Point de l'ordre du jour 4.2 b GF 01/10   

Forum Mondial FAO/OMS
des Responsables de la Sécurité Sanitaire des Aliments
Marrakech (Maroc), 28-30 janvier 2002

Approches intégrées de la gestion de la sécurité sanitaire des aliments tout au long de la chaîne alimentaire

Stuart A. Slorach
Directeur général adjoint, Administration nationale des produits alimentaires
Uppsala (Suède)



Introduction

La plupart des pays qui disposent de systèmes permettant d'enregistrer les maladies d'origine alimentaire ont signalé une augmentation considérable ces dix dernières années de l'incidence des maladies dues à des micro-organismes pathogènes dans les aliments. Dans les pays industrialisés, jusqu'à une personne sur trois peut être touchée par une maladie d'origine alimentaire chaque année et dans la plupart des autres pays, la situation est probablement pire. Outre qu'elles provoquent la mort et des souffrances, les maladies d'origine alimentaire ont des conséquences économiques très importantes, qui se chiffrent dans certains pays en milliards de dollars. En Europe, l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, la "maladie de la vache folle") et la contamination des aliments par des dioxines ont rendu les consommateurs méfiants quant à la salubrité des aliments sur le marché, ce qui a eu de graves répercussions économiques. Souvent, les origines des problèmes de salubrité des aliments remontent à la contamination des produits pour animaux ou à d'autres facteurs qui interviennent à un stade précoce de la chaîne alimentaire; jusqu'à récemment, les responsables de la sécurité sanitaire des aliments ne s'étaient guère intéressés à ce domaine.

Des consommateurs confiants

Il est essentiel de rétablir et de maintenir la confiance des consommateurs dans les approvisionnements alimentaires, non pas par des exercices de relations publiques mais en accroissant effectivement l'innocuité des produits alimentaires. Les consommateurs devraient pouvoir supposer que tous les aliments en vente sont salubres. Il ne devrait pas être nécessaire de demander à son boucher s'il est possible de manger du boeuf en toute sécurité cette semaine, ou à son poissonnier si les huîtres sont consommables aujourd'hui. En outre, les aliments devraient être étiquetés de telle sorte que les consommateurs puissent choisir en toute connaissance de cause parmi toute la gamme de produits sur le marché. Lors de la conférence sur la chaîne alimentaire, Food Chain, qui s'est tenue à Uppsala au début de l'année alors que la Suède présidait l'Union européenne, la vision d'avenir pour la production alimentaire a été résumée comme suit: salubrité, durabilité et éthique. Malgré les grands progrès accomplis ces dernières décennies, tous ceux qui s'efforcent de garantir l'innocuité des approvisionnements alimentaires devraient admettre qu'il reste encore beaucoup à faire pour atteindre ce but.

Analyse des risques

Le premier objectif de la gestion des risques dans le domaine de la salubrité des aliments est de protéger la santé publique contre les risques associés aux aliments de façon aussi efficace que possible, par la sélection et la mise en oeuvre de mesures appropriées. Vers la fin du siècle dernier, il y a eu une réorientation des conceptions dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, avec l'introduction d'une approche fondée sur les risques. Pour encourager l'application des principes de l'analyse des risques dans le domaine de la salubrité des aliments, la FAO et l'OMS ont organisé conjointement des consultations d'experts sur les différentes composantes de l'analyse des risques - évaluation des risques, gestion des risques et communication des risques. La deuxième consultation, qui s'est tenue à Rome en 1997, traitait de la gestion des risques; le rapport sur ses travaux contient des recommandations sur les éléments et les principes de la gestion des risques dans le domaine de la salubrité des aliments (1). Ces recommandations ont servi de point de départ à l'introduction de principes d'analyse des risques dans le Codex et ont été aussi utilisées par nombre d'organismes gouvernementaux pour définir la gestion des risques dans le domaine de la salubrité des aliments au niveau national.

Principes généraux de la gestion des risques dans le domaine de la salubrité des aliments

La Consultation d'experts FAO/OMS a recommandé les huits principes généraux ci-après de la gestion des risques dans le domaine de la salubrité des aliments.

