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Résumés des documents présentés a la Conférence de Reykjavik sur une pêche responsable dans l’écosystème marin - Reykjavik, Islande, 1 - 4 octobre 2001


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ISBN 92-5-004758-4

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Préparation de ce document

Le présent supplément contient les résumés des documents tels que présentés à la Conférence de Reykjavik sur une pêche responsable dans l’écosystème marin tenue en Islande du 1er au 4 octobre 2001.

Distribution:

Tous les Membres de la FAO
Participants à la Conférence
Département des pêches de la FAO
Fonctionnaires régionaux des pêches de la FAO

FAO.

Résumés des documents présentés à la Conférence de Reykjavik sur une pêche responsable dans l’écosystème marin. Reykjavik, Islande, 1-4 octobre 2001.

FAO Rapport sur les pêches. No. 658, Supl. Rome, FAO. 2002. 80p.

RÉSUMÉ

La Conférence de Reykjavik sur une pêche responsable dans l’écosystème marin s’est tenue à Reykjavik (Islande) du 1er au 4 octobre 2001. Les résumés des documents tels que présentés à la Conférence figurent dans le présent supplément au Rapport de la FAO sur les pêches n° 658. La version complète des documents contenant une version mise à jour des résumés sera publiée dans un recueil spécial par un éditeur commercial.

Aperçu général des pêches maritimes (Serge M. GARCIA et Ignacio DE LEIVA MORENO)

Introduction

Après 50 ans d’expansion géographique et de progrès techniques particulièrement rapides, les pêches maritimes, dont les captures annuelles ont augmenté de façon exceptionnelle, se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins. En effet, la plupart des ressources halieutiques étant pleinement exploitées, voire surexploitées, la durabilité du système actuel est remise en cause. La société est de plus en plus sensibilisée aux retombées sur l’environnement. En outre, les consommateurs des principaux marchés prennent conscience du rôle qu’ils sont susceptibles de jouer en marquant leurs préférences grâce à leurs achats. À l’heure actuelle, plusieurs programmes d’étiquetage écologique sont à l’étude. De plus, une gestion des pêches axée sur les écosystèmes devrait également permettre de surmonter certaines des contraintes liées à la gestion traditionnelle.

Ressources halieutiques

Dans le secteur des pêches de capture maritimes, la production mondiale déclarée, après être passée de 19 millions de tonnes en 1950 à environ 80 millions de tonnes au milieu des années 80, oscille désormais autour de 85 millions de tonnes. Dans les années 90, le taux d’accroissement annuel des captures maritimes était proche de zéro, ce qui montre qu’en moyenne, les océans de la planète ont atteint leur production maximale dans le cadre du système de pêche mis en œuvre actuellement. À l’échelle mondiale, le pourcentage de stocks faisant l’objet d’une surpêche a augmenté régulièrement ces 25 dernières années, même si l’on croit observer une tendance au ralentissement. Sur les 16 régions statistiques définies par la FAO pour les océans de la planète, un quart se trouve au niveau historique maximal de production, la moitié se situe légèrement en dessous de ce niveau et le dernier quart, nettement en dessous. Le taux de surpêche semble respecter la même tendance dans l’océan Pacifique et dans l’océan Atlantique, même si les zones tropicales de l’océan Pacifique semblent subir une pression moindre. Certains signes indiquent une amélioration dans le nord-est de l’océan Atlantique. Ces informations confirment les estimations de la FAO effectuées au début des années 70, selon lesquelles les pêches maritimes avaient un potentiel d’environ 100 millions de tonnes à l’échelle mondiale, dont seules 80 millions de tonnes pouvaient être pêchées, pour des raisons pratiques.

Industrie de la pêche

Depuis 1950, grâce aux progrès techniques, la capacité de capture des différents bateaux ne cesse de croître. Ces dernières années, le nombre de bateaux a tendance à diminuer dans les pays développés et à augmenter dans certains pays en développement. En outre, depuis le début des années 50, le perfectionnement spectaculaire des techniques de pêche a permis de renforcer la sécurité à bord des navires, mais l’on compte encore plus de 25 000 décès par année dans le secteur de la pêche. Ces améliorations ont permis de réduire l’impact de la pêche sur l’environnement, mais elles ont aussi nettement augmenté la capacité de capture. En 1998, on estime que le secteur primaire des pêches de capture et de l’aquaculture a employé quelque 36 millions de personnes, soit environ 15 millions à temps plein, 13 millions à temps partiel et 8 millions de saisonniers, dont environ 60 pour cent dans le secteur des pêches maritimes. Pour la première fois depuis le début des années 70, la croissance de l’emploi dans le secteur primaire des pêches et de l’aquaculture semble enregistrer un net ralentissement. Les écosystèmes océaniques sont une source directe d’aliments pour les êtres humains. Après avoir quasiment doublé entre 1950 et 1970, la consommation s’est stabilisée entre 9,0 kg et 10 kg de poisson par personne, et ce, malgré la croissance démographique mondiale. En raison de la stagnation de la production totale des captures maritimes, on s’attend à ce que l’offre par habitant connaisse une baisse non négligeable dans ce secteur, à moins qu’une gestion plus efficace de ce type de pêche et que le développement soutenu de l’aquaculture ne permettent une augmentation de la production. Alors que le poisson est de plus en plus associé à une alimentation saine, sa qualité reste une source de préoccupation.

Gouvernance

Nous ne disposons d’aucun inventaire mondial exhaustif des systèmes et méthodes de gestion des pêches, par pays, par stock ou par type de pêche. À l’échelle nationale, alors que la plupart des pays ont mis en œuvre de modestes systèmes d’octroi de permis, ils éprouvent souvent de grandes difficultés à freiner efficacement le développement excessif des capacités de capture. Dans plusieurs pays, l’accès aux pêches maritimes reste libre. Plus récemment, on a observé un intérêt accru pour une gestion des pêches axée sur les droits, notamment les contingents dont les bénéficiaires sont des particuliers, des entreprises et des communautés, qu’ils soient cessibles ou non. Plusieurs des quelque trente organes régionaux des pêches mettent en œuvre des politiques fondées sur les captures totales autorisées (TAC) et sur des contingents nationaux, sans contrôle des capacités. À tous les niveaux, les pays complètent cette approche par une série de mesures techniques visant à réglementer plusieurs secteurs, notamment: bateaux (puissance, tonnage, etc.); engins de pêche (taille, grandeur des mailles, etc.); zones exploitées (périmètres interdits, etc.), temps de pêche (limitation de l’effort de pêche, période d’interdiction de la pêche, etc.) ou caractéristiques des prises (taille minimale des débarquements, phase de maturité, état de fécondation, etc.). À l’heure actuelle, les pêches sont confrontées à de nombreux défis: surpêche et questions connexes de l’effondrement des ressources et des espèces menacées; surcapacité et question connexe des subventions; répercussions de la pêche sur l’environnement; pêche illégale, non réglementée et non déclarée; sélectivité insuffisante et rejets; état du littoral d’un point de vue écologique; intégration de la gestion des pêches à l’aménagement du littoral; commerce du poisson et étiquetage écologique; liens entre les organismes de gestion des pêches et la CITES; et collaboration entre les organes régionaux des pêches et les secrétariats des conventions régionales sur l’environnement. À l’échelle tant nationale que régionale, le non-respect des mesures de gestion et l’absence de mesures coercitives représentent un obstacle majeur. Certes, grâce à une série d’initiatives prises à l’échelle mondiale, régionale et nationale (telles que le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable), le cadre au sein duquel est appliquée la gestion des pêches s’est nettement amélioré, mais la pression exercée par la société pour une gestion des pêches axées sur les écosystèmes rend l’élaboration des futurs systèmes de gestion encore plus complexe.

Conclusion et discussion

Afin de mieux contrôler et évaluer les résultats de la gestion, il est nécessaire d’améliorer nettement la qualité des données relatives à l’état des ressources et du secteur. Cependant, les informations disponibles indiquent, sans contestation possible, une augmentation des stocks faisant l’objet d’une surpêche et l’expansion de celle-ci dans tous les océans. Le secteur a pris conscience du problème et prend des mesures correctives, mais à des rythmes différents selon les régions, en fonction des résultats de processus plus généraux liés à l’utilisation d’indicateurs de durabilité et à l’application du principe de précaution et de l’étiquetage écologique. Sur la base des instruments internationaux ayant des implications directes pour la pêche et adoptés au plus haut niveau, on attend des gouvernements et des autorités nationales des pêches qu’ils encouragent des mutations profondes dans le secteur. Reste à savoir à quel rythme, à quel prix (dans la mesure des moyens disponibles), grâce à quelles ressources et suivant quels mécanismes.

Certes, il est indispensable de rationaliser le secteur de la pêche et de faire en sorte qu’il assume autant que possible les coûts liés aux conséquences de ses actions, mais il faut également s’efforcer de garantir qu’au cours de ce processus, les pêches soient traitées sur un pied d’égalité par rapport à d’autres secteurs opérant sur la terre ferme ou en mer, tels que l’agriculture, les industries pétrolières et gazières ou le tourisme. La société risque d’imposer une charge injustifiée au secteur de la pêche, en l’accusant d’être le principal responsable de la dégradation des écosystèmes marins, mais il ne faut pas pour autant oublier que le secteur doit, de toute urgence, corriger les erreurs imputables à des pratiques de gestion imparfaites et irresponsables. S’appuyant principalement sur les principes énoncés dans le Code de conduite, les auteurs du présent document mettent en exergue de nombreux domaines dans lesquels la gestion des pêches et les pratiques mises en œuvre souffrent de carences notoires. La présente conférence est l’occasion de renouveler les engagements pris dans l’optique de faire face à ces problèmes. Pour ce faire, il est indispensable que les secteurs liés à la pêche: 1) améliorent leurs propres résultats; 2) fassent en sorte de ne pas supporter un fardeau qui n’est pas le leur, et 3) exigent des autres secteurs d’activité un ralentissement concret de la dégradation des océans.

Obligation de protéger les écosystèmes marins dans le cadre des conventions internationales et d’autres instruments juridiques (Transform AQORAU)

Introduction

Au cours de la précédente décennie, plusieurs conventions internationales ont imposé de nouvelles obligations aux activités d’aménagement en réglementant l’utilisation des océans. Les conventions (et les codes) font explicitement référence à la protection des caractéristiques de l’écosystème. La convention la plus globale dans ce domaine est la Convention sur la diversité biologique (CDB). Les autres instruments juridiques internationaux sont notamment l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons grands migrateurs et chevauchants et le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable. Pour donner suite à ces accords internationaux, des législations et des politiques ont été mises en place dans les pays de façon à ce qu’il soit tenu plus explicitement compte des aspects liés à l’écosystème dans les systèmes nationaux de gestion des océans.

