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3 Les principes directeurs


Photo FAO

3.1 La préparation du terrain

Avant d'aborder la question spécifique de l'intégration de la sécurité alimentaire durable dans les programmes de recherche des SNRA, il faut comprendre que dans de nombreux pays en développement où les problèmes et les effets de l'insécurité alimentaire sont encore plus prononcés, les SNRA font face à des défis et contraintes considérables dans le cadre de leurs recherches. Du fait de la pénurie des ressources financières et du manque d'infrastructures, les scientifiques sont moins à même de tirer profit des avancées technologiques et se trouvent confrontés à une compétition entre institutions plutôt qu'à leur collaboration. Ces réalités, par conséquent, exposent les programmes de recherche à la poursuite de priorités extérieures et à la satisfaction d'intérêts imposés.

En plus des défis spécifiques auxquels font face les SNRA, il y a des défis politiques et institutionnels auxquels font face beaucoup de pays en termes de coopération, de priorités partagées, de volonté et de moyens politiques pour traiter la question de la sécurité alimentaire durable. L'élaboration de formats pour promouvoir une compréhension partagée des problèmes, l'encouragement à s'accorder sur des objectifs et des priorités ainsi qu'à les poursuivre sont autant de défis que les SNRA et les pays dans lesquels ceux-ci fonctionnent doivent affronter. Ceux-ci sont les préalables nécessaires pour aborder les questions de la sécurité alimentaire de manière efficace. Cependant, l'élimination de ces contraintes peut entraîner des décisions et des actions qui dépassent les pouvoirs des SNRA, tels qu'une politique cohérente de l'environnement, des interventions engagées et coordonnées de donateurs, et une volonté et un soutien politiques aux niveaux national et international.

Néanmoins, il y a bien des actions et des mesures à prendre, qui restent à la portée et aux moyens des SNRA, et qui faciliteraient grandement la mise en place d'une stratégie de recherche efficace. Les lignes directrices, véritable synthèse des contributions faites par des participants internationaux travaillant sur ces questions-ci et conscients des réalités des SNRA, ont recommandé une approche double qui cible à la fois: a) l'amélioration de la gestion des ressources et l'efficacité opérationnelle au sein des SNRA; et b) l'expansion de leur portée et l'attraction d'autres ressources en collaborant avec d'autres institutions et parties prenantes.

Plus de rentabilité, de responsabilisation et d'impact de la recherche sur la sécurité alimentaire contribueront, en fin de compte, à stimuler le soutien public et l'engagement des politiques pour garantir aux SNRA les capacités et les moyens d'exécuter leur mandat.

3.1.1 Une capacité institutionnelle et un environnement opérationnel améliorés

Bien que l'on reconnaisse le besoin d'avoir l'intervention et l'interaction d'une grande variété de parties prenantes pour assurer la sécurité alimentaire, les SNRA devront continuer à jouer un rôle clef en facilitant la collaboration entre disciplines, institutions et secteurs d'activités, ainsi que dans la coordination des efforts de recherche. Leur capacité à jouer ce rôle dépend d'un minimum d'infrastructure et de ressources financières, de la capacité des ressources humaines et de l'existence d'un environnement institutionnel favorable.

Il est nécessaire, dans une première étape, de faire une analyse, au sein des SNRA, des ressources existantes et manquantes, des bases de données et des réseaux d'informations. Il s'agira ensuite d'élaborer des stratégies permettant d'aborder la question des contraintes de manière réaliste et durable. Des ressources humaines auraient peut être aussi besoin d'être développées et orientées vers un programme de sécurité alimentaire. En particulier, des efforts devraient être faits pour améliorer la capacité technique et l'engagement professionnel des chercheurs, et pour recruter de nouveaux personnels, enclins et habitués à travailler dans une perspective holistique. Le bénéfice de ressources et de formations supplémentaires sera marginal, à moins que les processus opérationnels et les approches de gestion ne favorisent la flexibilité, la responsabilisation, la collaboration et la sensibilisation aux priorités de la sécurité alimentaire.

Le développement d'une stratégie et la mise en œuvre d'un processus permettant d'assurer une base adéquate de ressources et d'informations, ainsi qu'un environnement institutionnel favorable, constituent les premières étapes essentielles pour préparer le terrain à l'intégration des questions de sécurité alimentaire dans le programme de recherche. Les actions à prendre pour assurer une base institutionnelle stable incluent:

L'évaluation de la capacité en ressources, de la base des informations, des réseaux de communication et des approches anciennes

L'amélioration de la capacité technique professionnelle

La réforme de l'environnement structurel et des processus de gestion

3.1.2 La mise en place de partenariats institutionnels et de procédés de collaboration

La participation des principales parties prenantes est essentielle pour garantir la pertinence et la faisabilité. Aussi, un aspect important de la préparation de ces procédés est l'identification et la mobilisation de partenaires appropriés. Tous ceux qui sont en mesure de contribuer aux questions de sécurité alimentaire ou qui en sont affectés devraient être impliqués dans le processus. Cependant, pour avoir de l'effet et pour être efficace, la collaboration doit être stratégique, c'est à dire que les parties prenantes ne seront impliquées que dans les différentes étapes du processus selon les besoins. C'est la spécificité de la situation (c'est à dire si la sécurité alimentaire dépend de la production nationale, des importations de denrées, ou bien des revenus des produits exportés) qui déterminera lequel des partenaires devrait intervenir à un moment donné.

Le programme de recherche doit être pertinent par rapport au contexte national et prendre en compte les réalités locales. L'engagement de la communauté locale est essentiel, non seulement comme source de données, mais aussi en tant que preneuse de décisions. En revanche, ceci exige que les chercheurs acquièrent non seulement une appréciation théorique de la valeur de la participation, mais également une expérience réelle avec des approches de recherche participative. Celles-ci incluent une variété d'outils qui peuvent être adaptés à des situations différentes, telle que la vulgarisation d'agriculteur à agriculteur (qui s'appuie sur la capacité du producteur à communiquer ses connaissances à ses collègues), les écoles d'agriculteurs sur le terrain (avec les producteurs directement engagés dans le développement et l'adaptation de la technologie) et le développement participatif des technologies (interaction entre producteurs et moniteurs pour développer des innovations appropriées et rentables).

Les partenariats interdisciplinaires et multisectoriels comme clefs de l'amélioration de la sécurité alimentaire des ménages
(Johnson-Welch et al., 2000)

Le programme BASIS (Broadening Acces and Strengthening Input Market Systems) a mené une étude de cas afin d'identifier les approches intégrées qui s'appliquent à la sécurité alimentaire et qui la lie à la productivité agricole, à l'accès économique et au bien-être nutritionnel. Les BASIS ont identifié des principes opératoires clefs qui font en sorte que des efforts faits en collaboration marchent. L'analyse détaillée d'un projet international de développement de l'auto assistance au Malawi a généré les résultats suivants concernant des partenariats interdisciplinaires et multisectoriels réussis:

  • Des partenariats ont été initiés dans les toutes premières étapes de développement des projets.

  • Les institutions ont été invitées à participer au processus selon les avantages comparatifs qu'elles offraient sur le plan des compétences techniques, des savoir-faire, et des rapports avec la communauté.

  • Des besoins communautaires immédiats et à court terme ont été satisfaits, ce qui a aidé à établir une crédibilité pour un processus qui visait à bâtir la capacité de résolution de problèmes de toutes les parties prenantes comme moyen de soutien à long terme au changement durable.

  • Des engagements institutionnels ont été pris afin d'utiliser un processus intensif en termes de temps pendant les phases initiales et pour générer des avantages à long terme en matière de propriété et pour surmonter les pratiques, les croyances et les attitudes enracinées.

  • Le donateur était d'accord pour fournir des fonds aux projets centrés sur le processus. Ceci a permis à la communauté et aux membres des ONG d'identifier les problèmes et les solutions plutôt que de mettre en œuvre des projets conçus à l'avance et sans la contribution de la communauté.

A base de projets de santé internationaux, l'étude a montré que les composants d'un partenariat réussi ont en commun les caractéristiques suivantes:

  • Il y a une communication ouverte et transparente entre les institutions.

  • Les institutions parviennent à une entente commune de coopération et se mettent d'accord sur les termes et les conditions de leur partenariat.

  • Les institutions coordonnent leurs ressources et trouvent les moyens de renforcer leurs rôles individuels.

  • Le travail en collaboration mène à des activités, des politiques ou des programmes nouveaux.

S'assurer de la participation et de l'engagement de toutes les parties prenantes constitue la base nécessaire pour tout effort de recherche collectif efficace. Les étapes suivantes pourraient se révéler nécessaires pour mettre en marche des secteurs et des partenaires clefs.

