Point de l’ordre du jour 4d PEC 01/06   

Conférence paneuropéenne sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments

Budapest, Hongrie, 25 – 28 février 2002

DOCUMENT DE TRAVAIL

Exemples d’approche globale et intégrée pour l’analyse des risques dans la filière alimentaire – expériences et enseignements

Une approche intégrée de la sécurité alimentaire dans la filière alimentaire et au delà: Suède, Finlande et Commission européenne

Stuart A. Slorach
Administration nationale des produits alimentaires, Uppsala (Suède)

Riitta Maijala
Institut national de recherche vétérinaire et alimentaire, Helsinki (Finlande)

Henri Belveze
DG SANCO, Commission européenne, Bruxelles

Résumé
Le présent document explique la nécessité et les modalités d’application d’une approche holistique en matière d’analyse des risques et de sécurité sanitaire des aliments tout au long de la filière alimentaire, aux niveaux national, régional et international. Il explique, en précisant en quoi elles consistent, les responsabilités des acteurs de la production, de la transformation et du commerce alimentaires. Le document souligne, exemples à l’appui – notamment celui de l’élimination de la salmonelle dans la volaille en Suède et en Finlande – qu’il est nécessaire de s’attaquer à la racine des problèmes en adoptant une approche préventive et intégrée. Il conclut en prenant acte de la nécessité d’élaborer des systèmes permettant de déceler les risques à mesure qu’ils se présentent dans un point quelconque de la filière alimentaire.


  1. Introduction
  2. Approche holistique en matière de sécurité des aliments – l’ensemble de la filière alimentaire et au-delà
  3. Attaquons les problèmes à la source - «Mieux vaut prévenir que guérir»
  4. Nouveaux risques - «Rechercher les problèmes»
  5. Recommandations et thèmes de discussion

1. Introduction

Il est difficile de proposer un bilan précis de la situation actuelle en matière de maladies d’origine alimentaire et de leur évolution, car il est très fréquent que ces maladies ne soient pas signalées. Cependant, dans de nombreux pays équipés de systèmes permettant d’enregistrer les maladies d’origine alimentaire et leur évolution, on a observé une augmentation considérable, ces dernières années, de l’incidence des maladies dues à des micro-organismes pathogènes dans les aliments. Dans les pays industrialisés, jusqu’à une personne sur trois peut être touchée chaque année par une maladie d’origine alimentaire, ce qui, outre les décès et les souffrances, entraîne des pertes économiques qui se chiffrent en milliards de dollars E.-U.1. En Europe, l’encéphalopathie spongiforme bovine, dite maladie de la vache folle, ainsi que la contamination des aliments par des dioxines ont rendu les consommateurs méfiants quant à la sécurité des aliments proposés sur le marché, ce qui a eu de graves répercussions économiques. Il est essentiel de rétablir et de maintenir la confiance des consommateurs dans les approvisionnements alimentaires. Les consommateurs doivent pouvoir se dire que tous les aliments en vente sont sains. En outre, le consommateur européen s’intéresse davantage, aujourd’hui, à la manière dont sont traités les animaux entrant dans la filière alimentaire – non seulement du point de vue éthique, mais également en raison de l’incidence possible sur la qualité et la sécurité des aliments d’origine animale.

Lors de la Conférence Food Chain2, organisée à Uppsala durant la présidence suédoise de l’Union européenne (UE), la vision d’avenir pour la production alimentaire a été résumée comme suit: sécurité, durabilité et éthique. Malgré les grands progrès accomplis ces dernières décennies, et bien que certains affirment que «notre alimentation n’a jamais été aussi saine», ceux qui s’efforcent de garantir la sécurité sanitaire des approvisionnements alimentaires devraient admettre qu’il reste encore beaucoup à faire pour atteindre ce but.

