Point 4.4 a) de l'ordre du jour GF 01/13   

Forum Mondial FAO/OMS
des Responsables de la Sécurité Sanitaire des Aliments
Marrakech (Maroc), 28-30 janvier 2002

Expériences institutionnelles du Brésil
pour la mise en marche de l'analyse des risques

Antonia Maria de Aquino
Ministère de la Santé, Brésil



I. Généralités

L'Agence Nationale de Vigilance Sanitaire (ANVISA) du Ministère de la Santé (MS) a été créée en janvier 1999. Sa mission est celle de « protéger et de promouvoir la santé en garantissant la sécurité sanitaire des produits et des services », notamment celle des aliments et de leurs filières de fabrication respective. Il faut souligner que les actions de contrôle sanitaire des aliments au Brésil sont partagées par les secteurs de la santé et de l'agriculture.

Les deux expériences ci-dessous exposées ont été gérées par l'ANVISA.

Les initiatives du secteur aliments de l'Agence au niveau de la mise en marche de l'analyse des risques ont visé le perfectionnement des systèmes de contrôle et d'inspection sanitaire de certains aliments.

Le processus d'Analyse des Risques vise à faire l'estimation des risques pour la santé humaine associés au scénario présenté et à choisir et à mettre en place des mesures appropriées pour le contrôle de ces risques, dans le but de garantir la sécurité des aliments offerts à la population. L'impact sur la santé humaine est l'aspect fondamental du processus d'analyse des risques.

Compte tenu des trois composants qui interagissent pour intégrer le processus d'analyse des risques, l'ANVISA a adopté la démarche suivante :

  • L'évaluation des risques se fonde sur des données épidémiologiques officielles existantes, sur des résultats analytiques de l'aliment spécifique et sur l'étude du processus de fabrication des aliments, dans le but d'identifier l'étape critique exigeant un contrôle systématique ;
  • La gestion des risques consiste en la mise à jour de normes sanitaires, en la formation technique des inspecteurs et en l'établissement de programmes nationaux d'inspection sanitaire et de monitorage de la qualité sanitaire des aliments ;
  • La communication des risques se fait à travers la diffusion de rapports relatifs aux risques transmis par un certain aliment dans les médias, l'inclusion d'avertissements dans les étiquettes des aliments et la distribution de matériel d'information pour favoriser la prise de conscience vis-à-vis des risques présentés par un certain aliment.

Le processus d'analyse des risques déclenche avec la participation des parties concernées, suivant les préconisations du Codex Alimentarius, y inclus les institutions officielles de la santé et de l'agriculture, des entités représentatives du secteur productif, des institutions d'enseignement et de recherche, et des entités de défense des consommateurs, lesquelles sont essentielles pour assurer la transparence de l'ensemble du processus et la prise des bonnes décisions.

Les sujets à traiter à partir du processus d'analyse des risques surgissent principalement des données épidémiologiques et des résultats du programme de contrôle des aliments, qui indiquent une situation de risque résultant de la combinaison aliment-agent.

II. Expériences Institutionnelles

Botulisme dans des Cœurs de Palmier en Conserve

A partir de la manifestation de trois cas de botulisme associé à la consommation du produit cœur de palmier en conserve dans les années 1997, 1998 et 1999, l'analyse des risques a débuté avec la création d'un Groupe Technique intégré par les parties concernées ou stakeholders, telles que: des membres de la communauté scientifique, par exemple, l'Institut de Technologie des Aliments (ITAL) et l'Institut Adolfo Lutz (IAL) ; des membres de l'entité représentative du secteur productif -l'Association Brésilienne des Industries des Aliments (ABIA), des membres de l'Institut Brésilien de l'Environnement (IBAMA), des membres des Vigilances Sanitaires des Etats, l'Agence Nationale de Vigilance Sanitaire (ANVISA), la Vigilance Epidémiologique et des représentants des consommateurs à travers l'Institut de la Défense des Consommateurs (IDEC).

En raison du caractère d'urgence de la situation au Brésil qui contrôlaient les points critiques du processus productif définis par les évaluateurs des risques et qui obéissaient aux conditions établies par les Résolutions ci-dessus citées.

