C15

De Rio à Johannesburg et au-delà: la conservation des forêts et les moyens d'existence des populations rurales dans l'hémisphère Sud

David Kaimowitz, CIFOR 1


Résumé

Ces dernières années, les forêts ont vu leur importance diminuer dans le programme d'action des instances internationales. La communauté forestière et les responsables de la conservation des forêts doivent s'efforcer de modifier cet état de choses, car les forêts peuvent contribuer dans une grande mesure à la solution des problèmes concernant la pauvreté, les maladies, l'accès à l'eau potable, la conservation de la diversité biologique, le changement climatique et les conflits violents. Les succès ont été plus nombreux que ne le pense la majorité des décideurs, particulièrement pour ce qui est de la transmission des droits sur les forêts à des groupes défavorisés et de la restauration des forêts. Les stratégies de réduction de la pauvreté devraient garantir que les pauvres continuent d'avoir accès aux systèmes de protection forestiers et apporter une aide aux petites entreprises forestières. Les stratégies de conservation de la biodiversité dans les pays en développement devraient: 1) réduire les incitations à détruire la forêt; 2) octroyer des droits aux groupes qui risquent moins de détruire les forêts; 3) payer les individus pour qu'ils conservent la biodiversité; et 4) appuyer non seulement les aires protégées, mais l'ensemble des écosystèmes. Les dirigeants du monde devraient reconnaïtre que les forêts peuvent contribuerà la paix mondiale et prendre des mesures pour tirer parti de ce potentiel.


De Rio à Johannesburg - une nouvelle donne

Des feux de forêt massifs en Indonésie en 1983 et la destruction sans précédent de forêts au Brésil en 1987 ont frappé l'imagination de l'opinion publique mondiale. Ces événements ont porté à inscrire la perte de forêts tropicales humides au programme des instances internationales. Des individus tant dans les pays développés que dans les pays en développement ont pris conscience du fait que les forêts pluviales abritent une grande partie de la biodiversité de la planète, y compris de nombreux animaux et végétaux exotiques et intéressants et une grande quantité de produits pharmaceutiques potentiels et de variétés végétales. Pour sauvegarder cette biodiversité, des dizaines de millions de personnes ont donné temps et argent aux organismes de conservation. Ces organismes ont à leur tour fait pression sur les gouvernements pour qu'ils s'attaquent à ce problème. L'assassinat brutal de Chico Mendes en 1988 a donné à ces individus et à ces organismes un symbole et un martyr.

L'intérêt pour l'avenir de la biodiversité tropicale a atteint son apogée avec le "Sommet de la Terre" tenu à Rio de Janeiro en 1992 (Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement). Le symbole le plus clair en est la politique forestière de 1991 de la Banque mondiale, rendue publique à la veille du Sommet de Rio, qui faisait de la fin du déboisement dans les régions tropicales son objectif central.

Le slogan lancé à Rio était le "développement durable". Cela impliquait qu'il était possible d'associer conservation et développement pour parvenir à des solutions satisfaisantes pour tous. Améliorer la vie des pauvres aiderait l'environnement, et prendre soin de l'environnement profiterait aux générations aussi bien présentes que futures.

Cette vision a débouché sur l'élaboration de "programmes intégrés de développement durable - conservation des forêts". Ceux-ci associaient les aires protégées à des activités de développement à proximité. Les partisans de ces programmes espéraient que travailler sur l'agriculture durable, l'écotourisme, les produits forestiers non ligneux et d'autres activités semblables pousserait les villageois des communautés vivant près des parcs à soutenir les aires protégées et à ne plus compter sur des activités qui menaçaient les parcs.

Au cours des dix dernières années, des efforts très importants ont été entrepris pour rendre durable la production sur une grande échelle de bois d'oeuvre tropical. On a tenté en particulier de réformer les politiques en matière de concessions forestières, d''introduire la certification volontaire et de former des individus à l'exploitation à impact réduit. Là encore l'objectif consistait en une solution satisfaisante pour tous qui permettrait aux entreprises de produire du bois mais avec moins d'effets négatifs sur la forêt.