Le document passe en revue les dispositions de certains instruments internationaux afin de montrer dans quelle mesure la gestion de l’écosystème a été prise en compte, comme par exemple dans la politique adoptée par l’Australie sur les océans et la loi sur les océans du Canada. Le document examine également l’application de principes d’aménagement fondé sur les écosystèmes dans les pays.

Les instruments internationaux examinés sont: la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS); l’Accord aux fins de l’application des dispositions de la Convention des Nations Unies du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer, relatives à la conservation et à la gestion des stocks dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs; la Convention on the Conservation and Management of Highly Migratory Fish Stocks in the Western and Central Pacific Ocean; le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable; la Convention sur la diversité biologique; la Déclaration ministérielle de Jakarta sur l’application de la Convention sur la diversité biologique, la Convention on Conservation of Nature in the South Pacific et la Washington Declaration on Protection of the Marine Environment from Land-based Activities. Les politiques nationales examinées sont notamment la politique de l’Australie sur les océans et la loi de 1996 sur les océans du Canada.

Conventions internationales et autres instruments juridiques

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS). Cette convention prévoit des règles concernant la réglementation de toutes les utilisations des océans et des mers. Elle définit également un cadre permettant l’élaboration de mesures de conservation et d’aménagement des ressources marines et la recherche scientifique à l’intérieur de la zone économique exclusive (ZEE) des États et en haute mer.

Accord aux fins de l’application des dispositions de la Convention des Nations Unies du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer, relatives à la conservation et à la gestion des stocks dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (Accord sur les stocks de poisson des Nations Unies - UNFSA). Cet accord impose aux parties l’obligation de protéger l’environnement marin et exige des États qu’ils garantissent l’utilisation durable des stocks de poisson. L’accord demande aux États d’adopter une approche de précaution et de prendre des mesures appropriées pour maintenir ou rétablir les populations d’espèces faisant partie du même écosystème.

Convention on the Conservation and Management of Highly Migratory Fish Stocks in the Western and Central Pacific Ocean (Convention WCPT). Cette convention a pour objectif de garantir la conservation efficace et à long terme et l’utilisation durable des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central conformément à La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) et l’Accord sur les stocks de poissons (UNFSA).

Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable. Ce code est un instrument juridiquement non contraignant mais qui a d’importants liens avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Le code demande aux États d’appliquer des mesures appropriées dans le cadre du principe de précaution pour minimiser les déchets, les rejets, la pêche aveugle et les incidences négatives des activités halieutiques sur les espèces associées ou dépendantes.

Convention sur la diversité biologique (CDB). Bien que cette convention ne traite pas précisément des pêches, elle s’applique à toute la diversité biologique terrestre et marine et, en tant que telle, concerne les pêches. La convention précise les mesures permettant de préserver la biodiversité, y compris des mesures de conservation in situ et ex situ. Des mesures générales pour préserver les ressources et assurer le développement durable d’un point de vue écologique prévoient notamment d’élaborer des politiques, stratégies et programmes nationaux qui tiennent compte des principes énoncés dans la convention.

Convention on Conservation of Nature in the South Pacific. Cette convention a pour objectif de préserver, d’utiliser et de développer les ressources naturelles de la région du Pacifique Sud grâce à une planification et à un aménagement réfléchis pour le bien des générations présentes et futures.

Politiques nationales de protection de l’environnement marin

Le document passe en revue les politiques adoptées par deux pays qui montrent les efforts déployés au niveau national pour encourager des démarches plus responsables vis à vis des pêches dans l’écosystème marin. Il s’agit des mesures prises par l’Australie concernant les océans et de la loi de 1996 sur les océans adoptée par le Canada. Les mesures australiennes ont plusieurs objectifs, notamment de protéger la biodiversité marine et l’environnement maritime du pays et de veiller à ce que l’utilisation des ressources océaniques soit durable d’un point de vue écologique. La loi du Canada impose certaines obligations au Ministère des pêches et des océans en matière de gestion et de conservation des eaux canadiennes. Elle définit également un cadre juridique pour l’élaboration et l’application d’une stratégie nationale de gestion des eaux des estuaires, des côtes et des mers relevant de la juridiction canadienne.

Conclusion

En conclusion, le document analyse les forces et les insuffisances des efforts internationaux déployés pour prendre en compte les principes d’aménagement fondé sur l’écosystème dans les instruments internationaux. Les points positifs les plus importants des instruments internationaux étudiés dans ce document sont les instruments proprement dits, étant donné qu’ils tentent d’établir un cadre mondial pour la conservation et la gestion des environnements et des ressources marins. De plus, tenir compte de la conservation des écosystèmes est également un élément positif puisque l’on s’écarte de l’objectif traditionnel axé sur les espèces et les stocks. Cette nouvelle approche permettra également une plus grande participation des organismes régionaux à l’élaboration de mesures d’aménagement marin et côtier intégré. Toutefois, il faut mentionner plusieurs éléments négatifs dont le principal est que plusieurs États ne sont pas parties à ces instruments, ce qui en limite le champ d’application. Les dispositions prévues sont souvent vagues et ambiguës en ce qui concerne la protection de l’environnement marin, et elles devraient être beaucoup plus précises à propos des obligations incombant aux États en matière de protection de l’environnement. Même si plusieurs instruments précisent que la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, la surveillance et le respect sont les principales questions dont il faut s’occuper, il sera difficile, voire impossible, d’effectuer une surveillance globale et efficace d’une superficie aussi vaste. En outre, nombre de pays, en particulier des pays en développement, auront du mal à trouver les ressources suffisantes pour appliquer plusieurs des mesures énoncées dans les instruments internationaux.

Tenir compte de considérations liées à l’écosystème dans l’aménagement des pêches: perspectives de la grande industrie (Bernt O. BODAL)

Au niveau international, la grande industrie regroupe à la fois les opérations de récolte et de transformation à terre et en mer. Comme pour tous les secteurs de l’industrie halieutique, les performances de la grande pêche sont tributaires à divers degrés des contraintes imposées par les gouvernements et les institutions. Les chiffres montrent que le niveau de pêche responsable pratiqué dans n’importe quel secteur de cette industrie dépend largement du niveau de responsabilisation au sein des gouvernements et des institutions réglementaires ainsi que de l’engagement du secteur halieutique à se livrer à une pêche responsable.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi certaines pêches attirent de grands navires: zones de pêche éloignées, abondance des ressources, nature périssable du poisson, nécessité d’équipement de production à forte utilisation de capital et conditions de pêche difficiles et dangereuses. Dans un tel environnement, seule la grande pêche peut offrir des produits de la mer à des prix rentables. Sans les économies d’échelle qui vont de pair avec une industrie importante, cette source de protéines serait laissée au fond des mers, où ne serait accessible qu’aux personnes aisées.

Greenpeace et d’autres ONG ont attaqué à plusieurs reprises le secteur halieutique en l’accusant de pratiquer des activités non durables et de piller le fond des mers. Toutefois, dans le Pacifique Nord qui relève de la juridiction des États-Unis d’Amérique, les faits remettent en question une telle accusation. La pêche dans cette région est considérée par beaucoup comme l’une des pêches gérées de façon plus responsable et plus conservatrice que n’importe où ailleurs dans le monde. Avec près de trente années d’activités de pêche commerciale, aucune des 63 espèces de poissons de fond se trouvant dans cette zone n’appartient à la catégorie des espèces surexploitées ou ne se rapproche d’un niveau de surpêche. Le lieu noir de la mer de Béring, la pêche la plus importante des États-Unis, est actuellement à un niveau de biomasse élevé de 10 millions de tonnes métriques. Le taux de récolte autorisé de cette espèce en 2001 est bien inférieur aux captures biologiques acceptables fixées à 1,85 millions de tonnes et correspond à la moitié environ du rendement maximal soutenable.

La première raison qui explique la bonne santé et la durabilité de ces pêches est l’application responsable du principe de précaution dans le calcul des contingents et dans la gestion globale de la pêche depuis la mise en place de la zone économique exclusive (ZEE) des 200 miles à la fin des années 70. Outre des niveaux prudents de capture autorisés, les récoltes sont étroitement surveillées et font l’objet de rapports réguliers. Pour la pêche au lieu noir en Alaska et au merlan dans le Pacifique, les grandes flottes sont tenues d’avoir en tout temps à bord de leurs navires deux observateurs fédéraux qui recueillent des données à propos de 99 pour cent de toutes les remontées. Cent pour cent du poisson capturé est pesé et les données sont communiquées quotidiennement au Service national des pêches marines, l’institution responsable de la surveillance pendant la saison de pêche. Les contrôles réglementaires et bénévoles des captures annexes effectués depuis 20 ans sont des outils importants. Ainsi les grandes flottes opérant dans le Pacifique Nord peuvent réagir rapidement à une modification de ces captures annexes et se déplacer dans des zones où elles sont moindres. C’est ce que démontre le taux global de captures annexes de 0,6 pour cent pour le lieu noir, le plus faible des principales pêches mondiales.

L’aménagement des pêches dans le Pacifique Nord des États-Unis a également introduit des zones marines protégées pour préserver les habitats. Pour protéger celui des poissons et des crabes dans la mer de Béring orientale, les zones ont été fermées au chalutage de fond sur 30 000 miles carrés, soit environ 25 pour cent de l’ensemble de la zone de pêche. D’autres mesures fondées sur l’écosystème prévoient notamment l’interdiction de pêcher dans le Pacifique Nord les stocks qui constituent les importantes espèces proies pour les oiseaux de mer et les mammifères marins. En outre, le Service national des pêches marines conduit des recherches et gère non seulement les stocks de poisson visés, mais également les espèces de poisson, d’oiseaux de mer et de mammifères marins non visés et il tient compte des relations entre ces espèces et les forces physiques et chimiques du milieu marin.

Les grandes flottes du Pacifique Nord-Ouest et de l’Alaska ont été favorables à un aménagement fondé sur l’écosystème. Elles sont toutes conscientes que leur viabilité économique dépend de la durabilité des ressources et partagent donc un engagement à long terme vis-à-vis de la bonne santé de ces ressources.

Tout récemment, l’évolution de la législation des États-Unis a permis à la grande industrie d’explorer de nouveaux domaines, tels que les coopératives de récolte qui assignent des contingents aux navires, ce qui met fin à la course effrénée au poisson. À une époque où la plupart des pêches dans le monde sont largement surcapitalisées et gèrent l’effort de pêche par le biais de contingents concurrentiels qui font que les navires se livrent à une concurrence aussi féroce que possible, le gâchis et l’inefficacité sont monnaie courante. Dans certaines pêches, les coopératives de récolte se sont avérées bien plus efficaces que les contingents en permettant une réduction des captures annexes et en encourageant par ailleurs une reprise de la transformation des produits de la mer avec pour résultat une augmentation impressionnante de 36 pour cent de la pêche au lieu noir. Les coopératives de récolte permettent également de répartir l’effort de pêche plus régulièrement dans l’espace et le temps, réduisant ainsi le potentiel d’appauvrissement localisé des ressources. Parce qu’elles encouragent la responsabilisation individuelle et donc un rôle significatif dans la gestion de la ressource, leurs membres sont prêts à apporter à la fois sur le plan logistique et financier leur appui à la recherche scientifique pour améliorer les évaluations des ressources, accroître la surveillance et tester de nouvelles méthodes de pêche. Par exemple, la coopérative de conservation du lieu noir contribue à hauteur de 1,4 million de dollars E.-U. par an à la recherche halieutique.