  • La gestion des risques devrait obéir à une démarche structurée.
  • La protection de la santé devrait être le principal facteur pris en considération dans les décisions concernant la gestion des risques.
  • Les décisions et les pratiques ayant trait à la gestion des risques devraient être transparentes.
  • L'élaboration de la politique d'évaluation des risques devrait constituer un élément spécifique de la gestion des risques.
  • Dans le cadre de la gestion des risques, l'intégrité scientifique du processus d'évaluation des risques devrait être préservée grâce au maintien de la distinction fonctionnelle entre gestion des risques et évaluation des risques. Il a été toutefois reconnu que l'analyse des risques est un processus itératif et que l'interdépendance des responsables de la gestion des risques et des responsables de leur évaluation joue un rôle essentiel dans son application pratique.
  • Les décisions concernant la gestion des risques devraient tenir compte du caractère incertain des résultats de l'évaluation des risques.
  • La gestion des risques devrait donner lieu à une communication claire et interactive avec les consommateurs et les autres parties intéressées au sujet de l'ensemble des aspects du processus.
  • La gestion des risques devrait être un processus continu qui prenne en compte toutes les nouvelles données obtenues en matière d'évaluation et d'analyse des décisions concernant la gestion des risques.

Responsabilité en matière de sécurité sanitaire des aliments

La responsabilité en matière de sécurité sanitaire des aliments incombe en premier lieu à ceux qui produisent les denrées alimentaires, les transforment et en font le commerce - agriculteurs, pêcheurs, exploitants d'abattoirs, transformateurs, commerçants de gros et de détail, restaurateurs, etc. C'est eux qui doivent s'assurer que les aliments qu'ils produisent et manipulent sont salubres et satisfont aux normes pertinentes énoncées dans les réglementations, et qui doivent vérifier que ces normes sont respectées.

La principale tâche des autorités de surveillance est d'énoncer des normes en matière de sécurité sanitaire des aliments et de s'assurer que les systèmes de contrôle internes mis en oeuvre par les producteurs, les transformateurs et les négociants sont appropriés et permettent effectivement de satisfaire aux normes. En outre, les autorités devraient mener certaines activités directes de contrôle, par exemple sur les importations, afin de veiller au respect de la réglementation, et elles devraient également donner des renseignements et des conseils sur une vaste gamme de sujets liés à l'alimentation pouvant avoir des effets sur la santé humaine. Ces dernières années, l'organisation du contrôle des aliments au niveau national a été modifiée dans de nombreux pays, et un organisme unique a été chargé de superviser l'ensemble de la chaîne alimentaire, "de l'exploitation à la table". Ce système présente de nombreux avantages, et si la responsabilité est néanmoins partagée entre deux ou plusieurs organismes au niveau national, il est essentiel d'établir entre eux une étroite coordination. De même, si la responsabilité du contrôle des aliments est répartie entre les autorités centrales et locales, il est vital que les autorités centrales aient tout pouvoir de coordonner et de vérifier le travail accompli par les autorités locales.

Les consommateurs sont responsables de l'hygiène alimentaire au foyer et doivent veiller à respecter les recommandations concernant le stockage des aliments et leur préparation. En outre, ce sont les consommateurs eux-mêmes qui décident en grande partie de la composition de leur régime alimentaire, et de mauvaises habitudes alimentaires sont un facteur important de maladies liées à l'alimentation, surtout dans les pays industrialisés. Dans certains cas, nous "creusons notre tombe avec nos dents", lorsque notre consommation de certains aliments salubres est beaucoup trop élevée par rapport à nos besoins.