2. Approche holistique en matière de sécurité des aliments – l’ensemble de la filière alimentaire et au-delà

Auparavant, le contrôle des aliments se concentrait souvent sur l’examen des produits finis et sur l’inspection des installations de transformation des aliments ou des sites et installations de restauration. Cependant, au cours des dernières décennies, on a davantage compris l’importance d’une approche intégrée, pluridisciplinaire, qui prenne en compte l’ensemble de la filière alimentaire – et, dans certains cas, allant au-delà de ce qui est traditionnellement considéré comme cette chaîne. De nombreux problèmes liés à la sécurité des aliments trouvent leur origine dans le stade primaire de la production, si bien que cette réorientation a pour effet d’aiguiser la prise de conscience quant à la nécessité de mieux surveiller la sécurité des produits pour animaux - domaine qui, jusqu’à une date relativement récente, a été négligé par les responsables de la sécurité alimentaire. Ces dernières années, l’Union européenne a introduit des contrôles beaucoup plus stricts en matière d’aliments pour animaux, et la Commission du Codex Alimentarius (CAC) a constitué une équipe spéciale ad hoc sur les aliments pour animaux.

A titre d’exemple, la pollution de l’environnement par des produits chimiques persistants tels que le mercure, le cadmium, les PCB et les dioxines, peut entraîner des problèmes de sécurité sanitaire des aliments. Autre résultat de la réorientation en faveur d’une approche plus holistique: on convient, aujourd’hui, qu’il est nécessaire d’obtenir un contact et une collaboration beaucoup plus étroits entre les autorités responsables du contrôle des aliments et celles chargées de la protection de l’environnement. De plus, on met désormais davantage l’accent sur des mesures préventives à la source, telles que la prévention de la formation de mycotoxines, avant comme après la récolte – voir les exemples ci-dessous.

2.1 Application de l’analyse des risques au domaine de la sécurité sanitaire des aliments

Vers la fin du siècle dernier, on a assisté à un changement de paradigme en matière de sécurité des aliments, avec l’introduction d’une approche basée sur l’analyse des risques. Cette innovation résultait en partie de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur l’application de mesures sanitaires et phytosanitaires – l’Accord SPS. Aux termes de cet accord, les États Membres s’engagent à fonder leurs mesures d’hygiène alimentaire sur des évaluations des risques, en prenant en compte les techniques d’évaluation du risque élaborées par les organisations internationales compétentes – la Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius dans le cas de la sécurité des aliments. Cependant, l’Article 5.7 de l’Accord SPS autorise les États Membres à adopter des mesures provisoires, lorsque les éléments scientifiques pertinents sont insuffisants.

Afin de stimuler l’application des principes de l’analyse des risques en matière de sécurité sanitaire des aliments, la FAO et l’OMS ont organisé conjointement une série de consultations d’experts sur les différentes composantes de l’analyse, de la gestion et de la communication des risques3. Les recommandations découlant de ces consultations ont été utilisées comme point de départ pour l’introduction des principes de l’analyse des risques au système du Codex. Elles ont également été utilisées par de nombreux organismes gouvernementaux pour élaborer une méthodologie de gestion des risques en matière de sécurité sanitaire des aliments.

Il convient de maintenir une séparation fonctionnelle entre l’évaluation des risques et leur gestion, de manière à garantir l’intégrité scientifique de l’évaluation des risques. Toutefois, l’analyse des risques est un processus itératif, si bien que les synergies entre les responsables de la gestion des risques et les responsables de leur évaluation jouent un rôle essentiel dans son application pratique. Ce constat sous-tend la proposition émanant de la nouvelle Autorité alimentaire européenne4 . Cette autorité aura pour mission d’évaluer les risques pour toutes les questions ayant une incidence directe ou indirecte sur la sécurité sanitaire des aliments. Elle travaillera en collaboration étroite avec les organismes de la Communauté européenne dont les responsabilités touchent la gestion des risques (Commission, Conseil et Parlement). Conformément à l’approche holistique adoptée pour la sécurité sanitaire des aliments, le mandat de l’Autorité couvrira l’ensemble de la filière alimentaire, «de la ferme à la table».

L’adoption d’une approche fondée sur les risques en matière de sécurité sanitaire des aliments suppose que les ressources allouées à la surveillance de la filière alimentaire soient canalisées vers les problèmes qui constituent les principales menaces pour la santé et se prêtent à une réduction substantielle des risques relativement aux ressources employées. Afin que les priorités soient davantage fondées sur les risques, il convient de mettre au point des systèmes nettement plus efficaces de suivi et de signalement des maladies d’origine alimentaire, et d’instaurer une meilleure coopération internationale dans ce domaine. L’OMS déploie des efforts considérables pour améliorer la situation actuelle; toutefois, elle reste tributaire de la coopération active des organismes nationaux.

