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III. POLITIQUES À METTRE EN OEUVRE POUR EXPLOITER ET DÉVELOPPER PLEINEMENT LE POTENTIEL DE L'AGRICULTURE

139. Un développement accéléré et soutenu de l'agriculture est la clé du développement économique et de la réduction de la pauvreté dans les PMA. L'on a vu dans les sections précédentes que, dans ces pays, le potentiel de l'agriculture est considérable mais que celui-ci n'a pas été réalisé pour différentes raisons, notamment des contraintes structurelles et technologiques, des politiques nationales mal avisées et un environnement économique extérieur peu favorable. De ce fait, la croissance de ces pays a été lente, la malnutrition s'est aggravée et la marginalisation de ces pays dans l'économie mondiale s'est poursuivie.

140. Les défis auxquels sont confrontés les PMA sont si nombreux que ces pays ne sont guère à même de formuler et de mettre en oeuvre des politiques et des institutions efficaces dans le secteur agricole. Néanmoins, le développement est un processus cumulatif et les succès remportés dans un domaine ouvrent des possibilités nouvelles dans d'autres. L'on a essayé, dans cette section, d'identifier les mesures qui permettraient d'atténuer les contraintes qui existent sur le plan de l'offre ainsi que d'améliorer la productivité et la compétitivité de l'agriculture dans le cadre d'une stratégie équilibrée et durable fondée sur les avantages comparatifs et tendant à atténuer la pauvreté. L'analyse s'inspire de l'expérience acquise par la FAO sur le terrain, ainsi que de l'aide que cette organisation a apportée aux PMA en matière de formulation des politiques générales ainsi que des nouvelles approches qui ont été élaborées à la lumière des enseignements tirés des programmes de développement des 30 dernières années pour accélérer le développement de l'agriculture.

A. ENSEIGNEMENTS TIRÉS DE L'EXPÉRIENCE

141. Étant donné l'importance critique que revêt l'agriculture dans la majorité des PMA, il faut bien comprendre comment l'expansion de ce secteur pourrait être accélérée, l'ordre de priorités à établir et l'impact que pourrait avoir une croissance plus rapide sur les niveaux de pauvreté.

142. Au cours des 30 dernières années, la nature et les origines de la croissance ont beaucoup varié d'un pays à un autre et, à l'intérieur de chaque pays, d'un sous-secteur de l'agriculture à un autre. Néanmoins, dans plusieurs pays, le secteur de l'agriculture s'est développé rapidement, ce qui a eu un impact majeur sur la réduction de la pauvreté et le développement économique au plan national. L'on peut tirer de ces cas particuliers un certain nombre d'enseignements utiles. L'un des plus importants est qu'il importe d'établir un ordre de priorités et d'échelonner comme il convient les activités. Les gouvernements ne peuvent en effet, pendant une période déterminée, que faire un certain nombre de choses. La plupart des activités doivent être menées à bien par le secteur privé et par le biais des marchés de manière à permettre aux pouvoirs publics de concentrer leur attention sur les domaines dans lesquels l'on ne peut pas compter sur le secteur privé.

143. L'on ne peut pas dire qu'une expansion rapide de l'agriculture dépende d'un certain nombre de conditions matérielles bien déterminées, ni que le succès soit garanti par une série d'activités spécifiques. L'on peut néanmoins, à la lumière des résultats obtenus, identifier un certain nombre de thèmes et de schémas communs:

B. LES DÉFIS DU DÉVELOPPEMENT DE L'AGRICULTURE DANS UNE ÉCONOMIE MONDIALISÉE

144. Les PMA et les agriculteurs de ces pays se trouvent peut-être aujourd'hui, à différents égards, en présence d'une situation plus difficile que celle à laquelle étaient confrontés les pays en développement qui ont réussi à assurer une croissance soutenue de leur agriculture au cours des 30 dernières années. Comme on l'a vu dans les sections I et II, les problèmes nouveaux et émergents auxquels ils se heurtent sont de trois types et consistent à surmonter leur marginalisation, due à l'intégration des marchés provoquée par la mondialisation et la libéralisation, à s'adapter au changement technologique et à faire face à un environnement institutionnel nouveau.

