En termes simples, le problème se pose essentiellement ainsi: il y a trop de navires, et donc une capacité excessive, dans un nombre croissant de pêcheries. Lexistence dune capacité de pêche excessive est en grande partie responsable de la dégradation des ressources halieutiques, dune réduction du potentiel de production alimentaire et dun important gaspillage économique. Cela se manifeste principalement au travers de la redondance des intrants de pêche et dune surexploitation des stocks de poissons à haute valeur commerciale. Le problème de lexcès de capacité de pêche affecte de nombreuses pêcheries nationales à travers le monde, et de manière encore plus évidente, la pêche en haute mer. La globalisation de ce phénomène est illustrée par les écarts relatifs qui existent entre lévolution de la taille de la flottille et celle du volume des captures des principales espèces depuis la fin des années 1980. Selon la FAO, la taille nominale des flottilles a atteint son point maximum au milieu des années 90. Néanmoins, la capacité de pêche actuelle a peut être continué à saccroître si lon prend en compte lamélioration de lefficacité des nouveaux navires et leur réarmement (Gréboval, 1998).
La gestion de la capacité de pêche se comprend ici comme lélaboration et la mise en uvre de politiques et de mesures en vue déquilibrer intrants de pêche et production, laccent étant mis sur les aspects économiques. Les sections 2 et 3 font référence aux propositions de politique générale contenues dans le Code de conduite pour une pêche responsable et le Plan daction international pour la gestion de la capacité de pêche. Les sections 4 et 7 examinent les définitions ainsi que lorigine et les conséquences de la surcapacité. La section 8 donne des informations sur les différentes mesures qui peuvent être utilisées en vue de gérer la capacité de pêche, mesures allant des incitations économiques au contrôle des intrants de pêche et de la production. La section 9 donne des informations sur les exigences dordre administratif et de recherche. Les sections 10 à 12 examinent les considérations spéciales liées à la pêche en haute mer, à la pêche artisanale et à la participation de lindustrie.
Ce document est de nature préliminaire. Il tente de mettre en lumière certains points et de fournir une première orientation sur les nombreuses questions liées à la gestion de la capacité de pêche. En temps opportun, une documentation complémentaire devra être élaborée afin daborder plus en détail les questions spécifiques. Il en est ainsi pour ce qui concerne les aspects liés à la mesure et à lévaluation de la capacité, pour lesquels un document sera ultérieurement élaboré par la FAO, suite à la Consultation technique organisée par la FAO sur ce sujet (FAO, 2000a). Il en est de même pour les méthodes spécifiques de gestion de la pêche qui sont spécialement pertinents dans le cadre du contrôle de la capacité de pêche (par exemple les quotas individuels, et les schémas de régulation de laccès), pour les méthodes qui visent directement à réduire les excédents de capacité (par exemple les programmes de rachat de navire) et pour dautres questions y afférentes (par exemple les subventions et les incitations économiques). Dans ce document, laccent est mis sur les questions économiques et celles relatives à la pérennité de lexploitation. Ceci découle de la nature et des conséquences fondamentales de la surcapacité, ainsi que des principes directeurs du CCPR relatifs à cette question. Enfin, il faut souligner que la gestion de la capacité de pêche est étroitement liée aux questions relatives à la gestion de la pêche en général. Par conséquent, le lecteur est également encouragé à se référer aux directives du CCPR sur la gestion des pêches (FAO, 1999).
La surcapacité est reconnue dans le Code de conduite pour une pêche responsable comme un problème clé, et est examinée de manière spécifique dans plusieurs articles. Il nen est pas donné de définition spécifique, mais, en termes généraux, le Code fait référence à la taille excessive des flottilles, ou à un effort de pêche excessif. LArticle 6 du Code qui fixe les Principes généraux comprend un certain nombre darticles relatifs à la question de la surcapacité.
Article 6.1: Les Etats et les utilisateurs des ressources bioaquatiques devraient conserver les écosystèmes aquatiques. Le droit de pêcher implique lobligation de le faire de manière responsable afin dassurer effectivement la conservation et la gestion des ressources bioaquatiques.
La production halieutique requiert lutilisation dun certain nombre dintrants, dont le premier est le stock de poisson lui-même. Il existe dautres intrants-clés qui sont liés aux navires de pêche (ou aux unités de pêche, pour tenir compte du cas dune pêche sans navire), dont la main duvre, le capital, la technologie et le temps de pêche. Cet article suggère que le stock de poisson soit maintenu à un certain niveau, à partir duquel il est possible de sexprimer sur le degré dutilisation excessive des autres intrants. Le concept de Rendement Maximum (MSY) ainsi que dautres points de référence (Caddy et Mahon, 1996) ont été utilisés à cet effet. Les points de référence ont dabord été définis en fonction du niveau de capture, de leffort et de la mortalité des poissons, relativement à une taille de stock souhaitée. LArticle 6.3 associe spécifiquement la surexploitation du stock de poisson au problème de lexcès de la capacité de pêche.
Article 6.3: les Etats devraient empêcher la surexploitation et devraient mettre en uvre des mesures daménagement afin dassurer que leffort de pêche soit proportionnel à la capacité de production des ressources halieutiques et leur utilisation durable. Ils devraient prendre, lorsquil y a lieu, des mesures afin de permettre autant que possible la reconstitution des populations.
Ce principe revêt une importance si fondamentale quil est réitéré dans larticle 7 du Code, qui concerne spécifiquement la «Gestion de la Pêche». Il y est fait référence tout dabord comme un principe général de gestion de la pêche (Article 7.1.8) et ensuite dans le contexte des objectifs de la gestion (Articles 7.2.1 et 7.2.2). On voit clairement que le CCPR cherche à prévenir à la fois la surpêche, qui découlerait dun effort de pêche trop important résultant en une capture excessive, et la surcapacité liée à la mobilisation dintrants de pêche excessifs qui pourraient être, ou ne pas être, utilisés dans toute leur potentialité. Ce principe devient plus clair dans larticle 7.1.8, et fondamentalement, ceci signifie que les Etats ne devraient pas autoriser une taille de flottille et un effort de pêche qui aille au-delà dun niveau considéré comme conforme à une utilisation durable. La distinction est particulièrement importante et elle est abordée en détail dans la section 4. Les articles suivants contiennent des propositions complémentaires:
Article 7.1.8: Les Etats devraient prendre des mesures pour empêcher ou éliminer la surcapacité de pêche et veiller à ce que le niveau de leffort de pêche soit compatible avec lexploitation durable des ressources halieutiques, afin dassurer lefficacité des mesures de conservation et de gestion.
Article 7.2.1 Reconnaissant que lutilisation durable à long terme des ressources halieutiques constitue lobjectif principal de la conservation et de laménagement, les Etats et les organisations et arrangements régionaux ou sous-régionaux daménagement des pêcheries devraient, entre autres, adopter des mesures appropriées, fondées sur les données disponibles les plus fiables, qui soient conçues pour maintenir ou rétablir les stocks à des niveaux capables de produire leur rendement constant maximal, eu égard aux facteurs environnementaux et économiques pertinents, y compris les besoins particuliers des pays en développement.
Article 7.2.2: Ces mesures devraient, entre autres, permettre que:
a) la constitution dune capacité de pêche excédentaire soit évitée et que lexploitation des stocks reste économiquement viable;
b) les conditions économiques dans lesquelles opèrent les entreprises de pêche favorisent une pêche responsable;
Dans larticle 7.1.8, laccent est mis à la fois sur lélimination de lexcédent de capacité de pêche, et sur la prévention de son augmentation excessive. Ceci indique clairement que la gestion de la capacité de pêche est applicable à toutes les pêcheries, indépendamment de leur statut dexploitation. La prévention est généralement plus facile à mettre en uvre que la rémission, en particulier dans le cas dun contexte industriel où des intrants-clés (les navires) ont une durée de vie denviron 30 ans et peu dalternatives dutilisation. Dun autre côté, larticle 7.2.1 donne des conseils sur les niveaux de stocks cibles et par conséquent, un point de départ pour définir leffort et la capacité cibles. Larticle 7.2.2 établit un lien supplémentaire entre la durabilité et les exigences économiques. Dans lensemble, ces articles réclament des mesures visant à éviter le gaspillage économique constitué par la surcapacité, au travers de mesures préventives ou curatives qui auront pour conséquences la durabilité et la viabilité économique, ainsi quau travers dincitations économiques, ou autres, propices à des pratiques de pêche responsables.
Les articles 7.6.3 et 7.6.5 fournissent des détails complémentaires sur la nature des mesures qui peuvent être envisagées.
Article 7.6.3: Là où il existe une surcapacité de pêche, des mécanismes devraient être mis en place pour ramener la capacité à des niveaux compatibles avec lutilisation durable des ressources halieutiques, et faire en sorte que les pêcheurs opèrent dans des conditions économiques qui favorisent une pêche responsable. Ces mécanismes devraient inclure le suivi de la capacité des flottilles de pêche.
Article 7.6.5: Les Etats et les organisations et arrangements daménagement des pêcheries devraient réglementer la pêche de manière à éviter les risques de conflits entre les pêcheurs utilisant des bateaux, engins et méthodes de pêche de types différents.
La question de la surcapacité est complexe et le Code envisage la nécessité dentreprendre des recherches appropriées (Article 7.4.3)
Article 7.4.3: Il y aurait lieu de promouvoir des études permettant de comprendre les coûts, avantages et effets des differentes options daménagement possibles conçues pour rationaliser lexercice de la pêche, en particulier des options ayant trait à la capacité excédentaire de pêche et aux niveaux deffort de pêche excessif.
Le Code stipule également le fait quil ne sagit pas simplement du problème du niveau de la capacité, mais aussi de celui de sa structure. Les Etats devraient, par exemple, favoriser des types de capacité de pêche particuliers afin de minimiser limpact environnemental des activités de pêche. (Article 6.6). De même, différents sous-secteurs de la pêche (par exemple: les sous-secteurs industriel, semi-industriel, artisanal et de loisirs) peuvent nécessiter une attention spéciale, et/ou des approches alternatives, notamment si les forces du marché entraînent des résultats indésirables sur le plan social.
Il est important de reconnaître quune approche de précaution requiert que la gestion de la capacité de pêche soit de nature préventive et partie intégrante de la gestion des pêches, plutôt que de constituer une réaction limitée à la réduction de la capacité excessive de pêche. Dans le cadre de lélaboration dun cadre approprié pour la gestion de la capacité de pêche, le CCPR souligne la nécessité détablir des points de référence clairs et de justifier la dimension économique de la question notamment dans loptique de la réduction du gaspillage économique et de la promotion dune industrie de la pêche économiquement viable. La CCPR met également laccent sur la nécessité dadopter un cadre approprié pour évaluer et accompagner les politiques nationales dans la structuration de leur capacité de pêche.
Le PAI-Capacité est un instrument volontaire basé sur un certain nombre de principes majeurs du Code de conduite pour une pêche responsable, ainsi que sur des principes additionnels. Son application est envisagée en trois phases: i) évaluation et diagnostic; ii) adoption de mesures préliminaires de gestion; et iii) système détudes et dajustements périodiques, la priorité étant accordée à la gestion de la capacité de pêche lorsquelle entraîne une surpêche non ambiguë. Il est également recommandé dutiliser une approche globale, qui permette dintégrer tous les facteurs susceptibles daffecter la capacité dans les eaux nationales et internationales, tout en tenant compte de la mobilité des flottilles et de lévolution des technologies.
Lobjectif immédiat du PAI est damener «les Etats et les organisations de pêche régionales, dans le cadre de leurs compétences respectives, et conformément avec la loi internationale, à mettre en place dans le monde entier, de préférence avant 2003, mais pas plus tard quen 2005, une gestion efficace, équitable et transparente de la capacité de pêche». Le PAI stipule également que les Etats et les organisations de pêche régionales qui se heurtent à un problème de la surcapacité risquant de compromettre la durabilité des pêcheries, devraient chercher à limiter la capacité de pêche aux niveaux actuels et progressivement réduire la capacité appliquée aux pêcheries affectées. Dans les cas où la durabilité est réalisée, les Etats ainsi que les organisations régionales de la pêche sont néanmoins exhortés à faire preuve de prudence.
Le PAI indique un certain dactions à entreprendre de manière urgente. Celles-ci sont énumérées ci dessous, en référence au corpus du document: (a) évaluation et suivi de la capacité de pêche; (b) préparation et mise en uvre des plans nationaux; et (c) considérations internationales et actions immédiates en faveur des principales pêcheries internationales qui nécessitent une attention urgente.
Concernant lévaluation et le suivi de la capacité de pêche, le PAI recommande entre autres, que les Etats:
procèdent au cours des deux années à venir à une évaluation préliminaire de la capacité de pêche ainsi quà une identification systématique des pêcheries qui nécessitent une action urgente aux niveaux national et régional et, en collaboration avec la FAO, au niveau global; et
développent des registres appropriés pour leurs navires de pêche, et appuient létablissement, par la FAO, dun registre international des navires de pêche en haute mer.
Concernant la préparation et lapplication des plans nationaux, la PAI recommande, entre autres, que les Etats:
développent et appliquent, dans les deux ans à venir, un plan daction national en vue détudier la capacité de pêche, en justifiant leffet des différents systèmes de gestion sur la capacité de pêche, et si nécessaire, la nécessité de réduire la capacité dans certaines pêcheries;
adaptent ce plan daction régulièrement sur la base dune évaluation périodique et dans loptique dune efficacité accrue;
réduisent et éliminent progressivement tous les facteurs, notamment les subventions et les incitations économiques, qui contribuent directement ou indirectement au développement de capacités excessives;
coopèrent au sein des organisations de pêche régionales pour assurer une gestion effective de la capacité de pêche.
Sur le plan international, le PAI recommande, entre autres, que les Etats:
envisagent de participer aux accords internationaux relatifs à la gestion de la capacité de pêche, et notamment à lAccord de conformité de la FAO[1] et lAccord des Nations-Unies de 1995 sur les stocks de poisson[2];
prennent des mesures pour gérer la capacité de pêche de leurs navires de pêche en haute mer et coopèrent efficacement avec les autres Etats dans la réduction de la capacité de pêche appliquée aux pêcheries surexploitées;
reconnaissent la nécessité daborder le problème des Etats qui nassument pas leurs responsabilités conformément au droit international en tant quEtats du pavillon, et en particulier des Etats qui nexercent pas effectivement leur juridiction ni leur contrôle sur les navires qui contreviennent ou menacent lefficacité du droit international et des mesures internationales de conservation et de gestion;
soutiennent la coopération internationale afin dassurer que ces Etats du Pavillon contribuent aux efforts régionaux de gestion de la capacité de pêche; et
évitent dapprouver le transfert en haute mer de navires battant leur pavillon si ces transferts sont contraires aux principes dune pêche responsable dans le cadre du Code de conduite.
Le PAI invite les Etats à prendre des mesures immédiates pour aborder la gestion de la capacité de pêche appliquée aux principales pêcheries, en accordant une priorité aux stocks transfrontaliers, chevauchants et aux stocks de poissons grands migrateurs qui font lobjet dune surexploitation importante. Il exhorte les Etats à agir au niveau individuel ou multilatéral pour réduire substantiellement la capacité des flottilles exploitant ces ressources et ceci dans le cadre de leurs stratégies visant à restaurer les stocks surexploités à des niveaux durables.
Cette présentation du PAI et des paragraphes du CCPR y afférents montre limportance accordée par la communauté internationale à la gestion de la capacité de pêche, sa détermination à se pencher sur le problème avec promptitude et de manière systématique, la grande diversité des difficultés induites, et la liaison qui existe entre ces questions et la gestion de la pêche en général. Pourtant, aucun de ces deux documents ne donne beaucoup dinformation sur la manière de mettre en uvre les différentes dispositions quils contiennent, notamment celles relatives au suivi, à lévaluation et à la gestion de la capacité de pêche. Il est à noter que la capacité de pêche et la surcapacité sont demeurées des concepts vagues pendant toute la durée de la préparation et de la négociation des deux instruments.
Le PAI fait référence à la nécessité daborder le problème des Etats qui nassument pas leurs responsabilités conformément au droit international en tant quEtats du pavillon, et dappuyer la coopération internationale afin assurer que ces derniers contribuent aux efforts déployés au niveau régional pour gérer la capacité de pêche. Cette question a été récemment examinée dans le cadre de la Consultation technique de la FAO sur la pêche illégale, non réglementaire et non déclarée, organisée à Rome en décembre 2000. On peut sattendre à ce quun PAI spécifique soit adopté et que des Directives du CCPR soient préparées à cet effet. Ladoption PAI sur la Gestion de la capacité de pêche a également eu pour conséquence dattirer lattention sur la question des subventions et de leur impact sur la durabilité et sur le commerce international. La Commission sur le commerce et lenvironnement de lOMC a récemment examiné cette question en référence au secteur des pêches, et la FAO a organisé sur cette base une consultation dexperts sur les subventions et les incitations économiques en Novembre 2000.
La section 1 du PAI demande quune évaluation de la capacité de pêche relative à lensemble des flottilles impliquées dans les principales pêches soit mise en uvre au niveau national et international dici à la fin 2001. Une documentation spéciale est en cours délaboration par la FAO en vue de lexamen des questions liées à la mesure et à lévaluation de la capacité de pêche. Seules les questions fondamentales sont examinées dans cette section.
La capacité de pêche a été définie de différentes manières dans la littérature, soit relativement aux caractéristiques dun navire de pêche, soit à sa capacité à capturer du poisson (Kirkley et Squires, 1999). Le fait quelle nait pas été définie expressément dans le CCPR ou le PAI reflète la difficulté de définir la capacité et la surcapacité dune manière simple et non ambiguë. Peu de pays ont en fait développé une définition formelle aux fins de suivi et de gestion de la capacité de pêche. Lexemple des pays qui ont tenté de donner une définition, démontre quil peut exister des approches alternatives. En Australie, la capacité de pêche est définie comme leffort de pêche quun navire de pêche, ou une flottille, pourraient exercer si cet effort était entièrement utilisé, cest-à-dire si les navires ne subissaient pas de mesures de gestion contraignantes. Au niveau de lUnion européenne, elle est définie selon deux caractéristiques du navire: la jauge brute et la puissance du moteur principal, en supposant donc une pleine utilisation du navire. Au Canada et aux Etats-Unis[3], elle est définie tout dabord comme la quantité de poisson quun navire ou une flottille peut capturer, si celle-ci nest limitée par aucunes réglementations et autres mesures de gestion des stocks.
Comme indiqué dans le document de la FAO (2000a), la capacité peut être définie soit en fonction des intrants de pêche (navires, effort potentiel), soit en fonction de la production (capture potentielle). Dans les deux cas, il est essentiel de clarifier le mot potentiel, tel quil apparaît dans les exemples de définitions ci-dessus. Une définition générale est fournie ci-après:
La capacité de pêche est, pour une ressource donnée, la quantité de poisson (ou deffort de pêche) qui peut être produite au cours dune période donnée (par exemple une année) par un navire ou une flottille pleinement utilisée, cest-à-dire si leffort et la prise nétaient pas entravés par des mesures daménagement restrictives
Il faut noter que dans ce sens, la pleine utilisation signifie une utilisation normale sans restriction, plutôt quune utilisation maximale. Par exemple, on peut observer que les navires dune certaine catégorie seront:
a) capables dopérer potentiellement pendant un maximum de 300 jours de pêche par an (capacité maximale);
b) en mesure dopérer dans des conditions technico-commerciales normales pendant une moyenne de 260 jours de pêche sans restriction (pleine capacité); et
c) en mesure dopérer réellement pendant seulement 180 jours de pêche, (capacité observée), par exemple en raison des quotas imposés sur leffort ou la capture.
Lutilisation actuelle de la capacité (capacité observée/maximale) sera inférieure à 1 et peut être exprimée en pourcentage, comme il en est pour les autres secteurs industriels. Pour cet exemple spécifique, on peut observer que les navires opèrent à 60 pour cent de leur capacité dutilisation bien quils opèrent à environ 80 pour cent de leur capacité en cas dutilisation normale sans contrainte.