2.2 Producteurs, transformateurs et négociants

Les responsabilités en matière de sécurité sanitaire des aliments; le contrôle « maison » basé sur l’approche utilisant le système d’analyse des risques aux points critiques (HACCP).

Il est essentiel que tous les acteurs prennent acte du fait que la responsabilité principale en matière de sécurité sanitaire des aliments repose sur les opérateurs de la production, de la transformation et du commerce des produits alimentaires. Cette responsabilité porte sur l’ensemble de la filière alimentaire, à savoir les agriculteurs et leurs fournisseurs, les pêcheurs, les exploitants d’abattoirs, les transformateurs d’aliments, les transporteurs, les négociants en gros et les détaillants, les restaurateurs et traiteurs, etc. C’est à ces opérateurs qu’il incombe de veiller à ce que les denrées alimentaires qu’ils produisent et manipulent soient saines et répondent aux normes pertinentes de la législation alimentaire. La vérification fait partie de ces obligations. Les producteurs, les transformateurs et les négociants de denrées alimentaires devraient obéir aux principes énoncés dans les bonnes pratiques en matière d’agriculture, d’hygiène et de transformation. La production des aliments, leur transformation et autres manipulations devraient être analysées afin d’identifier les dangers et d’évaluer les risques connexes. Cet exercice devrait permettre d’identifier les points de contrôle critiques et d’établir un système de contrôle de la production en ces points (c’est le système d’analyse des risques aux points critiques – HACCP). L’introduction d’un contrôle interne fondé sur le système HACCP peut être difficile dans les petites et moyennes entreprises dont les connaissances de base, l’expérience et les ressources sont limitées; elle sera probablement facilitée par la collaboration entre l’industrie alimentaire, les organismes d’enseignement et de formation et les autorités de surveillance. Le Codex Alimentarius et ses organisations mères, la FAO et l’OMS, ont publié des directives utiles et des ouvrages de formation et d’information5 sur l’application du système HACCP dans le domaine du contrôle des aliments.

L’hygiène alimentaire dans les sites et installations de restauration

Selon les indications recueillies dans de nombreux pays, une forte proportion des maladies d’origine alimentaire est due aux mauvaises pratiques d’hygiène dans les restaurants et autres établissements commerciaux de restauration, comme les traiteurs. Les gestionnaires de ces établissements doivent s’assurer que leur personnel reçoit une formation adéquate en matière d’hygiène alimentaire et que le travail s’accomplit de manière à garantir la sécurité sanitaire des aliments servis. Il conviendra, afin d’aider à dispenser cette formation, d’élaborer des manuels basés sur les principes de l’analyse HACCP.

Traçabilité

Il importe d’établir la traçabilité des produits pour animaux, des animaux sources de produits alimentaires et des aliments à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution. L’Union européenne a déjà assujetti certains aliments à cette exigence, qui sera généralisée une fois parachevé et entré en vigueur le nouveau règlement de la Communauté européenne qui fixe les normes générales applicables à législation alimentaire6. La traçabilité est en effet importante pour au moins deux raisons: en premier lieu, elle permet de retrouver les aliments insalubres à travers la filière alimentaire et de remonter à la source du problème afin de le résoudre; en deuxième lieu, elle permet de veiller sur l’équité des pratiques du commerce alimentaire, par exemple en ce qui concerne l’étiquetage des aliments biologiques, les aliments préparés à base d’organismes génétiquement modifiés et les aliments répondant à certains critères d’ordre religieux (Halal ou Kasher). Un système efficace de suivi des aliments tout au long de la chaîne de production, de transformation et de distribution est également utile pour l’industrie et le commerce alimentaires, du fait qu’il augmente l’efficacité des rappels de produits impropres à la consommation.

2.3 Autorités de surveillance

La tâche principale des autorités de surveillance consiste à énoncer des normes en matière de sécurité sanitaire des aliments et à s’assurer que les systèmes de contrôle internes fondés sur l’analyse HACCP mis en œuvre par les producteurs, les transformateurs et les négociants sont appropriés et validés et permettent effectivement de satisfaire aux normes. En outre, les autorités devraient mener certaines activités directes de contrôle afin de veiller au respect de la réglementation, et elles devraient également donner des renseignements et des conseils sur une vaste gamme de sujets liés à l’alimentation pouvant avoir des effets sur la santé humaine.