Dans le Pacifique nord-américain, l’industrie de la grande pêche et American Seafoods sont tout à fait favorables à la fourniture d’informations scientifiques fiables et ils se rendent compte que des pêches durables, telles que celles de la mer de Béring orientale, ne sont possibles que si l’on dispose de données fiables sur l’état des stocks et les captures. Intégrer des données complémentaires sur l’écosystème dans les plans d’aménagement des pêches existants est un processus continu qui exige une analyse précise et globale. Dans de nombreuses parties du monde toutefois, cela se fait déjà et les efforts devraient se poursuivre tant que l’on peut prouver des avantages mesurables et évidents pour l’environnement et les parties prenantes. Avec de bonnes motivations, l’industrie halieutique peut générer une énergie positive et créative aux fins de pratiques d’aménagement responsables et de la recherche dans le domaine halieutique.

Perspectives de la petite pêche dans le cadre d’une approche d’aménagement des pêches fondée sur l’écosystème (Sebastian MATHEW)

En 1992, Action 21 de la CNUED a mis en évidence les questions de protection et de préservation d’écosystèmes marins très divers et les problèmes que des écosystèmes dégradés posaient aux activités de pêche marine. L’Accord de 1995 des Nations Unies sur les stocks de poisson mentionnait la nécessité de préserver l’intégrité des écosystèmes et d’étudier les problèmes causés par la pêche et la dégradation de ces écosystèmes. De plus, le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable de 1995 accordait une importance plus grande à une approche d’aménagement des pêches fondée sur l’écosystème.

Ce Code accorde une attention spéciale à la pêche artisanale et à la petite pêche et c’est en fait l’unique sous-secteur halieutique qui y soit spécifiquement mentionné, lequel contribue pour plus d’un quart aux captures mondiales et pour la moitié aux poissons utilisés pour la consommation humaine directe.

Individuellement, les unités utilisées pour la petite pêche sont moins menaçantes pour l’écosystème marin que celles utilisées par les grandes flottes étant donné qu’elles pêchent plusieurs espèces, avec un petit nombre d’engins qui sont souvent peu agressifs et sélectifs et qu’elles respectent les ressources qui ne peuvent être capturées par leurs engins qu’à certaines saisons.

Avec l’adoption généralisée de la motorisation, la petite pêche s’est considérablement développée au cours des deux dernières décennies. L’expansion rapide de la capacité de la pêche artisanale dans le cadre de systèmes d’accès ouvert a commencé à exercer des pressions sur les ressources halieutiques côtières, en particulier en Asie et en Afrique. Les conflits sont de plus en plus nombreux entre différents groupes d’engins en raison d’une plus grande mobilité des navires de pêche, d’une expansion de la capacité et des pressions dues à la surpêche.

Dans le scénario actuel, il est urgent que les États mettent en place des mesures d’aménagement des pêches aux fins d’une plus grande équité et durabilité par le biais de mécanismes consultatifs. Il faudrait à cet égard accorder davantage d’attention aux petites pêches et ne plus viser essentiellement des objectifs de production, mais plutôt de conservation et d’aménagement.

Pour initier des mesures d’aménagement des pêches dans les pays en développement, il faudrait adopter une approche type “mots-croisés”, c’est-à-dire remédier aux lacunes d’aménagement qui sont relativement faciles à combler en premier, puis s’atteler aux plus difficiles en s’aidant des résultats ou des solutions précédemment trouvés.

Il pourrait y avoir également des initiatives mondiales en faveur d’un aménagement des pêches dans les pays en développement. Les pays industrialisés en premier ne devraient pas transférer leurs capacités de pêche excédentaire dans ces pays. Il faudrait également concevoir un programme d’aide internationale rationnel et limité dans le temps en échange d’un engagement à aménager les pêches de façon consultative, transparente et durable.

En ce qui concerne la petite pêche qui est surpeuplée dans les pays en développement, les pays industrialisés pourraient contribuer à alléger une telle pression sur la pêche en facilitant le transfert temporaire de la main-d’œuvre excédentaire dans leurs pêches, notamment celles qui souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre.

Parallèlement à l’élaboration et à l’application de mesures concernant principalement l’incidence de la pêche sur les stocks de poisson et l’habitat marin, il faudrait également des mesures visant à réduire au minimum l’effet de la dégradation de l’habitat due à la pollution sur les stocks de poisson et à mieux comprendre les liens complexes entre facteurs météorologiques et climatiques. Les programmes visant à préserver les espèces “charismatiques” telles que lions de mer, dauphins et tortues de mer, sont parfois contre-productifs lorsque ces ressources se multiplient en grand nombre et concurrencent les autres espèces pour leur alimentation, sans contribuer de façon significative à la bonne santé de l’écosystème marin.

Contrairement au modèle fondé sur une seule espèce qui est de loin le modèle plus utilisé en matière d’aménagement des pêches dans la plupart des régions du monde, une démarche fondée sur l’écosystème pourrait être efficace dans les pays en développement, étant donné qu’elle pourrait prendre en compte la complexité des écosystèmes marins et côtiers.

Toutefois, une définition universellement acceptable de l’aménagement des pêches fondé sur l’écosystème doit considérer les pêcheurs comme faisant partie de l’écosystème, élément important pour les pays en développement qui représentent 95 pour cent de la population halieutique du monde et détiennent plus de 60 pour cent des ressources halieutiques marines.

Une approche fondée sur l’écosystème doit être utilisée dans un sens dialectique. Elle doit d’une part tenir compte des effets de la pêche sur les stocks de poisson, notamment de l’impact inégal de la petite pêche ou de la grande pêche pratiquée dans des situations économiques, sociales et politiques différentes sur les stocks visés et les écosystèmes marins et côtiers. Par ailleurs, elle devrait prendre en compte les effets des écosystèmes marins et d’autres moyens de subsistance pour les pêcheurs. Cela entrerait dans le cadre de ce que l’on pourrait considérer comme une approche fondée sur l’écosystème en matière de gestion des pêches mentionnée dans Action 21 et l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson.

Point de vue d’un écologiste sur la pêche responsable: besoin d’approches holistiques (Tundi AGARDY)

Le nouveau millénaire marque une époque où les points de vue scientifique et les sentiments écologiques convergent enfin sur le fait que le patrimoine marin naturel du monde se trouve confronté à de sérieuses menaces. Ce que les écologistes en sont venus à appeler la “crise de la biodiversité marine” est un phénomène qui se répand partout et qui est maintenant dûment prouvé, se produisant jusque récemment pratiquement sans se faire remarquer sous l’apparence inchangée, semble-t-il, de la surface des océans. Le fait que ce problème soit essentiellement invisible le rend d’autant plus insidieux et, en raison de nos partis pris de terrien, le surmonter constitue une tâche immense et difficile. L’impact humain sur nos océans revêt différentes formes et résulte d’activités, telles que surpêche, assèchement des terres humides et déforestation côtière, qui affectent directement les espèces mais également d’activités qui ont une incidence directe sur les océans, par exemple sources de pollution terrestre, détournement des cours d’eau de leur estuaire, espèces envahissantes et changement climatique.

En raison de l’ampleur grandissante des dégradations côtières et des conflits en matière de pêches dans le monde, depuis peu les groupes écologistes s’occupent de plus en plus de l’aménagement des pêches et de la résolution des conflits. Pour traiter les problèmes de la pêche, la plupart des organisations tentent d’appuyer leurs projets et leurs propositions sur les meilleures informations scientifiques disponibles. Parfois, elles réalisent des recherches, élaborent des modèles prévisionnels et des méta-analyses dans leurs propres locaux. Mais dans la plupart des cas, les ONG reçoivent les informations scientifiques et établissent des contacts avec les communautés scientifiques, les décideurs et le public. Les principales informations qui étayent les campagnes et les projets de terrain concernent trois aspects de la durabilité: i) le niveau des ressources que l’on peut récolter sans incidence néfaste sur l’écosystème étant donné les conditions de cet écosystème au moment de la récolte; 2) les moyens les moins agressifs grâce auxquels cette récolte peut avoir lieu au niveau souhaité, de sorte que l’incidence sur l’habitat et les captures annexes soit réduite au minimum; et 3) les stocks convenant le mieux à une récolte à grande échelle, à savoir protéger les stocks qui sont les seuls représentants d’organismes génétiquement uniques et les stocks dont le rôle écologique est très important et donc non redondant.

Toutefois, les groupes écologiques sont aussi divers dans leurs caractéristiques, leur approche et leur composition que les problèmes environnementaux qu’ils traitent. Leurs fonctions sont variées et ils peuvent aussi bien fournir des informations, traduire un langage scientifique dans une langue plus accessible, servir d’honnêtes courtiers (même si leur propre système de valeur amène certains à douter de leur honnêteté), de défenseurs ou de partisans de certains types de réforme ou mesures réglementaires et devenir les adversaires des organismes d’aménagement du secteur lorsqu’ils mettent en cause les contentieux écologiques. Dans bon nombre de ces rôles, les groupes écologiques ont été considérés comme l’antithèse du développement, des intérêts des entreprises et des besoins de nombreux groupes d’usagers. Pourtant aujourd’hui, ils jouent un rôle non antagoniste de plus en plus important en démontrant comment la conservation et l’utilisation durables peuvent être réalisées grâce à des projets de conservation appliquée pratiques qui profitent aux usagers, aux communautés, aux entreprises et aux intérêts nationaux. Si l’on peut dire qu’il existe une réponse écologique commune face à la perte de la biodiversité marine induite par les pêches (hypothèse dangereuse étant donné la diversité des groupes et de leur approche), elle consiste à regrouper les informations existantes, à les communiquer et à préconiser des changements dans les politiques et les réglementations là où cela semble nécessaire. En outre, certains groupes vont au-delà d’une réforme de l’aménagement pêche par pêche et préconisent: i) de déplacer la charge de la preuve lorsque l’on évalue l’incidence des pêches sur les écosystèmes et ii) de créer des réserves marines rigoureusement protégées pour améliorer notre connaissance des espèces, des habitats et des processus écologiques et les protéger, soit dans le cadre de zones polyvalentes plus larges permettant de satisfaire un vaste éventail d’usagers, soit dans le cadre d’un réseau de réserves conçu scientifiquement, ou alors en tant que simple outil parmi tous ceux utilisés dans des approches par corridor, pour l’aménagement côtier et la planification régionale.