Toutefois, ces derniers temps, l'attention pour les forêts a commencé à diminuer. Les organisations internationales et les gouvernements des pays en développement se concentrent sur les problèmes de pauvreté absolue et pensent rarement aux forêts dans ce contexte. Pour essayer de remédier au fait que plus d'un milliard de personnes gagnent encore moins de 1 dollar E.-U. par jour, la communauté internationale s'est engagée à atteindre d'ici à 2015 huit "objectifs de développement pour le millénaire". Si la "durabilité de l'environnement" est un des huit objectifs, l'accent a surtout été mis sur l'élimination de la pauvreté absolue et de la faim et sur l'amélioration des soins de santé et de l'éducation.

Les gouvernements s'intéressent moins aux forêts également parce que les efforts menés pour les protéger et encourager leur gestion durable ont en grande partie échoué. Durant les années 1990, les forêts ont continué à disparaître au même rythme que dans les années 1980 - avec une perte moyenne de 12 à 15 millions d'hectares chaque année (Mathews, 2001). Malgré les importants efforts déployés, une infime partie seulement de bois tropical provient de forêts naturelles gérées durablement. De nombreuses évaluations des programmes intégrés de développement durable - conservation des forêts, ont conclu qu'ils n'avaient pas été particulièrement efficaces tant sur le plan de la conservation que sur celui du développement (Kahn et al., 1999; Oates, 1999). L'empiètement sur les aires protégées se poursuit. Certaines études révèlent qu'il est généralement plus rentable de produire du bois de manière non durable que de manière durable (Pearce, Putz et Vanclay, 1999). Plutôt que de s'attaquer à des tâches ardues, de nombreux gouvernements préfèrent se concentrer sur des activités où il est plus facile d'obtenir des résultats.

Bien que les sondages d'opinion montrent que de plus en plus de pays tant développés qu'en développement soutiennent la conservation des forêts, l'intérêt du public pour les forêts s'est amoindri du fait que la question ne fait plus la une des médias. Ceci, associé au repli des marchés boursiers mondiaux, explique la diminution des contributions en faveur des organismes s'occupant d'environnement.

Lorsque le Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg a eu lieu l'an dernier, le contexte international était très différent de celui dans lequel s'était déroulé le Sommet de Rio. En général, la question des forêts ne figurait pas à l'ordre du jour.

Les forêts - reconnaître ce qu'elles ont à offrir

Nous devons travailler dur pour replacer les forêts dans le programme des instances internationales, non pas pour promouvoir les forêts elles-mêmes ou parce que nous travaillons dans le secteur forestier, mais parce qu'elles jouent en fait un rôle déterminant pour relever bon nombre des défis mondiaux.

Commençons par préciser que les forêts et les arbres ont beaucoup à offrir pour ce qui concerne les Objectifs de développement pour le millénaire et le problème de la pauvreté. La grande partie des 240 millions de personnes qui vivent dans les régions forestières des pays en développement sont pauvres et fortement tributaires des forêts et des arbres (Banque mondiale, 2003). Environ 2,4 milliards de personnes tirent l'énergie dont elles ont besoin des combustibles de biomasse, principalement du bois de feu et du charbon de bois (Arnold et al., 2003). Plusieurs milliards de personnes comptent surtout sur les plantes médicinales et les animaux pour leurs soins de santé. Dans 62 pays moins avancés, la viande de gibier et les poissons sauvages fournissent plus de 20% des protéines (Bennet et Robinson, 2000). Les forêts et les jachères forestières sont des sources d'intrants et de services importants pour l'agriculture de petite échelle, notamment pour l'apport en éléments nutritifs et la conservation des sols, le fourrage pour le bétail, la lutte contre les adventices et les ravageurs et la pollinisation. En fixant le carbone, les forêts réduisent le réchauffement de la planète, qui menace de nombreux petits agriculteurs dans les régions tropicales sèches. Les forêts assurent la bonne qualité de l'eau potable.