Comme pour les autres industries, on peut sattendre à ce que les navires nopèrent à capacité maximale que dans des circonstances particulières. Il est probable que cette situation se présente au cours dune année en cas dabondance saisonnière ou dun accroissement de la demande du marché. Même si elle est calculée sur une base annuelle, la capacité dutilisation devra être interprétée avec prudence. En effet, les niveaux de capacité dutilisation peuvent refléter des circonstances exceptionnelles (par exemple: une année de forte production faisant suite à un recrutement exceptionnellement élevé) ou des circonstances de production hautement variables (cas de la pêche pélagique où labondance montre dimportantes fluctuations inter-annuelles).
La mesure de la capacité de pêche est un problème relativement simple pour les pêcheries à espèce unique même si elles sont exploitées par différents segments de la flottille. Une fonction de production[4] fournira une méthode destimation de la capacité à la fois en termes de capture potentielle et deffort de pêche potentiel. Néanmoins, dans le cas de pêcheries à espèces et flottilles multiples, lestimation de la capacité peut savérer difficile étant donné que lutilisation potentielle de leffort doit être évaluée également en terme de ciblage potentiel entre différentes espèces.
Les Etats devraient adopter une définition nationale de la capacité de pêche et convenir dune définition commune lorsque la gestion de la capacité de pêche implique une coopération internationale. La Consultation technique de la FAO sur la mesure et lévaluation de la capacité de pêche a reconnu que la capacité peut être estimée, soit en terme dintrant, soit en terme de production. Dans le but de faire des comparaisons internationales, néanmoins, il a été recommandé aux états dexprimer leurs estimations nationales sur ces deux bases.
Que la capacité soit mesurée en terme dintrants ou de production, il est important de noter que les deux approches se réfèrent au même cadre conceptuel, cest-à-dire à lidentification et à la mesure de possibles déviations entre la capacité actuelle dune flottille (mesures en terme dintrants ou de production) et un niveau dexploitation cible qui ne peut être défini quen référence aux intrants et à la production.
Dans le domaine des pêches, la surcapacité décrit une situation dans laquelle la capacité de la flottille actuelle est plus importante que nécessaire pour assurer un niveau dexploitation cible durable. La sous-capacité et la pleine capacité peuvent être définies sur la même base.
Si un niveau dexploitation durable cible est défini pour une pêcherie particulière, comme MSY avec son niveau deffort correspondant (EMSY) et des conditions du stock (SMSY), la surcapacité peut être mesurée comme suit:
si la capacité est mesurée en terme dintrant, [par exemple comme leffort potentiel (Et) de la flottille actuelle], il y a surcapacité lorsque Et>EMSY.
si la capacité est mesurée en terme de produit, [par exemple comme la capture potentielle Ct)], il y a surcapacité lorsque la capture potentielle de la flottille actuelle pour un niveau de stocks cible est plus élevée que le niveau de capture cible, cest-à-dire lorsque Ct> MSY, avec Ct= f (Et, SMSY).
Un niveau dexploitation cible peut être défini sur la base des différents points de référence utilisés pour la gestion de la pêche. Ceux-ci peuvent être définis en relation à la durabilité à long terme, à lefficacité économique, ou à des principes de précaution. Un point de référence peut sappliquer à un objectif dexploitation à long terme ou à un objectif à court terme (par exemple un niveau de captures totales admissible - TAC) fixé pour restaurer ou maintenir le stock à une taille définie à long terme. Les points de référence les plus communément utilisés dans la gestion des pêches ont été décrits par Caddy et Mahon (1996). On compte parmi ces points de référence: MSY, le Rendement Moyen à Long Terme (RMLT), le Rendement Constant Maximum (RCM), le Rendement Economique Maximum (REM), le Revenu Maximum (RM), ainsi que dautres niveaux dexploitation liés à lapproche de précaution et généralement exprimés en terme de mortalité de pêche. Les indicateurs de durabilité, tels quils ont été développés dans le document FAO (1996b) peuvent aussi savérer utiles dans lestimation de niveaux dintrants et de production cible.
Lorsquun niveau significatif de surcapacité a été identifié, son interprétation va évidemment dépendre du point de référence utilisé dans la définition du niveau dexploitation cible.
En supposant que la surcapacité ait été évaluée en référence à une production durable maximale, (MSY, EMSY), la surcapacité indiquera que la taille actuelle de la flottille excède la taille de la flottille nécessaire pour une production durable à MSY. Cette situation devrait impliquer une surexploitation biologique si la flottille travaille à pleine capacité. Néanmoins, il nen sera pas de même si la capacité dutilisation est basse en conséquence de mesures de gestion introduites avec succès afin dempêcher toute surpêche. En dautres termes, la surexploitation implique la surcapacité mais la surcapacité nimplique pas nécessairement la surexploitation biologique.
Cet exemple montre également que lefficacité économique est prise en compte de manière implicite dans la définition de la surcapacité, quel que soit le point de référence utilisé. Ceci découle du fait que la capacité est estimée sur la base dune pleine utilisation et que celle-ci constitue un élément de minimisation de coût. Etant donné le profil actuel de la flottille, la surcapacité indique que la taille de la flottille est excessive et quil est possible dobtenir une meilleure durabilité et une performance économique en la réduisant[5]. Des considérations dordre économique peuvent être introduites de manière plus explicite en utilisant un point de référence économique tel que le REM, (niveau dexploitation durable qui permet de maximiser le bénéfice économique net), ou en utilisant une définition économique de la capacité[6].
Lune des corollaires à la mesure et à lévaluation de la capacité de pêche est lévaluation des déviations possibles entre un profil de flottille observé et un profil de flottille souhaité. Cette question est dune pertinence particulière quant à lefficacité économique, indépendamment du niveau de la capacité. Mais en présence dune surcapacité significative et avant dentreprendre des mesures de redressement, il serait particulièrement intéressant davoir plus dinformation sur la performance des différents navires ou des segments de flottille, cest-à-dire didentifier les navires qui peuvent être désarmés en priorité. Ce problème peut être abordé indépendamment de la mesure de la capacité, comme indiqué dans ce document.
Dans linterprétation de la surcapacité, dautres aspects méritent examen. Par exemple, lexistence dune surcapacité implique que les navires excédentaires ne puissent pas être immédiatement retirés: par exemple pour être affectés à dautres pêcheries, pour un coût modeste, et sans créer de surcapacité de ces pêcheries. La surcapacité implique aussi la poursuite des pratiques de pêches courantes. Certaines peuvent affecter la productivité de la ressource de manière significative, sans être mises en évidence par le processus destimation de la capacité: à titre dexemple, la capacité peut être excessive du fait du maillage actuel, mais pas nécessairement si un maillage plus adéquat était utilisé de manière durable.
Une évaluation globale de la capacité de pêche dans les pêcheries nationales fourni une image de lutilisation de la capacité (en fait, une indication de leffet possible des mesures daménagement en cours), permet lidentification des pêcheries susceptibles de se heurter à un problème de surcapacité, et donne une indication de limportance du problème. Une évaluation globale de la capacité de pêche complète les résultats de lévaluation des ressources halieutiques, les deux étant étroitement liées. Ainsi quindiquée dans le PAI, cette évaluation de la capacité doit également être appliquée aux principales pêcheries internationales. Dans une première étape, les Etats peuvent opter pour une définition technique de la capacité et utiliser quelques points de référence simples qui ne nécessitent pas trop de données. A terme, la surcapacité pourra être réévaluée, en prenant en compte plus explicitement les aspects économiques ou en utilisant des points de référence plus appropriés pour différentes pêcheries.
Pour mesurer limportance de la surcapacité, les autorités publiques chargées des pêches devraient convenir de points de référence appropriés et prendre en compte la nécessité dadopter un point de référence commun pour les pêcheries internationales auxquelles ils participent. Dans la perspective de comparaisons internationales de grande ampleur, la Consultation technique de la FAO sur la mesure et lévaluation de la capacité de pêche a aussi recommandé que le MSY soit utilisé par tous Etats comme point de référence global, indépendamment des points de référence qui peuvent être choisis par ailleurs aux niveaux national et international.
Une gestion et une évaluation précises de la capacité de pêche peut savérer être une entreprise difficile. Néanmoins, cela ne doit pas entraver le développement de politiques de gestion. Il est clair que dans beaucoup de pêcheries, il y a excédent de capacité. Dans beaucoup de pays, il est tout aussi clair que de nombreux segments de flottille sont largement surdéveloppés. Dans ces cas, la précision des évaluations demeure un élément secondaire pour aborder la gestion de la capacité de pêche de manière effective et durable.
La mesure et lévaluation de la capacité de pêche devraient être abordées comme un processus dynamique de diagnostics périodiques et daméliorations méthodologiques. Conformément au principe de précaution, les autorités chargées des pêches ne devraient pas permettre que lincertitude des évaluations puisse retarder lapplication de politiques de contrôle et, le cas échéant, de réduction de la capacité.
Lorigine fondamentale de la surcapacité est la prévalence de laccès libre et gratuit à la ressource. Le fait lui-même indique des solutions qui entrent dans deux grandes catégories: la mise en place de schémas liés à la régulation de laccès ou au paiement du droit daccès.
Plusieurs problèmes se posent dans des conditions daccès libre et gratuit, qui nécessitent lintervention des autorités chargées de la gestion. Le plus souvent, il semble que la question-clé justifiant cette intervention est la conservation du stock de poisson. Avec du recul, il est clair que la surcapacité est également un problème clé. A moins dinstituer des systèmes de gestion qui permettent un examen du problème de la surcapacité, la gestion de la pêche est condamnée à être un échec coûteux. Cela est vrai sur le long terme, même si lobjectif, important mais limité, de conserver les stocks peut être atteint dans les premiers stades du développement dune pêcherie.
Limportance accordée à létat des stocks a incité les autorités chargées de la gestion des pêches à changer le régime daccès: de laccès libre et gratuit vers une situation caractérisée par un accès libre mais réglementé. Dans le cadre de ce schéma de gestion, un ou plusieurs éléments du système dexploitation sont entravés (par exemple: limitation de la capture totale par quota (TAC) ou restrictions dans lutilisation des navires et des engins de pêche), mais laccès demeure libre et gratuit malgré les contraintes imposées. Cette approche contribue généralement à rendre le problème de surcapacité plus important encore car les pêcheurs réagissent à la contrainte, par exemple en utilisant des bateaux plus grands dans le cadre dune régulation par TAC. Pour apporter une solution au problème de la surcapacité, les autorités chargées de la gestion des pêches devraient concentrer leurs efforts plus directement sur la flottille de pêche elle-même, et moins sur les stocks de poisson. Cela ne signifie pas que les autorités devraient nécessairement intervenir directement au niveau de la flotte, mais quelles devraient sassurer que les incitations appropriées sont en place pour décourager toute nouvelle augmentation de capacité.
Il est important de comprendre que le développement de la surcapacité est la conséquence dun investissement rationnel de la part de pêcheurs - étant donné les diverses incitations économiques qui prévalent dans le cadre de laccès libre et de laccès libre mais réglementé - et qui entraînent un accroissement de la capacité au-delà des niveaux qui seraient optimaux pour la société prise dans son ensemble. Bien quil faille déplorer ce résultat, ce dernier nest guère surprenant. Linvestissement dans la capacité de pêche se base sur un objectif de rentabilité et pas seulement sur une prévision des débarquements. Ce résultat confirme simplement le vieil adage qui dit que les pêcheurs pêchent pour largent et pas pour le poisson. Aussi longtemps que la valeur nette du poisson continue à augmenter, on peut sattendre à ce que la capacité augmente également, à moins délaborer des politiques qui vont inverser cette tendance.
Les décideurs devraient reconnaître que la surcapacité est une conséquence directe de laccès libre et gratuit et examiner la question de la gestion de la capacité de pêche sous cet angle. Pour élaborer une politique de gestion de la capacité de pêche, il est donc essentiel dentreprendre une analyse approfondie des conditions daccès existantes et des dispositions alternatives possibles
La surcapacité observée dans les pêcheries mondiales est aussi le résultat de différents facteurs qui influent sur la rentabilité. Certains de ces facteurs sont liés à lévolution normale de toute industrie, tels que:
la nature changeante de lindustrie de la pêche, qui est de plus en plus compétitive et mobilisatrice de capitaux et dont les marchés sont maintenant largement basés sur des produits faisant lobjet dun commerce international;
la croissance rapide de la technologie de lexploitation, avec des navires de taille similaire qui sont aujourdhui capables de capturer des tonnages plusieurs fois supérieurs à ce qui pouvait être observé il y a 25 ans;
lexpansion rapide du marché des produits de la pêche, qui implique des prix relativement favorables;
la robustesse de la rentabilité des activités de pêche, conséquence du progrès technique et de prix élevés, qui a offert des opportunités dexploitation de nouvelles pêcheries, mais qui a aussi entravé la réduction des flottilles dans les pêcheries surexploitées.
Dautres facteurs sont liés aux politiques nationales visant à soutenir le développement de la capacité de pêche. Ces politiques ont prévalu jusquà la fin des années 1980, et sont toujours en vigueur dans beaucoup de pays. Parmi les instruments utilisés dans ce contexte, le principal a été les subventions et dautres incitations économiques mises en place pour promouvoir le développement de flottilles nationales permettant dexploiter les ressources qui sont devenues disponibles à la suite de lextension des zones maritimes sous juridiction nationale. Les subventions ont également été utilisées pour assurer une participation nationale dans les pêcheries partagées et dans la pêche en haute mer, souvent avec lobjectif de sassurer une part durable de ces pêcheries.
Avec lapparition de signes dune expansion démesurée de la capacité dans nombre de pêcheries, le manque de cohérence entre les politiques de développement de lindustrie et les efforts visant à réguler laccès libre et à éviter la surexploitation de certains stocks a également provoqué une croissance additionnelle de la capacité de pêche. Dans ce contexte, beaucoup de pays ont en effet abordé le problème de la capacité de pêche en incitant à la réallocation des flottilles vers dautres stocks (ou zones) ou en réduisant les difficultés financières causées par la surexpansion. Cela a généralement impliqué une assistance financière qui elle-même a entraîné des entrées supplémentaires dans le secteur de la pêche.
Dautre part, les principaux instruments utilisés pour réguler laccès ouvert nont pas permit daborder directement la gestion de la capacité de pêche, du moins pas de manière durable. Parmi ces instruments, on peut citer les TAC, laugmentation du maillage, les restrictions sur la taille des poissons, la limitation de leffort, les fermetures saisonnières et autres instruments visant fondamentalement à conserver la productivité du stock (par exemple: la protection de certaines classes dâge et zones de reproduction) ou à limiter la capture globale. Lapplication de ces instruments dans le contexte dun accès par ailleurs libre et gratuit na pas un effet durable sur le flux dinvestissement dans le secteur de la pêche. En général, ces mesures entraînent une redistribution de leffort de pêche entre les diverses pêcheries, ou encore une modification de la capacité des navires.
La surcapacité constitue un problème important, et ce pour de nombreuses raisons. Premièrement, elle est le signe et la conséquence de lincapacité à reconnaître les limites de la productivité naturelle dune pêcherie. Cela apparaît comme un échec de la politique générale de gestion de la pêche, avec comme conséquence, le fait que la plupart des grandes pêcheries du monde sont aujourdhui considérées comme étant surexploitées. Le redressement de cette situation nécessite une révision radicale des orientations de la politique des pêches, au-delà de la question des niveaux de production en tant que tels, et vers une prise en compte de la valeur économique nette de la production. Deuxièmement, la surcapacité est un indicateur du gaspillage de la rente que les ressources peuvent produire, ce qui est un problème-clé de la gestion des pêches. Troisièmement, une pêcherie en situation de surcapacité est extrêmement difficile à gérer en raison des pressions qui existent pour exploiter la capacité des flottes disponibles. Quatrièmement, la surcapacité peut sétendre dune pêcherie à une autre du fait de la mobilité relative des navires.
Les sections suivantes proposent une présentation détaillée de ces problèmes.
Dans une pêcherie donnée, la production biologique est par nature limitée, à tel point que même si une quantité infinie dintrants était consacrée à la pêche, la production resterait limitée à la taille du stock. Les gouvernements étant intéressés par lexploitation de leurs ressources halieutiques à long terme, il est impératif dexaminer la pérennité des différents niveaux de production. Pour la plupart des pêcheries, on peut définir un niveau de production maximum (MSY) que la production ne peut dépasser à long terme, même si ceci soit possible à court terme. La majorité des pêcheries mondiales sont aujourdhui exploitées à un niveau égal ou supérieur à celui du MSY.
Au cours des années 1950-1970, la production des pêcheries mondiales a connu une longue période de croissance. Lune des conséquences de cette situation est que laugmentation de la production annuelle était généralement reconnue comme un critère de succès de la politique des pêches. Cette expansion initiale a été lun des facteurs ayant entraîné lextension des juridictions de pêche à 200 miles. En fait, lextension des juridictions a à son tour entraîné une augmentation à la fois de la capacité et de la production - les pays cherchant à exploiter les ressources de leur ZEE en développant leurs industries nationales. Laugmentation de la production avait tendance à demeurer un objectif prioritaire des politiques de pêche.
Pourtant, depuis le début des années 80, et notamment depuis leffondrement des principaux stocks de poissons démersaux, comme ceux de lAtlantique Nord, il est devenu de plus en plus évident, quune croissance continue de la production ne constitue pas une stratégie viable à long terme pour le secteur de la pêche. Il est également de plus en plus clair que laccroissement des bénéfices tirés des ressources halieutiques dun Etat devraient essentiellement provenir à ce stade soit dune augmentation de la valeur et de la valeur ajoutée dune production donnée, soit de la réduction des coûts de production, ou dune combinaison des deux.
Une stratégie basée sur lefficacité économique doit être accompagnée par une politique qui vise à contrôler la capacité de pêche. Le fait daugmenter la valeur de la production ou de réduire les coûts dexploitation a comme effet daugmenter la rentabilité financière. Des profits plus élevés créent de nouvelles incitations pour de nouvelles entrées dans lindustrie de la pêche, comme cela peut sobserver dans toutes les industries. Dans le cas de la pêche, le potentiel de production est toutefois limité et à partir dun certain niveau, laugmentation de la capacité ne permet plus daccroître la production de façon significative. Elle entraîne toutefois un gaspillage de ressources dun point de vue social (mais bien sûr pas de celui des entreprises de pêche prises individuellement). Pour cette raison, en labsence de dispositions visant à contrôler le niveau de la capacité, les bénéfices tirés dune amélioration des performances économiques du secteur de la pêche vont samenuiser progressivement par la création dune capacité excessive.
La surcapacité est la principale manifestation physique de la dissipation de la rente halieutique, souvent citée par les économistes. En dautres termes, certains, voire tous, les bénéfices socio-économiques pouvant être tirés de lexploitation des pêches sont dissipés par une capacité excessive, sous la forme de flottes ou navires surdimensionnés ou dintrants redondants. Il en est ainsi parce que laccès à la ressource nest pas payé par les utilisateurs. Par conséquent, chaque fois que les profits pouvant être dérivés dune pêcherie sont supérieurs à un niveau de rentabilité jugé «normal», de nouveaux investisseurs sont attirés par lactivité. Si les usagers avaient dû payer le droit daccès à la ressource, laccroissement de la demande consécutif à une profitabilité accrue aurait généré une augmentation du coût de laccès. En labsence dun tel mécanisme de marché contrôlant laccès à la ressource, lindustrie va nécessairement ignorer les contraintes imposées par la ressource, et tendre à accroître sa capacité, entraînant de ce fait une dissipation de la rente et finalement sa surexploitation.
De nombreux états devraient entreprendre un réajustement majeur des orientations données à leur politique des pêches, et passer dune priorité donnée à la production physique à une prise en compte de la contribution économique de lexploitation des ressources halieutiques. Ce faisant, ils pourront davantage intégrer dans leurs politiques la nature limitée de la production potentielle, ainsi que le fait quil existe de nombreuses alternatives pour accroître les avantages économiques pouvant être tirés dune exploitation rationnelle des ressources disponibles.
La nécessité de gérer la pêche est souvent exprimée en termes de tendance à éviter la surexploitation de la ressource halieutique. En soi, la surexploitation entraîne un gaspillage économique sous la forme de captures réduites. Mais il est essentiel de reconnaître que la gestion est également nécessaire pour appréhender la question de lutilisation excessive des intrants utilisés (autres que les stocks de poissons) dans le processus dexploitation de la pêche et des dynamiques sous-jacentes. Cest cette utilisation excessive des intrants qui entrent dans le terme générique de surcapacité. Cette surcapacité est la cause principale du gaspillage économique dans lexploitation des pêches, et une grande partie des avantages économiques à tirer de la gestion des pêches proviendront de la résolution de ce problème.