Organisation

Ces dernières années, l’organisation du contrôle des aliments au niveau national et dans de nombreux pays européens a été modifiée, et un organisme unique a été chargé de superviser l’ensemble de la filière alimentaire «de la ferme à la table ». Ce système présente de nombreux avantages et il y a tout lieu de le recommander. Toutefois, si la responsabilité est partagée entre deux ou plusieurs organismes au niveau national, il est essentiel d’établir entre eux une étroite collaboration. De même, si la responsabilité du contrôle des aliments est répartie entre les autorités centrales et locales, il est vital que les autorités centrales soient non seulement chargées de conseiller et d’informer les autorités locales en matière de contrôle alimentaire, mais qu’elles aient également tout pouvoir de coordonner et de vérifier le travail accompli par les autorités locales.

Transparence

Le travail des autorités de surveillance devrait s’effectuer de manière transparente et rester ouvert aux consommateurs, aux producteurs, aux négociants et aux autres parties intéressées. Une façon d’améliorer efficacement le respect de la législation alimentaire est de rendre publics les résultats du contrôle des aliments. Cela s’applique bien entendu aux rapports d’inspection et aux résultats des analyses de contrôle effectuées par les autorités de surveillance. Dans certains pays, les résultats des inspections d’établissements et d’installations de restauration sont affichés sur les lieux ou publiés dans les médias; cette pratique influe indéniablement sur le choix des consommateurs en matière de commerces et de restaurants, et encourage le respect des normes. Dans les pays où la responsabilité du contrôle des aliments est répartie entre différentes autorités, autorités centrales et locales par exemple, cela devrait aussi s’appliquer à l’audit, par les autorités nationales, des opérations de contrôle des aliments menées par les autorités locales, à l’instar de ce qui se fait au Royaume-Uni, par exemple. Au sein de l’Union européenne, les audits effectués par l’Office alimentaire et vétérinaire de la Commission européenne des activités de contrôle alimentaire menées dans les États membres sont rendus publics et sont disponibles sur l’Internet7.

2.4 Responsabilité des consommateurs

Les consommateurs sont responsables de l’hygiène alimentaire au foyer et doivent veiller à respecter les recommandations concernant le stockage des aliments et leur préparation. Cet aspect ne saurait être sous-estimé, car il représente le dernier maillon important de la sécurité sanitaire de la filière alimentaire. Les autorités nationales de surveillance partagent avec d’autres organismes la responsabilité qui consiste à s’efforcer d’améliorer les connaissances des consommateurs en matière d’hygiène alimentaire au foyer et à fournir des recommandations, des informations et une sensibilisation destinées à aider les consommateurs à gérer plus efficacement les risques d’origine alimentaire.

Les mauvaises habitudes alimentaires sont un facteur important de maladies liées à l’alimentation, surtout dans les pays industrialisés. Rappelons que lorsque notre consommation de certains aliments, même sains, est beaucoup trop élevée par rapport à nos besoins, nous courons le risque de « creuser notre tombe avec nos dents ». Il incombe aux autorités nationales de fournir au public des informations l’aidant à adopter des habitudes alimentaires saines.

3. Attaquons les problèmes à la source – «Mieux vaut prévenir que guérir»

On peut utiliser différentes approches pour s’efforcer de garantir que la teneur en contaminants dans les aliments soit aussi faible que raisonnablement possible et qu’elle ne dépasse jamais les limites maximales considérées comme acceptables/tolérables du point de vue de la santé. Ces approches comprennent essentiellement:

  • des mesures visant à éliminer ou à contrôler la source de contamination
  • des traitements visant à réduire la teneur en contaminants et à éviter la recontamination
  • des mesures visant à identifier et à séparer les aliments contaminés des aliments propres à la consommation, les aliments contaminés devant ensuite être interdits à la consommation.

Auparavant, la plupart des systèmes qui réglementaient la sécurité sanitaire des aliments se fondaient sur des définitions juridiques des aliments insalubres, assorties d'interventions visant à retirer ces aliments du marché et à appliquer des sanctions à l’encontre de ceux qui enfreignaient la réglementation. Ces systèmes n’ont pas permis de régler avec succès les problèmes qui se sont posés par le passé ou se posent encore, et ils ne pourront probablement pas traiter les nouveaux risques qui apparaissent.