Intégrer la coopération interdisciplinaire et internationale

Renforcer les organisations communautaires et la vulgarisation agricole

S'unir avec la société civile, les populations urbaines et le secteur privé

Rechercher l'engagement du secteur public et le soutien politique

3.2 L'établissement des priorités de la recherche

Etablir des priorités nécéssite une considération attentive de plusieurs choses. Les participants de la Conférence électronique ont distingué plusieurs questions à prendre en compte dans le processus de l'établissement des priorités, notamment les suivantes:

Les questions précédentes doivent être prises en compte de manière active par tous les protagonistes. La variété des questions ayant rapport à la sécurité alimentaire souligne la nécessité d'une collaboration étroite entre les SNRA et les autres organismes gouvernementaux et non gouvernementaux. En particulier, l'émergence de groupes qui défendent les intérêts des groupes à faibles revenus, moins privilégiés ou marginaux (tels que les petits exploitants, les travailleurs agricoles, les chômeurs urbains, les minorités ethniques et les femmes) offre l'occasion de s'assurer une meilleure adéquation entre les programmes de recherche proposés et l'application des technologies sur le terrain. Les représentants des groupes sans pouvoir politique doivent participer à la définition des priorités de la recherche ainsi que dans l'évaluation des efforts de recherche.

3.2.1 Le travail de terrain pour l'établissement des priorités

L'établissement de priorités est l'une des décisions les plus déterminantes du processus de la recherche. Qui y sera impliqué et comment il sera fait constituent des questions aussi significatives que les sujets précis de recherche sur lesquels on va enquêter. Avant tout, le programme de recherche devrait être bâti à partir des besoins des producteurs et des consommateurs. On doit reconnaître, cependant, que les producteurs et les consommateurs ainsi que d'autres parties prenantes constituent des groupes très variés avec des intérêts et des ressources à leur disposition très différents. Pour rendre les choses encore plus complexes, la plupart des ménages dans les pays en développement ne sont plus en mesure de subvenir à leurs besoins en cultivant la terre uniquement, et incluent désormais parmi eux une combinaison variée de producteurs, de transformateurs, de négociants, et de consommateurs de nourriture ayant des rapports différents avec l'offre, la qualité et les prix. Par conséquent, le processus de prise de décisions doit être souple et suffisamment inclusif pour permettre à ces intérêts divers et parfois contradictoires de s'exprimer et d'être pris en considération.

Le travail en collaboration des SNRA et des CIRA
(Weijenberg, 1995)

En 1980, la quasi totalité des pommes de terre cultivées au Rwanda était d'origine européenne. Elles étaient aussi hautement sensibles au mildiou, une maladie de la pomme de terre qui est à l'origine de la famine de la pomme de terre irlandaise au 19ème siècle. Les haricots cultivés au Rwanda avaient également une susceptibilité semblable à la maladie puisque 95 pour cent de ceux-ci provenaient de la même gamme de germplasme introduit en Afrique il y a plus de 200 ans. D'autre part, ces haricots au port végétatif touffu ont un faible rendement. Pour aborder ce problème, les SNRA de l'Afrique orientale et centrale, en collaboration avec deux CIRA (CIAT et CIP), ont travaillé avec les agriculteurs locaux pour réussir à avoir un impact sur la productivité et de l'efficacité de la recherche nationale. Les CIRA ont fourni le germplasme qui provenait des centres latino-américains d'origine des cultures. Les SNRA ont travaillé avec des agriculteurs locaux pour établir des priorités et évaluer les matériels. Ce partenariat en collaboration a, en outre, amélioré les systèmes de multiplication et de dissémination des variétés.

A tous les égards, ce projet a été un succès. La productivité a augmenté, les taux d'adoption par les agriculteurs sont élevés et la rentabilité est excellente, aussi bien pour les haricots que pour les pommes de terre. Grâce à ce travail en commun des SNRA et des CIRA, le Rwanda a pu produire quatorze nouveautés végétales de pommes de terre ainsi que neuf autres d'haricots, toutes à haut rendement et résistantes à la maladie. Les données provisoires obtenues sur le terrain permettent de tabler sur une augmentation de 40 pour cent minimum de la production nationale. De plus, les données concernant une variété grimpante de haricot indiquent un doublement du rendement. La dissémination des nouvelles variétés s'est révélée efficace. Les variétés de pommes de terre en provenance de l'Amérique latine ont totalement remplacé la variété européenne. En ce qui concerne les haricots grimpants, les taux d'adoption varient entre 40 et 50 pour cent avec les taux les plus élevés chez les pauvres, y compris les ménages dirigés par des femmes.

Les objectifs nationaux

En plus de la multiplicité d'intérêts des parties prenantes, ceux qui doivent établir l'ordre de priorité des grandes orientations devraient aussi prendre en compte les contextes dans lesquels fonctionnent les SNRA, contextes où les questions centrales à inclure dans l'ordre du jour national sont en concurrence. Ceci montre clairement la nécessité pour tous les intéressés (y compris les organismes nationaux tels que les assemblées, les ministères, etc.) de parvenir à un accord concernant le rôle des SNRA vis à vis de ces institutions et processus chargés de fixer des objectifs, et de trouver un mécanisme permettant d'établir des priorités de recherche par rapport aux objectifs nationaux. Il est également indispensable de veiller à ce que ce processus ne marginalise pas les groupes, qui n'ont pas toujours une représentation politique adéquate au niveau national.

Les fragilités sociales

Pendant que l'on établit les priorités, on devrait avoir à l'esprit une compréhension empirique de qui manque de nourriture, où et pourquoi on en manque. Les organismes et agences chargés de faire le suivi de la sécurité alimentaire et de l'état nutritionnel au niveau local (par exemple systèmes d'alerte rapide des famines, programmes de suivi nutritionnel et systèmes d'information relatifs aux marchés) peuvent donner conseil sur les domaines et questions prioritaires. Ceux qui travaillent avec les gens vivant dans la précarité alimentaire devraient participer à l'identification des personnes les plus à risque et, en même temps, s'occuper des mécanismes à mettre en place et à renforcer pour préparer l'inévitable éventualité de pénuries alimentaires. Le programme de recherche devrait inclure les fragilités géographiques, temporelles et sociales.

Relations intersectorielles

Il est nécessaire de bien comprendre les relations entre les secteurs et de chercher les solutions aux causes des problèmes étroitement liés que sont la croissance démographique, la dégradation de l'environnement et la précarité des conditions d'existence. Une approche sectorielle qui se concentre uniquement sur les augmentations totales de productivité ne réussira pas à aborder ces relations convenablement. En particulier, les gains de productivité ne devraient pas mener à la surproduction (qui baisse les prix des producteurs) et à l'utilisation intensive de facteurs de production importés (qui augment les coûts de production). Les nouvelles technologies et techniques doivent être réalisables économiquement, sans danger pour l'environnement, acceptables socialement, et sûres à l'utilisation. Un effort particulier devrait être fait pour trouver des solutions durables pour les producteurs à faibles revenus et ceux qui s'occupent des terres marginales.

Des comités de recherche d'agriculteurs pour une amélioration des plantes efficace
(Toomey et Saad, 1999)

Grâce en grande partie aux profits engrangés par les producteurs pauvres, à une meilleure efficacité de la recherche et aux efforts des CIAL ou Comités locaux de recherche agricole, l'Amérique latine entière connaît un véritable boom dans l'amélioration des plantes faite de manière participative avec des agriculteurs. Les CIAL sont des services de recherche locaux composés de volontaires, tenus et gérés par les communautés locales dans lesquelles ils se trouvent. Les CIAL, à la différence des paradigmes de recherche traditionnels sur la sécurité alimentaire, mettent en contact les agriculteurs locaux et les chercheurs institutionnels, procurent aux communautés un meilleur accès aux ressources de recherche externes et donnent l'opportunité aux agriculteurs d'innover.

Typiquement, les CIAL sont composés de quatre agriculteurs élus par la communauté locale pour leurs compétences, y compris leur intérêt pour et leur aptitude à l'expérimentation, le leadership, la communication, la capacité organisationnelle et l'honnêteté. Les CIAL sont entraînés par la compétence officielle en recherche des organismes gouvernementaux, des universités et des ONG.

Bien que les CIAL aient démarré avec la poussée d'organisations extérieures telles que le CIAT, ils sont vite devenus des organismes d'agriculteurs et se sont propagés à travers l'Amérique latine. Plus de 250 CIAL opèrent aujourd'hui en Bolivie, au Brésil, en Colombie, en Equateur, au Salvador, au Guatemala, en Honduras et au Nicaragua.

