Page précédente Table des matières Page suivante


Gestion en intégration riz-poisson


Choix de l'emplacement: où élever des poissons avec du riz?

John Sollows

Voici quelques facteurs à prendre en considération lorsque l'on choisit l'emplacement pour y élever des poissons avec du riz:

1. La famille a-t-elle un endroit précis en tête? Quelle que soit la réponse, essayez de visiter l'emplacement spécifique ou la zone générale, de préférence avec un ou plusieurs membres de la famille.

2. Si la famille a déjà un endroit en tête, demandez-leur ce qui leur plaît de cet endroit spécifique et tenez-en compte lorsque vous considérez les points suivants.

3. Eau (très important)

Le champ doit retenir l'eau de manière continue pendant plusieurs mois et plus longtemps il peut le faire, mieux cela vaudra pour le poisson. Pour avoir de meilleurs résultats, l'eau devrait avoir 30 cm de profondeur, mais ce n'est pas un problème si à certains endroits elle est plus ou moins profonde.

Le fermier pense-t-il pouvoir réaliser cela? Plus le champ est sur les hauteurs, moins il pourra obtenir de l'eau. Par contre, les digues et les limites du terrain doivent être au-dessus du niveau maximum d'inondation. Plus le champ est bas, plus il sera sujet aux inondations. A quel niveau le fermier pense-t-il pouvoir contrôler l'inondation?

4. L'argile retient mieux l'eau que le sable. Dans quel endroit le fermier pense-t-il que l'eau pourra rester le plus longtemps?

Si le champ doit être placé sur un terrain sableux, on peut diminuer sa perméabilité par une application abondante de fumier pendant toute la saison. Combien de fumier le fermier peut-il ajouter?

Formez une boule compacte avec de la terre et lancez-la dans l'autre main, à 50 cm de distance. Si la boule ne se casse pas, cela signifie que la terre retient bien l'eau. On peut également obtenir de bonnes récoltes dans un terrain pauvre, mais cela augmentera les contraintes.

5.A quelle distance de l'habitation du fermier ou de l'abri de travail peut-on placer le champ? Sa proximité diminuera le temps nécessaire pour contrôler la rizière et pour alimenter les poissons et aidera en outre à décourager les voleurs.

6. La préparation de la rizière pour l'élevage de poissons demande beaucoup de travail. Comment le fermier peut-il profiter des conditions de son terrain pour avoir moins d'efforts à faire?

Quelques exemples sont énoncés ci-dessous:

7. Plus tôt un champ est repiqué, plus tôt il sera prêt pour recevoir les poissons, ce qui signifie que les poissons pourront avoir un période de croissance plus longue.

8. Il se peut que le fermier veuille intégrer la pisciculture à son bétail, à son jardin potager ou à d'autres activités. Dans ce cas, il est possible que l'emplacement qu'il choisit ne soit pas le meilleur pour le poisson, mais qu'il soit indiqué pour l'activité dans son ensemble.

9. La construction de l'étang peut-elle causer des problèmes aux champs des voisins?

10.Y a-t-il d'autres considérations à prendre en compte? Demandez-le au fermier

Autres points à considérer

On pourrait étudier la possibilité d’introduire des poissons dans un système de semis direct (qui n’est pas décrit ci-dessus), par opposition à un système de riz repiqué. Il s’agit d’une pratique de plus en plus commune en Asie, vu l’insuffisance de main d’œuvre.

La gestion des poissons sauvages (c.-à-d. non empoissonné par opposition au poisson empoissonné) peut influencer la conception et l’emplacement du système. Dans beaucoup de régions, par ex. au Bangladesh, il existe une forte demande d’espèces indigènes. Là, les paysans pauvres dépendent des petites espèces indigènes capturées dans les plaines d’inondation saisonnières, mais ces espèces deviennent de plus en plus rares, comme l’indique l’augmentation des prix. Des tentatives de les cultiver en laissant entrer dans l’étang des petits alevins sauvages, ou bien en pratiquant la reproduction artificielle et un élevage plus intensif en polyculture, ce qui fait de plus en plus l’objet de recherches, pourraient offrir des débouchés aux petits exploitants agricoles et leurs produits pourraient atteindre des prix plus élevés au kilo tout en satisfaisant la demande du marché.

Les plans peuvent également envisager un système continu rizière-étang, avec les opportunités, les avantages et les désavantages présents dans l’élevage d’espèces empoissonnées et sauvages.

Préparation du terrain pour le système riz-poisson

John Sollows

Une bonne préparation est très importante si l'on veut réussir dans le système riz-poisson. Chaque fermier doit pouvoir:

Un bon niveau d'eau dans le champ est un des principaux facteurs de la technologie et on ne peut l'atteindre si la préparation est insuffisante. Lorsqu'on prépare le champ, il faut prendre en considération quatre facteurs principaux: dimension et forme du champ, digues, refuges et drains.

Dimension et forme du champ

1. Combien de terre le fermier possède-t-il ? Si le fermier ne possède pas de terre et si le propriétaire est d'accord, combien de terre le propriétaire est-il disposé à utiliser pour un essai?

2. La topographie et la pente du terrain auront une grande incidence sur la dimension et la forme du champ. Il peut être possible de construire un grand champ carré sur un terrain très plat, mais pas sur des superficies en pente.

3. Quel est l'endroit le plus approprié selon le fermier? Ceci peut limiter la dimension du champ et modifier sa forme (voir le chapitre sur le choix de l'emplacement).

4. Avec quelle superficie la famille se sent-elle à l'aise de commencer (surtout les néophytes)?

5. Quelle superficie la famille pense-t-elle pouvoir préparer et gérer? (Et que signifie «gérer»?) (Voir le chapitre sur l'alimentation et l'entretien).

D'aucuns affirment qu'un champ carré de 0,5 à 1 ha est l'idéal pour le système riz-poisson. Toutefois, des exploitations plus grandes ou plus petites que cette dimension «idéale» peuvent également réussir. Une bonne préparation et une bonne gestion. sont la clef du succès, quelle que soit la dimension.

A - Rizière existante.

B - Petite digue entre le champ et l'étang/tranchée: facultative mais utile si les poissons sont introduits dans l'étang/tranchée avant le repiquage du riz.

C - Côté de l'étang/tranchée: la pente devrait dépendre de la nature du sol, plus douce si elle est sableuse, plus raide si le sol est argileux.

D - Niveau de l'eau dans l'étang/refuge avant le repiquage.

E - Une bande de terre déjà existante entre l'étang/tranchée et la digue, pour empêcher que le matériel issu de l'érosion ne remplisse la tranchée; en général, de 0,5 à 1 m de large.