Comme nous venons de le décrire, l'étiquette d'avertissement a été une mesure d'urgence adoptée de manière circonstancielle, et après l'obtention des résultats du Programme National d'Inspection Sanitaire chez les Industries de Cœur de Palmier en Conserve, les établissements approuvés ont été exemptés de l'emploi de l'avertissement sur l'étiquette de leurs produits. Les registres des produits des établissements qui ne se sont pas adaptés à la réglementation ont été annulés, ainsi que l'autorisation pour traiter ces produits. Au début du programme et compte tenu du haut degré de virulence de la toxine du clostridium botulinum, une Alerte à la Population a été émise à travers les journaux de grande circulation dans le pays ; un communiqué officiel a été également adressé aux Organes de Vigilance Sanitaire des Etats, et les marques ayant provoqué la poussée ont été reprises du marché. Une analyse de laboratoire a été demandée pour vérifier si le pH, compte tenu du Point Critique de Contrôle du produit, répondait à la limite de 4.5 dans l'ensemble des lots existants dans le marché des consommateurs.

Après avoir lancé l'Alerte à la Population, la presse officielle a publié la résolution selon laquelle tous les cœurs de palmier en conserve devraient être clairement identifiés et porter l'inscription suivante, facilement lisible par les consommateurs : « Pour votre sécurité, ce produit ne devra être consommé qu'après l'avoir fait bouillir dans le liquide de conserve ou dans de l'eau pendant 15 minutes ». Cet avertissement a été rédigé à partir de certaines études scientifiques menées par l'Institut de Technologie des Aliments -ITAL.

L'Institut de la Défense des Consommateurs a joué un rôle fondamental dans la communication, car il a conduit une étude de marché et a prélevé des échantillons de quinze (15) marques de cœurs de palmier. Les résultats obtenus ont été diffusés à travers un reportage journalistique présenté par la chaîne de télévision la plus importante du pays, à un horaire de pointe, et concernant le botulisme associé aux cœurs de palmier en conserve. Les marques ont été interdites par la vigilance sanitaire et les lots n'ont été libérés qu'après une nouvelle analyse de laboratoire.

Etant donné que le danger a été clairement identifié et caractérisé, l'évaluation des risques s'est fondée sur l'étude du processus productif, en particulier sur l'identification des étapes du traitement des cœurs de palmier en conserve considérées critiques pour le contrôle de la bactérie Clostridium botulinum. Comme résultat de cette étude, les étapes d'acidification du produit et de traitement thermique ont été identifiées.

A partir des études réalisées, les Résolutions -RDC ANVISA nº 17 et nº 18/1999 ont été approuvées relatives à la Norme sur les Cœurs de Palmier en Conserve et aux Bonnes Pratiques de Fabrication respectivement. A partir des contenus de ces réglementations, le Groupe Technique a élaboré les lignes directrices du Programme National d'Inspection Sanitaire pour l'Industrie des Cœurs de Palmier en Conserve. Ces normes ont établi un délai de cent quatre-vingt jours (180) pour que les établissements mettent en place les Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) et le monitorage des Points Critiques de Contrôle du processus productif. Pour pouvoir remplir ces exigences, les établissements devraient aussi former un technicien en BPF.

L' ANVISA a demandé à l'Association Brésilienne de Supermarchés, lors d'une réunion avec cette entité, que pendant la période de vigueur de l'emploi de l'étiquette d'avertissement -du 29 avril 1999 au 19 février 2000-, les supermarchés n'achètent que les produits exhibant cette étiquette. Après février 2000, les supermarchés ne pourraient pas continuer à vendre les cœurs de palmier en conserve avec l'étiquette d'avertissement, mais ils ne devraient acheter et distribuer que les produits dont le registre et la marque avaient été approuvés par la vigilance sanitaire.

A ce moment-là, une communication s'est passée à la population à travers la presse pour lui annoncer que les produits en conserve sans étiquette d'avertissement pouvaient être consommés, car les produits disponibles dans le marché avaient été approuvés par l'inspection sanitaire. L'ANVISA a mis à disposition un site dans le Web précisant toutes les marques, les industries et les numéros de registres approuvés, suite à leur publication dans le Journal Officiel de l'Union.

