Previous PageTable des matièresPage suivante


Le cadre juridique de l'aménagement durable de la montagne: un aperçu des instruments propres à la montagne

A. Villeneuve, P. Talla et M.A. Mekouar

Annie Villeneuve est avocate stagiaire
au Bureau juridique de la FAO.
Patrice Talla
et Mohamed Mekouar travaillent
également dans ce service de la FAO.

Cet article se fonde partiellement sur une étude précédente sur le droit de la montagne entreprise par Astrid Castelein du Bureau juridique de la FAO.

Des lois spécifiques aux montagnes sont souhaitables pour soutenir le développement durable des montagnes; or, seules quelques-unes ont été élaborée aux niveaux national et international.

Malgré l'importance de leur rôle dans l'histoire de l'humanité et de la richesse des ressources qu'elles renferment, les montagnes n'ont, jusqu'à présent, que faiblement intéressé les décideurs politiques et les planificateurs économiques. Les législateurs nationaux et internationaux n'ont pas fait exception à cet intérêt tardif pour les zones de montagne. Il a fallu attendre 1991 pour que le premier accord transnational traitant d'une montagne, la Convention alpine, voie le jour. Celle-ci n'avait été devancée que de quelques années par les premières lois nationales en la matière. Aujourd'hui encore, le droit de la montagne demeure assez embryonnaire: peu nombreux sont les instruments juridiques propres à la montagne actuellement en vigueur, que ce soit au niveau national ou international.

Le présent article donne un aperçu de ce droit en formation, en décrivant à grands traits les principaux instruments juridiques applicables aux montagnes, d'abord sur le plan international puis au niveau national. De multiples lois régissant des domaines connexes, comme l'agriculture, les forêts, les sols, l'environnement, les bassins versants ou l'aménagement du territoire, affectent également le régime juridique des montagnes, mais cet article se limite à celles propres à la montagne.

PRINCIPAUX INSTRUMENTS INTERNATIONAUX APPLIQUÉS AUX MONTAGNES

Parce que les massifs montagneux chevauchent souvent les frontières nationales, les problèmes qui les concernent sont avant tout d'ordre transnational. C'est pourquoi, dans ce contexte, les questions mondiales ou régionales relatives à la protection et à la mise en valeur de la montagne, qui justifient la coopération ou l'action internationale, doivent être traitées sous l'angle juridique. Cependant, à l'exception de la Convention alpine, ni au plan mondial ni à l'échelon régional, cette exigence n'a déterminé la mise en place de dispositifs internationaux juridiquement contraignants propres à la montagne.

Instruments contraignants

Absence d'une convention mondiale focalisée sur la montagne. Si aucun traité mondial n'a été conclu pour les écosystèmes montagneux on le doit en partie à l'existence de nombreuses conventions qui, tout en ne portant pas directement sur la montagne proprement dite, concernent les populations et les ressources de montagne. Telles sont les conventions issues récemment de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) de 1992: la Convention de lutte contre la désertification de 1994, qui reconnaît dans son préambule les effets de la désertification sur les régions arides d'Afrique, de Transcaucasie et d'Asie centrale renfermant des écosystèmes montagneux; la Convention sur la diversité biologique de 1992, particulièrement pertinente car les écosystèmes montagneux sont souvent le siège d'une riche biodiversité; et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, dont le préambule souligne la vulnérabilité particulière de certains «écosystèmes montagneux fragiles» à l'évolution du climat. D'autres conventions antérieures portent aussi sur les montagnes à certains titres, comme la Convention sur le patrimoine mondial de 1972, du fait que de nombreux sites naturels inclus dans sa liste sont des territoires montagneux d'une grande importance, ou la Convention africaine de 1968 sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, qui traite de certaines questions propres à la montagne comme l'érosion du sol liée à l'agriculture et à l'aménagement du territoire. (Voir Fodella et Pineschi, 2000 et Lynch et Maggio, 2000 pour une analyse d'autres conventions ayant trait à la montagne.). Toutefois, la contribution potentielle de ces conventions à l'aménagement durable de la montagne se limite aux aspects relatifs à la protection ou à la mise en valeur des montagnes.