F - Côté de la digue: la pente dépend de la nature du sol (douce si sableux); avec une couche superficielle de terre et de l'herbe, l'érosion diminue.

G - Niveau maximum d'inondation: le point G est le plus important, car les digues doivent être suffisamment hautes pour ne pas être submergées par l'eau de crue.

H -Plantes/arbres cultivés sur le sommet de la digue.

I - Conservez la terre superficielle de déblai et les mottes de gazon pour l'extérieur de la digue; compactez le sol pendant la construction, autant que possible

Digues

Toutes les digues doivent être plus hautes que le niveau maximum des inondations, afin de pouvoir les maîtriser en toute sécurité. Il faut les construire plus hautes que nécessaire, de manière à tenir compte de l'érosion et de la compaction des digues.

En général, un creux se forme lorsque l'on construit des digues. Autant que cela arrive à l'intérieur du champ, tous les autres facteurs restant inchangés. Ainsi un petit étang ou une tranchée se forme, servant d'abri pour les poissons.

Refuges

Un refuge est un étang, une tranchée ou un point plus bas dans la rizière. On peut y garder les poissons lorsque le champ est à sec. Dans certaines circonstances (voir le chapitre sur l'élevage de petits alevins dans les systèmes riz-poisson), le refuge peut être empoissonné avant le repiquage du riz.

En général, un refuge est conseillé et peut être nécessaire pour réussir. En son absence, les poissons doivent être récoltés avant que le champ ne se soit asséché, ou déplacés vers un étang en zone inondée. Un refuge d'au moins 50.cm de profondeur est souhaitable. Le refuge devra probablement être bien plus profond si le fermier veut garder des poissons toute l'année.

Un refuge peut ne pas être nécessaire en zones bien irriguées. Selon certains fermiers, le creusement d'un refuge augmente la perte d'eau. Cela peut arriver dans le cas où un sol perméable (comme le sable) est recouvert d'une couche superficielle de terre qui l'imperméabilise. Cette imperméabilité peut être détruite par le creusement de la tranchée; elle se reforme, mais cela prend du temps. La fertilisation organique accélère le processus.

Les refuges sont généralement creusés dans la partie la plus basse du champ, afin que l'eau et les poissons puissent facilement y accéder.

Quelques exemples commentés de configuration d'un refuge

Plan

Section transversal

Commentaires

Accès facile aux poissons. Le transport de la terre de déblai vers la digue peut prendre du temps.

Accès facile aux poissons. Plus indiqué pour des grands champs sur un terrain très plat. La construction peut être onéreuse. Accès difficile pour les buffles.

Très indiqué pour des terrains plats ou en pente, en particulier pour des parcelles de moins de 0,5 ha (mais également pour des parcelles plus grandes).

NOTE

D - DIQUE

R - REFUGIO

T- TRINCHERA

Il peut y avoir de sérieux problèmes d'infiltration lorsque la tranchée se trouve du côté inférieur du champ sur un terrain en pente et poreux. Il peut être utile de creuser une tranchée au-dessous du niveau du sol (plutôt que de construire simplement un barrage au niveau du sol) et de la fertiliser organiquement. Il peut être également utile de creuser la tranchée du côté amont de la parcelle et de faire le champ en pente vers la tranchée. Toutefois, ceci peut demander beaucoup de travail.

Aménagement commun en systèmes alimentés par eau de pluie du Nord-Est de la Thaïlande. Un petit étang comme refuge, dans un système composé de plusieurs parcelles sur un terrain légèrement en pente. En général, l'étang se trouve dans la partie inférieure du champ ou près de celle-ci. La hauteur des digues diminue au fur et à mesure que l'on monte la pente, ce qui peut aider au captage de l'eau. Cet aménagement permet de petites variations sur l'environnement avec peu de travail. Les agriculteurs devraient faire bien attention à ne pas laisser entrer les poissons dans l'étang lorsque l'eau est basse.


Des tranchées étroites et peu profondes connectées aux refuges peuvent être très utiles pour les poissons qui veulent rejoindre le refuge. Il faudra sacrifier une ou deux lignes de riz.

Ci-dessous d'autres facteurs qui déterminent la dimension et l'agencement des refuges:

1. Combien de terre réservée à la culture de riz la famille est-elle prête à sacrifier pour le refuge? Cela peut dépendre de la superficie totale en riz ou de l'importance relative que la famille donne au riz et aux poissons.

2. Combien d'argent, de temps et de main d'œuvre la famille peut-elle investir? Comme pour la dimension du champ, ceci peut être une importante contrainte.

3. De quel genre de sol s'agit-il? Une tranchée étroite (disons de un mètre de large pour deux mètres de profondeur) sera vite remplie s'il s'agit d'un terrain sableux, alors qu'elle restera en bon état longtemps s'il est argileux. La largeur d'un refuge en terrain sableux devrait être trois ou quatre fois sa profondeur.

4. La topographie influencera la configuration de la tranchée ou de l'étang. Les grandes tranchées extensives périphériques sur un terrain en pente occuperont trop de place puisqu'un tel champ sera étroit. Considérez les deux champs suivants, chacun d'une superficie de 16 m²:

Le rapport entre périmètre et superficie est supérieur dans le champ étroit.

Drains

Des drains sont généralement nécessaires pour évacuer l'eau en excès rapidement sans éroder la digue. Il est conseillé de construire des drains d'alimentation et surtout d'évacuation. Les drains devraient être munis d'une grille pour empêcher les poissons de s'enfuir.

Quel matériel utiliser?

On peut utiliser du bambou, une bûche creuse ou un tuyau, selon la disponibilité. Il faut placer une grille là où l'eau entre. La grille peut consister en un filet à mailles fines ou un morceau de métal plat criblé de trous avec un clou. Un peu de gravier éparpillé sous le tuyau réduit l'érosion de la digue.

Ce genre de drain est indiqué pour de petits champs (moins de 1.000 m²) ayant un échange d'eau limité (utilisés surtout pour élever de tout petits alevins). Chaque fois que l'eau atteint le niveau du tuyau, il faut contrôler que la grille ne soit pas bouchée toutes les quelques heures et cela peut être ennuyeux.

Dans la plupart des champs, le drain consiste seulement en une ouverture dans la digue. Elle est protégée par des éclisses en bambou ou quelque chose de semblable, liées ou clouées ensembles.

Les agriculteurs des régions plus pluvieuses du Nord-Est de la Thaïlande utilisent souvent un li, une gouttière de bambou, placé dans l'ouverture de la digue à la partie la plus basse de la rizière.

