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Annexe 5 Allocution d'ouverture

M. Tage Michaelsen

Chef, Service de la conservation des forêts,
de la recherche et de l'enseignement forestiers
Département des forêts de la FAO

M. Mohamed Anechoum, Secrétaire général du Ministre Chargé des Eaux et Forêts, Royaume du Maroc,

M. Amor Ben Romdhane, Représentant de la FAO au Maroc,

Chers Collègues,

Mesdames et Messieurs,

Au nom du Département des forêts de la FAO, je tiens à remercier le Gouvernement et le peuple du Royaume du Maroc, d'accueillir notre Consultation d'experts sur l'enseignement forestier ici même à Rabat. C'est un grand honneur et un plaisir de se retrouver ici et je suis certain que nous nous réjouissons tous à l'idée de travailler ensemble avec énergie, mais dans un environnement aussi agréable qu'amical, au cours des prochains jours.

Nous sommes nombreux ici à avoir été formés à une époque où le rôle des forestiers était de gérer les forêts pour le compte de l'État ou d'autres grands propriétaires fonciers. Le principal objectif de leur gestion était d'obtenir une bonne production de bois et quelques autres produits forestiers dits secondaires. Pour réaliser cet objectif, on employait des gardes forestiers dont la mission était d'empêcher les empiétements (à des fins de mise en culture ou pour la création de pâturages) et l'extraction non autorisée (d'un certain nombre de produits forestiers) par les populations rurales vivant dans la forêt ou à proximité.

Lorsque vers le milieu des années 80, quelqu'un a affirmé que les problèmes des forêts étaient trop sérieux pour être confiés à des forestiers, notre première réaction a été de croire à une plaisanterie. En tant que profession, nous étions en règle générale peu préparés aux surprises que nous ont réservées ces vingt dernières années. Des expressions du type: aménagement durable des forêts, établissement d'un dialogue avec les parties prenantes, résolution des conflits, services environnementaux, etc., étaient encore inconnues et inappliquées, les forestiers étant souvent les derniers à en saisir ou à en accepter l'importance.

En tant que profession, nous devons nous demander pourquoi il en est ainsi ? Pourquoi la société, lorsqu'elle s'efforce de progresser dans le sens d'une gestion durable des forêts, fait-elle de plus en plus appel à des non-forestiers ? Et pourquoi les forestiers sont-ils souvent davantage perçus comme des opposants au changement que comme des promoteurs de celui-ci ?

Une des raisons de cette situation est que l'enseignement forestier n'est pas parvenu à suivre - et moins encore à anticiper - les changements considérables intervenus dans le mode de perception par la société des forêts ainsi que des biens et des services qu'elle procure. Sans doute n'est-il pas exagéré d'affirmer que, dans bien des cas, les établissements enseignant la foresterie ont formé les forestiers à s'occuper davantage du passé que du présent et, à plus forte raison, de l'avenir.

La présente consultation peut contribuer de façon importante à modifier cet état de fait. Notre profession est une noble profession, qui est l'héritière d'une longue tradition. Toutefois, si nous voulons retrouver notre place à la table de négociations dans la société moderne, nous devons tout d'abord retrouver notre raison d'être en nous montrant capables de contribuer - car désormais nous ne serons plus seuls - à la gestion durable des forêts.

Cela suppose en premier lieu que nous percevions toute la signification de l'expression gestion durable des forêts, celle donnée dans les principes de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (le Sommet de la terre) tenue à Rio de Janeiro en 1992, à savoir: « La gestion, la conservation et le développement durable de tous les types de forêts».

Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de m'appesantir sur la définition de cette expression. D'une certaine façon, je m'en réjouis, car je serais très rapidement confronté à une difficulté puisqu'il me faudrait commencer par le tout début en définissant ce qu'est une forêt. Depuis une vingtaine d'années, un certain nombre de biens et de services dispensés par les forêts, non seulement à ceux qui possèdent la terre, mais à la société en général, sont apparus au fur et à mesure que se constituaient des groupes de défense ou des groupes d'intérêt. Aujourd'hui, la même forêt peut être considérée par différents groupes à la fois comme une source de revenus et d'emplois, une source de diversité biologique, à un ensemble de végétaux nécessaires à la protection des sols et des ressources en eau, un puits ou un réservoir de carbone, un lieu de détente et de ressourcement, une surface à défricher à des fins agricoles, et ainsi de suite.