Etant donné l'existence des cas de botulisme associés à la consommation de cœurs de palmier en conserve, la communication des risques a montré le besoin de réorganiser les systèmes de vigilance sanitaire et épidémiologique au Brésil. Pour être en mesure de donner une meilleure réponse aux cas, la vigilance épidémiologique de l'Unité Fédérée du Pays la plus importante, celle de l'Etat de Sao Paulo, a créé un Centre de Référence sur le Botulisme. Ce centre de portée nationale fonctionne 24/24 à travers un numéro vert, et dispose d'une équipe technique préparée pour orienter et conseiller les professionnels en matière de diagnostic, de traitement et de recherche sur les différentes formes de manifestation du botulisme. A Sao Paulo se trouve également l'Institut Butantan, intégré par le Centre de Référence sur le Botulisme, qui dispose des conditions techniques de production et de mise à disposition de sérum antibotulinique pour tout le Brésil et pour l'Amérique latine.

La mise en place du programme d'inspection chez les industriels a été prise en charge par les organes de vigilance sanitaire des états, de concert avec l'ANVISA, et a été atteinte grâce à la sensibilisation des inspecteurs sanitaires vis-à-vis de l'importance du contrôle des produits, à la formation de soixante-deux (62) inspecteurs en Bonnes Pratiques de Fabrication des Cœurs de Palmier en Conserve, ainsi qu`à l'évaluation du processus productif et à l'uniformisation des procédures techniques et légales.

L'inspection sanitaire n'a approuvé que 519 établissements (y inclus les établissements nouveaux, en opération et les industries exportatrices de cœurs de palmier). Ce chiffre s'est réduit à 120 établissements en septembre 2001. 267 registres de produits ont été également annulés.

A partir de la mise en place du Programme, l'inspection sanitaire de routine s'est établie, ainsi que l'engagement du secteur productif face à la sécurité du produit.

Même si la communication du risque a constitué une expérience nuisant au secteur productif et réduisant la consommation du produit au Brésil, nous avons pu constater qu'elle a été extrêmement positive au niveau de :

  • la formation de 62 inspecteurs de l'ANVISA et des 27 vigilances des états en BPF pour les cœurs de palmier en conserve ;
  • le renforcement du contrôle sanitaire dans des établissement de production et de commerce ;
  • l'organisation du secteur productif à travers les entités d'association ;
  • la détermination du caractère obligatoire de la mise en place de Bonnes Pratiques de Fabrication pour le contrôle des Points Critiques dans les établissements ;
  • l'obligation pour les établissements d'avoir un technicien formé en BPF des cœurs de palmier en conserve ;
  • la création et la mise à disposition dans le web d'une banque de données sur les marques, les registres et les établissements approuvés par la vigilance sanitaire, ainsi que sur les registres annulés ;
  • l'encouragement à la création du Centre de Référence sur le Botulisme, ce qui a permis la réorganisation des flux des notifications et de la recherche sanitaire, épidémiologique et des laboratoires sur le botulisme.

Depuis la communication du risque réalisée en avril 1999, aucun cas de botulisme n'a été constaté au Brésil associé à la consommation de cœurs de palmier en conserve.

Troubles dus à une Déficience d'iode dans le sel destiné à la consommation humaine

L'analyse du risque a commencé à partir de la création d'une commission inter-institutionnelle en novembre 1999, réunissant toutes les parties concernées, les stakeholders. Cette commission était intégrée par le Ministère de la Santé, représenté par le Secrétariat des Politiques de la Santé, la Vigilance Sanitaire, la Vigilance Epidémiologique, le Ministère de l'Agriculture, le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF), des associations et des syndicats représentatifs du secteur productif. Cette commission se réunissait périodiquement garantissant les échanges d'information entre toutes les parties concernées.

Cette commission a également décidé que le Secrétariat des Politiques de la Santé participerait au Projet Thyromobil, conduit par le International Council for the Control of Iodine Deficiency Disorders (ICCIDD), pour évaluer la prévalence du goitre parmi 1977 enfants en âge scolaire (6-12 ans), demeurant dans 06 unités de la Fédération , ainsi que pour évaluer la teneur en iode dans du sel consommé dans les foyers de ces enfants. Le résultat de ce projet a montré que la prévalence du goitre a été de 2% environ, c'est-à-dire une valeur de moins de 5%, limite normale fixée par l'Organisation Mondiale de la Santé. Par rapport au contenu en iode dans le sel consommé dans les foyers de ces enfants, la moyenne globale obtenue a été de 48,3 ppm, valeur qui se trouve dans les limites légalement établies au Brésil (40-100 ppm). Les résultats ont également montré un écart standard important entre les échantillons, une moyenne exacte de 29 ppm. Des analyses des échantillons de sel destiné à la consommation humaine réalisées selon la routine des services de vigilance sanitaire confirment l'écart standard obtenu dans le cadre du Projet Thyromobil.