Lexistence dun excès de capacité renforce la tendance à dépasser lobjectif de mortalité par pêche et plus particulièrement dans le cas des pêcheries principalement gérées par quota (TAC). La surcapacité rend également plus difficile lapplication des réglementations visant à réduire leffort de pêche. Plus le niveau de surcapacité est élevé, plus grande sera la pression sociopolitique pour utiliser la capacité de capture (et de transformation) existante et maintenir lemploi. En labsence de limitation de laccès, une capacité de pêche excessive peut affecter différentes pêcheries en série: une diminution relative des stocks dans une pêcherie entraînant une redistribution soudaine des navires vers une autre pêcherie, et ainsi de suite. Lexistence dune capacité de pêche excessive complique donc la gestion des pêches, en ce sens que les mesures de restriction introduites pour régler le problème dans une pêcherie peuvent affecter les autres pêcheries.
Pour faciliter lélaboration de politiques appropriées, il pourrait être utile de mener une évaluation systématique des conséquences de la surcapacité sur la production et de son impact économique (en général et pour les principaux acteurs du secteur).
La capacité, et plus particulièrement son degré dutilisation, va varier en fonction des paramètres économiques, notamment les prix des intrants et de la production, et les taux de captures. Sur une période plus longue, le changement technologique devient aussi un paramètre important.
Beaucoup de pêcheurs opèrent dans plus dune pêcherie, ce qui rend difficile la définition de la capacité par rapport à une pêcherie prise indépendamment. Il faut donc tenter de définir le concept dindustrie (cest-à-dire des combinaisons de pêcheries et flottilles en interaction), et examiner ensuite la capacité cible à ce niveau. Lidentification dun niveau de capacité cible peut toutefois savérer difficile parce que la capacité peut être inconnue pour certaines pêcheries ou parce quil est difficile de prédire le comportement des flottilles, en terme dallocation de leffort entre pêcheries.
En labsence de contrôle de laccès, les mouvements entre pêcheries peuvent être très rapides. Des mouvements de capacité brusques ont causé leffondrement dun certain nombre de pêcheries, comme par exemple la pêche de léglefin du Banc George dans les années 1960. Bien que la mobilité entre pêcheries similaires puisse être importante, lutilisation alternative des navires de pêche (malléabilité du capital; hors pêche) est assez limitée au niveau national. Ceci implique quune réduction de la capacité donne souvent lieu à des transferts de navires vers dautres pays ou en haute mer. La non-malléabilité se reflète aussi dans le profil de la flotte de pêche mondiale. Avec un investissement réduit au cours de la dernière décennie, les données sur les navires de plus de 100 tonnes indiquent que la majorité des bâtiments avait plus de 20 ans en 1997 (Smith, 1999).
La dynamique de linvestissement doit aussi être mieux comprise. Par exemple, les pêcheurs peuvent investir dans des navires et des équipements polyvalents pour un certain nombre de raisons:
afin dexploiter une série de pêcheries naturellement saisonnières;
en réaction à des mesures de gestion (par exemple, des saisons de pêche très courtes obligent les pêcheurs à investir pour augmenter leur capacité et à lutiliser ailleurs lors de la saison de fermeture);
dans le cadre dune stratégie de minimisation des risques; ou
pour permettre un comportement de pêche opportuniste (dans la mesure où le système de gestion permet ce comportement).
Il est également important de noter le rôle du temps de pêche dans la fonction production: un niveau de capacité implique un niveau de production pour une période donnée. Cest la raison pour laquelle les restrictions imposées sur le temps ou la saison de pêche entraînent souvent une surcapacité: les pêcheurs remplacent simplement lintrant qui subit une restriction (le temps de pêche) par des intrants non retreints.
Il est essentiel de reconnaître que la capacité de pêche est un concept dynamique. Les autorités chargées de la pêche devraient, autant que possible, intégrer cette dynamique dans le développement de leurs politiques de gestion des pêches. Afin danticiper lévolution de la capacité, il est nécessaire de bien comprendre le comportement du pêcheur.
La façon la plus simple et la moins onéreuse daborder le problème de la surcapacité est dempêcher son développement en premier lieu. Dans les pêcheries non encore affectées par le problème de surcapacité, la priorité devrait aller à la mise en place de systèmes de gestion visant à empêcher laugmentation de la capacité au-dessus du niveau supportable par la ressource à long terme, ou de tout autre niveau cible qui aura été défini.
Etant donné que la surcapacité découle de conditions daccès inadéquates, lélaboration dun cadre de gestion de la capacité de pêche nécessite, de la part des autorités, le développement de politiques visant à limiter et/ou à faire payer cet accès.
On ninsistera jamais assez sur le fait que la surcapacité dune pêcherie découle dune réaction rationnelle des pêcheurs face aux incitations économiques quils perçoivent. Pour toute pêcherie, on peut prédire quune rentabilité importante générera une augmentation de la capacité des intrants, soit à travers de nouvelles entrées dans cette pêcherie, ou soit par un accroissement de linvestissement des pêcheurs qui y opèrent déjà. Une simple limitation de lentrée pourrait donc ne pas être suffisante pour empêcher une expansion de la capacité parce quil sera toujours difficile de contrôler laccroissement des intrants utilisés par les pêcheurs opérant déjà dans la pêcherie. Pour réussir, les mesures visant à gérer la capacité doivent prendre en compte les deux facteurs.
Dans le cadre de lélaboration dune politique destinée à gérer la capacité, les pays peuvent opter pour une des deux approches globales définies ci-après (Gréboval et Munro, 1999). La première approche consiste à mettre en place un système dincitations économiques permettant aux pêcheurs de contrôler la capacité de leur propre gré, sans intervention directe de lEtat. La seconde approche est un système par lequel lEtat tente de gérer directement les niveaux de capacité. Les principaux instruments qui sont disponibles pour la mise en uvre de chacune de ces deux approches sont discutés dans cette section, après examen de la question des incitations économiques. Ces instruments sont présentés de façon sommaire, en mettant laccent sur la dynamique des ajustements de capacité. Ces aspects sont discutés dans le contexte dune gestion globale de la capacité de pêche, cest-à-dire son contrôle, et si nécessaire, sa réduction.
Dans le contrôle de la capacité de pêche, une première étape importante consiste à procéder à une évaluation systématique de leffet que certaines incitations économiques, dont les subventions, peuvent avoir sur son développement. En effet, les entreprises investiront dans une pêcherie, indépendamment du niveau de production global, aussi longtemps quelles pourront en tirer un profit significatif. Même dans le contexte dune réduction importante des captures, la rentabilité des navires peut se maintenir à haut niveau si les prix augmentent significativement en réaction à cette réduction, et/ou si les coûts dexploitation diminuent grâce au progrès technologique ou à des subventions et autres incitations économiques.
Les subventions nentraînent pas systématiquement des situations de surcapacité. Cela dépend des conditions daccès et des caractéristiques économiques de chaque pêcherie. Lorsque lindustrie des pêches dun pays sest fortement développée, les principaux stocks sont en général fortement exploités, voire surexploités. Si la capacité nationale nest pas strictement contrôlée, on peut sattendre alors à ce que les subventions encouragent une généralisation des situations de surcapacité. Dès que des systèmes de contrôle de la capacité sont mis en place, ou lorsque des pêcheries périclitent, le déplacement de certains navires hors des juridictions nationales peut également entraîner une surcapacité dans des pêcheries étrangères.
Par conséquent, le PAI appelle les Etats à une réduction et à une élimination progressive des subventions et des incitations économiques qui contribuent directement ou indirectement à laccumulation dune capacité excessive.
Une première mesure envisageable en ce sens serait pour les états dentreprendre une étude nationale des diverses subventions et autres incitations économiques offertes à lindustrie de la pêche de leurs pays, ainsi quune évaluation qualitative de leur impact probable sur la capacité de pêche, le processus de décisions en matière dinvestissement et sur la durabilité. A ce jour, très peu détudes sont disponibles en dehors de certains documents internes aux services administratifs chargés de la pêche. La plupart des «études sur les subventions» disponibles donnent des estimations du volume des subventions et examinent les effets possibles. Lencadré 1 présente quelques-unes de ces études.
Les subventions et autres incitations économiques susceptibles dentraîner, directement ou indirectement, une surcapacité sont nombreuses. En labsence dune politique de gestion efficace de la capacité, toute incitation qui implique une plus grande rentabilité financière peut éventuellement amener à une surcapacité, au moins dans certaines pêcheries. Au niveau national, les incitations économiques offertes dans lintention de promouvoir le développement global de la flotte sont susceptibles de mener dabord au surinvestissement dans les pêcheries les plus rentables. Cette situation peut être corrigée, dans une certaine mesure, par des restrictions sur les captures ou sur lentrée. Mais au fur et à mesure que lindustrie se développe et tend à exploiter pleinement lessentiel des ressources disponibles, les incitations économiques auront tendance à aller à lencontre de lobjectif général de durabilité.
Les subventions et autres incitations économiques qui peuvent être considérées comme ayant limpact le plus direct sur la capacité sont celles offertes pour la construction, lacquisition et le réarmement des navires de pêches, ainsi que celles qui contribuent directement à une réduction significative des coûts de fonctionnement. Ces incitations peuvent prendre la forme daides budgétaires, demprunts subventionnés et de régimes fiscaux préférentiels. Les emprunts subventionnés et les régimes fiscaux préférentiels sont importants, et en fait peut-être beaucoup plus que les aides budgétaires.
Encadré 1: Études sur les subventions Des publications récentes révèlent des tentatives de catégoriser et de quantifier la grande variété des subventions actuellement utilisées dans le secteur des pêches. Ces études formulent des recommandations relatives à la conduite denquêtes pour une évaluation au niveau national. Cependant, notre connaissance actuelle de la nature et de lampleur de limpact des subventions sur la durabilité est limitée. Milazzo (1998) donne lexemple dun cadre dans lequel il est possible dévaluer les subventions au niveau national. Lauteur utilise laccord de lOrganisation mondiale du commerce (OMC) sur les subventions comme cadre dans lequel une analyse détaillée des subventions dans le secteur de la pêche peut être entreprise. Cet accord définit les subventions comme des contributions financières consenties par les gouvernements. Parmi ces contributions se retrouvent les types de subventions les plus classiques, comme le transfert de fonds (par exemple les prêts, ou prêts à taux bonifiés) ou transferts potentiels (par exemple les garanties de prêts), la mise à disposition de biens et services au delà de linfrastructure générale, et des mesures de soutien des prix et du revenu. Des études régionales ont également été entreprises récemment par lOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2000) et par Price-Waterhouse Coopers (2000) pour lOrganisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Ces deux études concernent les transferts gouvernementaux et répertorient les subventions par pays et par type de dépense. Certains pays ont également entrepris des études nationales en profondeur (cf. FAO, 2000b). Cependant, peu détudes ont tenté de relier la valeur des subventions, sur un plan quantitatif, à leur effet potentiel sur la capacité de pêche et la durabilité. Limpact des subventions sur les ressources halieutiques a été abordé, entre autres, par la Consultation dexperts sur les incitations économiques et la pêche responsable (FAO, 2000b). Le rapport et la documentation préparés dans le cadre de cette consultation fournissent des recommandations utiles pour la catégorisation des subventions et des indications relatives à leur impact potentiel sur la durabilité. Le rapport établit également des priorités pour de futures études, telles que lévaluation de limpact des trois catégories de subventions, qui, à priori, peuvent avoir le plus gros impact sur la durabilité: subventions à linvestissement (prêts pour lachat ou la modernisation de navires), exemptions ou reports fiscaux (par exemple ventes ou exemption de limpôt sur le revenu), et mesures de soutien des prix. |
La subvention de linvestissement pour la construction et la modernisation dun navire revêt une importance particulière pour la capacité de pêche. Les pays en sont clairement conscients dans la mesure où, durant la période de développement intensif des flottes, beaucoup de pays ont adopté des Codes dinvestissements qui offraient généralement des prêts à faible taux dintérêt ou sans intérêt, et/ou des garanties de prêts du gouvernement, comme moyen de réduire les taux dintérêt. Il nest pas rare de trouver aujourdhui des gouvernements obligés de financer les coûts dinvestissement de lindustrie quand les armateurs sont incapables de rembourser le capital emprunté, et que lon fait jouer les garanties des prêts. Ces situations ont souvent des effets secondaires pernicieux pour la gestion des pêches et de la capacité de pêche, par exemple lorsque les autorités sont peu disposées à autoriser les entreprises à déposer leur bilan dans lespoir quune restructuration des prêts restaurera la viabilité économique et que le gouvernement pourra recouvrer ses créances. En conséquence, la capacité peut se maintenir à un niveau élevé de non rentabilité économique, les ajustements à apporter à la structure de la capacité de pêche sont reportés, et les taux de capture restent à un niveau très faible. Ceci a pour effet daggraver la situation financière des entreprises de pêche qui auraient pu recouvrer leur niveau de rentabilité (voire mieux) si on avait laissé les segments sinistrés de la flottille cesser leurs activités. En maintenant une capacité inutile, on augmente les taux dexploitation avec les risques habituels encourus pour la pérennité de la ressource.
En plus des subventions à linvestissement, les codes des investissements qui étaient censés promouvoir le développement de la capacité de pêche incluaient souvent un volet dallègement fiscal touchant par exemple: le carburant, lamortissement accéléré du capital et le report du versement de limpôt sur le revenu. Les effets de tels avantages sur le coût dexploitation ne sont pas très lisibles, mais ce qui est observable laisse à penser que les montants en jeux sont importants. Il faut également examiner la manière dont les subventions dans dautres secteurs peuvent avoir un impact sur la capacité de pêche. Lexemple le plus évident est la subvention à la construction navale.
Les subventions non budgétisées apparaissent souvent comme les rémanences dune ère dexpansionnisme. Les autorités chargées des pêches devraient assurer quelles continuent à servir les objectifs pour lesquels elles ont été appliquées et que leur impact sur la capacité (sil nest pas souhaitable) ne lemporte pas sur leur impact positif sur les autres variables économiques.
Les subventions qui facilitent laccès aux pêcheries étrangères méritent également notre attention. La plus fréquente critique faite à ces subventions est quelles représentent un mécanisme de transfert de lexcédent de capacité de pêche des pays riches vers les pays pauvres (ou des eaux tempérées vers les eaux tropicales). Les flottilles subventionnées peuvent entrer en concurrence avec le secteur local de la pêche, et leurs activités peuvent aller à lencontre des intérêts du pays en matière de conservation.
Comme il a été dit plus tôt, toutes les subventions et incitations économiques ne sont pas nécessairement mauvaises. Du point de vue de la pérennité de la ressource, beaucoup dincitation économiques sont plutôt neutres. Parmi celles-ci, on note par exemple, les incitations liées à la sécurité, à la qualité du poisson, et aux infrastructures. On peut aussi inclure les incitations qui visent à promouvoir le développement initial de la pêche, bien quil soit difficile de cibler des subventions en direction de pêcheries ou segments de flottilles spécifiques, et ensuite de réduire ces subventions après réalisation du développement souhaité. En outre, les incitations peuvent viser directement la promotion de la conservation des stocks et des pratiques de pêche responsable, comme par exemple ladoption dengins de pêche plus respectueux de lenvironnement.
Si elles sont correctement mises en place et ciblées, les subventions peuvent aussi être utilisées pour promouvoir des ajustements de la capacité de pêche, généralement par des programmes de rachat de navires. Néanmoins, de tels programmes risquent de ne pas atteindre leur objectif premier de réduction de la capacité, et donc de promotion de la conservation des ressources, à moins quils ne soient appuyés par des mesures efficaces limitant toute augmentation de leffort des navires restants. Les systèmes de rachat sont discutés en détail dans la section 8.3.2 et dans lencadré 3.
Le fait que les subventions puissent être une réponse souhaitable sur le plan social pour régler le problème de surcapacité peut-être un argument plus convaincant. Bien que lexcès de capacité saccumule du fait des décisions dinvestissement prises individuellement par les pêcheurs, la lacune sous-jacente est dordre réglementaire. En labsence de mesures correctives dun disfonctionnement du marché (qui découle dun accès libre et gratuit à un bien public - les ressources halieutiques), les pêcheurs reçoivent des signaux économiques qui les encouragent à investir. Dans les pêcheries où ce disfonctionnement a été résolu, (par exemple avec le système des QIT), cette incitation disparaît. Mais si les pêcheurs ont été collectivement entraînés au surinvestissement, il peut paraître juste que des subventions soient utilisées pour pallier à la situation. Largument peut être encore plus fort si des subventions, octroyées par exemple grâce au code des investissements, ont contribué avaient renforcé les signaux économiques erronés et reçus par les pêcheurs.
Cette argumentation pourrait être développée dune autre manière. Dans une analyse du secteur de la pêche, il est habituel dexaminer le point déquilibre de laccès libre et gratuit. Mais on prête moins dattention à la manière dont cet équilibre est atteint. Lorsque les pêches se développent, ce manque dattention est justifié car, si des ajustements sont nécessaires, ceux-ci sont mis en place rapidement par un déplacement dune partie de la flottille vers une autre pêcherie. Aujourdhui, il y a néanmoins de moins en moins dopportunités de redéploiement, et la question de savoir comment atteindre un point déquilibre dans une situation daccès libre a pris une beaucoup plus grande importance. Dans la pratique, en raison de la nature fluctuante de la ressource halieutique, lidentification dun point déquilibre (libre accès, MSY ou autre) est un exercice complexe, car la flotte aura tendance à dépasser ce point déquilibre pour revenir ensuite en arrière. Dans le cas de libre accès, cela signifie que le nombre de navires devra diminuer jusquau niveau déquilibre. Cependant, si les navires ne peuvent se déplacer vers dautres pêcheries, certains devront finalement abandonner lactivité pour restaurer léquilibre de libre accès. Le problème est que les navires de pêche ont une durée de vie longue et quils ne sont souvent adaptés quà la pêche et même à un certain type de pêche: présents dans une pêcherie, ils auront donc tendance à y demeurer même dans des conditions très défavorables. Ce problème peut être décrit de plusieurs manières: certains auteurs parlent de capital non malléable, dautres parlent dasymétrie entre les conditions dentrée et de sortie. Dans tous les cas, le résultat est que la pêcherie peut rester dans une situation de déséquilibre pendant de longues périodes, même au-delà du niveau déquilibre de libre accès avec des entreprises de pêches déficitaires, et une ressource surexploitée.
Dans de telles conditions, on peut considérer socialement souhaitable dintervenir pour réduire le nombre de navires, au moins jusquau niveau déquilibre de libre accès, ceci afin de restaurer la viabilité financière normale de la flottille. A ce point, aucune rente nest obtenue, et dans la pratique, dautres réductions de capacité peuvent savérer nécessaires si la ressource est surexploitée.
Cet argument na cependant de sens que dans le contexte dun train dajustement unique. Avant de réduire la capacité à un niveau spécifique, il faut introduire un système de gestion pour la contrôler effectivement à ce niveau. Différentes options sont présentées ci-après. Si ce contrôle de la capacité nest pas appliqué, on peut sattendre à ce que le problème resurgisse rapidement, et probablement sous une forme empirée, parce des attentes se seront créées dans lespoir dun rachat, par le gouvernement, des erreurs dinvestissement.
Certains systèmes de gestion des pêches créent un environnement qui élimine les incitations ayant causé une capacité excessive et encouragent des ajustements de la capacité de lindustrie qui ont tendance à être plus efficaces et plus faciles à appliquer. Le cas échéant, il est recommandé dappréhender le problème du contrôle de la capacité sous cet angle.
Au cours de la dernière décennie, des systèmes de quotas individuels (QI) ont été développés dans un certain nombre de pays. Le système de quotas individuels implique la détermination dun Quota Global (TAC) par les autorités, et la distribution de ce TAC entre les pêcheurs, selon certains accords à long terme (voir Encadré 2). Lavantage le plus important des QI est quils suppriment les incitations au surdéveloppement de la capacité. En outre, le transfert des quotas peut être autorisé. Cela permet aux opérateurs les plus efficaces daugmenter leur part de marché, et aux moins efficaces dentres eux de quitter la pêcherie. Batstone et Sharp (1999) et Arnason (1996) donnent des exemples dexpériences de pays ayant appliqué des systèmes de quotas individuels.
