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IV. CONCLUSION

Ce chapitre retrace les principales tendances d'évolution de la législation forestière en Europe occidentale. Dans l'ensemble, les lois forestières de la région sont de plus en plus conçues de manière à répondre à des objectifs multiples, à la fois économiques, sociaux et environnementaux, traduisant ainsi l'importance croissante accordée à la multi-fonctionnalité des forêts et à leur gestion durable.

Dans les lois actuelles, le processus de planification de la gestion revêt une importante accrue. L'accent est davantage mis sur les stratégies de gestion axées sur les usages multiples, sur la conservation de la biodiversité et sur des techniques sylviculturales respectueuses de la nature. La société civile est plus largement associée aux processus de décision concernant les forêts, depuis la participation du public à l'élaboration des politiques jusqu'à la collaboration renforcée avec les particuliers propriétaires de forêts.

En matière de foresterie privée, la tendance est manifestement à la diminution des interventions directes de l'Etat, parallèlement au développement de critères et de directives pour la gestion des terres privées. En outre, certains pays mettent en œuvre de nouvelles formes d'incitations à la foresterie privée. Parmi celles-ci, certaines prennent en charge, de façon explicite, les coûts privés, supportés par les propriétaires, des avantages publics que leurs forêts procurent à l'environnement. Dans de nombreuses lois, on trouve des mécanismes nouveaux de financement ainsi que des dispositions sur la protection contre les incendies de forêts. Sur le plan international, bien qu'il n'existe pas de politique commune globale à laquelle les législations nationales devraient se conformer, il y a un nombre croissant de textes de l'UE concernant divers aspects de la gestion forestière, allant des financements aux feux de forêts.

Bien évidemment, les tendances relevées dans ce chapitre ne sont pas forcément présentes dans toutes les lois forestières de la région, pas plus qu'elles ne s'y manifestent partout de manière aussi nette. La vision dominante du rôle des forêts dans la société étant de plus en plus complexe, il s'ensuit une plus grande complexité des attentes que les lois forestières doivent satisfaire, rendant encore plus complexe la tâche du législateur. La construction d'un cadre juridique cohérent permettant de concilier et d'équilibrer ces multiples intérêts est toujours en cours dans les différents pays, les uns étant plus ou moins avancés que les autres.

Cela dit, on note en général l'existence de tendances, d'opportunités et de défis qui seront vraisemblablement au cœur des transformations juridiques légales et institutionnelles dans les années à venir. Ainsi, on constate une évolution du rôle des autorités nationales, régionales et locales en matière de forêts dans le sens d'un transfert de pouvoirs accrus aux structures déconcentrées ou à de nouvelles entités publiques autonomes. De même, les relations entre les services gouvernementaux, les communautés locales et les associations évoluent vers un renforcement des compétences locales en matière de gestion forestière et d'aménagement du territoire. Autant de changements qui offrent de meilleures possibilités de négocier des solutions adaptées aux conditions locales, d'une plus large participation de la population à des processus décisionnels démocratiques et d'une répartition plus judicieuse des attributions entre les différentes institutions en présence.

Globalement, les approches législatives, plus interactives, font systématiquement appel aux incitations et au suivi. Les mesures réglementaires qui visaient habituellement à limiter le pouvoir de décision en matière de gestion forestière sont graduellement remplacées ou complétées par des modes de gestion impliquant conjointement les propriétaires forestiers et les autorités publiques sur une base négociée et, de plus en plus, par la voie contractuelle. Ajoutée à la place grandissante faite à la participation du public, cette évolution exprime le souci croissant de rationaliser les processus de gestion. Elle traduit également un changement important, celui de privilégier les programmes forestiers globaux plutôt que les actions et projets sectoriels. De plus en plus, la législation est conçue de manière à fournir un cadre propice aux formes concertées de prise de décisions et au développement des arrangements contractuels. Les directives sur les bonnes pratiques de gestion, les procédures de concertation et l'échange d'informations s'inscrivent aussi dans ce cadre. Cela implique également une détermination plus précise des objectifs, la mise en place de systèmes d'évaluation permettant de mesurer l'impact des politiques publiques, ainsi que des entités publiques dotées d'une plus grande souplesse opérationnelle dans la gestion des ressources humaines et financières.

Trouver un juste équilibre entre droits et obligations des propriétaires, des usagers des forêts et des divers intérêts en présence (locaux, nationaux et internationaux) n'en restera pas moins un défi majeur pour l'avenir. Les forêts continuent d'être diversement perçues par le public, tantôt comme un simple moyen de production, tantôt comme une composante naturelle et spirituelle très précieuse de l'environnement. Une bonne partie de la population voit aussi dans les forêts comme un espace de loisirs et d'activités de plein air. Bien que les forêts aient été intensément exploitées par le passé, elles sont aujourd'hui considérées par beaucoup comme des portions de nature devant rester à l'abri de toute intervention humaine, comme des lieux de mémoire, de contemplation et de liberté individuelle. Mais de telles attentes doivent être soigneusement mises en regard du droit constitutionnel à la propriété et des droits et obligations des propriétaires quant à la fixation des objectifs d'exploitation de leurs forêts et quant au choix des modes de gestion qu'ils préfèrent. Beaucoup de propriétaires forestiers sont implicitement appelés à fournir des biens et services pour lesquels il n'existe pas encore de marchés. Dans le même temps, on admet de plus en plus que les propriétaires forestiers ne sont généralement pas en mesure de prendre en charge les coûts additionnels de tels bénéfices externes sans compensation.

Le cadre juridique évolutif de la gestion des ressources forestières, eu égard à sa dimension multisectorielle comme de ses différents niveaux politiques, requiert de nouvelles stratégies de la part des propriétaires forestiers, une réelle détermination des services publics d'adopter des procédures de rationalisation institutionnelle efficaces et transparentes, ainsi que des processus participatifs de prise de décision impliquant tant les principaux usagers que les groupes environnementaux. Les interrelations et interactions entre un nombre croissant de politiques, la coexistence d'acteurs politiques nationaux et internationaux et l'importance grandissante des entités infra-nationales et locales sont autant de facteurs susceptibles de jouer un rôle marquant dans le développement de la législation forestière pendant les années à venir.


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