A partir des résultats obtenus par le Projet Thyromobil, compte tenu du grand écart standard du contenu en iode dans les échantillons prélevés dans les foyers des enfants en âge scolaire, la commission inter-institutionnelle a constaté le besoin d'adopter des mesures pouvant garantir le contrôle de cet écart standard au cours du traitement du sel destiné à la consommation humaine.

Dans ce sens, l'Agence Nationale de Vigilance Sanitaire a élaboré un Règlement Technique, Résolution ANVISA RDC nº 28/2000, définissant les Bonnes Pratiques de Fabrication du sel destiné à la consommation humaine et mettant l'accent sur les contrôles que les établissements devraient mettre en place pour assurer des teneurs en iode appropriés dans le produit final.

Parallèlement à la publication de ce Règlement Technique, l'ANVISA a établi le « Programme National d'Inspection Sanitaire des Etablissements fabriquant du Sel destiné à la consommation humaine » qui prévoit d'inspecter 100% des établissements nationaux. Selon les lignes directrices de ce Programme, les établissements fabriquant du sel sont soumis à une première inspection qui évalue les conditions de fabrication. Si l'on identifie que l'établissement ne répond pas à l'ensemble des conditions du règlement technique, un délai de 180 jours lui est accordé pour mettre en place les modifications.

Après ce délai, les établissements seront de nouveau soumis à une inspection. Seuls les établissements ayant répondu à la totalité des conditions du Règlement Technique seront approuvés. Il a été également établi que seuls les établissements approuvés par le Programme National seront autorisés à commercialiser le sel destiné à la consommation humaine. Dans le but de garantir la communication du risque au secteur productif, le Programme National inclut le Service National d'Apprentissage Industriel - SENAI, dont la fonction est celle de diffuser au sein du secteur productif les mesures de contrôle réglementées par l'ANVISA, les motifs de leur adoption, ainsi que celle d'offrir aux établissements son soutien technique pour la mise en pratique de ces mesures.

Ce Programme National est en train de conclure la phase initiale d'inspection sanitaire, 122 établissements ayant été jusqu`à présent soumis à des inspections.

Au-delà du besoin d'établir des mesures capables de gérer l'écart élevé de contenu en iode dans le sel destiné à la consommation humaine, suivant les constats du Projet Thyromobil, la commission inter-institutionnelle a mis en évidence le besoin de communiquer aux consommateurs les risques associés à la consommation déficitaire d'iode, ainsi que l'importance du sel iodé dans le contrôle des Troubles dus à une Déficience d'Iode (TDI). C'est ainsi que des campagnes d'information ont été conçues et transmises à travers la télévision et la radio, aussi bien que du matériel informatif qui se distribue dans les écoles, les centres urbains et les zones rurales.

Au cours du processus de communication du risque, nous avons remarqué le rôle de l'agent communautaire de la santé. Cet agent est un membre de la communauté formé par le Ministère de la Santé en des actions de base pour la santé, qui fait partie d'un réseau de 144.000 membres distribués dans l'ensemble des unités fédérées du Brésil. Dans le cadre du Programme de Contrôle des Troubles dus à des Déficiences d'Iode, ces agents ont participé à la communication du risque à la population à travers des entretiens dans les foyers, au cours desquels ils expliquaient l'importance de la consommation du sel iodé et les conditions appropriées de stockage du produit.

Parmi les résultats obtenus à travers les échanges entre les entités concernées, nous devons citer le ré-évaluation de la méthodologie analytique employée par les laboratoires officiels, après avoir écouté le récit des expériences du secteur productif, l'identification du besoin de fixer un délai de validité du sel iodé et la connaissance sur les habitudes de consommation du sel au sein des populations rurales pauvres.