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AFRIQUE FRANCOPHONE, HISPANOPHONE ET LUSOPHONE[9]

par
Justine Texier[10]

RESUME

Le présent chapitre passe en revue les évolutions récentes des législations forestières, en vigueur ou en projet, des Etats africains d'expression française ainsi que, subsidiairement, de langue espagnole et portugaise. Il s'agit des pays suivants: Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Comores, Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Mozambique, Niger, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo, Tunisie.

Dans la première section, on constate que la planification de la gestion forestière est désormais une obligation légale dans la majorité des pays étudiés. Etant une dimension fondamentale du développement durable, les objectifs qui lui sont assignés se diversifient pour s'étendre aux questions sociales et écologiques. Les forêts sont généralement considérées comme un bien d'intérêt national dont la conservation et le développement doivent être assurés par une gestion rationnelle et équilibrée à même de garantir, à long terme, la satisfaction des besoins des populations et la sauvegarde de l'environnement. En conséquence, le plan d'aménagement tend à se généraliser, devenant un instrument obligatoire dans la plupart des lois forestières examinées.

Il ressort de la deuxième section que les législations s'orientent, de manière générale, vers un renforcement de la gestion locale et privée des forêts. Cette évolution se manifeste notamment par des mécanismes de transfert plus poussés des pouvoirs de gestion tant à des collectivités, communes ou villages, qu'à des groupes d'usagers; la promotion de la foresterie privée en vue de multiplier les moyens permettant d'obtenir, grâce à des avantages financiers ou matériels, de meilleurs résultats en matière de production ligneuse et de conservation des forêts; et une reconnaissance plus explicite de droits sur les forêts au profit des populations et des communautés locales.

Enfin, la troisième section examine les mesures visant à assurer la préservation des forêts. Celles-ci sont axées sur la maîtrise des facteurs de déboisement (défrichements et feux de brousse) et sur la création de forêts de protection et d'aires protégées, en plus du traitement parfois novateur du régime des infractions et des sanctions. L'importance environnementale plus nettement reconnue aux forêts se manifeste en particulier par une prise en compte accrue de la biodiversité, notamment à travers les inventaires forestiers, par l'intégration plus forte des facteurs écologiques dans les plans d'aménagement, ainsi que par le recours croissant aux études d'impact sur l'environnement dans le secteur forestier.

I. INTRODUCTION

Dans un passé récent, et plus particulièrement au cours de la dernière décennie, presque tous les pays africains ont entrepris des réformes législatives en vue de se doter d'un cadre juridique -loi ou code forestier, nouveau ou rénové- relatif à la gestion des ressources forestières. Ces processus réformateurs ont suivi l'évolution des idées et des connaissances, des politiques et des réglementations, tant nationales qu'internationales, qui ont marqué le secteur forestier en particulier et l'environnement global en général. La raréfaction des ressources naturelles et l'érosion de la diversité biologique qui affectent le continent africain ont conduit à la mise en place d'instruments de planification et d'outils de gestion plus diversifiés, en vue de mieux assurer la conservation et l'utilisation durables du patrimoine forestier et de mieux satisfaire les besoins socio-économiques des populations en produits et services forestiers.

Les traits majeurs des législations africaines récentes peuvent être dessinés autour de trois idées maîtresses: une gestion forestière planifiée reposant sur les principes de durabilité et sur le recours aux plans d'aménagement; une gestion forestière dont la dimension locale et le caractère privé sont de plus en plus marqués; et une prise en compte plus nette des fonctions environnementales des forêts, l'Etat gardant le rôle principal à travers ses organes chargés des forêts. A l'évidence, ces différents aspects sont difficilement dissociables les uns des autres: il va de soi qu'une forêt sera d'autant mieux protégée qu'elle sera gérée durablement, selon des méthodes planifiées et participatives. L'analyse de ces législations doit également permettre d'apprécier dans quelle mesure elles prennent en compte les principes énoncés dans les instruments internationaux se rapportant aux forêts. Un autre but important de ces législations est de lutter contre les exploitations abusives et illégales des ressources forestières. Ce but ne peut être efficacement atteint que par l'implication de la société civile et des opérateurs économiques dans la mise en œuvre des nouvelles normes forestières.

On retrouve ces orientations législatives dans la plupart des textes en vigueur ou en projet dans différents pays africains d'expression française et, subsidiairement, de langue espagnole et portugaise, dont la liste est donnée en fin de chapitre. Au nombre de ces textes, on mentionnera notamment ceux des pays suivants: Algérie (1984), Bénin (1993 et 1996), Burkina Faso (1997), Burundi (1985), Cameroun (1994, 1995), Cap-Vert (1998), Centrafrique (1990), Comores (1995), Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa (2000), Gabon (2001), Guinée (1999), Guinée-Bissau (1991, 2001), Guinée équatoriale (1997), Madagascar (1997), Mali (1995), Maroc (1998), Mauritanie (1997), Mozambique (1999), Niger (1993, 1999), Rwanda 1989), Sénégal (1998, 1999), Tchad et Togo (1998), Tunisie (1988).

II. PLANIFICATION DE LA GESTION FORESTIERE

La planification de la gestion constitue une dimension importante du développement durable du secteur forestier. Comme le soulignent les Principes forestiers de Rio, elle permet une approche intégrée de tous les aspects de la protection de l'environnement et du développement socio-économique liés aux forêts et aux terres forestières (principe 3-c). Partant de là, les objectifs assignés au processus de planification se diversifient et s'étendent, du moins dans les textes, aux aspects de durabilité et aux questions sociales et écologiques. Parallèlement, l'instrument fondamental de planification que constitue le plan d'aménagement forestier tend à se généraliser. Un tel plan requiert l'inventaire des ressources forestières. Conçu comme instrument de gestion, il prescrit des directives aux différents intervenants et prévoit les moyens de contrôle de son application effective.

2.1 Planification forestière et développement durable

L'un des traits communs des lois et codes forestiers africains est la prescription de l'adoption de plans d'aménagement des forêts, consistant en une programmation de la gestion de celles-ci aux fins de rationaliser leur exploitation et d'assurer leur protection. La nouveauté en la matière tient moins au principe même de la planification qu'aux buts qui lui sont assignés. A cet égard, il est de plus en plus spécifié que les forêts représentent un bien d'intérêt national, dont la conservation et le développement doivent être assurés au moyen d'une gestion rationnelle et équilibrée, de nature à garantir la satisfaction des besoins socio-économiques des générations présentes et futures, conformément au principe 2.(b) de la Déclaration de Rio sur les principes forestiers (1992). Bien qu'énoncée dans un instrument juridiquement non obligatoire, cette disposition est reprise dans plusieurs textes nationaux, à l'exemple de l'article 1er de la loi guinéenne de 1999. Par ailleurs, la loi du Congo-Brazzaville du 20 novembre 2000 institue un cadre juridique pour la gestion durable des forêts sur la base d'un aménagement rationnel des ressources qui concilie l'exploitation des produits forestiers avec les exigences de la sauvegarde du patrimoine forestier et de la diversité biologique dans un but de développement durable (art. 1er). De même, selon la nouvelle réglementation sénégalaise, l'aménagement forestier doit tenir compte des conditions écologiques et socio-économiques (décret, art. R.12). Le nouveau Code forestier du Gabon mentionne également, dans l'article 17, les fonctions socio-économiques et écologiques des forêts et la nécessité d'une gestion rationnelle des ressources forestières à la conservation de la diversité biologique. A cette fin, il traite de l'aménagement des forêts et de l'aménagement de la faune sauvage.

Une autre innovation de la plupart de ces textes réside dans la référence à la notion de durabilité en matière planification forestière. Dans le cas du Niger, cette référence est un des aspects distinctifs du dispositif élaboré en 1999 par rapport à la loi existante (ordonnance de 1993): la politique forestière doit être fondée sur les principes de durabilité et tenir compte des aspects sociaux et environnementaux (projet de loi, art. 10). Il s'agit là d'une orientation très nette, clairement perceptible à travers l'ensemble des textes récents. Ainsi, aux termes du projet de code forestier togolais, la protection et le développement des ressources forestières doivent être assurés au moyen d'une gestion durable, répondant aux besoins actuels et futurs des populations et contribuant à la préservation de l'environnement et à la conservation de la diversité biologique (art. 2). Des dispositions similaires figurent également dans plusieurs autres textes, tels le code forestier du Congo-Kinshasa (art. 1er) du 29 août 2002 et le projet de loi du Maroc (art. 5). La loi mozambicaine se distingue, en outre, par le fait qu'elle définit de manière assez précise les notions de développement et d'exploitation durables, ainsi que le concept de gestion intégrée, appliqués aux forêts (art. 1er).

Et l'on pourrait allonger davantage la liste des textes consacrant ces principes. Sans être exhaustif, il suffira d'indiquer que le mouvement semble avoir été amorcé avec l'ordonnance guinéenne de 1989 (art. 1er)[11] puis le décret-loi bissau-guinéen de 1991 (art. 1-1), qui ont prescrit la gestion rationnelle des ressources forestières en vue d'améliorer le développement économique, social, culturel et scientifique du pays, au profit des générations présentes et futures et dans le respect des équilibres écologiques. Il s'est ensuite confirmé avec la loi camerounaise de 1994, qui évoque notamment le rendement soutenu et durable (art. 39-1), et avec le décret béninois de 1996 disposant que les forêts doivent être aménagées, exploitées, protégées et valorisées de façon durable, équilibrée et participative, en satisfaisant les besoins socio-économiques, culturels et écologiques actuels et futurs du pays (art. 26). Le lien qui est fait entre une gestion rationnelle des ressources forestières et la satisfaction des besoins socio-économiques correspond à la préoccupation des pays en développement lors de la rédaction de la Déclaration de Rio. Elle s'est traduite par la consécration dans le Principe 3 du droit au développement. Les pays en développement mettaient un accent particulier sur les questions de développement, au détriment d'une approche rigide de la protection de l'environnement.

Dans cette perspective et au titre de la planification, plusieurs législations prévoient la mise en place de politiques forestières nationales, qui donnent lieu à l'établissement de plans forestiers nationaux, parfois relayés par des plans forestiers régionaux ou locaux, comme en Guinée (art. 5 et suiv.). Destinés à organiser et orienter les activités forestières, ils ont trait notamment à l'évaluation de l'état des ressources forestières et des besoins en produits forestiers, à la protection et la mise en valeur des forêts, aux aménagements et traitements sylvicoles, etc. (loi guinéenne, art. 3 et suiv.; projet de loi nigérien, art. 11; projet de loi togolais, art. 4 à 7). Au Burkina Faso, par exemple, la politique forestière doit être fondée sur la conservation de la diversité biologique, sur la valorisation des ressources forestières pour le développement économique et l'amélioration du cadre de vie, sur la génération d'emplois et de revenus au profit de la population, ainsi que sur la participation et la responsabilisation de cette dernière (code forestier, art. 7).