Approche holistique en matière de sécurité sanitaire des aliments - l'ensemble de la chaîne alimentaire et au-delà

Il est important d'exercer la plus grande vigilance tout au long de la chaîne - production-transformation-distribution. Auparavant, le contrôle des aliments se concentrait souvent sur l'examen des produits finis et sur l'inspection des installations de transformation des aliments. Toutefois, au cours des dernières décennies, on a pris de plus en plus conscience de l'importance d'une approche intégrée, pluridisciplinaire, qui prenne en compte l'ensemble de la chaîne alimentaire (et dans certains cas allant au-delà de ce qui est traditionnellement considéré comme cette chaîne). Cette nouvelle approche reconnaît notamment qu'il est nécessaire de mieux contrôler la composition et la salubrité des aliments pour animaux. Pour y répondre, la Commission du Codex Alimentarius a constitué une équipe spéciale ad hoc sur les aliments pour animaux, et ces dernières années, la Communauté européenne a passé beaucoup plus de réglementations et instauré des contrôles plus nombreux dans ce domaine. Cette réorientation des conceptions a aussi permis de comprendre que les responsables du contrôle des aliments et les responsables de la prévention ou de l'atténuation de la pollution de l'environnement devaient entretenir des contacts plus étroits et être plus interdépendants. Cette pollution, due par exemple à des produits chimiques persistants tels que le mercure, les PCB et les dioxines, peut entraîner des problèmes de salubrité des aliments. De plus, on met désormais davantage l'accent sur des mesures préventives à la source. On trouvera ci-dessous quelques exemples de cette approche.

Approche utilisant le système d'analyse des risques points critiques pour leur maîtrise (HACCP)

Les producteurs, les transformateurs et les négociants de denrées alimentaires devraient obéir aux principes énoncés dans les bonnes pratiques en matière d'agriculture, d'hygiène et de transformation. La production des aliments, leur transformation et autres manipulations devraient être analysées afin d'identifier les dangers et d'évaluer les risques connexes. Cet exercice devrait permettre d'identifier les points de contrôle critiques et d'établir un système de contrôle de la production en ces points (c'est le système d'analyse des risques - points critiques pour leur maîtrise - HACCP). L'introduction d'un contrôle interne fondé sur le système HACCP peut être difficile dans les petites et moyennes entreprises dont les connaissances de base, l'expérience et les ressources sont limitées; elle sera probablement facilitée par la collaboration entre l'industrie alimentaire, les organismes d'enseignement et de formation et les autorités de surveillance. Le Codex Alimentarius et ses organisations mères, la FAO et l'OMS, ont publié des directives utiles et des ouvrages de formation et d'information sur l'application du système HACCP dans le domaine du contrôle des aliments.

Mieux vaut prévenir que guérir

On peut utiliser différentes approches pour s'efforcer de garantir que la teneur en contaminants dans les aliments est aussi faible que raisonnablement possible et qu'elle ne dépasse jamais les limites maximales considérées comme acceptables/tolérables du point de vue de la santé. Ces approches comprennent essentiellement:

  • des mesures visant à éliminer ou à contrôler la source de contamination
  • des traitements visant à réduire la teneur en contaminants
  • des mesures visant à identifier et à séparer les aliments contaminés des aliments propres à la consommation. Les aliments contaminés sont ensuite interdits à la consommation, à moins qu'ils puissent être reconditionnés et rendus propres à la consommation.

Dans certains cas, il convient de combiner les approches susmentionnées, par exemple lorsque des émissions de sources précédemment non contrôlées ont entraîné la pollution de l'environnement par des produits chimiques persistants, qui sont ensuite entrés dans la chaîne alimentaire.

Auparavant, la plupart des systèmes qui réglementaient la sécurité sanitaire des aliments se fondaient sur des définitions juridiques des aliments insalubres, des programmes de mise en application visant à retirer ces aliments du marché et l'application de sanctions à l'encontre de ceux qui enfreignaient les réglementations. Ces systèmes n'ont pas permis de régler avec succès les problèmes qui se sont posés par le passé ou se posent encore et ils ne pourront probablement pas traiter les nouveaux risques qui apparaissent. Le contrôle des produits finis ne sera jamais assez étendu pour garantir que la teneur en contaminants est inférieure aux limites maximales établies, et il est impossible de déterminer la salubrité et autres aspects de la qualité des aliments par des "inspections" au bout de la chaîne alimentaire. Dans la plupart des cas, les contaminants chimiques ne peuvent pas être éliminés des produits alimentaires et il n'existe aucune méthode viable permettant de rendre un lot d'aliments contaminés propre à la consommation. Les avantages présentés par l'élimination ou le contrôle de la contamination des aliments à la source, c'est-à-dire par une approche préventive, sont que cette méthode est généralement plus efficace pour réduire ou éliminer le risque d'effets sanitaires indésirables, permet de consacrer moins de ressources au contrôle des aliments et évite d'interdire à la consommation des produits alimentaires, avec les pertes économiques et autres que cela entraîne. Le recours à une approche préventive et intégrée de la gestion de la sécurité sanitaire des aliments tout au long de la chaîne alimentaire est décrit dans les exemples qui suivent.