En fait, les forêts contribuent directement à tous les thèmes prioritaires du Sommet mondial sur le développement durable - eau, énergie, santé, agriculture et biodiversité - et elles assurent une part substantielle du revenu d'une grande partie de ceux qui gagnent moins de 1 dollar E.-U. par jour. Ceux-ci comptent généralement sur des forêts plus sèches, plus ouvertes et plus perturbées, qui sont plus densément peuplées que les forêts qui ont attiré l'attention dans le passé. Mais ce sont néanmoins des forêts.

La mesure dans laquelle les forêts peuvent contribuer à atténuer la pauvreté reste toutefois incertaine. Mais il ne fait pas de doute qu'elles jouent un rôle important en tant que systèmes de protection. Sans les moyens de subsistance et le revenu en espèces fournis par les forêts, beaucoup de familles pauvres auraient du mal à survivre. Ce sont généralement les familles plus pauvres qui s'appuient le plus sur les forêts, en particulier en période de crise.

Pour préserver ces systèmes de protection, les gouvernements et la société civile doivent protéger à la fois les forêts elles-mêmes et l'accès des pauvres à celles-ci. Cela implique des changements dans les cadres juridiques et dans les institutions forestières et exige aussi de travailler directement avec les communautés locales. Cette question devrait figurer en bonne place dans les Stratégies de réduction de la pauvreté qui guident maintenant dans leur travail les gouvernements des pays moins avancés et les donateurs internationaux qui les soutiennent.

La nouvelle stratégie de la Banque mondiale relative aux forêts approuvée l'année dernière va beaucoup plus loin que la stratégie de 1991 en ce qui concerne la reconnaissance de l'importance des forêts dans la lutte contre la pauvreté (Banque mondiale, 2002). Ce message encore peu connu gagnerait à être diffusé.

La bonne nouvelle est que de grands progrès ont déjà été faits en donnant aux petits exploitants agricoles, aux communautés et aux autochtones un accès plus sûr aux forêts. Il s'agit là d'un important pas en avant qui mérite d'être signalé. Ces groupes possèdent aujourd'hui environ un cinquième des forêts ou en ont le droit d'usufruit dans les pays en développement et la possession de facto d'une superficie supplémentaire très vaste qui doit encore être quantifiée (White et Martin, 2002). Les gouvernements des pays du bassin de l'Amazone ont reconnu les droits des autochtones sur des territoires couvrant plus d'un million de km2. Plus de 35 000 organisations villageoises participent maintenant au Programme de gestion conjointe des forêts de l'Inde (Forest Trends, 2002). La Chine a cédé des terres dégradées à des dizaines de millions de ménages qui y planteront des arbres (Dachang, 2001). D'autres exemples méritant d'être signalés comprennent les ejidos au Mexique, les forêts communautaires au Népal et en République-Unie de Tanzanie, les réserves minières au Brésil, la reconnaissance des domaines ancestraux aux Philippines et les concessions forestières communautaires au Guatemala.

En offrant des services financiers, techniques et commerciaux aux petits exploitants forestiers, en modifiant des réglementations inappropriées et en mettant un terme au harcèlement de la part de fonctionnaires corrompus, l'on pourrait contribuer sensiblement au développement d'activités de petite échelle rentables fondées sur les forêts. L'expansion urbaine rapide dans les pays en développement a beaucoup accru la demande de bois de construction, de meubles et de pâtes, ainsi que de charbon de bois, bambou, plantes médicinales et viande de gibier (Scherr, White et Kaimowitz, 2002). Les petits producteurs pourraient répondre à cette demande, mais ont besoin pour ce faire de l'appui des gouvernements, de la société civile et des organismes d'aide internationaux, ainsi que de mesures qui les empêcheront d'épuiser la base de ressources sur laquelle ils comptent.

Les forêts et les stratégies de conservation

La biodiversité des forêts est toujours aussi importante. L'existence d'espèces intéressantes et exotiques signifie beaucoup pour l'humanité tout entière et a une valeur considérable pour l'agriculture, l'industrie pharmaceutique, le tourisme et les communications. Par ailleurs, la seule façon de maintenir les systèmes de protection, les chances d'avoir un revenu et les services environnementaux dont dépendent les pauvres est d'empêcher que les espèces que ces populations utilisent disparaissent et d'entretenir les écosystèmes dans lesquels vivent ces espèces.