Le li est légèrement incliné vers le haut et se rétrécit. On place une corbeille en forme de carafe ou bien un sac en filet en dessous de l'extrémité étroite, de manière à ce que l'eau coule dans le li mais finisse par tomber dans le sac ou la corbeille, qui retient ainsi tous les poissons échappés du champ. Ceux-ci peuvent être mangés, vendus ou remis dans le champ afin qu'ils grandissent d'avantage.

Certains fermiers utilisent une version plus simple: un sac en filet soutenu au drain de sortie par des bâtons.

Niveau du drain d'évacuation

Quel est pour le riz le niveau idéal d'eau dans le champ? Quel est la profondeur maximum qu'il peut supporter? Placez le drain dans la digue quelque part entre ces deux niveaux.

Quelle capacité doit avoir le drain?

Un petit tuyau ne peut drainer efficacement un grand champ. Le fermier doit essayer de trouver la juste grandeur du drain, en se basant sur l'expérience. Il vaut mieux un drain un peu trop grand qu'un drain trop petit.

L'empoissonnement dans le système riz-poisson

John Sollows

Les directives suivantes valent pour tous les cas où des alevins sont transportés et empoissonnés:

Période

Plus on empoissonne tôt dans la saison, plus longue sera la période de croissance. De même, plus on empoissonne tôt dans la saison des pluies, moins il y aura de prédateurs.

Il ne faut toutefois pas empoissonner avant que de l'eau ne soit disponible et que le fermier soit relativement sûr que la rizière sera sous eau pendant plusieurs mois. Avant d'empoissonner des alevins ou des gros poissons dans la rizière, il faudra également que le riz soit bien établi, avec deux à trois nouveaux talles à chaque plant.

Enfin, il se peut que le fermier soit prêt pour l'empoissonnement, mais qu'il n'y ait pas d'alevins disponibles. La famille doit alors attendre jusqu'à ce qu'elle trouve des poissons.

Taux d'empoissonnement, site et espèces

Il n'existe pas ici de «recette magique». Les gros poissons sont plus chers que les petits, mais ils ont plus de chance d'échapper à la prédation. Les prix peuvent en outre varier selon les espèces et, bien entendu, un grand nombre de poissons coûtera plus cher qu'un petit nombre. Ce sera donc le budget familial à décider de ce qui sera empoissonné.

Pour les fermiers qui viennent de commencer cette pratique et pour ceux qui ne peuvent pas nourrir leurs poissons, on conseille de ne pas empoissonner plus de 300 poissons (5 cm) par 1000 m². Un rapport d'empoissonnement pour la polyculture qui en général fonctionne bien en Thaïlande est de 2:2:1 pour carpe commune (Cyprinus carpio): barbeau argentée (Barbodes gonionotus): tilapia (Oreochromis niloticus).

Cette combinaison ne sera pas toujours appropriée, mais elle convient bien pour débuter. En général, il est préférable d'élever au moins deux espèces plutôt qu'une seule, puisque différents poissons mangent différents aliments. Cela signifie que la récolte totale devrait être plus élevée que si on n'élève qu'une seule espèce. La formule donnée peut être modifiée pour plusieurs raisons:

1. Disponibilité

Un fermier peut désirer une certaine combinaison d'espèces et de tailles, mais il devra de toute façon se contenter de ce qu'il trouve sur le marché.

2. Préférences

Chaque famille a ses espèces préférées et ce généralement pour des raisons valables qu'il faut accepter. De même, beaucoup d'agriculteurs préfèrent de gros alevins parce qu'ils ont un taux de survie plus élevé et une taille finale plus grande. Mais d'autres préfèrent de petits alevins en dépit d'une mortalité probablement plus élevée, parce que les prix sont plus bas et qu'ils garantissent une récolte plus continue; dans ce cas, les prix spécifiques vont affecter l'aspect économique. Les familles ayant un budget limité doivent souvent choisir entre acheter un petit nombre de gros poissons ou un grand nombre de petits.

3. Biologie spécifique des espèces

Chaque espèce de poisson présente des avantages et des désavantages différents: le tilapia (O. niloticus) peut facilement endurer des conditions environnementales extrêmes et se reproduit facilement. Les agriculteurs qui peuvent garder un peu de poissons toute l'année ne doivent donc pas se soucier de réempoissonner chaque année. Toutefois, la reproduction peut engendrer un surpeuplement et une faible croissance. En outre, certains fermiers n'aiment pas son goût, trouvent que ce poisson fermente mal et se plaignent du fait qu'il entre en compétition ou éloigne d'autres espèces désirables.

La carpe commune (C. carpio) tolère de l'eau de mauvaise qualité et a une très bonne croissance dans la plupart des rizières. Toutefois, le taux de survie de ce poisson est mauvais, probablement parce qu'il est facilement objet de prédation.

Si la densité d'empoissonnement est faible, la nourriture naturelle présente dans la rizière est souvent suffisante et la distribution d'aliments n'est pas nécessaire.

Si on augmente la densité d'empoissonnement, la nourriture naturelle de la rizière ne suffit pas et la production est faible.

Si on augmente la densité d'empoissonnement, on peut toujours obtenir une production maximum grâce à l'alimentation complémentaire.

Le barbeau argenté (B. gonionotus) a généralement un taux de survie excellent dans les rizières; même de petits alevins s'y adaptent bien. Il tolère cependant moins bien que les deux espèces précédentes de l'eau de mauvaise qualité et il n'a pas une bonne croissance en eau très peu profonde ou dont la profondeur est très instable.

Diverses espèces sauvages, notamment le poisson tête de serpent (Channa sp.) et le poisson-chat (Clarias batrachus) ont un goût très agréable.

Dans certaines rizières alimentées par l'eau de pluie, le gourami peau de serpent (Trichogaster pectoralis) a fait preuve de résultats très prometteurs. Dans ce cas, il faudrait empoissonner des géniteurs et non pas des alevins. On devrait dédier plus d'attention à cette espèce en conditions d'alimentation par eau de pluie.

En général, les principales espèces de carpe chinoise et indienne ont une faible croissance dans les rizières alimentées par eau de pluie. Elles semblent préférer de l'eau plus profonde (50 cm). Leur taux d'empoissonnement devrait être faible, pas plus de 200 ind./ha.

4. La présence de plusieurs prédateurs importants peut affecter les tailles et les espèces empoissonnées. Les gros poissons échappent plus facilement aux prédateurs, mais cet aspect semble être moins important pour le barbeau argenté que pour les autres espèces élevées.

5. Le site d'élevage influence souvent le nombre et les espèces empoissonnées. Il arrive que le barbeau argenté ne grandisse pas bien en rizières où l'eau est très peu profonde (moins de 10 cm).