Une approche intégrée du contrôle de la salmonelle dans la volaille

En Suède, la prévalence de Salmonella dans les aliments pour animaux, les animaux vivants et les produits d'origine animale est très faible, à savoir moins de 0,05 % pour le boeuf et le porc et 0,1 % pour la volaille à l'abattage. Ces résultats sont le fruit d'une stratégie de contrôle à l'échelle nationale mise en oeuvre depuis plus de quarante ans, à l'issue d'une grave épidémie de salmonellose en 1953, qui a touché plus de 9000 personnes.

Cette stratégie intégrée, qui est décrite en détail dans un rapport (2) sur les zoonoses en Suède, couvre les différents éléments de la chaîne alimentaire destinée à l'homme et aux animaux. Le programme de contrôle vise globalement à veiller à ce que les animaux destinés à l'abattage sont exempts de salmonelles, garantissant ainsi l'absence de cette bactérie dans les produits d'origine animale. Les différentes stratégies adoptées à cette fin sont les suivantes :

  • Empêcher la contamination par la salmonelle à tous les niveaux de la chaîne de production.
  • Contrôler l'ensemble de la chaîne de production : des programmes de surveillance portant sur les aliments pour animaux, les animaux vivants, les carcasses, la viande et les autres produits alimentaires d'origine animale ont été mis en place.
  • Si la présence de salmonelles est vérifiée, des mesures sont adoptées afin d'éliminer l'infection/la contamination. Tout produit alimentaire contaminé par la salmonelle est jugé impropre à la consommation humaine.

Tous les cas de salmonellose chez l'homme, les animaux et les produits alimentaires d'origine animale doivent être signalés. En outre, la détection de salmonelles dans les échantillons alimentaires officiels de toutes provenances doit également être signalée. Les isolats primaires de salmonelles sont tous mis en évidence par typage sérologique et lysotypie des souches ; en outre des isolats d'origine animale sont testés pour leur résistance aux antibiotiques. Afin d'illustrer le fonctionnement du système, on trouvera ci-après quelques détails sur les mesures prises dans le domaine de l'aviculture.

Comme on détecte très peu de salmonelloses dans les élevages de volaille en Suède, la plupart des mesures prises dans le cadre des programmes de contrôle actuels sont de nature préventive. Cette situation favorable tient à quatre facteurs essentiels.

  • L'ensemble des lignées destinées à l'élevage sont maintenues exemptes de salmonelles. Tous les animaux de sélection sont importés, mis en quarantaine et donnent des résultats négatifs lors de dépistages répétés de salmonelles.
  • Les aliments pour animaux sont maintenus exempts de salmonelles. Le contrôle s'opère en trois étapes : contrôle des importations de matières premières, traitement thermique obligatoire des composés alimentaires pour la volaille et contrôle de la salmonelle fondé sur le système HACCP dans l'industrie des aliments pour animaux.
  • Une hygiène et des normes de biosécurité rigoureuses sont appliquées, empêchant l'introduction de salmonelles.
  • Des mesures sont systématiquement prises en cas d'infection de la volaille par la salmonelle.

Un vaste programme de prélèvement d'échantillons permet d'assurer pour la volaille le contrôle continu de la situation en matière de salmonellose. Des échantillons sont prélevés dans les élevages ainsi que dans tous les abattoirs de volaille en vue de contrôler le produit fini.

