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DEUXIÈME PARTIE: ÉTUDE DES POLITIQUES ET ASPECTS TECHNIQUES


1. INTRODUCTION

En termes simples, le problème se pose essentiellement ainsi: il y a trop de navires, et donc une capacité excessive, dans un nombre croissant de pêcheries. L’existence d’une capacité de pêche excessive est en grande partie responsable de la dégradation des ressources halieutiques, d’une réduction du potentiel de production alimentaire et d’un important gaspillage économique. Cela se manifeste principalement au travers de la redondance des intrants de pêche et d’une surexploitation des stocks de poissons à haute valeur commerciale. Le problème de l’excès de capacité de pêche affecte de nombreuses pêcheries nationales à travers le monde, et de manière encore plus évidente, la pêche en haute mer. La globalisation de ce phénomène est illustrée par les écarts relatifs qui existent entre l’évolution de la taille de la flottille et celle du volume des captures des principales espèces depuis la fin des années 1980. Selon la FAO, la taille nominale des flottilles a atteint son point maximum au milieu des années 90. Néanmoins, la capacité de pêche actuelle a peut être continué à s’accroître si l’on prend en compte l’amélioration de l’efficacité des nouveaux navires et leur réarmement (Gréboval, 1998).

La gestion de la capacité de pêche se comprend ici comme l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et de mesures en vue d’équilibrer intrants de pêche et production, l’accent étant mis sur les aspects économiques. Les sections 2 et 3 font référence aux propositions de politique générale contenues dans le Code de conduite pour une pêche responsable et le Plan d’action international pour la gestion de la capacité de pêche. Les sections 4 et 7 examinent les définitions ainsi que l’origine et les conséquences de la surcapacité. La section 8 donne des informations sur les différentes mesures qui peuvent être utilisées en vue de gérer la capacité de pêche, mesures allant des incitations économiques au contrôle des intrants de pêche et de la production. La section 9 donne des informations sur les exigences d’ordre administratif et de recherche. Les sections 10 à 12 examinent les considérations spéciales liées à la pêche en haute mer, à la pêche artisanale et à la participation de l’industrie.

Ce document est de nature préliminaire. Il tente de mettre en lumière certains points et de fournir une première orientation sur les nombreuses questions liées à la gestion de la capacité de pêche. En temps opportun, une documentation complémentaire devra être élaborée afin d’aborder plus en détail les questions spécifiques. Il en est ainsi pour ce qui concerne les aspects liés à la mesure et à l’évaluation de la capacité, pour lesquels un document sera ultérieurement élaboré par la FAO, suite à la Consultation technique organisée par la FAO sur ce sujet (FAO, 2000a). Il en est de même pour les méthodes spécifiques de gestion de la pêche qui sont spécialement pertinents dans le cadre du contrôle de la capacité de pêche (par exemple les quotas individuels, et les schémas de régulation de l’accès), pour les méthodes qui visent directement à réduire les excédents de capacité (par exemple les programmes de rachat de navire) et pour d’autres questions y afférentes (par exemple les subventions et les incitations économiques). Dans ce document, l’accent est mis sur les questions économiques et celles relatives à la pérennité de l’exploitation. Ceci découle de la nature et des conséquences fondamentales de la surcapacité, ainsi que des principes directeurs du CCPR relatifs à cette question. Enfin, il faut souligner que la gestion de la capacité de pêche est étroitement liée aux questions relatives à la gestion de la pêche en général. Par conséquent, le lecteur est également encouragé à se référer aux directives du CCPR sur la gestion des pêches (FAO, 1999).

2. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU CCPR

La surcapacité est reconnue dans le Code de conduite pour une pêche responsable comme un problème clé, et est examinée de manière spécifique dans plusieurs articles. Il n’en est pas donné de définition spécifique, mais, en termes généraux, le Code fait référence à la taille excessive des flottilles, ou à un effort de pêche excessif. L’Article 6 du Code qui fixe les ‘Principes généraux’ comprend un certain nombre d’articles relatifs à la question de la surcapacité.

Article 6.1: Les Etats et les utilisateurs des ressources bioaquatiques devraient conserver les écosystèmes aquatiques. Le droit de pêcher implique l’obligation de le faire de manière responsable afin d’assurer effectivement la conservation et la gestion des ressources bioaquatiques.

La production halieutique requiert l’utilisation d’un certain nombre d’intrants, dont le premier est le stock de poisson lui-même. Il existe d’autres intrants-clés qui sont liés aux navires de pêche (ou aux unités de pêche, pour tenir compte du cas d’une pêche sans navire), dont la main d’œuvre, le capital, la technologie et le temps de pêche. Cet article suggère que le stock de poisson soit maintenu à un certain niveau, à partir duquel il est possible de s’exprimer sur le degré d’utilisation excessive des autres intrants. Le concept de Rendement Maximum (MSY) ainsi que d’autres points de référence (Caddy et Mahon, 1996) ont été utilisés à cet effet. Les points de référence ont d’abord été définis en fonction du niveau de capture, de l’effort et de la mortalité des poissons, relativement à une taille de stock souhaitée. L’Article 6.3 associe spécifiquement la surexploitation du stock de poisson au problème de l’excès de la capacité de pêche.

Article 6.3: les Etats devraient empêcher la surexploitation et devraient mettre en œuvre des mesures d’aménagement afin d’assurer que l’effort de pêche soit proportionnel à la capacité de production des ressources halieutiques et leur utilisation durable. Ils devraient prendre, lorsqu’il y a lieu, des mesures afin de permettre autant que possible la reconstitution des populations.

Ce principe revêt une importance si fondamentale qu’il est réitéré dans l’article 7 du Code, qui concerne spécifiquement la «Gestion de la Pêche». Il y est fait référence tout d’abord comme un principe général de gestion de la pêche (Article 7.1.8) et ensuite dans le contexte des objectifs de la gestion (Articles 7.2.1 et 7.2.2). On voit clairement que le CCPR cherche à prévenir à la fois la surpêche, qui découlerait d’un effort de pêche trop important résultant en une capture excessive, et la surcapacité liée à la mobilisation d’intrants de pêche excessifs qui pourraient être, ou ne pas être, utilisés dans toute leur potentialité. Ce principe devient plus clair dans l’article 7.1.8, et fondamentalement, ceci signifie que les Etats ne devraient pas autoriser une taille de flottille et un effort de pêche qui aille au-delà d’un niveau considéré comme conforme à une utilisation durable. La distinction est particulièrement importante et elle est abordée en détail dans la section 4. Les articles suivants contiennent des propositions complémentaires:

Article 7.1.8: Les Etats devraient prendre des mesures pour empêcher ou éliminer la surcapacité de pêche et veiller à ce que le niveau de l’effort de pêche soit compatible avec l’exploitation durable des ressources halieutiques, afin d’assurer l’efficacité des mesures de conservation et de gestion.

Article 7.2.1 Reconnaissant que l’utilisation durable à long terme des ressources halieutiques constitue l’objectif principal de la conservation et de l’aménagement, les Etats et les organisations et arrangements régionaux ou sous-régionaux d’aménagement des pêcheries devraient, entre autres, adopter des mesures appropriées, fondées sur les données disponibles les plus fiables, qui soient conçues pour maintenir ou rétablir les stocks à des niveaux capables de produire leur rendement constant maximal, eu égard aux facteurs environnementaux et économiques pertinents, y compris les besoins particuliers des pays en développement.

Article 7.2.2: Ces mesures devraient, entre autres, permettre que:

a) la constitution d’une capacité de pêche excédentaire soit évitée et que l’exploitation des stocks reste économiquement viable;

b) les conditions économiques dans lesquelles opèrent les entreprises de pêche favorisent une pêche responsable;

Dans l’article 7.1.8, l’accent est mis à la fois sur l’élimination de l’excédent de capacité de pêche, et sur la prévention de son augmentation excessive. Ceci indique clairement que la gestion de la capacité de pêche est applicable à toutes les pêcheries, indépendamment de leur statut d’exploitation. La prévention est généralement plus facile à mettre en œuvre que la rémission, en particulier dans le cas d’un contexte industriel où des intrants-clés (les navires) ont une durée de vie d’environ 30 ans et peu d’alternatives d’utilisation. D’un autre côté, l’article 7.2.1 donne des conseils sur les niveaux de stocks cibles et par conséquent, un point de départ pour définir l’effort et la capacité cibles. L’article 7.2.2 établit un lien supplémentaire entre la durabilité et les exigences économiques. Dans l’ensemble, ces articles réclament des mesures visant à éviter le gaspillage économique constitué par la surcapacité, au travers de mesures préventives ou curatives qui auront pour conséquences la durabilité et la viabilité économique, ainsi qu’au travers d’incitations économiques, ou autres, propices à des pratiques de pêche responsables.

Les articles 7.6.3 et 7.6.5 fournissent des détails complémentaires sur la nature des mesures qui peuvent être envisagées.

Article 7.6.3: Là où il existe une surcapacité de pêche, des mécanismes devraient être mis en place pour ramener la capacité à des niveaux compatibles avec l’utilisation durable des ressources halieutiques, et faire en sorte que les pêcheurs opèrent dans des conditions économiques qui favorisent une pêche responsable. Ces mécanismes devraient inclure le suivi de la capacité des flottilles de pêche.

Article 7.6.5: Les Etats et les organisations et arrangements d’aménagement des pêcheries devraient réglementer la pêche de manière à éviter les risques de conflits entre les pêcheurs utilisant des bateaux, engins et méthodes de pêche de types différents.

La question de la surcapacité est complexe et le Code envisage la nécessité d’entreprendre des recherches appropriées (Article 7.4.3)

Article 7.4.3: Il y aurait lieu de promouvoir des études permettant de comprendre les coûts, avantages et effets des differentes options d’aménagement possibles conçues pour rationaliser l’exercice de la pêche, en particulier des options ayant trait à la capacité excédentaire de pêche et aux niveaux d’effort de pêche excessif.

Le Code stipule également le fait qu’il ne s’agit pas simplement du problème du niveau de la capacité, mais aussi de celui de sa structure. Les Etats devraient, par exemple, favoriser des types de capacité de pêche particuliers afin de minimiser l’impact environnemental des activités de pêche. (Article 6.6). De même, différents sous-secteurs de la pêche (par exemple: les sous-secteurs industriel, semi-industriel, artisanal et de loisirs) peuvent nécessiter une attention spéciale, et/ou des approches alternatives, notamment si les forces du marché entraînent des résultats indésirables sur le plan social.

Il est important de reconnaître qu’une approche de précaution requiert que la gestion de la capacité de pêche soit de nature préventive et partie intégrante de la gestion des pêches, plutôt que de constituer une réaction limitée à la réduction de la capacité excessive de pêche. Dans le cadre de l’élaboration d’un cadre approprié pour la gestion de la capacité de pêche, le CCPR souligne la nécessité d’établir des points de référence clairs et de justifier la dimension économique de la question notamment dans l’optique de la réduction du gaspillage économique et de la promotion d’une industrie de la pêche économiquement viable. La CCPR met également l’accent sur la nécessité d’adopter un cadre approprié pour évaluer et accompagner les politiques nationales dans la structuration de leur capacité de pêche.

3. ÉTUDE DU PLAN D’ACTION INTERNATIONAL

Le PAI-Capacité est un instrument volontaire basé sur un certain nombre de principes majeurs du Code de conduite pour une pêche responsable, ainsi que sur des principes additionnels. Son application est envisagée en trois phases: i) évaluation et diagnostic; ii) adoption de mesures préliminaires de gestion; et iii) système d’études et d’ajustements périodiques, la priorité étant accordée à la gestion de la capacité de pêche lorsqu’elle entraîne une surpêche non ambiguë. Il est également recommandé d’utiliser une approche globale, qui permette d’intégrer tous les facteurs susceptibles d’affecter la capacité dans les eaux nationales et internationales, tout en tenant compte de la mobilité des flottilles et de l’évolution des technologies.

L’objectif immédiat du PAI est d’amener «les Etats et les organisations de pêche régionales, dans le cadre de leurs compétences respectives, et conformément avec la loi internationale, à mettre en place dans le monde entier, de préférence avant 2003, mais pas plus tard qu’en 2005, une gestion efficace, équitable et transparente de la capacité de pêche». Le PAI stipule également que les Etats et les organisations de pêche régionales qui se heurtent à un problème de la surcapacité risquant de compromettre la durabilité des pêcheries, devraient chercher à limiter la capacité de pêche aux niveaux actuels et progressivement réduire la capacité appliquée aux pêcheries affectées. Dans les cas où la durabilité est réalisée, les Etats ainsi que les organisations régionales de la pêche sont néanmoins exhortés à faire preuve de prudence.

Le PAI indique un certain d’actions à entreprendre de manière urgente. Celles-ci sont énumérées ci dessous, en référence au corpus du document: (a) évaluation et suivi de la capacité de pêche; (b) préparation et mise en œuvre des plans nationaux; et (c) considérations internationales et actions immédiates en faveur des principales pêcheries internationales qui nécessitent une attention urgente.

Concernant l’évaluation et le suivi de la capacité de pêche, le PAI recommande entre autres, que les Etats:

Concernant la préparation et l’application des plans nationaux, la PAI recommande, entre autres, que les Etats:

Sur le plan international, le PAI recommande, entre autres, que les Etats:

Le PAI invite les Etats à prendre des mesures immédiates pour aborder la gestion de la capacité de pêche appliquée aux principales pêcheries, en accordant une priorité aux stocks transfrontaliers, chevauchants et aux stocks de poissons grands migrateurs qui font l’objet d’une surexploitation importante. Il exhorte les Etats à agir au niveau individuel ou multilatéral pour réduire substantiellement la capacité des flottilles exploitant ces ressources et ceci dans le cadre de leurs stratégies visant à restaurer les stocks surexploités à des niveaux durables.

Cette présentation du PAI et des paragraphes du CCPR y afférents montre l’importance accordée par la communauté internationale à la gestion de la capacité de pêche, sa détermination à se pencher sur le problème avec promptitude et de manière systématique, la grande diversité des difficultés induites, et la liaison qui existe entre ces questions et la gestion de la pêche en général. Pourtant, aucun de ces deux documents ne donne beaucoup d’information sur la manière de mettre en œuvre les différentes dispositions qu’ils contiennent, notamment celles relatives au suivi, à l’évaluation et à la gestion de la capacité de pêche. Il est à noter que la capacité de pêche et la surcapacité sont demeurées des concepts vagues pendant toute la durée de la préparation et de la négociation des deux instruments.

Le PAI fait référence à la nécessité d’aborder le problème des Etats qui n’assument pas leurs responsabilités conformément au droit international en tant qu’Etats du pavillon, et d’appuyer la coopération internationale afin assurer que ces derniers contribuent aux efforts déployés au niveau régional pour gérer la capacité de pêche. Cette question a été récemment examinée dans le cadre de la Consultation technique de la FAO sur la pêche illégale, non réglementaire et non déclarée, organisée à Rome en décembre 2000. On peut s’attendre à ce qu’un PAI spécifique soit adopté et que des Directives du CCPR soient préparées à cet effet. L’adoption PAI sur la Gestion de la capacité de pêche a également eu pour conséquence d’attirer l’attention sur la question des subventions et de leur impact sur la durabilité et sur le commerce international. La Commission sur le commerce et l’environnement de l’OMC a récemment examiné cette question en référence au secteur des pêches, et la FAO a organisé sur cette base une consultation d’experts sur les subventions et les incitations économiques en Novembre 2000.

4. DÉFINITION ET ÉVALUATION DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE

La section 1 du PAI demande qu’une évaluation de la capacité de pêche relative à l’ensemble des flottilles impliquées dans les principales pêches soit mise en œuvre au niveau national et international d’ici à la fin 2001. Une documentation spéciale est en cours d’élaboration par la FAO en vue de l’examen des questions liées à la mesure et à l’évaluation de la capacité de pêche. Seules les questions fondamentales sont examinées dans cette section.

4.1 La capacité

La capacité de pêche a été définie de différentes manières dans la littérature, soit relativement aux caractéristiques d’un navire de pêche, soit à sa capacité à capturer du poisson (Kirkley et Squires, 1999). Le fait qu’elle n’ait pas été définie expressément dans le CCPR ou le PAI reflète la difficulté de définir la capacité et la surcapacité d’une manière simple et non ambiguë. Peu de pays ont en fait développé une définition formelle aux fins de suivi et de gestion de la capacité de pêche. L’exemple des pays qui ont tenté de donner une définition, démontre qu’il peut exister des approches alternatives. En Australie, la capacité de pêche est définie comme l’effort de pêche qu’un navire de pêche, ou une flottille, pourraient exercer si cet effort était entièrement utilisé, c’est-à-dire si les navires ne subissaient pas de mesures de gestion contraignantes. Au niveau de l’Union européenne, elle est définie selon deux caractéristiques du navire: la jauge brute et la puissance du moteur principal, en supposant donc une pleine utilisation du navire. Au Canada et aux Etats-Unis[3], elle est définie tout d’abord comme la quantité de poisson qu’un navire ou une flottille peut capturer, si celle-ci n’est limitée par aucunes réglementations et autres mesures de gestion des stocks.

Comme indiqué dans le document de la FAO (2000a), la capacité peut être définie soit en fonction des intrants de pêche (navires, effort potentiel), soit en fonction de la production (capture potentielle). Dans les deux cas, il est essentiel de clarifier le mot potentiel, tel qu’il apparaît dans les exemples de définitions ci-dessus. Une définition générale est fournie ci-après:

La capacité de pêche est, pour une ressource donnée, la quantité de poisson (ou d’effort de pêche) qui peut être produite au cours d’une période donnée (par exemple une année) par un navire ou une flottille pleinement utilisée, c’est-à-dire si l’effort et la prise n’étaient pas entravés par des mesures d’aménagement restrictives

Il faut noter que dans ce sens, la pleine utilisation signifie une utilisation normale sans restriction, plutôt qu’une utilisation maximale. Par exemple, on peut observer que les navires d’une certaine catégorie seront:

a) capables d’opérer potentiellement pendant un maximum de 300 jours de pêche par an (capacité maximale);

b) en mesure d’opérer dans des conditions technico-commerciales normales pendant une moyenne de 260 jours de pêche sans restriction (pleine capacité); et

c) en mesure d’opérer réellement pendant seulement 180 jours de pêche, (capacité observée), par exemple en raison des quotas imposés sur l’effort ou la capture.

L’utilisation actuelle de la capacité (capacité observée/maximale) sera inférieure à 1 et peut être exprimée en pourcentage, comme il en est pour les autres secteurs industriels. Pour cet exemple spécifique, on peut observer que les navires opèrent à 60 pour cent de leur capacité d’utilisation bien qu’ils opèrent à environ 80 pour cent de leur capacité en cas d’utilisation normale sans contrainte.

Comme pour les autres industries, on peut s’attendre à ce que les navires n’opèrent à capacité maximale que dans des circonstances particulières. Il est probable que cette situation se présente au cours d’une année en cas d’abondance saisonnière ou d’un accroissement de la demande du marché. Même si elle est calculée sur une base annuelle, la capacité d’utilisation devra être interprétée avec prudence. En effet, les niveaux de capacité d’utilisation peuvent refléter des circonstances exceptionnelles (par exemple: une année de forte production faisant suite à un recrutement exceptionnellement élevé) ou des circonstances de production hautement variables (cas de la pêche pélagique où l’abondance montre d’importantes fluctuations inter-annuelles).

La mesure de la capacité de pêche est un problème relativement simple pour les pêcheries à espèce unique même si elles sont exploitées par différents segments de la flottille. Une fonction de production[4] fournira une méthode d’estimation de la capacité à la fois en termes de capture potentielle et d’effort de pêche potentiel. Néanmoins, dans le cas de pêcheries à espèces et flottilles multiples, l’estimation de la capacité peut s’avérer difficile étant donné que l’utilisation potentielle de l’effort doit être évaluée également en terme de ciblage potentiel entre différentes espèces.