Dans le cadre dun système de QI, les pêcheurs ont le droit de capturer une certaine quantité de poisson. Dans la mesure où ce droit est respecté, les autorités chargées de la gestion peuvent être assurées que le TAC ne sera pas dépassé. En conséquence, il ne tient quaux pêcheurs individuels ou aux entreprises de pêche de décider de la capacité à utiliser pour capturer leur part du TAC. Il ny a aucune raison de supposer quils vont utiliser plus que la capacité requise pour ce faire.
Les QI suppriment la course au poisson quimplique un simple TAC et permettent à lactivité de pêche davoir lieu toute lannée ou au cours de la saison naturelle. Ceci facilite également la réduction de la surcapacité dans le secteur de la transformation.
Les QI peuvent aussi savérer utiles dans des situations où les pêcheurs exploitent plus quune espèce de poisson, étant donné quil ne dépend que du pêcheur de sassurer quil possède les autorisations nécessaires pour les espèces quil souhaite débarquer. En cas de pêches très hétérogènes, cet avantage peut être plus apparent que réel.
Lutilisation de QI nécessite de prendre soigneusement en compte les caractéristiques de la pêcherie à gérer. De manière évidente, un élément-clé est de savoir si les pêcheurs vont se conformer ou sils peuvent être amenés à se conformer à un coût raisonnable, aux restrictions imposées par leurs droits de capture. Même dans le cas où ils se conforment à leurs quotas, il faut aussi tenir compte de leur manière de le faire. Par exemple, si les pêcheurs atteignent leurs quotas en éliminant de grandes quantités de poisson qui serait commercialisable par ailleurs. On dit souvent que les QI ne sont pas adaptés aux pêches tropicales multispécifiques. Néanmoins, il serait bon dévaluer si un système de quotas, accompagné par dautres mesures de gestion, ne pourrait pas fournir une solution dans certains cas (par exemple, quotas communautaires déterminés en fonction des principales pêches multispécifiques).
Indépendamment des difficultés techniques relatives à lintroduction des QI, il convient dexaminer avec soin limpact socio-économique de ces derniers. Ils peuvent par exemple donner lieu à des effets importants denrichissement et de concentration de la richesse. Ce problème peut être réglé par une fiscalité appropriée. Les QI peuvent aussi entraîner une restriction inacceptable de la participation. Là aussi des solutions ont été trouvées en vue dune participation de communautés spécifiques de pêcheurs (par exemple en Nouvelle Zélande) ou pour assurer quune partie de lensemble du quota fait régulièrement lobjet dappel doffres (par exemple au Chili).
Dans les pays où ils ont été appliqués, les QI ont clairement changé les incitations de telle manière que lindustrie de la pêche a été amenée à résoudre le problème de la capacité de son propre gré. Cet avantage est important et les autorités publiques chargées des pêches devraient examiner avec soin lutilisation possible des systèmes de QI pour la gestion de leurs pêcheries, lorsque de tels systèmes sont applicables.
Au sein des systèmes de QI, les pêcheurs sont incités à ajuster leurs intrants en fonction de leur quota. Il y a de bonnes raisons de penser que les ajustements vers le bas interviennent dans les pêcheries souffrant dune surcapacité significative avant lintroduction de ces schémas. Lélimination des intrants inutiles peut intervenir de plusieurs manières: une réallocation, par larmateur, vers dautres pêcheries nationales (après réarmement), la mise en vente sur le marché domestique, la mise en vente sur le marché international, ou la casse. Aussi longtemps que le navire en question aura une valeur marchande supérieure à celle de la casse, il restera dans le secteur de la pêche et pourrait contribuer à augmenter la surcapacité dans dautres pêcheries si lentrée dans ces autres pêcheries nest pas limitée.
Encadré 2: Lexpérience néo-zélandaise en matière de quotas individuels transférables [Selon Batstone et Sharp (1999)]. Dans le cadre du système de QIT, il convient, dans un premier temps, daccorder des droits sous forme de parts de TAC. Pour un TAC donné, on estime que le marché, par le biais de la transmissibilité des droits, assurera que la capture autorisée sera effectuée dune manière optimale (la plus efficace). La Nouvelle-Zélande a été un des premiers pays à opter pour un système de quota basé sur les quotas individuels transférables. Une question qui doit être abordée dans une pêcherie est de savoir comment intégrer la pêche non commerciale (par exemple, la pêche de loisirs). Lapproche néo-zélandaise, consiste pour le Ministre (après consultation sur les évaluations scientifiques), à fixer un TAC et un TACC (total admissible de captures commerciales), la différence entre les deux étant réservée aux activités non commerciales des pêcheurs ne disposant pas de QIT. Ces groupes peuvent être composés de pêcheurs artisanaux dans une pêcherie qui possède à la fois une dimension industrielle et artisanale. On peut penser quil est en effet difficile de contrôler une flottille artisanale par QIT et que, plus simplement, une partie du TAC peut être réservée à cette activité. En clair, un élément-clé qui garantit le succès ou léchec de la gestion de la pêche va être la capacité à contrôler les captures réalisées par ce segment. Si le TACC doit être réduite continuellement pour compenser les augmentations de captures des autres segments, le système ne pourra pas perdurer. Une deuxième question est de savoir comment répartir le TACC entre les QIT. Lorsque la Nouvelle-Zélande a introduit ce système en 1986, les QIT étaient formulés en tonnes de poisson, et les autorités chargées de la gestion ajustaient le TACC, comme nécessaire, en achetant ou en vendant des QIT sur le marché. Le gouvernement a abandonné ce système en 1990, apparemment en raison de son coût de mise en uvre. Depuis lors, les QIT ont été définis en pourcentage du TACC et lexpérience laisse à penser que les pêcheurs sont motivés pour assurer que le stock reste dans de bonnes conditions et que leur part ait ainsi le plus de valeur possible. Une troisième difficulté à laquelle la Nouvelle-Zélande a dû faire face, a été la question des droits de pêche traditionnels Maori, reconnus en 1840 par le Traité de Waitangi. Le système de gestion du quota a été attaqué devant la Haute Cour par le peuple Maori et le gouvernement a été obligé de négocier un réaménagement important des droits de quotas. La leçon que peuvent en tirer les pays qui envisagent une application des systèmes basés sur les quotas est de sassurer que les droits traditionnels sont explicitement pris en compte. La nature de ce droit doit également être bien spécifiée. En Nouvelle-Zélande, les droits aux quotas sont détenus à perpétuité, ils sont transférables, et peuvent offrir une base pour des droits dérivés, tels que les baux. Ils représentent une propriété juridique et peuvent être utilisés comme garantie. Les détenteurs de quotas sont assujettis à des tailles exploitations minimales et maximales, selon le type de pêche. Par opposition à la pêche côtière, des seuils de quotas plus importants sont autorisés pour les entreprises engagées dans les pêches hauturières à forte intensité capitalistique. Lorsque le système a été introduit, les propriétaires de QIT devaient sacquitter dun droit daccès à la ressource, quils aient pêché ou pas. Ces frais ont été lobjet de controverse, et ont été abolis en 1994. A présent le gouvernement cherche simplement à recouvrer les coûts de gestion des différentes pêcheries. Les résultats du système sont très positifs. Les pêcheurs commerciaux de la Nouvelle-Zélande ne reçoivent pas de subventions et la pêche est gérée de manière durable. Il semble que la pêche en Nouvelle-Zélande nait pas démarré dans une situation de surcapacité brute, ainsi limpact du système a plus touché le développement de la pêche que la réduction de la capacité. Depuis lintroduction du système, la quantité et la valeur de la production ont fait lobjet daugmentations importantes. La production a augmenté de 400 000 tonnes seulement en 1986 à plus de 650 000 t en 1995; la production en valeur passant de 780 millions de dollars à 1 360 millions. Lessentiel de cette augmentation en valeur a été réalisée à lexportation, les ventes domestiques tournant autour de 125 millions de dollars pendant toute la période. Le système de QIT a également entraîné certains changements dans la structure de lindustrie. La concentration des quotas a légèrement augmenté, les 3 premières entreprises détenant 56% des quotas en 1996 comparés à 52% en 1991. Cependant, ce résultat est largement dû à la pêche hauturière, où les besoins en capitaux sont importants. Ce système a permis le développement de pêches spécialisées. Ainsi le segment qui a le plus augmenté depuis 1987 est la pêche à la palangre qui commercialise des espèces de grande valeur sur des marchés spécialisés. Tous les segments ont été maintenus dans le système à lexception du chalut-buf, qui a quasiment disparu. Le système a aussi été associé à une augmentation des emplois, notamment dans le secteur de la transformation, un résultat attendu étant donné que les droits incitent à créer de la valeur ajoutée sur la production autorisée. Actuellement, la pêche non-commerciale nest pas incluse dans le système de gestion des quotas, et fait lobjet dune gestion indépendante. La difficulté est de savoir quelle fraction des captures doit être laissée au secteur non commercial. Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, le secteur non-commercial est largement représenté par la pêche de loisirs. Cependant, des problèmes similaires peuvent se poser aux pêcheries des pays en voie de développement, où le secteur artisanal, bien quétant commercialement orienté, peut être différent du secteur industriel du point de vue qualitatif. Dans ces cas, la gestion du secteur industriel peut être relativement aisée, mais peut être remise en question par le développement incontrôlé du secteur artisanal. |
Dans certaines pêcheries, il peut être possible de réserver des zones qui seront exploitées exclusivement par un pêcheur ou un groupe de pêcheurs donnés. Les droits territoriaux constituent un exemple de tels systèmes. La pêche côtière japonaise est gérée en grande partie sur cette base, et il en est ainsi de beaucoup de pêcheries intérieures et côtières dans le monde. On peut penser que si les pêcheurs ont obtenu des droits sur une zone, ils vont lexploiter de manière optimale, en nutilisant que le niveau de capacité nécessaire pour atteindre la production souhaitée. Bien sûr, ce comportement présuppose que les droits soient individuels ou quils soient gérés par des règles collectives auto-appliquées.
Les autorités publiques chargées des pêches devraient examiner les zones dexclusivité comme une approche forte de la gestion de la capacité de pêche dans certaines pêcheries, notamment pour la pêche côtière et la pêche relativement sédentaire. Lapplication de cette approche aux petites pêches nécessite généralement une investigation plus complète, spécialement dans le cas où des systèmes de gestion traditionnels sont encore en place.
Les pêches sédentaires se prêtent particulièrement bien à ce type de système de gestion. Ainsi la notion de zones dexclusivités a été utilisée au Royaume-uni et en France pour la gestion de lostréiculture. Lexpérience laisse à penser que les zones privées sont exploitées de manière beaucoup plus efficace que les zones publiques (Guillotreau, 1997).
A Madagascar, la pêche à la crevette a fait lobjet dun système de gestion intégrant des zones exclusives. Une série de zones de pêche a été définie sur la côte occidentale de lîle. Au fil du temps, il est devenu apparent que cette zonation constituait un moyen de gérer les conflits entre sociétés de pêche et un moyen de réduire les coûts de carburant en obligeant les navires à pêcher à proximité de leurs installations de transformations à terre. Par conséquent, des droits territoriaux exclusifs ont été octroyés à certaines sociétés. Dautres sociétés se sont vues attribuer ultérieurement le droit de pêcher dans dautres zones (zones communes), le nombre de navires pouvant pêcher dans chaque zone étant limité. Daprès les évaluations de ce système, réalisées en 1990, les zones exclusives étaient exploitées à un niveau proche du rendement maximum économique comme en fait mention la littérature classique de léconomie de la pêche sur lexploitation en propriété unique (Scott, 1955). Combinée avec une limitation de lentrée, cette approche a permis déviter les problèmes de surcapacité qui minent la plupart des pêcheries dans le monde.
Néanmoins, ce système est maintenant sérieusement contesté, entre autre, en raison du développement dune pêche artisanale. Ceci place les autorités chargées de la gestion dans une situation difficile. Dun côté, les zones exclusives ont offert à Madagascar un secteur de pêche industrielle rentable, exploité dune manière rationnelle et qui contribue à la rentrée de devises étrangères. Dun autre côté, le développement de la pêche artisanale est souhaitable du point de vue social, et le problème de la capacité doit maintenant être réexaminé pour tenir compte des deux segments de sa pêcherie crevettière.
Il est intéressant de noter la similarité entre ce problème et celui rencontré par la Nouvelle-Zélande où la capture non commerciale, qui nest pas incluse dans le système de QIT, pourrait sérieusement perturber le système. Dans les systèmes de gestion capable de promouvoir une plus grande efficacité économique, il est crucial quil y ait le moins dexceptions possibles. Toute lacune, si négligeable soit-elle initialement, a tendance à prendre rapidement de limportance dès que les résultats économiques dune gestion réussie commencent à se faire sentir.
Généralement, les systèmes de régulation par licence nincitent pas les pêcheurs à éviter la surcapacité, leur utilisation est donc discutée plus amplement dans la section 8.3. Il y a cependant une situation dans laquelle ils pourraient être utilisés pour générer une telle incitation, à savoir, dans le cas où, pour une pêcherie donnée, un petit nombre de porteurs de licences interagissent suffisamment entre eux pour permettre à un comportement de coopération de simposer. Ils peuvent par exemple convenir dadopter leurs propres mesures de gestion, ce qui écarte tout besoin de sengager dans une course à la capacité. Ils peuvent ainsi convenir de restreindre les captures par navire, par jour, ou de restreindre le nombre de jours de pêche. Limportance quils accordent à ces dispositions volontaires dépend de plusieurs facteurs. Tout dabord, les pêcheurs devront instaurer entre eux un climat de confiance. Ils ont également besoin dun mécanisme (formel ou informel) pour mettre en application les mesures convenues. Enfin, ils ont besoin dêtre sûrs que lEtat ne va pas émettre de licences de pêche supplémentaires, ou entreprendre dautres actions minant les dispositions prises dans le cadre coopératif.
Afin dencourager un tel comportement coopératif, il peut être utile détablir des licences pour des zones relativement restreintes. De manière évidente, la possibilité détablir de telles zones dépendra de la nature de la pêcherie. Généralement, une pêcherie avec peu de détenteurs de licences peut facilement évoluer vers des dispositions de cogestion.
La cogestion couvre une grande variété de systèmes possibles qui impliquent le partage des responsabilités en matière de gestion entre lEtat et les communautés ou organisations de pêcheurs (groupes). Si une approche de cogestion doit être mise en uvre, des travaux de recherche et de vulgarisation seront vraisemblablement requis: la recherche pour examiner comment créer ces groupes et la vulgarisation pour entreprendre une formation sur les modes opératoires. Il faudra aussi mettre en place un mécanisme (tels que des organes de coordination) pour régler les différends entre et au sein des groupes. Dans le cas dinteraction entre groupes et/ou stocks, une question-clé sera de savoir comment changer la distribution des droits daccès dans le temps, étant donné que les efficacités relatives évoluent. De plus, lEtat peut être amené à mettre fin à un accord de co-gestion si celui-ci ne représente plus la meilleure alternative en terme de gestion. Ceci risque dêtre difficile et doit être prévu dans la conception même du système.
Si une approche de cogestion est envisagée, la difficulté principale est de décider précisément quels droits et quelles responsabilités transférer à chaque groupe. Une question clé sera de savoir si le groupe possède des droits de propriété ou dusage.
Le groupe est susceptible dêtre intéressé par la gestion de la capacité de pêche afin dassurer des avantages durables à chacun de ses membre. Sa capacité à réaliser cet objectif dépendra dun certain nombre de facteurs, comme:
Le niveau de coopération au sein du groupe: celui-ci doit être élevé et le rester - par un suivi des différents groupes, lEtat devra sassurer quil ny ait pas rupture au fil du temps, notamment parce que cela a eu tendance à être le cas pour de nombreux systèmes de gestion traditionnels.
Lexclusivité de laccès: un système de cogestion sans accès exclusif sera aussi vulnérable vis à vis dune augmentation de la capacité des segments de flotte non contrôlés, que des systèmes comme que les QIT ou les zones exclusives.
La sécurisation des droits: le groupe nessaiera de contrôler sa capacité de pêche que sil est assuré den tirer bénéfice à terme.
Les objectifs du groupe: bien que le fait de contrôler la capacité augmente la rentabilité de la pêche, le groupe peut avoir dautres buts qui doivent être pris en compte (par exemple lemploi), même sils empêchent un contrôle efficace et la prévention dun excès de capacité.
Au sein du groupe les incitations individuelles peuvent ne pas être très différentes de celles qui existent dans les systèmes de gestion directe par lEtat. Par exemple, la substitution dintrant peut réduire les efforts du groupe en matière de gestion de la capacité. Comme pour la gestion directe par lEtat, les résultats dépendront des méthodes de gestion et de contrôle utilisées par le groupe.
Le respect des responsables de groupe par tous ses membres.
Les systèmes de gestion communautaires sont compatibles avec une variété dinstruments de gestion. Dans les petites pêches, il est habituel doctroyer des droits sur une base territoriale. Ces systèmes fonctionnent bien pour la surveillance des pêches, et peuvent être améliorés par la communauté pour réglementer la capacité. Le système est toutefois vulnérable au fait que lespace attribué peut ne couvrir quune partie du stock. Par conséquent, les communautés limitrophes seront tenues de collaborer de manière efficace. Si cela savère difficile, il peut être préférable doctroyer des droits sur les captures, au lieu ou au moins en plus des droits territoriaux. Si on peut compter sur la communauté pour sassurer que, dans lensemble, ses membres ne dépassent pas leur allocation de capture, ces systèmes peuvent être très efficaces. Au Royaume-Uni, une forme de gestion communautaire a été appliquée pour les captures allouées aux Organisations de Producteurs (OP) et gérées par ces dernières. Lexpérience a montré les membres de lOP ont rapidement convenu de gérer la capacité et, dans cet exemple, de la réduire en rachetant la part de ceux qui voulaient quitter la pêcherie à condition que leur part de capture demeure au sein de lOP. Il est intéressant de noter que les pêcheurs du Royaume-Uni étaient opposés aux systèmes de quotas individuels, au niveau national, mais que ces allocations ont été rapidement acceptées au niveau du groupe.
On peut envisager les taxes comme génératrices dincitations à un ajustement sectoriel de la capacité. Néanmoins, en raison de leur faible acceptabilité politique, elles sont plus susceptibles dêtre utilisées en complément dautres schémas de gestion de la capacité.
Toutes choses égales par ailleurs, la hausse du prix du poisson ou les réductions des coûts de pêche augmentent la rentabilité de la pêche. Si des systèmes efficaces basés sur le paiement de droits daccès sont en place, cette rentabilité accrue entraînera une augmentation de la demande pour les droits daccès, faisant augmenter leur prix, et, par voie de conséquence, la valeur capitalisée de la pêcherie (valeur totale des droits dans le temps). A contrario, si lon ne peut pas instituer de tels systèmes de gestion, alors il est fort probable quun accroissement de la rentabilité entraîne une augmentation de la capacité. Une option est alors pour lEtat de taxer lactivité pour réduire les profits à un niveau assurant une rentabilité normale.
Cette approche peut être justifiée sur deux bases. Tout dabord, les taxes peuvent être utilisées pour corriger le disfonctionnement inhérent du marché. Un stock de poisson représente une ressource précieuse, mais en labsence de droits daccès, il ny a pas de marché dans lequel la valeur de ce droit peut se révéler et dans lequel ce droit daccès à la ressource soit commercialisable. En économie, cette situation constitue un disfonctionnement du marché, bien que dans ce cas, il est peut-être plus juste de dire quil ny a simplement pas de marché. La conséquence en est que le stock de poisson est considéré par les pêcheurs comme un bien gratuit et est exploité au delà du niveau social optimal (en principe la fixation par le marché dun prix dusage pourrait déboucher sur une solution socialement optimale). La taxation peut donc être utilisée pour obliger les pêcheurs à prendre en compte la valeur du stock de poisson quils exploitent aux fins de production, au même titre quils sont obligés de prendre en compte le coûts des autres intrants, tels que le carburant, les engins de pêche, la main duvre, etc. Si une seule de ces ressources est donnée gratuitement, les pêcheurs pourraient être tentés den faire une utilisation abusive, tout comme ils surexploitent le stock de poisson. Si une taxe est prélevée, soit sur la capture soit sur leffort, alors la rentabilité est réduite, de même que le niveau deffort de pêche et de capacité.