Du point de vue de l’écologiste ou du conservateur, les solutions ne consistent pas à fermer les pêchers, mais plutôt à modifier la façon dont nous organisons l’aménagement et à sensibiliser le public pour contribuer à faire naître une volonté politique de préserver les systèmes marins. Associer sensibilisation et pouvoir d’achats du consommateur à un aménagement rigoureux et efficace pourrait effectivement réduire les pressions exercées sur de nombreuses espèces marines et permettre ultérieurement leur rétablissement. En outre, les groupes écologiques devront reconnaître et soutenir la volonté dont feront vraiment preuve les institutions gouvernementales et les décideurs pour protéger les zones nécessaires à la reproduction, à l’alimentation et à la migration grâce à des réserves marines et les aider à conclure des accords internationaux contraignants pour protéger les ressources partagées ou communes. En mettant en évidence de tels succès potentiels et en montrant comment on peut obtenir des résultats, les groupes écologiques peuvent commencer à se débarrasser de leur image d’adversaires extrémistes et aider les organismes décisionnels à appliquer des systèmes d’aménagement efficaces et bénéfiques.

Il est possible désormais de dégager quelques éléments communs des analyses de cas où l’aménagement des pêches et la conservation marine ont été couronnés de succès et d’en tirer des enseignements. Toutes les initiatives sont fondées sur une approche holistique, qui considère les ressources vivantes renouvelables dans le cadre d’un écosystème plus large et interconnecte, évalue tous les aspects de la production et du développement et traite les êtres humains en tant qu’éléments bone fide de systèmes vivants. Des approches intégrées tiennent compte de l’interconnexion des écosystèmes et du véritable coût écologique des pêches, de l’ensemble de la chaîne de production et de ses coûts environnementaux, ainsi que des interconnections humaines et par conséquent des coûts sociaux (et des avantages) liés au développement des pêches. Les solutions holistiques sont celles qui reconnaissent ces connections et tentent de minimiser les coûts écologiques, environnementaux et sociaux tout en maximisant les bénéfices (et le partage des bénéfices) qui peuvent résulter d’un engagement à utiliser des ressources marines bien gérées. Étant donné l’ampleur et la complexité des problèmes concernant les pêches mondiales, seuls des principes holistiques de ce type permettront aux États de parvenir à une pêche responsable à l’avenir.

La géographie écologique, un cadre pour le passage à une pêche responsable (Daniel PAULY, Reg WATSON et Villy CHRISTENSEN)

Répondre à l’exigence largement exprimée selon laquelle la gestion des pêches devrait d’une manière ou d’une autre être “fondée sur l’écosystème” suppose que les processus écologiques touchant aux pêches, et les pêcheries elles-mêmes, soient documentés par des cartes. On pourrait ainsi retrouver, de façon intuitive, quelques-uns au moins des nombreux aspects des écosystèmes complexes dans lesquels les pêches sont implantées.

Le passage implicite, dans la science halieutique, de séries chronologiques à deux variables, à des cartes, en tant que procédé heuristique ambitieux, comporte diverses conséquences - certaines évidentes, d’autres moins - dont plusieurs sont examinées et illustrées ici. Parmi les questions traitées figurent: 1) la nécessité d’adopter une taxinomie consensuelle des grands écosystèmes marins; ii) la nécessité d’établir des cartes des captures en l’absence de relevés concrets spécifiant ce qui a été pris et où; iii) l’identification correcte du public visé; et iv) la cartographie des réserves et des zones maritimes protégées.

La gravité de la crise frappant les pêches est mise en relief dans ce processus, et il existe des arguments solides établissant que, si les pêches doivent parvenir un jour à un certain degré de durabilité - quelle qu’en soit la définition - il faudra finir par les limiter, non seulement sur le plan de l’effort qui peut être effectivement entrepris, mais aussi dans l’espace, ce qui conduira à modifier les normes implicites des pêches, permettant actuellement d’exploiter TOUTE la faune aquatique, bien qu’avec quelques restrictions.

Le fonctionnement des ecosystemes marins (Philippe CURY, Lynne SHANNON et Yunne-Jai SHIN)

Un écosystème marin contient de l’eau, des détritus et des centaines de types d’organismes, dont des bactéries, du phytoplancton, du zooplancton, des poissons, des mammifères et des oiseaux. Toutes ces composantes sont liées par des interactions en mutation constante dans le cadre d’un réseau trophique complexe. La complexité intrinsèque des systèmes écologiques gouvernés par des interactions à de multiples niveaux et échelles peut expliquer les raisons pour lesquelles, jusqu’à une date récente, la gestion des pêches a été en grande partie fondée sur des approches axées sur une seule espèce. La gestion fondée sur l’écosystème représente en réalité un changement de paradigme, ainsi qu’une nouvelle attitude vis-à-vis de l’exploitation des ressources marines renouvelables. Dans les études écologiques, l’écosystème est maintenant envisagé sous l’angle de l’intégration, et sa complexité globale est jugée essentielle pour sa durabilité. Il devient également important de comprendre quelles atteintes un écosystème peut tolérer avant que d’importants changements structurels ne se produisent, et si ces changements sont réversibles. À cet égard, une meilleure compréhension de la dynamique des écosystèmes est fondamentale pour prévoir et gérer les conséquences de la variabilité de l’environnement et de l’impact des interventions humaines, telles que les pêches maritimes, activité visant des espèces et des catégories de taille spécifiques. Tout indique que la variabilité de l’environnement joue un rôle de premier plan dans la détermination de l’importance et de la répartition des populations marines, et que les pêches altèrent le fonctionnement et l’état de l’écosystème.

Cette étude générale présente les connaissances écologiques théoriques les plus récentes, apporte des informations sur les nouvelles structures écologiques à l’échelle des écosystèmes, et traite des questions relatives à l’exploitation des ressources marines. Les écosystèmes marins fonctionnent-ils différemment des écosystèmes terrestres? Existe-t-il de multiples états stables des écosystèmes marins? La suppression des prédateurs situés au sommet de la chaîne dans les écosystèmes marins entraîne-t-elle des modifications fondamentales dans le plancton (“cascades trophiques” descendantes), ainsi qu’il a été observé dans les lacs? Ou bien les écosystèmes marins sont-ils caractérisés par une régulation s’exerçant du bas vers le haut, telle que la capture des poissons prédateurs ne perturbe ni la structure ni la fonction des populations? La suppression de vastes quantités d’espèces nourricières, comme les anchois et les sardines, se traduit-elle par des changements dans le fonctionnement des écosystèmes de remontée? Les réponses à ces questions sont fonction des différents mécanismes de circulation de l’énergie supposés intervenir dans l’écosystème marin. On les a donc analysés: régulation du bas vers le haut (exercée par les producteurs primaires); régulation du haut vers le bas (exercée par les prédateurs); et régulation “en sablier” (exercée par les espèces dominantes).

En conclusion, aucune théorie générale ne peut être appliquée au fonctionnement des écosystèmes marins dans la mesure où il dépend de leur structure, de leur diversité et de leur intégrité. La compréhension des phénomènes écologiques et les modèles relatifs au fonctionnement des écosystèmes sont provisoires et susceptibles d’être modifiés, et le bon sens ne suffit pas lorsque l’on étudie des systèmes dynamiques complexes. Cependant, des généralisations provisoires et partielles sont proposées, notamment: la régulation du bas vers le haut domine, la régulation du haut vers le bas contribue à modérer les fluctuations au niveau des écosystèmes, les cascades trophiques se produisent rarement, et la régulation “en sablier” est très probable dans les systèmes à remontée. En outre, les modifications de régime, l’alternance et les fluctuations synchronisées sur une grande échelle dans les stocks de poisson, la stabilité des populations ichtyques et les caractéristiques nouvelles telles que les éventails de taille, sont des paramètres potentiellement importants lorsque l’on évalue l’état et la transformation des écosystèmes marins. Des indicateurs nouveaux et pertinents, fixés sur la base de notre connaissance actuelle du fonctionnement des écosystèmes marins, peuvent être utilisés pour évaluer l’impact des pêches et encourager une pêche responsable dans ces écosystèmes.

Les réseaux trophiques océaniques: qui mange qui et en quelle quantité? (Andrew W. TRITES)

S’agissant des écosystèmes marins, plus de 100 réseaux trophiques ont fait l’objet de publications, décrivant le transfert de l’énergie alimentaire depuis sa source dans les plantes jusqu’aux carnivores, par l’intermédiaire des herbivores, et jusqu’aux prédateurs des ordres supérieurs. Il ressort de l’étude de ces réseaux que la longueur des chaînes qui les forment est habituellement courte (3-4 liens), et que peu d’espèces se nourrissent à plus d’un niveau trophique. Il semblerait également que les écosystèmes ayant de longues chaînes alimentaires soient moins stables que ceux ayant des chaînes plus courtes.

L’examen du contenu des estomacs est le principal moyen de déterminer ce que les organismes marins mangent. Parmi les techniques mises au point plus récemment, on peut citer l’analyse des fèces et les signatures des acides gras provenant d’échantillons de sang ou de graisse. La consommation a été estimée à partir du volume de nourriture trouvé dans les estomacs, du rythme d’alimentation des individus en captivité, et des modèles bioénergétiques. La consommation d’organismes marins, exprimée en pourcentage du poids corporel d’un individu par jour, varie comme suit: entre 20 et 30 pour cent pour le zooplancton, jusqu’à 10 pour cent pour les céphalopodes, entre 1 et 4 pour cent pour les poissons, entre 4 et 8 pour cent pour les mammifères marins, et entre 15 et 20 pour cent pour les oiseaux de mer. Les catégories d’âge immature consomment environ deux fois plus (par unité de poids corporel) que les individus matures. Par ailleurs, la consommation n’est pas constante tout au long de l’année, mais elle varie de manière saisonnière en fonction des périodes de croissance et de reproduction. La plupart des groupes d’espèces consomment 3 à 10 fois plus qu’ils ne produisent, et exportent ou transmettent vers le haut du réseau trophique de 70 à 95 pour cent de leur production. En règle générale, aux niveaux trophiques successifs, les organismes marins deviennent plus grands et ne peuvent consommer que des aliments d’une taille déterminée. Les hommes sont l’une des rares espèces pouvant trouver des proies pratiquement à n’importe quel niveau de la chaîne alimentaire et de n’importe quelle taille.

La compétition pour la nourriture dans les océans: l’homme et les autres prédateurs du sommet de la chaîne (Tsutomu TAMURA)

Il est important de comprendre l’écologie de l’alimentation des cétacés car, dans les écosystèmes marins, ce sont des prédateurs du sommet de la chaîne jouant un rôle déterminant dans le réseau trophique. Par ailleurs, les interactions entre les cétacés et les pêches posent aujourd’hui un grave problème à l’échelle mondiale. De nombreuses organisations halieutiques internationales ont préconisé de mettre au point des systèmes de gestion intégrant plusieurs espèces. Il s’agit d’une question importante dans le contexte de la sécurité alimentaire mondiale étant donné que, d’après les estimations, les cétacés consommeraient de trois à cinq fois la quantité de ressources marines récoltées pour la consommation humaine. Dans les eaux baignant le Japon, certaines pêches enregistrent un recul de leurs captures tandis que, parallèlement, d’après l’échantillonnage provenant du programme de recherche, les baleines minke mangent au moins dix espèces de poisson, y compris des anchois japonais, des balaous du Pacifique, des goberges de l’Alaska et d’autres espèces importantes au plan commercial.