145. Mondialisation des marchés: Les PMA doivent maintenant opérer sur des marchés mondiaux où la concurrence est beaucoup plus intense. L'élimination progressive des barrières commerciales, l'augmentation de la demande de produits de meilleure qualité et l'application de taux plus élevés, l'érosion continue des préférences commerciales et le coût de l'application des nouvelles règles commerciales sont des problèmes qui affectent tout particulièrement la compétitivité des producteurs des PMA sur les marchés aussi bien nationaux qu'internationaux. Du fait de la mondialisation et de la libéralisation, les PMA deviennent également plus vulnérables aux fluctuations des marchés mondiaux car leurs économies n'ont qu'une envergure réduite et car ils sont de plus en plus tributaires des importations pour leurs approvisionnements alimentaires. Leurs problèmes ont été aggravés par le déclin à long terme des prix réels de leurs principales exportations de produits primaires, malgré les quelques améliorations de courte durée enregistrées au début des années 90.22 La dégradation concomitante des termes de l'échange des produits de base a réduit à la fois l'intérêt d'une production de produits d'exportation et les gains et effets de stimulation de l'économie provenant de cette production.

146. Défis technologiques. Pour suivre l'augmentation de la demande intérieure de produits alimentaires, faire le nécessaire pour améliorer la compétitivité et en définitive élever les revenus ruraux, il est indispensable d'améliorer la productivité de l'agriculture. Comme on l'a vu dans la section I, la plupart des PMA n'en sont qu'à un stade peu élevé de développement technologique dans l'agriculture, et les possibilités d'améliorer la productivité sont immenses. Le plus souvent, toutefois, une croissance soutenue de l'agriculture exige plus qu'une simple "révolution verte". Il faut en particulier investir beaucoup dans l'irrigation et l'infrastructure rurale, la valorisation des ressources humaines et les institutions. Les nouveaux progrès de la biotechnologie risquent de menacer encore plus les perspectives d'une expansion mue par les exportations si les nouvelles technologies se traduisent par une amélioration marquée de la productivité dans les pays plus avancés, ce qui aura pour effet d'accroître la production, de faire baisser les prix et de donner à ces pays un avantage compétitif sur les producteurs des PMA.

147. Environnement institutionnel. L'environnement institutionnel, tant national qu'international, est très différent aussi de ce qu'il était par le passé. Comme on l'a vu dans la section II, le commerce international est soumis aux disciplines de l'OMC et se réalise dans un contexte mondialisé. Les rôles et les modalités d'action du FMI et de la Banque mondiale ont changé eux aussi parallèlement aux programmes de libéralisation et d'ajustement structurel réalisés dans leurs pays membres. La conséquence la plus importante de cet état de choses a peut-être été la contraction considérable du rôle du secteur public dans la recherche agronomique et la vulgarisation agricole ainsi que sur les marchés des produits et les marchés financiers. Pour inefficient et inefficace qu'il ait souvent pu être, le rôle qu'ont joué les interventions de l'État pour appuyer l'expansion de l'agriculture est aujourd'hui clairement reconnu, ce qui a conduit, par exemple, à proposer de reconsidérer les résultats qu'avaient donnés les organes étatiques de commercialisation en Afrique.23 Néanmoins, la tendance actuelle, parmi les donateurs et dans les PMA eux-mêmes, n'est pas à appuyer l'effort tendant à impliquer l'État dans la recherche de solutions novatrices à certains des problèmes institutionnels qu'il a réussi à résoudre par le passé. De plus, certains donateurs et gouvernements voient dans l'échec des tentatives qui ont été faites précédemment de stimuler le développement agricole la preuve qu'un appui des pouvoirs publics à l'agriculture n'est pas un élément prioritaire dans la recherche d'une expansion économique large de nature à réduire la pauvreté, attitude qui se reflète dans la diminution de la proportion de l'APD allouée à l'agriculture.