Les Etats devraient adopter une définition nationale de la capacité de pêche et convenir d’une définition commune lorsque la gestion de la capacité de pêche implique une coopération internationale. La Consultation technique de la FAO sur la mesure et l’évaluation de la capacité de pêche a reconnu que la capacité peut être estimée, soit en terme d’intrant, soit en terme de production. Dans le but de faire des comparaisons internationales, néanmoins, il a été recommandé aux états d’exprimer leurs estimations nationales sur ces deux bases.

4.2 La surcapacité

Que la capacité soit mesurée en terme d’intrants ou de production, il est important de noter que les deux approches se réfèrent au même cadre conceptuel, c’est-à-dire à l’identification et à la mesure de possibles déviations entre la capacité actuelle d’une flottille (mesures en terme d’intrants ou de production) et un niveau d’exploitation cible qui ne peut être défini qu’en référence aux intrants et à la production.

Dans le domaine des pêches, la surcapacité décrit une situation dans laquelle la capacité de la flottille actuelle est plus importante que nécessaire pour assurer un niveau d’exploitation cible durable. La sous-capacité et la pleine capacité peuvent être définies sur la même base.

Si un niveau d’exploitation durable cible est défini pour une pêcherie particulière, comme MSY avec son niveau d’effort correspondant (EMSY) et des conditions du stock (SMSY), la surcapacité peut être mesurée comme suit:

Un niveau d’exploitation cible peut être défini sur la base des différents points de référence utilisés pour la gestion de la pêche. Ceux-ci peuvent être définis en relation à la durabilité à long terme, à l’efficacité économique, ou à des principes de précaution. Un point de référence peut s’appliquer à un objectif d’exploitation à long terme ou à un objectif à court terme (par exemple un niveau de captures totales admissible - TAC) fixé pour restaurer ou maintenir le stock à une taille définie à long terme. Les points de référence les plus communément utilisés dans la gestion des pêches ont été décrits par Caddy et Mahon (1996). On compte parmi ces points de référence: MSY, le Rendement Moyen à Long Terme (RMLT), le Rendement Constant Maximum (RCM), le Rendement Economique Maximum (REM), le Revenu Maximum (RM), ainsi que d’autres niveaux d’exploitation liés à l’approche de précaution et généralement exprimés en terme de mortalité de pêche. Les indicateurs de durabilité, tels qu’ils ont été développés dans le document FAO (1996b) peuvent aussi s’avérer utiles dans l’estimation de niveaux d’intrants et de production cible.

Lorsqu’un niveau significatif de surcapacité a été identifié, son interprétation va évidemment dépendre du point de référence utilisé dans la définition du niveau d’exploitation cible.

En supposant que la surcapacité ait été évaluée en référence à une production durable maximale, (MSY, EMSY), la surcapacité indiquera que la taille actuelle de la flottille excède la taille de la flottille nécessaire pour une production durable à MSY. Cette situation devrait impliquer une surexploitation biologique si la flottille travaille à pleine capacité. Néanmoins, il n’en sera pas de même si la capacité d’utilisation est basse en conséquence de mesures de gestion introduites avec succès afin d’empêcher toute surpêche. En d’autres termes, la surexploitation implique la surcapacité mais la surcapacité n’implique pas nécessairement la surexploitation biologique.

Cet exemple montre également que l’efficacité économique est prise en compte de manière implicite dans la définition de la surcapacité, quel que soit le point de référence utilisé. Ceci découle du fait que la capacité est estimée sur la base d’une pleine utilisation et que celle-ci constitue un élément de minimisation de coût. Etant donné le profil actuel de la flottille, la surcapacité indique que la taille de la flottille est excessive et qu’il est possible d’obtenir une meilleure durabilité et une performance économique en la réduisant[5]. Des considérations d’ordre économique peuvent être introduites de manière plus explicite en utilisant un point de référence économique tel que le REM, (niveau d’exploitation durable qui permet de maximiser le bénéfice économique net), ou en utilisant une définition économique de la capacité[6].

L’une des corollaires à la mesure et à l’évaluation de la capacité de pêche est l’évaluation des déviations possibles entre un profil de flottille observé et un profil de flottille souhaité. Cette question est d’une pertinence particulière quant à l’efficacité économique, indépendamment du niveau de la capacité. Mais en présence d’une surcapacité significative et avant d’entreprendre des mesures de redressement, il serait particulièrement intéressant d’avoir plus d’information sur la performance des différents navires ou des segments de flottille, c’est-à-dire d’identifier les navires qui peuvent être désarmés en priorité. Ce problème peut être abordé indépendamment de la mesure de la capacité, comme indiqué dans ce document.

Dans l’interprétation de la surcapacité, d’autres aspects méritent examen. Par exemple, l’existence d’une surcapacité implique que les navires excédentaires ne puissent pas être immédiatement retirés: par exemple pour être affectés à d’autres pêcheries, pour un coût modeste, et sans créer de surcapacité de ces pêcheries. La surcapacité implique aussi la poursuite des pratiques de pêches courantes. Certaines peuvent affecter la productivité de la ressource de manière significative, sans être mises en évidence par le processus d’estimation de la capacité: à titre d’exemple, la capacité peut être excessive du fait du maillage actuel, mais pas nécessairement si un maillage plus adéquat était utilisé de manière durable.

Une évaluation globale de la capacité de pêche dans les pêcheries nationales fourni une image de l’utilisation de la capacité (en fait, une indication de l’effet possible des mesures d’aménagement en cours), permet l’identification des pêcheries susceptibles de se heurter à un problème de surcapacité, et donne une indication de l’importance du problème. Une évaluation globale de la capacité de pêche complète les résultats de l’évaluation des ressources halieutiques, les deux étant étroitement liées. Ainsi qu’indiquée dans le PAI, cette évaluation de la capacité doit également être appliquée aux principales pêcheries internationales. Dans une première étape, les Etats peuvent opter pour une définition technique de la capacité et utiliser quelques points de référence simples qui ne nécessitent pas trop de données. A terme, la surcapacité pourra être réévaluée, en prenant en compte plus explicitement les aspects économiques ou en utilisant des points de référence plus appropriés pour différentes pêcheries.

Pour mesurer l’importance de la surcapacité, les autorités publiques chargées des pêches devraient convenir de points de référence appropriés et prendre en compte la nécessité d’adopter un point de référence commun pour les pêcheries internationales auxquelles ils participent. Dans la perspective de comparaisons internationales de grande ampleur, la Consultation technique de la FAO sur la mesure et l’évaluation de la capacité de pêche a aussi recommandé que le MSY soit utilisé par tous Etats comme point de référence global, indépendamment des points de référence qui peuvent être choisis par ailleurs aux niveaux national et international.

Une gestion et une évaluation précises de la capacité de pêche peut s’avérer être une entreprise difficile. Néanmoins, cela ne doit pas entraver le développement de politiques de gestion. Il est clair que dans beaucoup de pêcheries, il y a excédent de capacité. Dans beaucoup de pays, il est tout aussi clair que de nombreux segments de flottille sont largement surdéveloppés. Dans ces cas, la précision des évaluations demeure un élément secondaire pour aborder la gestion de la capacité de pêche de manière effective et durable.

La mesure et l’évaluation de la capacité de pêche devraient être abordées comme un processus dynamique de diagnostics périodiques et d’améliorations méthodologiques. Conformément au principe de précaution, les autorités chargées des pêches ne devraient pas permettre que l’incertitude des évaluations puisse retarder l’application de politiques de contrôle et, le cas échéant, de réduction de la capacité.

5. L’ORIGINE DE LA SURCAPACITÉ

L’origine fondamentale de la surcapacité est la prévalence de l’accès libre et gratuit à la ressource. Le fait lui-même indique des solutions qui entrent dans deux grandes catégories: la mise en place de schémas liés à la régulation de l’accès ou au paiement du droit d’accès.

5.1 Les conditions d’accès

Plusieurs problèmes se posent dans des conditions d’accès libre et gratuit, qui nécessitent l’intervention des autorités chargées de la gestion. Le plus souvent, il semble que la question-clé justifiant cette intervention est la conservation du stock de poisson. Avec du recul, il est clair que la surcapacité est également un problème clé. A moins d’instituer des systèmes de gestion qui permettent un examen du problème de la surcapacité, la gestion de la pêche est condamnée à être un échec coûteux. Cela est vrai sur le long terme, même si l’objectif, important mais limité, de conserver les stocks peut être atteint dans les premiers stades du développement d’une pêcherie.

L’importance accordée à l’état des stocks a incité les autorités chargées de la gestion des pêches à changer le régime d’accès: de l’accès libre et gratuit vers une situation caractérisée par un accès libre mais réglementé. Dans le cadre de ce schéma de gestion, un ou plusieurs éléments du système d’exploitation sont entravés (par exemple: limitation de la capture totale par quota (TAC) ou restrictions dans l’utilisation des navires et des engins de pêche), mais l’accès demeure libre et gratuit malgré les contraintes imposées. Cette approche contribue généralement à rendre le problème de surcapacité plus important encore car les pêcheurs réagissent à la contrainte, par exemple en utilisant des bateaux plus grands dans le cadre d’une régulation par TAC. Pour apporter une solution au problème de la surcapacité, les autorités chargées de la gestion des pêches devraient concentrer leurs efforts plus directement sur la flottille de pêche elle-même, et moins sur les stocks de poisson. Cela ne signifie pas que les autorités devraient nécessairement intervenir directement au niveau de la flotte, mais qu’elles devraient s’assurer que les incitations appropriées sont en place pour décourager toute nouvelle augmentation de capacité.

Il est important de comprendre que le développement de la surcapacité est la conséquence d’un investissement rationnel de la part de pêcheurs - étant donné les diverses incitations économiques qui prévalent dans le cadre de l’accès libre et de l’accès libre mais réglementé - et qui entraînent un accroissement de la capacité au-delà des niveaux qui seraient optimaux pour la société prise dans son ensemble. Bien qu’il faille déplorer ce résultat, ce dernier n’est guère surprenant. L’investissement dans la capacité de pêche se base sur un objectif de rentabilité et pas seulement sur une prévision des débarquements. Ce résultat confirme simplement le vieil adage qui dit que ‘les pêcheurs pêchent pour l’argent et pas pour le poisson’. Aussi longtemps que la valeur nette du poisson continue à augmenter, on peut s’attendre à ce que la capacité augmente également, à moins d’élaborer des politiques qui vont inverser cette tendance.

Les décideurs devraient reconnaître que la surcapacité est une conséquence directe de l’accès libre et gratuit et examiner la question de la gestion de la capacité de pêche sous cet angle. Pour élaborer une politique de gestion de la capacité de pêche, il est donc essentiel d’entreprendre une analyse approfondie des conditions d’accès existantes et des dispositions alternatives possibles

5.2 Les facteurs aggravants

La surcapacité observée dans les pêcheries mondiales est aussi le résultat de différents facteurs qui influent sur la rentabilité. Certains de ces facteurs sont liés à l’évolution normale de toute industrie, tels que:

D’autres facteurs sont liés aux politiques nationales visant à soutenir le développement de la capacité de pêche. Ces politiques ont prévalu jusqu’à la fin des années 1980, et sont toujours en vigueur dans beaucoup de pays. Parmi les instruments utilisés dans ce contexte, le principal a été les subventions et d’autres incitations économiques mises en place pour promouvoir le développement de flottilles nationales permettant d’exploiter les ressources qui sont devenues disponibles à la suite de l’extension des zones maritimes sous juridiction nationale. Les subventions ont également été utilisées pour assurer une participation nationale dans les pêcheries partagées et dans la pêche en haute mer, souvent avec l’objectif de s’assurer une part durable de ces pêcheries.

Avec l’apparition de signes d’une expansion démesurée de la capacité dans nombre de pêcheries, le manque de cohérence entre les politiques de développement de l’industrie et les efforts visant à réguler l’accès libre et à éviter la surexploitation de certains stocks a également provoqué une croissance additionnelle de la capacité de pêche. Dans ce contexte, beaucoup de pays ont en effet abordé le problème de la capacité de pêche en incitant à la réallocation des flottilles vers d’autres stocks (ou zones) ou en réduisant les difficultés financières causées par la surexpansion. Cela a généralement impliqué une assistance financière qui elle-même a entraîné des entrées supplémentaires dans le secteur de la pêche.

D’autre part, les principaux instruments utilisés pour réguler l’accès ouvert n’ont pas permit d’aborder directement la gestion de la capacité de pêche, du moins pas de manière durable. Parmi ces instruments, on peut citer les TAC, l’augmentation du maillage, les restrictions sur la taille des poissons, la limitation de l’effort, les fermetures saisonnières et autres instruments visant fondamentalement à conserver la productivité du stock (par exemple: la protection de certaines classes d’âge et zones de reproduction) ou à limiter la capture globale. L’application de ces instruments dans le contexte d’un accès par ailleurs libre et gratuit n’a pas un effet durable sur le flux d’investissement dans le secteur de la pêche. En général, ces mesures entraînent une redistribution de l’effort de pêche entre les diverses pêcheries, ou encore une modification de la capacité des navires.

6. LES PRINCIPALES CONSÉQUENCES DE LA SURCAPACITÉ

La surcapacité constitue un problème important, et ce pour de nombreuses raisons. Premièrement, elle est le signe et la conséquence de l’incapacité à reconnaître les limites de la productivité naturelle d’une pêcherie. Cela apparaît comme un échec de la politique générale de gestion de la pêche, avec comme conséquence, le fait que la plupart des grandes pêcheries du monde sont aujourd’hui considérées comme étant surexploitées. Le redressement de cette situation nécessite une révision radicale des orientations de la politique des pêches, au-delà de la question des niveaux de production en tant que tels, et vers une prise en compte de la valeur économique nette de la production. Deuxièmement, la surcapacité est un indicateur du gaspillage de la rente que les ressources peuvent produire, ce qui est un problème-clé de la gestion des pêches. Troisièmement, une pêcherie en situation de surcapacité est extrêmement difficile à gérer en raison des pressions qui existent pour exploiter la capacité des flottes disponibles. Quatrièmement, la surcapacité peut s’étendre d’une pêcherie à une autre du fait de la mobilité relative des navires.

Les sections suivantes proposent une présentation détaillée de ces problèmes.

6.1 Les limites de la production

Dans une pêcherie donnée, la production biologique est par nature limitée, à tel point que même si une quantité infinie d’intrants était consacrée à la pêche, la production resterait limitée à la taille du stock. Les gouvernements étant intéressés par l’exploitation de leurs ressources halieutiques à long terme, il est impératif d’examiner la pérennité des différents niveaux de production. Pour la plupart des pêcheries, on peut définir un niveau de production maximum (MSY) que la production ne peut dépasser à long terme, même si ceci soit possible à court terme. La majorité des pêcheries mondiales sont aujourd’hui exploitées à un niveau égal ou supérieur à celui du MSY.

Au cours des années 1950-1970, la production des pêcheries mondiales a connu une longue période de croissance. L’une des conséquences de cette situation est que l’augmentation de la production annuelle était généralement reconnue comme un critère de succès de la politique des pêches. Cette expansion initiale a été l’un des facteurs ayant entraîné l’extension des juridictions de pêche à 200 miles. En fait, l’extension des juridictions a à son tour entraîné une augmentation à la fois de la capacité et de la production - les pays cherchant à exploiter les ressources de leur ZEE en développant leurs industries nationales. L’augmentation de la production avait tendance à demeurer un objectif prioritaire des politiques de pêche.

Pourtant, depuis le début des années 80, et notamment depuis l’effondrement des principaux stocks de poissons démersaux, comme ceux de l’Atlantique Nord, il est devenu de plus en plus évident, qu’une croissance continue de la production ne constitue pas une stratégie viable à long terme pour le secteur de la pêche. Il est également de plus en plus clair que l’accroissement des bénéfices tirés des ressources halieutiques d’un Etat devraient essentiellement provenir à ce stade soit d’une augmentation de la valeur et de la valeur ajoutée d’une production donnée, soit de la réduction des coûts de production, ou d’une combinaison des deux.

6.2 Le gaspillage de la rente

Une stratégie basée sur l’efficacité économique doit être accompagnée par une politique qui vise à contrôler la capacité de pêche. Le fait d’augmenter la valeur de la production ou de réduire les coûts d’exploitation a comme effet d’augmenter la rentabilité financière. Des profits plus élevés créent de nouvelles incitations pour de nouvelles entrées dans l’industrie de la pêche, comme cela peut s’observer dans toutes les industries. Dans le cas de la pêche, le potentiel de production est toutefois limité et à partir d’un certain niveau, l’augmentation de la capacité ne permet plus d’accroître la production de façon significative. Elle entraîne toutefois un gaspillage de ressources d’un point de vue social (mais bien sûr pas de celui des entreprises de pêche prises individuellement). Pour cette raison, en l’absence de dispositions visant à contrôler le niveau de la capacité, les bénéfices tirés d’une amélioration des performances économiques du secteur de la pêche vont s’amenuiser progressivement par la création d’une capacité excessive.

La surcapacité est la principale manifestation physique de la dissipation de la rente halieutique, souvent citée par les économistes. En d’autres termes, certains, voire tous, les bénéfices socio-économiques pouvant être tirés de l’exploitation des pêches sont dissipés par une capacité excessive, sous la forme de flottes ou navires surdimensionnés ou d’intrants redondants. Il en est ainsi parce que l’accès à la ressource n’est pas payé par les utilisateurs. Par conséquent, chaque fois que les profits pouvant être dérivés d’une pêcherie sont supérieurs à un niveau de rentabilité jugé «normal», de nouveaux investisseurs sont attirés par l’activité. Si les usagers avaient dû payer le droit d’accès à la ressource, l’accroissement de la demande consécutif à une profitabilité accrue aurait généré une augmentation du coût de l’accès. En l’absence d’un tel mécanisme de marché contrôlant l’accès à la ressource, l’industrie va nécessairement ignorer les contraintes imposées par la ressource, et tendre à accroître sa capacité, entraînant de ce fait une dissipation de la rente et finalement sa surexploitation.

De nombreux états devraient entreprendre un réajustement majeur des orientations données à leur politique des pêches, et passer d’une priorité donnée à la production physique à une prise en compte de la contribution économique de l’exploitation des ressources halieutiques. Ce faisant, ils pourront d’avantage intégrer dans leurs politiques la nature limitée de la production potentielle, ainsi que le fait qu’il existe de nombreuses alternatives pour accroître les avantages économiques pouvant être tirés d’une exploitation rationnelle des ressources disponibles.

6.3 La nécessité d’un système de gestion des pêches

La nécessité de gérer la pêche est souvent exprimée en termes de tendance à éviter la surexploitation de la ressource halieutique. En soi, la surexploitation entraîne un gaspillage économique sous la forme de captures réduites. Mais il est essentiel de reconnaître que la gestion est également nécessaire pour appréhender la question de l’utilisation excessive des intrants utilisés (autres que les stocks de poissons) dans le processus d’exploitation de la pêche et des dynamiques sous-jacentes. C’est cette utilisation excessive des intrants qui entrent dans le terme générique de ‘surcapacité’. Cette surcapacité est la cause principale du gaspillage économique dans l’exploitation des pêches, et une grande partie des avantages économiques à tirer de la gestion des pêches proviendront de la résolution de ce problème.

L’existence d’un excès de capacité renforce la tendance à dépasser l’objectif de mortalité par pêche et plus particulièrement dans le cas des pêcheries principalement gérées par quota (TAC). La surcapacité rend également plus difficile l’application des réglementations visant à réduire l’effort de pêche. Plus le niveau de surcapacité est élevé, plus grande sera la pression sociopolitique pour utiliser la capacité de capture (et de transformation) existante et maintenir l’emploi. En l’absence de limitation de l’accès, une capacité de pêche excessive peut affecter différentes pêcheries en série: une diminution relative des stocks dans une pêcherie entraînant une redistribution soudaine des navires vers une autre pêcherie, et ainsi de suite. L’existence d’une capacité de pêche excessive complique donc la gestion des pêches, en ce sens que les mesures de restriction introduites pour régler le problème dans une pêcherie peuvent affecter les autres pêcheries.