2.2 Vers la généralisation du plan d'aménagement forestier

Le plan d'aménagement étant l'un des instruments fondamentaux de planification de la gestion forestière, il traduit dans les faits les principes de conservation et d'utilisation durables. Pratiquement tous les textes étudiés s'y réfèrent d'une manière ou d'une autre. Plusieurs lois l'exigent surtout pour la gestion des forêts classées, d'autres le requièrent aussi pour l'exploitation du domaine forestier non classé (loi malienne, art. 47), toute forêt domaniale concédée ou non (code gabonais, art. 20), des forêts des collectivités territoriales (loi malienne, art. 54) et même des forêts appartenant aux particuliers (loi burundaise, art. 65; loi camerounaise, art. 39-1).

Le plan d'aménagement forestier est rarement défini en termes précis et concrets. Les législateurs qui s'y essaient versent parfois dans des formules abstraites ou laconiques qui manquent de clarté (loi centrafricaine, art. 14). D'autres, plus prudents, se gardent de le définir (loi malienne, art. 37; loi burundaise, art. 11). La solution, si l'on veut éviter de renvoyer complètement le problème au règlement, consiste à faire suivre la définition d'une liste, ouverte, des éléments formant le contenu minimal du plan d'aménagement, comme le font par exemple les lois ruandaise (art. 46) et tunisienne (art. 16), ainsi que le code gabonais (art. 21). Cependant, l'aménagement lui-même est parfois défini par le législateur. Ainsi, la loi camerounaise de 1994 le définit comme étant «la mise en œuvre sur la base d'objectifs et d'un plan arrêtés au préalable, d'un certain nombre d'activités et d'investissements, en vue de la production soutenue des produits forestiers et de services, sans porter atteinte à une valeur intrinsèque ni compromettre la productivité future de ladite forêt, et sans susciter d'effets indésirables sur l'environnement physique et social» (art. 23). De plus, elle précise que le plan d'aménagement constitue un préalable à toute exploitation et un élément obligatoire du cahier des charges devant accompagner toute convention d'exploitation.

On notera cependant que certains textes réglementaires récents procèdent par palliers: le plan d'aménagement fait d'abord l'objet d'une définition de portée générale, puis celle-ci est suivie par une liste des éléments qu'il doit comporter. Ainsi, le décret sénégalais précise-t-il que le plan est une programmation de l'aménagement dans le temps et dans l'espace visant à tirer un maximum de profit, du point de vue économique, social, culturel ou environnemental, des forêts (art. R.11). Il comprend au moins deux parties: la première analyse les conditions administratives, écologiques et sociales, en s'appuyant sur des cartes ayant une échelle comprise entre 1/10 000 et 1/50 000; la seconde, appelée plan de gestion, fixe le découpage de la forêt en unités de gestion et le calendrier des coupes et travaux (art. R.16)[12].

Sans entrer dans le détail de la réglementation du plan d'aménagement, eu égard notamment à sa durée et à la procédure de son approbation, il convient d'évoquer deux aspects essentiels le concernant: la création d'unités de gestion pour l'exploitation du domaine forestier et la valeur juridique de l'instrument d'aménagement.

Sur le premier point, la majorité des législations examinées ajoute à l'obligation d'établir un plan d'aménagement celle de diviser la forêt à aménager en unités de gestion[13]. Celles-ci constituent des unités de base pour l'exécution des tâches d'aménagement, d'exploitation et de conservation des forêts. Les unités forestières sont créées par un acte réglementaire et dotées d'un plan d'aménagement. La création de ces unités tend à favoriser une gestion de type sylvicole. Si l'on organise le domaine forestier en unités aménageables, on est logiquement conduit à désigner un responsable de la gestion, à le doter d'une équipe de travail et à tenir une comptabilité propre à l'unité pour évaluer les résultats de l'exploitation. Progressivement, cette forme de gestion se rapproche de l'exploitation agricole, l'objectif recherché étant d'améliorer les rendements de façon soutenue (Saussay, 1995).

En dépit de l'importance grandissante du plan d'aménagement forestier, les législateurs africains lui confèrent rarement, de manière explicite, un caractère juridiquement obligatoire. Néanmoins, certaines lois limitent les possibilités d'exploitation aux indications du plan, leur donnant ainsi un certain poids juridique. Ainsi, la loi guinéenne requiert que l'exploitation soit toujours conforme aux prescriptions du plan d'aménagement (art. 42)[14]. De plus, lorsque les arbres destinés à la coupe sont couverts par un plan d'aménagement, le permis ne peut être délivré que si la coupe se fait dans le respect des indications du plan correspondant (art. 59). Le code gabonais va plus loin en formulant (art. 20) que toute forêt domaniale doit faire l'objet d'un plan d'aménagement intégrant les objectifs d'une exploitation rationnelle de la forêt, de la faune sauvage et des ressources halieutiques (art. 3).

Mais il n'y a pas que le souci d'éviter les coupes inconsidérées. Ne pas exploiter des peuplements arrivés à maturité ou ne pas procéder aux coupes d'éclaircie ou de dépressage, c'est aussi faire preuve d'une gestion défectueuse. Dans la dernière hypothèse, on ralentit ou diminue la production. Dans la précédente, on prolonge inutilement le risque de perte de la matière exploitable, par incendie ou maladie, et on perd de l'argent en retardant le moment du retour financier. L'application du plan d'aménagement devrait donc être obligatoire dans les deux sens: ne pas couper avant ou plus qu'il ne prescrit, mais aussi exploiter ce qu'il prévoit, aux endroits et périodes qu'il indique. Cela peut cependant s'avérer parfois inopportun dans la pratique: par exemple, lorsque le marché du bois est saturé, il vaut mieux différer la coupe pour vendre le bois à meilleur prix. Aussi est-il souhaitable de laisser au responsable de l'exécution du plan d'aménagement une certaine marge de liberté concernant le moment et les volumes (Saussay, 1995).

Exceptionnellement, il arrive que certains textes, comme le décret sénégalais de 1999, spécifient les sanctions encourues pour manquements aux plans d'aménagement. Dans les forêts relevant de leur compétence, les collectivités locales désignent des adjudicataires ou affectataires de parcelles, qui doivent les exploiter conformément aux prescriptions du plan d'aménagement. En cas de violation de celles-ci, le service forestier propose au représentant de l'Etat la fermeture temporaire des chantiers d'exploitation forestière (art. R.21). De même, la loi forestière du Congo-Brazzaville sanctionne d'une lourde peine d'amende le non-respect du plan d'aménagement par les titulaires de conventions forestières (art. 156). Le code gabonais a prévu une lourde sanction en cas d'exploitation hors du delai prévu par le plan d'aménagement (art. 275).

Au-delà de la valeur juridique des plans d'aménagement, il reste l'épineuse question de leur application effective. En Afrique, généralement ni l'Etat ni les exploitants privés ne disposent de moyens suffisants pour doter toutes les forêts de plans d'aménagement. Si bien que ceux-ci sont en pratique peu nombreux. Ainsi, dans un pays disposant de forêts aussi importantes que le Congo-Brazzaville, au milieu des années 90, les plans d'aménagement ne couvraient que les zones méridionales, ils dataient de plus de 20 ans et restaient largement inappliqués. Sans compter que la plupart d'entre eux étaient lacunaires: axés surtout sur la réglementation des coupes, ils négligeaient les mesures de conservation et d'aménagement (Adouki, 1996). Par ailleurs, la pratique témoigne d'une application difficile des dispositions relatives à l'aménagement forestier. Les inventaires des ressources, lorsqu'ils existent, sont incomplets ou non actualisés. Par conséquent, on observe une méconnaissance des ressources forestières conduisant à des abus dans leur exploitation.

Si l'on ajoute à ces contraintes les faiblesses institutionnelles (déficit permanent de ressources matérielles et humaines) et l'insuffisante implication des populations, on comprend pourquoi, finalement, le plan d'aménagement forestier a plus progressé dans le discours juridique qu'il ne s'est réellement concrétisé sur le terrain, même s'il est sans doute appelé, à terme, à se développer progressivement. La place toujours plus grande que les législations récentes et en cours d'élaboration accordent à la gestion forestière privée et locale est peut-être de nature à favoriser cette évolution.

III. GESTION FORESTIERE LOCALE ET PRIVEE

Conscients de la nécessité de mettre un terme au monopole de l'Etat sur les forêts dans l'intérêt même de celles-ci, les législateurs africains tendent de plus en plus à promouvoir des formes de gestion forestière locale et privée. L'intervention directe des services publics, centraux et déconcentrés, n'a généralement pas suffi à mettre en œuvre des politiques de gestion rationnelle des ressources forestières. Il s'est donc imposé un changement dans les schémas institutionnels fondés sur la primauté des services publics centraux, aux dépens des collectivités locales et des acteurs privés. Désormais, on opte de plus en plus pour un transfert de pouvoirs de gestion aux communautés locales et aux groupes d'usagers, parallèlement à la promotion de la foresterie privée et à la reconnaissance de droits sur les forêts en faveur des populations et des communautés locales. La diversification des techniques de gestion des forêts à laquelle on assiste depuis quelques années n'a pas entraîné la suppression des gestions en régie, même si celles-ci sont moins pratiquées qu'autrefois. On ne les examinera cependant pas ici car elles constituent, comme les ventes de coupe ou les permis de coupe, des modes d'exploitation classiques qui n'ont presque pas été modifiés par les lois forestières récentes.

3.1 Mécanismes de transfert des pouvoirs de gestion

Les pouvoirs publics tendent à confier la gestion et la conservation des forêts autant à des services publics qu'à d'autres catégories d'acteurs, comme les communautés locales et les agents économiques. La mise en place d'un tel partenariat entre l'administration publique et les opérateurs privés rentre dans le cadre de nouvelles politiques forestières. Au Cameroun, par exemple, la législation forestière favorise ce genre de partenariat entre l'administration et les communautés villageoises, en rendant possible la conclusion de conventions de gestion forestière assorties d'obligations réciproques pour les deux parties.