148. Indépendamment de toutes ces difficultés, quelques possibilités nouvelles s'offrent aussi à l'agriculture dans les PMA. Les nouvelles technologies ont réduit le coût des communications dans des proportions spectaculaires, ce qui devrait profiter aux régions reculées et peu peuplées où le réseau routier est déficient. La biotechnologie (sous réserve de précautions appropriées) offre des possibilités d'accélérer le progrès technologique si l'on investit suffisamment dans leur application aux cultures et aux problèmes des PMA. En outre, la mondialisation des marchés et la mise en oeuvre des accords commerciaux devraient apporter des avantages aux exportateurs des PMA si l'on peut les aider à surmonter les contraintes qui les empêchent d'accroître leur production et d'améliorer leur compétitivité. Il se peut que les décideurs reviennent peu à peu à une conception plus équilibrée et plus nuancée de l'importance de l'agriculture et du rôle que peut jouer (et des inconvénients que peut avoir) un appui de l'État.

C. MESURES À PRENDRE POUR ACCÉLÉRER LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DES EXPORTATIONS

149. L'on trouvera ci-après quelques recommandations de caractère général touchant les politiques qui pourraient être adoptées au plan national et les mesures mises en oeuvre au plan international pour éliminer les goulets d'étranglement au niveau de l'offre, améliorer la compétitivité et atténuer la pauvreté et l'insécurité alimentaire dans les PMA. Les politiques proposées pourront être d'une utilité très différente d'un pays à un autre, selon la nature de leurs problèmes de développement agricole, de leurs bases de ressources et leur situation économique.

1. Mesures et stratégies de caractère général tendant à appuyer
le développement de l'agriculture

150. Premièrement, il faut s'attacher surtout à accroître la production de biens exportables, élément indispensable à la croissance de l'agriculture et normalement moteur de l'expansion. Il importe pour cela de mettre en oeuvre une série de politiques macro-économiques adaptées à la situation économique spécifique du pays, adopter des technologies appropriées eu égard à la situation actuelle des exploitations et mettre en place une infrastructure de communication, des mécanismes de commercialisation et des institutions de nature à faciliter l'accès des agriculteurs aux crédits de campagne, aux capitaux à plus longue échéance et aux intrants et à leur assurer des prix pouvant encourager la production. Pour déterminer les rôles que devront jouer à cet égard les organismes gouvernementaux, les donateurs, les organisations de la société civile et les entités commerciales, il faudra mettre en oeuvre une approche ingénieuse et novatrice mettant davantage l'accent sur l'appui des pouvoirs publics et la diffusion des pratiques optimales (comme c'est le cas, par exemple, dans le cadre du programme de partenariats Sud-Sud de la FAO).24

151. La technologie, l'utilisation des ressources, les institutions, les connaissances et les marchés doivent être adaptés pour pouvoir éliminer les goulets d'étranglement ou les contraintes qui affectent les différents systèmes de produits, résoudre les problèmes que pose l'épuisement ou la dégradation des ressources naturelles et tirer parti des possibilités nouvelles grâce à un effort de diversification. Les moyens locaux de recherche technologique peuvent être importants à cet égard mais, comme indiqué dans les paragraphes précédents, il faudra aussi mettre en place des politiques et des institutions pouvant permettre aux agriculteurs d'avoir plus facilement accès aux ressources. Dans ce cas également, toute une série d'acteurs différents devront sans doute appuyer le processus de changement, dans lequel les pouvoirs publics pourront jouer un rôle institutionnel de premier plan. La réforme foncière est une forme extrêmement controversée de transformations institutionnelles à laquelle il n'a guère été accordé d'attention dans le présent document, mais cela ne veut pas dire que les systèmes fonciers ne puissent pas constituer un obstacle sérieux à la croissance dans des cas particuliers.25

152. Une croissance soutenue de l'agriculture peut également être facilitée par, en particulier, les liens qui encouragent la production de produits qui, dans la plupart des PMA, sont des produits non exportés (récoltes, produits de l'élevage et produits forestiers) destinés à la consommation locale. Elle pourrait être facilitée aussi par les économies d'échelle rendues possibles par des investissements plus systématiques dans l'infrastructure rurale et par l'utilisation par les agriculteurs, sur la base d'arrangements institutionnels appropriés, du matériel acquis ou mis au point pour la production de récoltes commerciales afin d'accroître la production destinée aux marchés locaux.