Outre les dispositions de ces conventions qui touchent spécifiquement aux montagnes, y figurent aussi certains principes généraux de la loi internationale relative à l'environnement qui sont applicables aux écosystèmes montagneux. L'un d'entre eux est l'obligation qu'ont les Etats d'aménager leurs ressources naturelles de façon à «ne pas causer de dommages à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale» (Principe 2 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement de 1992). Un autre est le devoir de collaborer dans un esprit de partenariat (Principe 7 de la Déclaration de Rio), qui peut s'appliquer à la gestion des montagnes transfrontières partagées par deux Etats ou davantage. D'une manière plus générale, le principe de durabilité est essentiel à l'aménagement des écosystèmes montagneux. Sans être défini avec précision dans ce contexte, il prévoit l'utilisation judicieuse et équitable des ressources de montagne aux plans environnemental, économique, social et culturel, en tenant dûment compte des intérêts des générations présentes et futures.

La Convention alpine, le seul instrument juridiquement contraignant qui porte spécifiquement sur la montagne, contient des dispositions pour la protection et le développement durable de l'ensemble des Alpes en tant qu'écosystème régional uniforme - ici, le versant oriental des Alpes suisses

- FAO DÉPARTEMENT DES FORÊTS/FO-0349/T. HOFER

Un accord régional propre à la montagne: la Convention alpine. Les principes de durabilité sont évoqués pour l'essentiel dans le seul instrument juridiquement contraignant existant qui concerne spécifiquement un ensemble montagneux: la Convention sur la protection des Alpes. Adoptée à Salzburg, Autriche, en 1991, elle est entrée en vigueur en 1995. A ses signataires initiaux - Autriche, France, Communauté européenne, Allemagne, Italie, Liechtenstein et Suisse - se sont joints la Slovénie (1993) et Monaco (1994). En 1999, les neuf pays avaient ratifié la convention.

La Convention alpine prévoit la protection et le développement durable des Alpes dans leur intégralité en tant qu'écosystème régional uniforme. Les parties conviennent d'établir une politique globale à cette fin, et de collaborer dans des domaines d'intérêt commun, dont l'agriculture, les forêts, l'aménagement du territoire, la protection du paysage, la culture et les populations, les activités récréatives et la lutte contre la pollution atmosphérique. La convention est conçue comme un accord d'orientation, ses dispositions de base étant énoncées en termes généraux qui devront être précisés par des protocoles additionnels pour assurer leur mise en œuvre efficace.

Entre 1994 et 2000, neuf protocoles ont été conclus sur l'agriculture de montagne, la protection de la nature et la conservation du paysage, l'aménagement du territoire et le développement durable, les forêts de montagne, le tourisme, la conservation des sols, l'énergie, les moyens de transport et le règlement des différends. La Convention prévoit quatre autres protocoles qui n'ont pas encore été préparés pour aborder les questions relatives à la population et à la culture, à l'eau, à la qualité de l'air et à la gestion des déchets.

Certains de ces protocoles, notamment celui sur les moyens de transport, ont été durs à négocier et à approuver. Bien qu'ils aient été signés par la plupart des parties, aucun des protocoles n'a été ratifié à ce jour. La Convention alpine n'est donc pas entièrement mise en œuvre.

Néanmoins, en tant que bonne base de collaboration transfrontière, cette convention est considérée comme un modèle d'accord de mise en valeur de la montagne applicable à d'autres régions du monde. Des accords analogues portant sur les montagnes sont actuellement en cours de préparation. Ils comprennent en particulier des conventions proposées pour:

Instruments non contraignants

Des instruments non contraignants, comme les déclarations ou les résolutions, les plans d'action ou les codes de conduite, ont été utilisés fréquemment au cours des décennies passées pour promouvoir la création de normes pouvant conduire à l'élaboration d'accords contraignants. Ces instruments sont normalement établis et adoptés par le biais d'instances et de réunions internationales. Certains d'entre eux concernent les écosystèmes et les populations de montagne, comme le Chapitre 13 du programme «Action 21» et divers autres documents déclaratoires consécutifs à la CNUED dont certains sont décrits brièvement ci-dessous.