3.1.1 Gestion confiée à des collectivités

Les mouvements de démocratisation qui ont marqué les pays africains au début des années 90 ont favorisé la responsabilisation et l'implication de la société civile dans les processus de décision. Sur le plan forestier, une telle évolution impliquait naturellement la participation des communautés villageoises à la gestion des domaines forestiers, parce qu'elles ont traditionnellement la maîtrise de ces espaces. Dans différents pays, ont été mises en œuvre des expériences de gestion tendant à la responsabilisation et à la participation directe des paysans au sein des communautés villageoises. Il en est résulté des ajustements du cadre juridique et institutionnel forestier, ainsi que la reconnaissance de droits coutumiers sur les espaces et les produits forestiers. Tel est l'un des principes directeurs de la loi camerounaise de 1994, en vertu de laquelle: «L'Etat, les communes, les communautés villageoises et les particuliers exercent sur leurs forêts... tous les droits résultant de la propriété, sous réserve des restrictions prévues par les législations foncière et domaniale...» (art. 7).

(a) Gestion communale ou villageoise

Le dualisme des institutions locales est le principe en Afrique. Seuls quelques pays, tels le Cap-Vert, les Comores ou le Rwanda, y échappent par un hasard de l'histoire. Ailleurs coexistent, plus ou moins difficilement, d'une part les collectivités dites locales, territoriales ou décentralisées, qui émanent de l'Etat, de l'autre les communautés villageoises, qui tirent leur légitimité de la coutume.

Plusieurs textes reconnaissent aux communes la possibilité d'une gestion ou même d'une propriété forestière. Certains lui consacrent des dispositions particulières, comme les lois du Burundi (art. 46 et suiv.), du Cameroun (art. 30 à 33) et du Rwanda (art. 51 à 60) ou encore le décret sénégalais (art. R.9). D'autres visent plus largement le domaine forestier des collectivités décentralisées, dont les communes font partie (loi guinéenne, art. 42 et suiv.; projet de loi togolais, art. 23 et suiv.). De même, le projet de loi du Niger dispose que les collectivités territoriales peuvent acquérir des forêts par voie de concessions octroyées sur le domaine protégé de l'Etat (art. 19)[15].

S'agissant des communautés villageoises, quelques législations récentes leur donnent également la possibilité d'administrer des forêts voisines. L'étendue et la nature des droits accordés aux communautés villageoises sont variables d'un pays à l'autre. Dans le cas de la Guinée-Bissau, la loi permet l'attribution aux communautés villageoises (tabancas) de forêts aux fins de leur gestion, sous le contrôle technique du service forestier (art. 22 à 24)[16]. En Guinée, le domaine forestier des collectivités décentralisées comprend non seulement celui des communes et des districts, mais également celui des villages et des groupements forestiers (art. 19). Il s'agit en l'occurrence d'une pleine propriété forestière au profit de ces derniers. Au Gabon, le code reconnaît aux communautés villageoises, dans le but d'assurer leur subsistance, la jouissance de droits d'usage coutumiers selon des modalités à déterminer par voie réglementaire (art. 14).

La législation sénégalaise reconnaît pour sa part l'existence de forêts communautaires. Devant être situées en dehors du domaine forestier de l'Etat, elles sont comprises dans les limites administratives de la communauté rurale qui en est le gestionnaire (art. R.9). Dans le même sens, au Mozambique, l'Etat peut conférer aux communautés locales des pouvoirs de gestion des terres forestières à des fins de repeuplement en espèces forestières et fauniques, sans préjudice du contrôle exercé par les autorités compétentes (art. 33). Les législations comorienne (art. 16 et suiv.) et cap-verdienne (art. 30) envisagent, quant à elles, la possibilité de conclure des contrats de concession forestière avec des villages ou des communautés rurales[17].

Quant à la loi béninoise, elle institue des contrats de gestion forestière aux fins d'exécution des plans d'aménagement, que l'administration forestière est habilitée à conclure avec les collectivités riveraines (art. 44 et suiv.). Cette possibilité a été mise à profit pour l'élaboration et la mise en œuvre, selon des méthodes fortement participatives, du plan d'aménagement d'un important massif forestier au Nord du pays[18].

La législation camerounaise prévoit, quant à elle, des conventions de gestion par lesquelles l'administration forestière confie à une communauté villageoise une portion de forêt du domaine national en vue de sa gestion, sa conservation et son exploitation à son propre profit (loi, art. 37; décret, art. 3-16). De même, en vertu du code forestier burkinabé, les collectivités décentralisées peuvent transférer, par contrat, l'exploitation de leurs forêts aux communautés villageoises ou inter-villageoises relevant de leur ressort, en fixant l'étendue des pouvoirs de gestion qu'elles leur confèrent (art. 68 et 69).

Enfin, il arrive que le législateur autorise les collectivités locales à constituer elles-mêmes des forêts villageoises en concédant à cet effet des portions de leur domaine forestier. C'est par exemple le cas des lois guinéenne (art. 45), sénégalaise (art. L.16) et malienne, cette dernière précisant que la «concession est accordée en priorité aux organisations riveraines» (art. 56). En dépit des efforts notés de décentralisation de la gestion des forêts, l'Etat reste le principal acteur parce qu'il définit, par voie législative et réglementaire, les modalités et les conditions d'exercice du pouvoir de gestion et il dispose toujours de moyens juridiques pour reprendre la propriété du domaine forestier, au nom de l'intérêt général de l'Etat. Les ressources forestières représentent, pour certains Etats, une source importante de devises et les autorités doivent veiller à leur exploitation rationnelle et contrôler les rentrées fiscales.

(b) Modalités des transferts de gestion

Le transfert des pouvoirs de gestion de l'Etat aux collectivités territoriales, villages ou communautés, que celles-ci soient qualifiées de riveraines, locales ou limitrophes, est de plus en plus consacré par les lois forestières. En outre, dans la majorité des hypothèses examinées, les collectivités locales peuvent à leur tour déléguer des pouvoirs de gestion à des tiers, qui peuvent être des communautés villageoises ou des particuliers.

Les transferts de gestion soulèvent de multiples questions. L'une d'elles est relative à l'identité de l'entité gestionnaire et à l'espace géographique où elle exerce ses pouvoirs et ses responsabilités. Les problèmes sont en général plus complexes dans le cas des villages que dans celui des communes. Pour ces dernières, en effet, la relative uniformité de leur organisation et la netteté de leurs contours géographiques tempèrent les problèmes qui, de toutes façons, peuvent être résolus dans le cadre général des pouvoirs de tutelle. Cependant, les lois prévoient également la possibilité de déléguer le pouvoir de gestion aux communautés villageoises. Celles-ci pourraient ne pas avoir de statut juridique ou administratif précis. Dans ce cas, il faudrait s'interroger sur les modalités d'appartenance au groupe et sur l'étendue du territoire que couvre le village.

La reconnaissance des droits et des responsabilités aux communautés villageoises dans la gestion des forêts conduit à plusieurs interrogations. D'une part, les communautés villageoises sont-elles aptes à gérer les forêts qui leur seront confiées? D'autre part, des conflits d'intérêt pourraient surgir entre communautés villageoises ou entre celles-ci et l'Etat; et enfin, quels peuvent être la portée et le but d'une telle gestion?

Les lois forestières mettent généralement les communautés villageoises en position de demandeurs et réservent le droit à l'administration de rejeter les candidatures ne présentant pas un minimum de garanties. Ainsi, le projet de loi comorien dispose-t-il à cet égard: «Pour obtenir la concession, le village intéressé doit constituer un groupement forestier de manière à être en mesure de désigner un responsable de la gestion, un trésorier et une équipe de personnes pour travailler en forêt. Le directeur des forêts peut refuser de conclure une concession avec un village dont le groupement n'offrirait pas les garanties minimales d'une bonne gestion» (art. 25-1°)[19].

Pour prévenir les conflits entre villages, le texte comorien réserve la faculté d'obtention de concessions aux unités forestières situées à proximité immédiate des villages (art. 24). De la même manière, le décret camerounais prévoit que toute forêt susceptible d'être érigée en forêt communautaire doit être attribuée en priorité à la communauté riveraine la plus proche; lorsqu'une forêt est limitrophe de plusieurs communautés, elle peut faire l'objet d'une convention de gestion collective (art. 27).

L'orientation de la gestion est principalement donnée par les documents contractuels opérant le transfert de gestion. Au contrat ou à la concession s'ajoute soit un plan simple de gestion (loi camerounaise, art. 37), soit un plan d'aménagement (projet de loi comorien, art.17; code gabonais, art. 22; loi guinéenne, art. 42; loi mozambicaine, art. 16). L'important est que ces documents ne soient pas entièrement imposés aux communautés ou villages, mais négociés avec eux. La loi camerounaise précise qu'ils sont établis «à la diligence des intéressés» (art. 37), le texte comorien requiert le «commun accord des parties» (art. 18) et la loi guinéenne indique qu'ils sont élaborés par l'administration forestière avec le concours éventuel du gestionnaire de l'unité d'aménagement (art. 40). Quelle que soit leur dénomination, ces documents doivent fixer des objectifs que la communauté ou le village se sent en mesure d'atteindre et qui sont réellement à sa portée. Ils doivent aussi respecter leur autonomie de gestion car, dans la mise en œuvre de la politique forestière, les communautés et les villages sont des partenaires du service forestier, non ses auxiliaires.

Le contrôle de la gestion communautaire des forêts est confronté au dilemme de la recherche d'un équilibre entre l'autonomie de gestion et l'obtention des résultats escomptés. Le texte comorien prévoit à ce propos la désignation d'un agent contrôleur qui, «une fois par an et après inspection de l'état de la forêt et évaluation de ses possibilités... délivrera en bloc et gratuitement les autorisations de coupes et d'exploitation» (art. 20). De toutes façons, le contrôle est implicitement postulé par le principe même du contrat et il est souvent évoqué de manière générale, comme le font par exemple les lois camerounaise (art. 38) et guinéenne (art. 46).

En cas de mauvaise gestion, les sanctions applicables peuvent être l'exécution d'office (décret béninois, art. 32), la suspension provisoire (idem) ou définitive (décret camerounais, art. 31), voire le déclassement des forêts communautaires ou la réaffectation de leur gestion au service forestier (loi mozambicaine, art. 23). La loi béninoise dispose que le contrat de gestion forestière passé avec une collectivité riveraine peut prévoir une période probatoire d'un an renouvelable une seule fois (art. 46).