Lautre fait qui justifie lutilisation de taxes est quelles représentent un revenu tiré de la ressource halieutique au profit de la nation. De ce point de vue, lEtat joue le rôle dintendant de la ressource au nom du propriétaire, cest-à-dire tous les citoyens du pays. LEtat par conséquent collecte des sommes prélevées sur laccès à la ressource et les utilise en faveur de tous les citoyens. Ainsi, chacun peut tirer un certain avantage des ressources halieutiques nationales, sans nécessairement être obligé de devenir pêcheur. Beaucoup dindustries extractives sont gérées de cette manière, par exemple par le paiement de royalties.
Avant de recourir à la taxation, les Etats devraient examiner un certain nombre de points:
Que faut-il taxer? Le choix est généralement de taxer la capture ou leffort. En théorie, les deux approches sont identiques, mais dans la pratique, il est plus facile de taxer la capture. Il existe un certain nombre doptions, pour taxer la capture: au point de débarquement, à un certain point de la chaîne de transformation, ou dans certains cas, à lexportation. Il y a souvent une résistance à taxer lexportation, mais il faut bien comprendre que le cas de la pêche est spécifique en ce sens que les taxes sont utilisées comme moyen dassurer la conservation et lexploitation économiquement rationnelle de la ressource.
Quels sont les dispositions institutionnelles nécessaires? Le système ne fonctionnera que si ses dispositions sont rigoureusement respectées. Comme pour tous les autres coûts, les entreprises tenteront de réduire leur charge fiscale autant que possible. Il faut donc mettre en place une structure institutionnelle appropriée pour assurer un contrôle efficace à un coût raisonnable. Une des questions-clés liées à lutilisation du système de taxation est de savoir sil peut fonctionner sans que tout ou la majeure partie des bénéfices dune exploitation plus rationnelle des ressources soient dissipé par les coûts nécessaires à lapplication du système.
Comment éviter un comportement dappropriation de la rente par certains acteurs dans le système de taxation? Etant donné la valeur des ressources halieutiques, un système de taxation peut générer des sommes importantes. En fonction des dispositions institutionnelles précises qui sont prises, ces recettes peuvent encourager un comportement dévitement, comportement pouvant aller de lexploitation des lacunes de la réglementation jusquà des pratiques illégales. Un système approprié de vérification sera nécessaire pour assurer que ce comportement ne remette pas en cause les avantages du système.
En principe, lorsquelles sont fixées à un niveau approprié, les taxes daccès aux ressources sont en mesure de régler des problèmes de capacité, parce que les entreprises sont obligées de prendre en compte la valeur de la ressource dans leurs décisions.
Dans la pratique, la taxation est rarement utilisée, du moins en tant que mesure isolée et dans le cas des entreprises de pêche nationale. Ces systèmes de taxation sont plus fréquents dans le cas des pêcheurs étrangers, par exemple sous la forme de redevances daccès. Dans beaucoup de pays en voie de développement, la taxation a cependant été appliquée aux pêcheurs nationaux et étrangers pour les pêcheries-clés du secteur, et souvent dès le début du développement de ces pêcheries.
Il y a deux objections que lon oppose souvent à lutilisation de la taxation. Tout dabord, pour pouvoir concevoir un système de taxe optimal, il faut collecter beaucoup de données économiques qui ne sont généralement pas disponibles. Cette objection peut être surmontée en acceptant que les taxes ne soient jamais au niveau optimal. On peut adopter ce que lon pourrait qualifier une approche satisfaisante, dans lequel lEtat définit un niveau acceptable de revenu à prélever sous forme de taxes. La définition dun niveau «satisfaisant» peut être révisée à la hausse, sur une base expérimentale, afin que son niveau arrive graduellement à son optimum. Une telle approche graduelle est utilisée par beaucoup de grandes entreprises pour maximiser leur rentabilité et il ny a apparemment pas de raison pour que ceci ne soit pas applicable au domaine de la pêche.
Une autre objection, plus sérieuse sur le plan pratique, est celle de lacceptabilité politique. Un certain nombre darguments peut être avancé pour justifier que la taxation ne serait pas applicable à la gestion des flottes nationales. Premièrement, dans les pêcheries en situation de surcapacité, les entreprises de pêche connaissent souvent des situations économiques désastreuses, qui feraient que taxer laccès entraînerait leur faillite, ce que le gouvernement pourrait difficilement se permettre de faire. Que cet argument exclue complètement lutilisation de la taxation, ou bien quil sous-entende quil faille introduire la taxation graduellement, il faut juger de cela au cas par cas. On peut également avancer que les taxes seront jugées inacceptables par les pêcheurs et que sans leur appui, aucun système de gestion ne peut réussir. Encore une fois, cet argument doit être testé sur le plan empirique. A Madagascar, par exemple la taxation a été introduite dans le contexte dun schéma de limitation plus restrictive et effective des licences, ce qui garantit la rentabilité de la pêche à long terme.
Lacceptabilité politique de lutilisation de la taxation et des prélèvements sur laccès aux ressources doit être laissée à lappréciation de chaque Etat. Néanmoins, il ny a, à priori, aucune raison pour que la taxation ne soit pas utilisée pour gérer la surcapacité et les autorités devraient prêter une grande attention à son utilisation.
Dans la pratique, lusage de la taxation sera plus efficace et plus acceptable si elle est accompagnée dautres mesures, comme la mise en place dun système de licence. Il faut étudier la manière dintroduire un tel système. Il ny a pas de raison inhérente au fait quelles doivent être sous une forme traditionnelle: des approches plus originales pourraient savérer plus acceptables. Lune introduite par plusieurs pays avec des schémas de gestion par QI, est le paiement de redevances dans le cadre du partage des coûts de laménagement. Dautres dispositions peuvent considérées, comme la vente périodique des droits de pêche par lEtat, si ceux-ci sont octroyés pour une durée limitée.
Si pour une quelconque raison, les autorités chargées de la gestion ne sont pas en mesure dintroduire un système basé sur les incitations, alors il convient dintroduire un système de gestion directe de la capacité. Il faut reconnaître demblai que ces systèmes sont difficiles à appliquer avec succès, notamment sils sont introduits dans des pêcheries qui sont déjà largement exploitées.
Le système de régulation par licences est le plus largement utilisé dans la gestion de la capacité. Lorsque les problèmes daccès libre et gratuit ont été analysés pour la première fois dans les années 60, limportance dune régulation de laccès est apparue évidente, et loctroi contrôlé de licences de pêche sest révélé être une solution immédiate à ce problème. Malheureusement, le contrôle de la capacité individuelle des navires a été initialement négligé, et ce nest quavec lexpérience quil est apparu combien il était difficile de contrôler ce second élément dans un système de licences.
La régulation par licences est un outil de gestion commun qui demeure la principale alternative aux systèmes de QI. La difficulté majeure que rencontre la régulation par licences eu égard au problème de la surcapacité est quil ne supprime pas les incitations économiques qui sont à lorigine de la surcapacité. Par conséquent, la gestion a tendance à devenir un jeu dans lequel les autorités cherchent à entraver linvestissement de lindustrie, contrairement à la situation où elles encouragent lindustrie à ajuster son investissement, dans la direction nécessaire, comme cela se passe avec les QI, ou dans une certaine mesure avec les taxes.
La mise en uvre institutionnelle dun schéma doctroi de licences est difficile pour de nombreuses raisons. Lune des difficultés est de décider ce que la licence doit comprendre. On peut émettre une licence pour les navires de pêche, les caractéristiques des navires, les engins de pêche, ou pour leffort de pêche (indicateurs dintrants de pêche). Dans les schémas doctroi simples, cest le navire lui-même qui est soumis à licence, et le nombre de licences est limité. La conséquence est que la taille moyenne des navires va augmenter, et même si cette dimension de la capacité est aussi contrôlée, les pêcheurs peuvent avoir tendance à continuer à investir pour augmenter lefficacité des unités de pêche opérant déjà sous licence.
Il sagit là dun problème de substitution des intrants (en terme plus familiers, on «bourre», lunité de pêche de capital - en anglais: capital stuffing). On peut prévoir que dans le cadre dun système de licence, les pêcheurs vont tenter de substituer des intrants non réglementés aux intrants réglementés. Limportance de ce comportement dépendra de la nature de la fonction de production. Si le degré de flexibilité à la substitution est bas, le problème de la gestion est grandement simplifié, puisque le contrôle dun intrant amène au contrôle de tous les autres. Dun autre côté, si la flexibilité est importante il peut être difficile dutiliser des mesures de gestion basées sur un contrôle direct des intrants parce que dès quun intrant est contrôlé il est remplacé par un autre, non contrôlé. Il faut par conséquent entreprendre un travail technique en appui au système de licence pour étudier jusquoù on peut substituer les intrants entre eux dans la fonction de production.
Même si la technologie est si peu adaptable que les proportions dintrants sont difficiles à changer, il est important de reconnaître que cela ne donne quun petit répit au gestionnaire de la pêche. Les incitations à innover dans le secteur de la pêche et dans le secteur des services connexes, augmentent la flexibilité de la technologie de production. Même si la technologie est peu adaptable, la réglementation est susceptible de créer des distorsions connexes aux opérations de pêche elles mêmes, en termes de comportement excessivement inventif et innovateur.
En considérant la mise en uvre de programmes de régulation de laccès basé sur un système de licence, il est donc essentiel dévaluer le potentiel de substitution des intrants. Si le potentiel est élevé, ces programmes devront être plus spécifiques (et plus difficiles à appliquer) pour permettre le contrôle de la capacité de pêche. Même si le potentiel courant est limité, le programme va néanmoins générer des incitations à augmenter la possibilité de substitution des intrants sur le moyen ou le long terme. Par conséquent, dans le contexte de la capacité de pêche, il est sage de considérer laccès sous licence comme une étape dans linstitution dun régime de gestion plus efficace.
Une manière courante de répondre au problème de la substitution des intrants est dessayer de définir les conditions de délivrance de licences de manière beaucoup plus stricte. Cela peut se faire, soit en octroyant des licences pour les différents intrants ou en améliorant les clauses définissant lunité de licence. Lexpérience tirée des deux approches est mitigée. Au Royaume-Uni par exemple, le nombre de licences et de catégorie de licences en circulation était devenu si important durant la mi-1990 que le gouvernement a été obligé de simplifier lensemble du système afin quil devienne plus facile à gérer pour les pêcheurs ainsi que pour le personnel chargé de lapplication du système. En ce qui concerne lamélioration des clauses de définition de lunité de licence, lexpérience des unités de capacité définies au Royaume-Uni montre la marge de manuvre dont dispose lindustrie de la pêche, face à une définition mécanique très générale de la capacité qui sapplique à lensemble de la flotte nationale. Lindustrie est capable de réduire sa capacité sur la base de la définition officielle, tout en laugmentant dans la pratique.
Même des mesures de gestion apparemment simples peuvent faire lobjet de substitution dintrant. Par exemple des restrictions portant sur le temps de pêche sous la forme de fermeture saisonnière ou de restriction des jours de pêche vont rapidement amener les pêcheurs à adapter leurs intrants. Ils sont susceptibles de réduire la durée des voyages (des navires plus rapides, des hélices redessinées, etc.) ou la durée du temps de pêche (utilisation mécanisée des engins, etc.) afin dêtre en mesure daugmenter le temps de pêche réel malgré la contrainte imposée.
Il ny a pas de doute que la substitution des intrants demeure une question importante à régler dans tout schéma de régulation par licences. Lexpérience amène cependant à admettre que, dans le cas dune pêche spécifique, le contrôle du nombre de navires autorisés à pêcher et la restriction imposée sur quelques caractéristiques-clés, imposent une contrainte sévère sur la capacité de pêche; le nombre de navires autorisés pouvant être revu à la baisse si nécessaire. Lintroduction de ce système en phase initiale de développement des pêcheries facilite la réalisation dun contrôle effectif de la capacité. On peut commencer par octroyer des licences transférables aux pêcheurs en place; des licences supplémentaires peuvent être vendues aux enchères si la ressource et les performances économiques le permettent (sur la base dévaluations périodiques); des conditions daccès limité sous la forme dun octroi de licences permanentes peuvent être négociées dans le cadre dun mécanisme approprié de partage de la rente; la part de la rente revenant à lEtat sous forme de royalties peut être utilisée pour assurer une gestion adéquate, comprenant notamment la promotion dune plus grande participation de lindustrie, et en temps opportun, la possibilité de cofinancer des schémas de rachat (par exemple pour contrecarrer une possible augmentation de la capacité des navires ou si lobjectif dexploitation a été dépassé). Généralement, le système requiert une définition des pêcheries qui va interdire, dans la mesure du possible, aux navires dopérer dans plus dune pêcherie. Le système peut être introduit initialement dans des pêcheries relativement simples et peut être généralisé progressivement, bien quil puisse être difficile à appliquer dans le cas des petites pêches.
Lorsque le système de licence est introduit une des difficultés à surmonter concerne lattribution initiale des licences. Des licences peuvent être octroyées exclusivement pour lexploitation dune pêche spécifique, par un navire spécifique. Larmateur dun navire spécifique peut aussi recevoir des licences pour lexploitation de plusieurs pêcheries alternatives, au vu des pratiques saisonnières existantes (exploitation consécutive de plusieurs stocks pendant lannée) ou en raison dun engagement réel dans le passé. Un système de licences multiples permettra une certaine flexibilité liée aux nombreuses fluctuations annuelles, mais sera plus complexe à réglementer, pouvant entraîner des déplacements de capacité dune pêcherie à lautre, et moins durable. En général, si un système de licence est introduit sur une base progressive, pêcherie par pêcherie, les licences multiples ne devraient être octroyées que si cest inévitable (par exemple en relation avec lexploitation de pêcheries saisonnières). Comme on la vu dans lEncadré 3, loctroi de licences multiples donne également lieu à de grandes difficultés lorsque le rachat de navire est utilisé pour réduire la capacité.
Les systèmes de régulation par licences ont souvent été introduits dans des situations de surcapacité chronique caractérisées par la surexploitation de nombreux stocks et peu dopportunités de réallocation nationale des flottes. Dans ce contexte, le système de régulation par licences doit être appliquée à la ZEE prise globalement, cest-à-dire à lensemble de la flotte divisée en segments. Une telle approche peut servir à plafonner toute la capacité (en fonction de limportance des différents segments de la flotte) et à jeter les bases dune réduction ultérieure de certains segments de la flottille et, éventuellement dune promotion de certains autres. Dans ce contexte, une simple estimation de la capacité (indicateur dintrants) de toute la flottille (tel que pratiqué dans lUnion européenne) ou des principaux segments de la flottille (par exemple les chalutiers, les senneurs, etc.) pourra être appliquée. Cette approche est simple, mais elle renforce le problème de la substitution dintrant. Elle nimpose par ailleurs aucune restriction à la lallocation des intrants et de leffort de pêche entre les stocks (ou entre les pêcheries définies en fonction des stocks). Il en suit que lallocation de la flotte devra faire lobjet dautres mesures de gestion (par exemple: TAC ou fermeture saisonnière). Une telle approche nempêche pas les autorité publiques chargées des pêches dutiliser des systèmes de licences plus élaborés pour des pêches spécifiques (par exemple: pour les pêcheries de crustacés).
Une autre difficulté que lon rencontre dans la régulation par licences est que si ces dernières sont transférables (ce qui est généralement recommandé par les économistes), les Etats devront évaluer les rendements relatifs des navires afin de permettre des transferts entre différentes catégories de navires. Si les pêcheries montrent des signes de surcapacité, il est dusage dobliger linvestisseur qui désire changer de navire à renoncer à une fraction de la capacité de son ancien navire. Afin de sassurer que les nouveaux navires naugmentent pas la capacité, lefficacité relative des différents types de navires devra être évaluée régulièrement. Il sera aussi nécessaire destimer les ratios de remplacement entre les types dengins.
Dans le cas dun système de licence, il convient en conclusion daccorder une attention particulière: aux intrants à restreindre, au type daccès à octroyer (le secteur, le segment de la flottille, une pêcherie spécifique, plusieurs pêcheries), à la durée des licences délivrées, et aux conditions de leur première attribution, et de leur éventuelle réallocation. Lexpérience acquise de par le monde, démontre que les autorités chargées des pêches qui envisagent dintroduire un tel système devraient sassurer que son cahier des charges est suffisamment strict pour éviter de nombreux problèmes liés à une mauvaise conception initiale du système.
Les autorités chargées de la gestion ont à leur disposition un certain nombre doptions pour réduire la capacité dans une pêcherie sous licence.
Une première possibilité consiste à utiliser lérosion naturelle du nombre de licences. Si les licences ne sont pas transférables, les autorités peuvent laisser le nombre de licences se réduire de lui même, conséquence soit dun non renouvellement par les pêcheurs, pour des raisons diverses, soit de lintroduction de règlements destinés à éliminer les licences inactives. Le problème évident qui se pose est que cette approche met du temps à montrer son efficacité. Il est également peu probable quelle puisse conduire à lamélioration des performances économiques, et elle est probablement injuste pour les candidats à laccès.
Il existe une option plus prometteuse qui consiste à faire payer des droits de licences. Ces redevances sont censées réduire le nombre de participants, globalement mais également dans des pêcheries sélectionnées. Si elles sont appliquées à toutes les licences, actives ou non, les redevances peuvent aussi permettre de réduire le nombre de licences non actives. Cette mesure est bien adaptée au cas où des licences multiples ont été initialement mise à disposition de manière assez laxiste. Bien évidemment, il peut-être difficile de percevoir des redevances importantes sur les licences si la capacité sest développée à un niveau tel que la rentabilité soit minimale. Si la rentabilité reste à un niveau élevé, lintroduction de droits de licences peut être négociée avec lindustrie contre lintroduction dun système de licences plus restrictif, ce dernier offrant aux armateurs une certaine garantie de rentabilité à long terme. Lorsque les redevances sont élevées, elles peuvent cependant encourager un certain degré de substitution dintrant dans la mesure où les détenteurs de licences cherchent à augmenter leur revenu net en adaptant la capacité de leurs navires. Le paiement de droits de licences nécessite donc que le système de licences soit particulièrement cohérent.
Une approche plus courante consiste à utiliser le rachat de navires (voir Encadré 3). Comme le nombre de licences émises est souvent trop important, les gouvernements peuvent décider de racheter certaines dentre elles. Lexpérience montre quil est très difficile de concevoir des programmes de rachat qui aient un impact mesurable sur la capacité à un coût qui ne soit pas prohibitif. Le principe du rachat fait face à un certain nombre de difficultés:
La capacité latente. Si elle existe sous forme de licences inactives, les rachats, au moins au début, vont soit concerner la capacité inactive courante ou encourager cette capacité à devenir active.
La substitution dintrants. Ce problème touche tous les aspects de la gestion basée sur leffort, et les rachats ne font pas exception. Elle peut se manifester si le mode dutilisation et certains intrants des navires restant en opération sont modifiés.
Les conditions de réutilisation. Le programme mis en place au Royaume-Uni par exemple requiert la casse des navires. Cela accroît le coût du programme par unité de capacité retirée, mais garantit le retrait. Dautres programmes autorisent le transfert des navires à dautres utilisations ou dautres pêcheries, abaissant ainsi le seuil de rentabilité du retrait pour larmateur. Si les navires sont autorisés à se déplacer vers dautres pêcheries, il faut veiller à ne pas devoir racheter le navire une nouvelle fois.
Les rachats font aussi face à un autre problème: le système fait lhypothèse implicite que cest simplement le nombre dunités de pêche qui pose problème et que le fait den racheter quelques unes est suffisant. Pourtant, la surcapacité nest pas simplement un problème de taille de la flottille, mais dans beaucoup de cas, elle affecte aussi la configuration des navires eux-mêmes (notamment sil y a eu substitution dintrant ou si la conception des navires a été modifiée pour contrecarrer les réglementations).
Avant dentreprendre des schémas de rachats, les autorités publiques chargées des pêches devraient sassurer des conditions de leur efficacité à long-terme, tout en accordant toute lattention requise à la façon dont on disposera des navires.