153. Pour résoudre les problèmes nouveaux auxquels est confrontée l'agriculture dans les PMA, les pouvoirs publics devront s'attacher plus activement à comprendre et à promouvoir les processus qui peuvent appuyer la recherche agronomique. En outre, une protection tarifaire pourrait s'avérer nécessaire pour mettre les agriculteurs des PMA à l'abri de certains des effets les plus néfastes de la mondialisation et pour encourager la production nationale. Il importe par ailleurs de renforcer le rôle que joue l'État dans la promotion d'arrangements institutionnels efficients et efficaces pour permettre aux agriculteurs d'avoir plus facilement accès à des crédits de campagne ainsi qu'aux marchés des intrants et des produits. Il faudra enfin poursuivre la réforme des règles commerciales internationales pour faire en sorte que les PMA puissent jouer un rôle plus actif sur les marchés mondiaux des produits agricoles.

2. Mesures recommandées aux échelons national et international

154. Pour résoudre les problèmes nouveaux qui se posent dans l'agriculture et intégrer davantage les PMA à l'économie mondiale, il faudra mettre un accent plus marqué sur le développement agricole et rural. Avec l'appui de leurs partenaires de développement, les gouvernements des PMA pourront être appelés à formuler ou à réviser leurs stratégies de développement agricole et devront les mettre en oeuvre efficacement. Parmi les éléments fondamentaux et les priorités de ces stratégies, il faudra placer un accent plus soutenu sur les incitations macro-économiques et sectorielles; renforcer les capacités institutionnelles; accroître de façon durable la productivité et la compétitivité; diversifier la production et les exportations et améliorer l'accès aux marchés étrangers.26

155. Cette sous-section contient un bref aperçu de ces priorités, et en particulier des principales mesures qui devront être adoptées pour accroître les ressources mises à la disposition de l'agriculture et les utiliser plus efficacement.

2.1 Politiques macro-économiques et sectorielles

156. Ce que devront faire les PMA, c'est établir un cadre de politiques générales qui soit stable et efficace afin d'encourager les investissements dans l'amélioration de la productivité de l'agriculture et qui facilite les transformations structurelles nécessaires. Nombre de PMA ont adopté pour politique de déréglementer les marchés agricoles, de réduire les distorsions de prix et de permettre au secteur privé de jouer un rôle accru. Les politiques macro-économiques constituent un moyen important d'appuyer la croissance de l'agriculture. Des prix (y compris des taux de change et des taux d'intérêt) stables sont importants pour donner confiance aux investisseurs nationaux et étrangers et pour permettre aux agriculteurs et aux négociants de prendre en pleine connaissance de cause des décisions engageant l'avenir. Simultanément, des taux de change réalistes, des droits de douane peu élevés et des systèmes de prix efficaces sont indispensables si l'on veut que les producteurs et consommateurs de denrées agricoles se trouvent en présence d'incitations de prix et autres qui reflètent les avantages comparatifs, les coûts d'opportunité et le coût des ressources et encouragent une utilisation productive des ressources et les investissements.

157. De telles mesures, bien que nécessaires, ne sont pas suffisantes, pour encourager les investissements, il faut aussi améliorer l'accès aux marchés, assurer la diffusion de l'information, fixer des normes et mettre en place un cadre juridique et réglementaire adéquat. Il faut également assurer une solide complémentarité entre les investissements publics et privés pour soutenir l'expansion agricole, les pouvoirs publics devant investir dans les secteurs comportant un important élément biens publics comme la recherche, la vulgarisation et l'infrastructure, et en particulier les routes, l'éducation et les normes.