Un important accord, conçu suivant les grandes lignes de la Convention alpine, est en préparation pour les Carpates d'Europe centrale et orientale - ici, le Parc national Tatra dans les Carpates de Slovaquie

- FAO DÉPARTEMENT DES FORÊTS/FO-0337/T. HOFER

Une plateforme mondiale pour la montagne: le Chapitre 13 d'Action 21. «Gestion des écosystèmes fragiles: mise en valeur durable des montagnes» est le titre du chapitre consacré à la montagne dans le cadre du programme Action 21 (CNUED 1992). En le ratifiant au plus haut niveau politique lors de cette conférence d'une portée mondiale sans précédent - qui a réuni 180 pays membres de l'ONU -, la communauté internationale a, pour la première fois, exprimé clairement et formellement son intérêt pour les montagnes du monde, réservoirs fondamentaux des ressources naturelles et humaines, qui doivent être sauvegardées, restaurées et valorisées.

Le Chapitre 13 énonce les mesures d'intervention à prendre aux niveaux national et international. Parmi les principaux domaines relatifs aux montagnes, il cite le développement rural, la sécurité alimentaire, l'eau potable, la diversité biologique, les forêts, le changement climatique, la culture, le savoir traditionnel et le tourisme. Les principaux domaines de programme servant à réaliser le développement durable des montagnes comprennent les suivants:

En passant en revue les progrès accomplis depuis la CNUED dans la mise en _uvre du Chapitre 13, la Commission du développement durable (2001) a conclu que le niveau de développement économique de la plupart des régions montagneuses du monde «reste d'une faiblesse inacceptable». Cependant, elle a aussi noté que des résultats importants ont été obtenus, notamment par la création de mécanismes novateurs qui encouragent la collaboration entre les secteurs concernés, ainsi que par l'adoption de mesures qui permettent d'équilibrer les besoins de développement et les exigences environnementales.

Un projet de charte mondiale pour les populations de montagne. Dans la déclaration finale du Forum mondial de la montagne qui s'est tenu à Paris et Chambéry, France, en juin 2000, plus de 800 participants représentant 70 pays montagneux ont approuvé un projet de charte mondiale visant à représenter les besoins et aspirations des populations de montagne (Forum mondial de la montagne, 2000a, 2000b). D'après ce document, trois sont les conditions aptes à satisfaire aux exigences des populations de montagne:

Le projet de charte prévoit l'établissement d'une organisation mondiale qui portera le nom de «Montagne de la terre», jouera le rôle de porte-parole des populations concernées, et comprendra parmi ses membres des communes, des associations et des groupes représentant les habitants de la montagne. Parallèlement à cette organisation, il faudra instituer un mécanisme financier, éventuellement sous forme de fondation, qui mobilisera les ressources nécessaires à renforcer la coopération et à instaurer des partenariats entre les régions et pays montagneux.

La Déclaration non contraignante relative aux montagnes et plateaux d'Afrique, adoptée à Antananarivo, Madagascar, en 1997, souligne les grands problèmes affectant les écosystèmes montagneux d'Afrique, et fournit des recommandations pour les affronter - ici, un flanc de montagne érodé près de Marinarivo, Madagascar

- FAO/20498/A. PROTO

Autres instruments non contraignants: quelques exemples. Sur la lancée de la CNUED, une multitude d'instruments non contraignants relatifs aux écosystèmes montagneux, s'inspirant souvent du Chapitre 13, ont été élaborés grâce aux instances gouvernementales et non gouvernementales de nombreuses régions du monde. Certains sont décrits ci-dessous à titre d'exemple.

Principaux exemples de textes nationaux relatifs aux montagnes

Pays

Textes spécifiques propres aux montagnes

Site web

Bulgarie

Projet de loi relatif au développement des régions montagneuses (1993)

www.bild.net/legislation

Cuba

Décret 197 du 17 janvier 1995 relatif aux commissions du Plan Turquino-Manati

 