Dans certains cas, on recourt à une utilisation combinée des approches décrites plus haut, par exemple lorsque des émissions ayant pour origine des sources précédemment incontrôlées ont entraîné une pollution de l’environnement par des produits chimiques persistants qui ont ensuite pénétré la filière alimentaire. Le contrôle des produits finis ne sera jamais assez étendu pour garantir que la teneur en contaminants est inférieure aux limites maximales établies, et il est impossible de déterminer la sécurité et autres aspects de la qualité des aliments par des « inspections » conduites au bout de la filière alimentaire. Dans la plupart des cas, les contaminants chimiques ne peuvent pas être éliminés des produits alimentaires et il n’existe aucune méthode viable permettant de rendre propre à la consommation un lot d’aliments contaminés.

Les avantages présentés par l’élimination ou le contrôle de la contamination des aliments à la source, c’est-à-dire par une approche préventive, font que cette méthode est généralement plus efficace pour réduire ou éliminer le risque d’effets sanitaires indésirables, permet de consacrer moins de ressources au contrôle des aliments et évite d’interdire la consommation de certains produits alimentaires, avec les pertes économiques et autres que cela entraîne. En outre, l’approche préventive endigue la contamination de la chaîne de production. L’épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine a montré les conséquences d’un échec de ces approches et d’une contamination généralisée: les effets en sont alors dévastateurs et se font sentir longtemps, non seulement pour la santé humaine, mais également pour le système de contrôle et de mise en œuvre des mesures, pour la politique et la législation en matière alimentaire, pour le commerce et enfin pour l’économie.

Nous décrivons, dans les exemples qui suivent, le recours à une approche préventive et intégrée de la gestion de la sécurité sanitaire des aliments tout au long de la filière alimentaire.

3.1 Le contrôle de la Salmonelle dans la volaille

Les rapports présentés par la Suède8 et la Finlande9 constituent un exemple de stratégie intégrée visant à contrôler la salmonelle dans la volaille et couvrant les différents segments de la filière alimentaire humaine et animale. L’objectif d’ensemble consiste à obtenir que moins de 1 pour cent des animaux envoyés à l’abattage soient contaminés par la salmonelle, garantissant ainsi que la viande de volaille en est exempte. Grâce à l’application généralisée de cette stratégie, le taux de présence de la salmonelle dans la volaille à l’abattage est inférieur à 1 pour cent. Les stratégies appliquées à cette fin sont les suivantes:

  • empêcher la contamination par la salmonelle à tous les niveaux de la chaîne de production;
  • contrôler l’ensemble de la chaîne de production: des programmes de surveillance portant sur les aliments des animaux, les animaux vivants, les carcasses, la viande et les autres produits alimentaires d’origine animale ont été mis en place;
  • si la présence de salmonelle est vérifiée, des mesures sont adoptées afin d’éliminer l’infection/contamination. Tout produit alimentaire contaminé par la salmonelle est jugé impropre à la consommation humaine.

Tous les cas de salmonellose chez l’homme, les animaux et les produits alimentaires d’origine animale doivent être signalés. En outre, la détection de salmonelle dans les échantillons alimentaires officiels de toute provenance doit également être signalée. Les isolats primaires de salmonelle sont aussi mis en évidence par typage sérologique des souches; en outre, les isolats d’origine animale sont testés pour leur résistance aux antibiotiques. Afin d’illustrer le fonctionnement du système, on trouvera ci-après quelques détails sur les mesures prises dans le domaine de l’aviculture.

Étant donné que l’on détecte très peu de salmonellose dans les élevages de volaille en Suède et en Finlande, la plupart des mesures prises dans le cadre des programmes de contrôle actuels sont de nature préventive. Cette situation favorable tient à quatre facteurs essentiels:

