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REMERCIEMENTS


Je remercie tout particulièrement MM. Koichi Tahara et Ulf Wijkström, Division des politiques et de la planification de la pêche (FAO), pour leur aide, leur coordination, leurs suggestions et leurs encouragements tout au long des différentes étapes de l’élaboration de ce document. Mes remerciements s’adressent également aux auteurs des études de cas, aux experts indépendants et à divers collaborateurs du Département des pêches de la FAO pour leur précieuse contribution, ainsi qu’au Gouvernement du Japon qui a assuré le financement nécessaire à la réalisation de ce projet.

Adresse de l’auteur:

James R. McGoodwin
Professeur
Départment d’anthropologie
Campus Box 233
Université du Colorado
Boulder, CO 80309
Etats-Unis d’Amérique

Distribution:

Département des pêches de la FAO
Représentants régionaux et nationaux de la FAO
Fonctionnaires des pêches des Bureaux régionaux de la FAO
Projets de terrain du Département des pêches de la FAO

1. OBJECTIFS ET INTRODUCTION

Le présent document a pour objet d’aider les responsables des pêches à mieux connaître la culture des communautés de petits pêcheurs. Ils seront ainsi davantage en mesure d’élaborer des politiques et des méthodes de gestion plus efficaces, et d’aider les gens de ces communautés à améliorer leur vie.

Près de 95 pour cent des pêcheurs dans le monde sont des pêcheurs à petite échelle qui réalisent collectivement près de la moitié des captures mondiales de poisson destinées à la consommation humaine. Ils sont plus de 20 millions de producteurs primaires, auxquels s’ajoutent 20 millions de transformateurs, de négociants et de distributeurs à petite échelle, soit au total quelque 40 millions de personnes dans le monde entier directement employées dans le secteur des pêches à petite échelle; par ailleurs, si l’on compte également toutes les activités auxiliaires dont le concours est nécessaire, ainsi que les personnes à charge de tous les actifs susmentionnés, alors la pêche à petite échelle assure la subsistance de plus de 200 millions de personnes dans le monde.

Or, la plupart des pêches mondiales sont aujourd’hui menacées et se trouvent malheureusement dans les régions côtières où vivent la quasi-totalité des populations de pêcheurs à petite échelle. Pour ces différentes raisons, les communautés de petits pêcheurs méritent une attention toute particulière de la part des responsables des pêches.

2. CARACTÉRISTIQUES CULTURELLES DES COMMUNAUTÉS DE PETITS PÊCHEURS

Le présent document étudie les aspects culturels suivants des communautés de petits pêcheurs dont la connaissance s’avère particulièrement importante pour les responsables des pêches:

3. RENFORCEMENT ET PROTECTION DES COMMUNAUTÉS DE PETITS PÊCHEURS

Les caractéristiques culturelles susmentionnées des communautés de petits pêcheurs sont essentiellement de type interne. Par ailleurs, le présent rapport laisse entendre que les facteurs externes peuvent également contribuer à l’efficacité de la gestion des pêches et renforcer les communautés de petits pêcheurs:

4. MÉTHODES D’ÉTUDE DE LA CULTURE DES COMMUNAUTÉS DE PETITS PÊCHEURS

Le présent document décrit les méthodes générales suivantes susceptibles d’aider les responsables des pêches à recueillir des informations pertinentes et fiables concernant la culture des communautés de petits pêcheurs, tout en procédant dans le respect des règles déontologiques:

5. ÉVALUATIONN RAPIDE DES COMMUNAUTÉS DE PÊCHEURS À PETITE ÉCHELLE

L’évaluation rapide (ou approche dite de l’évaluation rurale rapide) des communautés de pêcheurs - méthode générale d’étude accélérée des communautés de petits pêcheurs - est également présentée ci-après. Les méthodes d’évaluation rapide font appel à des équipes interdisciplinaires afin d’acquérir en peu de temps une connaissance des communautés de pêcheurs et des problèmes auxquels elles sont confrontées. Elles s’avèrent particulièrement efficaces lorsque les responsables des pêches se trouvent limités par de strictes contraintes de budget et de calendrier.

6. RECOMMANDATIONS

Des recommandations portant sur les points suivants sont également formulées.

1. Recommandations générales.

2. Thèmes d’étude recommandés pour comprendre la culture des communautés de petits pêcheurs.

3. Recommandations visant à promouvoir et légitimer les organisations de pêcheurs.

4. Recommandations visant à harmoniser les nouveaux programmes de gestion et de développement avec les systèmes traditionnels des pêcheurs.