2.2 Institutions

158. Les pays moins avancés doivent formuler des politiques et des mesures visant à renforcer la capacité de leurs institutions d'opérer efficacement. Les faiblesses qui caractérisent la structure et les capacités des institutions rurales et autres sont une des raisons pour lesquelles les réformes des politiques économiques n'ont pas réussi comme on l'espérait à accroître la production agricole globale dans nombre de PMA d'Afrique.27 L'évolution rapide des technologies agricoles, des spécialisations et du commerce international exige l'existence d'une série complexe d'institutions. Les pouvoirs publics doivent recenser les besoins en la matière et déterminer quels doivent être les rôles respectifs du secteur public et du secteur privé et comment les deux peuvent se compléter. Les institutions politiques, juridiques et économiques jouent un rôle majeur dans la détermination des politiques aussi bien macro-économique que sectorielles. Pour améliorer la formulation et la mise en oeuvre de ces politiques, de profondes réformes institutionnelles s'imposent souvent.

159. La croissance du secteur agricole exige la mise en place d'arrangements institutionnels appropriés pour surmonter les contraintes auxquelles les produits agricoles se heurtent sur les marchés (par exemple des arrangements contractuels spécifiques entre agriculteurs et négociants). Eu égard à la baisse des prix mondiaux réels des principaux produits agricoles exportés par les PMA, il importe au plus haut point d'améliorer les mécanismes qui répercutent les prix internationaux sur les producteurs nationaux. Les opérations d'un secteur privé de plus en plus compétitif sur ces différents marchés de produits ont réduit les marges et accru les rendements pour les producteurs.

2.3 Amélioration de la productivité et de la compétitivité

160. Le cas de pays ayant une base agro-écologique semblable à celle des PMA - maïs au Zimbabwe, riz au Viet Nam, horticulture au Kenya, cacao en Côte d'Ivoire et coton et riz au Mali - démontre qu'il existe dans les PMA aussi des possibilités considérables d'améliorer la productivité agricole. Les succès limités mais prometteurs remportés par d'autres pays peuvent servir de modèle aux PMA. Les recherches ont montré que non seulement les termes de l'échange intérieurs à l'agriculture mais aussi le contenu des intrants en capital constituent les principaux éléments déterminants de la productivité et de la compétitivité de l'agriculture. Il importera à cet égard de promouvoir le développement de l'infrastructure rurale, de renforcer les services de recherche et de vulgarisation, de valoriser le capital humain en milieu rural grâce à des services d'éducation et de santé, de faciliter l'accès aux ressources productives et de préserver la capacité de la base de ressources naturelles et de l'environnement d'entretenir l'amélioration de la productivité. Si les réformes en cours dans les PMA ont tendu surtout à améliorer les politiques macro-économiques et les politiques des prix, les faiblesses dans ce domaine ne pourront être surmontées qu'au moyen d'une augmentation substantielle des investissements dans l'agriculture des secteurs aussi bien public que privé.

161. À cette fin, il faut mettre en oeuvre une série appropriée et judicieusement échelonnée dans le temps d'éléments comme les suivants:

162. Il importe au plus haut point d'éliminer les contraintes l'une après l'autre. Lorsque l'augmentation de la production entraînée par une réforme ou un changement de circonstance atteint un plateau, il faut mettre en oeuvre une autres réforme ou une autre série de réformes pour continuer à tirer parti du potentiel inexploité. Une croissance soutenue n'est possible que si les contraintes qui restent sont atténuées grâce à la poursuite des réformes. Il faudra également créer des moyens dynamiques d'adaptation des technologies, de l'utilisation des ressources, des institutions, du savoir et des marchés pour éliminer peu à peu les goulets d'étranglement ou les contraintes qui affectent les différents systèmes de production, faire face aux problèmes posés par l'épuisement ou la dégradation des ressources naturelles et diversifier la production pour exploiter les nouvelles possibilités qui se présentent.