Le fermier peut trouver que dans de petites parcelles le nombre de poissons conseillé est limité par la superficie disponible. D'autre part, il n'y a pas de mal à empoissonner peu de poissons dans une rizière très grande, surtout si le fermier ne peut se permettre d'avantage.

6. Le taux conseillé de 3 000 ind./ha peut être augmenté si la profondeur de l'eau dans la rizière est stable (de préférence 30 cm ou plus), et si elle peut être fertilisée fréquemment. Si les poissons sont alimentés, il faudrait distribuer les aliments dans la rizière et non pas dans le refuge, car dans ce cas les poissons resteraient dans le refuge, le riz n'en bénéficierait pas et on obtiendrait vite un surpeuplement de poissons. Les fermiers devraient faire très attention lorsqu'ils empoissonnent plus de 6 000 ind./ha. Cela peut parfois fonctionner, mais seuls les fermiers expérimentés connaissant bien leur système devraient le faire. De petits alevins peuvent être empoissonnés en plus grand nombre que de grands alevins.

Autre points à considérer

Le cas présenté ici décrit le transport d'alevins en sacs en plastique sous oxygène, ce qui n'est pas très commun dans les zones rurales pauvres, par exemple au Bangladesh et en Inde. Là, ils utilisent d'autres systèmes de livraison, des récipients ouverts par exemple.

Pratiques et taux d'empoissonnement décrits dans l'exemple ci-dessus se réfèrent à une production piscicole destinée à l'alimentation. Mais des rizières peuvent aussi être utilisées pour élever de petits alevins, cette pratique s'accordant bien avec de nombreuses variétés de riz ayant une courte période de croissance (par ex. trois à quatre mois). Dans ce cas, la densité d'empoissonnement devrait être considérablement plus élevée que les 3 000 petits alevins/ha conseillés ci-dessus.

On peut choisir d'autres combinaisons d'espèces, en fonction de la disponibilité locale. Il faudrait prendre en considération le rôle de différentes espèces plus indiquées pour les rizières. Comparé aux étangs, les espèces qui se nourrissent en surface (par ex. le barbeau argenté) et celles qui se nourrissent sur le fond (par ex. la carpe commune) ont en rizière un rendement relativement supérieur aux espèces qui se nourrissent en pleine eau (par ex. la carpe argentée).

Comme simple mesure prophylactique contre les maladies infectieuses des poissons, on peut baigner les alevins pendant une minute dans une solution de 50 pour cent de sel commun, préparée au moment-même sur le site d'empoissonnement.

Alimentation et entretien en système riz-poisson

John Sollows

Contrôle d'entretien

Vérifiez chaque jour le niveau de l'eau dans la rizière afin de contrôler qu'il ne monte ou ne descende trop rapidement. Si c'est le cas, trouvez-en la cause et bouchez toute fuite. Prenez avec vous une pelle ou une houe lorsque vous faites ces visites de contrôle.

Certains agriculteurs jettent un peu d'aliments chaque jour afin de contrôler leur stock de poisson.

En systèmes intensifs, il est conseillé de faire des contrôles tôt le matin pour vérifier que les poissons ne pipent pas de l'air en surface.

Alimentation et fertilisation

Normalement, l'alimentation et la fertilisation devraient aider les poissons à grandir. Toutefois, ces facteurs ne sont pas fondamentaux en rizières où le taux d'empoissonnement est peu élevé (moins de 3 000 ind./ha), car les poissons y devraient pouvoir trouver suffisamment de nourriture tout seuls.

Les familles qui désireraient un empoissonnement plus dense (nécessitant donc alimentation et fertilisation) doivent prendre en considération les points suivants:

a. Auront-ils le temps de bien nourrir les poissons ou de bien fertiliser le champ? (A quelle distance de la maison le champ se trouve-t-il? Quel autre travail doivent-ils faire?)

b. Peuvent-ils trouver des aliments ou de l'engrais? Ceux-ci sont-ils facilement disponibles localement? Leur prix est-il abordable?

Types d'aliments et d'engrais

Il est difficile de séparer «aliments» et «engrais», le fumier pouvant jouer les deux rôles. On peut utiliser des engrais inorganiques et toute substance organique non toxique.

Le fumier est souvent le complément le plus important en terme de poids et l'on peut l'utiliser tant frais que sec. Un peu de prudence est requise lorsque l'on utilise du fumier frais en eau stagnante, mais on a remarqué qu'une quantité allant jusqu'à 300 kg/ha/semaine peut y être utilisée sans crainte de nuire aux poissons. Une autre manière de résoudre le problème est de remettre du fumier au fur et à mesure que les poissons le consomment.

Du son de riz est couramment utilisé comme aliment pour poisson. Il donne de bons résultats en alevinage, mais n'est en général pas nécessaire en rizipisciculture extensive. Si les agriculteurs doivent l'acheter, il convient de ne pas en utiliser beaucoup une fois que les poissons circulent dans la rizière.

Certains agriculteurs utilisent dans leur système des balles de riz, qui sont mangées avidement par certaines espèces de poissons. La plus grande partie n'est pas digérée par les poissons mais est éparpillée un peu partout dans le champ par les poissons.

On peut également donner des déchets de cuisine et des restes de toutes sortes.

Plusieurs plantes aquatiques donnent de bons résultats: Azolla, Wolffia, lentilles d'eau (Lemna), pak boong ou kangkong (Ipomea aquatica) et le mimosa d'eau en sont des exemples. Différentes espèces de poissons préféreront l'une ou l'autre, mais le barbeau argenté les mange toutes.

Des sous-produits agricoles sont également acceptés: certains agriculteurs ont utilisé des feuilles de choux et des rafles de maïs. Les feuilles de manioc sont elles aussi populaires, mais il est conseillé de les faire sécher avant de les donner aux poissons car certaines variétés sont vénéneuses.

Les termites représentent un aliment très riche et très utile en alevinage. Les nids sont fragmentés sur l'étang ou sur la rizière et les termites tombent dans l'eau où elles sont consommées rapidement. Les termites ne sont en général pas nécessaires une fois que les poissons circulent dans la rizière; si les fermiers continuent d'en utiliser trop pendant la saison, ils risquent de se retrouver à court de nids! D'autres insectes, crevettes et vers de terre sont tout aussi nourrissants.

Attention: il a été signalé que les termites peuvent provoquer la mort des poissons si distribuées vivantes car elles sont avalées entières: les termites continuent alors de mordre avec leurs grandes mâchoires lorsqu'elles se trouvent dans l'estomac, causant des blessures fatales et des perforations de la paroi de l'estomac. Un moyen sûr d'utiliser cet excellent aliment est de noyer les termites dans une cuvette ou un seau avant de les distribuer aux poissons.