Le Japon a conduit de 1994 à 1999 un programme de recherche sur les baleines dans le nord-ouest du Pacifique au titre d’une autorisation spéciale, ainsi qu’il est spécifié à l’article VIII de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine. Plusieurs questions d’ordre scientifique étant restées en suspens après le programme de 1994-1999, une deuxième phase de recherche - une étude de faisabilité pour les années 2000 et 2001 - a démarré en juillet 2000. Cette phase, qui a pour priorité l’écologie de l’alimentation, comprend des études sur la consommation de proies par les cétacés, sur leurs préférences à cet égard, et sur la modélisation des écosystèmes.

En 2000, première année de ce programme de recherche, des observations intéressantes et de nouvelles constatations ont été faites sur la répartition des baleines minke et de Bryde, ainsi que sur les espèces et la taille des poissons, du krill et des calmars qu’elles consomment. Alors que les résultats du précédent programme de recherche sur les baleines mené dans le nord-ouest du Pacifique ont montré que les baleines minke se nourrissent surtout de balaous du Pacifique au coeur de l’été, les travaux de recherche de 2000 ont indiqué que ces baleines ont pour proies les anchois japonais, les calmars ordinaires et les goberges de l’Alaska, confirmant de nouveau que les baleines minke sont en concurrence avec les pêches et que leurs habitudes alimentaires sont variables et diversifiées. Les travaux de 2000 ont également montré que les zones fréquentées par les baleines de Bryde coïncident avec les lieux de pêche à la bonite à ventre rayé. Les baleines de Bryde se nourrissant d’anchois japonais, qui sont également la proie de la bonite à ventre rayé, il ressort des résultats que les baleines de Bryde et les bonites à ventre rayé se disputent les anchois. L’estomac de chaque cachalot analysé contenait une grande quantité de différentes espèces de calmars. L’analyse en cours du contenu des estomacs, notamment des becs de calmars, contribuera à apporter des éclaircissements sur l’écologie de l’alimentation des cachalots.

Modèles d’écosystèmes plurispécifiques (Gunnar STEFANSSON)

Les dernières décennies du vingtième siècle ont vu apparaître et être appliqués pour la première fois des modèles plurispécifiques d’écosystèmes marins tandis que, parallèlement, l’importance potentielle des interactions plurispécifiques, à prendre en compte lors de la gestion des pêches, était généralement reconnue.

Les effets plurispécifiques peuvent comprendre des interactions biologiques et techniques. Les interactions techniques sont souvent préoccupantes, notamment lorsque l’on estime que le rejet de certaines espèces est une conséquence du système de gestion. Les interactions biologiques peuvent modifier radicalement le contexte dans lequel un écosystème est exploité, étant donné qu’une pêche ou un moratoire portant sur un prédateur peut changer totalement les perspectives de survie d’une proie et qu’à l’inverse, pêcher une proie peut influer sur le développement d’un prédateur.

La recherche moderne sur la modélisation plurispécifique a un caractère hautement pluridiciplinaire, faisant appel aux connaissances spécialisées en matière de science halieutique, de biologie ichtyque, d’écologie, d’hydrographie, de mathématiques, de statistiques, d’économie, de recherche opérationnelle et d’informatique. À mesure que les modèles deviennent plus détaillés et complexes, ils sont en mesure de traiter un plus grand nombre de questions intéressant les responsables de la gestion, mais dans le même temps il est de plus en plus difficile d’interpréter les résultats.

Certaines questions fondamentales se posent dans ce contexte plurispécifique, en particulier lorsque la pêche est envisagée dans l’optique du principe de précaution. Plusieurs travaux de recherche plurispécifiques ont indiqué qu’une pêche plus soutenue avec des mailles de taille inférieure pourrait être plus rentable pour l’industrie halieutique alors que, d’après la plupart des études précédentes axées sur une seule espèce, une pêche exerçant une pression peu importante, en particulier sur les poissons jeunes, serait bénéfique pour la ressource et pour la pêche. Il ressort des conclusions d’autres travaux de recherche que certaines considérations économiques, telles que le rendement économique maximum, pourraient ne pas être applicables et qu’elles n’ont pas permis de parvenir à une utilisation soutenue alors que, dans l’optique classique, les vues économiques à long terme conduiront à une exploitation durable des ressources.

Le présent document vise à résoudre certains de ces conflits apparents, mettant à profit le caractère pluridisciplinaire de la science halieutique. On voit que pratiquement tous les points de vue débouchent sur la conclusion que la pêche exerçant une pression peu importante n’est pas seulement durable, mais qu’elle respecte aussi le principe de précaution. Par ailleurs, presque tous les travaux plurispécifiques confirment qu’il est nécessaire de réduire la pression exercée par la pêche.

On fait également valoir que les mesures de gestion simples, comme les quotas, la régulation de l’effort de pêche ou la fermeture par zones, pourraient à elles seules ne pas suffire à assurer la viabilité des pêches dans des écosystèmes plurispécifiques.

Aperçu des multiples utilisations des écosystèmes marins (Andy A. ROSENBERG)

L’intégration des considérations relatives aux écosystèmes dans les politiques de gestion des pêches présuppose que nous comprenions, au moins sur le plan conceptuel, comment les autres utilisations concurrentes des océans influent sur les propriétés des écosystèmes. L’évacuation des substances contaminantes, le transport maritime, l’exploitation des ressources en pétrole et en gaz, l’exploitation sous-marine des sables et des graviers, la pose de câbles de communication, l’écotourisme, l’aquaculture, les activités de loisir, ainsi que la pêche, la conservation et la préservation, figurent parmi les utilisations des océans. Dans un certain sens, le changement climatique peut être considéré comme une utilisation concurrente de l’océan du fait des modifications radicales de l’écosystème qu’il peut induire.

Les interactions de la pêche et des pêcheries avec les autres utilisations de l’océan peuvent être classées en effets directs, effets indirects et effets complexes. Une activité non halieutique a un effet direct sur la pêche (ou la pêche un effet direct sur elle-même) lorsque cette activité a une incidence sur la mortalité des stocks de poisson dans l’écosystème. C’est ainsi que les captures accessoires sont un effet direct de la pêche sur les pêcheries. Les captures accessoires peuvent être cause de mortalité aux stades juvéniles pour d’importantes espèces commerciales. Les substances contaminantes chimiques ou provenant de nutriments peuvent provoquer des hécatombes parmi les organismes marins en raison de leur toxicité ou de la création de zones d’anoxie. Les initiatives de conservation et de préservation peuvent influer directement sur les pêcheries en réduisant le taux de mortalité due à la pêche. Dans ce cas, l’effet sur la production halieutique peut être positif ou négatif. Si la ressource est surexploitée, la réduction de la mortalité peut permettre de la reconstituer et d’augmenter la production. Dans le même temps, les initiatives visant à protéger une grande partie d’un écosystème peuvent entraîner une diminution de la proportion des stocks de poisson importants au plan commercial disponibles pour l’exploitation.

Il y a effet indirect lorsqu’une activité modifie la productivité de populations ichtyques commercialement importantes, en raison de son incidence sur la reproduction ou la croissance. À titre d’exemple, la destruction des habitats due à des activités extractives peut avoir pour effet de réduire la productivité, car la perte d’habitat peut ralentir la croissance pendant les stades juvéniles ou compromettre la reproduction. Le changement climatique risque de réduire la disponibilité des espèces nourricières, limitant ainsi la productivité d’espèces commercialement importantes. Les initiatives de conservation et de préservation peuvent accroître la productivité du fait de l’abondance des proies ou de la plus grande disponibilité d’habitats de qualité supérieure.

Il y a effet complexe lorsque les impacts conjugués de trois facteurs ou plus influent sur l’écosystème marin dont les pêches sont tributaires. C’est ainsi que la productivité des écosystèmes peut diminuer sous l’effet conjugué de la perte des habitats et de la présence de contaminants. La perte des habitats limite l’espace disponible pour l’alimentation, la croissance, la ponte ou les zones d’alevinage et, en raison de la contamination, l’habitat restant risque de ne plus convenir, même s’il n’y a pas de mortalité massive. Ces effets se produisent dans les zones proches des côtes ou dans les estuaires, sous l’effet conjugué du comblement des estuaires et du ruissellement provenant des terres exploitées. L’aquaculture peut être responsable de la dégradation des habitats et provoquer des interactions concurrentielles entre le poisson sauvage et celui d’élevage, ce qui conjointement réduit la productivité de l’écosystème et donc des pêches.

Ces catégories ne sont pas exclusives, et leurs démarcations sont assez floues. Elles permettent néanmoins d’établir une classification utile des utilisations concurrentes de l’océan. Cependant, l’ampleur de l’effet produit ne peut être quantifié que pour quelques catégories d’interactions seulement. Il est parfois possible de quantifier les effets directs en estimant les taux de mortalité au cours du temps. Il est moins fréquent de pouvoir quantifier la productivité au cours du temps, et nous sommes rarement capables de comprendre suffisamment bien les interactions complexes pour pouvoir quantifier leur impact. En conséquence, le défi sur le plan scientifique consiste à améliorer notre compréhension et, au bout du compte, notre aptitude à inventorier et à quantifier les effets des utilisations concurrentes des océans.

Le défi sur le plan de l’action consiste à tenir compte de ces impacts en l’absence d’informations complètes ou quantitatives. Le principe de précaution appliqué à la gestion des ressources peut alors servir de guide. Si une interaction négative risque de se produire, les politiques de gestion des pêches doivent être pour l’essentiel prudentes, même si l’ampleur de cette interaction n’est pas connue. Dans la pratique, ceci revient à limiter les utilisations concurrentes qui pourraient porter irrémédiablement atteinte aux pêches, en particulier dans les zones très sensibles. C’est ainsi que les activités d’extraction et de forage devraient être considérées d’un œil très critique s’il est proposé de les mettre en œuvre dans des zones de production halieutique intensive ou à proximité. Même s’il n’existe pas de preuves convaincantes que ces activités sont dangereuses, la prudence est de rigueur, en particulier lorsque les risques potentiels pour l’écosystème sont élevés. En outre, s’il est clair qu’un effet indirect s’est produit ou risque de ne pas pouvoir être évité à l’avenir, les pêches devraient être limitées de manière à correspondre à la capacité productive de l’écosystème, désormais réduite. Si la productivité d’un stock de poissons a été compromise en raison par exemple de la perte d’habitats, il ne sera pas en mesure de supporter la même pression qu’avant cette perte. Que la baisse de productivité soit due à la pêche ou à d’autres causes, il est important de réduire la pression exercée de manière à ne pas ajouter l’erreur de la surpêche à l’erreur que représente la perte d’habitat.