3.1.2 Gestion confiée à des personnes privées

Les personnes privées peuvent bien entendu intervenir dans le secteur forestier à titre de propriétaires, comme gestionnaires de leurs propres forêts. Cette question de la propriété forestière privée sera évoquée dans la section consacrée à la reconnaissance des droits des populations et des communautés locales.

S'agissant des pouvoirs de gestion forestière des particuliers, tous les textes examinés les organisent, à l'exception de ceux de l'Algérie et du Burundi. Le transfert contractuel de la gestion d'une forêt publique, qu'elle appartienne à l'Etat ou à une collectivité territoriale et à une personne privée ne pose pas de problème juridique particulier. La majorité des textes prévoit des possibilités de gestion transférée à des tiers en général (projet de loi nigérien, art. 29), à des personnes publiques ou privées (loi burkinabé, art. 39; loi malgache, art. 24) ou encore à des particuliers (projet de loi togolais, art. 38 et 41). Le mécanisme contractuel est simple: l'Etat garantit la libre jouissance de l'unité forestière et la disposition de ses produits; son cocontractant s'engage à mettre en œuvre un plan d'aménagement convenu, en principe sans sous-traiter les droits et obligations qu'il tient du contrat. Le contrat est renouvelable tant que le cocontractant le désire et s'acquitte de ses obligations, ce qui lui assure l'indispensable durée de son entreprise. Une indemnité lui est due en cas de résiliation unilatérale du contrat pour un motif d'intérêt général.

Apparemment, les dispositions régissant les contrats d'exploitation sont assez proches de celles qui s'appliquent aux contrats de gestion. Ainsi, en Centrafrique, l'exploitation du domaine de l'Etat est soumise à l'obtention d'un permis d'exploitation et d'aménagement (art. 27) délivré aux sociétés qui installent des unités de transformation et qui s'engagent à participer à l'exécution d'un plan d'aménagement (art. 32). Le code gabonais prévoit différents types de permis: un permis à vocation industrielle pour l'exploitation d'une forêt domaniale (art. 94); un permis de gré à gré délivré à des fins de transformation locale accordé aux seuls nationaux dans les forêts du domaine forestier rural (art. 95); et le permis forestier associé, accordé aux seuls nationaux, pour l'exploitation des forêts du domaine forestier permanent hormis les forêts domaniales classées (art. 96).

Ce permis garantit à son titulaire le droit de prélever sur la superficie accordée la quantité de bois nécessaire à une exploitation rationnelle, laquelle est détaillée dans un plan d'exploitation et d'aménagement entériné par décision ministérielle (art. 35). Dans le même sens, la loi du Congo-Brazzaville instaure une convention de transformation industrielle garantissant à son titulaire le droit de prélever des contingents déterminés s'il s'engage à assurer la transformation des grumes exploitées (art. 65). Il prévoit également la convention d'aménagement et de transformation, qui ajoute à la précédente l'obligation pour l'exploitant d'exécuter les travaux sylvicoles prévus au plan d'aménagement de l'unité forestière concernée (art. 66)[20].

Améliorer les conditions de la foresterie privée passe par l'adoption de mesures incitatives visant à la rendre plus attractive.

3.2 Outils de promotion de la foresterie privée

La délégation du pouvoir de gestion des forêts à divers acteurs est opérée dans le but d'assurer de meilleurs résultats dans l'exploitation et la protection de leurs ressources. Il ne s'agit pas nécessairement d'un désengagement de l'Etat, mais d'une diversification des moyens permettant d'atteindre des objectifs de conservation et de production forestières. Afin d'encourager les acteurs privés à adopter des modèles de gestion appropriés et efficaces, l'importance des motivations financières est de plus en plus reconnue à l'échelle nationale et internationale. Elle se traduit, dans la majorité des législations récentes, par l'octroi de prêts et subventions accordés pour des résultats bien définis, bien que la disponibilité de fonds publics nécessaires à la mise en œuvre de telles stratégies soit problématique.

Au titre des avantages fiscaux, quelques législations prévoient des exonérations de taxes. C'est notamment le cas de la loi malgache, qui dispense de taxes les forêts privées soumises au régime forestier (art. 27). La loi béninoise encourage quant à elle les boisements privés en exonérant de taxes l'exploitation des produits provenant des forêts appartenant à des particuliers et à des coopératives (art. 61). Toujours dans le but de promouvoir les plantations forestières, les sociétés qui entreprennent de tels travaux voient les coûts de leur réalisation soit déduits de la taxe de reboisement, soit remboursés (loi, art. 37; décret, art. 19).

C'est spécialement dans le domaine du reboisement et, plus généralement, des actions de conservation que les incitations sont le plus développées. Ainsi, la plupart des législations étudiées tendent à stimuler le reboisement par tous moyens appropriés (loi guinéenne, art. 88 et suiv.; loi tunisienne, art. 68; projet de loi togolais, art. 58). Les encouragements prévus peuvent consister dans des appuis techniques fournis par l'administration[21] ou dans l'octroi de subventions, primes, crédits, prêts ou bonifications de taux d'intérêt[22]. En Algérie, l'Etat peut également, lorsque le reboisement est déclaré d'intérêt public, y procéder à sa charge sur des terres à vocation forestière appartenant à des particuliers (art. 48, 51 et suiv.).

La mise à disposition de terres forestières dans le cadre de la délégation de pouvoir de gestion représente une autre forme d'incitation, surtout si elle est couplée avec l'accès à des aides financières. Au Niger, l'ordonnance de 1993 permet de confier aux particuliers, à charge pour eux de les reboiser, des dépendances domaniales nues ou couvertes de boisements dégradés (art. 81). Elle permet aussi de leur accorder des subventions en nature ou en espèce (art. 82). Les projets de loi (art. 54) et de décret (art. 43 à 45) reprennent ces dispositions par le biais des contrats de culture pouvant être conclus pour l'enrichissement en essences de valeur[23].

Le projet de loi tchadien semble encore plus incitatif en la matière. Il prévoit en effet que des concessions temporaires et révocables portant sur des terrains ruraux de l'Etat, susceptibles d'être transformées en titre de propriété définitif après constatation des travaux de boisement, reboisement ou régénération, peuvent être accordées gratuitement à des particuliers ou des collectivités (art. 88). Les particuliers ou collectivités devenus propriétaires des terrains boisés, reboisés ou régénérés par leurs soins y exercent alors tous les droits résultant de la propriété privée (art. 90).

Par ailleurs, toutes les législations examinées, à l'exception des lois forestières malienne et burundaise, comportent des dispositions relatives aux fonds forestiers; comptes dont les recettes sont spécialement affectées au financement des actions de protection et de mise en valeur des ressources forestières. Leur statut diffère d'un pays à l'autre: ils peuvent être dotés de la personnalité morale, comme au Rwanda (art. 8), ou plus généralement d'une simple autonomie comptable. Ils sont alimentés par une partie des recettes provenant de l'exploitation des forêts ainsi que des taxes et redevances forestières, de dotations de l'Etat, de dons et legs de personnes publiques et privées, de concours financiers des institutions de coopération bilatérale ou multilatérale, etc.

3.3 Reconnaissance des droits des populations et des communautés locales

La problématique de la reconnaissance des droits des populations et des communautés locales se pose en particulier en ce qui concerne le droit de propriété des particuliers et des groupements, eu égard aux droits d'usage forestiers qui leur sont reconnus et quant à leur participation aux procédures de classement et de déclassement des forêts. A cet égard, les législateurs sont en général soucieux de concilier les droits traditionnels des usagers locaux et le système juridique formel d'accès aux ressources forestières. Car ne pas tenir compte de ces droits traditionnels comporte un double risque: d'une part, celui d'une opposition entre les revendications des populations locales et les intérêts de l'Etat; d'autre part, celui d'un accroissement des actes illégaux de la part des populations dont les droits sont méconnus. Pour éviter de tels écueils, la reconnaissance des droits traditionnels doit s'accompagner de l'octroi de responsabilités aux communautés locales dans la gestion des ressources forestières, l'Etat veillant à ce que celle-ci se fasse dans le respect des conditions de durabilité.

3.3.1 Droit de propriété

Dans son principe, la propriété forestière privée est explicitement reconnue par la majorité des législations forestières, qui distinguent en général le domaine forestier de l'Etat et celui des collectivités locales de celui des personnes privées (loi guinéenne, art. 16; loi mauritanienne, art. 4; loi tunisienne, art. 48 et suiv.). Il faut cependant préciser que, dans la pratique, les forêts privées sont généralement réduites à la portion congrue, l'Etat et ses démembrements étant propriétaires de la plus grande partie des espaces forestiers dans les pays africains.

Cela étant, les particuliers exercent en général sur leurs forêts tous les droits résultant de la propriété (loi béninoise, art. 61; projet de loi togolais, art. 27 et 28), sous réserve néanmoins des restrictions pouvant être imposées par les législations forestière, foncière et domaniale (loi camerounaise, art. 7; loi mauritanienne, art. 51). Il arrive toutefois que la propriété forestière des particuliers soit limitée aux seules forêts qu'ils plantent, à l'exclusion des formations forestières naturelles qui se trouvent sur leurs terrains. Néanmoins, en cas d'aliénation des produits naturels issus desdites formations, les particuliers bénéficient d'un droit de préemption (art. 39 de la loi camerounaise).

Les forêts privées peuvent, soit être acquises conformément au droit écrit ou par voie coutumière, soit résulter de plantations forestières réalisées par les particuliers (loi burkinabé, art. 33 et 34; projet de loi nigérien, art. 26). La loi sénégalaise souligne à ce sujet que les formations forestières régulièrement implantées sur le domaine national sont la propriété des personnes privées qui les ont effectuées, à l'exclusion de toute appropriation du terrain utilisé (art. L.2), opérant ainsi une distinction entre propriété de l'arbre et propriété du sol. Les restrictions apportées au droit de propriété consistent en général à soumettre les défrichements et les coupes à autorisation administrative. De plus, les pratiques sylvicoles des propriétaires doivent être compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement (loi malienne, art. 61).

3.3.2 Droits d'usage

Précédemment aux législations actuelles, la notion de droit d'usage n'a pas toujours été définie de façon rigoureuse. Selon un auteur, elle était entendue comme un ensemble de «droits résultant de faits matériels ancestraux par lesquels les habitants d'une collectivité rurale peuvent, dans une forêt qui ne leur appartient pas, soit prélever certains produits, soit se livrer à certaines activités productrices, mais seulement dans la limite de la satisfaction de leurs besoins réels, personnels ou collectifs»[24]. Le droit positif offre désormais des définitions plus explicites, comme celle contenue dans la loi guinéenne de 1999: «Les droits d'usage sont des droits coutumiers que les populations vivant traditionnellement à l'intérieur ou à proximité du domaine forestier peuvent exercer en vue de satisfaire leurs besoins en produits forestiers» (art. 94).