En lieu et place des rachats, il existe une autre méthode qui a été suggérée pour la réduction de la capacité, il sagit de la délivrance de licences partielles. Avec cette approche, lorsque le système est introduit, chaque pêcheur reçoit seulement une partie de la licence. Pour pouvoir pêcher un des pêcheurs doit acheter, le reste de la licence à dautre pêcheurs. En mettant en place ce système de licences partielles de façon appropriée, les autorités peuvent en principe réduire le nombre de détenteurs de licences jusquau niveau requis, même si de facto la réduction de la capacité puisse savérer plus difficile à obtenir. Le système de licences partielles est en fait un programme de rachat financé par lindustrie. Ses conséquences à long terme sont similaires à celles des rachats financés par le gouvernement.
Une autre approche consiste à vendre aux enchères le premier lot de licences. Cette approche peut avoir un certain nombre davantages, si elle est politiquement acceptable. Premièrement, le gouvernement va percevoir une partie de la rente sous forme de droits daccès. Deuxièmement, le nombre de licences initialement émises peut être fixé au niveau ou en-dessous de la capacité optimale estimée, avec pour effet de limiter considérablement les besoins de rachat dans le futur, voire de les éliminer totalement. Troisièmement, une redevance annuelle peut être perçue sur les licences afin que le gouvernement puisse percevoir une partie accrue de la rente suite à la reconstitution des stocks et laugmentation des profits. Par la suite, la capacité peut éventuellement augmenter par le jeu des substitutions dintrants, de telle manière quil faudra ajuster périodiquement le nombre de licences. Le problème majeur va être celui des pêcheurs qui ont échoué lors des appels doffres et pour lesquels lEtat va devoir évaluer différentes options (par exemple le rachat ou loctroi dune subvention à la réallocation du navire). Une telle approche peut être impopulaire chez les pêcheurs qui vont la percevoir comme une tentative de les faire payer pour des droits acquis.
En général, ladoption dun programme de régulation par licences peut permettre une réduction de la capacité, mais seulement sous certaines conditions de substitution dintrant et dallocation de licence. Si, comme cest souvent le cas, le système doctroi de licences formalise, dès le début, le niveau de capacité atteint sous conditions de libre accès, il est vraisemblable que la réduction de la capacité devienne un processus long, difficile et onéreux. Lexpérience acquise en Amérique du Nord et dans lUnion Européenne a tendance à confirmer cette conclusion, mais a également jeté les bases dune meilleure conception.
Dans le cas dun secteur de la pêche en développement, lintroduction anticipée dune régulation de laccès par licences peut constituer une alternative valable à des mesures incitant lindustrie à contrôler elle-même la capacité, spécialement si celles-ci ne sont pas facilement applicables. Les autorités publiques chargées des pêches qui envisagent lintroduction de schémas de régulation par licences devraient sappuyer sur lexpérience acquise et être conscientes que beaucoup de difficultés liées à ces schémas découlent dun retard dans lintroduction, dune application laxiste et dune participation insuffisante de lindustrie.
Encadré 3: Le rachat de licences où de navires Holland, Gudmunsson et Gates (1999) présentent une analyse approfondie des programmes de rachat adoptés par plusieurs pays. Il faut noter que la plupart des programmes présentés ont été mis en uvre dans le contexte de schémas daccès limité relativement flexibles. Trois objectifs généraux sont liés aux programmes de rachat: la préservation des stocks de poisson, lamélioration de lefficacité économique par une rationalisation de la flottille et des transferts de paiements vers lindustrie de la pêche. Lélément déterminant à lorigine de ces programmes semble être une crise, dun type ou dun autre, ayant eu pour effet de fortement réduire la quantité de poisson disponible. Lapplication des programmes de rachat appelle de nombreuses questions. Premièrement, lessentiel des bénéfices va au détenteur du capital, qui, dans certains cas, peut ne même pas être un professionnel de la pêche. Dans cette optique, le fait de retirer des navires dune pêcherie a également un effet sur les armateurs qui ne remplissent les conditions dattribution de compensations de rachat. De manière évidente, on peut sattendre à une réduction de lemploi parmi les membres déquipage et les employés des industries de services. Lemploi au sein des industries de transformation peut également baisser, bien quil dépende plus des captures que de la capacité. La réduction de lemploi associée au rachat fait que lassistance du gouvernement ne se limite en général pas au financement du rachat de navires, mais sétend à diverses dépenses supplémentaires comme laide au chômage, à la pré-retraite, à la création dentreprise et à la formation de réinsertion. Ces dépenses sont souvent financées sur des budgets publics hors secteur pêche. Un autre problème est de décider comment cibler les rachats. Dans certains cas, les rachats touchent ceux qui sont le plus dépendants de la pêcherie concernée. Généralement, cela se fait par lintroduction dun niveau minimum dactivité, touchant par exemple les seuls navires qui ont enregistré au moins x jours de pêche dans cette pêcherie lannée. La logique qui sous-tend cette approche est quelle aide ceux qui sont plus affectés par la crise de la pêcherie. On peut toutefois discerner deux objectifs dans cette approche: le premier consiste à réduire la capacité de pêche, et un second de nature sociale consistant à aider les pêcheurs les plus touchés. Il est fréquent que lutilisation dun instrument de contrôle unique pour atteindre deux objectifs, génère des difficultés. Tout dabord, il est probable que si la dimension sociale prévaut, la réduction de la capacité sera inférieure à ce quil aurait été possible de réaliser autrement. Deuxièmement, cela peut générer des incitations économiques perverses, parce que ceux qui ont volontairement réduit leur activité au moment du déclin de la pêcherie en sont exclus. Par la suite, si dautres pêcheries déclinent et que les pêcheurs espèrent un programme de rachat, ils sont susceptibles de maintenir leurs activités de pêche à un niveau plus élevé quils ne lauraient fait en dautres circonstances, afin de garantir leur éligibilité au rachat. Il sagit encore là de la démonstration dune règle bien connue en économie, quil vaut mieux concentrer un instrument de politique sur une seule priorité. Dans le cas de licences multiples, une autre difficulté importante est que toutes les licences ne sont pas utilisées de manière égale. Par conséquent, vaut-il mieux cibler le rachat de licences qui sont peu utilisées ou celles qui sont trop utilisées ? Certains systèmes ont adopté la première de ces voies. Lavantage en est que la capacité peut généralement être réduite à moindre coût. Linconvénient est que limpact sur les captures est moins que proportionnel à la réduction de capacité. Cette approche semble néanmoins préférable à la seconde, et ce pour de nombreuses raisons. Premièrement, le fait de cibler les licences fortement utilisées peut une fois de plus générer des incitations économiques perverses dans dautres pêcheries, car ce sont celles qui contribuent le plus à la surexploitation qui bénéficient du rachat lors de lintervention du gouvernement. Deuxièmement, selon la nature précise de la pêcherie et du schéma de rachat, les meilleurs équipages des navires dont les licences ont été retirées peuvent se reporter sur les navires peu efficaces ou à licences peu utilisées, ce qui a pour conséquence que leffet global sur les captures et leffort de pêche soit minime. En dautres termes, il faut être prudent en adoptant la seconde approche afin de sassurer quelle ne constitue pas simplement une méthode coûteuse et peu efficace. Cette conclusion peut être altérée en fonction de la structure de la flottille, particulièrement si les licences peu utilisées correspondent à des navires anciens, techniquement moins efficaces, opérés peut-être par des pêcheurs proches de la retraite, tandis que les licences fortement utilisées correspondent à des navires plus récents et techniquement plus efficaces. Le fait de mettre laccent sur le premier groupe pourrait savérer être une manière onéreuse de supprimer de la capacité dans une industrie qui aurait pu la réduire de son propre gré. Du point de vue de la réduction de la capacité, il apparaît plus judicieux de se focaliser sur le second groupe. Le fait quune telle stratégie de désindustrialisation puisse être considérée comme la meilleure approche, donne une indication intéressante du degré déchec des politiques des pêches. La possibilité de caractériser aussi nettement la structure de la flottille de pêche doit être évaluée au cas par cas. Si la différence entre les caractéristiques techniques des licences peu utilisées et de celles qui le sont plus fortement est limitée, il sera alors préférable de racheter les premières. Il est également pertinent de prendre en compte les conditions de transfert et de regroupement de licences. Si les opérateurs ayant vendu des licences fortement utilisées sont en mesure dacquérir des licences peu utilisées et de remplacer les navires concernés, la réduction de la capacité risque dêtre limitée. Encore une fois, cest aussi la capacité potentielle qui doit être retirée. Enfin, les conditions de re-utilisation des navires retirés de la pêcherie sont aussi importantes. Certains programmes nimposent aucune restriction, de telle sorte quun navire retiré puisse être utilisé pour en remplacer un autre dans la pêcherie. Dans ce cas, il est clair quil ny a pas lieu de se concentrer sur les licences très utilisées. Moins il y a de restrictions sur la ré-utilisation, moins le montant de la compensation quun détenteur de licence individuel va demander sera important, et plus la capacité supprimée, dans une pêcherie x avec un budget donné, sera importante. Néanmoins, cet avantage a un coût: la capacité nest pas réellement éliminée et peut réapparaître ailleurs. Dans les cas extrêmes, un pays peut se retrouver en train de financer le rachat de licences liées au même navire plusieurs fois de suite, parce que différentes pêcheries deviennent lobjet de programmes de rachats. Pour éviter ce type de problème, certains pays imposent que les navires retirés soient envoyés à la casse. De cette manière la capacité est effectivement réduite, mais lapproche tend à être coûteuse car larmateur du navire ne percevant rien au titre du navire lui-même, la compensation à recevoir doit intégrer la valeur totale des licences et du navire. En accordant la priorité aux licences peu utilisées, on se concentre en fait sur la capacité potentielle. Certains schémas de rachat ont emprunté cette voie en fixant directement des règles en terme de caractéristiques physiques du navire. Etant donné que cest la capacité potentielle qui est supprimée, il faut sattendre à ce que les licences les moins actives soient retirées. Certains schémas de rachat ont tenté daborder le problème du redéploiement des léquipages en demandant aux bénéficiaires des rachats de quitter totalement la pêcherie. Le bien-fondé de cette politique doit être évalué dans le contexte, mais un certain nombre darguments généraux le contredisent. Premièrement, si les détenteurs de licences ne sont pas pêcheurs eux-même, lapproche ne sera pas efficace. Deuxièmement, les capitaines de pêche peuvent transférer leurs connaissances sans prendre de nouveaux commandements. Troisièmement, faire respecter les règles peut être difficiles. Quatrièmement, il peut y avoir des objections dordre constitutionnel ou légal. Les auteurs concluent que bien que les rachats semblent, à première vue, offrir une voie idéale pour la réduction de la capacité tout en améliorant lefficacité, en préservant les stocks, et en aidant les pêcheurs qui souhaitent se retirer de la pêche, en pratique, leur capacité à atteindre les trois objectifs qui leur ont été fixés est limitée. Selon les conditions techniques, lefficacité de lapproche tend à être minée par le problème de la substitution des intrants et des licences dormantes. Les rachats semblent présenter peu dattrait pour la plupart des pays en voie de développement, étant donné quinvariablement ils impliquent des dépenses importantes de la part du gouvernement. Dans les pays en voie de développement, le gouvernement tente généralement de gérer la pêche afin daccroître ses recettes, plutôt que ses dépenses. Si on considère les rachats comme un investissement, il nest pas démontré quils profitent à ceux qui les financent. Les vrais gagnants semblent être ceux qui sont capables de se retirer de lactivité, plutôt que ceux qui y restent. La révision des schémas doctroi de licences existants, dans le sens de létablissement de conditions plus restrictives et dune plus grande participation de lindustrie, parait être une condition préalable. |
Les mesures de protection de la ressource peuvent être efficace, mais peuvent aussi donner lieu à un gaspillage excessif dintrants. Selon les cas, les mesures de protection des stocks peuvent avoir pour effet, daugmenter ou de diminuer la capacité existante dans une pêcherie donnée.
Les autorités publiques chargées des pêches qui sappuient en grande partie sur les mesures de protection pour la gestion de leurs pêches devraient évaluer leurs effets sur la capacité de pêche. Les autorités qui envisageaient dintroduire des mesures de contrôle de la capacité devraient éventuellement réévaluer lutilisation des mesures de protection en vigueur afin den assurer la complémentarité.
La capture totale admissible (TAC) est une mesure de protection communément appliquée. En limitant le niveau de captures, les autorités peuvent permettre la reconstitution du stock, et réaliser ainsi leurs objectifs de protection de ces stocks. Les TAC sont souvent utilisés isolément selon une approche simple: la capture est contrôlée et/ou estimée, et la pêcherie est fermée pour le reste de la saison dès que le TAC est atteint. Le problème est que le TAC ne contrôle pas la quantité de capacité utilisée par lindustrie. Si le TAC mène à laugmentation de la taille du stock, toutes choses égales par ailleurs, la rentabilité va augmenter et encouragera de nouvelles entrées dans les pêcheries. Le TAC sera par conséquent atteint plus rapidement, et la saison devra être fermée plus tôt. Dans les pêcheries qui sont gérées seulement par TAC, la saison de pêche tend à diminuer progressivement. Par exemple, dans la pêcherie américaine au flétan du Pacifique, la période de pêche est passée de 300 jours par an à juste quelques jours. La pêche est maintenant sous gestion par quotas individuels, ce qui a conduit à inverser les restrictions saisonnières imposées précédemment.
Il existe une alternative au TAC qui consiste à allouer des quotas deffort individuel. Dans ce système, chaque pêcheur nest autorisé à pêcher quun certain nombre de jours durant chaque période de pêche. Bien sûr, une telle mesure doit être combinée à une limitation du nombre de pêcheurs, car dans le cas contraire il est clair quaucun contrôle ne pourrait être exercé sur leffort total. Cependant, même si le nombre de pêcheurs est contrôlé, cette méthode souffre des mêmes inconvénients que les schémas doctroi de licences. Elle ne pourra fonctionner que sil existe un lien clair et inflexible entre leffort et la capture, et que si leffort peut être défini de manière adéquate. Dans la pratique, la substitution dintrant peut miner cette mesure, tout comme elle peut miner les schémas de régulation par licences.
Une autre mesure de conservation consiste à appliquer des restrictions sur les engins ou les navires. En effet, en imposant aux pêcheurs des méthodes de pêche plutôt inefficaces, on peut limiter dans une certaine mesure la capacité physique. Cependant, même si cette approche est un succès, en termes physique, elle soulève des questions sur son impact économique.
La fermeture saisonnière peut être utilisée soit pour protéger le stock à des périodes critiques, comme lors de la période reproduction, soit comme moyen de limiter la capture totale (dans ce cas, la fermeture constituera laspect visible dun TAC). Dans les deux cas, si la fermeture contribue à laugmentation de la taille du stock et donc de la rentabilité de la pêche, il est vraisemblable quelle amène à un accroissement de leffort de pêche et de la capacité pendant louverture de la saison. Exactement comme dans le cas du TAC, il est prévisible que la fermeture devienne de plus en plus longue si aucune politique efficace de contrôle de la capacité nest appliquée.
De la même manière, des zones de pêche peuvent être interdites à la pêche pour protéger le stock, en permanence ou à certaines époques particulières. Leur impact dépend du mode de répartition de leffort en dehors de la zone interdite. Si la fermeture de la zone augmente effectivement la taille du stock, leffet sur la capacité sera similaire à celui dune fermeture saisonnière. Il existe un type de zone interdite à la pêche qui fait aujourdhui lobjet de débats importants: les réserves marines. Elles peuvent être utilisées lorsquil est difficile de mettre en uvre dautres mesures de gestion, pour protéger une partie du stock, ou pour éviter son effondrement en cas de surexploitation intense. Une telle mesure peut aussi donner lieu à un accroissement de la capacité (voir lEncadré 4 pour plus de détails).
Les limites imposées au maillage sélectivité sont autant de mesures utilisées pour réduire la pression de la pêche sur les stocks de juvéniles et pour favoriser laugmentation de la taille du poisson et des captures. Ces mesures ont peu deffet sur la dynamique dinvestissement à long terme, bien quelles contribuent à réduire la rentabilité à court terme.
Il faut noter que dans ce chapitre, chacune des mesures de gestion des pêches a été analysées individuellement en supposant quil sagissait là de la seule mesure utilisée. Dans la pratique, la politique des pêches englobe tout un ensemble de mesures qui sont utilisées simultanément, et ceci modifie la situation. Par exemple, les TAC, qui aggravent la surcapacité si ils sont utilisés seuls, sont partie intégrante dun système de QIT. De la même manière, dans le cadre dun schéma de licences, les rachats, sont susceptibles dêtre peu efficaces pour réduire la capacité, tandis quavec un QIT, ils savèrent être un moyen de gestion permettant damener plus rapidement la capacité au niveau souhaité. Par conséquent, il ne sagit pas de conclure que certaines mesures de gestion et protection sont à éviter, mais plutôt que les Etats devraient développer une combinaison de politiques appropriées. De nombreuses mesures de protection des stocks peuvent être utilisées, au niveau national comme au niveau de chaque pêcherie, en conjonction avec des mesures visant au contrôle de la capacité de pêche. La gestion des pêches nécessite généralement la mise en uvre dun train de mesures, le plus souvent destinées à faire lobjet dajustements périodiques selon une approche adaptive.
Lors de lintroduction de mesures de gestion qui concernent directement le contrôle de la capacité de pêche, il faut éventuellement ré-évaluer lutilisation des mesures de protection existantes. Si la surexploitation affecte de nombreux stocks, des mesures de protection peuvent être utilisées simultanément en vue de reconstituer ces stocks. Etant donné que cela peut amener à une réduction de la rentabilité pour des flottilles déjà confrontées à des difficultés financières, la démarche peut toutefois savérer difficile en labsence dincitations financières en faveur du déplacement des navires ou de leur démantèlement.
