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9. Conclusions

Les préférences commerciales ont joué un rôle important dans les relations commerciales entre pays en développement et pays développés depuis que la CNUCED a demandé leur octroi vers le milieu des années 60. Toutefois, elles violent l'un des principes fondamentaux du GATT, c'est-à-dire le principe de non-discrimination sur la base du traitement de la nation la plus favorisée, et il a fallu au GATT un certain temps pour résoudre le problème. Invoquant le "facteur développement", il a finalement légitimé les préférences commerciales en faveur des pays en développement en adoptant la "clause d'habilitation". Néanmoins, le rôle que jouent les préférences commerciales dans le cadre du système du GATT change constamment. Les régimes préférentiels spéciaux en faveur de groupes limités de pays en développement, comme les préférences que l'UE accorde aux pays ACP dans le cadre de la Convention de Lomé, ont été tacitement tolérés de nombreuses années mais, plus récemment, il a été déclaré clairement que ces régimes sont incompatibles avec la règle selon laquelle des préférences non réciproques doivent être accordées à tous les pays en développement sans discrimination. Telle est l'une des raisons pour lesquelles les préférences commerciales sont actuellement dans un état de flux. Les préférences plus profondes qui étaient jadis accordées à des groupes sélectionnés de pays en développement pourront à l'avenir être étendues à tous les pays les moins avancés et peut-être aussi à d'autres pays en développement vulnérables et devenir un accès en franchise totale de droits aux marchés des pays développés, ou tout au moins de certains d'entre eux. Les préférences non réciproques en faveur d'autres sous-groupes de pays en développement, en revanche, deviendront sans doute des arrangements réciproques de libre-échange entre les pays développés et les pays en développement concernés, qui viendront s'ajouter au nombre croissant d'arrangements commerciaux régionaux qui caractérisent les relations commerciales internationales d'aujourd'hui.

Les autres préférences généralisées "classiques" en faveur des pays en développement ont par conséquent un avenir quelque peu incertain. De plus, avec la libéralisation progressive des échanges en général, laquelle englobe également le commerce de produits agricoles depuis le Cycle d'Uruguay, il est de plus en plus difficile de dire quel est le rôle qui reste à jouer pour les préférences commerciales. En outre, les avantages de ces préférences ont peut-être parfois été exagérés par le passé, et leurs coûts n'ont sans doute pas été pleinement appréhendés. Cela étant, il est permis de penser que les préférences commerciales ont connu leurs meilleurs jours, tout au moins en tant qu'élément général des relations commerciales entre pays développés et pays en développement.

Ce n'est pas à dire que les préférences commerciales ne devraient plus être à l'ordre du jour des négociations commerciales internationales. Un accès en franchise de droits des produits des pays les moins avancés et des autres pays vulnérables est un objectif qui mériterait certainement d'être poursuivi. Dans l'agriculture, secteur dans lequel les droits sont souvent encore extrêmement élevés, cet objectif peut jouer un rôle utile jusqu'à ce que les nouvelles réductions tarifaires aient ramené les droits de douane à des niveaux négligeables. Il convient cependant de noter que de telles préférences, c'est-à-dire des droits nuls, peuvent accélérer le mouvement vers une réduction générale de la protection dans le secteur agricole en compromettant la pérennité des régimes de protection que maintiennent actuellement nombre de pays développés. Il s'agit là d'un élément positif du point de vue général de la libéralisation du commerce, mais un accès en franchise totale peut priver les préférences de toute utilité à moins qu'il ne contribue à faire baisser plus rapidement les droits NPF.

En dernière analyse, cependant, la libéralisation générale des échanges est dans l'intérêt de tous les pays, y compris les pays en développement qui jouissent actuellement de préférences commerciales. S'il pourra y avoir des pertes dans l'immédiat par suite de l'érosion des préférences, il y aura aussi des avantages à longue échéance sous forme d'une amélioration de l'accès aux marchés pour tous les produits. C'est pour cela aussi que la forme la mieux appropriée d'indemnisation lorsque les préférences sont érodées est probablement une nouvelle réduction des droits qui frappent les produits dont l'exportation présente un intérêt particulier pour les pays en développement en cause. D'un autre côté, lorsque des préférences profondes spécifiques accordées aux produits agricoles de groupes sélectionnés de pays en développement ont essentiellement placé ces derniers sur le même pied que les producteurs nationaux des pays développés, comme c'est le cas du Protocole relatif au sucre à la Convention de Lomé, une indemnisation en espèces est une formule qui mérite d'être envisagée, en s'inspirant de celle qui est souvent offerte aux agriculteurs des pays développés. Il pourra fort bien s'avérer préférable de demander une telle indemnisation plutôt que de mener un combat voué à l'échec contre la libéralisation des marchés d'importation.

Même si les préférences commerciales ne sont plus à leur zénith, il faudrait poursuivre les recherches sur les effets de ces préférences aussi longtemps qu'elles continueront de jouer un certain rôle. L'on sait étonnamment peu de choses de leurs effets effectifs. Certaines recherches limitées ont été menées sur l'étendue globale des marges préférentielles, et quelques études ont été consacrées aux effets des courants commerciaux. Il reste néanmoins beaucoup à faire. En outre, l'on connaît très mal les effets concrets que des préférences commerciales données concernant des produits déterminés ont eu dans divers pays en développement, et il s'agit là d'un domaine qui pourrait utilement faire l'objet de recherches plus approfondies. Le résultat des recherches disponibles jusqu'à présent ne constitue pas une base suffisamment solide pour pouvoir formuler des propositions concrètes touchant le rôle futur des préférences commerciales dans le système commercial multilatéral.


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