  • l’ensemble des lignées destinées à l’élevage sont maintenues exemptes de salmonelle grâce à des prélèvements réguliers dans les élevages et dans les couveuses, ainsi que par l’abattage des élevages de reproducteurs en cas de présence de salmonelle. Aucune vaccination antisalmonelle n’est appliquée. Tous les animaux de sélection sont importés d’Europe, mis en quarantaine et doivent donner des résultats négatifs lors de dépistages répétés de salmonelle avant d’être utilisés pour la production;
  • les aliments pour animaux sont maintenus exempts de salmonelle. Le contrôle s’opère en trois étapes: contrôle des importations de matière première, traitement thermique obligatoire des composés alimentaires pour la volaille, et contrôle de la salmonelle fondé sur le système HACCP dans l’industrie des aliments pour animaux;
  • des normes d’hygiène et de biosécurité rigoureuses sont appliquées, empêchant l’introduction de salmonelle;
  • des mesures sont systématiquement prises en cas d’infection de la volaille par la salmonelle. Ainsi, lorsqu’un dépistage révèle qu’un élevage de reproducteurs donne un résultat positif au test de dépistage de la salmonelle à un moment donné, il est envoyé à l’abattage et toute la viande obtenue de même que celle provenant des élevages de production est soumise à traitement thermique. La batterie d’élevage est nettoyée, désinfectée et soumise au dépistage de la salmonelle. Aucun nouvel élevage n’est introduit tant que les résultats du dépistage de salmonelle n’est pas redevenu négatif.

Un vaste programme de prélèvement d’échantillons permet d’assurer le contrôle continu de la salmonellose dans les élevages de volaille. Des échantillons sont prélevés dans ces élevages ainsi que dans tous les abattoirs de volaille, en vue de contrôler le produit fini.

3.2 Pesticides

Dans l’Union européenne (UE), les pesticides doivent être assujettis à des essais et à une évaluation approfondie avant que leur utilisation soit approuvée. Des systèmes ont été mis en place dans la Communauté européenne (CE) et dans le cadre du Codex pour l’évaluation des pesticides et pour la fixation de limites maximales de résidus (LMR) dans les aliments destinés à la consommation humaine et à la consommation animale. Afin de réduire autant que possible le risque de taux élevés de résidus dans les aliments, et pour éviter la pollution environnementale ainsi que les risques de maladies professionnelles, il faudrait que les pesticides soient utilisés conformément aux bonnes pratiques agricoles, et seulement par des personnes ayant reçu une formation adéquate. La teneur en pesticides des produits destinés à l’alimentation humaine, y compris l’eau potable et ses sources de provenance, de même qu’à l’alimentation animale, devraient être contrôlées afin de s’assurer qu’elles n’excèdent pas les limites maximales prescrites de résidus, et les résultats des enquêtes devraient être rendus publics, comme c’est le cas en Suède, en Finlande et dans de nombreux autres pays. La diffusion d’informations concernant des produits ayant une teneur excessive de LMR encourage les producteurs et les commerçants à s’assurer de la conformité de leurs produits. La mise en évidence de niveaux de résidus excédant les LMR entraîne un renforcement des contrôles de la part des producteurs/fournisseurs ainsi que l’adoption de mesures correctives pour éviter toute répétition.

3.3 Les médicaments vétérinaires

Dans l’UE, les médicaments vétérinaires, y compris les antimicrobiens, font l’objet d’une enquête et d’une évaluation approfondies avant que leur utilisation soit approuvée. Dans de nombreux pays, l’utilisation de substances antimicrobiennes ne se limite pas aux usages thérapeutiques. Cependant, afin de limiter le renforcement des résistances antibiotiques, la CE a interdit l’utilisation de quatre substances de premier plan employées dans l’alimentation animale pour stimuler la croissance. Certains pays, comme la Finlande et la Suède, sont encore plus stricts et interdisent l’utilisation de substances antimicrobiennes pour la stimulation de la croissance animale. En outre, en Suède et en Finlande, ces substances ne sont délivrées qu’aux vétérinaires professionnels. Les niveaux de résidus de médicaments vétérinaires décelés dans les aliments d’origine animale font l’objet d’un dépistage annuel, dont les résultats sont rendus publics. Lorsque les niveaux de résidus excèdent les LMR, une enquête approfondie est déclenchée pour remonter à la source du problème, qui se situe généralement au niveau du producteur primaire. L’adoption de mesures de contrôle aussi sévères est essentielle pour bien gérer le risque de développement de résistance antimicrobienne chez les animaux servant à l’alimentation et chez les humains, avec les conséquences que cela comporte pour la santé.