Des équipes agriculteurs-chercheurs CIAL ont mené des essais sur 1 000 variétés d'haricots, de maïs, de petits pois, d'arachides, de fruits et de légumes pendant les quatre premières années du développement des CIAL. L'un des bénéfices indirects de cette recherche a été l'établissement, grâce au concours des CIAL, de petites entreprises de semences. A ce jour, plus de 10 000 agriculteurs ont acheté des semences auprès des CIAL. On a estimé les ventes de semence de ces entreprises pendant une seule période des semis à plus de U.S. $ 2,5 millions. En plus de ces bénéfices financiers, on estime que les expériences conduites par des CIAL sont plus rentables que les essais réalisés par les agents de vulgarisation de l'Etat.

Pour résumer, l'expérimentation participative agriculteur-chercheur, telle que préconisée par les CIAL, fournit de nombreux avantages aussi bien aux membres de la communauté qu'à la recherche, sur la sécurité alimentaire. Les CIAL donnent en effet aux communautés un meilleur accès aux ressources de recherche externes et offrent aux agriculteurs l'occasion d'innover par l'entremise de l'expérimentation. Dans des communautés dotées d'un CIAL, les agriculteurs apprennent non seulement entre eux sur de nouvelles variétés de culture prometteuses mais également «à apprendre» de chacun.

Leçons et prévisions

Bien que ces lignes directrices soient censées stimuler des approches innovantes et globales de la sécurité alimentaire, les décisions de recherche devraient tirer leçon des anciennes approches et des expériences d'autres pays ou régions. Par exemple, les pratiques suivantes constituent les aspects clefs d'une évaluation éclairée sur les effets potentiels des nouvelles technologies:

3.2.2 Les domaines de recherche prioritaires

Une vaste panoplie de sujets de recherche potentiels a été décelée à la Conférence électronique et dans la presse spécialisée actuelle. Ces domaines et activités montrent uniquement les exemples proposés par les participants des divers pays et indiquent les voies de la recherche dont le besoin est le plus urgent. Ils n'assèchent nullement le réservoir des possibilités et ne représentent pas non plus une vue globale des besoins de la recherche. Ce sont les conditions et les contextes spécifiques des différents écosystèmes agricoles, ainsi que les capacités des SNRA dans chaque pays qui détermineront les priorités de recherche.

Les domaines prioritaires les plus liés aux institutions de recherche agricole

Les domaines qui suivent se rapportent à la recherche appliquée et fondamentale, qui, traditionnellement, est sous le mandat des institutions de recherche agricole. Les éléments ci-dessous mettent l'accent sur les questions qui ont été identifiées comme étant directement liées à la sécurité alimentaire. Une attention particulière devrait être portée sur:

Compte tenu de l'urbanisation croissante liée à l'exode rural et à la formation d'une mosaïque complexe de bourgs nichés dans des zones rurales à haute densité de populations, il importe en plus, d'évaluer le potentiel de l'agriculture urbaine et des systèmes d'élevage péri-urbain. Les questions à poser porteraient sur les potagers communautaires, les serres, l'irrigation à petite échelle, les formes hautement intensives et à haut rendement de l'agriculture de précision et de l'horticulture sur toits, ainsi que la mesure et le suivi des standards de l'environnement, la sécurité des aliments, et l'hygiène.

Les domaines prioritaires au niveau des ménages

Toute une série de questions sont liées à la sécurité alimentaire et aux conditions d'existence au niveau des ménages. Ceci est dû au fait que in fine, c'est au niveau des ménages que sont prises la plupart des décisions et des actions relatives à l'acquisition, la gestion, la distribution et la consommations de la nourriture. Une attention particulière devrait être prêtées aux variables sociales essentielles, qui indiquent une différenciation intra-ménages et entre les ménages tels que l'âge, le genre, la parenté, l'origine ethnique, la richesse et le lieu de résidence.

Ces questions font peut être déjà l'objet d'études par des institutions ou facultés spécialisées en statistiques démographiques, en nutrition humaine, en économie agricole, en sociologie rurale, ou en anthropologie appliquée. Dans la mesure du possible, leurs activités devraient être coordonnées et leurs conclusions intégrées dans les travaux sur la sécurité alimentaire des SNRA et des autres corps nationaux.

Les domaines prioritaires de la recherche relative à la sécurité alimentaire au niveau des ménages incluent:

Les domaines prioritaires liés aux questions à plus long terme et à macro niveau

Bon nombre des principaux domaines prioritaires identifiés tombent sous la coupe de la recherche nationale, des décisions politiques, des tendances économiques, de l'organisation sociale et du changement environnemental. Certaines de ces questions font déjà l'objet d'attention aux niveaux des trésoreries nationales, des conseils économiques, des banques régionales de développement, des conventions et des accords internationaux, etc.

Genre et planification de la recherche
(Satio et Spurling, 1989)

Lorsque les femmes ont participé à des essais relatifs aux variétés d'haricots, des résultats inattendus ont démontré l'importance d'associer les femmes à la recherche sur la sécurité alimentaire. Des scientifiques du projet Farmer Participation in Technology Assessment en Colombie, organisé par le Centre international pour l'agriculture tropicale (CIAT) et le Centre international pour le développement des engrais (CIDE) ont demandé aux agriculteurs de faire un classement de leur préférence en haricots avant de procéder aux essais. Les agricultrices ont sélectionné un haricot peu attrayant, à petites graines, pour l'inclure dans les essais de variétés. Les femmes l'ont reconnu comme une variété savoureuse et à haut rendement, qui avait disparu de la région. Il se trouve que cette variété gonfle lors la cuisson et elle est tout à fait rentable. Les hommes non mariés ou récemment mariés, habitant avec des familles nombreuses, ont choisi une variété d'haricot à grosses graines. La majorite des agriculteurs qui ont préféré la variété à petites graines étaient des chefs de famille ayant des enfants. Si les agricultrices n'avaient pu participer très tôt dans les phases de planification, les critères de variété et d'évaluation qu'elles avaient préférés auraient été omis.

Les sujets de recherche traitant de la sécurité alimentaire à des niveaux plus vastes incluent les éléments suivants:

Outillage agricole utilisé par les agricultrices en Afrique
(IFAD, 1998)

En Afrique, l'une des contraintes majeures à l'augmentation de la production alimentaire concerne l'accès des femmes aux outils et outillages appropriés, et surtout ceux qui facilitent l'arrachage des mauvaises herbes. Actuellement, ce sont les femmes qui réalisent 70 pour cent du travail de production alimentaire, en se servant principalement d'outils manuels. Elles n'ont qu'un accès limité à la formation, aux crédits et à l'outillage qui permettraient de réduire le temps et l'effort physique.

Comme première étape, la technique de discussion focalisée de groupe a été utilisée pour explorer les façons d'améliorer les outils de production agricoles des agricultrices, et pour déterminer les sujets de recherche que pourraient traiter les SNRA. L'étude a exploré la possibilité d'améliorer les outils, a déterminé ce qui empêchait l'accès des femmes aux outils actuellement disponibles, et a identifié de nouvelles techniques de production fermière qui font appel à des outils et à l'outillage que l'on trouve localement. Plus de 1 500 agricultrices et agriculteurs au Burkina, au Sénégal, en Ouganda, au Zambie et au Zimbabwe ont participé à cette étude, qui était financée par le gouvernement du Japon, et conduite par le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) et la FAO.

Bien qu'il n'existe pas de solution simple et rapide pour améliorer les outils de production agricole pour femmes, l'étude a montré qu'avec du temps et des actions appropriées consentis par les gouvernements et autres, la situation peut s'améliorer. L'étude a identifié des obstacles au changement et quelques actions pour les surmonter, telles que:

1. Les gouvernements, les ONG et d'autres organisations doivent intensifier leurs efforts pour aborder le problème de l'accès limité qu'ont les femmes aux ressources économiques, telles que la terre et les crédits leur permettant d'acheter de meilleurs outils.

2. Le désherbage est considéré comme une contrainte majeure à la production. Cependant, un changement dans les pratiques offre une meilleure opportunité à son amélioration.

3. Les femmes ont besoin d'outils différents de ceux des hommes, puisque de nombreux outillages sont trop lourds à manipuler pour elles. Le fait de consulter des forgerons ou d'autres fabricants d'outils ayant des femmes comme clients peut aboutir à des outils qui tiennent compte des différences de sexe, comme c'est le cas avec les fabricants de vélos.

4. Les femmes n'ont pas accès à la formation dont elles ont besoin, surtout en ce qui concerne le travail avec des bêtes de trait. Puisque les hommes s'occupent traditionnellement des bêtes de trait, les formations organisées par les gouvernements et d'autres institutions sont encore orientées vers les hommes bien que ce soient les femmes qui ont besoin de ces formations.