Dans le contexte des politiques de gestion, les utilisations concurrentes des océans risquent d’être dans l’ensemble complexes. Il est également probable que, dans un proche avenir, elles jouent un rôle important, voire primordial, dans la gestion des pêches.

Effets de la peche sur les habitats marins benthiques (Michel J. KAISER, Jeremy S. COLLIE, Stephen J. HALL, Simon JENNINGS, Ian R. POINER)

La pêche influe sur les habitats des fonds marins dans le monde entier. Cependant, ces impacts ne sont pas identiques, ils dépendent de la répartition spatiale et temporelle de l’effort de pêche et varient selon le type d’habitat et l’environnement dans lesquels ils se produisent. Les différentes méthodes de pêche influent sur les fonds marins à des degrés variables. Les lignes de fond remorquées et les dispositifs hydrauliques mettent de nouveau en suspension les couches supérieures de l’habitat sédimentaire et remobilisent donc les substances contaminantes et les fines particules dans la colonne d’eau. L’importance sur le plan écologique de ces effets liés à la pêche n’a pas encore été déterminée.

Les habitats complexes d’un point de vue structurel (prairies marines, récifs biogènes) et ceux qui sont relativement épargnés par les perturbations naturelles (substrats de vase en haute mer) sont plus sérieusement touchés par la pêche que les habitats sédimentaires non consolidés que l’on trouve dans les eaux côtières peu profondes. Les habitats stables et complexes sur le plan structurel sont également ceux qui mettent le plus de temps à récupérer, pour ce qui est de la recolonisation de l’habitat par la faune associée.

Les études comparatives des zones des fonds marins ayant subi divers niveaux d’activités halieutiques montrent que les perturbations chroniques dues à la pêche entraînent la suppression d’espèces à biomasse élevée, composées essentiellement d’organismes naissants provenant des fonds marins. Ces organismes accroissent la complexité topographique des fonds et on a prouvé qu’ils servent d’abri aux jeunes poissons, réduisant leur vulnérabilité face aux prédateurs. Inversement, dans les zones fortement exploitées, les organismes ayant une taille réduite, tels que les arénicoles des pêcheurs et les détritivores, dominent. Un tel changement d’habitat peut induire des modifications dans la composition de la faune ichtyque résidente. La pêche a également des effets indirects sur l’habitat du fait de la suppression des prédateurs qui dominent les organismes ayant une fonction de bio-ingénierie comme les oursins brouteurs d’algues des récifs coralliens. Cependant, ces effets se manifestent uniquement dans les systèmes dans lesquels les liens entre les principaux niveaux trophiques sont limités à moins de dix espèces.

On peut instaurer des régimes de gestion visant à incorporer à la fois des objectifs concernant les pêches et des objectifs de conservation des habitats grâce à l’application judicieuse d’un certain nombre de méthodes, notamment l’exclusion totale ou partielle des lignes de fond remorquées, et à des techniques de fermeture saisonnière et par roulement. Les différents régimes de gestion ne peuvent être formulés et mis à l’essai qu’une fois définis les objectifs et les critères relatifs aux habitats des fonds marins.

Ampleur et impact de la mortalité des captures accessoires due aux engins de pêche (Robin COOK)

Dans la plupart des opérations de pêche, des organismes qui ne sont pas la principale cible et sont généralement désignés sous le nom de captures accessoires sont pris. Il peut s’agir de petits individus des espèces cibles, ou d’autres espèces ayant une valeur marchande limitée, voire nulle. Ce problème est très répandu, les captures accessoires mondiales étant estimées à quelque 20 millions de tonnes, ce qui représente environ un quart des captures totales. En règle générale, la pêche à la crevette produit les plus grandes quantités de captures accessoires et la pêche aux petits poissons pélagiques les plus petites. Dans les pêches démersales mixtes et les pêches aux grands pélagiques, les captures accessoires sont intermédiaires.

Les captures accessoires sont dues aux capacités sélectives imparfaites des engins, mais le problème est aggravé par les pressions économiques résultant de la surexploitation qui conduisent à une utilisation inefficace des ressources et à des modifications quantitatives des espèces, visées ou non. Certaines espèces incluses dans les captures accessoires, notamment certains poissons, reptiles, oiseaux et mammifères, peuvent être menacées de disparition. Du fait de la sensibilisation du public, ces problèmes de conservation influencent de plus en plus la gestion des pêches.

Une grande partie des captures accessoires est simplement rejetée à la mer. L’imposition de réglementations, telles que la taille minimum du poisson débarqué et les restrictions s’appliquant aux captures, risque sans le vouloir d’encourager les rejets. La plupart des poissons rejetés ne survivent pas, mais ce matériel sert à nourrir d’autres organismes, en particulier les détritivores, qui peuvent devenir plus abondants.

Les mesures techniques de conservation, qui supposent de modifier les engins ou les pratiques de pêche, offrent des moyens efficaces de réduire les captures accessoires. Pour les chaluts, on peut utiliser des grilles et des panneaux avec des mailles carrées qui trient les animaux suivant leur taille, laissant échapper une partie de la capture. Pour les engins fixes, on peut appliquer des méthodes permettant d’éviter la capture de grands animaux tels que les oiseaux et les mammifères. Pour que ces engins donnent de bons résultats, il faut cependant surmonter les difficultés que comporte leur manipulation et les pertes économiques à court terme souvent associées à leur utilisation.

Les captures accessoires ne sont que l’une des composantes de la mortalité totale des espèces concernées par la pêche. Ce problème n’est donc pas isolé. Pour y remédier, il faut prendre en considération la question plus vaste de la gestion des ressources, notamment des espèces cibles. Afin de réduire les captures accessoires, il faut s’attaquer au problème chronique de l’exploitation excessive, ce qui reste un important défi à relever dans le monde entier.

Effets de la pêche sur les espèces et sur la diversité génétique (Ellen KENCHINGTON)

La préservation des ressources génétiques est devenue un élément déterminant de la conservation. Cette étude générale a pour objet de faire mieux comprendre l’importance de la conservation de la diversité génétique tant au niveau des espèces qu’à celui des populations au sein d’une espèce. La perte d’espèces dans le milieu marin n’est pas aussi considérable que dans les écosystèmes terrestres ou d’eau douce. Cependant, notre connaissance des effectifs des espèces marines et des cas de disparition est insuffisante. Tandis que, même dans les régions étudiées de manière approfondie, on découvre encore de nouvelles espèces, pour prouver que quelque chose n’est plus là, on a recours à des estimations prudentes des pertes. On a prouvé à l’aide de documents la disparition de mammifères marins et de mollusques gastéropodes. La surpêche a provoqué notamment la disparition de la vache marine de Steller et concouru à la perte du phoque moine des Caraïbes. Au sein des espèces, la diversité génétique est partagée à l’intérieur des populations et entre elles.

La surpêche est considérée comme la principale menace en matière de perte de populations marines, tandis que la dégradation des habitats est une menace pour les espèces anadromes, estuariennes et d’eau douce, la disparition de populations ayant été établie. Le nombre de géniteurs peut fournir des indications permettant aux responsables de la gestion de préserver cet aspect de la diversité au sein d’une espèce, car ils sont souvent identifiables dans l’espace et dans le temps. Certaines espèces, comme le hareng, comptent un grand nombre de populations, tandis que d’autres, comme le maquereau, en ont moins. La pêche peut également altérer la diversité génétique au sein des populations, même lorsque les effectifs sont élevés. Lorsque la pêche est très sélective, elle risque de modifier de manière permanente les caractéristiques d’une population, habituellement dans le sens d’une valeur marchande moindre. Enlever les gros poissons semble généralement favoriser les poissons à croissance lente ou arrivant tôt au stade mature. Aux trois niveaux d’organisation, les paradigmes précédents n’ont pas résisté à l’épreuve du temps. Les espèces marines peuvent disparaître, les poissons de mer ont une structure génétique beaucoup plus importante que l’on ne supposait précédemment, et la pêche sélective peut être à l’origine de différences transmissibles de rendement et de caractéristiques vitales.

Effets de la pêche sur les espèces non visées et sur la structure et la fonction des écosystèmes (Henrik GISLASON)

Les captures des pêches maritimes ont augmenté pendant la majeure partie du vingtième siècle tandis que, parallèlement, leur composition évoluait, passant des espèces plus grandes se nourrissant de poisson aux poissons plus petits mangeurs de plancton. La pêche peut influer sur la composition de la faune en modifiant l’abondance relative et la répartition des tailles des espèces cibles et des captures accessoires, en altérant l’habitat ou en fournissant des rejets aux populations détritivores comme les oiseaux de mer. Ceci peut induire des changements dans les interactions entre espèces, ce qui risque d’influer sur d’autres parties de l’écosystème. Dans certains cas, on a signalé que la raréfaction de populations d’espèces nourricières importantes due aux pêches a eu une incidence sur la croissance, l’abondance et la répartition des populations de poissons, d’oiseaux de mer et de mammifères marins dépendant de ces espèces pour leur alimentation. D’autres études ont montré que les modifications de l’habitat dues aux pêches ont eu pour effet d’éliminer la faune locale. Cependant, la plupart des cas où des changements dans les interactions entre les espèces ont été associés à la pêche ont été observés dans des écosystèmes relativement simples, dans lesquels une grande partie de l’énergie doit passer par une ou plusieurs espèces situées à un niveau intermédiaire dans le réseau trophique. Dans les systèmes plus complexes, les effets de la pêche sont difficiles à distinguer des modifications quantitatives naturelles des espèces, dues à des changements environnementaux concernant par exemple la température et les courants, ou des changements induits par l’homme, comme l’augmentation des quantités de nutriments. Pour la plupart de ces systèmes, on ne sait donc pas de quelle manière la pêche influe sur leur structure et leur fonction générales. On s’est employé à mettre au point des indicateurs globaux de l’impact de la pêche sur les réseaux trophiques marins, mais leur efficacité n’a pas encore été suffisamment étudiée pour permettre leur utilisation dans la gestion des pêches.

Modifications de l’environnement induites par l’homme: effets sur les pêches (Katherine RICHARDSON)

Lorsque l’on étudie la “pêche responsable”, on met généralement l’accent sur les effets potentiels des pêches sur les écosystèmes et les habitats (c’est-à-dire les effets des pêches sur l’environnement). Le plus souvent, le terme “pêche responsable” suppose de changer les pratiques halieutiques afin d’améliorer l’état de l’environnement. Cependant, l’état de l’environnement a lui aussi inévitablement une incidence sur le poisson et donc sur les pêches. De nombreuses activités de la collectivité influent sur l’état des milieux aquatiques. En conséquence, lorsque l’on s’oriente vers une “pêche responsable”, il peut être nécessaire d’envisager également de modifier certaines activités de la collectivité autres que les pêches.