Encadré 4: Les réserves marines Dans de nombreux cas, léchec des mesures de gestion de la pêche a entraîné un intérêt accru pour le concept de réserves marines comme moyen de pérenniser ou daccroître la production halieutique. Une réserve est simplement une zone interdite à la pêche. Un objectif majeur consiste à créer un sanctuaire naturel de reproduction qui va permettre «lexportation» de poisson vers les zones avoisinantes. La réserve peut également permettre déviter leffondrement du stock si elle préserve la base génétique et la structure dâge de la population. Les réserves marines nimpliquent pas de contrôle direct de la capture, de leffort de pêche, ou de lefficacité de leffort de pêche. Si dautres méthodes ne peuvent pas être mises en uvre, les réserves marines offriront un moyen de protéger la ressource et daugmenter les rendements, mais elle ne seront jamais le meilleur moyen de gestion de la pêche. Le principal problème lié aux réserves marines est le déplacement de leffort de pêche à lextérieur de la réserve. Etant donné que la réserve marine est créée justement parce que dautres mesures de gestion ne peuvent être utilisées, on peut supposer que les conditions daccès libre sappliqueront à la zone qui est laissée ouverte. Lanalyse de limpact dune réserve marine est un exercice de modélisation difficile étant donné que le résultat dépend des caractéristiques de la migration de la population, de sa structure dâge, des paramètres de la croissance du stock, de la vulnérabilité à différents âges, du régime de gestion existant en dehors de la réserve maritime, du coût de la pêche, du taux descompte, et de la taille de la réserve marine. Hannesson (1998) a construit un modèle logistique pour estimer limpact dune réserve marine lorsque les effets de la structure dâge ne sont pas importants. Lobjectif est simplement de conserver une partie du stock. Afin dêtre en mesure didentifier les effets qui sont réellement dus à la réserve marine, il suppose quil sagit de la seule mesure de gestion en place, et quil y a libre accès aux zones qui lui sont contiguës. Sur cette base, il étudie les performances de la réserve marine, comparées à celles dune pêche de libre accès et à celles dune pêche gérée de manière optimale. Un certain nombre de conclusions se dégagent. Deux variables-clés apparaissent: la taille de la réserve marine et le taux de migration. Il faut que la réserve maritime soit relativement vaste (environ 80% de la zone de pêche totale) pour quelle puisse contribuer à maintenir la taille du stock à un niveau proche de son niveau optimal. Dautre part, plus le taux de migration est important, plus la pêche sapproche du niveau de laccès ouvert. Pour les valeurs moyennes de ces deux variables (une réserve de 40% de lensemble de la zone et un taux de migration de 0.5), lauteur trouve que la réserve maritime a peu deffet sur la taille du stock, la capture et les taux dexploitation, comparé à une pêche en libre accès. Il utilise également une version modifiée du modèle pour lanalyse dune pêcherie saisonnière. En conservant une partie du stock et en supposant une migration vers la zone de libre accès, un effet de la réserve marine sera daugmenter la taille du stock de poisson au début de chaque saison. Ce stock supplémentaire de poisson va générer des bénéfices saisonniers supplémentaires (cest-à-dire des revenus excédant les coûts de fonctionnement), comparés à une pêche purement ouverte. Les pêcheurs vont répondre de manière habituelle, en investissant dans la capacité de pêche en vue de capter une plus grande part de ces revenus (ou de maintenir la part quils avaient auparavant). Dans le modèle de Hannesson, le niveau de cet investissement dépend de trois variables: les coûts de la pêche, le taux de migration du poisson, et la taille de la réserve maritime. Plus les coûts de la pêche et les taux de migration sont bas, plus limpact sur la capacité est grand. Pour des valeurs données de ces deux variables, limpact sur la capacité augmente avec la taille de la réserve marine, et il peut être important. En même temps, le corollaire habituel peut sobserver, à savoir: une augmentation de la capacité qui entraîne à une durée de pêche réduite de telle sorte que la capacité ne soit pas entièrement employée (du moins pas dans la pêcherie gérée par réserve marine car elle peut cependant sappliquer à une autre pêcherie). Par conséquent, une réserve marine est susceptible, de différentes manières, davoir des effets similaires à ceux dune fermeture saisonnière. Le stock de poisson peut être protégé mais plus probablement au prix dune aggravation significative du problème de surcapacité. Les réserves maritimes exigent des mesures dappui conçues pour restreindre leffort de pêche et la capacité. Mais cela leur ôte une partie de leur attrait étant donné quelles étaient supposées constituer des mesures de gestion utilisables lorsque des mesures plus conventionnelles ne le sont pas. Holland et Brazee (1996) analysent les effets des réserves marines en utilisant un modèle qui prend spécifiquement en compte les relations entre classes dages multiples et recrutement. Ils démontrent que les réserves marines peuvent être des méthodes de pérennisation et daccroissement de rendement dans les pêches où leffort est à des niveaux élevés et ne peut être réduit. Néanmoins, ils soulignent aussi que limpact initial de la réserve marine sera de réduire les captures. Les augmenter relèvera dun processus de longue haleine, étant donné que la taille du stock augmente à lintérieur de la réserve et alimente le stock en dehors de la réserve. En conséquence, en examinant la rentabilité de la mise en place dune réserve marine comme sil sagissait dun investissement, il faut se poser la question de savoir si le sacrifice consenti en réduisant les captures actuelles sera payant dans lavenir. La réponse dépend, entre autres, du taux descompte utilisé: plus il est élevé, moins il paye dinvestir en réduisant la capture à court terme pour augmenter la rentabilité à long terme. Du point de vue politique, un tel effet pourrait limiter lattrait des réserves marines dans la mesure où elles sont souvent envisagées dans des situations où leffort est important et ne peut être réduit, et où les taux descompte sont généralement élevés. Holland et Brazee (1996) arrivent à la même conclusion que Hannesson (1998), à savoir que les réserves doivent être relativement vastes pour pouvoir être efficaces. Ils concluent que plus le niveau de leffort dans lindustrie est important, plus la réserve doit être grande pour pouvoir maximiser le rendement. Dans lensemble, ces analyses des réserves marines semblent indiquer que, dun point de vue économique, elles peuvent avoir un impact positif sur le rendement, mais ce faisant, elles peuvent avoir un impact involontaire sur la capacité. Cette possibilité doit être prise en compte très sérieusement si lon envisage dinclure des réserves marines dans un programme de gestion de la pêche. Les réserves marines sont souvent utilisées pour des raisons autres que la pure gestion de la pêche: par exemple pour maintenir la biodiversité, pour maintenir un habitat vierge ou pour attirer les touristes. Si elles sont développées pour ces autres raisons, leur impact sur la pêche doit être étudié. |
Le PAI conseille vivement aux Etats de sassurer quil ny a aucun transfert de capacité dans la juridiction dun autre état, sans le consentement exprès et lautorisation formelle de cet Etat.
Les programmes de réduction de la capacité dans certains pays peuvent offrir aux autres pays une opportunité daccroître ou de renouveler leur capacité de pêche à moindre frais. Si le secteur de la pêche du pays acheteur est géré de manière efficace, ce pays doit pouvoir accéder à des intrants à bon marché. Il faut néanmoins noter que dans tous les cas, il y aura des gagnants et des perdants, même si la résultante est un gain net. Le choix de la technologie de production aura été changé par les distorsions dues à la mauvaise gestion du pays vendeur. On peut sattendre à ce que ces navires aient été substantiellement subventionnés, à la construction, à la destruction ou aux deux. Etant donné quil ny a pas de garantie que des navires à bas prix restent disponibles sur le long terme, le pays acheteur doit vérifier que les changements dans les choix de technologie de production ne comportent pas deffets à long terme. Dans beaucoup de pays en voie de développement, les navires industriels acquis de cette manière ont eu des impacts significatifs sur les petites flottilles locales et les flottilles semi-industrielles. Doit-on offrir des dédommagements à ceux qui ont perdu? Ou bien doit-on donner tous les avantages aux utilisateurs des nouvelles technologies? Ce problème peut être particulièrement épineux dans le cas où le capital se substitue à la main duvre. Les pays en voie de développement, en particulier, devraient prêter une grande attention aux coûts sociaux et aux avantages de lachat de navires à bon marché, même si la filière pêche est bien gérée.
Si les pêcheries concernées sont proches dune situation de pleine exploitation ou au-delà, et si elles sont mal gérées au sens où elles restent en situation daccès libre et gratuit, lacquisition de navires à bon marché est susceptible de ne pas être socialement profitable dans la mesure où le bénéfice réalisé peut être dissipé par une baisse des rendements.
Les autorités publiques chargées des pêches devraient évaluer limpact quune re-distribution significative de leur surcapacité vers la ZEE dun autre Etat peut causer, et sil est potentiellement nuisible, prendre des mesures pour décourager ces transferts chaque fois que possible.
Les exigences en matière dadministration pour le suivi et la gestion de la capacité de pêche dépendront du système de gestion adopté. Dune manière générale, les Etats devraient sassurer que le système administratif est suffisant pour appuyer le système choisi.
La capacité de pêche doit faire lobjet dun suivi indépendamment du système de gestion choisi. Cela va nécessiter la collecte systématique de données sur la capture et la flottille.
La production est généralement suivie de manière systématique dans la plupart des pays, du moins au niveau des débarquements. Une gestion basée sur le contrôle de la production nécessitera un suivi beaucoup plus strict des débarquements et des captures par navire, pour permettre également le contrôle des rejets et des captures accessoires.
En ce qui concerne les intrants, le PAI souligne que les Etats devraient créer et tenir à jour des registres appropriés et compatibles des navires de pêche, et préciser les conditions daccès à linformation. En attendant lentrée en vigueur de lAccord de Conformité de la FAO, il demande également aux Etats dappuyer la création, par la FAO, dun registre international des navires de pêche opérant en haute mer.
Dans loptique dune gestion de la capacité de pêche au niveau national, les registres des navires de pêche peuvent inclure des informations de base sur les navires telles que: numéro didentification; pavillon et port dimmatriculation; type; caractéristiques-clés (âge, origine, longueur, puissance, tonnage, etc.); références de larmateur; type et principales caractéristiques des engins de pêche.
Si la capacité de pêche doit être gérée par le biais du contrôle direct des intrants, il convient de mettre davantage laccent sur les systèmes statistiques de suivi de la flottille et les registres des navires de pêche. Les caractéristiques des navires et des engins devront être plus précisément spécifiées. Les autorités de pêche peuvent aussi se donner les moyens de reconstituer lhistorique de la flottille sur une période assez longue, (date de construction et des principales modifications apportées au navire et aux engins, dates dentrée dans les pêcheries spécifiques, etc.). En labsence de telles informations il sera difficile et onéreux dexaminer la dynamique à long terme de la flottille: une exigence pour lélaboration de schémas de gestion de la capacité en général, et pour le contrôle des intrants en particulier.
Les informations liées à la gestion devraient être collectées de manière systématique, par navire. Ceci nécessite lenregistrement de toute autorisation spécifique dont bénéficie le navire (par exemple les quotas de captures dans le cadre des QI; les autorisations daccès à des zones et à des pêcheries spécifiques, les changements dengin de pêche, lentrée et la sortie de différentes pêcheries, etc.).
Il est fréquent dobserver que les intrants et la production sont souvent suivis séparément: les données sur la capture, les données de rendement capture/effort, et les données sur la flottille sont collectées de telle façon quil est difficile danalyser les interactions intrants-production et la dynamique des flottilles par rapport à la ressource. En Italie par exemple, on a développé un système de suivi de la flottille assez sophistiqué, très utile en tant que tel, mais qui ne relie pas les informations sur les intrants (techniques et économiques) et les performances (captures-revenus) à des pêcheries spécifiques. Même sil peut être considéré comme résultant directement du système de gestion en place en Méditerranée, ce système donne peu dinformation utilisables au niveau des pêcheries. Ceci souligne le besoin deffecter un suivi des flottilles à la fois au niveau national, avec la mise en place de registres standards, et au niveau des pêcheries, en terme de suivi de lactivité des navires au sein de chaque pêcherie et de mouvements entre pêcheries.
Au cours des dernières décennies, la plupart des pays ont développé des systèmes de suivi et des capacités de recherche, qui mettent laccent sur une meilleure connaissance des captures et de létat de la ressource. Les autorités chargées des pêches peuvent apprécier lutilité de développer des systèmes similaires pour assurer le suivi de leurs flottilles et une meilleure connaissance de leurs caractéristiques et de leurs dynamiques - tant au niveau sectoriel quau niveau des pêcheries, et par rapport à un état des stocks et à des conditions économiques et réglementaires en évolution constante.
Le contrôle direct ou indirect des flux dinvestissement et de la répartition de leffort nécessite un système de segmentation approprié permettant de définir des unités de gestion de pêche. Lapproche qui prévaut en matière de segmentation sectorielle est la pêcherie, définie en fonction du stock. La segmentation peut aussi être appliquée à lensemble de la flottille et à lespace (le zonage). On peut donc segmenter le secteur sur une ou plusieurs bases, pour définir des unités de gestion dans loptique du suivi et de la gestion de la capacité.
Si elles envisagent lintroduction dun dispositif de gestion de la capacité, les autorités chargées des pêches devraient évaluer, et si nécessaire redéfinir, la segmentation du secteur de la pêche, en adéquation avec instruments utilisés.
La surcapacité est un problème sectoriel qui affecte lindustrie toute entière. Pour y remédier, il importe davoir une bonne compréhension du comportement économique des entreprises de pêche. Les Etats devraient faciliter la recherche portant sur la dynamique économique du secteur et des entreprises de pêche, afin de renforcer cette compréhension et permettre lélaboration de mesures de gestion de la surcapacité qui soient compatibles avec les stratégies économiques des pêcheurs.
Les institutions des pêches devraient apporter un appui plus adéquat à la recherche sur les questions liées à la gestion de la capacité de pêche. Il est aussi nécessaire de coordonner les efforts de recherche au niveau international, notamment pour ce qui concerne la conception doutils et dinstruments de politiques mieux adaptés aux conditions qui prévalent dans les pays en voie de développement.
La seconde partie de ce document donne des indications sur les domaines qui requièrent un effort de recherche supplémentaire en vue dune gestion plus efficace de la capacité. Les principaux axes de recherche sont résumés ci-après.
Quatre domaines principaux qui pourraient bénéficier dun effort recherche se dégagent. Le premier a trait à la mesure et à lévaluation de la capacité. Bien que des progrès aient été accomplis depuis 1998, un travail supplémentaire est nécessaire pour développer des concepts, des méthodes et une application coordonnée. Des études approfondies pourraient également être entreprises aux niveaux international, régional, et national, concernant:
Lévaluation, en fonction de la mobilité des flottes, de limportance et des effets des transferts de capacité entre pêcheries nationales et hors ZEE; ainsi que le développement de méthodes destinées à atténuer ces effets.
Lestimation de coefficients damélioration technologique reflétant lefficacité des navires/engins dans le temps, et qui permettrait un meilleur suivi des flottes et de leur profil.
Des études de cas sur la mesure de la capacité de pêche (en utilisant différentes méthodes) et sur la détermination des niveaux de capacité cible. Ceci afin de développer des techniques et des unités de mesure ou indicateurs standard, y compris pour des cas spécifiques comme ceux de la pêche artisanale et des pays en voie de développement.
Le développement de méthodes plus avancées dévaluation systématique des caractéristiques et de la dynamique de la flottille pour une meilleure compréhension des caractéristiques et dynamiques fondamentales liées à la capacité de pêche.
Lélaboration et la mise en uvre de programmes dévaluation approfondie des flottes, en utilisant des méthodes avancées conçues à cet effet, tout en assurant la continuité dune évaluation efficace de la ressource.
Lévaluation de linvestissement en capacité de pêche et de la dynamique du secteur, laccent étant mis sur lévaluation de lévolution de lintensité du capital et de sa dynamique, ainsi que sur la détermination de la mesure dans laquelle les problèmes de capacité dans lindustrie de transformation ainsi que la dynamique des marchés affectent la capacité dans le secteur de la pêche.
Un autre domaine de recherche empirique est la fonction de production proprement dite. Il est clair que la question de la substitution dintrant est cruciale pour la gestion de la capacité, notamment si les méthodes alternatives incitant au contrôle de la capacité par lindustrie sont inapplicables. Les Etats devraient encourager cette recherche afin destimer des fonctions de production pour leurs principales pêcheries et de permettre ainsi le développement dune politique cohérente de gestion de la capacité. Comme il la été souligné plus haut, il peut savérer très difficile, sinon impossible, de contrôler la capacité dans une pêcherie à technologie de production très flexible (les intrants pouvant être facilement substitués).
Les instruments de gestion constituent également un domaine qui nécessite une recherche théorique et empirique. Comme indiqué en section 8, on note que les pays ont à leur disposition relativement peu dinstruments pour la gestion de leurs pêches. La recherche théorique serait utile dans loptique de développer de nouvelles options. La recherche empirique, elle, pourrait être entreprise pour ladaptation des instruments existants à des situations particulières, par exemple, pour développer des systèmes de droits territoriaux réalistes ou des systèmes de gestion participative des petites pêches.
Pour finir, beaucoup reste à faire pour comprendre le comportement économique des pêcheurs. Il a été souligné dans ce document que la surcapacité découle de réponses rationnelles des pêcheurs aux incitations économiques auxquelles ils sont soumis. Un travail considérablement plus approfondi pourrait être mené pour mettre en lumière les incitations macroéconomiques et sectorielles auxquelles font face les pêcheurs, en général et pour des pêcheries particulières. Lidentification de ces incitations permettrait aux Etats déviter des politiques contre-productives, ce qui constituerait déjà un progrès remarquable. Lanalyse des comportements en matière dinvestissement et de politique fiscale présentée par Jensen (1998) donne un exemple du type de recherche qui pourrait utilement être menée dans de nombreux pays.
On peut également identifier des thèmes de recherche pertinents relatifs aux besoins de coordination des recherches devant être menées aux niveaux national, régional et international sur les méthodes de gestion de la pêche et la gestion de la capacité:
la compréhension des mécanismes, avantages et inconvénients de la co-gestion et de la gestion communautaire de la pêche, en tant que cadres du contrôle de la capacité de pêche;
lévaluation de lutilisation des taxes et droits en relation au contrôle de la capacité de pêche, en mettant laccent sur les méthodes et limpact;
létude des programmes de rachat afin de didentifier les conditions dans lesquelles ils peuvent réduire la capacité efficacement et de manière durable; et
la gestion de la capacité de pêche artisanale, en référence aux méthodes et aux approches qui semblent les plus appropriées, dont en particulier les mécanismes communautaires.
Une des difficultés de la gestion de la capacité est dempêcher que les mesures politiques appliquées avec succès dans une pêcherie aient des répercussions négatives par ailleurs. La capacité supprimée dans une pêcherie peut ainsi facilement réapparaître dans une autre. Il sagit dun problème particulièrement contrariant pour la pêche en haute mer, où les flottes semblent connaître une croissance régulière, en partie, à cause de la réduction des opportunités existantes dans la limite des 200 miles.
Le nombre précis de navires qui opèrent en haute mer (à lexception des thoniers) est inconnu. Les données disponibles ont tendance à sous estimer les captures de haute mer car celles des navires côtiers opérant au-delà de leur limite des 200 miles restent néanmoins enregistrées généralement en tant que captures côtières.
Des changements importants dans la pêche en haute mer sont apparus au cours des années 90. Lun deux a été le retrait des flottilles de lex-URSS de la haute mer. Ceci a entraîné une modification de la composition des captures, illustrée par la part croissante du thon, qui dès 1995 représente quelque 41% de ces captures et 82% de leur valeur. Il semble également que lutilisation de pavillons de complaisance soit en augmentation, lhypothèse étant que les captures de ces navires sont sous déclarées.
Un certain nombre dinstruments juridiques internationaux prend en compte la question du contrôle de la capacité de pêche hauturière. La Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer a été ratifiée en 1995. Selon les termes des Articles 116 à 120 de la Section 2, les Etats devraient coopérer au sein des organisations régionales ou sous-régionales de pêche, pour assurer la conservation et la gestion des ressources halieutiques en haute mer.
Dans la pratique, lobjectif de conservation a tendance à être confronté au besoin dassurer par ailleurs un traitement équitable aux divers pays. Aux termes de lArticle 116, Les ressortissants de tous les Etats ont le droit de sengager dans la pêche en haute mer.. et selon lArticle 119 les Etats concernés doivent sassurer que les mesures de conservation adoptées et mise en uvre nimpliquent pas de discrimination de forme ou de fait contre les pêcheurs dun Etat particulier, que dans les mesures de conservation adoptées et mises en uvre nimpliquent pas une discrimination, de forme ou de fait, contre les pêcheurs dun Etat particulier. Par conséquent, les Etats pêcheurs sont peu enclins à prendre les mesures nécessaires pour reconstituer les stocks dans la mesure où les bénéfices seront dissipés du fait quon ne peut empêcher des Etats non-pêcheurs de prendre part à la pêche au titre de ces deux articles.
Reconnaissant linadéquation de la gestion de la pêche en haute mer, la Conférence des Nations Unies sur lenvironnement et le développement a recommandé aux Etats de convoquer une conférence sous les auspices des Nations Unies. Cela a débouché en 1995, sur ladoption de lAccord des Nations Unies sur les stocks de poisson. Les Etats membres de la FAO ont aussi négocié un Accord de conformité qui a été adopté en 1993 par la Conférence de la FAO. Aucun de ces instruments nest encore entré en vigueur (au mois de novembre 2000). Le PAI invite les Etats à envisager leur participation dans ces deux accords.
LAccord de 1995 sur les stocks de poisson (Article 5, Paragraphe h) demande aux Etats de «prendre des mesures pour empêcher ou éliminer la surexploitation et la surcapacité de pêche, et dassurer que les niveaux deffort de pêche ne dépassent pas ceux fixés pour lutilisation durable des ressources halieutiques». Limportance des réductions de capacité envisageables dépend en pratique de la capacité et de la volonté des Etats à coopérer au sein des organisations régionales de pêche.
En vue dévaluer les captures et la capacité en haute mer il faut se pencher sur deux problèmes majeurs:
- labsence dexigences en matière de déclaration des captures au-delà des juridictions nationales;
- le fait que la plupart des Etats nexigent pas des navires battant leur pavillon lobtention préalable dune autorisation de pêcher au-delà de leur juridiction nationale.
Ces deux facteurs ont été abordés dans lAccord sur les stocks de poisson de 1995 (titre V, article 18). Une fois que laccord aura été ratifié, tous les navires devront disposer dune autorisation pour pêcher en haute mer, et devront déclarer les quantités capturées et la localisation de la pêche.