5. Recommandations concernant le renforcement des capacités.

6. Recommandations visant à promouvoir une sensibilisation de l’opinion aux cultures des communautés de petits pêcheurs.

Ces recommandations sont définies à l’intention des agents de vulgarisation des pêches et des hauts responsables de la fonction publique comme à l’intention de tous ceux qui s’emploient à promouvoir l’efficacité de la gestion des pêches, tout en améliorant le bien-être des populations des communautés de petits pêcheurs.

7. APPENDICES

Deux appendices figurent à la fin du rapport, l’appendice 7.1 présente des informations complémentaires concernant l’historique du présent document et la façon dont il a été établi; l’appendice 7.2 donne des exemples de jeux de données susceptibles d’être recueillis dans le cadre d’évaluations rapides.

8. NOTES EN FIN DE DOCUMENT

Plusieurs notes en fin de document apportent des données complémentaires détaillées concernant certains des aspects traités dans le corps du texte.

9. PUBLICATION DE RÉFÉRENCES CITÉES

Ce chapitre contient des informations bibliographiques complètes concernant plus de 150 publications citées dans le rapport.

ÉTUDES DE CAS

Six études de cas consacrées à des communautés contemporaines de petits pêcheurs appartenant à différentes régions culturelles dans le monde sont jointes en annexe à la fin du rapport. Elles illustrent les possibilités variées d’améliorer l’efficacité des politiques et des pratiques de gestion des pêches grâce à la connaissance des cultures des communautés de petits pêcheurs. Ces études de cas sont résumées succinctement ci-dessous.

«Gestion des ressources orientée sur une espèce et échanges de vues concernant la conservation des poissons coralliens: les pêches à petite échelle dans les îles Yaeyama (sud-ouest du Japon)» (par Tomoya Akimichi).

Akimichi décrit dans cette étude de cas les mesures complexes et hautement participatives qui doivent être prises pour promouvoir une gestion des pêches fondée sur la coopération avec les communautés. Il présente la situation dans les îles Yaeyama au sud-ouest du Japon où la récente dégradation des écosystèmes marins des récifs coralliens et l’augmentation de l’effort de pêche des pêcheurs professionnels et amateurs a suscité l’intérêt en faveur de l’introduction de nouvelles méthodes de gestion régionale d’une espèce précieuse et menacée: le poisson empereur.

En 1996 et 1997, l’administration préfectorale a pris l’initiative d’organiser à l’association coopérative des pêches de la région (ACP) une série de réunions au cours desquelles des propositions d’aménagement ont été faites aux différents pêcheurs professionnels de poisson empereur. A ces réunions assistaient des membres de l’ACP, le préfet et d’autres fonctionnaires du gouvernement, ainsi que des particuliers pratiquant la pêche récréative. Il a été difficile de recueillir le consensus des membres de l’ACP sur les mesures de gestion proposées, en raison principalement de leurs approches différentes de la pêche. Par contre, pratiquement tous les membres étaient inquiets de l’impact de la pêche récréative sur les stocks de poissons empereur. En définitive, après remaniement du programme d’aménagement proposé, les membres de l’ACP ont provisoirement accepté par consensus de s’y conformer, et ceux du secteur de la pêche récréative se sont également déclarés disposés à s’y conformer.

Akimichi souligne le fait que les autorités gouvernementales se sont appuyées sur les connaissances en écologie des membres de l’ACP pour élaborer ce programme, tandis que la concertation entre toutes les parties intéressées par ces stocks de poissons a facilité l’élaboration d’un programme d’aménagement potentiellement plus complet et plus efficace.

«Intégration des institutions traditionnelles et participation de la population à un projet de développement des pêches artisanales dans la partie sud-est du Nigéria» (par Menakhem Ben-Yami)

Cette étude de cas décrit un système efficace de développement du crédit conçu en faveur des communautés vivant de la pêche artisanale dans le sud-est du Nigéria. Le programme présenté par Ben-Yami s’est appuyé sur les institutions culturelles existantes au sein des communautés de pêcheurs en les mettant en rapport avec une banque de prêt moderne. La réussite de ce projet a été due à une forte participation des communautés d’un bout à l’autre du projet, depuis la phase initiale de planification, jusqu’à la phase finale de l’exécution.

Au début du programme, Ben-Yami a observé que l’effort de pêche total a principalement été entravé, non par les stocks de poissons, longtemps restés stables et sous-exploités, mais par la difficulté d’accéder à un crédit à des taux raisonnables pour financer les opérations halieutiques. Les communautés locales avaient déjà des institutions de crédit traditionnelles, mais celles-ci n’étaient pas en mesure de consentir les prêts supplémentaires propres à favoriser une augmentation significative de la production halieutique. Ainsi, en reliant les institutions de crédit traditionnelles des communautés à une banque de prêt moderne, le projet de développement a su mettre à profit une importante composante préexistante de la culture communautaire locale.