3.4 Les mycotoxines et les biotoxines marines

Il est préférable de s’attaquer au problème de la contamination des produits destinés à l’alimentation humaine et animale par les mycotoxines, telles que les aflatoxines, l’ochratoxine A, la patuline et les trichotécènes, en effectuant un examen systématique couvrant l’ensemble de la chaîne de production, de transformation et de distribution, ce qui permet de prévoir les secteurs de contamination éventuelle, en vue d’adopter des mesures de prévention et de contrôle adéquates. Les niveaux de mycotoxines dans les produits primaires peuvent varier considérablement d’une année à l’autre, en fonction, notamment, des conditions climatiques ayant prévalu durant la récolte. C’est pourquoi une vigilance est une coopération constantes s’imposent entre les services agricoles de consultation et de contrôle, les autorités chargées du contrôle des aliments et les producteurs d’alimentation humaine et animale. Le Comité du Codex sur les additifs alimentaires et les contaminants (CCFAC) élabore en permanence des codes de pratique en vue de réduire la contamination des denrées alimentaires et des aliments pour animaux par les mycotoxines10. Ces codes d'usage peuvent constituer la base de conseils prodigués au niveau national en matière de mesures préventives. Grâce au contrôle des aflatoxines dans les composantes de l’alimentation animale et au suivi routinier de la teneur en aflatoxine M1 dans le lait au niveau de l’exploitation agricole individuelle, il est possible de s’assurer que les niveaux d’aflatoxine du lait demeurent inférieurs aux limites strictes actuellement fixées par la CE. Bien qu’un travail considérable ait été réalisé, il reste nécessaire d’approfondir encore les recherches sur les mycotoxines pour que les recommandations et les mesures prises avant et après la récolte reposent sur des bases scientifiquement solides; précisons que ces recherches bénéficient de l’appui de la CE.

Il est particulièrement difficile de s’attaquer à la racine du problème posé par la contamination des crustacés par certaines biotoxines marines telles que les phycotoxines diarrhéiques et les phycotoxines paralysantes. En conséquence, les efforts entrepris visent principalement à prévoir et à déceler les proliférations d’algues correspondantes et à mettre en œuvre un examen pré-récolte des crustacés en vue de déceler les toxines avant que les produits contaminés n’atteignent le consommateur.

3.4 Polluants persistants de l’environnement

Les émissions passées de produits chimiques persistants, PCB, dioxines et mercure par exemple, ont entraîné la contamination de produits alimentaires, notamment d’origine animale – le poisson en particulier – d’où la nécessité de surveiller et de contrôler certains produits pour veiller à ce que les niveaux de polluants n’y excèdent pas les limites de salubrité. Afin de protéger la santé publique, il peut être également souhaitable d’émettre des recommandations à l’intention des groupes de population vulnérables, par exemple les femmes en âge de procréer, en leur conseillant de limiter leur consommation de certaines espèces de poisson, ou de poissons provenant d’eau contaminée.

Afin de réduire les niveaux de contaminants environnementaux dans l’alimentation et le risque qui en résulte pour les êtres humains, la méthode la plus efficace consiste à prendre des mesures réduisant les émissions provenant de l’industrie et d’autres sources. (Malheureusement, le taux de méthylmercure présent dans les poissons de certains océans est dû à l’activité volcanique et ne peut donc pas être maîtrisé). Au cours des dernières décennies, l’introduction de telles mesures a souvent débouché sur d’excellents résultats. Ainsi, les niveaux de plomb dans le sang humain ont radicalement chuté dans les pays où le plomb n’est plus ajouté à l’essence. De même, les mesures de contrôle de la pollution par les dioxines et les PCB ainsi que l’interdiction des pesticides persistants comme le DTT ont entraîné une réduction considérable des niveaux de ces substances dans les denrées alimentaires ainsi que de leur action sur l’homme, comme l’ont démontré les mesures effectuées sur le lait maternel. Il s’agit là d’un exemple où la coopération entre les autorités responsables de la sécurité sanitaire des aliments et celles chargées de veiller sur l’environnement a porté ses fruits. Malgré le déclin du niveau de PCB, il importe de maintenir des contrôles sur l’élimination de produits contenant des PCB, sous peine de courir le risque d’une nouvelle augmentation de la pollution environnementale et des niveaux de PCB dans les aliments.