Toutefois, les groupes qui se sont donné comme objectifs de mettre fin au déboisement dans les forêts tropicales et de réduire à zéro la perte des espèces n'ont pas rendu service à la communauté des forestiers et des responsables de la conservation. Ces objectifs ne sont pas réalistes et donnent à tort l'impression d'avoir échoué. Etant donné la croissance économique et démographique mondiale et la faiblesse des institutions gouvernementales et de la société civile dans de nombreuses régions du monde, une perte substantielle de forêts est inévitable. Toutefois même dans ces conditions, l'on fait beaucoup et l'on peut faire plus.

Certains organismes de conservation prétendent que compte tenu de la faible performance de nombreux programmes intégrés de développement - conservation des forêts, il faudrait envisager de façon plus simple le problème des aires protégées. Ils souhaiteraient étendre le plus possible la superficie consacrée aux parcs et en interdire l'entrée par des clôtures et des gardiens.

Cette approche est très attrayante, mais elle n'est pas aussi irrésistible qu'elle ne le semble. Il y a très peu de chances pour que les gouvernements mettent de côté plus de 10 ou 15% des forêts tropicales pour en faire des aires protégées. Il est impossible d'ignorer les populations très nombreuses qui vivent à l'intérieur des aires protégées déjà établies. La plupart des gouvernements des pays en développement n'ont pas la capacité de mettre en oeuvre des politiques de conservation dans des régions forestières éloignées et ne risquent guère de pouvoir le faire dans de brefs délais. En outre, de nombreux gouvernements et groupes de conservation ne sont pas vraiment préparés pour tenter de résoudre les conflits résultant de revendications contradictoires sur des forêts qu'ils considèrent comme des aires protégées. Il est clair que ces aires doivent être un élément d'une stratégie de conservation réussie, mais elles ne sauraient en être le seul élément, ni même le principal.

Outre les aires protégées, une stratégie rationnelle de conservation de la biodiversité dans les pays en développement doit comporter quatre autres éléments: 1) réduire les incitations économiques au déboisement et à l'exploitation forestière non durable, 2) donner des droits sur les forêts aux groupes qui risquent moins de les détruire, 3) payer les individus pour conserver la biodiversité, et 4) se concentrer sur les sites morcelés et pas seulement sur les forêts primaires d'un seul tenant.

Les efforts entrepris dans le passé pour encourager la gestion durable et la conservation des forêts étaient trop axés sur les politiques forestières et de conservation et pas assez sur les politiques macroéconomiques, agricoles, infrastructurelles, financières et énergétiques, même si ces dernières ont souvent une plus grande influence sur ce qui arrive aux forêts. Deux moyens particulièrement efficaces pour conserver la biodiversité des forêts consisteraient à supprimer les subventions aux opérations agricoles et forestières de grande envergure et d'arrêter de construire et d'améliorer les routes dans des régions où les forêts sont relativement peu perturbées et à faible densité de population.

Dans certaines situations, étant donné les droits juridiques formels accordés aux populations autochtones sur les forêts, des groupes participant à des activités d'extraction à faible intensité, et d'autres ne souhaitant pas ou ne pouvant guère exploiter rapidement les ressources forestières peuvent aider à conserver la biodiversité. On ne peut supposer simplement que les populations autochtones ou les collectivités locales gèreront les forêts mieux que d'autres groupes. Toutefois, l'association faible densité de population, manque de fonds, système de production moins destructifs, efforts réglementaires extérieurs et appréciation culturelle et spirituelle des forêts conduit parfois ces groupes à maintenir des écosystèmes forestiers relativement intacts. Là où cela est le cas, les gouvernements et la société civile devraient reconnaître les droits de ces groupes sur les forêts, aider à résoudre les revendications contradictoires par des groupes semblables, et prendre des mesures pour réduire l'empiètement sur la forêt par les agriculteurs, les propriétaires de ranch, les exploitants des forêts et des mines extérieurs.

