale de ce phénomène, est venue conforter la démarche algérienne initiée depuis les années 1970.

5-4.1. Le barrage vert:

Le projet du barrage vert s'insère dans le cadre d'une vaste opération de protection, de reconstitution du capital sol et des ressources hydriques.

Les interventions à venir auront lieu à l'intérieur de zones choisies sur la base de l'expérience acquise et des études disponibles dont notamment les premiers éléments de la carte de sensibilité à la désertification sur 20 millions d'hectares.

5-5. Economie forestière:

Le patrimoine forestier recèle des ressources importantes qu'il convient d'exploiter et de valoriser au mieux.

Il s'agira pour l'avenir de poursuivre et d'intensifier les efforts fournis jusqu'ici pour traduire dans les faits la politique du sous secteur des forêts visant la mobilisation optimale des ressources et la couverture maximale des besoins nationaux en produits forestiers ou alfatiers.

5-6. Protection de la nature:

Dans le domaine de la protection de la nature et en raison du stade avancé de la dégradation, la mise en place d'un programme concret, collé aux réalités s'impose.

Afin d'arriver à cet objectif, il est nécessaire d'entreprendre des actions de développement des composantes de la nature et plus particulièrement de:

Dans ce cadre il s'agira d'entreprendre la réalisation d'un programme ayant pour axes principaux, les actions suivantes:

VI- CONCLUSION:

Par sa position géographique, l'Algérie constitue un territoire où se superposent plusieurs faciès écologiques correspondant aux différents étages bioclimatiques, à savoir le climat tempéré de type méditerranéen dans sa frange maritime, le climat semi aride de l'intérieur des terres, et le climat aride propre aux zones désertiques sur la plus grande partie de son territoire saharien.

Compte tenu de cette diversité, la politique forestière algérienne accorde une approche globale mais en même temps différenciée par grande zone écologique.

C'est ainsi que pour la région tellienne, il s'agira surtout de développer une démarche d'aménagement intégré en vue de la préservation des espaces boisés dans leur forme originelle, de leur protection contre toutes les formes de dégradation et de leur exploitation raisonnée.

Au niveau des hautes plaines steppiques où les phénomènes de l'érosion et de la désertification constituent des phénomènes majeurs, les grands défis résident dans une politique audacieuse de reforestation de longue haleine et à laquelle l'Algérie s'est attelée depuis longtemps.

En région saharienne, la protection des centres de vie contre l'ensablement constitue, avec la protection des espèces floristiques et faunistiques, le cadre d'action adapté.

La prise de conscience d'une lutte sans relâche contre les phénomènes d`érosion et de désertification a été précoce aussitôt l'indépendance de notre pays acquise.

Dans ce contexte, l'Algérie a sans hésitation adhèré au programme de la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED) et les différentes conventions internationales qui l'appuient, mettant en relief la nécessité d'attribuer à la foresterie des formations nouvelles et élargies et au secteur des forêts celle d'inscrire ses activités dans un cadre global intersectoriel et participatif.

De la même manière, l'Algérie n'a jamais lésiné sur ses efforts pour participer à tous les forums mondiaux et régionaux qui traitent sur l'environnement et le développement.


1 REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
MINISTERE DE L'AGRICULTURE ET DU DEVELOPPEMENT RURAL
DIRECTION GENERALE DES FORETS