Pour faciliter l’élaboration de politiques appropriées, il pourrait être utile de mener une évaluation systématique des conséquences de la surcapacité sur la production et de son impact économique (en général et pour les principaux acteurs du secteur).

7. LA NATURE DYNAMIQUE DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE

La capacité, et plus particulièrement son degré d’utilisation, va varier en fonction des paramètres économiques, notamment les prix des intrants et de la production, et les taux de captures. Sur une période plus longue, le changement technologique devient aussi un paramètre important.

Beaucoup de pêcheurs opèrent dans plus d’une pêcherie, ce qui rend difficile la définition de la capacité par rapport à une pêcherie prise indépendamment. Il faut donc tenter de définir le concept ‘d’industrie’ (c’est-à-dire des combinaisons de pêcheries et flottilles en interaction), et examiner ensuite la capacité cible à ce niveau. L’identification d’un niveau de capacité cible peut toutefois s’avérer difficile parce que la capacité peut être inconnue pour certaines pêcheries ou parce qu’il est difficile de prédire le comportement des flottilles, en terme d’allocation de l’effort entre pêcheries.

En l’absence de contrôle de l’accès, les mouvements entre pêcheries peuvent être très rapides. Des mouvements de capacité brusques ont causé l’effondrement d’un certain nombre de pêcheries, comme par exemple la pêche de l’églefin du Banc George dans les années 1960. Bien que la mobilité entre pêcheries similaires puisse être importante, l’utilisation alternative des navires de pêche (malléabilité du capital; hors pêche) est assez limitée au niveau national. Ceci implique qu’une réduction de la capacité donne souvent lieu à des transferts de navires vers d’autres pays ou en haute mer. La non-malléabilité se reflète aussi dans le profil de la flotte de pêche mondiale. Avec un investissement réduit au cours de la dernière décennie, les données sur les navires de plus de 100 tonnes indiquent que la majorité des bâtiments avait plus de 20 ans en 1997 (Smith, 1999).

La dynamique de l’investissement doit aussi être mieux comprise. Par exemple, les pêcheurs peuvent investir dans des navires et des équipements polyvalents pour un certain nombre de raisons:

Il est également important de noter le rôle du temps de pêche dans la fonction production: un niveau de capacité implique un niveau de production pour une période donnée. C’est la raison pour laquelle les restrictions imposées sur le temps ou la saison de pêche entraînent souvent une surcapacité: les pêcheurs remplacent simplement l’intrant qui subit une restriction (le temps de pêche) par des intrants non retreints.

Il est essentiel de reconnaître que la capacité de pêche est un concept dynamique. Les autorités chargées de la pêche devraient, autant que possible, intégrer cette dynamique dans le développement de leurs politiques de gestion des pêches. Afin d’anticiper l’évolution de la capacité, il est nécessaire de bien comprendre le comportement du pêcheur.

8. LES MESURES DE LA GESTION DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE

La façon la plus simple et la moins onéreuse d’aborder le problème de la surcapacité est d’empêcher son développement en premier lieu. Dans les pêcheries non encore affectées par le problème de surcapacité, la priorité devrait aller à la mise en place de systèmes de gestion visant à empêcher l’augmentation de la capacité au-dessus du niveau supportable par la ressource à long terme, ou de tout autre niveau cible qui aura été défini.

Etant donné que la surcapacité découle de conditions d’accès inadéquates, l’élaboration d’un cadre de gestion de la capacité de pêche nécessite, de la part des autorités, le développement de politiques visant à limiter et/ou à faire payer cet accès.

On n’insistera jamais assez sur le fait que la surcapacité d’une pêcherie découle d’une réaction rationnelle des pêcheurs face aux incitations économiques qu’ils perçoivent. Pour toute pêcherie, on peut prédire qu’une rentabilité importante générera une augmentation de la capacité des intrants, soit à travers de nouvelles entrées dans cette pêcherie, ou soit par un accroissement de l’investissement des pêcheurs qui y opèrent déjà. Une simple limitation de l’entrée pourrait donc ne pas être suffisante pour empêcher une expansion de la capacité parce qu’il sera toujours difficile de contrôler l’accroissement des intrants utilisés par les pêcheurs opérant déjà dans la pêcherie. Pour réussir, les mesures visant à gérer la capacité doivent prendre en compte les deux facteurs.

Dans le cadre de l’élaboration d’une politique destinée à gérer la capacité, les pays peuvent opter pour une des deux approches globales définies ci-après (Gréboval et Munro, 1999). La première approche consiste à mettre en place un système d’incitations économiques permettant aux pêcheurs de contrôler la capacité de leur propre gré, sans intervention directe de l’Etat. La seconde approche est un système par lequel l’Etat tente de gérer directement les niveaux de capacité. Les principaux instruments qui sont disponibles pour la mise en œuvre de chacune de ces deux approches sont discutés dans cette section, après examen de la question des incitations économiques. Ces instruments sont présentés de façon sommaire, en mettant l’accent sur la dynamique des ajustements de capacité. Ces aspects sont discutés dans le contexte d’une gestion globale de la capacité de pêche, c’est-à-dire son contrôle, et si nécessaire, sa réduction.

8.1 Les effets pervers des incitations économiques

Dans le contrôle de la capacité de pêche, une première étape importante consiste à procéder à une évaluation systématique de l’effet que certaines incitations économiques, dont les subventions, peuvent avoir sur son développement. En effet, les entreprises investiront dans une pêcherie, indépendamment du niveau de production global, aussi longtemps qu’elles pourront en tirer un profit significatif. Même dans le contexte d’une réduction importante des captures, la rentabilité des navires peut se maintenir à haut niveau si les prix augmentent significativement en réaction à cette réduction, et/ou si les coûts d’exploitation diminuent grâce au progrès technologique ou à des subventions et autres incitations économiques.

Les subventions n’entraînent pas systématiquement des situations de surcapacité. Cela dépend des conditions d’accès et des caractéristiques économiques de chaque pêcherie. Lorsque l’industrie des pêches d’un pays s’est fortement développée, les principaux stocks sont en général fortement exploités, voire surexploités. Si la capacité nationale n’est pas strictement contrôlée, on peut s’attendre alors à ce que les subventions encouragent une généralisation des situations de surcapacité. Dès que des systèmes de contrôle de la capacité sont mis en place, ou lorsque des pêcheries périclitent, le déplacement de certains navires hors des juridictions nationales peut également entraîner une surcapacité dans des pêcheries étrangères.

Par conséquent, le PAI appelle les Etats à une réduction et à une élimination progressive des subventions et des incitations économiques qui contribuent directement ou indirectement à l’accumulation d’une capacité excessive.

Une première mesure envisageable en ce sens serait pour les états d’entreprendre une étude nationale des diverses subventions et autres incitations économiques offertes à l’industrie de la pêche de leurs pays, ainsi qu’une évaluation qualitative de leur impact probable sur la capacité de pêche, le processus de décisions en matière d’investissement et sur la durabilité. A ce jour, très peu d’études sont disponibles en dehors de certains documents internes aux services administratifs chargés de la pêche. La plupart des «études sur les subventions» disponibles donnent des estimations du volume des subventions et examinent les effets possibles. L’encadré 1 présente quelques-unes de ces études.

Les subventions et autres incitations économiques susceptibles d’entraîner, directement ou indirectement, une surcapacité sont nombreuses. En l’absence d’une politique de gestion efficace de la capacité, toute incitation qui implique une plus grande rentabilité financière peut éventuellement amener à une surcapacité, au moins dans certaines pêcheries. Au niveau national, les incitations économiques offertes dans l’intention de promouvoir le développement global de la flotte sont susceptibles de mener d’abord au surinvestissement dans les pêcheries les plus rentables. Cette situation peut être corrigée, dans une certaine mesure, par des restrictions sur les captures ou sur l’entrée. Mais au fur et à mesure que l’industrie se développe et tend à exploiter pleinement l’essentiel des ressources disponibles, les incitations économiques auront tendance à aller à l’encontre de l’objectif général de durabilité.

Les subventions et autres incitations économiques qui peuvent être considérées comme ayant l’impact le plus direct sur la capacité sont celles offertes pour la construction, l’acquisition et le réarmement des navires de pêches, ainsi que celles qui contribuent directement à une réduction significative des coûts de fonctionnement. Ces incitations peuvent prendre la forme d’aides budgétaires, d’emprunts subventionnés et de régimes fiscaux préférentiels. Les emprunts subventionnés et les régimes fiscaux préférentiels sont importants, et en fait peut-être beaucoup plus que les aides budgétaires.

Encadré 1: Études sur les subventions

Des publications récentes révèlent des tentatives de catégoriser et de quantifier la grande variété des subventions actuellement utilisées dans le secteur des pêches. Ces études formulent des recommandations relatives à la conduite d’enquêtes pour une évaluation au niveau national. Cependant, notre connaissance actuelle de la nature et de l’ampleur de l’impact des subventions sur la durabilité est limitée.

Milazzo (1998) donne l’exemple d’un cadre dans lequel il est possible d’évaluer les subventions au niveau national. L’auteur utilise l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les subventions comme cadre dans lequel une analyse détaillée des subventions dans le secteur de la pêche peut être entreprise. Cet accord définit les subventions comme des ‘contributions financières’ consenties par les gouvernements. Parmi ces contributions se retrouvent les types de subventions les plus classiques, comme le transfert de fonds (par exemple les prêts, ou prêts à taux bonifiés) ou transferts potentiels (par exemple les garanties de prêts), la mise à disposition de biens et services au delà de l’infrastructure générale, et des mesures de soutien des prix et du revenu.

Des études régionales ont également été entreprises récemment par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2000) et par Price-Waterhouse Coopers (2000) pour l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Ces deux études concernent les transferts gouvernementaux et répertorient les subventions par pays et par type de dépense. Certains pays ont également entrepris des études nationales en profondeur (cf. FAO, 2000b).

Cependant, peu d’études ont tenté de relier la valeur des subventions, sur un plan quantitatif, à leur effet potentiel sur la capacité de pêche et la durabilité.

L’impact des subventions sur les ressources halieutiques a été abordé, entre autres, par la Consultation d’experts sur les incitations économiques et la pêche responsable (FAO, 2000b). Le rapport et la documentation préparés dans le cadre de cette consultation fournissent des recommandations utiles pour la catégorisation des subventions et des indications relatives à leur impact potentiel sur la durabilité. Le rapport établit également des priorités pour de futures études, telles que l’évaluation de l’impact des trois catégories de subventions, qui, à priori, peuvent avoir le plus gros impact sur la durabilité: subventions à l’investissement (prêts pour l’achat ou la modernisation de navires), exemptions ou reports fiscaux (par exemple ventes ou exemption de l’impôt sur le revenu), et mesures de soutien des prix.

La subvention de l’investissement pour la construction et la modernisation d’un navire revêt une importance particulière pour la capacité de pêche. Les pays en sont clairement conscients dans la mesure où, durant la période de développement intensif des flottes, beaucoup de pays ont adopté des Codes d’investissements qui offraient généralement des prêts à faible taux d’intérêt ou sans intérêt, et/ou des garanties de prêts du gouvernement, comme moyen de réduire les taux d’intérêt. Il n’est pas rare de trouver aujourd’hui des gouvernements obligés de financer les coûts d’investissement de l’industrie quand les armateurs sont incapables de rembourser le capital emprunté, et que l’on fait jouer les garanties des prêts. Ces situations ont souvent des effets secondaires pernicieux pour la gestion des pêches et de la capacité de pêche, par exemple lorsque les autorités sont peu disposées à autoriser les entreprises à déposer leur bilan dans l’espoir qu’une restructuration des prêts restaurera la viabilité économique et que le gouvernement pourra recouvrer ses créances. En conséquence, la capacité peut se maintenir à un niveau élevé de non rentabilité économique, les ajustements à apporter à la structure de la capacité de pêche sont reportés, et les taux de capture restent à un niveau très faible. Ceci a pour effet d’aggraver la situation financière des entreprises de pêche qui auraient pu recouvrer leur niveau de rentabilité (voire mieux) si on avait laissé les segments sinistrés de la flottille cesser leurs activités. En maintenant une capacité inutile, on augmente les taux d’exploitation avec les risques habituels encourus pour la pérennité de la ressource.

En plus des subventions à l’investissement, les codes des investissements qui étaient censés promouvoir le développement de la capacité de pêche incluaient souvent un volet d’allègement fiscal touchant par exemple: le carburant, l’amortissement accéléré du capital et le report du versement de l’impôt sur le revenu. Les effets de tels avantages sur le coût d’exploitation ne sont pas très lisibles, mais ce qui est observable laisse à penser que les montants en jeux sont importants. Il faut également examiner la manière dont les subventions dans d’autres secteurs peuvent avoir un impact sur la capacité de pêche. L’exemple le plus évident est la subvention à la construction navale.

Les subventions non budgétisées apparaissent souvent comme les rémanences d’une ère d’expansionnisme. Les autorités chargées des pêches devraient assurer qu’elles continuent à servir les objectifs pour lesquels elles ont été appliquées et que leur impact sur la capacité (s’il n’est pas souhaitable) ne l’emporte pas sur leur impact positif sur les autres variables économiques.

Les subventions qui facilitent l’accès aux pêcheries étrangères méritent également notre attention. La plus fréquente critique faite à ces subventions est qu’elles représentent un mécanisme de transfert de l’excédent de capacité de pêche des pays riches vers les pays pauvres (ou des eaux tempérées vers les eaux tropicales). Les flottilles subventionnées peuvent entrer en concurrence avec le secteur local de la pêche, et leurs activités peuvent aller à l’encontre des intérêts du pays en matière de conservation.

Comme il a été dit plus tôt, toutes les subventions et incitations économiques ne sont pas nécessairement mauvaises. Du point de vue de la pérennité de la ressource, beaucoup d’incitation économiques sont plutôt neutres. Parmi celles-ci, on note par exemple, les incitations liées à la sécurité, à la qualité du poisson, et aux infrastructures. On peut aussi inclure les incitations qui visent à promouvoir le développement initial de la pêche, bien qu’il soit difficile de cibler des subventions en direction de pêcheries ou segments de flottilles spécifiques, et ensuite de réduire ces subventions après réalisation du développement souhaité. En outre, les incitations peuvent viser directement la promotion de la conservation des stocks et des pratiques de pêche responsable, comme par exemple l’adoption d’engins de pêche plus respectueux de l’environnement.

Si elles sont correctement mises en place et ciblées, les subventions peuvent aussi être utilisées pour promouvoir des ajustements de la capacité de pêche, généralement par des programmes de rachat de navires. Néanmoins, de tels programmes risquent de ne pas atteindre leur objectif premier de réduction de la capacité, et donc de promotion de la conservation des ressources, à moins qu’ils ne soient appuyés par des mesures efficaces limitant toute augmentation de l’effort des navires restants. Les systèmes de rachat sont discutés en détail dans la section 8.3.2 et dans l’encadré 3.

Le fait que les subventions puissent être une réponse souhaitable sur le plan social pour régler le problème de surcapacité peut-être un argument plus convaincant. Bien que l’excès de capacité s’accumule du fait des décisions d’investissement prises individuellement par les pêcheurs, la lacune sous-jacente est d’ordre réglementaire. En l’absence de mesures correctives d’un disfonctionnement du marché (qui découle d’un accès libre et gratuit à un bien public - les ressources halieutiques), les pêcheurs reçoivent des signaux économiques qui les encouragent à investir. Dans les pêcheries où ce disfonctionnement a été résolu, (par exemple avec le système des QIT), cette incitation disparaît. Mais si les pêcheurs ont été collectivement entraînés au surinvestissement, il peut paraître juste que des subventions soient utilisées pour pallier à la situation. L’argument peut être encore plus fort si des subventions, octroyées par exemple grâce au code des investissements, ont contribué avaient renforcé les signaux économiques erronés et reçus par les pêcheurs.

Cette argumentation pourrait être développée d’une autre manière. Dans une analyse du secteur de la pêche, il est habituel d’examiner le point d’équilibre de l’accès libre et gratuit. Mais on prête moins d’attention à la manière dont cet équilibre est atteint. Lorsque les pêches se développent, ce manque d’attention est justifié car, si des ajustements sont nécessaires, ceux-ci sont mis en place rapidement par un déplacement d’une partie de la flottille vers une autre pêcherie. Aujourd’hui, il y a néanmoins de moins en moins d’opportunités de redéploiement, et la question de savoir comment atteindre un point d’équilibre dans une situation d’accès libre a pris une beaucoup plus grande importance. Dans la pratique, en raison de la nature fluctuante de la ressource halieutique, l’identification d’un point d’équilibre (libre accès, MSY ou autre) est un exercice complexe, car la flotte aura tendance à dépasser ce point d’équilibre pour revenir ensuite en arrière. Dans le cas de libre accès, cela signifie que le nombre de navires devra diminuer jusqu’au niveau d’équilibre. Cependant, si les navires ne peuvent se déplacer vers d’autres pêcheries, certains devront finalement abandonner l’activité pour restaurer l’équilibre de libre accès. Le problème est que les navires de pêche ont une durée de vie longue et qu’ils ne sont souvent adaptés qu’à la pêche et même à un certain type de pêche: présents dans une pêcherie, ils auront donc tendance à y demeurer même dans des conditions très défavorables. Ce problème peut être décrit de plusieurs manières: certains auteurs parlent de capital non malléable, d’autres parlent d’asymétrie entre les conditions d’entrée et de sortie. Dans tous les cas, le résultat est que la pêcherie peut rester dans une situation de déséquilibre pendant de longues périodes, même au-delà du niveau d’équilibre de libre accès avec des entreprises de pêches déficitaires, et une ressource surexploitée.

Dans de telles conditions, on peut considérer socialement souhaitable d’intervenir pour réduire le nombre de navires, au moins jusqu’au niveau d’équilibre de libre accès, ceci afin de restaurer la viabilité financière ‘normale’ de la flottille. A ce point, aucune rente n’est obtenue, et dans la pratique, d’autres réductions de capacité peuvent s’avérer nécessaires si la ressource est surexploitée.

Cet argument n’a cependant de sens que dans le contexte d’un train d’ajustement ‘unique’. Avant de réduire la capacité à un niveau spécifique, il faut introduire un système de gestion pour la contrôler effectivement à ce niveau. Différentes options sont présentées ci-après. Si ce contrôle de la capacité n’est pas appliqué, on peut s’attendre à ce que le problème resurgisse rapidement, et probablement sous une forme empirée, parce des attentes se seront créées dans l’espoir d’un ‘rachat’, par le gouvernement, des erreurs d’investissement.

8.2 Les systèmes d’incitations pour des ajustements de capacité par l’industrie

Certains systèmes de gestion des pêches créent un environnement qui élimine les incitations ayant causé une capacité excessive et encouragent des ajustements de la capacité de l’industrie qui ont tendance à être plus efficaces et plus faciles à appliquer. Le cas échéant, il est recommandé d’appréhender le problème du contrôle de la capacité sous cet angle.

8.2.1 Les systèmes de quotas individuels

Au cours de la dernière décennie, des systèmes de quotas individuels (QI) ont été développés dans un certain nombre de pays. Le système de quotas individuels implique la détermination d’un Quota Global (TAC) par les autorités, et la distribution de ce TAC entre les pêcheurs, selon certains accords à long terme (voir Encadré 2). L’avantage le plus important des QI est qu’ils suppriment les incitations au surdéveloppement de la capacité. En outre, le transfert des quotas peut être autorisé. Cela permet aux opérateurs les plus efficaces d’augmenter leur part de marché, et aux moins efficaces d’entres eux de quitter la pêcherie. Batstone et Sharp (1999) et Arnason (1996) donnent des exemples d’expériences de pays ayant appliqué des systèmes de quotas individuels.