5. Il y a un grand besoin de faire de la recherche sur les technologies de production des femmes. Ce qui manque le plus, ce sont les études ergonomiques pour déterminer les outils les plus efficaces et économes en énergie aux femmes, celles qui abordent l'importation et les essais d'outils, y compris les cas où l'on trouve les outils inacceptables, et celles qui cherchent des solutions au problème de désherbage, telles que l'introduction des cultures en lignes et l'emploi d'ânes.


Les investissements dans l'information améliorent l'utilisation des ressources de recherche
(Mills et Mbabu, 1998)

Dans un rapport publié par le Service international pour la recherche agricole nationale (ISNAR) qui documente un processus participatif d'établissement de priorités de recherche agricole, on trouve une description des groupes devant participer à l'établissement des priorités du programme ainsi que deux exercices pour faciliter l'établissement de priorités (voir ci-dessous). Ces groupes incluent:

  • un groupe de parties prenantes composé de 30-40 représentants d'organisations concernées par le programme de recherche;

  • un groupe de travail pour établir les priorités comprenant des personnels de recherche et de vulgarisation, très divers du point de vue des régions et disciplines représentées;

  • un modérateur ayant une expérience antérieure dans la conduite d'exercices d'établissement de priorités; et

  • un socio-économiste pour analyser les données.

Exercice 1.1: Etapes simples; discuter des questions suivantes en petits groupes:

  1. Quelles sont les procédures actuelles pour la planification des programmes, l'établissement des priorités et l'attribution des ressources dans votre organisation? Comment peut-on améliorer les corrélations entre l'établissement des priorités et ces autres activités?
  2. Est-ce que les exercices d'établissement des priorités de votre organisation ont abouti à un canevas établi en matière de prise de décision pour l'allocation des ressources? Donner un exemple où ce canevas a influencé de manière significative l'allocation des ressources.
  3. Les exercices d'établissement de priorités comportent des avantages supplémentaires tels que l'apprentissage, l'établissement de consensus et une plus grande crédibilité. Comment ces facteurs peuvent-ils contribuer à influencer les décisions d'allocation des ressources?

Exercice 1.2: Conception d'un processus d'établissement de priorités: former un petit groupe de travail et discuter des questions suivantes:

  1. A quels niveaux se font la planification et l'allocation des ressources dans votre organisation?
  2. Qui participe, à chaque niveau, dans la prise de décisions relatives à la planification et à l'allocation des ressources? Est-ce que les personnes impliquées changent également selon le type de programme?
  3. Passez en revue la fonction de chaque type de participant à l'établissement des priorités. Est-ce qu'ils fournissent des informations, fixent-ils des priorités, ou font-il de l'allocation des ressources?

D'autres domaines prioritaires en développement des technologies

Il y a plusieurs domaines identifiés comme étant dignes d'intérêt pour la recherche pour développer des technologies et des outils de mesure, y compris:

Dans ces domaines, les SNRA mobiliseraient la collaboration des partenaires concernés, puisant des compétences auprès des services et agences travaillant dans des domaines spécifiques. Par exemple, un service de sylviculture faisant de l'arboriculture pourrait travailler avec le service national des forêts et les services de vulgarisation, ainsi qu'avec les unités régionales et le Centre international pour la recherche en agro foresterie (CIRAF) au sein du GCRAI. De même, la recherche nutritionnelle et les services de santé pourraient collaborer avec les SNRA dans l'exploration de sujets tels que la notation des aliments ou bien leur fortification par micro éléments nutritifs.

3.3 Approche et mise en œuvre de la recherche

3.3.1 Comprendre la vue d'ensemble

Aborder les questions de sécurité alimentaire sous l'angle du développement durable suppose une compréhension des rapports qui existent entre les dimensions techniques, environnementales, économiques et sociales associés à la production, la disponibilité, la qualité et l'accès à la nourriture. Plutôt que des solutions purement techniques, la recherche appliquée doit chercher à comprendre les complexités et les dilemmes auxquels font face les producteurs et les autres acteurs de la chaîne de production, afin de proposer les moyens pertinents et réalistes de faire avancer la cause de la sécurité alimentaire. Ceci pourrait entraîner l'élargissement de l'angle, la portée et l'échelle de l'analyse, et l'intégration de divers ensembles de connaissances.

3.3.2 Rassembler les outils de réflexion

Compte tenu de la diversité des causes et des contextes d'insécurité alimentaire, il n'est pas question d'employer une seule tactique ou les mêmes outils de travail pour traiter toutes les situations. Au contraire, les chercheurs devraient rayer de leurs méthodologies les schémas directeurs et essayer de trouver des méthodes adaptées aux besoins et aux priorités des groupes ciblés. Ce qui peut être nécessaire dans de nombreux cas, particulièrement dans des pays en développement où la collecte des données sur de vastes régions expérimentales peut s'avérer difficile et coûteuse, c'est que les chercheurs renoncent à cette illusion de précision qui est celle des recherches techniques conventionnelles. De la même manière, des expériences ou des cycles de projets dont les délais seraient strictement respectés devraient céder la place à des délais plus flexibles, de manière à promouvoir la continuité et la durabilité des activités et des relations de la recherche.

Les approches participatives de la recherche peuvent générer une grande quantité d'informations valables pour un coût relativement peu élevé et dans un délai relativement bref. Elles fournissent aussi un paradigme pour une interaction durable avec les producteurs, en s'assurant que l'ordre du jour corresponde aux valeurs et aux besoins locaux, intègre les connaissances et les expériences locales et reflète les ressources et les compétences locales. Elles promeuvent également l'engagement chez les partenaires et la durabilité des innovations proposées.

Le processus participatif doit reconnaître que les communautés ne sont pas des entités homogènes dont les membres ont les mêmes intérêts et les mêmes priorités. Ce sont plutôt des communautés diversifiées entrecoupées par plusieurs sortes de frontières marquant les rapports de force et les privilèges différentiels (i.e. entre les hommes et les femmes, les ménages riches et les ménages pauvres, les groupes dominants et les groupes subordonnés, etc.). Les formes habituelles de discours ou de comportement publics (tels que les réunions de village) peuvent favoriser la bonne formulation et l'avancement du programme du groupe le plus puissant. On a besoin de tester et éventuellement de mettre en place diverses formes de communication pour assurer la participation significative des groupe marginaux tels que les producteurs à faibles revenus, les ouvriers agricoles, les minorités ethniques, le prolétariat urbain, les femmes, les jeunes, etc.

Parmi les outils présentés lors de la conférence électronique, ceux qui se sont avérés efficaces s'agissant de la sécurité alimentaire sont les suivants:

La recherche au service de la clientèle au Mali
(Silva-Barbeau et al., 2001)

Une équipe interdisciplinaire et intersectorielle d'agronomes, d'un agro-économiste, d'un horticulteur, de sociologues, de zootechniciens, pédologues, nutritionnistes, de spécialistes du genre et en alimentation de diverses institutions de recherche du Mali[1] et de l'Université Virginia Tech se sont retrouvés pour analyser les résultats d'une enquête diagnostique conduite auprès de femmes du Mali central.

Une liste de priorités de recherche a été dressée sur la base des préférences exprimées par les femmes lors de l'étude plutôt que sur l'appréciation scientifique des problèmes par les chercheurs. En particulier, les femmes étaient avant tout préoccupées par la question de comment améliorer la nutrition de leurs enfants. Les questions suivantes se sont révélées les plus prioritaires et elles ont guidé la recherche «au service de la clientèle»:

1. Comment le projet peut-il nous aider à mieux nourrir nos bébés maintenant?

Une nourriture de sevrage à base d'un mélange local de millet et de la dolique a été développée, testée et s'est montrée efficace pour favoriser le gain de poids chez les enfants (Silva-Barbeau et al., 1998).

2. Comment le projet peut-il nous aider à continuer à nourrir nos enfants à l'avenir pour qu'ils ne tombent pas malades mais qu'ils grandissent pour devenir forts et heureux?

Les scientifiques ont employé un indicateur éprouvé, la diversité de la nourriture de sevrage, comme moyen d'identifier les enfants susceptibles de développer la malnutrition. La diversité de la nourriture de sevrage permet d'établir une corrélation entre les enfants susceptibles de développer la malnutrition, les périodes de l'année pendant lesquelles les enfants sont les plus vulnérables et d'autres facteurs liés à un tel risque (par exemple l'écologie, les régimes pluviaux, les systèmes de cultures, l'intégration de marchés, la démographie et les économies des ménages). Prêter attention à ces questions permet d'aider dans la conception des politiques de soutien et des solutions technologiques qui sont efficaces pour aborder les risques, tout en étant compatibles avec les besoins nutritifs des enfants de la région. Par exemple, les données suggèrent que l'intégration à l'économie du marché et la culture des légumes hors saison peuvent mener à une plus grande diversité dans la nourriture de sevrage, surtout lorsque celle-ci est accompagnée d'une éducation nutritionnelle.