France

Loi 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne
Loi d'orientation 95-115 du 4 février 1995 régissant l'aménagement et le développement du territoire
Loi d'orientation 99-533 du 25 juin 1999 régissant l'aménagement et le développement durable du
territoire et portant modification de la loi 95-115
Décret 85-994 du 20 septembre 1985 relatif à la composition et au fonctionnement du Conseil national
de la montagne
Décrets 85-995 à 85-1001 du 20 septembre 1985 relatifs à la composition et au fonctionnement des
comités des sept massifs de France (Central, Alpes du Nord, Alpes du Sud, Corse, Pyrénées, Jura, Vosges)
Décret 2000-1231 du 15 décembre 2000 relatif à l'utilisation du terme «montagne»

www.legifrance.gouv.fr

Géorgie

Loi du 8 juin 1999 relative au développement socioéconomiqueet culturel des régions de montagne

www.parliament.ge/

LEGAL_ACTS/legi.html

Grèce

Loi 1892/90 encourageant l'économie et le développement des régions de montagne amendée par la loi 2234/94

 

Italie

Loi 991 du 25 juillet 1952 relative aux bois, forêts et territoires de montagne
Loi 1102 du 3 décembre 1971 relative aux bois, forêts et territoires de montagne (modifiée par la loi 142/1990)
Loi 97 du 31 janvier1994 relative aux bois, forêts et territoires de montagne
Lois des régions (Abruzzes, Basilicate, Calabre, Frioul-Vénétie Julienne, Latium, Ligurie, Lombardie,
Marches, Molise, Piémont, Toscane et Ombrie)
Loi de la province autonome de Bolzano

www.abramo.it/service/

leg_regi/reg_indi.htm

Fédération de Russie

Loi du 30 décembre 1998 relative aux territoires de montagne de la République d'Ossétie-Alanie

 

Suisse

Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'aide aux investissements dans les régions de montagne
Ordonnance du 7 décembre 1998 sur le cadastre de la production agricole et la délimitation des zones

www.admin.ch/ch/

index.fr.html

Ukraine

Loi de 1995 sur le statut des établissements humains de montagne

 

PRINCIPAUX ASPECTS DU DROIT NATIONAL DE LA MONTAGNE

Les instruments internationaux traduisent le souci commun des Etats de protéger et de mettre en valeur des écosystèmes montagneux importants aux niveaux régional et sous-régional. A ce titre, il sont certes indispensables. Toutefois, les mesures concrètes de conservation et de développement de la montagne se réalisent essentiellement à l'intérieur des frontières étatiques par le biais de législations nationales. Dans la mesure où les lois localement édictées répondent aux besoins particuliers des populations et des zones de montagne qu'elles encadrent, elles sont mieux à même de remplir efficacement leur fonction régulatrice (Lynch et Maggio, 2000).

Jusqu'à présent, une douzaine d'Etats seulement ont doté leurs montagnes de lois spécifiques, exhaustives ou sectorielles. Cuba, la France, la Géorgie, la Grèce, l'Italie, la Suisse et l'Ukraine sont au nombre des rares pays qui ont légiféré dans le domaine de la protection et de la mise en valeur de la montagne. D'autres Etats, comme la Fédération de Russie (y compris la Sibérie), le Khirghizistan, le Maroc et la Roumanie, s'apprêtent aussi à formuler ou à édicter des lois similaires. La Bulgarie, par exemple, dispose d'un projet de loi relatif aux régions de montagne dont l'élaboration est entièrement achevée. Des exemples des dispositifs nationaux les plus importants sont énumérés dans le tableau ci-après.

En outre, dans certains pays, la législation sur les montagnes a été conçue au niveau sous-national. Un exemple de cela est la République d'Ossétie-Alanie en Fédération de Russie, avec sa loi du 30 décembre 1998 relative aux territoires montagneux. En Italie, la plupart des régions montagneuses ont stipulé des lois concernant la montagne entre 1996 et 2000.

L'analyse de ces dispositifs nationaux fait ressortir un ensemble de points de convergence ou d'analogies que l'on peut ramener à cinq aspects communs: conceptuels, institutionnels, économiques, sociaux et environnementaux.

Aspects conceptuels

Promouvoir la protection et le développement des zones de montagne constitue la finalité première de la plupart des lois relatives à la montagne. Cet objectif général est modulé en fonction des contextes nationaux. Ainsi la Suisse encourage le développement des régions de montagne par des incitations financières. Le respect de l'identité culturelle des communautés montagnardes constitue un autre objectif poursuivi par divers textes. En Ossétie du Nord, les populations de montagne bénéficient d'un droit prioritaire d'utilisation des ressources naturelles. Elles peuvent aussi prétendre, en termes d'avantages socioéconomiques, à un traitement équivalent à celui des habitants des plaines. Le développement durable des zones de montagne figure également parmi les objectifs recherchés par les législateurs. En Géorgie, la loi vise à satisfaire les besoins actuels des populations de montagne ainsi que ceux des générations futures. De même, l'un des buts de la loi suisse sur l'aide aux investissements est la promotion du développement durable des régions de montagne par l'octroi de financement pour la réalisation d'infrastructures.