163. Les pouvoirs publics devront s'attacher plus activement à comprendre et à promouvoir les processus qui encouragent la croissance de l'agriculture et mettre un accent plus prononcé sur la recherche agronomique afin de résoudre les problèmes auxquels se heurtent les agriculteurs dans les domaines autres que ceux touchés par la révolution verte. Il semblerait qu'il faille nuancer davantage le rôle qui revient à l'État pour ce qui est de promouvoir l'établissement d'arrangements institutionnels efficients et efficaces pour aider les agriculteurs à avoir accès aux crédits de campagne et aux marchés des intrants et des produits. Enfin, il faudra continuer de réformer les règles commerciales mondiales qui empêchent les PMA de participer plus pleinement à l'activité sur les marchés mondiaux.

2.4 Diversification de la production et des exportations

164. Une dépendance excessive à l'égard d'une gamme étroite de produits a plusieurs conséquences importantes: elle expose indûment les agriculteurs aux vicissitudes du climat, aux ravageurs et aux maladies ainsi qu'aux fluctuations de prix; entraîne des fluctuations des revenus agricoles et des recettes publiques; contribue à la dégradation de l'environnement; peut empêcher de tirer parti des complémentarités (par exemple entre l'élevage et les cultures); et a un impact négatif sur le régime alimentaire et la santé. En outre, l'expansion dans ce secteur est entravée par les termes de l'échange défavorables des produits agricoles primaires.

165. Il est manifestement indispensable de diversifier la base de production et d'exportations (aussi bien horizontalement que verticalement) pour l'orienter vers des produits à plus forte valeur ajoutée. Le problème consiste à lancer et à entretenir le mouvement de diversification pour exploiter le potentiel considérable qui existe indubitablement.

166. Il faudra mettre en oeuvre d'innombrables mesures à différents niveaux, les plus importantes étant: le maintien d'un environnement macro-économique et politique stable et prévisible; l'établissement d'un cadre réglementaire équitable et ouvert; l'amélioration de l'efficacité des institutions financières; le renforcement des services de recherche et de vulgarisation en vue de la mise au point et de l'adoption de technologies pertinentes; l'amélioration des services ruraux; le renforcement de l'infrastructure de commercialisation, de transport et de communication; et la mise en valeur des ressources humaines.

167. Les domaines et les produits sur lesquels devraient être ciblés les programmes de diversification devraient être sélectionnés sur la base de leur rentabilité potentielle ainsi que de leur viabilité technique. Il faut appliquer une approche multidisciplinaire et holistique à tous les aspects de la diversification, et pas seulement à la production. Les activités à entreprendre dans ce domaine concernent non seulement les technologies de production au niveau de l'exploitation mais aussi les contraintes en amont et en aval qui entravent la production comme la fourniture d'intrants, les services consultatifs techniques, l'entreposage, le traitement et la commercialisation. Si, dans les PMA, la mise en oeuvre de ces programmes aura exigé une augmentation rapide de la productivité, l'approche suivie devra être globale pour tenir compte dans une optique intégrée de tous les principaux aspects qui affectent la diversification.

168. Le Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA) de la FAO a montré que beaucoup de PMA ont de larges possibilités de diversifier leur production et leurs exportations dans les cultures arbustives, la pêche, l'élevage de petits animaux et les agro-industries. La production peut être diversifiée grâce: i) à l'introduction de l'aquaculture, au développement de la pêche artisanale, à l'élevage de petits animaux (volaille, moutons, chèvres, cochons, etc.), la plantation de cultures arbustives et à des cultures mixtes de récoltes de plein champ et d'arbres; ii) à une formation à l'utilisation des résidus de récoltes pour l'alimentation des animaux; iii) à l'introduction de méthodes bon marché de lutte contre les maladies animales; iv) à un appui aux activités post-production pour promouvoir les activités génératrices de revenus; et v) au développement des agro-industries.