Les partenaires institutionnels peuvent apporter leurs expériences et savoir-faire pour déterminer les besoins, développer les technologies et tester les solutions efficaces afin de parvenir à un objectif mutuellement défini. Le succès dépend des rapports professionnels et interpersonnels que peuvent maintenir des scientifiques individuellement, ainsi que de leur engagement à un travail d'équipe. Le projet a été développé pour répondre au désir des DRSPR de déterminer des stratégies permettant de satisfaire les besoins de femmes rurales. L'unité Cellule a mis en évidence l'importance des aliments de sevrage et a mis au point une farine de sevrage qui pouvait être introduite pour améliorer la nutrition. L'Université Virginia Tech a fourni sa compétence en analyse de nutrition et de genre, a aidé dans la conception de l'étude, a développé l'instrument de recherche et a analysé les données. Le DRSPR a déployé des chercheurs dans le champs pour tester l'innovation. Ce partenariat a été efficace car il a abordé directement les besoins et les soucis exprimés par les clients et parce que chaque institution a été convaincue que le travail en collaboration apporterait des avantages à chacun.

Une pléthore de guides, de manuels, de trousses à outils existe sur divers aspects de la recherche participative. Dans cette pléthore, Mikkelsen (1995) est un ouvrage très utile sur les approches de la recherche participative, le développement, l'évaluation et la formation, etc. Okali et al. (1994) offrent un examen complet de diverses approches agricoles participatives, illustrées par des études de cas concrets. L'UNDP (2000) a publié un annuaire qui fournit des éléments pour promouvoir la participation. La Banque mondiale a fait une compilation de documents sur la participation, The World Bank Participation Sourcebook (1996). Ce livre contient non seulement des exemples d'approches participatives de développement appliquées sur le terrain, mais aussi un résumé très utile des méthodes participatives et de brefs descriptifs sur le fonctionnement de ces outils.

La recherche sur les conditions d'existence durables: une question clef pour la sécurité alimentaire
(DPDI, 1998)

L'agence britannique d'aide internationale, le Département pour le développement international (DPDI), utilise l'approche Conditions d'existence durables en zones rurales (CEDR) dans son travail de développement. La définition opérationnelle que le DPDI donne aux conditions d'existence durables est basée sur celle de Robert Chambers et Gordon Conway. On peut définir CEDR comme suit: «Les conditions d'existence englobent les capacités, les atouts (y compris les ressources matérielles et sociales) et les activités nécessaires pour gagner sa vie. Les conditions d'existence deviennent durables lorsqu'elles peuvent permettre d'affronter et surmonter des tensions et des chocs, et maintenir ou améliorer ses capacités et ses atouts aussi bien dans le présent que dans l'avenir, sans nuire à la base des ressources naturelles». (DPDI, 1998)

L'expérience de terrain du DPDI a éclairé son approche de recherche/développement en ce qui concerne le rôle critique que peut jouer la recherche intégrée CEDR dans la compréhension des réalités d'un site donné, ainsi que celle des complexités de la sécurité alimentaire dans ce domaine.

Au Bangladesh, contrairement aux visées de départ d'un accroissement de la production alimentaire et de la sécurité alimentaire a partir d'un schéma de production contrôlée reposant sur des variétés de riz à haut rendement la sécurité alimentaire y a en fait diminué tandis que la pauvreté rurale augmentait. L'inondation contrôlée de la plaine d'inondation en question, qui contenait aussi bien des ressources aquatiques que foncières de production, s'est soldé par un déclin de la qualité de l'environnement et de pertes en biodiversité. D'autre part, la production de poissons des pêcheries à accès ouvert a également diminué. En contraste avec une approche où l'on se focalise uniquement sur la production de riz, sans se soucier du contexte plus large dans lequel celle-ci se fait, le DPDI a entrepris une recherche dont le point de mire était l'analyse du capital social, humain et nature dans une grande plaine d'inondation au Bangladesh. Les chercheurs sont en train de modéliser les interactions complexes des systèmes physiques, sociaux et économiques au sein d'une importante population rurale dont les conditions d'existence dépendent énormément du capital naturel de la plaine d'inondation. La recherche de la DPDI, qui acquiert une compréhension accrue des rapports étroits entre le capital naturel, humain et social, va permettre aux aménageurs de soutenir les conditions d'une plus grande sécurité d'existence en milieu rural.

En outre, le Programme de Participation Populaire a produit Participation in Practice: Lessons from the FAO People's Participation Programme (1997b), qui présente des expériences et des outils participatifs. Un travail récent fait par l'Institut international pour la reconstruction rurale (IIRR) offre une documentation sur les outils participatifs tout en se concentrant sur la planification (Selener et al., 1999). Pretty et al. ont mis au point un guide de formateurs sur les méthodes participatives, les principes de l'apprentissage et de l'action participatifs, et des exercices. Le domaine de la recherche et du développement participatif dispose d'un nombre croissant de méthodes et d'outils dont quelques exemples issus d'une riche collection de matériaux sont représentés ici.

La gestion holistique des ressources en Afrique occidentale
(Bertelsen, 2000)

Afin d'améliorer les pratiques en matière de gestion des ressources naturelles et celle des conflits qui y sont associés dans les systèmes agro-pastoraux, le projet SANREM d'Afrique occidentale[2] utilise le Modèle de gestion holistique pour définir son programme de recherche au Mali. Les tendances à long terme de la croissance démographique, la détérioration du potentiel en ressources naturelles, ainsi qu'un climat aussi sévère que capricieux, ont exacerbé le cycle de pauvreté d'une grande majorité des agriculteurs et des éleveurs d'Afrique occidentale. Un modèle local de mise en route d'un consensus est donc nécessaire pour arrêter le developpement d'une situation potentiellement explosive liée à une concurrence de plus en plus forte pour l'accès à des ressources rares.

Le Modèle de gestion holistique (Holistic Management Model) (Savory, 1988) est particulièrement adapté à la compréhension et à la gestion des interactions entre agriculture et élevage (y compris les conflits potentiels) en milieu aride et semi-aride. A l'inverse d'une gestion conventionnelle des ressources naturelles concentrée sur les contraintes et qui conduit à un plan d'action et à des solutions technologiques trop spécifiques, le Modèle de gestion holistique met l'accent sur la combinaison d'une application stratégique des expériences antérieures avec les valeurs et les visions de la communauté pour établir un but consensuel. Ce modèle souligne l'importance de quatre facteurs-clefs des écosystèmes (les cycles hydriques, les cycles d'éléments nutritifs, les dynamiques communautaires, et les flux d'énergies) pour réaliser une gestion durable des ressources. En prenant en compte ces éléments, la communauté se fixe collectivement un but holistique ayant trois composantes: a) la qualité de vie désirée dans l'avenir; b) la production nécessaire pour atteindre et maintenir cette qualité de vie; c) l'état du milieu naturel nécessaire au maintien de ce niveau de production. Le modèle comporte également des critères d'évaluation de décisions résultant d'une planification participative permettant de s'assurer que les décisions prises amènent la communauté vers le but holistique qu'elle s'est défini.

Grâce à ce modèle, SANREM a pu bâtir de larges consensus sur les conséquences des activités antérieures et pu identifier le potentiel des actions communautaires. En intégrant des chercheurs à ce processus, SANREM espère établir un programme de recherche rigoureux sur le plan scientifique, mais aussi compréhensible et répondant aux besoins des populations locales.

Le projet se focalise sur les unités ou des communes ayant récemment fait l'objet d'une décentralisation du pouvoir de décision. Les communes qui ont reçu depuis peu le pouvoir de gestion des ressources naturelles au niveau local, sont constituées de plusieurs villages; elles sont comparables aux plus petites unités administratives nouvellement créées ou dotées de pouvoir dans les autres pays de la zone. Pour encourager les prises de décision au niveau de la commune, SANREM a été à l'origine de la création d'un Comité de conseil en gestion des ressources naturelles (NRMAC) composé de représentants de village, de groupes de femmes, d'associations d'éleveurs et d'autres utilisateurs de ressources. Il s'agit pour cet organe d'être l'interface entre le projet et les populations de la commune, par le biais de consultation et de participation. Les membres du NRMAC sont formés en gestion holistique.