En général, les pailles de riz ne sont pas directement mangées par les poissons, mais elles servent d'aliment à de minuscules plantes et animaux qui seront à leur tour consommés par les poissons. Elles peuvent être utilisées partout, mais sont particulièrement utiles en étangs d'alevinage dont la turbidité de l'eau est élevée.

On peut également utiliser tout autre animal mort, entrailles ou partie du corps autrement inutilisés. En rizières, ils peuvent être placés directement dans l'eau pour que les poissons les mangent, alors que dans les étangs d'alevinage des animaux en décomposition peuvent contaminer l'eau. Certains fermiers suspendent des parties d'animal au-dessus de l'étang. Celles-ci attirent les mouches qui pondent des œufs sur la viande et l'on peut ensuite faire tomber les asticots dans l'eau pour nourrir les poissons.

Le rouissage de Jute ou kenaf peut rendre l'eau provisoirement inappropriée pour la pisciculture. Il s'agit d'un processus à travers lequel des tiges de plantes fraîchement coupées sont immergées dans l'étang et dans les fossés de manière à ce que la partie tendre de la plante pourrisse et que ne restent que les fibres désirées, qui sont ensuite séchées et traitées. Dans ces étangs, l'eau devient noire, le niveau d'oxygène tombe presque à zéro et l'eau sent mauvais. Toutefois, le rouissage est très efficace pour éliminer la turbidité de l'eau car une fois terminé, la qualité de l'eau est souvent meilleure. En outre, de petites quantités de jute ou de kenaf ne nuisent pas aux poissons, et la matière en décomposition leur fournit de la nourriture. On peut en mettre des quantités plus grandes en eau stagnante. Malheureusement, on ne dispose pas de données satisfaisantes sur les taux qui peuvent être utilisés sans risque pour les poissons. On ne devrait donc en utiliser que de petites quantités et il faudrait vérifier tous les matins que les poissons ne pipent pas l'air en surface. D'autres exemples d'aliments sont les feuilles de mûrier, feuilles de bananier, excréments de chauve-souris ou de bétail, restes de nourriture pour les animaux, résidus d'huile de noix de coco et feuilles de Leucaena. Aucune liste d'aliments potentiels ne pourra de toute façon être complète.

Gestion

En rizières où l'empoissonnement est dense (plus de 5 000 ind./ha), il est important que l'alimentation et la fertilisation soient continues, en particulier pendant que les poissons grandissent. Il est conseillé de donner de petites quantités d'aliments deux fois par jour. Vérifiez la vitesse à laquelle une quantité connue de plantes ou de fumier est consommée. Si après une heure il en reste encore, il n'y a pas besoin d'augmenter cette quantité; si par contre elle a disparu en l'espace d'une demi-heure, il est conseillé de l'augmenter.

Autre points à considérer

Les exemples ci-dessus se rapportent aux systèmes riz-poisson de grossissement très extensifs avec un taux d’empoissonnement très faible ne requiérant ni aliments, ni engrais, qui sont pratiqués au Nord-Est de la Thaïlande. Mais des systèmes riz-poisson plus intensifs, utilisés pour l’alevinage ou la production de poissons destinés à l’alimentation, comme il en existe ailleurs en Thaïlande et dans d’autres pays, ont des taux d’empoissonnement plus élevés, un renouvellement d’eau fréquent et, ce qui est plus important, des méthodes d’alimentation et de fertilisation bien spécifiques.

Gestion du riz en système riz-poisson

John Sollows et Catalino Dela Cruz

Le système riz-poisson peut être alimenté soit par eau de pluie soit par irrigation, en rizières établies soit par semis direct, soit par repiquage. La période des activités de semis ou de repiquage est affectée par de nombreux facteurs (disponibilité en eau, variété de riz, etc.), mais n'est par contre généralement pas affectée par la composante piscicole.

Il est préférable de repiquer les jeunes plants 25 à 30 jours après le semis, bien que l'âge idéal pour les variétés traditionnelles puisse dépasser ce délai. Souvent, dans la pratique, elles restent en pépinière pendant plus longtemps: il peut arriver que, en cas de sécheresse, les rizières soient trop sèches pour le repiquage et que l'agriculteur doive attendre la pluie; dans d'autres cas, la main d'œuvre au sein de la famille peut être limitée et le riz en pépinière doit alors «attendre» que la famille puisse s'en occuper.

Pour beaucoup d'agriculteurs, l'utilisation d'engrais chimiques dans leurs systèmes riz-poisson ne pose pas de problèmes. Il a toutefois été signalé que, dans certains cas, des poissons sont morts suite à l'application de tels produits alors qu'ils étaient alimentés avec des granulés et qu'ils ont pu de ce fait ingérer également des granules d'engrais.

La rizipisciculture à grande échelle est encore limitée par l'application continue de pesticides en agriculture basée sur le riz. L'utilisation de pesticides n'est pas recommandée en rizipisciculture et il existe d'autres moyens pour lutter contre les déprédateurs, tels que:

1. Lorsque vous appliquez des pesticides:

2. Pour éviter l'empoisonnement des poissons:

Voici quelques exemples pour accomplir les deux dernières opérations: appliquez les pesticides en poudre le matin, lorsque les gouttes de rosée sont encore sur les feuilles, et appliquez les pesticides liquides l'après midi lorsque les feuilles sont sèches.

Il existe sur le marché plusieurs pesticides moins toxiques. Un insecticide toxique tel que le Furadan® ou le Currater® peut être appliqué sans risque pour les poissons si on le fait correctement en l'incorporant à la terre à l'état solide pendant le hersage final. Le Furadan® est un insecticide systémique, dont l'efficacité pour le contrôle des insectes nuisibles dure de 50 à 55 jours environ. Après cette période, on peut éliminer les insectes avec du pesticide liquide. A ce moment-là, les plants de riz ont atteint leur pleine végétation et les feuilles épaisses capturent la plupart du liquide, réduisant ainsi considérablement la concentration de pesticide dans l'eau.

Il est préférable d'attendre que le riz soit bien établi avant d'y laisser circuler les poissons, surtout s'ils sont grands. On peut empoissonner lorsque deux ou trois talles se sont développés, ce qui arrive en général une à trois semaines après le repiquage ou quatre à six semaines après le semis direct, en fonction des conditions du riz et de la taille du poisson.