Payer des propriétaires et des gestionnaires de forêt pour protéger les espèces végétales et animales et les habitats est une autre approche prometteuse. Les groupes plus riches qui profitent de la conservation de la biodiversité des forêts ont le devoir moral d'indemniser les populations locales qui consacrent du temps et des efforts ou renoncent à d'autres possibilités de se procurer un revenu pour protéger cette biodiversité. Sans ces paiements, indépendamment de qui possède la forêt, ces personnes risquent d'être tentées de convertir les forêts accessibles qui ne sont pas sur des terrains abrupts à d'autres usages ou à surexploiter les ressources présentes. Il y a malheureusement encore peu de situations où il est plus rentable de gérer les forêts tropicales de manière durable que de les exploiter de manière non durable. Payer les habitants des forêts pour conserver la biodiversité pourrait augmenter à la fois leur revenu et leur disponibilité à protéger la forêt. Toutefois, il faudrait du temps pour accumuler assez de fonds et d'expérience pour appliquer cette mesure sur une grande échelle.

La seule manière de protéger tous les végétaux et les animaux de la forêt consiste à maintenir de vastes aires compactes de forêts intactes ou très peu perturbées. Très souvent, cette solution n'est tout simplement pas réaliste. Toutefois, de nombreuses espèces peuvent survivre dans des sites modérément perturbés qui contiennent des forêts primaires, des forêts secondaires, des plantations, des forêts exploitées, des jachères, des systèmes agroforestiers et des terres agricoles. Les agriculteurs et les communautés font déjà beaucoup sur ces sites pour favoriser la présence de végétaux et d'animaux sauvages ou demi-domestiqués qui les intéressent. Avec un appui technique et organisationnel plus important et de nouvelles incitations, ils pourraient faire beaucoup plus pour rendre leurs modes d'utilisation des terres, les systèmes agricoles, la chasse et la cueillette moins nuisibles aux espèces et aux fonctions écologiques spécifiques qui pourraient présenter un intérêt.

Il s'agit là d'un autre domaine dans lequel on a enregistré de nombreux succès et expériences positives qu'il serait bon de mettre davantage en lumière. Dans le monde entier, des individus ont planté des arbres ou les ont aidés à se régénérer, en aménageant divers systèmes agroforestiers, en protégeant les sources d'eau et en restaurant activement les écosystèmes sur lesquels ils comptent. Cela ne rétablira jamais les écosystèmes précédents, mais cela pourrait conduire à des environnements sains et productifs, contenant des niveaux surprenants de biodiversité.

Les quatre éléments de conservation de la biodiversité sont encore au début de la phase expérimentale et nécessitent des recherches approfondies, une gestion et une expérimentation adaptatives. Il n'y a pas de recette miracle. Nous devons simplement aller de l'avant et apprendre à mesure que nous avançons.

Les forêts et la paix mondiale

Enfin, il y a un dernier défi mondial auquel les forêts peuvent et doivent contribuer à relever, celui de la paix mondiale. L'abandon et la mauvaise gestion de nombreuses régions forestières ont créé un terrain propice à la violence qui est devenue une menace majeure à la paix mondiale. Les gouvernements nationaux n'ont pas réussi à fournir santé, éducation, sécurité et droits démocratiques dans bon nombre de ces régions. Ils n'ont manifesté un véritable intérêt que lorsqu'ils entendaient exploiter les forêts, le pétrole, les minéraux et les terres des régions à leur propre avantage ou à celui de groupes extérieurs. Il n'est guère surprenant que des insurgés armés, des bandits, des trafiquants de drogue et des contrebandiers se soient infiltrés dans ces régions pour combler le vide qui y règne. Il suffira de mentionner la Colombie, le nord du Myanmar, le nord-est de l'Inde, l'île de Mindanao aux Philippines, Aceh et la Papouasie de l'Ouest en Indonésie, Chiapas au Mexique, les montagnes du Népal, l'est de la République démocratique du Congo ou l'arrière-pays du Liberia.