Les effets indirects (c’est-à-dire non halieutiques) sur le poisson et sur les pêches peuvent être répartis en deux catégories: ceux qui ont une incidence sur la structure de l’écosystème ou sur les processus relatifs aux populations, telle que le recrutement dans le stock disponible pour la pêche est réduit, et ceux qui ont une incidence sur la qualité du produit (et donc sur la possibilité de le commercialiser). Les changements environnementaux pouvant influer sur le recrutement sont notamment les changements dans l’utilisation du sol risquant d’altérer les habitats des poissons. La construction de barrages et le détournement de ruisseaux et de cours d’eau peuvent réduire l’accès aux lieux de ponte pour les poissons qui migrent entre l’eau salée et l’eau douce. L’érosion (qui aggrave la turbidité) et l’eutrophisation entraînent par ailleurs des modifications des habitats et des disponibilités alimentaires pouvant également influer sur le recrutement. L’introduction, intentionnelle ou non, de nouvelles espèces dans une région peut modifier les écosystèmes au point de porter gravement atteinte aux pêches. Toutes ces influences sont bien décrites pour les différents stocks ou les zones locales. Cependant, il n’existe pas d’évaluation mondiale de l’impact quantitatif de ces changements sur les pêches.

La contamination chimique des écosystèmes aquatiques peut agir sur la physiologie des organismes et donc à la fois sur le recrutement et sur la possibilité de commercialiser les produits ichtyques. De nombreuses études ont été réalisées concernant la toxicité potentielle des substances contaminantes pour les processus physiologiques, au niveau de la cellule et de l’organisme. Cependant, rares sont celles qui ont analysé l’effet de ces substances au niveau de la population et qui ont cherché à quantifier les effets de la contamination de l’environnement sur les pêches. Le suivi de la concentration des substances contaminantes dans la chair des poissons est, dans de nombreuses régions du monde, un protocole normalisé qui fait partie des mesures de protection de la santé publique, et certaines pêches, notamment en eau douce et en eau de mer semi-close, ont été limitées par suite de cette contamination. Même si, dans la plupart des cas, on a constaté que les concentrations de contaminants dans les poissons sauvages étaient inférieures au niveau de sécurité pour la consommation humaine, des études récentes ont montré par exemple que le niveau de BPC dans la chair des poissons sauvages était plus élevé que celui trouvé dans la viande produite par l’agriculture commerciale. À mesure que l’on connaît mieux les effets des contaminants sur les processus physiologiques humains, les concentrations considérées comme sans danger pour la consommation humaine sont réexaminées et, parfois, réduites. Ainsi, le fait que la chair des poissons sauvages figure parmi les sources courantes de protéines animales pour la population humaine les plus contaminées par les BPC laisse prévoir que les effets environnementaux sur les pêches seront un domaine auquel on s’intéressera de plus en plus dans les années à venir.

Les résultats obtenus par les systèmes de gestion des pêches et le défi lié à l’écosystème (Jon G. SUTINEN et Mark SOBOIL)

Le présent document a trois objectifs. Premièrement, il contient une mise à jour sommaire des constatations utilisées pour l’étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (1997), qui a indiqué quelles mesures de gestion sont efficaces pour conserver les pêches maritimes et produire des avantages sociaux et économiques importants. Dans son rapport initial, l’OCDE a établi que les quotas de pêche individuels sont un moyen efficace de contrôler l’exploitation, d’atténuer la course aux captures et la plupart des effets qui l’accompagnent, de tirer de la ressource une rente et des profits accrus, et de réduire le nombre de participants à une pêche. Les quotas de pêche individuels ont permis de ne pas dépasser le volume admissible total (VAT), déterminé par les autorités chargées de la gestion. Par ailleurs, d’après les éléments recueillis par l’OCDE, la gestion concurrentielle fondée sur les VAT a entraîné une course aux captures avec tous les effets qui l’accompagnent, et les fermetures par saisons et par zones ne sont pas parvenues à conserver la ressource, même si l’on peut penser que, sans elles, la situation se serait aggravée. La mise à jour indique que la plupart des résultats initiaux sont fondés. Le deuxième objectif est de rendre compte de l’évolution récente des politiques depuis 1995, en insistant sur les politiques de gestion fondées sur l’écosystème. Il s’agit notamment des fermetures et des réserves marines, des programmes portant sur les grands écosystèmes marins, des mesures de protection de l’habitat, et de l’application d’autres méthodes de gestion fondées sur les droits - comme les quotas attribués aux communautés. Troisièmement, le document examine les défis posés par la gestion des pêches fondée sur l’écosystème sur le plan de la gouvernance. Il soutient que, dans les instances politiques où sont élaborées les politiques de gestion des pêches, le jeu est en règle générale faussé au détriment de la conservation et des avantages économiques à long terme. Le document se termine par des recommandations préconisant de réformer nos institutions d’administration des pêches.

Rôle des législations visant à contrôler les captures, risques et aléas, et place de l’approche de précaution dans une gestion fondée sur l’écosystème (Doug S. BUTTERWORTH et Andre E. PUNT)

L’approche classique de la gestion des pêches fait intervenir des spécialistes qui évaluent le mieux possible l’état et la productivité d’une ressource. Ils utilisent ensuite ces résultats pour recommander une mesure de régulation, telle que le volume admissible total (VAT), s’appuyant sur une loi visant à contrôler les captures, qui est habituellement associée à un point de référence biologique (par exemple F0,1). En apparence, la procédure opérationnelle de gestion, ou également l’évaluation de la stratégie de gestion, approche visant à formuler des recommandations en matière de VAT, peut sembler identique étant donné que, souvent, elle rattache également les résultats découlant d’un certain type d’évaluation à une loi visant à contrôler les captures. Cependant, la différence essentielle tient à ce que l’approche procédure opérationnelle de gestion/évaluation de la stratégie de gestion suppose un essai par simulation de l’ensemble du processus donnant lieu à la recommandation en matière de VAT, dans un cadre de gestion évolutif. Cet essai prévoit des vérifications visant à établir que l’application de la loi adoptée ne posera pas de graves problèmes, même s’il s’avère que la connaissance de la ressource est fondamentalement erronée; autrement dit, il est tenu explicitement compte des incertitudes scientifiques, dans la ligne du principe de précaution. Par ailleurs, des évaluations quantitatives sont fournies en ce qui concerne les volumes des captures prévues à moyen terme et la mesure dans laquelle elles compensent le risque d’épuisement involontaire de la ressource, afin de donner aux responsables de la gestion des données facilement interprétables leur permettant de choisir entre les différentes options de gestion. Ce processus comporte cependant quelques difficultés pour la définition du risque, qui doivent encore être résolues.

Les exemples dans lesquels des considérations relatives à l’écosystème ont été prises en compte, lorsque l’approche procédure opérationnelle de gestion/évaluation de la stratégie de gestion a été étendue à plusieurs espèces, peuvent être commodément répartis en deux grandes catégories, selon qu’ils concernent essentiellement des interactions opérationnelles (captures accessoires) ou biologiques (prédateur-proie) entre espèces; des exemples sont donnés pour chaque catégorie. À ce jour, les applications pratiques actuelles de cette approche sont plus faciles à trouver dans le cas des interactions opérationnelles, en particulier dans le domaine des captures accessoires de mammifères marins. S’agissant des applications pratiques comportant des interactions biologiques, le principal facteur limitatif a été jusqu’à présent la rareté des données permettant d’estimer le type et l’ampleur des interactions de prédation et de compétition, ce qui exclut d’évaluer de manière fiable les avantages comparés des diverses options en matière de politiques de récolte, qui varient selon leur concentration sur différentes espèces. Il existe néanmoins des méthodes approximatives pour résoudre ce problème. Tout en reconnaissant leurs limites, nous recommandons d’y avoir recours jusqu’à ce que les données nécessaires pour mettre au point des modèles plus fiables d’interactions biologiques soient disponibles.

Modifier les engins de pêches pour atteindre les objectifs relatifs à l’écosystème (John Willy VALDEMARSEN et Petri SUURONEN)

Des efforts considérables ont été déployés ces dernières années pour modifier les engins et les pratiques de pêche, afin de cibler plus efficacement des espèces et des catégories de tailles particulières de poisson et d’autres organismes marins, ainsi que pour atténuer l’impact sur les habitats benthiques. Les récentes nouveautés en matière d’instruments et d’auxiliaires de navigation facilitant la classification des habitats des fonds marins permettent à l’industrie halieutique de récolter plus efficacement les ressources utiles et d’atténuer les effets de la pêche sur les habitats benthiques et sur leurs communautés. Ces modifications s’annoncent intéressantes pour la réalisation des objectifs plus généraux concernant les écosystèmes, comme la préservation de la diversité des espèces et des écosystèmes.

Le présent document passe en revue les bons résultats obtenus en matière de mise au point et d’application de techniques de pêche sélectives servant à atteindre les objectifs concernant l’écosystème. C’est ainsi que l’utilisation de dispositifs excluant les tortues dans les chaluts à crevettes a considérablement réduit la mortalité des tortues de mer menacées de disparition; la diminution des captures accessoires et des rejets de poissons dans de nombreuses pêches à la crevette au chalut est principalement due à l’utilisation de grilles filtrantes et de panneaux à mailles carrées; grâce aux modifications apportées à la fabrication et au fonctionnement des sennes coulissantes pour le thon, la mortalité des dauphins capturés accidentellement a fortement diminué; enfin, les mesures techniques mises au point pour réduire les captures accidentelles d’oiseaux de mer dans la pêche à la palangre ont donné de bons résultats. Les considérations relatives aux captures accessoires et les modifications des engins jouent un rôle important dans la réglementation de plusieurs grandes pêches, et de nouveaux dispositifs de réduction des captures accessoires et autres modifications novatrices des engins sont sans cesse proposés et mis à l’essai pour remédier à ce problème.

Le présent document examine également où en est la mise au point d’engins, d’instruments et de pratiques pouvant réduire les effets de la pêche sur les communautés benthiques et leurs habitats. Pendant les deux dernières décennies, on s’est de plus en plus inquiété des effets des activités de la pêche à la ligne de fond sur les écosystèmes benthiques, dans toutes les principales régions où la pêche commerciale est pratiquée. Divers médias ont diffusé de plus en plus fréquemment des documents établissant que les engins de pêche peuvent blesser les organismes benthiques et réduire la complexité des habitats, du moins localement, et la diversité biologique.