Le forestier d'aujourd'hui et de demain ne doit pas seulement être conscient de ces vocations souvent antagonistes. Il, et de plus en plus souvent elle, doit aussi être capable de participer et de contribuer au débat complexe et souvent politiquement sensible, ainsi qu'à la réalisation d'un consensus, sans lesquels une gestion durable des forêts reste un vain mot.

Cela ne signifie pas que la sylviculture, la production de bois et l'exploitation des forêts appartiennent au passé. Tant s'en faut. Les échanges internationaux de produits ligneux représentent à eux seuls une valeur supérieure à 100 milliards de dollars chaque année. Le choix des essences et des provenances, des techniques d'exploitation, de pépinières et de plantations ou des mesures de protection des forêts, par exemple, a plus d'importance que jamais. La tâche qui nous attend n'est pas de concevoir des programmes d'enseignement forestier substituant ce type de connaissances et de confier l'enseignement de la foresterie aux départements des sciences sociales.

Le plus grand changement portera sans doute sur le fait de savoir qui nous forestiers pensons servir. Les pays ayant de plus en plus tendance à déléguer la responsabilité de la gestion des forêts aux communautés locales, les forestiers apparaissent souvent comme les derniers vestiges d'un mode de gestion centralisé des ressources naturelles d'un autre âge et comme des êtres nostalgiques d'une époque où ils décidaient seuls du sort de vastes étendues boisées. Cette époque appartient au passé, comme les forêts elles-mêmes bien souvent.

L'avenir sera plus complexe. Nous recevrons des instructions contradictoires des nouveaux propriétaires de forêts et des représentants des groupes d'intérêts légitimes. On attendra davantage de nous pour ce qui est des biens et des services que procurent les forêts, celles qui subsistent et celles qui seront créées ou restaurées.

Vous les experts, vous êtes réunis ici pour formuler des recommandations qui puissent aider les nouvelles générations de forestiers à accepter ce défi et à le relever. Nous, fonctionnaires de la FAO, nous mettons beaucoup d'espoir dans cette consultation, animés que nous sommes par un réel désir de traduire vos recommandations en mesures concrètes. Cette consultation se tient à un moment où le débat intergouvernemental sur les politiques forestières conclut cinq années d'échanges approfondis qui ont notamment abouti à l'élaboration par consensus d'une recommandation, par laquelle tous les pays sont invités à formuler et appliquer des programmes forestiers nationaux. Pour que ceux-ci favorisent une gestion durable des forêts, il est indispensable de disposer de programmes d'enseignement forestier qui soient de qualité et adaptés aux besoins.

Je tiens à remercier les pays et les institutions qui ont accepté d'envoyer leurs experts à notre réunion, à savoir le Chili, la France, les États-Unis d'Amérique, le Gabon, le Maroc, le CATIE, le CIRAF ainsi que le RECOFTC, de même que tous ceux qui nous ont aidé à procéder à cet important réexamen des programmes d'enseignement de la foresterie: le Bureau régional pour l'Afrique centrale de l'Union mondiale pour la nature (UICN); l'Université de Padoue (Italie); l'Université de Fribourg (Allemagne); l'Union internationale des organisations de recherches forestières (IUFRO); la Division des sciences écologiques de l'UNESCO; le Bureau du Programme méditerranéen du WWF; la Division de la recherche, de la vulgarisation et de la formation du Département du développement durable de la FAO; et le Bureau régional de la FAO pour le Proche-Orient.

En conclusion, je tiens à remercier l'École Nationale Forestière d'Ingénieurs qui a accepté de relever le défi que représente l'organisation d'une consultation comme la nôtre. Je tiens également à remercier les experts et les spécialistes qui ont pu, malgré des emplois du temps très chargés, nous rejoindre ici pour participer à cette importante manifestation. Nous nous réjouissons à l'idée de pouvoir travailler ensemble au cours des prochains jours.

Je vous remercie.

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