Globalement le projet a amélioré les conditions de vie d’un grand nombre de personnes vivant de la pêche à petite échelle, mais la limitation de son succès a été imputable à des politiciens et à certains représentants des pouvoirs publics et de l’administration qui ont tenté d’exploiter le projet à leurs propres fins, ainsi qu’aux tendances inflationnistes de l’économie nationale. Quelques années plus tard, d’autres projets de développement ont été entrepris dans la même région, mais sans consultation préalable des communautés locales; de ce fait, des sommes considérables ont été dépensées pour des innovations technologiques qui se sont avérées inappropriées et qui n’ont guère amélioré le bien-être des membres des communautés de pêcheurs.

«La pêche artisanale à la baleine en Amérique du Nord» (par Milton M.R. Freeman)

Cette étude de cas porte sur les populations aborigènes inuites du nord de l’Alaska et montre comment leurs pratiques de pêches traditionnelles les ont aidées à maintenir leur identité culturelle tout en favorisant une bonne conservation des stocks baleiniers. Ainsi, tandis que la chasse à la baleine joue un rôle important dans l’économie de subsistance contemporaine des Inuits, l’auteur fait valoir son rôle vraisemblablement encore plus grand en tant que symbole de leur identité culturelle. Par conséquent, la distribution des aliments à base de baleine à l’échelle de la communauté est notamment un instrument majeur pour maintenir la cohésion sociale et l’identité culturelle en ce sens que le processus de distribution a plus d’importance que les quantités effectivement distribuées.

Durant les deux dernières décennies, alors que la population inuite a doublé, le nombre moyen de baleines capturées chaque année est demeuré à peu près constant et les populations n’ont guère cherché à élargir les débouchés commerciaux. Selon Freeman, les approches conventionnelles de l’aménagement des pêches, en vertu desquelles les baleines ne sont rien de plus qu’un stock de poissons sauvages, qui doit être conservé et attribué en tant que ressource destinée à l’alimentation humaine, menacent aussi bien la pérennité de l’identité culturelle des Inuits que les stocks de baleines. Le maintien de la culture inuite et la conservation des baleines reposent sur la pérennité des multiples significations de la chasse à la baleine et de la distribution des produits qui en sont dérivés.

«Les aspects socioculturels des pêches: implications pour la sécurité alimentaire et la garantie des moyens d’existence; monographie sur l’Etat du Kérala (Inde)» (par John Kurien)

Kurien décrit des communautés de petits pêcheurs de l’Etat du Kérala (Inde) dont le niveau de vie a baissé à la suite d’initiatives de développement qui ont ignoré leurs stratégies de pêche traditionnelles, établies depuis des générations. Avant ces initiatives de développement, l’accès aux pêcheries et l’allocation des ressources halieutiques étaient réglementés par des traditions communautaires qui prônaient le partage des aliments marins et des revenus qui en dérivent, et mettaient l’accent sur la participation des communautés à la gestion des pêches. Les pratiques traditionnelles prévoyaient également des mécanismes efficaces pour le règlement des différends et garantissaient le maintien d’une offre abondante d’aliments marins dans toute la région.

Toutefois, depuis environ quatre décennies, des politiques de développement qui favorisent l’expansion d’une industrie moderne de la crevette à vocation d’exportation, ont réorienté les politiques halieutiques sur les besoins de ce secteur, qui fournit pourtant relativement peu d’emplois aux membres des communautés vivant de la pêche à petite échelle. D’importants écosystèmes marins ont commencé à se dégrader, les approvisionnements de la région en aliments marins ont diminué de même que le nombre de femmes employées sur les marchés de poisson de la région. Dans les communautés mêmes, d’autres initiatives de développement ont obligé les artisans pêcheurs à se détourner des approches traditionnelles de la pêche et encouragé une nouvelle culture individualiste et compétitive, centrée davantage sur les marchés et non sur les communautés. Cela a bouleversé les traditions culturelles qui avaient longtemps guidé la vie économique et sociale locale, en suscitant de nouvelles divisions politiques, sociales, et intercommunautaires.

Kurien recommande que les politiques halieutiques s’emploient avant tout à améliorer les conditions de vie des membres des communautés vivant de la pêche à petite échelle, et par ailleurs à réglementer plus strictement le secteur d’exportation de la crevette. Il recommande en outre de redynamiser le système de valeurs traditionnel des communautés et la gestion traditionnelle des pêches, de prendre davantage en considération les approches coutumières de la pêche et de relancer les marchés régionaux des aliments marins en encourageant les femmes à y participer davantage.