Bien quaux termes de lAccord des Nations-Unies sur les stocks de poisson, les Etats puissent autoriser les navires battant leur pavillon à pêcher en haute mer, ils ne sont cependant pas tenus à fournir des informations sur les navires autorisés à une quelconque autorité centralisée. LAccord de conformité de la FAO aborde cette question en requièrant que ces informations soient fournies et rendues disponibles via la FAO (Article VI). LAccord de conformité comporte aussi certaines dispositions sur la responsabilité de lEtat du pavillon (Article III) pour ce qui est des autorisations accordées aux navires pour pêcher en haute mer.
Par conséquent, la situation devrait saméliorer avec la ratification des deux instruments, même sil faut encore trouver un terrain dentente sur une norme internationale pour le suivi des navires de pêche.
LAccord des Nations Unies sur les stocks de poisson requiert aussi des Etats (côtiers ou non) qui exploitent un stock chevauchant ou un stock de poissons grands migrateurs, de mettre en place une organisation régionale de gestion des pêches, en vue de gérer la ressource en coopération. Cette coopération est essentielle pour une gestion rationnelle de la pêche transfrontalière. Il est à présent bien établi, en théorie et en pratique, que si les pays refusent de coopérer, le résultat en termes dexploitation serait similaire, voire pire, à ce qui sobserve dans les pêcheries sous conditions daccès libre et gratuit. Il est certain que surexploitation et surcapacité ne pourront être évitées. La situation peut même empirer car, en théorie, les pays vont être enclins à subventionner leurs flottilles pour essayer de générer un avantage comparatif. En conséquence, lutilisation de telles subventions peut facilement devenir un cercle vicieux, avec comme corollaire la surcapacité. La participation active de tous les Etats concernés dans les organisations régionales de gestion des pêches est donc essentielle ainsi que le souligne le PAI. Cet instrument encourage également la coopération multilatérale pour assurer la participation des états qui ne sacquittent pas leurs responsabilités en tant quétat du pavillon dans ce contexte (Article 33).
Lorsque lAccord des Nations Unies sur les stocks de poisson aura été ratifié, les organisations régionales de gestion des pêches, pourront prendre des mesures pour modifier leurs textes réglementaires afin de permettre lentrée en vigueur des dispositions de cet accord. LAccord des Nations Unies sur les stocks de poisson stipule, en son Article 8 paragraphe 4, en référence aux organisations ou accords régionaux de gestion des pêches que: seuls les Etats membres de cette organisation ou qui sont partie à cet accord, ou qui acceptent dappliquer les mesures de conservation et de gestion prises par cette organisation ou dans le cadre de cet accord, auront accès aux ressources halieutiques auxquelles sappliquent ces mesures. Ce paragraphe devrait permettre aux organisations régionales de gestion des pêches dinsister sur la participation pleine et entière de tous les Etats concernés. Bien que cela ne confère aucune autorité aux organisations régionales de gestion des pêches pour ce qui est de limiter laccès, une référence à larticle 5 sus-mentionné (paragraphe h) peut leur permettre dadopter cette mesure à condition déviter toute discrimination contre un Etat ou un groupe dEtats qui manifestent un intérêt réel dans la pêcherie concernée. LAccord décrit également les mécanismes de résolution des différends, qui peuvent être utilisés afin de faciliter sa mise en uvre.
Conformément à lArticle 29 du PAI, les Etats sont exhortés à participer à lAccord des Nations Unies sur les stocks de poisson et à lAccord de conformité de la FAO.
Enfin, il faut souligner le fait que les organisations régionales de gestion des pêches sont généralement mal équipées pour aborder la gestion de la capacité de pêche en haute mer. Beaucoup dentre elles se préoccupent surtout de la pêche des stocks côtiers. La plupart souffrent dun manque de financement et ne disposent ni des ressources ni dun mandat pour se pencher sur ce problème. Les organisations de gestion de la pêche au thon semblent être une exception. Une autre difficulté provient du fait que des organisations régionales de gestion des pêches nont pas été mises en place pour toutes les zones de pêche hauturière. Ceci reste être le cas de vastes zones du Pacifique. Enfin, une grande partie des flottilles de haute mer opèrent sous la juridiction de plus dune organisation de gestion des pêches. Le renforcement des organisations régionales de gestion des pêches et la création de nouvelles organisations dans les zones où elles pourraient se montrer efficaces seraient une importante étape dans le suivi et le contrôle progressif de la capacité de pêche en haute mer.
Etant donné le rayon daction des flottes opérant en haute mer, il est essentiel que les organisations régionales de pêche améliorent leur coordination. Actuellement, cest pour la pêche au thon que lon dispose des informations les plus détaillées car les nombreuses commissions régionales du thon (comme la Commission Internationale pour la Conservation du Thon de lAtlantique (ICCAT), la Commission Inter-Américaine du Thon Tropical (IATTC), la Commission Thonière de lOcéan Indien (IOTC) et la Commission du Pacifique Sud (SPC)) recueillent et compilent des données sur les captures et leffort des thoniers. Lidée dun mécanisme global de coordination a été proposée, étant donné que les mesures de gestion, pour être efficaces, devraient être appliquées à des flottes mobiles.
En ce qui concerne la pêche en haute mer despèces autre que le thon, la grande mobilité des navires hauturiers dans et au-delà des zones de 200 miles rend difficile une évaluation de la capacité et implique la nécessité dune meilleure coordination entre les différents organisations régionales de pêche.
Les accords et mesures évoqués ci-dessus représentent une première étape importante dans le contrôle de la pêche en haute mer. Sils souhaitent être efficaces dans le contrôle de la capacité, les Etats devraient mettre en uvre des mesures conjointes destinées à contrôler directement la capacité de pêche.
En principe, les difficultés techniques du contrôle de la pêche en haute mer ne sont pas différentes de celles présentées dans ce document. Les difficultés particulières résident plus dans la mise en place dun cadre juridique efficace, et dans lapplication des réglementations, vu létendue des zones concernées et la question des pavillons de complaisance. Les transferts liés à la réduction de la capacité dans les ZEE sont susceptibles de constituer un problème particulier, avec des navires qui peuvent être déplacés en outre vers la haute mer, et souvent en changeant de pavillon. Il convient que les états prennent des mesures pour contrôler leur capacité en prenant compte de cet impact.
Les autorités publiques chargées des pêches devraient donc évaluer leffet de tout transfert possible de capacité de pêche vers la haute mer, en particulier lorsquil pourrait résulter des mesures prises en vue de gérer la capacité au niveau national. Une attention particulière simpose lors de la mise en place de programmes de rachat importants.
Une meilleure la gestion de la pêche en haute mer implique clairement une coopération accrue entre les nations concernées et dans le renforcement des organisations régionales de gestion des pêches.
Le problème de la pêche artisanale a été abordé à différents endroits dans ce document. Cette section résume les aspects principaux relatifs à la gestion de la capacité dans ces pêcheries. Une série de directives techniques ciblant spécifiquement le problème de la gestion de la pêche artisanale est en cours de préparation à la FAO.
En premier lieu, la surcapacité affecte les pêcheries artisanales autant que les autres pêcheries. Laa nature de la pêche artisanale peut être quelque peu différente en raison de lintensité de lutilisation de la main duvre. Par exemple, la capacité peut prendre une forme latente, en ce sens que les pêcheurs peuvent avoir dautres activités (agricoles, par exemple) et se tourner rapidement vers la pêche si les conditions économiques le permettent.
Néanmoins dans certaines circonstances, la main duvre peut être aussi peu malléable que le capital, dans la mesure où il peut être relativement facile pour les gens de commencer à pêcher, mais difficile dabandonner à nouveau lactivité.
Les questions générales relatives à la capacité dans les pêcheries artisanales sont les mêmes que celles qui ont été discutées jusquici. La capacité ne sera limitée que sil y a un contrôle direct ou indirect de laccès aux pêcheries. Le contrôle de la capacité fait appel aux mêmes instruments, mais leur applicabilité est souvent différente, encore quil faille en juger au cas par cas. Il semble que beaucoup de pêcheries artisanales soient plus faciles à gérer sur une base territoriale plutôt que par des mesures quantitatives, comme les QI ou même les licences. Dans certains cas, lapproche la plus efficace pourrait être le renforcement des systèmes traditionnels de gestion des pêches, peut-être en les formalisant sous la forme de systèmes de gestion communautaire. Lorganisation des petits pêcheurs sur une base communautaire peut aussi permettre de limiter les captures dune manière globale, la décision revenant à la communauté pour ce qui concerne les modalités de capture.
Les exemples de la Nouvelle-Zélande et de Madagascar, dont il a été question plus haut, prouvent que toutes les composantes dune pêcherie devraient être incluses dans le système de gestion, quelle que soit la difficulté rencontrée pour inclure les petites pêches (pêche artisanale de subsistance ou commerciale et pêche de loisirs). Dans le cas contraire, les avantages économiques tirés du contrôle de la capacité par les segments réglementés de la flottille, peuvent être réduits par des accroissements de capacité dans les segments non réglementés. Cest souvent la petite pêche qui constitue la partie non réglementée, ce qui, pour un certain nombre de pays, se traduit par la réduction de lefficacité de leur politique de gestion, du fait de lexpansion de la petite pêche. En outre, cette expansion peut survenir très rapidement et peut être difficile à gérer une fois le processus initié.
Le fait de se pencher sur ce problème ne signifie pas nécessairement la réduction de la contribution dun secteur au profit dun autre. Il souligne plutôt limportance de lintégration, au départ, des différentes composantes de la pêche dans un système de gestion commun. Le cas de la pêche aux crevettes à Madagascar est instructif à cet égard. Des analyses entreprises à la fin des années 1980, ont montré que la pêche artisanale pouvait être, considérée comme un secteur marginal, sappuyant sur des engins de pêche traditionnels, avec peu de perspectives dexpansion. Avec du recul, il apparaît que ce raisonnement a occulté la possibilité, pour les pêcheurs, de répondre à de nouvelles incitations en développant des techniques de pêches nouvelles et plus productives, en établissant des liens avec le marché dexportation. En conséquence, la pêche artisanale a connu une expansion telle quelle menace aujourdhui un système de gestion qui, par ailleurs, avait réussi à gérer la capacité de pêche industrielle. Lenseignement général que lon peut en tirer est que si des incitations économiques existent, les pêcheurs trouveront un moyen pour accroître leur capacité.
Il est essentiel détudier les intérêts et les problèmes du secteur de la petite pêche, dès le début, au moment de la formulation des plans de gestion des pêches. Deux domaines principaux requièrent une attention particulière. Tout dabord, les rôles respectifs de la petite pêche et de la pêche industrielle doivent être définis, notamment si elles interagissent. Deuxièmement, il faut éviter que laccès libre et gratuit ne mène à la paupérisation des petits pêcheurs, en particulier pour les pays en voie de développement, lorsque les conditions demploi alternatif sont limitées.
La Section 9.2 sur la recherche suggère que de nouveaux instruments de gestion devraient être développés. Cela sapplique particulièrement au cas des petites pêches, pour lesquelles la gamme dinstruments est limitée. Il serait très utile de conduire une étude comparative des divers instruments ayant pu être utilisés avec succès dans différents contextes et didentifier sur cette base un certain nombre de «bonnes pratiques». Il est aussi nécessaire dentreprendre un travail approfondi pour développer des expériences de co-gestion ou de gestion communautaire dans les pêcheries tropicales. Des expériences pourraient également être menées pour étudier la possibilité dappliquer les méthodes de gestion existantes aux petites pêches. Par exemple, lutilisation dune technologie de linformation appropriée peut faciliter lutilisation de systèmes de quotas individuels dans certains cas. Il est également possible que le contrôle des petites pêches soit plus efficient si appliqué au niveau de la commercialisation plutôt quà celui de la production.
Dans beaucoup de pays, une première étape pourrait consister en un renforcement de lorganisation des petits pêcheurs, pour ensuite élaborer des schémas de gestion en coopération étroite avec ces organisations et de convenir dun programme de mise en uvre expérimental. Les pays en voie de développement, dans lesquels la pêche artisanale domine, sont confrontés à une surcapacité croissante, mais aussi à un manque de moyens financiers et techniques pour aborder ce problème. Dans ces pays, lassistance des bailleurs de fonds pourrait savérer utile.
Il est certain que la participation de lindustrie (armateurs, pêcheurs et autres personnes impliquées dans lexplitation) dans la gestion des pêches na pas reçu toute lattention requise dans la plupart des pays. Cette participation a été généralement limitée au rôle consultatif joué par les représentants de lindustrie.
Etant donné la nature des décisions à prendre pour gérer la capacité de pêche, il conviendrait de renforcer le rôle de lindustrie dans le développement dapproches alternatives et dans la définition de mesures de gestions spécifiques. Les représentants de lindustrie des pêches devraient être en mesure de donner des conseils sur les réponses probables de lindustrie face à différentes mesures, et être en mesure de proposer des alternatives pour la résolution des problèmes. En outre, il est clair que lindustrie aura un rôle actif à jouer au moment de la mise en application de mesures de gestion de la capacité, et dans lévolution progressive de ces mesures vers une forme de co-gestion.
La création dorganisations professionnelles ou collectives répond généralement à différents objectifs: la gestion portuaire; une commercialisation collective; la participation aux systèmes de crédit et autres actions de développement; la défense des intérêts du groupe (intérêt général, territorial, ou intérêt de certains segments de la flotte). Le mode dorganisation est important, mais pas fondamental, si le rôle de ces organisations dans la gestion est essentiellement de nature consultative. Afin de jouer un rôle actif dans la mise en uvre de mesures de gestion de la capacité de pêche, les pêcheurs pourraient cependant avoir à se réorganiser selon dautres modalités.
Afin de parvenir à lobjectif dune participation effective dans la gestion des pêches et de la capacité de pêche, les organisations devront être pertinentes et donc adaptées au système de gestion mis en uvre. Lintroduction dun nouveau système peut nécessiter certaines adaptations de lorganisation des principaux acteurs. Les autorités publiques chargées des pêches devraient si nécessaire, faciliter ces adaptations.
Le rôle précis de lindustrie dépendra du système de gestion de la capacité. Dans le cadre dune évolution vers un système de co-gestion, des responsabilités spécifiques pourraient être dévolues aux organisations darmateurs/pêcheurs concernées.
Un autre élément important est le climat général qui caractérise les relations entre les autorités publiques chargées des pêches et lindustrie. Les autorités publiques chargées des pêches sont souvent considérées comme des régulateurs, et souvent comme de piètres régulateurs. Dun autre côté, les autorités de pêches considèrent lindustrie comme étant surtout mobilisée par la recherche de profits à court terme et par la préservation des nombreux avantages acquis au titre des politiques de développement antérieures. Il serait intéressant pour les Etats confrontés à cette situation, de prendre dimportantes mesures en vue de mettre en place un environnement plus constructif et de nouer enfin un partenariat réel avec lindustrie.
Au niveau mondial, un grand nombre de pêcheries sont surexploitées. Cette surexploitation possède deux dimensions: la surexploitation et la surcapacité. Dans le passé, les politiques en matière de pêche ont mis laccent presque exclusivement sur la surexploitation, mais une prise de conscience grandissante sest fait jour, reflétée au niveau international dans le PAI, de la nécessité de lutter spécifiquement contre la surcapacité afin dassurer un exploitation durable des ressources halieutiques. Ce document donne des indications sur la manière de contrôler la capacité et, le cas échant, de la réduire.
Ce document met laccent sur le fait que la surcapacité se manifeste initialement en conséquence de conditions daccès libre et gratuit prévalant historiquement dans lexploitation des pêches. Les mesures de gestion qui nont pas réussi à prendre en compte les difficultés relatives à laccès, ont souvent aggravé la surcapacité (cas de laccès libre mais réglementé), quand bien même leurs objectifs immédiats auraient été atteints. Par conséquent, toute politique élaborée en vue de gérer la surcapacité doit nécessairement prendre en compte le problème des conditions daccès à la pêche. Aucune politique ne pourra savérer efficace tant que des conditions daccès libre et gratuit demeureront en vigueur.
Le document étudie les principales méthodes qui peuvent être utilisées dans le contrôle et la réduction de la capacité. Pour lheure, les options en matière de gestion de la capacité de pêche sont limitées. Lexpérience actuelle dans la gestion de la pêche au niveau des ZEE met en lumière deux notions nouvelles et intimement liées: les modèles de gestion basés sur loctroi de droits et sur la participation active de lindustrie. Pour ce qui concerne les stocks partagés et la pêche en haute mer, la priorité doit être donnée au renforcement des organisations régionales de gestion des pêches. En réponse à la mobilité des flottilles, il est nécessaire de mettre en place une coopération internationale renforcée, partant dune mise en uvre effective des instruments internationaux relatifs à la pêche.
Il est intéressant de remarquer que les mesures de contrôle de la capacité de pêche prennent également en compte le problème de la surexploitation; le contraire nétant pas vrai. Dans le cas des pêcheries qui ne sont pas encore touchées par la surexploitation, lélément-clé est dintroduire un système de contrôle de la capacité le plus tôt possible. La manière la plus simple et la plus économique dappréhender la surcapacité est en effet déviter en premier lieu le surdéveloppement des flottes et de linvestissement. Dès que des pêcheries sont affectées par la surcapacité et la surexploitation, la gestion devient beaucoup plus difficile car il est alors nécessaire, non seulement de contrôler la capacité de pêche, mais aussi de la réduire.
Ladoption du PAI sur la gestion de la capacité de pêche constitue une étape importante dans la mise en uvre des principes directeurs du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO. Le renforcement de la gouvernance des pêches est de plus en plus reconnu par les Etats comme un facteur fondamental pour lutilisation durable et responsable des ressources halieutiques. Le PAI souligne également un changement important dans les pratiques de gestion des pêches: au-delà des pratiques antérieures qui visait surtout la conservation de stocks ou groupes de stocks spécifiques considérés généralement de façon isolée, et qui se basait exclusivement sur des méthodes destinées à empêcher une capture excessive et à accroître la productivité des stocks. Avec le PAI, la gestion de la capacité de pêche devrait finalement devenir partie intégrante des politiques de conservation et de gestion des pêches, laccent étant mis en particulier sur la réalisation dun juste équilibre entre linvestissement en intrants et le potentiel de production des stocks.
[1] Accord visant à
favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures
internationales de conservation et de gestion [2] Accord visant à favoriser lapplication des dispositions de la Convention sur le droit de la mer des Nations Unies du 10 décembre 1982 relatives à la gestion des stocks de poisson chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs. [3] Aux Etats-Unis, trois définitions de la capacité ont été proposés (NMFS, 1999): Définition technique: La Capacité Technique est le niveau de captures quune flottille de pêche donnée peut raisonnablement réaliser au cours dune période donnée (année, saison) si les intrants variables sont utilisés selon des conditions normales dopération, pour un niveau donné: des stocks, de la technologie et autres contraintes de production. Selon cette définition, la capacité excédentaire existe lorsque la capacité technique excède un niveau de capture établi pour restaurer ou maintenir le stock à un niveau cible de long terme. Définition économique: la capacité économique, évaluée sur la base dune minimisation des coûts, est le niveau de production (captures) pouvant être réalisé au cours dune période donnée (année, saison) de sorte que les coûts totaux moyens à court et long terme soient égaux, étant donné: la taille et la composition de la flottille, létat des ressources, les conditions de marché, létat de la technologie et des autres contraintes pertinentes. Une fonction de coûts est estimée et résolue pour un niveau optimal de produit étant donné une technologie de production particulière en calculant et en comparant les coûts moyens à court et à moyen terme de lentreprise de pêche. Néanmoins, la minimisation des coûts nest pas le seul objectif qui peut déterminer le comportement du pêcheur et des objectifs alternatifs ont été suggérés dans la définition suivante. Définition économique modifiée:
les niveaux de capacités économiques, basés sur des
fonctions objectifs alternatives sont les niveaux de production
capturés réalisés au cours dune période
donnée (année, saison) de sorte que les objectifs (par exemple
profit ou bénéfice social net) soient maximisés,
étant donné: la taille et la composition de la flottille,
létat des ressources, les conditions de marché,
létat de la technologie et des autres contraintes
pertinentes. Dans cette définition, le niveau de production
potentiel pourrait être différent de celui obtenu par minimisation
des coûts, en fonction de la manière dont lobjectif
alternatif affecte le comportement du pêcheur. |