Enfin, il aborde la question de l’évolution future la plus probable des pratiques de la pêche commerciale, en analysant notamment les conséquences que les modifications imposées pour atteindre les objectifs relatifs aux écosystèmes pourraient avoir sur le rendement de la pêche. Il y a peu de chances pour que les modifications apportées aux engins éliminent entièrement tous les effets négatifs - les progrès seront réalisés par petites étapes. Des objectifs réalistes à court et long termes sont donc nécessaires lorsque l’on s’emploie à minimiser les effets d’une pêche sur l’écosystème. Les responsables de la gestion devraient fixer des limites mesurables pour les captures accessoires et les perturbations causées par les engins au niveau du benthos. Dans bien des cas, pour parvenir aux résultats voulus, il pourrait être nécessaire de promouvoir les améliorations techniques tout en évitant soigneusement les zones et les régions ayant des taux élevés de captures accessoires (points chauds) et en prenant d’autres mesures de gestion. Certaines modifications des engins pourraient accroître leur coût de fabrication et rendre leur manipulation et leur entretien plus difficiles. En outre, les captures des poissons commercialisables risquent d’être réduites. Les mesures et les techniques qui augmentent les coûts et réduisent les gains n’attirent guère les pêcheurs. Proposer des concepts ou des modifications totalement inacceptables ne présente guère d’intérêt - ils échoueront probablement. L’efficacité en matière de pêche et l’aspect pratique des nouveaux dispositifs sont importants car un engin inefficace ne sera pas utilisé ou sera «saboté», ou bien il nécessitera d’intensifier tellement l’effort de pêche qu’en fait, les effets pourraient être dans l’ensemble aggravés. L’industrie halieutique, les scientifiques et les autres parties prenantes devront coopérer étroitement lors de l’élaboration et de la mise en service de techniques de pêche respectueuses de l’environnement.

En conclusion, les technologies mises au point ces dernières années prouvent que l’impact des engins de pêche sur les espèces non visées et les habitats peut être sensiblement réduit sans que la rentabilité des opérations de pêche n’en souffre réellement. Il est évident que des primes devraient être offertes pour la création de nouveaux types d’engins et pour les modifications permettant de réduire les captures accessoires et de minimiser l’impact sur les habitats.

Intégrer les objectifs relatifs à l’écosystème dans la gestion des pêches maritimes durables, y compris par le biais des points de référence des «pratiques les plus performantes» et de l’utilisation de réserves marines (Keith SAINSBURY et Ussif Rashid SUMAILA)

Le fait d’élargir la gestion des pêches pour y inclure des objectifs relatifs à l’écosystème soulève une série de questions potentiellement délicates qu’il faudra examiner au moment de prendre des décisions, d’établir des rapports et d’évaluer les résultats en matière de gestion. Cependant, pour traiter ces questions, il existe des méthodes et des moyens concrets, accessibles aux diverses parties prenantes, et évaluables au plan scientifique. Sont décrits ci-dessous trois éléments généraux et interdépendants qui permettent d’intégrer sur le plan pratique et opérationnel les objectifs relatifs à l’écosystème dans les systèmes de gestion des pêches maritimes.

Établissement des rapports et évaluation de l’ensemble du système de gestion par rapport aux objectifs de durabilité

Trois principaux points sont développés et soulignés:

i) Les indicateurs et les points de référence - et en conséquence les critères de réalisation - doivent être rapportés explicitement aux objectifs de gestion les plus généraux;

ii) La structure et le thème central des rapports sur la durabilité doivent découler en toute transparence des objectifs les plus généraux. À cette fin, une méthodologie est définie: elle peut être utilisée dans les réunions avec les parties prenantes pour clarifier les questions à examiner, les indicateurs et les points de référence, les mesures de gestion et la justification des décisions. Elle peut comprendre des méthodes fondées sur les risques pour déterminer l’importance relative des différents aspects.

iii) L’évaluation des résultats obtenus doit porter sur le système de gestion dans son ensemble, plutôt qu’uniquement sur les avantages de certains éléments isolés. Une méthodologie établie (évaluation de la stratégie de gestion) est décrite: elle peut être utilisée pour vérifier sur le plan quantitatif les résultats probables obtenus par les différentes stratégies de gestion dans la réalisation des objectifs relatifs à l’écosystème. Dans ce contexte, la stratégie de gestion associe le suivi, l’exploitation des données de suivi pour l’évaluation par rapport aux points de référence, la définition de mesures de gestion appropriées, et l’application de ces mesures. Cette méthodologie peut être utilisée pour vérifier chaque aspect de la stratégie à l’aune des objectifs de gestion, et pour repérer les circonstances dans lesquelles des stratégies particulières ont des chances de donner de bons résultats ou bien d’échouer. Elle a déjà été appliquée aux pêches, dans le domaine des espèces cibles, des espèces importantes victimes de captures accessoires, des rapports de dépendance prédateur-proie, et des habitats des fonds marins.

Indicateurs, points de référence et critères de réalisation des objectifs relatifs à l’écosystème des pêches

Il existe de nombreuses options; quelques résumés récents sont recensés. Une série de points de référence cibles et limites pour les objectifs relatifs à l’écosystème des pêches est présentée. Ils sont établis dans l’ensemble sur la base de l’expérience acquise à ce jour et, d’un point de vue pratique, ils pourraient être appliqués à brève échéance. On ne prétend pas que ces points de référence soient nécessaires ou suffisent pour assurer la durabilité des pêches et des écosystèmes marins. Ils représentent cependant une pratique performante, concrète et nouvelle, permettant de tenir compte sur le plan opérationnel des objectifs relatifs à l’écosystème dans la gestion des pêches.

Utilisation des réserves marines pour atteindre les objectifs relatifs à l’écosystème dans la gestion des pêches

Depuis longtemps, les pêches ont recours à certains types de gestion spatiale, tels que la fermeture des zones de reproduction pour protéger les poissons jeunes, mais, plus récemment, l’accent a été mis sur l’utilisation de réserves marines pour atteindre les objectifs des pêches concernant les espèces cibles et, plus généralement, l’écosystème.

Les réserves marines tiennent leur promesse, en tant que moyen rationnel et concret de gérer les ressources océaniques afin d’atteindre les objectifs relatifs à l’écosystème en matière de pêches, mais il ne faut pas trop en attendre. Il vaut mieux considérer les réserves marines comme l’un des divers outils et dispositifs de gestion, en y associant une série de mesures appliquées à l’intérieur et à l’extérieur de la réserve pour assurer la durabilité des pêches et des écosystèmes marins. Grâce à plusieurs nouvelles avancées technologiques, leur conception et leur gestion sont devenues plus commodes. Ces innovations récentes sont passées en revue.

Gouvernance et pêche responsable: une approche fondée sur l’écosystème (Michael P. SISSENWINE et Pamela M. MACE)

Le terme «responsable» peut être interprété de multiples façons. Dans le cas d’une approche des pêches fondée sur l’écosystème, nous sommes d’avis que «responsable» signifie production durable d’avantages pour l’homme, répartis «équitablement» et ne provoquant pas de modifications inacceptables des écosystèmes marins. La gouvernance couvre un champ plus vaste que la gestion des pêches. Elle consiste en diverses règles formelles et informelles, ainsi qu’en arrangements ou normes influençant les comportements. L’approche de la pêche responsable fondée sur l’écosystème exige que la communauté scientifique, l’industrie halieutique et le public (notamment les hommes politiques), ainsi que les responsables de la gestion des pêches, se gouvernent eux-mêmes.

On a beaucoup écrit sur les principes qui devraient sous-tendre une approche de la gestion des pêches fondée sur l’écosystème. Les principaux éléments de cette approche devraient être les suivants: 1) les objectifs et les contraintes caractérisant la situation souhaitée en matière de pêches et les changements indésirables de l’écosystème; 2) les mesures de conservation qui respectent le principe de précaution, tiennent compte des interactions entre espèces, et sont évolutives; 3) l’attribution de droits encourageant la conservation; 4) la prise de décisions participative et transparente; 5) la protection de l’écosystème en ce qui concerne les habitats et les espèces présentant un intérêt particulier; enfin, 6) l’appui à la gestion, notamment l’information scientifique, la mise en application, et l’évaluation des résultats obtenus. Les plans relatifs aux écosystèmes des pêches sont un moyen efficace de concevoir et de mettre en œuvre des systèmes de gestion des pêches englobant ces six éléments. Ces plans devraient mettre en lumière: la hiérarchie des organismes de gestion, de l’échelon de l’écosystème à l’échelon local des communautés; le zonage des océans, notamment les réserves marines et les autres dispositifs de gestion définis au plan géographique; et la description détaillée des activités de pêche autorisées, avec les protocoles exigés pour les autorisations futures.

La communauté scientifique doit se gouverner elle-même de manière à produire des informations scientifiques pertinentes, adaptées, respectées et exactes. Il est nécessaire d’appliquer une approche à multiples facettes, comprenant notamment le suivi des pêches et des écosystèmes, des évaluations et des avis scientifiques adaptés aux besoins de gestion, et des investissements sélectifs dans la recherche afin d’améliorer à l’avenir le suivi et les évaluations. Les scientifiques se heurtent à un grave problème: les évaluations et les avis scientifiques prêtent à controverse. Pour y remédier, il faudra appliquer une stratégie à trois volets exigeant: l’indépendance des institutions scientifiques par rapport aux initiatives de gestion; des travaux de recherche en collaboration avec l’industrie halieutique; l’assurance de la qualité des avis scientifiques dans des conditions de transparence. Cette dernière suppose un jugement par les pairs, qui peut être intégré dans la formulation des avis (désigné sous le nom de jugement par les pairs intégré) ou fourni après la formulation des avis (désigné sous le nom de jugement par les pairs successif). L’apparition d’un conflit d’intérêt potentiel entre les pairs chargés de l’examen est un facteur influant sur la crédibilité de ce processus.

Dans l’optique d’une approche de la pêche responsable fondée sur l’écosystème, l’industrie halieutique devrait se gouverner elle-même de manière à assumer la responsabilité de la fourniture d’informations sur les pêches, à intégrer la recherche en collaboration, à participer au processus de gestion des pêches et s’adapter à ses conséquences, à respecter la réglementation, à éviter le gaspillage, et à développer des activités de formation visant à inculquer les principes de la pêche responsable. Le public (dont les écologistes) devrait également participer au processus de gestion des pêches et s’adapter à ses conséquences. Les hommes politiques devraient élaborer une législation dont le but soit bien défini et qui soit applicable avec des fonds d’un montant raisonnable. Personne ne devrait appliquer ni tolérer des «mesures au coup par coup» qui nuisent aux décisions en matière de gestion des pêches. Toutes les parties prenantes devraient se respecter mutuellement.

Couverture arrière

La Conférence de Reykjavik sur une pêche responsable dans l’écosystème marin s’est tenue à Reykjavik (Islande) du 1erau 4 octobre 2001. Les résumés des documents tels que présentés à la Conférence figurent dans le présent supplément au Rapport de la FAO sur les pêches no 658. Les comptes rendus de la Conférence, contenant la version complète des documents et une version mise à jour des résumés, seront publiés dans un recueil spécial par un éditeur commercial.


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