La plupart des lois examinées reconnaissent les droits d'usage forestiers, tout en les définissant de façon plus ou moins libérale ou restrictive[25]. Dans l'ensemble, ils ne sont destinés qu'à satisfaire les besoins des populations riveraines en produits forestiers, sans que ceux-ci puissent être commercialisés par les usagers[26]. Dans la même logique, ces droits sont en principe exercés gratuitement, mais incessibles aux tiers (loi guinéenne, art. 95; loi tunisienne, art. 37). L'étendue des droits d'usage varie selon le statut de la forêt concernée. Dans les forêts protégées[27], l'exercice de ces droits est en général relativement libre, tandis qu'il est rigoureusement réglementé, voire interdit dans les forêts classées.

Ainsi, au Burkina Faso, les droits d'usage traditionnels pouvant s'exercer dans les forêts protégées portent sur la culture, le pâturage, la cueillette des produits et sous-produits forestiers (art. 57). Il en est également ainsi aux termes des lois malienne (art. 49 et 50) et mauritanienne (art. 32). Même dans les chantiers forestiers, ils peuvent parfois être exercés, mais à condition de ne pas compromettre leur exploitation (projet de loi nigérien, art. 52). Au Bénin, l'exercice des droits d'usage portant sur le sol forestier est libre (loi, art. 26).

Toutefois, dans la plupart des cas, l'exercice de ces droits reste subordonné à l'état et aux possibilités des forêts concernées (loi guinéenne, art. 97; loi mauritanienne, art. 46). Ils peuvent ainsi être suspendus ou même interdits, sans ou avec compensation, pour des motifs d'intérêt général (loi mauritanienne, art. 46; projet de loi nigérien, art. 53).

Dans les forêts classées, en revanche, l'exercice des droits d'usage constitue souvent une exception ou une tolérance. Selon les cas, il peut être strictement limité ou même prohibé. Lorsqu'ils sont admis, les droits consistent essentiellement dans le ramassage du bois mort et la récolte de fruits et de plantes alimentaires, médicinales ou à usage religieux (loi béninoise, art. 33; loi burkinabé, art. 56; projet de loi tchadien, art. 69). En Guinée-Bissau, ils sont limités au ramassage du bois mort dans les forêts soumises au régime forestier de protection (art. 27-a). Dans certaines forêts classées et dans certaines circonstances, les droits d'usage sont complètement exclus. Ainsi, les périmètres de reboisement et de restauration sont affranchis de tout droit d'usage pendant la durée que fixe leur texte de classement (projet de loi tchadien, art. 69). C'est également le cas dans les parcs nationaux et les réserves intégrales (loi guinéenne, art. 96; loi sénégalaise, art. L.11; projet de loi togolais, art. 67). De plus, le domaine classé est en principe exempt de tout droit d'usage portant sur le sol forestier (loi béninoise, art. 32; loi malienne, art. 77).

Par ailleurs, les droits d'usage sont parfois assimilés aux droits conférés aux communautés villageoises. Au Cameroun, par exemple, les droits forestiers reconnus aux populations autochtones sont des droits normaux d'usage, dont elles peuvent jouir pour les besoins de leurs activités traditionnelles de collecte des produits forestiers «secondaires», notamment le raphia, le palmier, le bambou, le rotin ou les produits alimentaires. Ils s'exercent dans les espaces forestiers relevant du domaine national, à l'exception des zones mises en défens (art. 26 du décret de 1995).

3.3.3 Participation des populations aux procédures de classement

Nombre de législations africaines font intervenir les populations dans les procédures de classement et de déclassement des forêts. Ainsi, la loi du Congo-Brazzaville prescrit une enquête auprès des représentants des populations locales préalablement au classement des forêts. A l'issue de cette consultation, les populations sont informées du projet de classement et les personnes qui revendiquent des droits sur les terres à classer les font connaître (art. 15 à 17). Une commission de classement, comprenant des représentants des villages intéressés, des administrations et des ONG locales concernées, examine les réclamations présentées par les populations et tente un règlement à l'amiable. En cas d'échec, le différend est porté devant le tribunal compétent (art. 18 à 20). Lorsqu'il s'agit d'un déclassement, les personnes intéressées sont invitées à faire connaître à la commission de déclassement leurs objections ou suggestions (art. 25)[28].

La législation sénégalaise organise également l'implication de la population par le biais de la commission régionale de conservation des écosystèmes. Chargée d'étudier les demandes de classement, déclassement et défrichement, elle est présidée par le gouverneur et compte parmi ses membres des représentants des collectivités locales et des éleveurs, avec la possibilité d'y adjoindre toute personne utile à l'instruction du dossier (décret, art. R.43).

Toutes les autres lois forestières fondées sur une approche participative, en particulier les plus récentes d'entre elles, prévoient logiquement d'associer les populations aux diverses phases des procédures de classement et de déclassement des forêts, leur reconnaissant par-là le droit d'être consultées et impliquées dans la prise des décisions concernant leur environnement immédiat[29].

IV. IMPORTANCE ENVIRONNEMENTALE DES FORETS

Comme dans les autres régions du monde, l'importance environnementale des forêts est de plus en plus reconnue par les législations forestières africaines. Outre les prescriptions classiques d'ordre répressif ou visant la protection stricto sensu -maîtrise des déboisements, lutte contre les incendies, création d'aires protégées-, le législateur impose de plus en plus le respect de la diversité biologique et la prise en compte des facteurs environnementaux dans les plans d'aménagement. De même, les études d'impact écologique ont tendance à se développer en matière forestière. La sauvegarde des forêts est liée également à la préservation des eaux douces et à la protection du climat ainsi que, plus largement, au maintien des processus et des équilibres écologiques. Ces exigences doivent cependant rester compatibles avec le rôle vital des forêts dans le développement durable[30]. Un tel souci est nettement perceptible à travers les législations forestières africaines récentes, où les conditions et le régime d'exploitation des forêts sont de plus en plus imprégnés des problématiques environnementales.[31]

4.1 Prise en compte accrue de la dimension écologique des forêts

4.1.1 Inventaire et aménagement forestiers

Les objectifs poursuivis par les politiques forestières, on l'a vu, se sont diversifiés et, désormais, ils intègrent davantage la préservation de la biodiversité. Au Burkina Faso, par exemple, la politique forestière est fondée, entre autres principes, sur celui de la conservation de la diversité biologique (art. 7), qu'il incombe à l'Etat, aux collectivités territoriales et aux communautés riveraines de mettre en œuvre (art. 44). Plus généralement, la majorité des lois récentes se sont fixé pour objectif de concilier l'exploitation des forêts avec les exigences de la protection de l'environnement et de la biodiversité en vue d'un développement durable (loi de Guinée équatoriale, art. 2; la loi du Congo-Brazzaville, art. 1er, 45 et 46; code forestier du Gabon, art. 55; projet de loi togolais, art. 2).

Ces préoccupations environnementales se manifestent spécialement à travers les inventaires forestiers, instruments essentiels de mise en œuvre des politiques et des plans forestiers, dont la réalisation est de plus en plus imposée par les législateurs africains. Ainsi, le projet de loi nigérien prescrit l'établissement d'un inventaire forestier national et la mise en place d'un système national d'information forestière (art. 12). La loi algérienne prévoit également, dans le cadre de la politique nationale de développement du secteur forestier, la réalisation périodique d'un inventaire quantitatif et qualitatif des ressources forestières du pays (art. 39). Le décret béninois dispose aussi que le domaine forestier doit faire l'objet de prospections et d'inventaires visant à mieux connaître ses ressources afin de mieux les aménager (art. 28). Le code forestier du Gabon traite longuement de l'inventaire forestier en fixant les objectifs et les modalités d'exécution de cet inventaire (art. 56 à 67). Il doit permettre d'évaluer quantitativement et qualitativement la richesse des peuplements forestiers; de localiser la ressource et d'établir des cartes forestières; de recueillir l'ensemble des données nécessaires à la détermination des paramètres d'aménagement; enfin, de recueillir un minimum de données environnementales afin de détecter les zones écologiquement fragiles ou à forte valeur biologique. L'inventaire forestier a ainsi pour objet d'assurer la maîtrise des ressources forestières et leur exploitation rationnelle.

La loi mozambicaine étant l'une des plus récentes parmi celles examinées, elle est assez détaillée sur ce point. Etant l'un des outils fondamentaux d'application de la loi (art. 36-g), l'inventaire forestier est défini de façon relativement précise. Il consiste dans la collecte et l'enregistrement de données concernant la qualité et la quantité des ressources forestières, l'état de leur dynamique, la régénération et les produits pouvant être obtenus par unité de superficie, et ce afin de fournir les informations permettant d'aménager durablement une région ou une forêt déterminée (art. 1-24).

En définitive, les plans d'aménagement apparaissent aussi comme des instruments devant intégrer plus nettement les facteurs environnementaux. Cela ressort clairement de la loi guinéenne, aux termes de laquelle le plan d'aménagement est destiné «à assurer une gestion rationnelle du domaine forestier de l'Etat, qui tienne compte de ses fonctions de protection et de production, et qui réalise un équilibre entre les besoins socio-économiques des populations et les intérêts de conservation du milieu naturel» (art. 39).

On observe d'ailleurs que le plan d'aménagement doit tenir compte des considérations écologiques et socio-économiques aussi bien dans les forêts de production que de protection. Ainsi, le décret béninois prévoit-il que la gestion durable et participative du domaine forestier doit être planifiée de manière à, d'une part, satisfaire les besoins socio-économiques, culturels et écologiques des générations actuelles et futures et, d'autre part, à assurer la préservation de l'environnement et la conservation de la diversité biologique à long terme (art. 26). Parmi les indications qui doivent impérativement figurer dans les plans d'aménagement, on trouve notamment l'analyse des données naturelles, économiques et sociales, sur la base desquelles sont prises les décisions d'aménagement (projet de loi tchadien, art. 73).