Dans le cadre d’un système de QI, les pêcheurs ont le droit de capturer une certaine quantité de poisson. Dans la mesure où ce droit est respecté, les autorités chargées de la gestion peuvent être assurées que le TAC ne sera pas dépassé. En conséquence, il ne tient qu’aux pêcheurs individuels ou aux entreprises de pêche de décider de la capacité à utiliser pour capturer leur part du TAC. Il n’y a aucune raison de supposer qu’ils vont utiliser plus que la capacité requise pour ce faire.

Les QI suppriment la ‘course au poisson’ qu’implique un simple TAC et permettent à l’activité de pêche d’avoir lieu toute l’année ou au cours de la saison ‘naturelle’. Ceci facilite également la réduction de la surcapacité dans le secteur de la transformation.

Les QI peuvent aussi s’avérer utiles dans des situations où les pêcheurs exploitent plus qu’une espèce de poisson, étant donné qu’il ne dépend que du pêcheur de s’assurer qu’il possède les autorisations nécessaires pour les espèces qu’il souhaite débarquer. En cas de pêches très hétérogènes, cet avantage peut être plus apparent que réel.

L’utilisation de QI nécessite de prendre soigneusement en compte les caractéristiques de la pêcherie à gérer. De manière évidente, un élément-clé est de savoir si les pêcheurs vont se conformer ou s’ils peuvent être amenés à se conformer à un coût raisonnable, aux restrictions imposées par leurs droits de capture. Même dans le cas où ils se conforment à leurs quotas, il faut aussi tenir compte de leur manière de le faire. Par exemple, si les pêcheurs atteignent leurs quotas en éliminant de grandes quantités de poisson qui serait commercialisable par ailleurs. On dit souvent que les QI ne sont pas adaptés aux pêches tropicales multispécifiques. Néanmoins, il serait bon d’évaluer si un système de quotas, accompagné par d’autres mesures de gestion, ne pourrait pas fournir une solution dans certains cas (par exemple, quotas communautaires déterminés en fonction des principales pêches multispécifiques).

Indépendamment des difficultés techniques relatives à l’introduction des QI, il convient d’examiner avec soin l’impact socio-économique de ces derniers. Ils peuvent par exemple donner lieu à des effets importants d’enrichissement et de concentration de la richesse. Ce problème peut être réglé par une fiscalité appropriée. Les QI peuvent aussi entraîner une restriction inacceptable de la participation. Là aussi des solutions ont été trouvées en vue d’une participation de communautés spécifiques de pêcheurs (par exemple en Nouvelle Zélande) ou pour assurer qu’une partie de l’ensemble du quota fait régulièrement l’objet d’appel d’offres (par exemple au Chili).

Dans les pays où ils ont été appliqués, les QI ont clairement changé les incitations de telle manière que l’industrie de la pêche a été amenée à résoudre le problème de la capacité de son propre gré. Cet avantage est important et les autorités publiques chargées des pêches devraient examiner avec soin l’utilisation possible des systèmes de QI pour la gestion de leurs pêcheries, lorsque de tels systèmes sont applicables.

Au sein des systèmes de QI, les pêcheurs sont incités à ajuster leurs intrants en fonction de leur quota. Il y a de bonnes raisons de penser que les ajustements vers le bas interviennent dans les pêcheries souffrant d’une surcapacité significative avant l’introduction de ces schémas. L’élimination des intrants inutiles peut intervenir de plusieurs manières: une réallocation, par l’armateur, vers d’autres pêcheries nationales (après réarmement), la mise en vente sur le marché domestique, la mise en vente sur le marché international, ou la casse. Aussi longtemps que le navire en question aura une valeur marchande supérieure à celle de la casse, il restera dans le secteur de la pêche et pourrait contribuer à augmenter la surcapacité dans d’autres pêcheries si l’entrée dans ces autres pêcheries n’est pas limitée.

Encadré 2: L’expérience néo-zélandaise en matière de quotas individuels transférables

[Selon Batstone et Sharp (1999)].

Dans le cadre du système de QIT, il convient, dans un premier temps, d’accorder des droits sous forme de parts de TAC. Pour un TAC donné, on estime que le marché, par le biais de la transmissibilité des droits, assurera que la capture autorisée sera effectuée d’une manière optimale (la plus efficace). La Nouvelle-Zélande a été un des premiers pays à opter pour un système de quota basé sur les quotas individuels transférables.

Une question qui doit être abordée dans une pêcherie est de savoir comment intégrer la pêche non commerciale (par exemple, la pêche de loisirs). L’approche néo-zélandaise, consiste pour le Ministre (après consultation sur les évaluations scientifiques), à fixer un TAC et un TACC (total admissible de captures commerciales), la différence entre les deux étant réservée aux activités non commerciales des pêcheurs ne disposant pas de QIT. Ces groupes peuvent être composés de pêcheurs artisanaux dans une pêcherie qui possède à la fois une dimension industrielle et artisanale. On peut penser qu’il est en effet difficile de contrôler une flottille artisanale par QIT et que, plus simplement, une partie du TAC peut être réservée à cette activité. En clair, un élément-clé qui garantit le succès ou l’échec de la gestion de la pêche va être la capacité à contrôler les captures réalisées par ce segment. Si le TACC doit être réduite continuellement pour compenser les augmentations de captures des autres segments, le système ne pourra pas perdurer.

Une deuxième question est de savoir comment répartir le TACC entre les QIT. Lorsque la Nouvelle-Zélande a introduit ce système en 1986, les QIT étaient formulés en tonnes de poisson, et les autorités chargées de la gestion ajustaient le TACC, comme nécessaire, en achetant ou en vendant des QIT sur le marché. Le gouvernement a abandonné ce système en 1990, apparemment en raison de son coût de mise en œuvre.

Depuis lors, les QIT ont été définis en pourcentage du TACC et l’expérience laisse à penser que les pêcheurs sont motivés pour assurer que le stock reste dans de bonnes conditions et que leur part ait ainsi le plus de valeur possible.

Une troisième difficulté à laquelle la Nouvelle-Zélande a dû faire face, a été la question des droits de pêche traditionnels Maori, reconnus en 1840 par le Traité de Waitangi. Le système de gestion du quota a été attaqué devant la Haute Cour par le peuple Maori et le gouvernement a été obligé de négocier un réaménagement important des droits de quotas. La leçon que peuvent en tirer les pays qui envisagent une application des systèmes basés sur les quotas est de s’assurer que les droits traditionnels sont explicitement pris en compte.

La nature de ce droit doit également être bien spécifiée. En Nouvelle-Zélande, les droits aux quotas sont détenus à perpétuité, ils sont transférables, et peuvent offrir une base pour des droits dérivés, tels que les baux. Ils représentent une propriété juridique et peuvent être utilisés comme garantie.

Les détenteurs de quotas sont assujettis à des tailles exploitations minimales et maximales, selon le type de pêche. Par opposition à la pêche côtière, des seuils de quotas plus importants sont autorisés pour les entreprises engagées dans les pêches hauturières à forte intensité capitalistique.

Lorsque le système a été introduit, les propriétaires de QIT devaient s’acquitter d’un droit d’accès à la ressource, qu’ils aient pêché ou pas. Ces frais ont été l’objet de controverse, et ont été abolis en 1994. A présent le gouvernement cherche simplement à recouvrer les coûts de gestion des différentes pêcheries.

Les résultats du système sont très positifs. Les pêcheurs commerciaux de la Nouvelle-Zélande ne reçoivent pas de subventions et la pêche est gérée de manière durable. Il semble que la pêche en Nouvelle-Zélande n’ait pas démarré dans une situation de surcapacité brute, ainsi l’impact du système a plus touché le développement de la pêche que la réduction de la capacité. Depuis l’introduction du système, la quantité et la valeur de la production ont fait l’objet d’augmentations importantes. La production a augmenté de 400 000 tonnes seulement en 1986 à plus de 650 000 t en 1995; la production en valeur passant de 780 millions de dollars à 1 360 millions. L’essentiel de cette augmentation en valeur a été réalisée à l’exportation, les ventes domestiques tournant autour de 125 millions de dollars pendant toute la période.

Le système de QIT a également entraîné certains changements dans la structure de l’industrie. La concentration des quotas a légèrement augmenté, les 3 premières entreprises détenant 56% des quotas en 1996 comparés à 52% en 1991. Cependant, ce résultat est largement dû à la pêche hauturière, où les besoins en capitaux sont importants. Ce système a permis le développement de pêches spécialisées. Ainsi le segment qui a le plus augmenté depuis 1987 est la pêche à la palangre qui commercialise des espèces de grande valeur sur des marchés spécialisés. Tous les segments ont été maintenus dans le système à l’exception du chalut-bœuf, qui a quasiment disparu.

Le système a aussi été associé à une augmentation des emplois, notamment dans le secteur de la transformation, un résultat attendu étant donné que les droits incitent à créer de la valeur ajoutée sur la production autorisée.

Actuellement, la pêche non-commerciale n’est pas incluse dans le système de gestion des quotas, et fait l’objet d’une gestion indépendante. La difficulté est de savoir quelle fraction des captures doit être laissée au secteur non commercial. Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, le secteur non-commercial est largement représenté par la pêche de loisirs. Cependant, des problèmes similaires peuvent se poser aux pêcheries des pays en voie de développement, où le secteur artisanal, bien qu’étant commercialement orienté, peut être différent du secteur industriel du point de vue qualitatif. Dans ces cas, la gestion du secteur industriel peut être relativement aisée, mais peut être remise en question par le développement incontrôlé du secteur artisanal.

8.2.2 Les zones exclusives

Dans certaines pêcheries, il peut être possible de réserver des zones qui seront exploitées exclusivement par un pêcheur ou un groupe de pêcheurs donnés. Les droits territoriaux constituent un exemple de tels systèmes. La pêche côtière japonaise est gérée en grande partie sur cette base, et il en est ainsi de beaucoup de pêcheries intérieures et côtières dans le monde. On peut penser que si les pêcheurs ont obtenu des droits sur une zone, ils vont l’exploiter de manière optimale, en n’utilisant que le niveau de capacité nécessaire pour atteindre la production souhaitée. Bien sûr, ce comportement présuppose que les droits soient individuels ou qu’ils soient gérés par des règles collectives auto-appliquées.

Les autorités publiques chargées des pêches devraient examiner les zones d’exclusivité comme une approche forte de la gestion de la capacité de pêche dans certaines pêcheries, notamment pour la pêche côtière et la pêche relativement sédentaire. L’application de cette approche aux petites pêches nécessite généralement une investigation plus complète, spécialement dans le cas où des systèmes de gestion traditionnels sont encore en place.

Les pêches sédentaires se prêtent particulièrement bien à ce type de système de gestion. Ainsi la notion de zones d’exclusivités a été utilisée au Royaume-uni et en France pour la gestion de l’ostréiculture. L’expérience laisse à penser que les zones privées sont exploitées de manière beaucoup plus efficace que les zones publiques (Guillotreau, 1997).

A Madagascar, la pêche à la crevette a fait l’objet d’un système de gestion intégrant des zones exclusives. Une série de zones de pêche a été définie sur la côte occidentale de l’île. Au fil du temps, il est devenu apparent que cette zonation constituait un moyen de gérer les conflits entre sociétés de pêche et un moyen de réduire les coûts de carburant en obligeant les navires à pêcher à proximité de leurs installations de transformations à terre. Par conséquent, des droits territoriaux exclusifs ont été octroyés à certaines sociétés. D’autres sociétés se sont vues attribuer ultérieurement le droit de pêcher dans d’autres zones (zones communes), le nombre de navires pouvant pêcher dans chaque zone étant limité. D’après les évaluations de ce système, réalisées en 1990, les zones exclusives étaient exploitées à un niveau proche du rendement maximum économique comme en fait mention la littérature classique de l’économie de la pêche sur l’exploitation en propriété unique (Scott, 1955). Combinée avec une limitation de l’entrée, cette approche a permis d’éviter les problèmes de surcapacité qui minent la plupart des pêcheries dans le monde.

Néanmoins, ce système est maintenant sérieusement contesté, entre autre, en raison du développement d’une pêche artisanale. Ceci place les autorités chargées de la gestion dans une situation difficile. D’un côté, les zones exclusives ont offert à Madagascar un secteur de pêche industrielle rentable, exploité d’une manière rationnelle et qui contribue à la rentrée de devises étrangères. D’un autre côté, le développement de la pêche artisanale est souhaitable du point de vue social, et le problème de la capacité doit maintenant être réexaminé pour tenir compte des deux segments de sa pêcherie crevettière.

Il est intéressant de noter la similarité entre ce problème et celui rencontré par la Nouvelle-Zélande où la capture non commerciale, qui n’est pas incluse dans le système de QIT, pourrait sérieusement perturber le système. Dans les systèmes de gestion capable de promouvoir une plus grande efficacité économique, il est crucial qu’il y ait le moins d’exceptions possibles. Toute lacune, si négligeable soit-elle initialement, a tendance à prendre rapidement de l’importance dès que les résultats économiques d’une gestion réussie commencent à se faire sentir.

8.2.3 Les licences octroyées dans le cadre d’un comportement coopératif

Généralement, les systèmes de régulation par licence n’incitent pas les pêcheurs à éviter la surcapacité, leur utilisation est donc discutée plus amplement dans la section 8.3. Il y a cependant une situation dans laquelle ils pourraient être utilisés pour générer une telle incitation, à savoir, dans le cas où, pour une pêcherie donnée, un petit nombre de porteurs de licences interagissent suffisamment entre eux pour permettre à un comportement de coopération de s’imposer. Ils peuvent par exemple convenir d’adopter leurs propres mesures de gestion, ce qui écarte tout besoin de s’engager dans une course à la capacité. Ils peuvent ainsi convenir de restreindre les captures par navire, par jour, ou de restreindre le nombre de jours de pêche. L’importance qu’ils accordent à ces dispositions volontaires dépend de plusieurs facteurs. Tout d’abord, les pêcheurs devront instaurer entre eux un climat de confiance. Ils ont également besoin d’un mécanisme (formel ou informel) pour mettre en application les mesures convenues. Enfin, ils ont besoin d’être sûrs que l’Etat ne va pas émettre de licences de pêche supplémentaires, ou entreprendre d’autres actions minant les dispositions prises dans le cadre coopératif.

Afin d’encourager un tel comportement coopératif, il peut être utile d’établir des licences pour des zones relativement restreintes. De manière évidente, la possibilité d’établir de telles zones dépendra de la nature de la pêcherie. Généralement, une pêcherie avec peu de détenteurs de licences peut facilement évoluer vers des dispositions de cogestion.

8.2.4 La cogestion et la gestion communautaire

La ‘cogestion’ couvre une grande variété de systèmes possibles qui impliquent le partage des responsabilités en matière de gestion entre l’Etat et les communautés ou organisations de pêcheurs (groupes). Si une approche de cogestion doit être mise en œuvre, des travaux de recherche et de vulgarisation seront vraisemblablement requis: la recherche pour examiner comment créer ces groupes et la vulgarisation pour entreprendre une formation sur les modes opératoires. Il faudra aussi mettre en place un mécanisme (tels que des organes de coordination) pour régler les différends entre et au sein des groupes. Dans le cas d’interaction entre groupes et/ou stocks, une question-clé sera de savoir comment changer la distribution des droits d’accès dans le temps, étant donné que les efficacités relatives évoluent. De plus, l’Etat peut être amené à mettre fin à un accord de co-gestion si celui-ci ne représente plus la meilleure alternative en terme de gestion. Ceci risque d’être difficile et doit être prévu dans la conception même du système.

Si une approche de cogestion est envisagée, la difficulté principale est de décider précisément quels droits et quelles responsabilités transférer à chaque groupe. Une question clé sera de savoir si le groupe possède des droits de propriété ou d’usage.

Le groupe est susceptible d’être intéressé par la gestion de la capacité de pêche afin d’assurer des avantages durables à chacun de ses membre. Sa capacité à réaliser cet objectif dépendra d’un certain nombre de facteurs, comme:

Les systèmes de gestion communautaires sont compatibles avec une variété d’instruments de gestion. Dans les petites pêches, il est habituel d’octroyer des droits sur une base territoriale. Ces systèmes fonctionnent bien pour la surveillance des pêches, et peuvent être améliorés par la communauté pour réglementer la capacité. Le système est toutefois vulnérable au fait que l’espace attribué peut ne couvrir qu’une partie du stock. Par conséquent, les communautés limitrophes seront tenues de collaborer de manière efficace. Si cela s’avère difficile, il peut être préférable d’octroyer des droits sur les captures, au lieu ou au moins en plus des droits territoriaux. Si on peut compter sur la communauté pour s’assurer que, dans l’ensemble, ses membres ne dépassent pas leur allocation de capture, ces systèmes peuvent être très efficaces. Au Royaume-Uni, une forme de gestion communautaire a été appliquée pour les captures allouées aux Organisations de Producteurs (OP) et gérées par ces dernières. L’expérience a montré les membres de l’OP ont rapidement convenu de gérer la capacité et, dans cet exemple, de la réduire en rachetant la part de ceux qui voulaient quitter la pêcherie à condition que leur part de capture demeure au sein de l’OP. Il est intéressant de noter que les pêcheurs du Royaume-Uni étaient opposés aux systèmes de quotas individuels, au niveau national, mais que ces allocations ont été rapidement acceptées au niveau du groupe.

8.2.5 Les taxes et l’extraction de la rente halieutique

On peut envisager les taxes comme génératrices d’incitations à un ajustement sectoriel de la capacité. Néanmoins, en raison de leur faible acceptabilité politique, elles sont plus susceptibles d’être utilisées en complément d’autres schémas de gestion de la capacité.

Toutes choses égales par ailleurs, la hausse du prix du poisson ou les réductions des coûts de pêche augmentent la rentabilité de la pêche. Si des systèmes efficaces basés sur le paiement de droits d’accès sont en place, cette rentabilité accrue entraînera une augmentation de la demande pour les droits d’accès, faisant augmenter leur prix, et, par voie de conséquence, la valeur capitalisée de la pêcherie (valeur totale des droits dans le temps). A contrario, si l’on ne peut pas instituer de tels systèmes de gestion, alors il est fort probable qu’un accroissement de la rentabilité entraîne une augmentation de la capacité. Une option est alors pour l’Etat de taxer l’activité pour réduire les profits à un niveau assurant une rentabilité normale.

Cette approche peut être justifiée sur deux bases. Tout d’abord, les taxes peuvent être utilisées pour corriger le disfonctionnement inhérent du marché. Un stock de poisson représente une ressource précieuse, mais en l’absence de droits d’accès, il n’y a pas de marché dans lequel la valeur de ce droit peut se révéler et dans lequel ce droit d’accès à la ressource soit commercialisable. En économie, cette situation constitue un disfonctionnement du marché, bien que dans ce cas, il est peut-être plus juste de dire qu’il n’y a simplement pas de marché. La conséquence en est que le stock de poisson est considéré par les pêcheurs comme un bien gratuit et est exploité au delà du niveau social optimal (en principe la fixation par le marché d’un prix d’usage pourrait déboucher sur une solution socialement optimale). La taxation peut donc être utilisée pour obliger les pêcheurs à prendre en compte la valeur du stock de poisson qu’ils exploitent aux fins de production, au même titre qu’ils sont obligés de prendre en compte le coûts des autres intrants, tels que le carburant, les engins de pêche, la main d’œuvre, etc. Si une seule de ces ressources est donnée gratuitement, les pêcheurs pourraient être tentés d’en faire une utilisation abusive, tout comme ils surexploitent le stock de poisson. Si une taxe est prélevée, soit sur la capture soit sur l’effort, alors la rentabilité est réduite, de même que le niveau d’effort de pêche et de capacité.