«Le poisson et l’eau: la sécurité alimentaire et le poisson dans une communauté côtière de la République dominicaine» (par Richard W. Stoffle)

Cette étude de cas examine les interactions d’une communauté de petits pêcheurs avec les populations et les cultures extérieures. L’auteur décrit un petit village côtier de la République Dominicaine qui, bien qu’il paraisse isolé au premier abord, possède en réalité tout un réseau d’interconnexions aux niveaux local, national et même mondial.

Les spécialistes villageois de la pêche produisent du poisson pour nourrir leur famille et pour le vendre sur les marchés de la région et du pays. Une bonne partie du poisson de qualité inférieure qu’ils capturent est vendu dans les villes côtières du pays où il représente, pour les pauvres des villes, une importante source de protéines animales.

Toutefois, comme le soutient l’auteur, pour bien comprendre les rôles que jouent les communautés de pêcheurs aux plans local, national et mondial, il faut comprendre leurs interactions avec les agriculteurs du village. Ainsi, lorsque les agriculteurs locaux voient diminuer leur production alimentaire de subsistance et leurs revenus, en raison de sécheresses localisées ou de réformes des politiques économiques nationales ou internationales qui font baisser les prix des cultures de rapport, beaucoup se tournent temporairement vers la pêche, ce qui entraîne une intensification de l’effort de pêche total et s’accompagne de diminution des stocks de poissons locaux. Qui plus est, durant ces périodes de déclin de l’agriculture, les pêcheurs augmentent la part de leurs captures de qualité inférieure qu’ils vendent à leurs voisins agriculteurs, ce qui a pour effet de réduire les approvisionnements en poisson des pauvres des villes, dont beaucoup n’ont guère les moyens d’acheter d’autres sources de protéines animales. Enfin, comme les ressources en eau potable des villages sont souvent insuffisantes, les pêcheurs locaux sont parfois obligés de vendre les poissons destinés normalement à nourrir leur famille, pour acheter l’eau potable dont ils ont besoin pour boire ou pour faire cuire les aliments de base riches en calories et peu coûteux.

L’étude de cas de Stoffle met donc en évidence le réseau d’interconnexions d’une communauté de pêche avec les populations et les cultures extérieures et montre l’incidence que peuvent avoir ces interactions sur le bien-être des nombreuses personnes concernées.

«Les Hébrides et la côte occidentale de l’Écosse: importance sociale et culturelle des communautés de pêche côtières et leur contribution à la sécurité alimentaire» (par David Thomson)

Cette étude de cas montre comment des politiques halieutiques qui favorisent la pêche industrielle à grande échelle entraînent un appauvrissement des communautés de pêche artisanale de la côte occidentale de l’Écosse. Bien que les pêches de la région connaissent un déclin depuis un certain nombre d’années, Thomson note que le secteur de la pêche artisanale fournit encore quelque 20 pour cent des emplois totaux de la région.

Depuis le début des années 1980, les pêcheries régionales ont constamment décliné, à la fois parce qu’elles avaient été surexploitées pendant des années par tous les types de pêche et du fait de l’avancée de la pollution marine. De grosses entreprises de pêche venues d’autres régions de l’Écosse ont également acheté les licences délivrées en nombre limité aux artisans pêcheurs économiquement défavorisés, qui se voient privés de la possibilité de poursuivre leur activité. Cela a fait monter le prix des licences et encore réduit la participation aux pêcheries des communautés de petits pêcheurs.

De plus, Thomson fait valoir que les communautés de petits pêcheurs de la région seront inévitablement appauvries par la mise en application intégrale de la Politique commune de la pêche (PCP) de l’Union européenne qui autorise l’accès des flottilles de tous les pays membres. Une fois cette politique mise en oeuvre, il en résultera une escalade du commerce des licences, de sorte qu’elles deviendront beaucoup trop chères pour la majorité des petits opérateurs de l’Ouest de l’Écosse et que de plus en plus d’avantages économiques des pêcheries de la région seront transférés à des intérêts étrangers. Ainsi, alors que le développement régional est l’un des objectifs de la politique commune de la pêche de l’Union européenne, Thomson montre que, sous sa forme actuelle, elle favorise tellement la pêche à grande échelle qu’elle risque de sonner le glas des communautés de petits pêcheurs.

L’auteur recommande donc que l’Union européenne place en tête des priorités de sa politique halieutique l’amélioration des conditions de vie des communautés d’artisans pêcheurs. Une telle politique procurerait de nombreux avantages, notamment un accroissement de la sécurité alimentaire et la création d’emplois dans les communautés côtières, une récolte plus efficace des stocks de poissons avec des effets moins nuisibles sur les écosystèmes marins et enfin, un renversement de la tendance au dépeuplement et au déclin économique observé de longue date dans la région.


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