Le modèle en lui-même est simple, sans être simpliste, et compréhensible par les agriculteurs, les éleveurs et les autres décideurs locaux. Il fournit un cadre qui permet d'envisager de manière collective une gestion durable des ressources, ainsi qu'un guide pratique pour établir un diagnostic des causes, prescrire des remèdes et en suivre les résultats. En même temps, il est aussi suffisamment crédible pour amener les chercheurs à collaborer dans l'établissement de diagnostics, à la formulation des hypothèses et à leur test. Ainsi, ce modèle peut servir de pont entre les parties prenantes locales et les chercheurs pour planifier, mettre en œuvre et évaluer les activités de recherche.

3.3.3 Le travail en collaboration: les écueils à éviter

Une fois les parties prenantes concernées identifiées et mobilisées pendant la phase de «préparation du terrain», il est important de favoriser un processus de collaboration qui optimise les bénéfices obtenus par un engagement des parties prenantes et qui minimise les possibilités de désaccords entre participants, la manipulation faite par des groupes d'intérêts puissants ou la marginalisation des groupes moins privilégiés. Ce qui suit constitue quelques uns des principes de base qui permettraient d'éviter quelques écueils du travail en collaboration:

3.4 L'évaluation des activités de recherche

A mesure que les fonds disponibles pour les investissements dans la recherche agricole s'amenuisent, on s'intéresse de plus en plus à l'établissement des priorités et à l'évaluation des efforts de la recherche. Etant donné la situation, il importe de clairement expliquer le processus de décision en ce qui concerne les objectifs de la recherche, et de démontrer l'impact des activités de la recherche. Les évaluations de l'impact de la recherche doivent se fonder non seulement sur les taux d'adoption des technologies mais aussi sur les rapports coûts-efficacité et sur la durabilité.

Il est possible de faire une évaluation ex ante et ex post pour une série d'objectifs, dont le projet de faisabilité, les progrès dans la gestion, les suivi de l'impact, l'analyse de la durabilité et la comparaison des coûts et des bénéfices. Il est impératif que l'approche suivie et les parties impliquées soient adaptées à l'évaluation des objectifs. Généralement, il est conseillé de combiner les approches, en incluant le suivi conventionnel et participatif et des méthodes d'évaluation qui analysent le processus et le produit. Les évaluations peuvent, par exemple, être menées par:

3.4.1 Le suivi et l'évaluation participatifs

Compte tenu de ses nombreux avantages avérés, le suivi - évaluation participatif (S&EP) est en train de devenir une pratique habituelle de l'évaluation des efforts de recherche et de développement.

A l'origine, le modèle S&EP a été développé par les ONG pour tirer les leçons de l'expérience de terrain (Aaker et Schumaker, 1997), mais il est désormais largement adopté par les agences donatrices bilatérales et multilatérales. Dans cette approche, les parties prenantes élaborent collectivement, et d'un commun accord, des indicateurs, et ce avant de s'engager dans la recherche planifiée ou dans le développement d'activités. Ce procédé permet à tous les partenaires d'expliquer leurs attentes et de s'accorder sur un cadre d'évaluation qui inclut les divers intérêts en jeu. De toute évidence, les partenaires détermineront des enjeux différents, et par là-même des indicateurs différents. Par exemple, les agriculteurs pourront mettre l'accent sur la diversification des cultures tandis que les chercheurs se concentreront sur l'interaction entre les cultures.

Le S&EP fournit un cadre aux chercheurs partenaires leur permettant de se rencontrer au cours du processus de recherche, et discuter de ce qui, à leurs yeux, fonctionne bien ou mérite d'être perfectionné. L'implication dans le processus de S&EP est également à l'origine d'une meilleure compréhension et d'une plus grande conscience des relations de cause à effet entre les différents facteurs, et favorise l'engagement des parties prenantes et une appropriation partagée de l'activité de recherche.

3.4.2 L'évaluation des technologies générées par la recherche

La recherche sur la sécurité alimentaire durable devrait avoir pour objectif la mise au point de nouvelles technologies et de nouvelles informations qui répondent aux besoins spécifiques ou aux problèmes identifiés par les parties concernées. En conséquence, les taux d'adoption des technologies et leur impact devraient, plutôt que les publications académiques, être considérés comme des critères-clés pour évaluer le progrès et les résultats de la recherche.

Au moment où l'on planifie la recherche portant sur les innovations, et avant la mise en œuvre du projet, il faut conduire une analyse qui aborde les questions suivantes, se rapportant à la technologie en question:

Les chercheurs agricoles apprennent sur la participation au Pérou
(Holland et Silva, 2000)

Dans ce cas intéressant, le développement participatif impliquait des chercheurs des SNRA plutôt que des agriculteurs, et avait pour but le développement d'outils pour la recherche participative plutôt que des technologies agricoles. L'initiative, fruit d'un projet appelé Le Développement participatif en Amazonie (DEPAM), a été financé par le Centre de recherche sur le développement international (CRDI), a reçu l'appui technique du Centre international pour l'agriculture tropicale (CIAT) et a fait appel à des chercheurs et agents de vulgarisation provenant d'une douzaine d'institutions locales de recherche agricole et de vulgarisation. Après une année et demie d'exploitation, les chercheurs ont trouvé que c'était le manque de temps, de ressources et d'autonomie qui constituait les principales contraintes à l'accomplissement d'une approche participative. Par conséquent, une réponse «action-recherche» a été élaborée afin de traiter le problème. Elle a mis en lumière le besoin d'avoir un processus de développement de compétences dans lequel les chercheurs pourraient développer un savoir-faire participatifs et comme facilitateur, tirer profit des expériences de terrain et de la littérature disponible, et se soutenir les uns les autres en tant que médiateurs entre les agriculteurs et leur propres institutions.

Au total, 12 chercheurs de huit institutions locales de recherche et de vulgarisation ont participé aux groupes d'apprentissage. Le but principal de ces groupes était de procéder à une réflexion critique sur les pratiques participatives, mais en fin de compte les participants ont conçu et mené conjointement un projet participatif de développement des technologies avec des agriculteurs. Ces groupes ont une structure volontairement informelle: pas d'obligation de faire des états de progrès ni de réunions à dates fixes; pas de direction organisationnelle ni de facilitation externe. Les participants fixent des objectifs avec des délais, prennent des décisions relatives aux procédures organisationnelles et aux activités d'apprentissage, contrôlent leurs ressources et sont responsables uniquement les uns envers les autres. La participation est de la responsabilité des chercheurs individuels qui doivent négocier avec leurs institutions avant d'y prendre part.

Au bout d'un an, les chercheurs participants rapportent que le processus d'apprentissage a un effet très fort sur le travail qu'ils réalisent au sein de leurs institutions. Cependant, le projet rencontre les mêmes défis que rencontrent d'autres projets participatifs ou communautaires. Par exemple, afin de créer un lieu sûr d'analyse critique et d'expérimentation créative, les membres du projets ont fait exprès de circonscrire leurs activités dans une sphère autonome, bien distincte de leurs structures institutionnelles. Ceci a abouti, hélas, à limiter l'impact institutionnel du projet. Demeure le défi de comment institutionnaliser la réflexion critique, la créativité et l'engagement que génère l'expérience chez les participants sur le plan individuel, pour que l'apprentissage participatif soit soutenu comme dimension essentielle des politiques et pratiques de la recherche.

Une fois cette technologie mise au point et diffusée, les variables suivantes serviront de base à une évaluation de la recherche: l'accès pour les producteurs et productrices aux revenus limités; les taux d'adoption; les bénéfices tirés de l'adoption; et les bénéfices à long terme pour la société et l'environnement. A cet égard, Ashby (1990) constitue un excellent manuel sur la validation des technologies en milieu paysan.

3.4.3 L'évaluation de l'impact de la recherche

Il existe plusieurs définitions de ce en quoi consiste l'impact de la recherche agricole en rapport avec la sécurité alimentaire. En dernière analyse, les résultats de la recherche doivent être efficaces à répondre aux besoins ressentis par les bénéficiaires désignés et à améliorer sensiblement leurs conditions.

Pour apprécier la réalisation des objectifs de recherche et de progrès en matière de sécurité alimentaire, on peut se fonder sur des indicateurs à la fois quantitatifs et qualitatifs. Le caractère adéquat ou non d'un indicateur dépend du contexte spécifique et de l'objectif de recherche en question. Par exemple, les mesures quantitatives sont plus objectives mais certains chiffres peuvent être difficiles à recueillir, en particulier dans les pays en développement. Les indicateurs qualitatifs sont moins rigoureux mais contribuent à l'interprétation. De plus, il peut être plus facile et moins onéreux de recueillir des données qualitatives.