L’autre fait qui justifie l’utilisation de taxes est qu’elles représentent un revenu tiré de la ressource halieutique au profit de la nation. De ce point de vue, l’Etat joue le rôle d’intendant de la ressource au nom du propriétaire, c’est-à-dire tous les citoyens du pays. L’Etat par conséquent collecte des sommes prélevées sur l’accès à la ressource et les utilise en faveur de tous les citoyens. Ainsi, chacun peut tirer un certain avantage des ressources halieutiques nationales, sans nécessairement être obligé de devenir pêcheur. Beaucoup d’industries extractives sont gérées de cette manière, par exemple par le paiement de royalties.

Avant de recourir à la taxation, les Etats devraient examiner un certain nombre de points:

En principe, lorsqu’elles sont fixées à un niveau approprié, les taxes d’accès aux ressources sont en mesure de régler des problèmes de capacité, parce que les entreprises sont obligées de prendre en compte la valeur de la ressource dans leurs décisions.

Dans la pratique, la taxation est rarement utilisée, du moins en tant que mesure isolée et dans le cas des entreprises de pêche nationale. Ces systèmes de taxation sont plus fréquents dans le cas des pêcheurs étrangers, par exemple sous la forme de redevances d’accès. Dans beaucoup de pays en voie de développement, la taxation a cependant été appliquée aux pêcheurs nationaux et étrangers pour les pêcheries-clés du secteur, et souvent dès le début du développement de ces pêcheries.

Il y a deux objections que l’on oppose souvent à l’utilisation de la taxation. Tout d’abord, pour pouvoir concevoir un système de taxe optimal, il faut collecter beaucoup de données économiques qui ne sont généralement pas disponibles. Cette objection peut être surmontée en acceptant que les taxes ne soient jamais au niveau optimal. On peut adopter ce que l’on pourrait qualifier une ‘approche satisfaisante’, dans lequel l’Etat définit un niveau acceptable de revenu à prélever sous forme de taxes. La définition d’un niveau «satisfaisant» peut être révisée à la hausse, sur une base expérimentale, afin que son niveau arrive graduellement à son optimum. Une telle approche graduelle est utilisée par beaucoup de grandes entreprises pour maximiser leur rentabilité et il n’y a apparemment pas de raison pour que ceci ne soit pas applicable au domaine de la pêche.

Une autre objection, plus sérieuse sur le plan pratique, est celle de l’acceptabilité politique. Un certain nombre d’arguments peut être avancé pour justifier que la taxation ne serait pas applicable à la gestion des flottes nationales. Premièrement, dans les pêcheries en situation de surcapacité, les entreprises de pêche connaissent souvent des situations économiques désastreuses, qui feraient que taxer l’accès entraînerait leur faillite, ce que le gouvernement pourrait difficilement se permettre de faire. Que cet argument exclue complètement l’utilisation de la taxation, ou bien qu’il sous-entende qu’il faille introduire la taxation graduellement, il faut juger de cela au cas par cas. On peut également avancer que les taxes seront jugées inacceptables par les pêcheurs et que sans leur appui, aucun système de gestion ne peut réussir. Encore une fois, cet argument doit être testé sur le plan empirique. A Madagascar, par exemple la taxation a été introduite dans le contexte d’un schéma de limitation plus restrictive et effective des licences, ce qui garantit la rentabilité de la pêche à long terme.

L’acceptabilité politique de l’utilisation de la taxation et des prélèvements sur l’accès aux ressources doit être laissée à l’appréciation de chaque Etat. Néanmoins, il n’y a, à priori, aucune raison pour que la taxation ne soit pas utilisée pour gérer la surcapacité et les autorités devraient prêter une grande attention à son utilisation.

Dans la pratique, l’usage de la taxation sera plus efficace et plus acceptable si elle est accompagnée d’autres mesures, comme la mise en place d’un système de licence. Il faut étudier la manière d’introduire un tel système. Il n’y a pas de raison inhérente au fait qu’elles doivent être sous une forme traditionnelle: des approches plus originales pourraient s’avérer plus acceptables. L’une introduite par plusieurs pays avec des schémas de gestion par QI, est le paiement de redevances dans le cadre du partage des coûts de l’aménagement. D’autres dispositions peuvent considérées, comme la vente périodique des droits de pêche par l’Etat, si ceux-ci sont octroyés pour une durée limitée.

8.3 Les systèmes de régulation de l’utilisation des intrants

Si pour une quelconque raison, les autorités chargées de la gestion ne sont pas en mesure d’introduire un système basé sur les incitations, alors il convient d’introduire un système de gestion directe de la capacité. Il faut reconnaître d’emblai que ces systèmes sont difficiles à appliquer avec succès, notamment s’ils sont introduits dans des pêcheries qui sont déjà largement exploitées.

8.3.1 Licences et régulation de l’accès

Le système de régulation par licences est le plus largement utilisé dans la gestion de la capacité. Lorsque les problèmes d’accès libre et gratuit ont été analysés pour la première fois dans les années 60, l’importance d’une régulation de l’accès est apparue évidente, et l’octroi contrôlé de licences de pêche s’est révélé être une solution immédiate à ce problème. Malheureusement, le contrôle de la capacité individuelle des navires a été initialement négligé, et ce n’est qu’avec l’expérience qu’il est apparu combien il était difficile de contrôler ce second élément dans un système de licences.

La régulation par licences est un outil de gestion commun qui demeure la principale alternative aux systèmes de QI. La difficulté majeure que rencontre la régulation par licences eu égard au problème de la surcapacité est qu’il ne supprime pas les incitations économiques qui sont à l’origine de la surcapacité. Par conséquent, la gestion a tendance à devenir un jeu dans lequel les autorités cherchent à entraver l’investissement de l’industrie, contrairement à la situation où elles encouragent l’industrie à ajuster son investissement, dans la direction nécessaire, comme cela se passe avec les QI, ou dans une certaine mesure avec les taxes.

La mise en œuvre institutionnelle d’un schéma d’octroi de licences est difficile pour de nombreuses raisons. L’une des difficultés est de décider ce que la licence doit comprendre. On peut émettre une licence pour les navires de pêche, les caractéristiques des navires, les engins de pêche, ou pour l’effort de pêche (indicateurs d’intrants de pêche). Dans les schémas d’octroi simples, c’est le navire lui-même qui est soumis à licence, et le nombre de licences est limité. La conséquence est que la taille moyenne des navires va augmenter, et même si cette dimension de la capacité est aussi contrôlée, les pêcheurs peuvent avoir tendance à continuer à investir pour augmenter l’efficacité des unités de pêche opérant déjà sous licence.

Il s’agit là d’un problème de substitution des intrants (en terme plus familiers, on «bourre», l’unité de pêche de capital - en anglais: capital stuffing). On peut prévoir que dans le cadre d’un système de licence, les pêcheurs vont tenter de substituer des intrants non réglementés aux intrants réglementés. L’importance de ce comportement dépendra de la nature de la fonction de production. Si le degré de flexibilité à la substitution est bas, le problème de la gestion est grandement simplifié, puisque le contrôle d’un intrant amène au contrôle de tous les autres. D’un autre côté, si la flexibilité est importante il peut être difficile d’utiliser des mesures de gestion basées sur un contrôle direct des intrants parce que dès qu’un intrant est contrôlé il est remplacé par un autre, non contrôlé. Il faut par conséquent entreprendre un travail technique en appui au système de licence pour étudier jusqu’où on peut substituer les intrants entre eux dans la fonction de production.

Même si la technologie est si peu adaptable que les proportions d’intrants sont difficiles à changer, il est important de reconnaître que cela ne donne qu’un petit répit au gestionnaire de la pêche. Les incitations à innover dans le secteur de la pêche et dans le secteur des services connexes, augmentent la flexibilité de la technologie de production. Même si la technologie est peu adaptable, la réglementation est susceptible de créer des distorsions connexes aux opérations de pêche elles mêmes, en termes de comportement excessivement inventif et innovateur.

En considérant la mise en œuvre de programmes de régulation de l’accès basé sur un système de licence, il est donc essentiel d’évaluer le potentiel de substitution des intrants. Si le potentiel est élevé, ces programmes devront être plus spécifiques (et plus difficiles à appliquer) pour permettre le contrôle de la capacité de pêche. Même si le potentiel courant est limité, le programme va néanmoins générer des incitations à augmenter la possibilité de substitution des intrants sur le moyen ou le long terme. Par conséquent, dans le contexte de la capacité de pêche, il est sage de considérer l’accès sous licence comme une étape dans l’institution d’un régime de gestion plus efficace.

Une manière courante de répondre au problème de la substitution des intrants est d’essayer de définir les conditions de délivrance de licences de manière beaucoup plus stricte. Cela peut se faire, soit en octroyant des licences pour les différents intrants ou en améliorant les clauses définissant l’unité de licence. L’expérience tirée des deux approches est mitigée. Au Royaume-Uni par exemple, le nombre de licences et de catégorie de licences en circulation était devenu si important durant la mi-1990 que le gouvernement a été obligé de simplifier l’ensemble du système afin qu’il devienne plus facile à gérer pour les pêcheurs ainsi que pour le personnel chargé de l’application du système. En ce qui concerne l’amélioration des clauses de définition de l’unité de licence, l’expérience des ‘unités de capacité’ définies au Royaume-Uni montre la marge de manœuvre dont dispose l’industrie de la pêche, face à une définition mécanique très générale de la capacité qui s’applique à l’ensemble de la flotte nationale. L’industrie est capable de réduire sa capacité sur la base de la définition officielle, tout en l’augmentant dans la pratique.

Même des mesures de gestion apparemment simples peuvent faire l’objet de substitution d’intrant. Par exemple des restrictions portant sur le temps de pêche sous la forme de fermeture saisonnière ou de restriction des jours de pêche vont rapidement amener les pêcheurs à adapter leurs intrants. Ils sont susceptibles de réduire la durée des voyages (des navires plus rapides, des hélices redessinées, etc.) ou la durée du temps de pêche (utilisation mécanisée des engins, etc.) afin d’être en mesure d’augmenter le temps de pêche réel malgré la contrainte imposée.

Il n’y a pas de doute que la substitution des intrants demeure une question importante à régler dans tout schéma de régulation par licences. L’expérience amène cependant à admettre que, dans le cas d’une pêche spécifique, le contrôle du nombre de navires autorisés à pêcher et la restriction imposée sur quelques caractéristiques-clés, imposent une contrainte sévère sur la capacité de pêche; le nombre de navires autorisés pouvant être revu à la baisse si nécessaire. L’introduction de ce système en phase initiale de développement des pêcheries facilite la réalisation d’un contrôle effectif de la capacité. On peut commencer par octroyer des licences transférables aux pêcheurs en place; des licences supplémentaires peuvent être vendues aux enchères si la ressource et les performances économiques le permettent (sur la base d’évaluations périodiques); des conditions d’accès limité sous la forme d’un octroi de licences permanentes peuvent être négociées dans le cadre d’un mécanisme approprié de partage de la rente; la part de la rente revenant à l’Etat sous forme de royalties peut être utilisée pour assurer une gestion adéquate, comprenant notamment la promotion d’une plus grande participation de l’industrie, et en temps opportun, la possibilité de cofinancer des schémas de rachat (par exemple pour contrecarrer une possible augmentation de la capacité des navires ou si l’objectif d’exploitation a été dépassé). Généralement, le système requiert une définition des pêcheries qui va interdire, dans la mesure du possible, aux navires d’opérer dans plus d’une pêcherie. Le système peut être introduit initialement dans des pêcheries relativement simples et peut être généralisé progressivement, bien qu’il puisse être difficile à appliquer dans le cas des petites pêches.

Lorsque le système de licence est introduit une des difficultés à surmonter concerne l’attribution initiale des licences. Des licences peuvent être octroyées exclusivement pour l’exploitation d’une pêche spécifique, par un navire spécifique. L’armateur d’un navire spécifique peut aussi recevoir des licences pour l’exploitation de plusieurs pêcheries alternatives, au vu des pratiques saisonnières existantes (exploitation consécutive de plusieurs stocks pendant l’année) ou en raison d’un engagement réel dans le passé. Un système de licences multiples permettra une certaine flexibilité liée aux nombreuses fluctuations annuelles, mais sera plus complexe à réglementer, pouvant entraîner des déplacements de capacité d’une pêcherie à l’autre, et moins durable. En général, si un système de licence est introduit sur une base progressive, pêcherie par pêcherie, les licences multiples ne devraient être octroyées que si c’est inévitable (par exemple en relation avec l’exploitation de pêcheries saisonnières). Comme on l’a vu dans l’Encadré 3, l’octroi de licences multiples donne également lieu à de grandes difficultés lorsque le rachat de navire est utilisé pour réduire la capacité.

Les systèmes de régulation par licences ont souvent été introduits dans des situations de surcapacité chronique caractérisées par la surexploitation de nombreux stocks et peu d’opportunités de réallocation nationale des flottes. Dans ce contexte, le système de régulation par licences doit être appliquée à la ZEE prise globalement, c’est-à-dire à l’ensemble de la flotte divisée en segments. Une telle approche peut servir à plafonner toute la capacité (en fonction de l’importance des différents segments de la flotte) et à jeter les bases d’une réduction ultérieure de certains segments de la flottille et, éventuellement d’une promotion de certains autres. Dans ce contexte, une simple estimation de la capacité (indicateur d’intrants) de toute la flottille (tel que pratiqué dans l’Union européenne) ou des principaux segments de la flottille (par exemple les chalutiers, les senneurs, etc.) pourra être appliquée. Cette approche est simple, mais elle renforce le problème de la substitution d’intrant. Elle n’impose par ailleurs aucune restriction à la l’allocation des intrants et de l’effort de pêche entre les stocks (ou entre les pêcheries définies en fonction des stocks). Il en suit que l’allocation de la flotte devra faire l’objet d’autres mesures de gestion (par exemple: TAC ou fermeture saisonnière). Une telle approche n’empêche pas les autorité publiques chargées des pêches d’utiliser des systèmes de licences plus élaborés pour des pêches spécifiques (par exemple: pour les pêcheries de crustacés).

Une autre difficulté que l’on rencontre dans la régulation par licences est que si ces dernières sont transférables (ce qui est généralement recommandé par les économistes), les Etats devront évaluer les rendements relatifs des navires afin de permettre des transferts entre différentes catégories de navires. Si les pêcheries montrent des signes de surcapacité, il est d’usage d’obliger l’investisseur qui désire changer de navire à renoncer à une fraction de la capacité de son ancien navire. Afin de s’assurer que les nouveaux navires n’augmentent pas la capacité, l’efficacité relative des différents types de navires devra être évaluée régulièrement. Il sera aussi nécessaire d’estimer les ratios de remplacement entre les types d’engins.

Dans le cas d’un système de licence, il convient en conclusion d’accorder une attention particulière: aux intrants à restreindre, au type d’accès à octroyer (le secteur, le segment de la flottille, une pêcherie spécifique, plusieurs pêcheries), à la durée des licences délivrées, et aux conditions de leur première attribution, et de leur éventuelle réallocation. L’expérience acquise de par le monde, démontre que les autorités chargées des pêches qui envisagent d’introduire un tel système devraient s’assurer que son cahier des charges est suffisamment strict pour éviter de nombreux problèmes liés à une mauvaise conception initiale du système.

8.3.2 Réduction de la capacité dans un programme d’octroi de licences

Les autorités chargées de la gestion ont à leur disposition un certain nombre d’options pour réduire la capacité dans une pêcherie sous licence.

Une première possibilité consiste à utiliser l’érosion naturelle du nombre de licences. Si les licences ne sont pas transférables, les autorités peuvent laisser le nombre de licences se réduire de lui même, conséquence soit d’un non renouvellement par les pêcheurs, pour des raisons diverses, soit de l’introduction de règlements destinés à éliminer les licences inactives. Le problème évident qui se pose est que cette approche met du temps à montrer son efficacité. Il est également peu probable qu’elle puisse conduire à l’amélioration des performances économiques, et elle est probablement injuste pour les candidats à l’accès.

Il existe une option plus prometteuse qui consiste à faire payer des droits de licences. Ces redevances sont censées réduire le nombre de participants, globalement mais également dans des pêcheries sélectionnées. Si elles sont appliquées à toutes les licences, actives ou non, les redevances peuvent aussi permettre de réduire le nombre de licences non actives. Cette mesure est bien adaptée au cas où des licences multiples ont été initialement mise à disposition de manière assez laxiste. Bien évidemment, il peut-être difficile de percevoir des redevances importantes sur les licences si la capacité s’est développée à un niveau tel que la rentabilité soit minimale. Si la rentabilité reste à un niveau élevé, l’introduction de droits de licences peut être négociée avec l’industrie contre l’introduction d’un système de licences plus restrictif, ce dernier offrant aux armateurs une certaine garantie de rentabilité à long terme. Lorsque les redevances sont élevées, elles peuvent cependant encourager un certain degré de substitution d’intrant dans la mesure où les détenteurs de licences cherchent à augmenter leur revenu net en adaptant la capacité de leurs navires. Le paiement de droits de licences nécessite donc que le système de licences soit particulièrement cohérent.

Une approche plus courante consiste à utiliser le rachat de navires (voir Encadré 3). Comme le nombre de licences émises est souvent trop important, les gouvernements peuvent décider de racheter certaines d’entre elles. L’expérience montre qu’il est très difficile de concevoir des programmes de rachat qui aient un impact mesurable sur la capacité à un coût qui ne soit pas prohibitif. Le principe du rachat fait face à un certain nombre de difficultés:

Avant d’entreprendre des schémas de rachats, les autorités publiques chargées des pêches devraient s’assurer des conditions de leur efficacité à long-terme, tout en accordant toute l’attention requise à la façon dont on disposera des navires.

En lieu et place des rachats, il existe une autre méthode qui a été suggérée pour la réduction de la capacité, il s’agit de la délivrance de licences partielles. Avec cette approche, lorsque le système est introduit, chaque pêcheur reçoit seulement une partie de la licence. Pour pouvoir pêcher un des pêcheurs doit acheter, le reste de la licence à d’autre pêcheurs. En mettant en place ce système de licences partielles de façon appropriée, les autorités peuvent en principe réduire le nombre de détenteurs de licences jusqu’au niveau requis, même si de facto la réduction de la capacité puisse s’avérer plus difficile à obtenir. Le système de licences partielles est en fait un programme de rachat financé par l’industrie. Ses conséquences à long terme sont similaires à celles des rachats financés par le gouvernement.

Une autre approche consiste à vendre aux enchères le premier lot de licences. Cette approche peut avoir un certain nombre d’avantages, si elle est politiquement acceptable. Premièrement, le gouvernement va percevoir une partie de la rente sous forme de droits d’accès. Deuxièmement, le nombre de licences initialement émises peut être fixé au niveau ou en-dessous de la capacité optimale estimée, avec pour effet de limiter considérablement les besoins de rachat dans le futur, voire de les éliminer totalement. Troisièmement, une redevance annuelle peut être perçue sur les licences afin que le gouvernement puisse percevoir une partie accrue de la rente suite à la reconstitution des stocks et l’augmentation des profits. Par la suite, la capacité peut éventuellement augmenter par le jeu des substitutions d’intrants, de telle manière qu’il faudra ajuster périodiquement le nombre de licences. Le problème majeur va être celui des pêcheurs qui ont échoué lors des appels d’offres et pour lesquels l’Etat va devoir évaluer différentes options (par exemple le rachat ou l’octroi d’une subvention à la réallocation du navire). Une telle approche peut être impopulaire chez les pêcheurs qui vont la percevoir comme une tentative de les faire payer pour des ‘droits’ acquis.