4. Nouveaux risques – «Rechercher les problèmes»

Il convient que les organismes responsables de la sécurité sanitaire des aliments assument une fonction de « reconnaissance » ou « d’information » dans le cadre de leur mission afin d’identifier les risques potentiels pouvant surgir à un point quelconque de la filière alimentaire. Ces risques pourraient être dus à l’apparition d’agents pathogènes, par exemple des agents pathogènes résistant à une vaste gamme d’antibiotiques, ou encore à l’utilisation de nouveaux composants alimentaires pour animaux, de nouveaux produits chimiques industriels ou ménagers, de nouvelles méthodes de production, de transformation et de manipulation, voire à de nouvelles habitudes alimentaires. L’identification des risques potentiels est une des tâches qui sera assignée à l’Autorité alimentaire européenne dont la création est envisagée.

5. Recommandations et thèmes de discussion

5.1 Les stratégies en matière de sécurité sanitaire des aliments devraient être fondées sur les risques, en accordant la priorité aux mesures susceptibles de réduire au minimum les cas de maladies d’origine alimentaire.

5.2 Il conviendrait d’adopter une approche intégrée et pluridisciplinaire en matière de sécurité sanitaire des aliments, couvrant l’ensemble de la chaîne de production, de transformation et de distribution des aliments, ce qui suppose de renforcer le contrôle des aliments pour animaux et d’autres éléments de la production primaire.

5.3 En vue de diminuer le risque de contamination des aliments, il conviendrait d’adopter une approche préventive traitant des problèmes à la source dans toute la mesure du possible.

5.4 Les résultats de tous les contrôles officiels (concernant les résidus de pesticides, les résidus de médicaments vétérinaires et d’autres contaminants de l’alimentation humaine et animale et de l’eau potable), ainsi que les inspections officielles des produits alimentaires et de toutes les autres activités officielles de contrôle dans ce domaine devraient être rendus publics.

5.5 Il convient d’améliorer la formation et la sensibilisation des intéressés, y compris le personnel de la restauration et les consommateurs, aux problèmes d’hygiène qui se posent tout au long de la filière alimentaire.


1 Une stratégie de sécurité alimentaire d'envergure mondiale pour l'OMS, OMS Genève, 2001 et Opinion du Comité scientifique sur les mesures vétérinaires applicables à la santé publique et aux zoonoses d'origine alimentaire. 12 avril 2000, Commission européenne.
2 Voir site Web: http://www.foodchain.org
3 Consultations d'experts FAO/OMS 1) FAO/OMS Application de l'analyse des risques aux questions de normes alimentaires. Rapport de la consultation conjointe d'experts FAO/OMS 1995, Genève. 2) FAO/OMS Application de la gestion des risques aux questions de sécurité sanitaire des aliments, Rapport de la Consultation conjointe d'experts FAO/OMS 1997, Rome. 3) FAO/OMS Application de la communication des risques aux normes et aux problèmes de salubrité alimentaire. Rapport de la Consultation conjointe d'experts FAO/OMS. 1998, Rome.
4 COM (2000) 716 final: Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les principes généraux et les normes régissant la législation alimentaire, établissant l'Autorité alimentaire européenne et fixant les procédures en matière d'alimentation. COM (2001) 475 final: Proposition amendée de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les principes généraux et les normes régissant la sécurité sanitaire des aliments.
5 Par exemple, Strategies for implementing HACCP in small and/or less developed businesses (WHO/SDE/PHE/FOS/99.7), Guidance on regulatory assessment of HACCP (WHO/FSF/FOS/98.5).
6 Règlement de la Communauté européenne fixant les normes générales de la législation alimentaire COM (2000) 716 final: Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant les principes généraux et les normes de la législation alimentaire, établissant l'Autorité alimentaire européenne et fixant les procédures dans le domaine alimentaire. COM (2001) 475 final: Proposition amendée de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant les principes généraux et les normes de la législation alimentaire, établissant l'Autorité alimentaire européenne et fixant les procédures en matière de sécurité sanitaire des aliments.
7 http://europa.eu.int/comm/food/fs/inspections/vi/reports/index_en.html
8 Les zoonoses en Suède, jusqu'à 1999 compris. Ed. H. Wahlström. Institut vétérinaire national, Uppsala, Suède, 2001
9 Les zoonoses en Finlande. 1995-1997 et 1995-1999.
Ces deux documents peuvent être consultés à l'adresse Internet
http://www.mmm.fi/elintarvikkeet_elaimet/art/haku/jlkhaku_en.idc
10 Comité du Codex sur les additifs alimentaires et les contaminants, Codes de pratique visant à réduire la contamination des aliments de consommation humaine et animale par les mycotoxines, Codex Alimentarius, Rome 2001