Le modèle de cahier des charges centrafricain relatif au permis d'exploitation et d'aménagement résume bien ce que recouvre aujourd'hui le concept d'aménagement intégré en droit forestier africain. Il dispose en effet que l'aménagement «passe par la gestion rationnelle de l'écosystème forestier d'une manière qui assure sa pérennité et préserve sa diversité. Il englobe aussi bien les activités d'exploitation que celles de reboisement et la régénération naturelle. Son objectif est autant de garantir toutes les fonctions de la forêt dans le cadre d'une gestion à buts multiples, que de rechercher un équilibre bioécologique». Parallèlement, l'élaboration de telles politiques doit s'accompagner d'une maîtrise des outils de contrôle et de gestion des espaces boisés. Le dispositif juridique doit être fondé sur la possibilité d'en assurer le respect par la mise en œuvre des moyens techniques et humains indispensables.

4.1.2 Etudes d'impact sur l'environnement

En tant qu'outil permettant d'incorporer les valeurs environnementales dans le processus décisionnel, l'étude d'impact est d'une grande utilité dans le secteur forestier comme dans les autres domaines du développement socio-économique[32]. La plupart des lois forestières examinées exigent désormais qu'une étude d'impact écologique soit effectuée préalablement à la réalisation de certaines activités forestières. Même lorsqu'une telle obligation ne figure pas explicitement dans la législation forestière, elle peut résulter de la législation environnementale. C'est le cas par exemple de l'Algérie, dont la loi du 5 février 1983 relative à la protection de l'environnement contient des dispositions en ce sens (art. 130 et suiv.)[33].

La loi mozambicaine définit l'étude d'impact écologique comme un instrument préventif de gestion de l'environnement, permettant l'identification et l'analyse préalable, qualitative et quantitative, des effets bénéfiques autant que néfastes d'une activité sur l'environnement (art. 1-2). Il est intéressant de noter que cette loi, se fondant sur le principe de «précaution» qu'elle consacre par ailleurs, subordonne l'introduction d'espèces animales et végétales ou de technologies modernes dans les secteurs forestier et faunique à la réalisation d'études d'impact en vue de garantir la durabilité de ces derniers (art. 3-c).

Au Cameroun, les projets de développement susceptibles de causer des perturbations au milieu forestier sont soumis à une étude d'impact préalable sur l'environnement (loi, art. 16-2). C'est également ce que prévoient, en substance, le décret sénégalais (art. R.12) et le projet de loi togolais (art. 232).

Dans certains pays, l'étude d'impact écologique est aussi exigée préalablement aux grands travaux et ouvrages nécessitant des défrichements importants. C'est notamment le cas au Burkina Faso (loi, art. 50) et au Niger (projet de loi, art. 37). En Guinée, cette obligation découle aussi de la législation environnementale[34]. Dans la même optique, le code forestier du Gabon prévoit que l'implantation de toute industrie sur le territoire national doit faire l'objet d'un plan d'industrialisation comportant, entre autres, une étude d'impact environnemental (art. 226).

Plus largement, l'étude d'impact est réquise comme condition préalable aux opérations de déclassement forestier, ces dernières étant presque toujours préjudiciables aux forêts. Une telle obligation est inscrite par exemple dans la loi du Cap-Vert (art. 25) et dans le projet de loi du Niger (art. 25). Elle ressort également du décret camerounais de 1995 aux termes duquel le déclassement d'une forêt de l'Etat ne peut intervenir que pour cause d'utilité publique «et après une étude d'impact sur l'environnement effectuée à la diligence de l'administration chargée de l'environnement» (art. 23).

Certains textes vont plus loin, exigeant que l'étude évalue non seulement les impacts sur l'environnement naturel, mais analyse également les répercussions sociales, les retombées concrètes sur les conditions de vie des populations locales[35]. Parfois, l'étude doit examiner les impacts prévisibles sur l'économie forestière autant que sur les écosystèmes naturels (projet de loi comorien, art. 6). L'analyse des effets sur les productions forestières prend en considération toute la filière économique, les emplois qui y sont attachés et la satisfaction des besoins des populations. Quant aux impacts sur le milieu naturel, ils concernent notamment la faune et la flore, les essences forestières, la conservation des eaux et des sols et les conditions climatiques locales (art. 9).

Que l'étude d'impact porte sur l'environnement naturel, sur les conditions sociales ou sur les deux à la fois, certains textes exigent qu'elle propose aussi les solutions susceptibles de remédier aux inconvénients éventuels du déclassement (loi bissau-guinéenne, art. 21-1; décret béninois, art. 15; loi mauritanienne, art. 17).

4.2 Renforcement des mesures de protection

4.2.1 Maîtrise des facteurs de déboisement

Bien que les facteurs de déboisement soient multiples, l'attention du législateur s'est plus particulièrement portée sur les défrichements et les feux de brousse.

(a) Contrôle des défrichements

La protection des espaces forestiers contre les défrichements abusifs est un problème qui se pose dans des termes différents selon le type de propriété qui s'y exerce. Si les propriétaires privés sont en principe libres de déboiser leurs terrains, cette faculté est plus théorique que pratique, dans la mesure où elle est presque toujours assujettie à une autorisation administrative préalable. Des règles similaires s'appliquent également aux communes et autres personnes publiques qui possèdent des forêts, assorties le cas échéant de restrictions concernant le droit d'aliéner ces dernières.

S'agissant du patrimoine forestier de l'Etat, la protection est en général plus stricte. Dans beaucoup de pays, il n'est pas question de défricher une forêt domaniale classée, ni de la vendre ou de l'aliéner d'une quelconque manière. Toutefois, les lois prévoient presque toujours la possibilité, par une mesure de déclassement, de faire cesser l'affectation forestière du sol et donc d'en disposer autrement. Cela est également vrai des législations ayant placé les forêts de l'Etat dans le domaine public, en ce sens que la domanialité publique cesse de s'appliquer lorsque les biens bénéficiant de ses règles protectrices ne le justifient plus.

Enfin, certaines lois forestières africaines présentent le particularisme d'un domaine forestier dénommé tantôt «protégé», tantôt «national», qui n'est pas clairement délimité et dont des parcelles sont fréquemment mises en culture par les paysans au titre des droits d'usage. Avec la croissance démographique et la pression corrélative sur la terre, ces droits au sol représentent un facteur de déforestation préoccupant que l'on cherche à juguler par une régulation des défrichements à finalité agricole.

Quel que soit le statut du sol forestier, il existe presque toujours un moyen légal d'opérer un défrichement, mais non sans restrictions. L'une des techniques de limitation des possibilités de défrichement, tenant aux terrains dont la loi énumère les caractéristiques, consiste dans un premier cas à prohiber le déboisement de lieux désignés d'une manière ne laissant place à aucun doute, ni à l'appréciation personnelle. Il s'agit, par exemple, des berges d'un cours d'eau sur une largeur prédéterminée (loi bissau-guinéenne, art. 11-1-(c) et 14). Dans le second cas, le législateur donne une indication générale nécessitant une interprétation administrative, en utilisant des formules telle que: «...les zones de naissance des cours d'eau» (loi malienne, art. 14). La loi peut aussi investir l'administration du pouvoir de s'opposer aux défrichements de forêts répondant à certains critères (loi centrafricaine, art. 55). Dans un cas comme dans l'autre, la loi donne à l'administration une certaine marge d'appréciation et la laisse juger de l'inopportunité du défrichement.

Ainsi conçues, les restrictions aux possibilités de défrichement sont relativement anciennes en droit forestier africain. La nouveauté en la matière vient de textes qui ajoutent des conditions tenant à la nature du projet pour lequel le défrichement est envisagé. Selon la loi centrafricaine, «le déclassement des forêts du domaine de l'Etat ne peut avoir lieu que pour des raisons d'intérêt public, économique ou social», et en l'absence d'une autre superficie disponible (art. 68). La loi béninoise emploie une formule voisine qui ne diffère que par la référence à «la mise en application de plans d'action environnementale et de développement économique et social» (art. 22).

La même observation peut être faite à la lecture de la loi mauritanienne, selon laquelle «la désaffectation doit être nécessaire pour réaliser un ouvrage ou projet d'intérêt public dont l'exécution ne pourrait être correctement faite en dehors du domaine forestier» (art. 17). Les projets de lois comorien (art. 6), nigérien (art. 25), tchadien (art. 25), et la loi du Congo-Brazzaville (art. 25) vont exactement dans le même sens. Quant à la loi malgache (art. 18) et au décret sénégalais (art. R.39), ils font tous deux référence à l'utilité publique ou à l'intérêt général. En resserrant le critère de l'intérêt général et en précisant la notion d'absence de terrain alternatif, cette évolution des textes peut aider à limiter les déboisements.

Toujours dans le souci de freiner la diminution des espaces forestiers, certaines lois disposent que tout défrichement doit être accompagné d'un reboisement, cette compensation étant destinée à maintenir la superficie forestière globale à l'échelon national. A cette fin, une première technique consiste à créer des taxes de défrichement dont le produit sert au financement de reboisements équivalents (loi guinéenne, art.76; projet de loi togolais, art. 84). La loi cap-verdienne (art. 27 et 28), dispense du paiement de cette taxe les personnes qui réalisent elles-mêmes des plantations équivalentes sur les terrains indiqués à cet effet par le service forestier[36]. Ce mécanisme suppose de sérieuses garanties pour s'assurer que le produit de la taxe couvre effectivement les coûts de reboisement et qu'il y est réellement affecté.

A défaut, il semble plus sûr d'exiger une compensation en nature, même si l'on sait bien que celle-ci ne peut guère être intégrale. En effet, une compensation intégrale serait celle qui présenterait une équivalence non seulement de superficie, mais encore de fonctions écologiques et de possibilités d'exploitation. Si l'objectif est de maintenir le potentiel forestier d'un pays, la compensation à l'identique n'est pas une solution, car il ne s'agit pas d'une reconstitution de la ressource amputée, mais plutôt du transfert d'une parcelle d'un statut juridique à un autre ou d'un patrimoine à un autre. Les dispositions qui s'en tiennent à l'équivalence semblent par conséquent les plus adaptées (Saussay, 1995).

Se pose alors la question du financement des opérations de reboisement du terrain dont la charge doit, logiquement, incomber au bénéficiaire de la décision de déclassement ou de défrichement. Le législateur rwandais y a répondu en disposant que «tout défrichement doit être précédé d'un boisement de surface équivalente à charge du bénéficiaire du permis» (art. 77), celui-ci devant en outre préciser «la localisation et les caractéristiques telles que surface et essences des reboisements compensatoires effectués» (art. 78-8). La loi béninoise pose également le principe d'une obligation de reboisement compensatoire (art. 22) lequel doit, aux termes de son décret d'application, être effectué aux frais du bénéficiaire du déclassement, sous le contrôle de l'administration forestière (art. 17 et 18)[37]. Le projet de décret nigérien, quant à lui, indique que les défrichements d'une superficie supérieure à trois hectares doivent être suivis, dans les six mois, d'un reboisement à la charge du bénéficiaire de l'autorisation de défrichement. «En cas de défaillance de ce dernier, et après mise en demeure, le reboisement est effectué par l'administration chargée des forêts aux frais du bénéficiaire» (art. 34).