Pesticides et médicaments vétérinaires

Les pesticides et médicaments vétérinaires devraient faire l'objet d'essais approfondis et d'une évaluation des risques avant que leur utilisation soit approuvée. Afin de réduire au minimum le risque de fortes concentrations dans l'alimentation et d'éviter également la pollution de l'environnement, ces produits devraient être employés en respectant les principes de bonnes pratiques agricoles et vétérinaires et uniquement par des personnes ayant reçu une formation appropriée. Il convient de limiter le recours aux antimicrobiens dans la production alimentaire afin d'éviter le développement de micro-organismes résistants aux antibiotiques.

La teneur en pesticides des produits destinés à l'alimentation humaine (y compris l'eau potable) et à l'alimentation animale devrait être contrôlée afin de s'assurer qu'elle n'excède pas les limites maximales de résidus (LMR) établies et les résultats des enquêtes devraient être rendus plublics. La mise en évidence de niveaux de résidus supérieurs aux LMR devrait donner lieu à un contrôle accru des produits d'un même fournisseur/exploitant ainsi qu'à l'adoption de mesures correctives. De même, les niveaux de résidus de médicaments vétérinaires dans les produits alimentaires d'origine animale devraient être contrôlés et les résultats rendus publics. La mise en évidence de niveaux de résidus excédant les LMR devrait entraîner un renforcement des contrôles et l'adoption de mesures correctives pour traiter le problème à la source, soit généralement au niveau du producteur primaire.

Mycotoxines

Il est préférable de s'attaquer au problème de la contamination des produits destinés à l'alimentation humaine et animale par les mycotoxines, telles que les aflatoxines, l'ochratoxine A, la patuline et les trichotecènes par le biais d'un examen systématique portant sur l'ensemble de la chaîne de production, de transformation et de distribution, ce qui permet de prévoir les secteurs de contamination éventuels en vue d'adopter des mesures de prévention et de contrôle adéquates. En Suède, le contrôle des aflatoxines dans les composants alimentaires pour animaux et le dépistage systématique à la ferme de l'aflatoxine M1 dans le lait permettent de veiller à ce que les niveaux d'aflatoxine dans le lait restent largement inférieurs aux limites maximales rigoureuses que nous avons établies. Des enquêtes détaillées portant sur les méthodes de manutention après récolte ont montré que dans certains cas des changements relativement simples pouvaient permettre de diminuer considérablement les niveaux de mycotoxines. Bien qu'un travail considérable ait été réalisé, Il est nécessaire d'approfondir encore les recherches sur les mycotoxines pour que les recommandations et les mesures avant et après récolte reposent sur des bases scientifiques solides. Le Comité du Codex sur les additifs alimentaires et les contaminants (CCFAC) élabore en permanence des codes et pratiques en vue de réduire la contamination des denrées alimentaires et des aliments pour animaux par les mycotoxines telles que les aflatoxines, l'ochratoxine A et la patuline.

Polluants persistants de l'environnement


Les émissions passées de produits chimiques persistants, PCB, dioxines, mercure, cadmium par exemple, ont entraîné la contamination de produits alimentaires, notamment d'origine animale, comme le poisson, d'où la nécessité de surveiller et de contrôler certains produits pour veiller à ce que les niveaux de polluants n'y excèdent pas les limites de salubrité. Afin de protéger la santé publique, l'organisme auquel j'appartiens a aussi publié des recommandations à l'intention des groupes de population vulnérables, par exemple les femmes en âge d'avoir des enfants, leur conseillant de limiter leur consommation de certaines espèces de poissons ou de poissons provenant d'eaux contaminées.

Pour réduire les niveaux des polluants de l'environnement, des mesures efficaces doivent être mises en oeuvre afin d'abaisser les émissions d'origine industrielle et autres. Il existe plusieurs conventions internationales visant à réduire la pollution de l'environnement par des composés organiques persistants. Au cours des dix dernières années, ces mesures ont permis une nette diminution du niveau des polluants dans certains produits alimentaires et ont réduit l'exposition de l'homme à certains polluants de l'environnement. Par exemple, les niveaux de plomb dans le sang humain ont radicalement chuté dans les pays où le plomb n'est plus ajouté à l'essence. De même, les mesures de contrôle de la pollution par les dioxines et les PCB ainsi que l'interdiction des pesticides persistants, comme le DDT, ont entraîné une réduction considérable des niveaux de ces substances dans les denrées alimentaires ainsi que de leur action sur l'homme, ainsi qu'il est démontré grâce aux mesures effectuées sur le lait maternel. Il s'agit là d'un exemple où la coopération entre les autorités responsables de la sécurité sanitaire des aliments et celles responsables de la protection de l'environnement a porté ses fruits. Le Comité du Codex sur les additifs alimentaires et les polluants est en train d'élaborer un code d'usages en vue de réduire la contamination des aliments par les dioxines.