Si la communauté internationale veut vraiment essayer de parvenir à la paix mondiale, elle devra investir davantage pour assurer une vie convenable et instaurer des principes de légalité dans les régions forestières éloignées des pays tropicaux. Il ne s'agit pas seulement de dépenser plus d'argent, mais plutôt de trouver de nouveaux moyens d'investir dans ces régions, des moyens qui fassent participer les populations locales et les fassent devenir maîtres de leur propre destin, au lieu de les marginaliser davantage et de les déplacer.

Conclusion

Il est incontestable que les forêts sont beaucoup plus importantes pour la paix, la prospérité et l'avenir de notre planète que ne le croient la plupart des gouvernements et le grand public. Et même si nous n'avons pas complètement stopper le déboisement ni fait en sorte de récolter tout notre bois auprès de sources durables, nous avons fait beaucoup plus que ce que nous reconnaissons souvent avoir fait.

Nous pouvons et nous devons réinscrire les forêts au programme des instances internationales. Mais nous n'y parviendrons pas en nous repliant sur nous-mêmes. Nous devons atteindre ceux qui ne savent rien sur les forêts mais qui se préoccupent au sujet de l'eau et de la santé, des moyens d'existence et des gouvernements locaux, des animaux à fourrure et des finances et beaucoup d'autres questions dans lesquelles la forêt joue un rôle.

Nous devons leur dire comment les forêts peuvent contribuer à relever les défis auxquels nous sommes confrontés, à améliorer la vie des populations et à faire de notre planète un endroit plus sain pour vivre. Il ne s'agit pas de sauver toutes les forêts ni même toutes les espèces. Nous devons donner aux populations locales des droits et des responsabilités sur les ressources dont ils sont tributaires, l'information qu'ils demandent pour gérer ces ressources et des incitations pour prendre en compte des intérêts nationaux et mondiaux plus vastes. Beaucoup de choses ont changé entre le Sommet de Rio et celui de Johannesburg. Toutefois, les messages clés aujourd'hui sont les mêmes que ceux lancés lors du Congrès forestier mondial de Jakarta il y a vingt-cinq ans. Les gens ont besoin des forêts et les forêts devraient être pour les gens.

Bibliographie

Arnold, M., Kohlin, G., Persson, R. & Shepherd, G. 2003. Fuelwood revisited: What has changed in the last decade? CIFOR Occasional Paper #39, Bogor.

Bennett, E.L. & Robinson, J.G. 2000. Hunting of wildlife in tropical forests, implications for biodiversity and forest peoples, Environment Department Papers, # 76. Washington D.C., World Bank.

Dachang, L. 2001. Tenure and management of non-state forests in China since 1950, a historical review. Environmental History, 6(2): 239-63.

Forest Trends. 2002. Strategies for strengthening community property rights over forests: Lessons and opportunities for practitioners. Washington D.C.

Kahn, A., Wells, M., Jepson, P., Guggenheim, S. & Wardojo W. 1999. Investing in biodiversity, a review of Indonesia's Integrated Conservation and Development Projects. Washington D.C., World Bank.

Mathews, E. 2001. Understanding the FRA 2001, Forest Briefing # 1. Washington D.C., World Resources Institute.

Oates, J.F. 1999. Myth and reality in the rain forest, how conservation strategies are failing in West Africa. Berkeley, University of California Press.

Pearce, D., Putz, F. & Vanclay, J. 1999. Sustainable Forest Futures, CSERGE Working Paper GEC 99-15. London.

Scherr, S., White, A. & Kaimowitz, D. 2002. Making markets work for forest communities, Washington D.C., Forest Trends and CIFOR.

White, A. & Martin, A. 2002. Who owns the world's forests, forest tenure and public forests in transition, Washington D.C., Forest Trends.

World Bank. 2003. Sustainable development in a dynamic world, World Development Report 2003. Washington D.C.

World Bank. 2002. A revised forest strategy for the World Bank Group, Washington D.C.


1 Directeur général, Jalan Center for International Forestry Research, Situ Gede, Sinangbarang, Bogor Barat 16680, Indonésie. [email protected]