(b) Lutte contre les feux de brousse

Toutes les lois forestières étudiées comportent des dispositions relatives aux feux de brousse car ceux-ci représentent une menace sérieuse pour l'intégrité du patrimoine forestier, en Afrique comme ailleurs. Chaque législation essaie d'adapter ces prescriptions à la situation géographique particulière du pays concerné. On peut s'en rendre compte en examinant, à titre d'exemple, les dispositions relatives aux incendies de forêts figurant dans les textes guinéens et nigériens.

Les projets de loi et de décret nigériens posent le principe d'une interdiction générale des feux de brousse, sauf à des fins d'aménagement (loi, art. 40). Les zones à haut risque d'incendie, déterminées chaque année par arrêté du ministre chargé des forêts, doivent faire l'objet d'une surveillance particulière (décret, art. 37) et la population avoisinante des forêts peut être requise pour combattre les incendies lorsqu'ils se déclarent (loi, art. 41). L'emploi du feu pour la destruction des arbres est strictement interdit et les cultures sur brûlis sont prohibées lorsqu'il y a risque évident de propagation du feu (loi, art. 44). Enfin, toute mise à feu est dans tous les cas entourée de précautions particulières (décret, art. 36).

La loi guinéenne pose elle aussi, en premier lieu, une interdiction générale des feux de brousse, notamment pour la pratique de la chasse (art. 81), de même que le code forestier gabonais (art. 84). Ensuite, là où les feux ne peuvent pas être totalement exclus, ils sont réglementés de façon limitative. Ainsi, les mises à feu à des fins agricoles, pastorales ou de débroussaillement, ainsi que les feux précoces, ne peuvent être pratiqués que si toutes les précautions nécessaires sont prises (art. 82). L'administration forestière et, plus largement, tous ceux qui possèdent un domaine forestier doivent prendre certaines mesures de prévention telles que la constitution, la formation et l'équipement de brigades anti-feu, l'établissement de pare-feu et la création de postes d'observation dans certaines régions sensibles et à certaines époques critiques de l'année (art. 84). Les feux dans le domaine forestier sont interdits en dehors des habitations et des établissements qui s'y trouvent et quiconque allume un feu est tenu de prendre toutes les mesures de contrôle utiles. La population et les autorités locales doivent prêter leur concours aux agents forestiers en cas d'incendie touchant une parcelle du domaine forestier (art. 87).

La loi fixe également les peines d'emprisonnement et/ou d'amende encourues pour infraction aux dispositions relatives aux feux de brousse. A noter que les sanctions édictées sont portées au double lorsque les infractions sont commises dans des aires spécialement protégées et lorsque leur auteur est un agent de l'Etat, d'une collectivité décentralisée, d'un district ou d'un village (art. 124). Ce sont là des mesures qui se retrouvent, à quelques variantes près, dans toutes les législations examinées.

4.2.2 Espaces et espèces protégés

L'examen des législations objet de cette analyse montre qu'elles prévoient toutes des mesures destinées à protéger certaines catégories d'espaces boisés, sous diverses appellations: forêts classées, forêts de protection, réserves forestières, périmètres de reboisement et de restauration, parcs nationaux, réserves naturelles, réserves de faune, réserves de la biosphère, aires protégées, etc. Bien que dotés de statuts fort différents, ces espaces ont en commun de bénéficier d'un régime de protection renforcée, qui limite ou interdit les possibilités d'y avoir accès, d'en exploiter les ressources ou d'y exercer des droits d'usage.

Ainsi, la loi malgache dispose que certains périmètres, soit par leur nature, soit en raison des objectifs qui leur sont assignés, peuvent être soumis à des régimes spéciaux exclusifs de toute exploitation sous quelque forme que ce soit (art. 48). Les coupes rases, les défrichements, les mises à feu et le pâturage, en particulier, y sont interdits (art. 51). Le code forestier gabonais prévoit que dans le cadre de l'aménagement de la faune sauvage, l'administration procède au classement des espèces animales, selon des critères bien déterminés (art. 92). On y retrouve des espèces intégralement protégées, des espèces partiellement protégées et des espèces non protégées.

La loi camerounaise distingue deux principales catégories d'aires protégées. La première comprend celles qui sont prioritairement établies dans l'intérêt de la faune, tels les parcs nationaux et les sanctuaires de faune. La deuxième inclut celles dont l'objet premier est d'assurer la protection des forêts, telles les réserves forestières, les forêts de protection, de récréation, d'enseignement et de recherche, les périmètres de reboisement, etc., qui relèvent du domaine privé de l'Etat (art. 24). Le décret d'application restreint ou interdit les actions humaines dans ces espaces protégés (art. 3).

Dans la réalité, cependant, ces espaces de protection existent davantage dans les lois que sur le terrain. Cette observation a été faite, par exemple, en ce qui concerne les aires protégées du Cameroun (Bomba, 1996) et du Congo-Brazzaville (Adouki, 1996)[38].

Par ailleurs, la majorité des lois forestières étudiées contiennent aussi des mesures visant à protéger, partiellement ou intégralement, certaines essences forestières rares ou menacées de disparition, en raison aussi bien de leur valeur socio-économique, médicinale ou culturelle, que de leur intérêt écologique, botanique ou scientifique. Lorsque l'exploitation de ces espèces est possible, elle est généralement soumise à autorisation spéciale (loi guinéenne, art. 78; loi malienne, art. 16 à 18).

4.3. Diversification des mesures de répression

Toutes les lois forestières comprennent une partie pénale, en général assez consistante, consacrée aux infractions à leurs prescriptions et aux sanctions qui leur sont applicables. Ces dispositions diffèrent relativement peu d'un pays à l'autre et ont faiblement évolué dans le passé récent, si bien qu'elles ne seront évoquées ici que brièvement.

Sur le plan procédural, la recherche et la constatation des infractions forestières relèvent normalement de la compétence aussi bien de la police judiciaire que des agents forestiers assermentés ou habilités. Les procès-verbaux dressés par ces derniers lorsqu'ils constatent une infraction, font foi jusqu'à preuve contraire de leurs énonciations, voire parfois jusqu'à inscription de faux. Ces mêmes agents sont habilités à interpeller les personnes, à s'assurer de leur identité, à contrôler les documents administratifs (tels que permis et licences d'exploitation), ainsi qu'à effectuer des perquisitions. Ils peuvent aussi, en règle générale, exercer les poursuites conjointement avec les magistrats du parquet. A cet égard, ils disposent souvent du pouvoir de consentir des transactions au nom de l'Etat (loi guinéenne, art. 104 et 105; loi mauritanienne, art. 67).

En ce qui concerne les sanctions, la plupart des infractions sont en principe assorties de peines d'emprisonnement et/ou d'amende, le juge pouvant selon les cas prononcer l'une ou l'autre, ou bien les cumuler. En revanche, dans les cas d'agissements manifestement antisociaux, tels que les incendies volontaires, le juge peut être tenu d'infliger au délinquant les deux peines à la fois. Cette solution a été retenue notamment par le législateur guinéen (art. 120). Dans le même sens, la loi mozambicaine réserve à l'infraction d'incendie forestière volontaire la sanction cumulée de l'emprisonnement et de l'amende (art. 40).

Les sanctions normalement encourues sont souvent aggravées et quelquefois portées au double dans les cas de récidive ou lorsque les infractions sont commises dans des espaces spécialement protégés, ou encore lorsqu'elles sont le fait d'agents publics (loi algérienne, art. 88; loi guinéenne, art. 124; loi mozambicaine, art. 42). Outre les peines principales que sont l'emprisonnement et l'amende, des peines accessoires sont aussi généralement prévues, comme la confiscation des objets ayant servi à commettre l'infraction ou l'interdiction de solliciter de nouveaux permis d'exploitation. De plus, certaines lois font obligation aux délinquants ayant endommagé des parcelles de forêt de les restaurer ou de réparer les dommages causés (loi guinéenne, art. 126; loi mozambicaine, art. 39).

De surcroît, certains législateurs donnent aux auteurs d'infractions insolvables la possibilité de se libérer de leurs amendes en fournissant des prestations en nature. Celles-ci consistent dans des travaux d'intérêt forestier, définis suivant des barèmes réglementaires et exécutés sous le contrôle des agents forestiers. Ces formes de sanctions novatrices, qui visent à diversifier les mesures répressives de manière à les rendre plus utiles pour les forêts et plus acceptables pour les délinquants, sont envisagées par quelques textes récents comme le décret béninois (art. 89) ou la loi guinéenne (art. 128 et 129).

V. CONCLUSION

Les principaux éléments de conclusion qui se dégagent de ce chapitre peuvent être brièvement résumés comme suit:

Finalement, au-delà de la nécessité d'adopter de nouvelles lois forestières, il faut avant tout avoir le souci de leur application effective. Cela exige de respecter deux principes fondamentaux. En premier lieu, les objectifs de la loi forestière doivent être adaptés à la capacité de l'Etat et de la société à les mettre en œuvre. Des normes forestières trop rigides ou contraignantes risquent de ne pas être appliquées et peuvent conduire à des résultats contraires à ceux escomptés. En second lieu, l'adoption de normes forestières simples facilite leur compréhension et réduit les difficultés d'interprétation. Lorsque des normes sont trop complexes et requièrent des procédures compliquées ou des réformes institutionnelles et sociales exorbitantes, elles courent également le risque de ne pas être appliquées et d'ouvrir le champ aux actes de corruption ou à des activités illégales. En somme, réalisme juridique et acceptabilité sociale doivent être à la base de toute réforme législative forestière soucieuse d'effectivité.

LEGISLATION CONSULTEE

Algérie

· Loi 84-12 du 23 juin 1984 portant régime général des forêts, modifiée et complétée par la loi 91-20 du 2 décembre 1991

· Décret exécutif n° 90-114 du 21 avril 1990 portant création de l'Agence nationale des forêts

Bénin

· Loi 93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts

· Décret 96271 du 2 juillet 1996 portant modalités d'application de la loi 93-009 du 2 juillet 1993

Burkina Faso

· Loi 006/97/ADP du 31 janvier 1997 portant code forestier

Burundi

· Loi 1/02 du 25 mars 1985 portant code forestier

Cameroun

· Loi 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche

· Décret 95/531 du 23 août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts

Cap Vert

· Lei 48/V/98, 6 avril 1998

Centrafrique

· Loi n 90.003 du 9 juin 1990 portant code forestier

Comores

· Projet de loi forestière, octobre 1995

Congo-Brazzaville

· La loi no 16-2000 portant Code forestier du 20 novembre 2000.