En général, l’adoption d’un programme de régulation par licences peut permettre une réduction de la capacité, mais seulement sous certaines conditions de substitution d’intrant et d’allocation de licence. Si, comme c’est souvent le cas, le système d’octroi de licences formalise, dès le début, le niveau de capacité atteint sous conditions de libre accès, il est vraisemblable que la réduction de la capacité devienne un processus long, difficile et onéreux. L’expérience acquise en Amérique du Nord et dans l’Union Européenne a tendance à confirmer cette conclusion, mais a également jeté les bases d’une meilleure conception.

Dans le cas d’un secteur de la pêche en développement, l’introduction anticipée d’une régulation de l’accès par licences peut constituer une alternative valable à des mesures incitant l’industrie à contrôler elle-même la capacité, spécialement si celles-ci ne sont pas facilement applicables. Les autorités publiques chargées des pêches qui envisagent l’introduction de schémas de régulation par licences devraient s’appuyer sur l’expérience acquise et être conscientes que beaucoup de difficultés liées à ces schémas découlent d’un retard dans l’introduction, d’une application laxiste et d’une participation insuffisante de l’industrie.

Encadré 3: Le rachat de licences où de navires

Holland, Gudmunsson et Gates (1999) présentent une analyse approfondie des programmes de rachat adoptés par plusieurs pays. Il faut noter que la plupart des programmes présentés ont été mis en œuvre dans le contexte de schémas d’accès limité relativement flexibles.

Trois objectifs généraux sont liés aux programmes de rachat: la préservation des stocks de poisson, l’amélioration de l’efficacité économique par une rationalisation de la flottille et des transferts de paiements vers l’industrie de la pêche. L’élément déterminant à l’origine de ces programmes semble être une crise, d’un type ou d’un autre, ayant eu pour effet de fortement réduire la quantité de poisson disponible.

L’application des programmes de rachat appelle de nombreuses questions. Premièrement, l’essentiel des bénéfices va au détenteur du capital, qui, dans certains cas, peut ne même pas être un professionnel de la pêche. Dans cette optique, le fait de retirer des navires d’une pêcherie a également un effet sur les armateurs qui ne remplissent les conditions d’attribution de compensations de rachat. De manière évidente, on peut s’attendre à une réduction de l’emploi parmi les membres d’équipage et les employés des industries de services. L’emploi au sein des industries de transformation peut également baisser, bien qu’il dépende plus des captures que de la capacité. La réduction de l’emploi associée au rachat fait que l’assistance du gouvernement ne se limite en général pas au financement du rachat de navires, mais s’étend à diverses dépenses supplémentaires comme l’aide au chômage, à la pré-retraite, à la création d’entreprise et à la formation de réinsertion. Ces dépenses sont souvent financées sur des budgets publics hors secteur pêche.

Un autre problème est de décider comment cibler les rachats. Dans certains cas, les rachats touchent ceux qui sont le plus dépendants de la pêcherie concernée. Généralement, cela se fait par l’introduction d’un niveau minimum d’activité, touchant par exemple les seuls navires qui ont enregistré au moins x jours de pêche dans cette pêcherie l’année. La logique qui sous-tend cette approche est qu’elle aide ceux qui sont plus affectés par la crise de la pêcherie. On peut toutefois discerner deux objectifs dans cette approche: le premier consiste à réduire la capacité de pêche, et un second de nature sociale consistant à aider les pêcheurs les plus touchés. Il est fréquent que l’utilisation d’un instrument de contrôle unique pour atteindre deux objectifs, génère des difficultés. Tout d’abord, il est probable que si la dimension sociale prévaut, la réduction de la capacité sera inférieure à ce qu’il aurait été possible de réaliser autrement. Deuxièmement, cela peut générer des incitations économiques perverses, parce que ceux qui ont volontairement réduit leur activité au moment du déclin de la pêcherie en sont exclus. Par la suite, si d’autres pêcheries déclinent et que les pêcheurs espèrent un programme de rachat, ils sont susceptibles de maintenir leurs activités de pêche à un niveau plus élevé qu’ils ne l’auraient fait en d’autres circonstances, afin de garantir leur éligibilité au rachat. Il s’agit encore là de la démonstration d’une règle bien connue en économie, qu’il vaut mieux concentrer un instrument de politique sur une seule priorité.

Dans le cas de licences multiples, une autre difficulté importante est que toutes les licences ne sont pas utilisées de manière égale. Par conséquent, vaut-il mieux cibler le rachat de licences qui sont peu utilisées ou celles qui sont trop utilisées ? Certains systèmes ont adopté la première de ces voies. L’avantage en est que la capacité peut généralement être réduite à moindre coût. L’inconvénient est que l’impact sur les captures est moins que proportionnel à la réduction de capacité. Cette approche semble néanmoins préférable à la seconde, et ce pour de nombreuses raisons. Premièrement, le fait de cibler les licences fortement utilisées peut une fois de plus générer des incitations économiques perverses dans d’autres pêcheries, car ce sont celles qui contribuent le plus à la surexploitation qui bénéficient du rachat lors de l’intervention du gouvernement. Deuxièmement, selon la nature précise de la pêcherie et du schéma de rachat, les meilleurs équipages des navires dont les licences ont été retirées peuvent se reporter sur les navires peu efficaces ou à licences peu utilisées, ce qui a pour conséquence que l’effet global sur les captures et l’effort de pêche soit minime. En d’autres termes, il faut être prudent en adoptant la seconde approche afin de s’assurer qu’elle ne constitue pas simplement une méthode coûteuse et peu efficace.

Cette conclusion peut être altérée en fonction de la structure de la flottille, particulièrement si les licences peu utilisées correspondent à des navires anciens, techniquement moins efficaces, opérés peut-être par des pêcheurs proches de la retraite, tandis que les licences fortement utilisées correspondent à des navires plus récents et techniquement plus efficaces. Le fait de mettre l’accent sur le premier groupe pourrait s’avérer être une manière onéreuse de supprimer de la capacité dans une industrie qui aurait pu la réduire de son propre gré. Du point de vue de la réduction de la capacité, il apparaît plus judicieux de se focaliser sur le second groupe. Le fait qu’une telle stratégie de désindustrialisation puisse être considérée comme la meilleure approche, donne une indication intéressante du degré d’échec des politiques des pêches. La possibilité de caractériser aussi nettement la structure de la flottille de pêche doit être évaluée au cas par cas. Si la différence entre les caractéristiques techniques des licences peu utilisées et de celles qui le sont plus fortement est limitée, il sera alors préférable de racheter les premières. Il est également pertinent de prendre en compte les conditions de transfert et de regroupement de licences. Si les opérateurs ayant vendu des licences fortement utilisées sont en mesure d’acquérir des licences peu utilisées et de remplacer les navires concernés, la réduction de la capacité risque d’être limitée. Encore une fois, c’est aussi la capacité potentielle qui doit être retirée. Enfin, les conditions de re-utilisation des navires retirés de la pêcherie sont aussi importantes. Certains programmes n’imposent aucune restriction, de telle sorte qu’un navire retiré puisse être utilisé pour en remplacer un autre dans la pêcherie. Dans ce cas, il est clair qu’il n’y a pas lieu de se concentrer sur les licences très utilisées. Moins il y a de restrictions sur la ré-utilisation, moins le montant de la compensation qu’un détenteur de licence individuel va demander sera important, et plus la capacité supprimée, dans une pêcherie x avec un budget donné, sera importante. Néanmoins, cet avantage a un coût: la capacité n’est pas réellement éliminée et peut réapparaître ailleurs. Dans les cas extrêmes, un pays peut se retrouver en train de financer le rachat de licences liées au même navire plusieurs fois de suite, parce que différentes pêcheries deviennent l’objet de programmes de rachats. Pour éviter ce type de problème, certains pays imposent que les navires retirés soient envoyés à la casse. De cette manière la capacité est effectivement réduite, mais l’approche tend à être coûteuse car l’armateur du navire ne percevant rien au titre du navire lui-même, la compensation à recevoir doit intégrer la valeur totale des licences et du navire.

En accordant la priorité aux licences peu utilisées, on se concentre en fait sur la capacité potentielle. Certains schémas de rachat ont emprunté cette voie en fixant directement des règles en terme de caractéristiques physiques du navire. Etant donné que c’est la capacité potentielle qui est supprimée, il faut s’attendre à ce que les licences les moins actives soient retirées.

Certains schémas de rachat ont tenté d’aborder le problème du redéploiement des l’équipages en demandant aux bénéficiaires des rachats de quitter totalement la pêcherie. Le bien-fondé de cette politique doit être évalué dans le contexte, mais un certain nombre d’arguments généraux le contredisent. Premièrement, si les détenteurs de licences ne sont pas pêcheurs eux-même, l’approche ne sera pas efficace. Deuxièmement, les capitaines de pêche peuvent transférer leurs connaissances sans prendre de nouveaux commandements. Troisièmement, faire respecter les règles peut être difficiles. Quatrièmement, il peut y avoir des objections d’ordre constitutionnel ou légal.

Les auteurs concluent que bien que les rachats semblent, à première vue, offrir une voie idéale pour la réduction de la capacité tout en améliorant l’efficacité, en préservant les stocks, et en aidant les pêcheurs qui souhaitent se retirer de la pêche, en pratique, leur capacité à atteindre les trois objectifs qui leur ont été fixés est limitée. Selon les conditions techniques, l’efficacité de l’approche tend à être minée par le problème de la substitution des intrants et des licences dormantes.

Les rachats semblent présenter peu d’attrait pour la plupart des pays en voie de développement, étant donné qu’invariablement ils impliquent des dépenses importantes de la part du gouvernement. Dans les pays en voie de développement, le gouvernement tente généralement de gérer la pêche afin d’accroître ses recettes, plutôt que ses dépenses. Si on considère les rachats comme un investissement, il n’est pas démontré qu’ils profitent à ceux qui les financent. Les vrais gagnants semblent être ceux qui sont capables de se retirer de l’activité, plutôt que ceux qui y restent. La révision des schémas d’octroi de licences existants, dans le sens de l’établissement de conditions plus restrictives et d’une plus grande participation de l’industrie, parait être une condition préalable.

8.4 L’impact des autres mesures de gestion de la pêche sur la capacité

Les mesures de protection de la ressource peuvent être efficace, mais peuvent aussi donner lieu à un gaspillage excessif d’intrants. Selon les cas, les mesures de protection des stocks peuvent avoir pour effet, d’augmenter ou de diminuer la capacité existante dans une pêcherie donnée.

Les autorités publiques chargées des pêches qui s’appuient en grande partie sur les mesures de protection pour la gestion de leurs pêches devraient évaluer leurs effets sur la capacité de pêche. Les autorités qui envisageaient d’introduire des mesures de contrôle de la capacité devraient éventuellement réévaluer l’utilisation des mesures de protection en vigueur afin d’en assurer la complémentarité.

La capture totale admissible (TAC) est une mesure de protection communément appliquée. En limitant le niveau de captures, les autorités peuvent permettre la reconstitution du stock, et réaliser ainsi leurs objectifs de protection de ces stocks. Les TAC sont souvent utilisés isolément selon une approche simple: la capture est contrôlée et/ou estimée, et la pêcherie est fermée pour le reste de la saison dès que le TAC est atteint. Le problème est que le TAC ne contrôle pas la quantité de capacité utilisée par l’industrie. Si le TAC mène à l’augmentation de la taille du stock, toutes choses égales par ailleurs, la rentabilité va augmenter et encouragera de nouvelles entrées dans les pêcheries. Le TAC sera par conséquent atteint plus rapidement, et la saison devra être fermée plus tôt. Dans les pêcheries qui sont gérées seulement par TAC, la saison de pêche tend à diminuer progressivement. Par exemple, dans la pêcherie américaine au flétan du Pacifique, la période de pêche est passée de 300 jours par an à juste quelques jours. La pêche est maintenant sous gestion par quotas individuels, ce qui a conduit à inverser les restrictions saisonnières imposées précédemment.

Il existe une alternative au TAC qui consiste à allouer des quotas d’effort individuel. Dans ce système, chaque pêcheur n’est autorisé à pêcher qu’un certain nombre de jours durant chaque période de pêche. Bien sûr, une telle mesure doit être combinée à une limitation du nombre de pêcheurs, car dans le cas contraire il est clair qu’aucun contrôle ne pourrait être exercé sur l’effort total. Cependant, même si le nombre de pêcheurs est contrôlé, cette méthode souffre des mêmes inconvénients que les schémas d’octroi de licences. Elle ne pourra fonctionner que s’il existe un lien clair et inflexible entre l’effort et la capture, et que si l’effort peut être défini de manière adéquate. Dans la pratique, la substitution d’intrant peut miner cette mesure, tout comme elle peut miner les schémas de régulation par licences.

Une autre mesure de conservation consiste à appliquer des restrictions sur les engins ou les navires. En effet, en imposant aux pêcheurs des méthodes de pêche plutôt inefficaces, on peut limiter dans une certaine mesure la capacité physique. Cependant, même si cette approche est un succès, en termes physique, elle soulève des questions sur son impact économique.

La fermeture saisonnière peut être utilisée soit pour protéger le stock à des périodes critiques, comme lors de la période reproduction, soit comme moyen de limiter la capture totale (dans ce cas, la fermeture constituera l’aspect visible d’un TAC). Dans les deux cas, si la fermeture contribue à l’augmentation de la taille du stock et donc de la rentabilité de la pêche, il est vraisemblable qu’elle amène à un accroissement de l’effort de pêche et de la capacité pendant l’ouverture de la saison. Exactement comme dans le cas du TAC, il est prévisible que la fermeture devienne de plus en plus longue si aucune politique efficace de contrôle de la capacité n’est appliquée.

De la même manière, des zones de pêche peuvent être interdites à la pêche pour protéger le stock, en permanence ou à certaines époques particulières. Leur impact dépend du mode de répartition de l’effort en dehors de la zone interdite. Si la fermeture de la zone augmente effectivement la taille du stock, l’effet sur la capacité sera similaire à celui d’une fermeture saisonnière. Il existe un type de zone interdite à la pêche qui fait aujourd’hui l’objet de débats importants: les réserves marines. Elles peuvent être utilisées lorsqu’il est difficile de mettre en œuvre d’autres mesures de gestion, pour protéger une partie du stock, ou pour éviter son effondrement en cas de surexploitation intense. Une telle mesure peut aussi donner lieu à un accroissement de la capacité (voir l’Encadré 4 pour plus de détails).

Les limites imposées au maillage sélectivité sont autant de mesures utilisées pour réduire la pression de la pêche sur les stocks de juvéniles et pour favoriser l’augmentation de la taille du poisson et des captures. Ces mesures ont peu d’effet sur la dynamique d’investissement à long terme, bien qu’elles contribuent à réduire la rentabilité à court terme.

Il faut noter que dans ce chapitre, chacune des mesures de gestion des pêches a été analysées individuellement en supposant qu’il s’agissait là de la seule mesure utilisée. Dans la pratique, la politique des pêches englobe tout un ensemble de mesures qui sont utilisées simultanément, et ceci modifie la situation. Par exemple, les TAC, qui aggravent la surcapacité si ils sont utilisés seuls, sont partie intégrante d’un système de QIT. De la même manière, dans le cadre d’un schéma de licences, les rachats, sont susceptibles d’être peu efficaces pour réduire la capacité, tandis qu’avec un QIT, ils s’avèrent être un moyen de gestion permettant d’amener plus rapidement la capacité au niveau souhaité. Par conséquent, il ne s’agit pas de conclure que certaines mesures de gestion et protection sont à éviter, mais plutôt que les Etats devraient développer une combinaison de politiques appropriées. De nombreuses mesures de protection des stocks peuvent être utilisées, au niveau national comme au niveau de chaque pêcherie, en conjonction avec des mesures visant au contrôle de la capacité de pêche. La gestion des pêches nécessite généralement la mise en œuvre d’un train de mesures, le plus souvent destinées à faire l’objet d’ajustements périodiques selon une approche adaptive.

Lors de l’introduction de mesures de gestion qui concernent directement le contrôle de la capacité de pêche, il faut éventuellement ré-évaluer l’utilisation des mesures de protection existantes. Si la surexploitation affecte de nombreux stocks, des mesures de protection peuvent être utilisées simultanément en vue de reconstituer ces stocks. Etant donné que cela peut amener à une réduction de la rentabilité pour des flottilles déjà confrontées à des difficultés financières, la démarche peut toutefois s’avérer difficile en l’absence d’incitations financières en faveur du déplacement des navires ou de leur démantèlement.

Encadré 4: Les réserves marines

Dans de nombreux cas, l’échec des mesures de gestion de la pêche a entraîné un intérêt accru pour le concept de réserves marines comme moyen de pérenniser ou d’accroître la production halieutique. Une réserve est simplement une zone interdite à la pêche. Un objectif majeur consiste à créer un sanctuaire naturel de reproduction qui va permettre «l’exportation» de poisson vers les zones avoisinantes. La réserve peut également permettre d’éviter l’effondrement du stock si elle préserve la base génétique et la structure d’âge de la population.

Les réserves marines n’impliquent pas de contrôle direct de la capture, de l’effort de pêche, ou de l’efficacité de l’effort de pêche. Si d’autres méthodes ne peuvent pas être mises en œuvre, les réserves marines offriront un moyen de protéger la ressource et d’augmenter les rendements, mais elle ne seront jamais le meilleur moyen de gestion de la pêche. Le principal problème lié aux réserves marines est le déplacement de l’effort de pêche à l’extérieur de la réserve. Etant donné que la réserve marine est créée justement parce que d’autres mesures de gestion ne peuvent être utilisées, on peut supposer que les conditions d’accès libre s’appliqueront à la zone qui est laissée ouverte.

L’analyse de l’impact d’une réserve marine est un exercice de modélisation difficile étant donné que le résultat dépend des caractéristiques de la migration de la population, de sa structure d’âge, des paramètres de la croissance du stock, de la vulnérabilité à différents âges, du régime de gestion existant en dehors de la réserve maritime, du coût de la pêche, du taux d’escompte, et de la taille de la réserve marine.

Hannesson (1998) a construit un modèle logistique pour estimer l’impact d’une réserve marine lorsque les effets de la structure d’âge ne sont pas importants. L’objectif est simplement de conserver une partie du stock. Afin d’être en mesure d’identifier les effets qui sont réellement dus à la réserve marine, il suppose qu’il s’agit de la seule mesure de gestion en place, et qu’il y a libre accès aux zones qui lui sont contiguës. Sur cette base, il étudie les performances de la réserve marine, comparées à celles d’une pêche de libre accès et à celles d’une pêche gérée de manière optimale. Un certain nombre de conclusions se dégagent. Deux variables-clés apparaissent: la taille de la réserve marine et le taux de migration. Il faut que la réserve maritime soit relativement vaste (environ 80% de la zone de pêche totale) pour qu’elle puisse contribuer à maintenir la taille du stock à un niveau proche de son niveau optimal. D’autre part, plus le taux de migration est important, plus la pêche s’approche du niveau de l’accès ouvert.

Pour les valeurs moyennes de ces deux variables (une réserve de 40% de l’ensemble de la zone et un taux de migration de 0.5), l’auteur trouve que la réserve maritime a peu d’effet sur la taille du stock, la capture et les taux d’exploitation, comparé à une pêche en libre accès.

Il utilise également une version modifiée du modèle pour l’analyse d’une pêcherie saisonnière. En conservant une partie du stock et en supposant une migration vers la zone de libre accès, un effet de la réserve marine sera d’augmenter la taille du stock de poisson au début de chaque saison. Ce stock supplémentaire de poisson va générer des bénéfices saisonniers supplémentaires (c’est-à-dire des revenus excédant les coûts de fonctionnement), comparés à une pêche purement ouverte. Les pêcheurs vont répondre de manière habituelle, en investissant dans la capacité de pêche en vue de capter une plus grande part de ces revenus (ou de maintenir la part qu’ils avaient auparavant). Dans le modèle de Hannesson, le niveau de cet investissement dépend de trois variables: les coûts de la pêche, le taux de migration du poisson, et la taille de la réserve maritime. Plus les coûts de la pêche et les taux de migration sont bas, plus l’impact sur la capacité est grand. Pour des valeurs données de ces deux variables, l’impact sur la capacité augmente avec la taille de la réserve marine, et il peut être important. En même temps, le corollaire habituel peut s’observer, à savoir: une augmentation de la capacité qui entraîne à une durée de pêche réduite de telle sorte que la capacité ne soit pas entièrement employée (du moins pas dans la pêcherie gérée par réserve marine car elle peut cependant s’appliquer à une autre pêcherie).