169. Par ailleurs, il faudrait encourager la diversification des exportations dans des produits plus nouveaux et, si possible, de plus grande valeur. Les partenaires commerciaux des PMA peuvent faciliter ce processus en maintenant les régimes d'accès préférentiel aux marchés de ces exportations et, lorsqu'il y a lieu, en réduisant la progressivité des droits sur les produits agricoles traités pouvant être exportés.

2.5 Accès aux marchés étrangers

170. Jusqu'à présent, l'application de l'Accord sur l'agriculture ne s'est pas traduite par une amélioration marquée de l'accès aux marchés des PMA, et ce pour les raisons indiquées ci-dessus, comme la persistance de crêtes tarifaires et de la progressivité des droits et des normes SPS élevées appliquées sur leurs principaux marchés d'exportation. Néanmoins, le principal problème auquel se heurte l'agriculture dans les PMA tient à l'érosion des préférences commerciales non régionales dont ces derniers ont joui jusqu'à présent. Beaucoup de pays, aussi bien développés qu'en développement, ont exprimé leur intention de leur accorder un traitement plus favorable. Les pays de la Quadrilatérale, par exemple, ont proposé d'appliquer à tous les produits ayant leur origine dans des PMA, conformément aux besoins intérieurs et aux accords internationaux, un accès en franchise de droits et de contingents dans le cadre de leurs régimes préférentiels respectifs.

171. Dans le contexte des négociations en cours sur l'agriculture, les PMA cherchent surtout à faire en sorte que les négociations se traduisent par une amélioration tangible de l'accès aux marchés de leurs exportations, et surtout de celles ayant un fort potentiel de croissance. S'ils se félicitent du consensus qui commence à se dégager à l'OMC sur l'accès de leurs produits aux marchés étrangers en franchise de droits et de contingents, ils considèrent que ces engagements devraient être contraignants et applicables à tous leurs produits. 28 Ils font valoir que les concessions qu'ils pourront obtenir en ce qui concerne l'accès de leurs produits aux marchés devraient être prévisibles et ne pas être soumises à des modifications indépendantes.

172. Les autres pays en développement, ainsi que les pays de l'OCDE, pourraient améliorer l'accès des produits des PMA à leurs marchés agricoles, en, entre autres: i) réduisant les droits de douane et réduisant ou supprimant les subventions à l'exportation; ii) réduisant la progressivité des droits; et iii) encourageant les courants d'investissements étrangers directs vers les PMA afin d'améliorer le transfert de technologies et de connaissances.

2.6 Les règles commerciales multilatérales applicables à l'agriculture

173. Le régime commercial de l'OMC offre des facilités nouvelles aux PMA mais leur cause également des problèmes. Si l'on veut que ces pays puissent exploiter pleinement leur potentiel agricole, ils devront, tout comme les autres membres de l'OMC, faire porter leur attention sur les éléments suivants:

Formulation de règles favorables aux PMA. Les règles de l'OMC devraient appuyer le développement des PMA. En particulier, elles devraient être adaptées aux institutions, au capital humain et à l'infrastructure de ces pays pour qu'ils puissent bénéficier pleinement du système commercial multilatéral. Les préoccupations spécifiques des PMA doivent être reflétées dans la structure, le cadre et les objectifs à long terme de l'Accord sur l'agriculture.

Renforcement des capacités dans le domaine du commerce extérieur. Les PAM n'ont ni les capacités institutionnelles ni les ressources humaines nécessaires pour résoudre tous les problèmes ou tirer pleinement parti des possibilités qui découlent du système commercial multilatéral et pour participer pleinement, sur un pied d'égalité, aux nouvelles négociations de l'OMC sur l'agriculture. Il est donc essentiel de leur fournir une assistance technique et financière pour les aider à renforcer leurs capacités, spécialement dans les domaines ci-après:

2.7 Assistance extérieure

174. Les PMA manquent sérieusement des ressources internes nécessaires pour procéder aux investissements qu'exige la réalisation de leurs objectifs de développement dans le secteur de l'agriculture, y compris l'objectif consistant à réduire de moitié, d'ici à 2015, le nombre de personnes sous-alimentées. Une assistance extérieure est nécessaire pour accélérer l'amélioration de la productivité agricole, qui dépendent de la disponibilité de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques de culture viables qui ne continuent pas à dégrader la base de ressources naturelles.