Réorganisation de l'inspection des viandes

Les méthodes actuelles d'inspection des viandes ne permettent pas de détecter la présence asymptomatique d'organismes pathogènes et à de nombreux égards l'inspection des viandes ne contribue pratiquement pas à la protection de la santé des consommateurs. On peut se demander s'il est utile de dépenser des ressources limitées pour des inspections de routine portant sur certains parasites dans des pays où ces derniers n'ont pas été décelés depuis plusieurs années chez les animaux d'élevage destinés à la consommation intérieure. La nécessité de réorganiser l'inspection des viandes et de mieux tenir compte des risques est admise depuis plusieurs années, notamment en Australie et en Nouvelle-Zélande, et ce problème fait actuellement l'objet de débats approfondis au sein de l'Union européenne. La Commission du Codex Alimentarius a décidé d'entreprendre de nouveaux travaux dans ce domaine et le Comité du Codex sur l'hygiène de la viande et de la volaille se réunira au début de l'année prochaine pour examiner la modernisation des codes d'usages actuels sur l'hygiène de la viande, y compris l'hygiène de la volaille.

Nouveaux risques - "Rechercher les problèmes"

Nous vivons dans un monde où la science et la technologie évoluent rapidement, tout comme les risques d'origine microbiologique et chimique. Il est donc important que les organismes responsables de la sécurité sanitaire des aliments assument une fonction de « reconnaissance » ou « d'information » dans le cadre de leur mission d'identification des risques potentiels. Ces risques pourraient être dus à l'apparition d'agents pathogènes, par exemple des agents pathogènes résistants à une vaste gamme d'antibiotiques, à l'utilisation de nouveaux composants alimentaires pour animaux, de nouveaux produits chimiques industriels ou ménagers, de nouvelles méthodes de production, de transformation et de manipulation ou à de nouvelles habitudes alimentaires. L'identification des risques potentiels est une des tâches qui sera assignée à l'Autorité alimentaire européenne dont la création est envisagée.

Traçabilité

Pour identifier la source des problèmes de salubrité des aliments, il faut mettre en place des systèmes permettant de retrouver un produit alimentaire en remontant la chaîne alimentaire. De tels systèmes sont déjà opérationnels au sein de l'Union européenne pour quelques produits alimentaires et la législation actuellement à l'étude dans l'UE généralisera l'obligation de traçabilité. Un système efficace permettant de suivre les aliments tout au long de la chaîne de production et de distribution est également utile pour l'industrie alimentaire et le commerce, puisqu'il devrait permettre éventuellement de limiter les rappels de produits impropres à la consommation.

Amélioration du contrôle des maladies d'origine alimentaire et de l'évaluation des risques

Dans une approche fondée sur les risques en matière de gestion des risques dans le domaine de la salubrité des aliments, les ressources allouées au contrôle des aliments devraient servir à résoudre les problèmes les plus menaçants pour la santé, là où la réduction du risque potentiel est élevée par rapport aux ressources. Pour que nos priorités tiennent compte des risques, il convient d'améliorer considérablement nos systèmes de suivi et de notification des maladies d'origine alimentaire et de renforcer la coopération internationale dans ce secteur. L'OMS déploie de nombreux efforts pour améliorer la situation actuelle. En outre, il faut débloquer plus de ressources, au niveau international de préférence, afin d'accélérer et d'améliorer l'évaluation approfondie des risques d'ordre microbiologique et chimique dans l'alimentation.