Par conséquent, une réserve marine est susceptible, de différentes manières, d’avoir des effets similaires à ceux d’une fermeture saisonnière. Le stock de poisson peut être protégé mais plus probablement au prix d’une aggravation significative du problème de surcapacité.

Les réserves maritimes exigent des mesures d’appui conçues pour restreindre l’effort de pêche et la capacité. Mais cela leur ôte une partie de leur attrait étant donné qu’elles étaient supposées constituer des mesures de gestion utilisables lorsque des mesures plus conventionnelles ne le sont pas.

Holland et Brazee (1996) analysent les effets des réserves marines en utilisant un modèle qui prend spécifiquement en compte les relations entre classes d’ages multiples et recrutement. Ils démontrent que les réserves marines peuvent être des méthodes de pérennisation et d’accroissement de rendement dans les pêches où l’effort est à des niveaux élevés et ne peut être réduit. Néanmoins, ils soulignent aussi que l’impact initial de la réserve marine sera de réduire les captures. Les augmenter relèvera d’un processus de longue haleine, étant donné que la taille du stock augmente à l’intérieur de la réserve et alimente le stock en dehors de la réserve. En conséquence, en examinant la rentabilité de la mise en place d’une réserve marine comme s’il s’agissait d’un investissement, il faut se poser la question de savoir si le sacrifice consenti en réduisant les captures actuelles sera payant dans l’avenir. La réponse dépend, entre autres, du taux d’escompte utilisé: plus il est élevé, moins il paye d’investir en réduisant la capture à court terme pour augmenter la rentabilité à long terme. Du point de vue politique, un tel effet pourrait limiter l’attrait des réserves marines dans la mesure où elles sont souvent envisagées dans des situations où l’effort est important et ne peut être réduit, et où les taux d’escompte sont généralement élevés.

Holland et Brazee (1996) arrivent à la même conclusion que Hannesson (1998), à savoir que les réserves doivent être relativement vastes pour pouvoir être efficaces. Ils concluent que plus le niveau de l’effort dans l’industrie est important, plus la réserve doit être grande pour pouvoir maximiser le rendement.

Dans l’ensemble, ces analyses des réserves marines semblent indiquer que, d’un point de vue économique, elles peuvent avoir un impact positif sur le rendement, mais ce faisant, elles peuvent avoir un impact involontaire sur la capacité. Cette possibilité doit être prise en compte très sérieusement si l’on envisage d’inclure des réserves marines dans un programme de gestion de la pêche.

Les réserves marines sont souvent utilisées pour des raisons autres que la pure gestion de la pêche: par exemple pour maintenir la biodiversité, pour maintenir un habitat vierge ou pour attirer les touristes. Si elles sont développées pour ces autres raisons, leur impact sur la pêche doit être étudié.

8.5 Le déplacement de navires de pêche en dehors de la ZEE d’un Etat

Le PAI conseille vivement aux Etats de s’assurer qu’il n’y a aucun transfert de capacité dans la juridiction d’un autre état, sans le consentement exprès et l’autorisation formelle de cet Etat.

Les programmes de réduction de la capacité dans certains pays peuvent offrir aux autres pays une opportunité d’accroître ou de renouveler leur capacité de pêche à moindre frais. Si le secteur de la pêche du pays acheteur est géré de manière efficace, ce pays doit pouvoir accéder à des intrants à bon marché. Il faut néanmoins noter que dans tous les cas, il y aura des gagnants et des perdants, même si la résultante est un gain net. Le choix de la technologie de production aura été changé par les distorsions dues à la mauvaise gestion du pays vendeur. On peut s’attendre à ce que ces navires aient été substantiellement subventionnés, à la construction, à la destruction ou aux deux. Etant donné qu’il n’y a pas de garantie que des navires à bas prix restent disponibles sur le long terme, le pays acheteur doit vérifier que les changements dans les choix de technologie de production ne comportent pas d’effets à long terme. Dans beaucoup de pays en voie de développement, les navires industriels acquis de cette manière ont eu des impacts significatifs sur les petites flottilles locales et les flottilles semi-industrielles. Doit-on offrir des dédommagements à ceux qui ont perdu? Ou bien doit-on donner tous les avantages aux utilisateurs des nouvelles technologies? Ce problème peut être particulièrement épineux dans le cas où le capital se substitue à la main d’œuvre. Les pays en voie de développement, en particulier, devraient prêter une grande attention aux coûts sociaux et aux avantages de l’achat de navires à bon marché, même si la filière pêche est bien gérée.

Si les pêcheries concernées sont proches d’une situation de pleine exploitation ou au-delà, et si elles sont mal gérées au sens où elles restent en situation d’accès libre et gratuit, l’acquisition de navires à bon marché est susceptible de ne pas être socialement profitable dans la mesure où le bénéfice réalisé peut être dissipé par une baisse des rendements.

Les autorités publiques chargées des pêches devraient évaluer l’impact qu’une re-distribution significative de leur surcapacité vers la ZEE d’un autre Etat peut causer, et s’il est potentiellement nuisible, prendre des mesures pour décourager ces transferts chaque fois que possible.

9. LES EXIGENCES EN MATIÈRE D’ADMINISTRATION ET DE RECHERCHE

Les exigences en matière d’administration pour le suivi et la gestion de la capacité de pêche dépendront du système de gestion adopté. D’une manière générale, les Etats devraient s’assurer que le système administratif est suffisant pour appuyer le système choisi.

9.1 Les exigences en termes de données

La capacité de pêche doit faire l’objet d’un suivi indépendamment du système de gestion choisi. Cela va nécessiter la collecte systématique de données sur la capture et la flottille.

La production est généralement suivie de manière systématique dans la plupart des pays, du moins au niveau des débarquements. Une gestion basée sur le contrôle de la production nécessitera un suivi beaucoup plus strict des débarquements et des captures par navire, pour permettre également le contrôle des rejets et des captures accessoires.

En ce qui concerne les intrants, le PAI souligne que les Etats devraient créer et tenir à jour des registres appropriés et compatibles des navires de pêche, et préciser les conditions d’accès à l’information. En attendant l’entrée en vigueur de l’Accord de Conformité de la FAO, il demande également aux Etats d’appuyer la création, par la FAO, d’un registre international des navires de pêche opérant en haute mer.

Dans l’optique d’une gestion de la capacité de pêche au niveau national, les registres des navires de pêche peuvent inclure des informations de base sur les navires telles que: numéro d’identification; pavillon et port d’immatriculation; type; caractéristiques-clés (âge, origine, longueur, puissance, tonnage, etc.); références de l’armateur; type et principales caractéristiques des engins de pêche.

Si la capacité de pêche doit être gérée par le biais du contrôle direct des intrants, il convient de mettre davantage l’accent sur les systèmes statistiques de suivi de la flottille et les registres des navires de pêche. Les caractéristiques des navires et des engins devront être plus précisément spécifiées. Les autorités de pêche peuvent aussi se donner les moyens de reconstituer l’historique de la flottille sur une période assez longue, (date de construction et des principales modifications apportées au navire et aux engins, dates d’entrée dans les pêcheries spécifiques, etc.). En l’absence de telles informations il sera difficile et onéreux d’examiner la dynamique à long terme de la flottille: une exigence pour l’élaboration de schémas de gestion de la capacité en général, et pour le contrôle des intrants en particulier.

Les informations liées à la gestion devraient être collectées de manière systématique, par navire. Ceci nécessite l’enregistrement de toute autorisation spécifique dont bénéficie le navire (par exemple les quotas de captures dans le cadre des QI; les autorisations d’accès à des zones et à des pêcheries spécifiques, les changements d’engin de pêche, l’entrée et la sortie de différentes pêcheries, etc.).

Il est fréquent d’observer que les intrants et la production sont souvent suivis séparément: les données sur la capture, les données de rendement capture/effort, et les données sur la flottille sont collectées de telle façon qu’il est difficile d’analyser les interactions intrants-production et la dynamique des flottilles par rapport à la ressource. En Italie par exemple, on a développé un système de suivi de la flottille assez sophistiqué, très utile en tant que tel, mais qui ne relie pas les informations sur les intrants (techniques et économiques) et les performances (captures-revenus) à des pêcheries spécifiques. Même s’il peut être considéré comme résultant directement du système de gestion en place en Méditerranée, ce système donne peu d’information utilisables au niveau des pêcheries. Ceci souligne le besoin d’effecter un suivi des flottilles à la fois au niveau national, avec la mise en place de registres standards, et au niveau des pêcheries, en terme de suivi de l’activité des navires au sein de chaque pêcherie et de mouvements entre pêcheries.

Au cours des dernières décennies, la plupart des pays ont développé des systèmes de suivi et des capacités de recherche, qui mettent l’accent sur une meilleure connaissance des captures et de l’état de la ressource. Les autorités chargées des pêches peuvent apprécier l’utilité de développer des systèmes similaires pour assurer le suivi de leurs flottilles et une meilleure connaissance de leurs caractéristiques et de leurs dynamiques - tant au niveau sectoriel qu’au niveau des pêcheries, et par rapport à un état des stocks et à des conditions économiques et réglementaires en évolution constante.

Le contrôle direct ou indirect des flux d’investissement et de la répartition de l’effort nécessite un système de segmentation approprié permettant de définir des unités de gestion de pêche. L’approche qui prévaut en matière de segmentation sectorielle est la pêcherie, définie en fonction du stock. La segmentation peut aussi être appliquée à l’ensemble de la flottille et à l’espace (le zonage). On peut donc segmenter le secteur sur une ou plusieurs bases, pour définir des unités de gestion dans l’optique du suivi et de la gestion de la capacité.

Si elles envisagent l’introduction d’un dispositif de gestion de la capacité, les autorités chargées des pêches devraient évaluer, et si nécessaire redéfinir, la segmentation du secteur de la pêche, en adéquation avec instruments utilisés.

9.2 Les besoins de recherche

La surcapacité est un problème sectoriel qui affecte l’industrie toute entière. Pour y remédier, il importe d’avoir une bonne compréhension du comportement économique des entreprises de pêche. Les Etats devraient faciliter la recherche portant sur la dynamique économique du secteur et des entreprises de pêche, afin de renforcer cette compréhension et permettre l’élaboration de mesures de gestion de la surcapacité qui soient compatibles avec les stratégies économiques des pêcheurs.

Les institutions des pêches devraient apporter un appui plus adéquat à la recherche sur les questions liées à la gestion de la capacité de pêche. Il est aussi nécessaire de coordonner les efforts de recherche au niveau international, notamment pour ce qui concerne la conception d’outils et d’instruments de politiques mieux adaptés aux conditions qui prévalent dans les pays en voie de développement.

La seconde partie de ce document donne des indications sur les domaines qui requièrent un effort de recherche supplémentaire en vue d’une gestion plus efficace de la capacité. Les principaux axes de recherche sont résumés ci-après.

Quatre domaines principaux qui pourraient bénéficier d’un effort recherche se dégagent. Le premier a trait à la mesure et à l’évaluation de la capacité. Bien que des progrès aient été accomplis depuis 1998, un travail supplémentaire est nécessaire pour développer des concepts, des méthodes et une application coordonnée. Des études approfondies pourraient également être entreprises aux niveaux international, régional, et national, concernant:

Un autre domaine de recherche empirique est la fonction de production proprement dite. Il est clair que la question de la substitution d’intrant est cruciale pour la gestion de la capacité, notamment si les méthodes alternatives incitant au contrôle de la capacité par l’industrie sont inapplicables. Les Etats devraient encourager cette recherche afin d’estimer des fonctions de production pour leurs principales pêcheries et de permettre ainsi le développement d’une politique cohérente de gestion de la capacité. Comme il l’a été souligné plus haut, il peut s’avérer très difficile, sinon impossible, de contrôler la capacité dans une pêcherie à technologie de production très flexible (les intrants pouvant être facilement substitués).

Les instruments de gestion constituent également un domaine qui nécessite une recherche théorique et empirique. Comme indiqué en section 8, on note que les pays ont à leur disposition relativement peu d’instruments pour la gestion de leurs pêches. La recherche théorique serait utile dans l’optique de développer de nouvelles options. La recherche empirique, elle, pourrait être entreprise pour l’adaptation des instruments existants à des situations particulières, par exemple, pour développer des systèmes de droits territoriaux réalistes ou des systèmes de gestion participative des petites pêches.

Pour finir, beaucoup reste à faire pour comprendre le comportement économique des pêcheurs. Il a été souligné dans ce document que la surcapacité découle de réponses rationnelles des pêcheurs aux incitations économiques auxquelles ils sont soumis. Un travail considérablement plus approfondi pourrait être mené pour mettre en lumière les incitations macroéconomiques et sectorielles auxquelles font face les pêcheurs, en général et pour des pêcheries particulières. L’identification de ces incitations permettrait aux Etats d’éviter des politiques contre-productives, ce qui constituerait déjà un progrès remarquable. L’analyse des comportements en matière d’investissement et de politique fiscale présentée par Jensen (1998) donne un exemple du type de recherche qui pourrait utilement être menée dans de nombreux pays.

On peut également identifier des thèmes de recherche pertinents relatifs aux besoins de coordination des recherches devant être menées aux niveaux national, régional et international sur les méthodes de gestion de la pêche et la gestion de la capacité:

10. LA QUESTION DE LA PÊCHE EN HAUTE MER

Une des difficultés de la gestion de la capacité est d’empêcher que les mesures politiques appliquées avec succès dans une pêcherie aient des répercussions négatives par ailleurs. La capacité supprimée dans une pêcherie peut ainsi facilement réapparaître dans une autre. Il s’agit d’un problème particulièrement contrariant pour la pêche en haute mer, où les flottes semblent connaître une croissance régulière, en partie, à cause de la réduction des opportunités existantes dans la limite des 200 miles.

Le nombre précis de navires qui opèrent en haute mer (à l’exception des thoniers) est inconnu. Les données disponibles ont tendance à sous estimer les captures de haute mer car celles des navires côtiers opérant au-delà de leur limite des 200 miles restent néanmoins enregistrées généralement en tant que captures côtières.

Des changements importants dans la pêche en haute mer sont apparus au cours des années 90. L’un d’eux a été le retrait des flottilles de l’ex-URSS de la haute mer. Ceci a entraîné une modification de la composition des captures, illustrée par la part croissante du thon, qui dès 1995 représente quelque 41% de ces captures et 82% de leur valeur. Il semble également que l’utilisation de ‘pavillons de complaisance’ soit en augmentation, l’hypothèse étant que les captures de ces navires sont sous déclarées.

Un certain nombre d’instruments juridiques internationaux prend en compte la question du contrôle de la capacité de pêche hauturière. La Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer a été ratifiée en 1995. Selon les termes des Articles 116 à 120 de la Section 2, les Etats devraient coopérer au sein des organisations régionales ou sous-régionales de pêche, pour assurer la conservation et la gestion des ressources halieutiques en haute mer.

Dans la pratique, l’objectif de conservation a tendance à être confronté au besoin d’assurer par ailleurs un traitement équitable aux divers pays. Aux termes de l’Article 116, ‘Les ressortissants de tous les Etats ont le droit de s’engager dans la pêche en haute mer..’ et selon l’Article 119 ‘les Etats concernés doivent s’assurer que les mesures de conservation adoptées et mise en œuvre n’impliquent pas de discrimination de forme ou de fait contre les pêcheurs d’un Etat particulier, que dans les mesures de conservation adoptées et mises en œuvre n’impliquent pas une discrimination, de forme ou de fait, contre les pêcheurs d’un Etat particulier’. Par conséquent, les Etats ‘pêcheurs’ sont peu enclins à prendre les mesures nécessaires pour reconstituer les stocks dans la mesure où les bénéfices seront dissipés du fait qu’on ne peut empêcher des Etats ‘non-pêcheurs’ de prendre part à la pêche au titre de ces deux articles.

Reconnaissant l’inadéquation de la gestion de la pêche en haute mer, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement a recommandé aux Etats de convoquer une conférence sous les auspices des Nations Unies. Cela a débouché en 1995, sur l’adoption de l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson. Les Etats membres de la FAO ont aussi négocié un Accord de conformité qui a été adopté en 1993 par la Conférence de la FAO. Aucun de ces instruments n’est encore entré en vigueur (au mois de novembre 2000). Le PAI invite les Etats à envisager leur participation dans ces deux accords.

L’Accord de 1995 sur les stocks de poisson (Article 5, Paragraphe h) demande aux Etats de «prendre des mesures pour empêcher ou éliminer la surexploitation et la surcapacité de pêche, et d’assurer que les niveaux d’effort de pêche ne dépassent pas ceux fixés pour l’utilisation durable des ressources halieutiques». L’importance des réductions de capacité envisageables dépend en pratique de la capacité et de la volonté des Etats à coopérer au sein des organisations régionales de pêche.

En vue d’évaluer les captures et la capacité en haute mer il faut se pencher sur deux problèmes majeurs:

- l’absence d’exigences en matière de déclaration des captures au-delà des juridictions nationales;

- le fait que la plupart des Etats n’exigent pas des navires battant leur pavillon l’obtention préalable d’une autorisation de pêcher au-delà de leur juridiction nationale.

Ces deux facteurs ont été abordés dans l’Accord sur les stocks de poisson de 1995 (titre V, article 18). Une fois que l’accord aura été ratifié, tous les navires devront disposer d’une autorisation pour pêcher en haute mer, et devront déclarer les quantités capturées et la localisation de la pêche.

Bien qu’aux termes de l’Accord des Nations-Unies sur les stocks de poisson, les Etats puissent autoriser les navires battant leur pavillon à pêcher en haute mer, ils ne sont cependant pas tenus à fournir des informations sur les navires autorisés à une quelconque autorité centralisée. L’Accord de conformité de la FAO aborde cette question en requièrant que ces informations soient fournies et rendues disponibles via la FAO (Article VI). L’Accord de conformité comporte aussi certaines dispositions sur la responsabilité de l’Etat du pavillon (Article III) pour ce qui est des autorisations accordées aux navires pour pêcher en haute mer.

Par conséquent, la situation devrait s’améliorer avec la ratification des deux instruments, même s’il faut encore trouver un terrain d’entente sur une norme internationale pour le suivi des navires de pêche.

L’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson requiert aussi des Etats (côtiers ou non) qui exploitent un stock chevauchant ou un stock de poissons grands migrateurs, de mettre en place une organisation régionale de gestion des pêches, en vue de gérer la ressource en coopération. Cette coopération est essentielle pour une gestion rationnelle de la pêche transfrontalière. Il est à présent bien établi, en théorie et en pratique, que si les pays refusent de coopérer, le résultat en termes d’exploitation serait similaire, voire pire, à ce qui s’observe dans les pêcheries sous conditions d’accès libre et gratuit. Il est certain que surexploitation et surcapacité ne pourront être évitées. La situation peut même empirer car, en théorie, les pays vont être enclins à subventionner leurs flottilles pour essayer de générer un avantage comparatif. En conséquence, l’utilisation de telles subventions peut facilement devenir un cercle vicieux, avec comme corollaire la surcapacité. La participation active de tous les Etats concernés dans les organisations régionales de gestion des pêches est donc essentielle ainsi que le souligne le PAI. Cet instrument encourage également la coopération multilatérale pour assurer la participation des états qui ne s’acquittent pas leurs responsabilités en tant qu’état du pavillon dans ce contexte (Article 33).