De petits alevins (d'environ 2,5 cm de long) peuvent être empoissonnés tout de suite après le repiquage sans risque d'endommager le riz. Il n'est jamais arrivé aux auteurs de rencontrer des variétés de riz qui ne puissent être intégrées aux poissons; toutefois, certaines variétés sont plus indiquées que d'autres. Des variétés qui endurent bien l'eau profonde sont préférables à celles qui ne poussent bien qu'en eau peu profonde. Dans les régions où les pluies sont très irrégulières, les agriculteurs préfèrent empoissonner très tard dans la saison des pluies. A ce moment-là, l'accumulation d'eau de surface est à son maximum annuel et la possibilité d'inondation par les dernières pluies est faible. Dans ce cas, il vaut mieux utiliser des variétés de riz à grande longévité et à maturation tardive.

Des variétés de riz qui tallent (c’est-à-dire) qui produisent de nouvelles tiges) rapidement ou dans une grande variété de conditions d'eau, permettent souvent à l'agriculteur d'empoissonner plus tôt.

Les agriculteurs ont obtenu de bons résultats avec diverses variétés, à maturation précoce et tardive, sensibles ou non à la photopériode, glutineuses et non glutineuses.

Effets sur le rendement du riz

L'expérience des auteurs démontre que le rendement du riz augmente en moyenne de 10 pour cent lorsqu'il est intégré aux poissons. Toutefois, il existe de grosses différences d'une ferme à l'autre et il est donc difficile de garantir les résultats.

Le rendement semble subir une plus forte augmentation dans les fermes ayant un sol pauvre et où les poissons sont alimentés d'une manière intensive. Les mécanismes possibles incluent:

On a déjà souligné les principaux dangers pour le riz: les grands poissons abîment les tout jeunes plants de riz; certaines variétés de riz ne tolèrent pas l'eau profonde. Toutefois, s'ils prennent des précautions sensées, les agriculteurs ne risqueront pas

Autres points à considérer

Aujourd'hui, la Gestion intégrée des déprédateurs (GID) représente la stratégie nationale de lutte contre les insectes adoptée aux Philippines et dans d'autres pays producteurs de riz, et l'Institut international de recherche sur le riz (International Rice Research Institute) a publié des résultats démontrant que la lutte naturelle contre les insectes sans apport de pesticides est en général la meilleure solution pour les riziculteurs. Il est bien entendu que le concept de GID exclut toute utilisation d'insecticide systémique comme traitement de prévention.

Système riz-poisson: bénéfices et problèmes

John Sollows

Lorsque l'on discute d'une technologie avec des candidats intéressés, il est important de prendre en considération les bénéfices et les risques potentiels, afin qu'ils puissent décider de la manière la plus équilibrée possible s'il leur convient ou non d'essayer cette technologie. Si les candidats ne sont pas au courant des bénéfices possibles, ils risquent de perdre une occasion d'améliorer leurs conditions de vie. L'ignorance des risques peut poser des problèmes tout aussi graves et peut réduire leur confiance en eux-mêmes.

Problèmes et contraintes

1. Le système riz-poisson a besoin de terre; les fermiers sans terre peuvent donc avoir des problèmes, à moins qu'ils ne trouvent un accord avec le propriétaire qui garantisse des bénéfices tant aux uns qu'aux autres. Il est important de mettre le propriétaire au courant des bénéfices et des problèmes associés à la technologie. L'accord devrait spécifier quelle partie de la production va à l'agriculteur et laquelle va au propriétaire. Le loyer sera-t-il augmenté? Tous les bénéfices additionnels dérivant de la récolte de poissons iront-ils à l'agriculteur?

Le système riz-poisson pourrait-t-il être appliqué par des fermiers sans terre sur des terrains appartenant à la communauté?

2. La production ne peut être garantie, en particulier en cas d'alimentation par eau de pluie.

3. Pesticides et autres produits chimiques toxiques peuvent tuer les poissons et ne devraient pas être utilisés. (Voir les chapitres sur le choix de l'emplacement et sur le système riz-poisson.

4. Le transport des alevins et l'empoissonnement devraient être faits correctement. Les alevins sont très vulnérables à ce stade et la négligence peut les tuer. (Voir le chapitre sur l'empoissonnement en système riz-poisson).

5. Les prédateurs peuvent sérieusement réduire le stock de poisson. L'utilisation d'alevins plus grands élevés en nurseries peut en grande partie résoudre ce problème. Pour noyer les serpents, on peut immerger des trappes en treillis métallique. Serpents et grenouilles peuvent également être capturés à la main. Les œufs de grenouilles devraient être enlevés dès qu'ils sont découverts et ensuite séchés. On peut parfois chasser les oiseaux en les effrayant.

6. Les voleurs sont peut-être les prédateurs les plus difficiles à dissuader, et le fait de vivre à proximité de la rizière peut parfois aider. On peut placer dans l'étang des bambous ou d'autres branches pour entraver la pêche au filet des poissons et du fil de fer barbelé immergé détruira assurément tout filet qui s'y accroche. Des obstacles (rochers ou bûches) placés sur les digues qui amènent à la rizière rendent l'accès difficile la nuit. Des chiens de garde peuvent également être utiles.

Trop d'eau

Trop peu d'eau

7. La préparation de la rizière demande de la part de la famille un gros investissement en terme de temps, de main d'œuvre et d'argent. La disponibilité en main d'œuvre empêche souvent des agriculteurs pauvres de réaliser cette pratique, en limitant la superficie qu'ils peuvent aménager et le temps qu'ils peuvent dédier à la gestion du système. Celui-ci représentera un défi, surtout pour les couples âgés et les jeunes couples avec enfants. En règle générale, si une seule personne fait le travail, aménager une rizière de 1 000 m² ne demandera pas plus de 10 jours de travail à raison de 8 heures par jour. Une famille qui n'a pas le temps d'alimenter les poissons devrait adopter un faible taux d'empoissonnement.

8. Les capacités de gestion de l'agriculteur s'amélioreront avec le temps. La première année, beaucoup d'agriculteurs aboutissent à un bon résultat, mais il y en a aussi beaucoup qui échouent. Par contre, les échecs parmi les agriculteurs expérimentés sont rares.

9. Il arrive que le rendement du riz soit réduit dans le système riz-poisson, surtout lorsque l'on empoissonne des alevins trop grands avant que les plants de riz ne soient bien établis. Il peut arriver également que dans certaines rizières l'eau soit trop profonde pour certaines variétés de riz. D'autres fois encore, il arrive que les plants de riz se plient et que les poissons en mangent alors les graines.