Congo-Kinshasa

· Loi portant code forestier du 29 août 2002

Gabon

· Loi No 016/01/PR du 31 décembre 2001, portant Code forestier.

Guinée

· Loi L/99/013 du 22 juin 1999 adoptant et promulguant la loi portant code forestier

Guinée-Bissau

· Decreto-lei 4-A/91 aprovendo a lei florestal, 29 octobre1991

· Lei florestal, 2001

Guinée équatoriale

· Ley 1/1997 sobre el uso y manejo de los bosques, 18 février 1997

Madagascar

· Loi 14/97 du 23 mai 1997 portant révision de la législation forestière

Mali

· Loi 95-004 du 18 janvier 1995 fixant les conditions de gestion des ressources forestières

· Loi 003 du 18 janvier 1995 portant organisation de l'exploitation, du transport et du commerce du bois

Mauritanie

· Loi 97-007 du 20 janvier 1997 abrogeant et remplaçant l'ordonnance 82-171 du 15 décembre 1982 portant code forestier

Mozambique

· Lei 10/99 establecendo os principios e normas básicos sobre a proteccão, conservação e utilização sustentável dos recursos florestais e faunísticos, du 7 juillet 1999

Niger

· Ordonnance 93-015 du 2 mars 1993 fixant les principes d'orientation du code rural

· Projets de loi portant code forestier et son décret d'application, juin 1999

Rwanda

· Loi 47/1988 du 5 décembre 1988 portant organisation du régime forestier

Sénégal

· Loi 98-03 du 8 janvier 1998 portant code forestier, partie législative

· Décret 98-164 du 20 février 1999 portant code forestier, partie réglementaire

Tchad

· Projet de loi portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, décembre 1999

Togo

· Projet de loi portant code des ressources forestières, novembre 1998

Tunisie

· Loi 88-20 du 13 avril 1988 approuvant le code forestier

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[9] Les pays maghrébins (Algérie, Maroc, Mauritanie, Tunisie), bien que de langue arabe, sont aussi inclus parce que leurs lois forestières sont d'inspiration française.
[10] Rédigé par J. Texier en collaboration avec M.A. Mekouar et P. Talla, ce chapitre est inspiré d'une précédente étude réalisée sur le même thème par Ch. du Saussay en 1995 (citée en bibliographie).
[11] L'ordonnance du 20 décembre 1989 portant code forestier a ensuite été remplacée par la loi du 22 juin 1999.
[12] Pour les forêts dont la superficie est comprise entre cinq et vingt hectares, un plan simple de gestion suffit. Ce dernier se compose de trois parties: la définition des objectifs; le programme des coupes à exploiter (nature, assiette, périodicité et quotité en volume ou en surface); et le programme des travaux d'amélioration sylvicole (nature, assiette, importance, estimation et époque de réalisation). En annexe, y est joint un plan de localisation, un plan de la forêt et le parcellaire (art. R.11).
[13] C'est notamment le cas des lois du Bénin (art. 38 pour le domaine de l'Etat, art. 39 pour les forêts privées), du Cap-Vert (art. 5 et 12), du Cameroun (art. 29), du Gabon (art. 29), de la Guinée (art. 41), de la Mauritanie (art. 36), du Rwanda (art. 35 et 45), ainsi que la loi du Congo-Brazzaville (art. 53).
[14] On trouve la même exigence dans les textes burkinabé (art. 41), togolais (art. 33), tchadien (art. 72), etc.
[15] La requête en vue de l'octroi d'une concession doit comprendre, notamment, une demande de la collectivité concernée signée les chefs des villages, tribus, cantons et groupements directement concernés par la gestion de la forêt à concéder (art. 3 du projet de décret).
[16] Le projet de loi forestière en cours d'élaboration va encore plus loin en reconnaissant aux tabancas des pouvoirs plus étendus sur les forêts communautaires, dont notamment celui de les exploiter à leur propre profit (art. 35 et 36).
[17] En Mauritanie, l'Etat ou les collectivités locales peuvent passer des contrats de gestion d'unités forestières avec des associations riveraines de la forêt (art. 38), à charge pour celles-ci d'en assurer la mise en valeur suivant les indications du plan d'aménagement et du cahier des charges y annexé (art. 40).
[18] Plan d'aménagement participatif des forêts classées de Tchaourou et Toui-Kilibo. Projet de gestion des ressources naturelles. Ministère du développement rural. Mai 1996.
[19] Dans le même sens, selon le décret camerounais, la communauté désireuse de gérer une forêt communautaire doit, au cours d'une réunion de concertation, désigner un responsable de la gestion et définir les objectifs et les limites de la forêt en question (art. 28).
[20] Au Cameroun, la loi (art. 44 et suiv.) et le décret (art. 61 et suiv.) prévoient aussi des conventions d'exploitation qui confèrent aux bénéficiaires le droit de prélever un volume de bois permettant d'approvisionner à long terme leurs industries locales de transformation du bois.
[21] Lois d'Algérie (art. 49), du Cap-Vert (art. 47), de Guinée (art. 90), de Guinée équatoriale (art. 69) et de Mauritanie (art. 33).
[22] Lois du Cap-Vert (art. 47), de Guinée équatoriale (art. 72 et suiv.), du Rwanda (art. 10), etc.
[23] Dans le même sens, le projet de loi togolais institue un contrat de gestion forestière par lequel des portions du domaine forestier peuvent être concédées à des tiers aux fins de leur reboisement pour le compte de l'Etat ou de collectivités locales (art. 60). Le projet de loi comorien comporte lui aussi des dispositions similaires (art. 34 et 35).
[24] Voir K. NGUESSAN, Commentaire du code forestier et de la législation forestière de la Côte d'Ivoire, Paris, LGDJ, 1989, p. 211.
[25] Implicitement, les Principes forestiers de Rio consacrent aussi de tels droits en ces termes: "Les politiques forestières nationales devraient reconnaître et protéger comme il convient l'identité, la culture et les droits des populations autochtones, leurs collectivités et les autres collectivités, et les habitants des forêts. Des conditions appropriées doivent être faites à ces groupes pour leur permettre d'être économiquement intéressés à l'exploitation des forêts, de mener des activités rentables, de réaliser et conserver leur identité culturelle et leur organisation sociale propres et de jouir de moyens d'existence et d'un niveau de vie adéquats, notamment grâce à des régimes fonciers incitant à une gestion écologiquement viable des forêts" (Principe 5-a).
[26] C'est ce que disposent par exemple les lois malienne (art. 19) et mozambicaine (art.1-9), ainsi que la loi du Congo-Brazzaville (art. 42) et le projet de loi tchadien (art. 65).
[27] C'est-à-dire celles qui n'ont pas fait l'objet d'un acte de classement suivant la procédure particulière établie à cet effet par la législation forestière (loi burkinabé, art. 16; loi camerounaise, art. 34).
[28] Le projet de loi togolais instaure une procédure similaire prévoyant la participation de la population, même s'il laisse au règlement le soin de définir la composition de la commission (art. 16 à 20).
[29] Voir notamment les lois béninoise (art. 14 à 22; art. 16 du décret), burkinabé (art. 29), centrafricaine (art. 63 à 67), ruandaise (art. 30), ainsi que le projet de loi tchadien (art. 19).
[30] Lors de la Conférence de Rio, la difficulté de conciler les intérêts économiques et les préoccupations écologiques a empêché les Etats de parvenir à un accord sur la négociation d'une convention forestière; ils se sont donc limités à l'adoption d'une déclaration de principes sur les forêts.
[31] Parmi les nouvelles options du développement forestier, telles qu'elles résultent par exemple de la loi camerounaise de 1994, la protection de l'environnement doit occuper une place essentielle dans la politique nationale d'aménagement du territoire, au même titre que la conservation des écosystèmes naturels par la création d'un domaine forestier permanent.
[32] C'est ce que les Principes forestiers de Rio rappellent en ces termes: "Les politiques nationales devraient prévoir la réalisation d'études d'impact sur l'environnement lorsque les mesures risquent d'avoir de graves conséquences pour une grande partie des ressources forestières et lorsque ces mesures sont soumises à la décision d'un organe national compétent" (Principe 8-h).
[33] Cette loi, qui a été complétée par le décret 90-78 du 27 février 1990, soumet à l'étude d'impact sur l'environnement les travaux et projets d'aménagement qui, par leur dimension ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à celui-ci.
[34] Le code sur la protection et la mise en valeur de l'environnement (ordonnance du 28 mai 1987) exige une étude d'impact pour les travaux, figurant sur une liste, susceptibles de porter atteinte à l'équilibre écologique du pays. Cette liste comprent le défrichement des bois et forêts de plus de 10 ha..
[35] Exemples: loi ruandaise (art. 37 et 57); la loi du Congo-Brazzaville (art. 25) et projet de loi du Tchad (art. 25); projet de décret nigérien (art. 20 et 28).
[36] Le bénéficiaire d'une autorisation de défrichement doit de toute façon s'acquitter de taxes ou redevances, même si la loi n'en destine pas le produit au financement des reboisements équivalents. C'est ce que prévoient, par exemple, le décret sénégalais (art. R.54), la loi du Congo-Brazzaville (art. 32) et le projet de loi nigérien (art. 37).
[37] Voir, dans le même sens, la loi mauritanienne (art. 17) et le projet de loi comorien (art. 6).
[38] D.E. Adouki écrit à ce propos: "l'importance des superficies protégées théoriquement ne doit pas faire illusion car plusieurs facteurs concourent à limiter l'étendue de la protection assurée. Ces aires ne sont pas bornées, délimitées ni aménagées. Elles sont de véritables passoires, ce qui facilite les déplacements des braconniers et rend malaisée la tâche des écogardes... Certaines activités sont autorisées dans les réserves et viennent parfois remettre en cause l'essence même de la protection... Le laxisme des pouvoirs publics contribue aussi à faire de la protection du milieu un vain mot... La réticence des populations à l'égard des réserves est souvent observée. Les réserves apparaissent comme des zones soustraites brutalement à l'ensemble des populations établies dans l'aire protégée...".

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