Le Ministère de l'Agriculture des Etats-Unis (USDA), a utilisé avec succès un cadre d'évaluation (Bennett et Rockwell, 1995; Bennett et al., 2000) qui organise les effets selon différents niveaux de progrès conduisant à un impact de plus grande échelle. Le modèle est hiérarchisé en plusieurs niveaux de résultats et d'impact. Une des adaptations possibles concernant le renforcement des capacités building a été démontrée dans une approche modifiée à trois niveaux (Nelly et al., 1999). Dans cette approche, le premier niveau ou degré d'impact correspond à un changement, soit dans l'implication des gens dans des questions de sécurité alimentaire durable, ou dans celles affectant l'insécurité alimentaire, soit dans leur conscience vis-à-vis de ces questions. Au fur et à mesure que se confirme ce changement, il devient la base du niveau d'impact suivant, qui correspond à un changement dans les connaissances, les attitudes, le savoir-faire et les aspirations des gens. A mesure que se consolident les deux niveaux précédents, ils deviennent à leur tour la base du niveau d'impact le plus significatif: une meilleure qualité de vie ou une amélioration des conditions des ressources naturelles.

3.4.4 L'évaluation des investissements dans la recherche

Les gouvernements et les donateurs ne cessent d'accroître les exigences en matière de responsabilité et de rapport coût-efficacité dans l'usage des fonds alloués à la recherche. En conséquence, les chercheurs et les gestionnaires de la recherche doivent prendre des décisions et apprécier les priorités en fonction du rapport entre les rendements potentiels, et l'argent et le temps investis dans le processus de la recherche.

Il existe une abondante littérature sur l'évaluation du rapport coût-bénéfice de la recherche agricole (y compris, mais ne se limitant pas à Alston et al. 1995). Mywish et al. (2000) ont fait, à l'intention des directeurs de recherche, une synthèse des évaluations les plus performantes en matière d'impact de la recherche agricole; au terme de cette analyse ils concluent qu'«il est bon que tous les cinq ans, chaque programme de recherche appliquée fasse l'objet d'une évaluation externe et globale de la qualité technique, et d'une analyse de son impact économique».

Il devient de plus en plus indispensable de faire des évaluations ex ante d'impact et d'en informer ceux qui investissent dans la recherche avant sa mise en œuvre. Avant même l'application d'une technologie, d'une pratique ou d'une politique, on procède de plus en plus à des évaluations ex ante basées sur des modèles prévisionnels, afin de déterminer l'impact escompté sur le développement (Pachico, 1994; IFPRI, 1999; ILRI, 1999; Texas A&M, 1999).

3.5 Vulgarisation et approches «agressives»

En dernière analyse, la recherche sur la sécurité alimentaire se mesure à partir de son impact sur les groupes des parties prenantes. Bien qu'ils aient des compétences en ce qui concerne la recherche en soi, les chercheurs n'ont pas toujours le savoir-faire ou l'expérience du travail de vulgarisation et d'expression, écrite ou orale, en termes profanes. Néanmoins, pour diffuser les résultats de la recherche il convient de:

Comme nous l'avons vu dans les sections précédentes, les partenaires qui travaillent au niveau de la communauté et interagissent avec les producteurs sont susceptibles de jouer un rôle crucial dans la vulgarisation et les approches «agressives». La participation des agents de développement, agents de vulgarisation et formateurs de producteurs, qui diffusent les informations et opèrent des transferts de technologies, est particulièrement importante. Les approches «agressives» devraient également être créatives et profiter d'occasions uniques, et des voies non conventionnelles telles que les troupes théâtrales, et les divertissements.

3.5.1 La traduction des résultats de la recherche en informations intelligibles

Les SNRA devraient développer des politiques pour disséminer activement et par tous les moyens convenables les résultats de la recherche financée par les fonds publics. Cependant, l'accès à ces résultats n'a de sens que si ceux-ci sont facilement intelligibles. Le message doit transmettre des informations ou des conseils qui s'appliquent à des besoins identifiés par les parties prenantes en termes simples et clairs et le langage doit être adapté au public (il serait peut être nécessaire de traduire les résultats dans des langues parlées par les groupes minoritaires en même temps que celles des groupes dominants).

La vulgarisation peut jouer un rôle clef dans ce processus en tirant parti de la dissémination directe des résultats de la recherche par le biais de démonstrations interactives sur le tas qui garantissent une communication dans les deux sens et la pratique des savoir-faire plutôt que du traditionnel transfert à sens unique par le biais de conseils.

En même temps, et dans la mesure du possible, les SNRA devraient profiter pleinement des opportunités offertes par les nouvelles technologies de la communication et de l'information. Ces technologies peuvent être utilisées pour rendre les résultats de la recherche disponibles en format électronique, pour atteindre ceux qui ont un accès à l'Internet, à des CD-ROM et à d'autres moyens d'information (voir ci-dessous).

Technologies de l'information: s'appuyer sur l'expérience acquise
(FAO, 2000b)

La FAO a acquis de l'expérience dans l'utilisation des technologies de l'information pour améliorer la sécurité alimentaire à travers son travail en Amérique latine avec les FarmNets, réseaux électroniques d'informations agricoles mis en place au début des années 1990. Basés sur les connaissances locales et sur les besoins des associations d'agriculteurs, les réseaux sont devenus une source d'information sur la gestion des cultures, la météo, les marchés et les mécanismes de crédits.

La FAO a fourni au projet FarmNets 1) l'architecture du réseau électronique, des équipements de base (ordinateurs, serveurs, modems et imprimantes), la coordination du support logistique et le service technique de secours; et 2) la formation relative à l'utilisation des technologies électroniques de l'information. L'un des éléments importants de la formation pour les gestionnaires d'exploitations agricoles et le personnel local de vulgarisation était le comment analyser et disséminer les données pertinentes pour la localité. Des centres de renseignements ont été établis au sein des organisations d'agriculteurs ou dans les bureaux des ONG. Les centres, à leur tour, ont distribué des messages aux agriculteurs individuellement et aux associations par le moyen technologique le plus adapté au milieu (par exemple documents imprimés, par télécopie ou par Internet).

Les FarmNets ont vite remporté un succès en donnant aux agriculteurs les moyens de faire plus efficacement les tâches de planification et de commercialisation. Grâce aux informations concernant les marchés qui proviennent du réseau, une association d'agriculteurs a pu vendre du coton pour un prix supérieur de U.S. $10 par quintal à celui offert par des acheteurs locaux. Des informations concernant les prix futurs de céréales et d'oléagineux ont permis à une association d'établir les quantités de cultures à planter. Le service météo de FarmNet a fourni aux producteurs de légumes des informations sur les conditions climatiques auxquelles font face leurs concurrents dans d'autres régions et pays leur permettant ainsi planifier en conséquence.

Le projet pilote égyptien VERCON
(FAO, 2000c)

Un projet financé par la FAO met en place actuellement un Réseau de communication virtuelle en vulgarisation et recherche (VERCON) en Egypte pour améliorer les liens entre la recherche et la vulgarisation dans quatre centres pilotes qui serviront de base pour la création d'un réseau électronique national de connaissances et d'informations agricoles. A base d'informations de l'Internet et des technologies de communication, les systèmes nationaux de recherche et de vulgarisation agricoles sont en train d'être renforcés par l'amélioration de leurs capacités pour un meilleur échange de connaissances agricoles. Au fur et à mesure que les barrières administratives, physiques, et de communication sont levées, l'interaction entre chercheurs et personnels de vulgarisation s'améliorent et, en fin de compte, les agriculteurs bénéficient eux aussi de cette communication améliorée. Le but précis du projet VERCON est justement d'assurer un flux continu d'informations recherche et vulgarisation pour aborder les priorités et satisfaire les besoins des agriculteurs à faible revenus

3.5.2 L'emploi des stratégies «agressives»

Il faut reconnaître que les différents acteurs et partenaires ayant des enjeux dans la sécurité alimentaire, ont des moyens d'apprentissage et accès à différents types de médias. Il est essentiel que les stratégies «agressives» correspondent à la diversité des populations ciblées. Les efforts «agressifs» appropriés devraient être planifiés à l'avance et les ressources financières permettant leur réalisation devraient être prévues dans les budgets des programmes de recherche. Parmi les stratégies potentiellement efficaces:

Vérification du rôle des technologies appropriées dans la diminution de la précarité alimentaire saisonnière en Gambie
(Silva-Barbeau et al., 1999)

Pour que les efforts de collaboration en faveur de la sécurité alimentaire durable soient une réussite, l'identification et l'implication des partenaires qu'il faut sur la base de besoins communs et de forces spécifiques est indispensable. La résolution de problèmes par des partenariats inter-institutionnels entre institutions de recherche, de développement et communautaires a été démontré lorsque divers savoir-faire techniques et expériences institutionnelles ont été ralliés autour d'un effort commun de rendre le travail des femmes plus rentable et essayer des technologies durables susceptibles d'avoir des effets positifs sur la nutrition et les revenus des ménages. Alors que les groupes d'utilisateurs ont joué le rôle principal dans l'identification du problème à résoudre et dans l'évaluation de l'applicabilité et de la durabilité des solutions proposées, le rôle des ONG a été déterminant dans le transfert et l'adaptation des technologies et dans la formation des utilisateurs.