10. Certains agriculteurs se plaignent de ce que la capture de poissons sauvages soit inférieure en rizières où l'on pratique l'élevage de poissons. L'espèce la plus souvent accusée est le tilapia. Ces fermiers pensent qu'un grand nombre de poissons d'élevage peut effrayer et faire fuir les poissons sauvages.

11. Des problèmes de commercialisation peuvent également se présenter. Un agriculteur peut planifier de vendre ses poissons lorsque les prix sont élevés, mais une pénurie d'eau peut l'obliger de les vendre avant. Le transport des poissons au marché peut également prendre du temps, surtout si on ne peut l'organiser à l'avance. Si une famille décide de vendre une grande partie de la récolte, où, quand et comment la vendra-t-elle? Cela sera-t-il facile?

12. L'approvisionnement en alevins est un problème très commun. Une famille peut ne pas toujours pouvoir se procurer ce qu'elle veut. En général, l'achat d'alevins a lieu pendant la saison du repiquage lorsque la demande de poissons est élevée et que les agriculteurs ont peu de temps et peu d'argent.

Il faudrait prendre sérieusement en considération l'établissement d'écloseries et de nurseries dans les villages où la pisciculture devient populaire Si la demande sur le marché local est suffisante, il est souvent conseillé d'encourager deux ou plusieurs villageois qui sont intéressés et qui se sentent à même de pouvoir le faire, d'établir des écloseries. Cela empêchera qu'un seul producteur ne monopolise le marché.

Bénéfices et potentiels

1. Comparée à beaucoup d'autres technologies, le système riz-poisson présente peu de risques. Il requiert peu d'argent, n'est pas particulièrement " nouveau " ou révolutionnaire pour la plupart des riziculteurs et ne se heurte que peu aux autres activités agricoles.

2. Les poissons élevés en rizière offrent aux agriculteurs une réserve alimentaire continue, prévisible et pratique, ce qui est apprécié par les agriculteurs qui sont habitués à dépendre de stocks de poissons sauvages aléatoires et en diminution.

3. Le système riz-poisson empêche le gaspillage de l'eau.

4. Grâce à cette pratique, les agriculteurs peuvent gagner du temps et ainsi entreprendre d'autres activités génératrices de revenu ou améliorer celles existantes.

5. Le fait que peu d'argent soit nécessaire signifie que les agriculteurs ne devront pas contracter des emprunts. Ils peuvent donc choisir comment utiliser leurs poissons: ils peuvent les manger, les vendre, les garder vivants (la nature permettant), les conserver ou les donner. Les agriculteurs ne sont pas obligés de les vendre rapidement afin de payer leurs dettes.

6. Les ventes peuvent apporter de l'argent utile en différents moments. Certains agriculteurs peuvent vendre aussi bien des géniteurs que des alevins ou des poissons de consommation.

7. S'agissant principalement d'une activité de subsistance, il y a peu de compétition sur le marché entre producteurs.

8. Les rendements en riz sont en général accrus, quoiqu'ils varient considérablement d'une ferme à l'autre. Les rendements sont rarement négativement affectés si l'agriculteur gère bien le système.

9. Le fait que cette technologie puisse modérément améliorer les conditions de vie des riziculteurs pauvres devrait la rendre intéressante pour ceux qui sont responsables du développement.

Autres points à considérer

Une des principales contraintes au système riz-poisson peut être l'inondation saisonnière des rizières, qui entraîne soit une perte de poissons, soit leur mélange avec ceux des voisins que l'on retrouve alors dans la rizière une fois que la crue se retire.

Des études ont démontré que la présence de tilapia peut augmenter la biomasse des poissons tête de serpent qu'on peut récolter dans les étangs. Des changements dans le débit d'eau et dans l'accès aux rizières après les modifications nécessaires à l'élevage de poissons peuvent représenter un problème plus sérieux.

On devrait prendre en considération la disponibilité en eau pérenne permettant de conserver les poissons de façon continue, c.-à-d. un refuge ou un étang plus profond. Ceci peut être intéressant si des problèmes de commercialisation se présentent et pour améliorer la disponibilité en poissons. Les étangs permettent une commercialisation plus flexible. Si les poissons élevés en rizière ne sont disponibles que pour une courte période, la possibilité de les conserver en étang prolonge la saison pendant laquelle on peut en disposer. La conservation de l'eau dans le système riz-poisson requiert qu'un étang plus profond y soit utilisé.

Dans les régions où la consommation de poisson par habitant est élevée, la possibilité d'épargner l'argent de l'achat de poisson peut être une forte motivation pour en élever en rizières. Dans les zones irriguées, un système riz-poisson avec beaucoup d'intrants peut améliorer le rendement du riz et/ou réduire les besoins en éléments nutritifs.

L'aspect économique du système peut varier. Dans le Nord du Viet Nam par exemple, le revenu du système intégré riz-poisson est souvent 1,5 à 1,7 fois plus élevé que le revenu produit par le seul système rizicole. Alors que la productivité du riz dans le système rizipiscicole est de 10 à 17 pour cent plus élevée par rapport au seul système rizicole, la production totale de riz n'augmente souvent que de trois à cinq pour cent, si l'on tient compte de la superficie perdue pour construire les tranchées. Un autre avantage du système, tel qu'il a été expérimenté dans le Nord du Viet Nam, est la réduction de 50 à 65 pour cent des pesticides utilisés, par rapport au seul système rizicole.

L'écosystème riz-poisson

Ahyaudin Ali

Figure 1. Flux simplifié des éléments nutritifs

Ci-dessous sont énoncés les termes utiles pour comprendre l'écosystème riz-poisson tel qu'il est étudié dans ce document:

- organique: disponible également pour poissons, plancton, algues, sol, faune et bactéries.

- inorganique: n'est disponible que pour riz, macrophytes/algues/plantes, phytoplancton et bactéries.

- plantes, algues et phytoplancton constituent de la nourriture pour poissons, insectes, zooplancton et faune du sol.

Figure 2. Composantes de l'écosystème

A

B

C

D

E

Chaîne alimentaire théorique des poissons dans le système - F

Autres points à considérer

L'environnement «rizière» est un milieu cultural spécialisé pour poissons, qui peut être exploité le mieux par l'utilisation de certains types de polyculture.

Des poissons tels que la carpe commune aèrent la couche superficielle des sédiments grâce aux mouvements effectués lorsqu'ils sont en quête de nourriture et ils favorisent le processus de décomposition aérobique, assurant ainsi la remise en circulation rapide d'éléments nutritifs.