Transparence

Une des recommandations de la Consultation d'experts sur la gestion des risques était que le processus de gestion des risques devait être aussi ouvert et transparent que possible. Le travail des autorités de surveillance devrait s'effectuer de manière transparente, et rester ouvert aux consommateurs, aux producteurs, aux négociants et aux autres parties intéressées. Une façon d'améliorer efficacement le respect de la législation alimentaire est de rendre publics les résultats du contrôle des aliments. Cela s'applique bien entendu aux rapports d'inspection et aux résultats des analyses de contrôle effectuées par les autorités de surveillance. Dans des pays où la responsabilité du contrôle des aliments est répartie entre différentes autorités, autorités centrales et locales par exemple, cela devrait aussi s'appliquer à l'audit, par les autorités nationales, des opérations de contrôle des aliments menées par les autorités locales. Au sein de l'Union européenne, les audits par l'Office alimentaire et vétérinaire de la Commission européenne des activités de contrôle alimentaire menées dans les Etats Membres sont disponibles sur Internet, ce qui est appréciable.

Amélioration de l'hygiène des aliments dans la restauration commerciale et au foyer

Jusqu'ici, j'ai principalement traité des premiers maillons de la chaîne alimentaire; il ne faut cependant pas sous-estimer l'importance des derniers maillons. En Suède, certaines observations montrent qu'une grande partie des maladies d'origine alimentaire sont dues à une hygiène douteuse dans les restaurants et autres entreprises commerciales de restauration ainsi qu'à la maison. Les autorités chargées du contrôle des aliments devraient veiller à ce que les responsables des entreprises de restauration forment leur personnel en matière d'hygiène alimentaire, de manière à garantir l'innocuité des aliments servis.

Les autorités de surveillance ont aussi pour devoir de s'efforcer d'améliorer les connaissances des consommateurs en matière d'hygiène alimentaire familiale et de leur fournir des renseignements en vue de les aider à acquérir des habitudes alimentaires plus saines.

Recommandations

En résumé, je souhaiterais formuler les recommandations suivantes en vue d'améliorer la sécurité sanitaire des aliments :

  1. Les stratégies en matière de sécurité sanitaire des aliments devraient être fondées sur les risques, en accordant la priorité aux mesures susceptibles de réduire au minimum les cas de maladies d'origine alimentaire.
  2. Il faudrait améliorer et renforcer le suivi et la notification des cas de maladies d'origine alimentaire afin de mieux cerner les priorités en matière de contrôle alimentaire fondé sur les risques et d'améliorer les mesures correctives.
  3. Il conviendrait d'adopter une approche intégrée, pluridisciplinaire en matière de sécurité sanitaire des aliments, couvrant l'ensemble de la chaîne de production, de transformation et de distribution des aliments, ce qui suppose de renforcer le contrôle des aliments pour animaux et d'autres éléments de la production primaire.
  4. Les producteurs, les transformateurs et les distributeurs devraient utiliser des systèmes de contrôle internes fondés sur l'approche HACCP.
  5. En vue de diminuer le risque de contamination des aliments, il conviendrait d'adopter une approche préventive traitant les problèmes à la source si possible.
  6. L'inspection des viandes devrait être modernisée pour mieux tenir compte des risques.
  7. Les résultats des inspections et des autres activités de contrôle des aliments devraient être rendus publics.
  8. Il faudrait améliorer la formation du personnel de la restauration et l'éducation des consommateurs en matière d'hygiène alimentaire.
  9. Il faudrait renforcer la collaboration aux niveaux local, national et international entre les organes responsables de la sécurité sanitaire des aliments et les responsables de la protection de l'environnement et du contrôle de la pollution.
  10. Pour diminuer le risque de crises graves liées à la salubrité des aliments, les autorités de surveillance des aliments devraient affecter des ressources à la détection des nouveaux risques.

Références

  1. Gestion des risques et salubrité des aliments. Rapport d'une consultation mixte FAO/OMS, Rome (Italie), 27-31 janvier 1997. Étude FAO Alimentation et nutrition 65, FAO, Rome, 1997.
  2. Zoonoses in Sweden, up to and including 1999. Ed. H. Wahlström. National Veterinary Institute, Uppsala, Suède, 2001.