Dans les années 1980, le Service du secours catholique (CRS) a introduit la production de graines de sésame aux agricultrices de la Gambie pour leur fournir une source de calories dont les femmes et les enfants avaient grandement besoin. Les graines de sésame sont immédiatement devenues un succès parce qu'elles résistent à la sécheresse et permettent aux agriculteurs d'étaler leurs besoins en main d'œuvre. Ce sont surtout les femmes qui cultivent les graines de sésame et ce, sur des parcelles communautaires et individuelles. Ce sont elles qui préparent également l'huile pour la consommation domestique ou pour la vente sur le marché local. Quant aux bénéfices, ils sont en partie réinvestis dans des activités de groupe et en partie distribués aux agricultrices.

Simultanément, le CRS a également introduit des extracteurs d'huile à moteur diesel qui devaient être gérés par les Associations de producteurs de sésame. Ultérieurement cependant, plusieurs extracteurs ont dû être mis hors service puisque importés, leurs pièces détachées étaient chères et les réparations au-delà des compétences des mécaniciens locaux.

Le CRS a entendu parler d'une presse manuelle, fabriquée localement et utilisée en Tanzanie pour extraire de l'huile des graines de tournesol. Celle-ci, conçue par l'Appropriate International Technology (AIT), pouvait être fabriquée en Gambie ou au Sénégal tout proche, et mise au point pour presser de l'huile de sésame. Grâce à sa petite taille et à son faible coût, chaque village pouvait posséder et exploiter sa propre presse manuelle. Les femmes pouvaient être formées pour l'exploitation et la maintenance de celle-ci, ainsi que pour le suivi.

Afin d'évaluer l'impact de la presse manuelle par rapport à celui des extracteurs, une étude a été menée dans 52 villages pendant une année entière, puisant dans les rappels de consommation de nourriture, les mesures anthropométriques et des données de production. Les résultats ont indiqué que la consommation d'huile avait augmentée sensiblement chez les ménages qui se servaient de la presse manuelle soit de façon exclusive soit en combinaison avec les extracteurs.

Le CRS et l'AIT ont voulu documenter l'impact du projet mais n'avaient pas les compétences scientifiques. Le Virginia Polytechnic Institute and State University et Silva Associates ont été contactés et des chercheurs de ces organisations ont obtenu des subventions auprès du Thrasher Research Fund, de l'USAID et d'une fondation privée pour faire mener une étude d'impact. Lorsqu'un changement politique a empêché l'utilisation des fonds de l'USAID, le Fonds Thrasher pour la recherche a fourni un soutien supplémentaire. L'Association gambienne d'agriculture, de nourriture et de nutrition (une ONG ayant des liens avec le CRS et le Ministère de l'Agriculture) a joué un rôle majeur dans la mise en œuvre de l'étude, l'assistance technique étant assurée par l'équipe Virginia Tech/Silva Associates. Le caractère unique de l'ONG gambienne, qui bénéficiait d'un personnel hautement qualifié avec une grande expérience de la recherche, a rendu possible la collecte et l'analyse des données sur le terrain, ce qui a réduit les coûts de l'étude.


Approches agroécologiques pour améliorer la sécurité alimentaire en Amérique latine
(Altieri, 1999)

Depuis le début des années 1980, les ONG et les SNRA en Amérique latine mettent en avant des approches agro-écologiques qui puisent dans les connaissances et techniques agricoles locales, et sont proposées comme alternatives à la monoculture et à la dépendance vis-àvis des intrants chimiques. Fréquemment les scientifiques pensent que l'utilisation d'outils manuels et d'animaux de trait limitent la productivité des systèmes agraires locaux. Cependant, de nombreux exemples, qui proviennent de plus de 200 projets dans la région, prouvent que les approches agro-écologiques peuvent augmenter la productivité et la stabilité des cultures vivrières et en même temps assurer la restauration de la fertilité et de la biodiversité du sol.

Par exemple, au Brésil, le service de vulgarisation et de recherche de l'Etat, EPAGRI[3], promeut des techniques économiques de conservation de terre et d'eau, telles que les barrières d'herbe, le labour suivant les contours, le fumier vert, et la rotation des cultures avec des couverts végétaux tels que le velvetbean, la dolique, l'avoine et les navets. Depuis 1991, EPAGRI a touché 38 000 agriculteurs dans 60 mini-reserves d'eau, aidé plus de 11 000 agriculteurs à développer des plans d'exploitation et fourni 4 300 tonnes de fumier vert. L'utilisation des couverts végétaux a réduit les exigences en main d'œuvre pour le désherbage et le labour et augmenté le rendement du maïs de 3 à 5 t/ha et celui du soja de 2.8 à 4.7 t/ha.

Au Pérou, les agriculteurs ont fait renaître une technique employée dans les Andes il y a 3000 ans. Les témoignages archéologiques révèlent que les agriculteurs de l'époque, à travers toute l'Amérique latine, cultivaient dans des lits de labour soulevés ou dans des champs à billons. La méthode du champ à billons développée au Pérou assurait des récoltes exceptionnelles, même à des altitudes de 4 000 mètres. Plusieurs ONG et agences d'Etat au Pérou sont à l'initiative du Proyecto Interinstitucional de Rehabilitación de Waru-Waru (PIWA) pour faire revivre cette technique, qui s'est avérée avoir des effets positifs sur la modération de températures et la productivité, et a permis de maintenir les rendements de pommes de terre à 8 à 14 t/ha par rapport à une moyenne de 1 à 3 t/ha dans le champs sans billons. Dans le sud du Pérou, la PRAVTIR[4] sponsorise la reconstruction de terrasses en proposant aux paysans des prêts à faible taux d'intérêt, des semences et d'autres intrants. Bien que l'exigence d'une grande force de main d'œuvre constitue une contrainte, le travail communautaire a catalysé une forte cohésion sociale aux niveaux familial et communautaire. Les investissement en main d'œuvre sont compensés par des avantages, notamment un moindre risque de gel et de sécheresse, une moindre perte de terre, un plus vaste choix de cultures à cultiver et des rendements meilleurs et plus stables. Les rendements pour le maïs, l'orge et la pomme de terre ont augmenté entre 43 et 65 pour cent.

A Cuba, une organisation non-gouvernementale créée par des scientifiques, des agriculteurs et des personnels de vulgarisation a joué un rôle de pionnier en faisant la promotion de systèmes de production intégrée. L'Asociación Cubana de Agricultura Orgánica (ACAO) a établi des projets-pilotes appelés «phares agro-écologiques» dans des coopératives agricoles de la province de la Havane. Grâce à l'introduction de l'utilisation de la rotation des cultures, la polyculture, le fumier vert, les couverts forestiers et végétaux, les coopératives participantes ont réalisé des améliorations significatives en matière de productivité, de biodiversité et de qualité des sols au bout de quelques mois seulement. L'utilisation de Crotolaria juncea et Vigna unguiculata comme fumier vert s'est avérée équivalente à l'application de 175 kg/ha d'urée sur les courges, et a éliminé l'infestation par le charançon de la patate douce. Les rendements pour les polycultures de manioc, d'haricots et de maïs ont été 2,82 fois plus élevés que sous les conditions de monoculture.

3.5.3 La mise en œuvre de campagnes d'éducation et de sensibilisation

Les efforts d'éducation et de sensibilisation sur les sujets suivants aideront à faciliter cette compréhension et cet engagement au travail en collaboration:


[1] L'Institut d'Economie Rurale (IER), la Cellule de Technologie Céréaliere du Service de nutrition du Mali, la Division de Recherche sur les Systèmes de Production Rurale [DRSPR, devenu Programme Systèmes de Production- Gestion des Ressources Naturelles de l'IER]
[2] Le projet SANREM Afrique Occidentale est le fruit du partenariat entre l'Université Virginia Tech, l'Université de Georgie, l'Université d'Etat de Washington, l'Institut d'Economie Rurale, CARE (Cooperative for Assistance and Relief Everywhere)-Mali, ainsi que les formateurs associés à C.H.M. (Centre for Holistic Management).
[3] Empresa de Pesquisa Agropecunaria et Difuso de Technologie de Santa Caterina
[4] Programa de Acondicionamiento Territorial y Vivienda Rural

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