Les poissons comme composante de la gestion intégrée des déprédateurs en production rizicole

Matthias Halwart

La gestion intégrée des déprédateurs

La gestion intégrée des déprédateurs (GID) est un système de lutte contre les organismes nuisibles qui utilise la meilleure combinaison des technologies disponibles pour résoudre un problème particulier de déprédateurs. Elle promeut des pratiques auxquelles l'agriculteur peut accéder et permet le contrôle des déprédateurs avec le moins de produits chimiques possible, tout en obtenant des rendements élevés et le maximum de profits. La réduction de l'utilisation de pesticides est un facteur important, ce système de lutte étant souvent peu rentable et dangereux pour l'homme. En outre, plusieurs pesticides éliminent non seulement les déprédateurs mais aussi leurs ennemis naturels, laissant ainsi la récolte vulnérable à une invasion incontestée d'organismes nuisibles.

Le GID comprend une grande variété de technologies, telles que le choix de variétés résistantes aux déprédateurs et aux maladies, la rotation des cultures, les jachères et la plantation simultanée sur de vastes superficies. Il favorise également le développement de populations d'ennemis naturels des déprédateurs du riz.

Afin d'aider les agriculteurs à décider dans quelle situation une application de pesticides peut être justifiée économiquement, on utilise des niveaux de seuil économique. Grâce à la présence de parasites et de prédateurs, y compris les poissons, l'agriculteur est moins souvent contraint à intervenir.

Les poissons comme prédateurs en rizières

Les espèce piscicoles les plus communes en rizières sont la carpe commune (Cyprinus carpio), le tilapia du Nil (Oreochromis niloticus) et le barbeau argenté (Barbodes gonionotus). Toutefois, il existe en rizières un grand nombre d'autres espèces tant d'élevage que sauvages.

Parmi celles-ci se trouvent des poissons qui se nourrissent de larves et d'autres qui se nourrissent de mollusques; ils ont une grande importance dans la lutte contre les maladies de l'homme transmises par vecteurs, comme la malaria et la schistosomiase. Les poissons herbivores se nourrissent directement de mauvaises herbes et il semblerait qu'ils soient très efficaces pour garder le canal d'irrigation dénué de végétation. La turbidité et l'eau profonde augmentent l'effet de contrôle des poissons sur les mauvaises herbes.

Tableau 1. Organismes problématiques dans la production de riz, prédation par les poissons et stade de vie susceptible d'être objet de prédation.

Organismes problématiques

Prédation par les poissons

Stade de vie de la proie

Insectes




Mouche mineuse

?

?


Orseolia oryzae

+

?


Nymphula depunctalis

+

Larves


Marasmia ruralis

?

?


Mouche mineuse du haricot

+

Larves


Punaise

?

?


Fulgoride brun

+

Nymphes/adultes


Cicadelle à dos blanc

+

Nymphes/adultes


Cicadelle verte

?

?

Maladies




Pyriculariose du riz

?

?


Chancre de la tige

+

Sclérote


Maladie du gigantisme du riz

?

?


Alternariose

+

?


Bacteriose

+

?


Striures

?

?

Mauvaises herbes




Herbacées

+

Jeunes plan


Laiches

+

Jeunes plants


Plantes à larges feuilles

+

Jeunes plants

Autre




Ampullaire brune

+

Fraîchement éclos

Notes:

1. ? - pas d'information disponible
2. + - observations documentées

Chaque espèce de poisson affecte d'une manière différente les différents déprédateurs. Par exemple, la carpe commune semble être très efficace contre les ampullaires brunes. En Malaisie, le tilapia n'a pas réussi à contrôler ce mollusque, alors que le poisson-chat géant des Philippines (Clarias batrachus) a donné de bons résultats.

L'efficacité des poissons en rizières où le riz a été semé à la volée est douteuse, car dans ce cas les plants de riz sont trop serrés pour permettre aux poissons d'y circuler. Il n'existe pas de données précises pour établir quelle est la densité de poissons idéale dans la lutte contre les organismes nuisibles, mais l'on présume que des densités élevées soient plus efficaces. Les poissons mangent les feuilles externes du riz, les plus vieilles et donc les plus susceptibles d'être infestées par des organismes pathogènes. Ceci rend les plants de riz plus sains.

Il existe plusieurs rapports indiquant que la présence des poissons réduit le nombre de déprédateurs et les dommages causés par eux ou les maladies (Tableau 1). La plus grande partie de ce travail a été menée dans des systèmes riz-poisson. Dans certains cas, les mécanismes de base ont été décrits (voir figures ci-dessus). Toutefois, la liste est loin d'être complète. D'autre effets directs et indirects seront probablement découverts si l'on poursuit les recherches.

Mécanismes de lutte contre les déprédateurs

Ampullaire brune

Les poissons se nourrissent de mollusques à peine éclos

Mouche mineuse

Les poissons se nourrissent des larves lorsqu'elles se déplacent

Cicadelle

Les poissons qui se nourrissent de sauterelles qui tombent dans l'eau peuvent aussi activement secouer les talles de riz lorsqu'ils mordillent les tiges

Nymphula depunctalis

Les poissons se nourrissent de larves flottantes

Direct/Indirect

Indirect

Chancre de la tige

Les poissons se nourrissent de sclérotes flottantes

Mauvaises herbes

Elles sont éliminées par la consommation directe par les poissons, par l'augmentation de la turbidité de l'eau et par l'immersion constante

Marasmia ruralis

Les mites dérangées s'envolent et sont mangées par les oiseaux ou autres prédateurs

Jusqu'à présent, les habitudes alimentaires des poissons en rizière ne sont pas bien démontrées. En général, les jeunes poissons sont plutôt omnivores et des insectes font souvent partie de leur régime alimentaire. L'abondance et le comportement des poissons et des organismes nuisibles du riz détermineront l'importance relative des poissons en tant qu'agents de bio-contrôle en production rizicole.

Les observations de terrain sont fondamentales pour comprendre le rôle des poissons dans l'écosystème des rizières. Si vous travaillez dans ce domaine, notez et partagez avec d'autres vos expériences sur la structure de l'activité et sur les habitudes alimentaires des poissons. Les facteurs importants à observer sont espèce, taille, proie et réponse aux variations environnementales.

Autres points à considérer

Des poissons se nourrissant de déprédateurs du riz peuvent réduire les dégâts causés aux cultures rizicoles. En même temps, l'empoissonnement aide à consolider les pratiques GID qui ont été à la base de l'augmentation des rendements en riz dans de nombreuses régions d'Asie. Riziculture et pisciculture pratiquées en évitant sciemment toute utilisation de pesticides peuvent constituer pour les agriculteurs un important premier pas vers de meilleurs prix, surtout sur les marchés situés à proximité des grandes villes où la demande de produits biologiques est en augmentation.


Page précédente Début de page Page suivante