Lorsque l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson aura été ratifié, les organisations régionales de gestion des pêches, pourront prendre des mesures pour modifier leurs textes réglementaires afin de permettre l’entrée en vigueur des dispositions de cet accord. L’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson stipule, en son Article 8 paragraphe 4, en référence aux organisations ou accords régionaux de gestion des pêches que: ‘seuls les Etats membres de cette organisation ou qui sont partie à cet accord, ou qui acceptent d’appliquer les mesures de conservation et de gestion prises par cette organisation ou dans le cadre de cet accord, auront accès aux ressources halieutiques auxquelles s’appliquent ces mesures’. Ce paragraphe devrait permettre aux organisations régionales de gestion des pêches d’insister sur la participation pleine et entière de tous les Etats concernés. Bien que cela ne confère aucune autorité aux organisations régionales de gestion des pêches pour ce qui est de limiter l’accès, une référence à l’article 5 sus-mentionné (paragraphe h) peut leur permettre d’adopter cette mesure à condition d’éviter toute ‘discrimination contre un Etat ou un groupe d’Etats qui manifestent un intérêt réel dans la pêcherie concernée’. L’Accord décrit également les mécanismes de résolution des différends, qui peuvent être utilisés afin de faciliter sa mise en œuvre.

Conformément à l’Article 29 du PAI, les Etats sont exhortés à participer à l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson et à l’Accord de conformité de la FAO.

Enfin, il faut souligner le fait que les organisations régionales de gestion des pêches sont généralement mal équipées pour aborder la gestion de la capacité de pêche en haute mer. Beaucoup d’entre elles se préoccupent surtout de la pêche des stocks côtiers. La plupart souffrent d’un manque de financement et ne disposent ni des ressources ni d’un mandat pour se pencher sur ce problème. Les organisations de gestion de la pêche au thon semblent être une exception. Une autre difficulté provient du fait que des organisations régionales de gestion des pêches n’ont pas été mises en place pour toutes les zones de pêche hauturière. Ceci reste être le cas de vastes zones du Pacifique. Enfin, une grande partie des flottilles de haute mer opèrent sous la juridiction de plus d’une organisation de gestion des pêches. Le renforcement des organisations régionales de gestion des pêches et la création de nouvelles organisations dans les zones où elles pourraient se montrer efficaces seraient une importante étape dans le suivi et le contrôle progressif de la capacité de pêche en haute mer.

Etant donné le rayon d’action des flottes opérant en haute mer, il est essentiel que les organisations régionales de pêche améliorent leur coordination. Actuellement, c’est pour la pêche au thon que l’on dispose des informations les plus détaillées car les nombreuses commissions régionales du thon (comme la Commission Internationale pour la Conservation du Thon de l’Atlantique (ICCAT), la Commission Inter-Américaine du Thon Tropical (IATTC), la Commission Thonière de l’Océan Indien (IOTC) et la Commission du Pacifique Sud (SPC)) recueillent et compilent des données sur les captures et l’effort des thoniers. L’idée d’un mécanisme global de coordination a été proposée, étant donné que les mesures de gestion, pour être efficaces, devraient être appliquées à des flottes mobiles.

En ce qui concerne la pêche en haute mer d’espèces autre que le thon, la grande mobilité des navires hauturiers dans et au-delà des zones de 200 miles rend difficile une évaluation de la capacité et implique la nécessité d’une meilleure coordination entre les différents organisations régionales de pêche.

Les accords et mesures évoqués ci-dessus représentent une première étape importante dans le contrôle de la pêche en haute mer. S’ils souhaitent être efficaces dans le contrôle de la capacité, les Etats devraient mettre en œuvre des mesures conjointes destinées à contrôler directement la capacité de pêche.

En principe, les difficultés techniques du contrôle de la pêche en haute mer ne sont pas différentes de celles présentées dans ce document. Les difficultés particulières résident plus dans la mise en place d’un cadre juridique efficace, et dans l’application des réglementations, vu l’étendue des zones concernées et la question des ‘pavillons de complaisance’. Les transferts liés à la réduction de la capacité dans les ZEE sont susceptibles de constituer un problème particulier, avec des navires qui peuvent être déplacés en outre vers la haute mer, et souvent en changeant de pavillon. Il convient que les états prennent des mesures pour contrôler leur capacité en prenant compte de cet impact.

Les autorités publiques chargées des pêches devraient donc évaluer l’effet de tout transfert possible de capacité de pêche vers la haute mer, en particulier lorsqu’il pourrait résulter des mesures prises en vue de gérer la capacité au niveau national. Une attention particulière s’impose lors de la mise en place de programmes de rachat importants.

Une meilleure la gestion de la pêche en haute mer implique clairement une coopération accrue entre les nations concernées et dans le renforcement des organisations régionales de gestion des pêches.

11. LA PÊCHE ARTISANALE

Le problème de la pêche artisanale a été abordé à différents endroits dans ce document. Cette section résume les aspects principaux relatifs à la gestion de la capacité dans ces pêcheries. Une série de directives techniques ciblant spécifiquement le problème de la gestion de la pêche artisanale est en cours de préparation à la FAO.

En premier lieu, la surcapacité affecte les pêcheries artisanales autant que les autres pêcheries. Laa nature de la pêche artisanale peut être quelque peu différente en raison de l’intensité de l’utilisation de la main d’œuvre. Par exemple, la capacité peut prendre une forme latente, en ce sens que les pêcheurs peuvent avoir d’autres activités (agricoles, par exemple) et se tourner rapidement vers la pêche si les conditions économiques le permettent.

Néanmoins dans certaines circonstances, la main d’œuvre peut être aussi peu malléable que le capital, dans la mesure où il peut être relativement facile pour les gens de commencer à pêcher, mais difficile d’abandonner à nouveau l’activité.

Les questions générales relatives à la capacité dans les pêcheries artisanales sont les mêmes que celles qui ont été discutées jusqu’ici. La capacité ne sera limitée que s’il y a un contrôle direct ou indirect de l’accès aux pêcheries. Le contrôle de la capacité fait appel aux mêmes instruments, mais leur applicabilité est souvent différente, encore qu’il faille en juger au cas par cas. Il semble que beaucoup de pêcheries artisanales soient plus faciles à gérer sur une base territoriale plutôt que par des mesures quantitatives, comme les QI ou même les licences. Dans certains cas, l’approche la plus efficace pourrait être le renforcement des systèmes traditionnels de gestion des pêches, peut-être en les formalisant sous la forme de systèmes de gestion communautaire. L’organisation des petits pêcheurs sur une base communautaire peut aussi permettre de limiter les captures d’une manière globale, la décision revenant à la communauté pour ce qui concerne les modalités de capture.

Les exemples de la Nouvelle-Zélande et de Madagascar, dont il a été question plus haut, prouvent que toutes les composantes d’une pêcherie devraient être incluses dans le système de gestion, quelle que soit la difficulté rencontrée pour inclure les petites pêches (pêche artisanale de subsistance ou commerciale et pêche de loisirs). Dans le cas contraire, les avantages économiques tirés du contrôle de la capacité par les segments réglementés de la flottille, peuvent être réduits par des accroissements de capacité dans les segments non réglementés. C’est souvent la petite pêche qui constitue la partie non réglementée, ce qui, pour un certain nombre de pays, se traduit par la réduction de l’efficacité de leur politique de gestion, du fait de l’expansion de la petite pêche. En outre, cette expansion peut survenir très rapidement et peut être difficile à gérer une fois le processus initié.

Le fait de se pencher sur ce problème ne signifie pas nécessairement la réduction de la contribution d’un secteur au profit d’un autre. Il souligne plutôt l’importance de l’intégration, au départ, des différentes composantes de la pêche dans un système de gestion commun. Le cas de la pêche aux crevettes à Madagascar est instructif à cet égard. Des analyses entreprises à la fin des années 1980, ont montré que la pêche artisanale pouvait être, considérée comme un secteur marginal, s’appuyant sur des engins de pêche traditionnels, avec peu de perspectives d’expansion. Avec du recul, il apparaît que ce raisonnement a occulté la possibilité, pour les pêcheurs, de répondre à de nouvelles incitations en développant des techniques de pêches nouvelles et plus productives, en établissant des liens avec le marché d’exportation. En conséquence, la pêche artisanale a connu une expansion telle qu’elle menace aujourd’hui un système de gestion qui, par ailleurs, avait réussi à gérer la capacité de pêche industrielle. L’enseignement général que l’on peut en tirer est que si des incitations économiques existent, les pêcheurs trouveront un moyen pour accroître leur capacité.

Il est essentiel d’étudier les intérêts et les problèmes du secteur de la petite pêche, dès le début, au moment de la formulation des plans de gestion des pêches. Deux domaines principaux requièrent une attention particulière. Tout d’abord, les rôles respectifs de la petite pêche et de la pêche industrielle doivent être définis, notamment si elles interagissent. Deuxièmement, il faut éviter que l’accès libre et gratuit ne mène à la paupérisation des petits pêcheurs, en particulier pour les pays en voie de développement, lorsque les conditions d’emploi alternatif sont limitées.

La Section 9.2 sur la recherche suggère que de nouveaux instruments de gestion devraient être développés. Cela s’applique particulièrement au cas des petites pêches, pour lesquelles la gamme d’instruments est limitée. Il serait très utile de conduire une étude comparative des divers instruments ayant pu être utilisés avec succès dans différents contextes et d’identifier sur cette base un certain nombre de «bonnes pratiques». Il est aussi nécessaire d’entreprendre un travail approfondi pour développer des expériences de co-gestion ou de gestion communautaire dans les pêcheries tropicales. Des expériences pourraient également être menées pour étudier la possibilité d’appliquer les méthodes de gestion existantes aux petites pêches. Par exemple, l’utilisation d’une technologie de l’information appropriée peut faciliter l’utilisation de systèmes de quotas individuels dans certains cas. Il est également possible que le contrôle des petites pêches soit plus efficient si appliqué au niveau de la commercialisation plutôt qu’à celui de la production.

Dans beaucoup de pays, une première étape pourrait consister en un renforcement de l’organisation des petits pêcheurs, pour ensuite élaborer des schémas de gestion en coopération étroite avec ces organisations et de convenir d’un programme de mise en œuvre expérimental. Les pays en voie de développement, dans lesquels la pêche artisanale domine, sont confrontés à une surcapacité croissante, mais aussi à un manque de moyens financiers et techniques pour aborder ce problème. Dans ces pays, l’assistance des bailleurs de fonds pourrait s’avérer utile.

12. LE RÔLE DE L’INDUSTRIE

Il est certain que la participation de l’industrie (armateurs, pêcheurs et autres personnes impliquées dans l’explitation) dans la gestion des pêches n’a pas reçu toute l’attention requise dans la plupart des pays. Cette participation a été généralement limitée au rôle consultatif joué par les représentants de l’industrie.

Etant donné la nature des décisions à prendre pour gérer la capacité de pêche, il conviendrait de renforcer le rôle de l’industrie dans le développement d’approches alternatives et dans la définition de mesures de gestions spécifiques. Les représentants de l’industrie des pêches devraient être en mesure de donner des conseils sur les réponses probables de l’industrie face à différentes mesures, et être en mesure de proposer des alternatives pour la résolution des problèmes. En outre, il est clair que l’industrie aura un rôle actif à jouer au moment de la mise en application de mesures de gestion de la capacité, et dans l’évolution progressive de ces mesures vers une forme de co-gestion.

La création d’organisations professionnelles ou collectives répond généralement à différents objectifs: la gestion portuaire; une commercialisation collective; la participation aux systèmes de crédit et autres actions de développement; la défense des intérêts du groupe (intérêt général, territorial, ou intérêt de certains segments de la flotte). Le mode d’organisation est important, mais pas fondamental, si le rôle de ces organisations dans la gestion est essentiellement de nature consultative. Afin de jouer un rôle actif dans la mise en œuvre de mesures de gestion de la capacité de pêche, les pêcheurs pourraient cependant avoir à se réorganiser selon d’autres modalités.

Afin de parvenir à l’objectif d’une participation effective dans la gestion des pêches et de la capacité de pêche, les organisations devront être pertinentes et donc adaptées au système de gestion mis en œuvre. L’introduction d’un nouveau système peut nécessiter certaines adaptations de l’organisation des principaux acteurs. Les autorités publiques chargées des pêches devraient si nécessaire, faciliter ces adaptations.

Le rôle précis de l’industrie dépendra du système de gestion de la capacité. Dans le cadre d’une évolution vers un système de co-gestion, des responsabilités spécifiques pourraient être dévolues aux organisations d’armateurs/pêcheurs concernées.

Un autre élément important est le climat général qui caractérise les relations entre les autorités publiques chargées des pêches et l’industrie. Les autorités publiques chargées des pêches sont souvent considérées comme des ‘régulateurs’, et souvent comme de piètres régulateurs. D’un autre côté, les autorités de pêches considèrent l’industrie comme étant surtout mobilisée par la recherche de profits à court terme et par la préservation des nombreux avantages acquis au titre des politiques de développement antérieures. Il serait intéressant pour les Etats confrontés à cette situation, de prendre d’importantes mesures en vue de mettre en place un environnement plus constructif et de nouer enfin un partenariat réel avec l’industrie.

13. CONCLUSION

Au niveau mondial, un grand nombre de pêcheries sont surexploitées. Cette surexploitation possède deux dimensions: la surexploitation et la surcapacité. Dans le passé, les politiques en matière de pêche ont mis l’accent presque exclusivement sur la surexploitation, mais une prise de conscience grandissante s’est fait jour, reflétée au niveau international dans le PAI, de la nécessité de lutter spécifiquement contre la surcapacité afin d’assurer un exploitation durable des ressources halieutiques. Ce document donne des indications sur la manière de contrôler la capacité et, le cas échant, de la réduire.

Ce document met l’accent sur le fait que la surcapacité se manifeste initialement en conséquence de conditions d’accès libre et gratuit prévalant historiquement dans l’exploitation des pêches. Les mesures de gestion qui n’ont pas réussi à prendre en compte les difficultés relatives à l’accès, ont souvent aggravé la surcapacité (cas de l’accès libre mais réglementé), quand bien même leurs objectifs immédiats auraient été atteints. Par conséquent, toute politique élaborée en vue de gérer la surcapacité doit nécessairement prendre en compte le problème des conditions d’accès à la pêche. Aucune politique ne pourra s’avérer efficace tant que des conditions d’accès libre et gratuit demeureront en vigueur.

Le document étudie les principales méthodes qui peuvent être utilisées dans le contrôle et la réduction de la capacité. Pour l’heure, les options en matière de gestion de la capacité de pêche sont limitées. L’expérience actuelle dans la gestion de la pêche au niveau des ZEE met en lumière deux notions nouvelles et intimement liées: les modèles de gestion basés sur l’octroi de droits et sur la participation active de l’industrie. Pour ce qui concerne les stocks partagés et la pêche en haute mer, la priorité doit être donnée au renforcement des organisations régionales de gestion des pêches. En réponse à la mobilité des flottilles, il est nécessaire de mettre en place une coopération internationale renforcée, partant d’une mise en œuvre effective des instruments internationaux relatifs à la pêche.

Il est intéressant de remarquer que les mesures de contrôle de la capacité de pêche prennent également en compte le problème de la surexploitation; le contraire n’étant pas vrai. Dans le cas des pêcheries qui ne sont pas encore touchées par la surexploitation, l’élément-clé est d’introduire un système de contrôle de la capacité le plus tôt possible. La manière la plus simple et la plus économique d’appréhender la surcapacité est en effet d’éviter en premier lieu le surdéveloppement des flottes et de l’investissement. Dès que des pêcheries sont affectées par la surcapacité et la surexploitation, la gestion devient beaucoup plus difficile car il est alors nécessaire, non seulement de contrôler la capacité de pêche, mais aussi de la réduire.

L’adoption du PAI sur la gestion de la capacité de pêche constitue une étape importante dans la mise en œuvre des principes directeurs du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO. Le renforcement de la gouvernance des pêches est de plus en plus reconnu par les Etats comme un facteur fondamental pour l’utilisation durable et responsable des ressources halieutiques. Le PAI souligne également un changement important dans les pratiques de gestion des pêches: au-delà des pratiques antérieures qui visait surtout la conservation de stocks ou groupes de stocks spécifiques considérés généralement de façon isolée, et qui se basait exclusivement sur des méthodes destinées à empêcher une capture excessive et à accroître la productivité des stocks. Avec le PAI, la gestion de la capacité de pêche devrait finalement devenir partie intégrante des politiques de conservation et de gestion des pêches, l’accent étant mis en particulier sur la réalisation d’un juste équilibre entre l’investissement en intrants et le potentiel de production des stocks.


[1] Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion
[2] Accord visant à favoriser l’application des dispositions de la Convention sur le droit de la mer des Nations Unies du 10 décembre 1982 relatives à la gestion des stocks de poisson chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs.
[3] Aux Etats-Unis, trois définitions de la capacité ont été proposés (NMFS, 1999):

Définition technique: La Capacité Technique est le ‘niveau de captures qu’une flottille de pêche donnée peut raisonnablement réaliser au cours d’une période donnée (année, saison) si les intrants variables sont utilisés selon des conditions normales d’opération, pour un niveau donné: des stocks, de la technologie et autres contraintes de production’. Selon cette définition, la capacité excédentaire existe lorsque la capacité technique excède un niveau de capture établi pour restaurer ou maintenir le stock à un niveau cible de long terme.

Définition économique: la capacité économique, évaluée sur la base d’une minimisation des coûts, est le ‘niveau de production (captures) pouvant être réalisé au cours d’une période donnée (année, saison) de sorte que les coûts totaux moyens à court et long terme soient égaux, étant donné: la taille et la composition de la flottille, l’état des ressources, les conditions de marché, l’état de la technologie et des autres contraintes pertinentes’. Une fonction de coûts est estimée et résolue pour un niveau optimal de produit étant donné une technologie de production particulière en calculant et en comparant les coûts moyens à court et à moyen terme de l’entreprise de pêche. Néanmoins, la minimisation des coûts n’est pas le seul objectif qui peut déterminer le comportement du pêcheur et des objectifs alternatifs ont été suggérés dans la définition suivante.

Définition économique modifiée: les niveaux de capacités économiques, basés sur des fonctions objectifs alternatives sont ‘les niveaux de production capturés réalisés au cours d’une période donnée (année, saison) de sorte que les objectifs (par exemple profit ou bénéfice social net) soient maximisés, étant donné: la taille et la composition de la flottille, l’état des ressources, les conditions de marché, l’état de la technologie et des autres contraintes pertinentes’. Dans cette définition, le niveau de production potentiel pourrait être différent de celui obtenu par minimisation des coûts, en fonction de la manière dont l’objectif alternatif affecte le comportement du pêcheur.
[4] Une fonction de production est une fonction mathématique qui relie un niveau de capture à des niveaux spécifiques d’intrants, dont l’effort (ou ses composantes) et la taille du stock. Elle peut être estimée à partir de données historiques sur la capture, les intrants (navires ou effort) et les taux de capture (capture par navire ou capture par unité d’effort). La comparabilité des données utilisées est une question clé et nécessite d’accorder une attention particulière à la standardisation (par exemple pour comparer des navires de différents types) et à l’effet des changements technologiques pour toute comparaison dans le temps.
[5] La surcapitalisation est quelquefois utilisée en référence à la surcapacité. Si on suppose que les navires sont essentiellement composés de capital, la taille excessive d’une flottille pourrait indiquer une certaine forme de ‘surcapitalisation globale’. Néanmoins la surcapitalisation renvoie en fait à une utilisation excessive de capital dans une flottille donnée, c’est-à-dire au profil de la flottille plutôt qu’à sa taille.
[6] Une définition économique de la capacité reconnaît que la capacité est non seulement liée aux capacités physiques (pleine utilisation) d’une flottille pour produire un effort ou du poisson, mais également au coût induit (minimisation du coût). [voir note de bas de page N° 3].


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