175. L'expérience a montré que l'assistance extérieure a beaucoup contribué au développement de l'agriculture dans presque tous les cas. Elle a joué un rôle critique dans la révolution verte et a toujours été un élément clé des efforts de développement des institutions. Si l'on veut que l'objectif de réduction de la pauvreté que se sont fixés les donateurs soit atteint, il faudra que l'assistance extérieur au secteur agricole dans les PAM revienne et même dépasse ses niveaux antérieurs.

176. Dans ce contexte, et étant donné l'importance que revêt l'agriculture pour la réduction de la pauvreté et l'expansion économique dans les PMA, les initiatives actuelles tendant à fournir une assistance financière aux PMA grâce à des programmes ciblés d'allégement de la dette et à d'autres types d'appui pourraient être orientées de manière à appuyer les efforts que déploient ces pays pour exploiter durablement leur potentiel agricole.


22 En 1999, l'indice combiné des prix des produits autres que les minéraux, les métaux et le pétrole, ajusté en fonction de l'indice des prix des exportations d'articles manufacturés des pays en développement, n'était que la moitié du niveau moyen de 1979-1981, lequel était alors environ identique à l'indice moyen de 1970. Pour les boissons tropicales et les produits alimentaires de base, le déclin a été encore plus prononcé. Voir le rapport de la CNUCED intitulé "Tendances etperspectes mondiales des produits de base", distribué comme document à l'Assemblée générale des Nations Unies sous la cote A/55/332, août 2000, section II.

23 Voir par exemple Dorward, A, Kydd, J et C Poulton (1998), "Conclusions: New Institutional Economics, Policy Debates and the research Agenda" in Dorward A, Kydd J et Poulton C (eds), Smallholder Cash Crop Production under Market Liberalisation: A New Institutional Economics Perspective, CAB International, Wallingford; et Reardon, T, Barrett, C, Kelly, V et K. Savadogo (1999), "Policy reforms and sustainable agricultural intensification in Africa", Development Policy Review. Vol. 17. p. 375-395.

24 Ce programme repose essentiellement sur un échange de connaissances et de données d'expérience entre pays en développement. Ainsi, les pays en développement les plus avancés détachent des experts et des techniciens qui travaillent directement avec leurs homologues et avec les agriculteurs dans d'autres pays en développement.

25 Mellor (1995) a fait observer qu'un régime foncier plus équitable peut contribuer à la croissance en renforçant les liens avec la consommation plutôt qu'en encourageant directement l'amélioration de la productivité agricole en tant que telle, encore que cette observation aille à l'encontre de la théorie traditionnelle, selon laquelle il existe dans des systèmes agricoles traditionnels où la terre est rare une corrélation inverse entre la superfice des exploitations et l'efficacité. En Afrique subsaharienne, il y a souvent plus de raisons de craindre que les systèmes fonciers traditionnels entravent les investissements dans l'amélioration de la terre et dans des utilisations plus productives, mais les indications disponibles sur ce point ne concordent pas et il est probablement pas possible de tirer des conclusions générales quelles qu'elles soient. (Mellor, J.W. (ed), (1995), Agriculture on the Road to Industrialization. IFPRI/Johns Hopkins).

26 Voir la série "National agricultural development strategies towards 2010" préparée par la FAO en 1997 pour un certain nombre de PMA.

27 Voir Global Coalition for Africa: "Promoting agricultural productivity and competitiveness in Sub-Saharan Africa," Economic Committee Meeting, Nairobi, Kenya, avril 1999.

28 OUA/AEC (2000), "Current developments on issues of interest to African countries in the context of post-Seattle WTO negotiations" (OAU/AEC/TD/MIN/2 (III)), Annexe III.

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