En plus de leur finalité, les lois nationales définissent la montagne elle-même, délimitant ainsi leur champ spatial d'application. Parmi les critères de définition couramment retenus, celui de l'altitude est le plus significatif, car à certaines hauteurs les conditions de vie deviennent nettement plus difficiles et précaires que dans les plaines. C'est ce facteur altimétrique qui, souvent, dicte le recours à des lois spécifiques. En outre, l'existence de caractéristiques naturelles particulières, telles les conditions climatiques, la végétation ou la configuration du terrain, permet aussi de préciser les contours de la montagne. On trouvera dans l'encadré ci-dessous quelques exemples de définitions légales.

Exemples de critères utilisés pour la définition des zones de montagne

FRANCE - Loi 85-30 (articles 3 et 4)

  • L'altitude et la présence de fortes pentes entraînant des handicaps significatifs sont les critères généraux retenus pour qualifier une zone de montagne.
  • Les différents massifs montagneux du pays sont en outre nommément désignés et soumis, dans une certaine mesure, à des régimes différenciés.

GÉORGIE - Loi de 1999 (article 4)

  • Sont considérées montagneuses les régions situées à plus de 1 500 m d'altitude.
  • Les zones situées entre 800 m et 1 000 m peuvent aussi être qualifiées de montagne en tenant compte de facteurs additionnels (degré de la pente, qualité du sol, conditions économiques et écologiques, situation démographique, etc.).

SUISSE - Ordonnance de 1998 relative au cadastre (article 2).

  • Les régions de montagne sont définies en fonction de trois critères qui sont, par ordre d'importance décroissante, les conditions climatiques, les voies de communication et la configuration du terrain.

ITALIE - Loi de 1971, amendée en 1990

  • Le critère d'altitude (600 m), corrigé par des facteurs socioéconomiques, prévalait initialement.
  • L'amendement de 1990 a supprimé tout critère de définition; il en est résulté une «cristallisation» des communes de montagne antérieurement classées comme telles (Maglia et Santoloci, 1998).

Aspects institutionnels

En raison de ces particularités, l'encadrement administratif des zones de montagne conduit généralement à la création d'institutions spécialisées, dotées de pouvoirs d'impulsion, de conseil, de coordination ou de gestion à l'égard des montagnes. En France, la loi 85-30 a mis en place de telles structures à deux niveaux: premièrement, au niveau central, le Conseil national pour le développement, l'aménagement et la protection de la montagne coordonne les actions publiques dans les zones de montagne; deuxièmement, dans chaque massif montagneux - il en existe sept - un comité émet des avis et propose des mesures pour l'aménagement, la protection et le développement des massifs. Les populations locales sont associées aux processus décisionnels (décret 85-994). La loi grecque prévoit aussi l'adoption de textes particuliers pour chacune des régions montagneuses du pays, dont certains ont déjà été rédigés (ONU, 1997). A Cuba, une commission interministérielle a été créée pour promouvoir le développement socioéconomique des zones de montagne (décret 1995). Le projet de loi bulgare, pour sa part, prévoit la mise sur pied d'un Conseil national des régions de montagne qui devra veiller à l'application de la loi et assurer la coordination des actions de l'Etat, des conseils municipaux de montagne et des associations des communes de montagne.

Certains pays n`ont pas jugé opportun d'établir des institutions propres aux montagnes. Ils disposent néanmoins de mécanismes de concertation et de partage de compétences entre les organes centraux et locaux. C'est le cas de la Suisse, Etat fédéral, où les pouvoirs sont répartis entre la Confédération et les cantons. La loi sur l'aide aux investissements dans les régions de montagne spécifie leurs pouvoirs respectifs en la matière. Ainsi, les cantons sont chargés de l'application de la loi, la Confédération devant contrôler son exécution; les financements sont fournis par la Confédération, les cantons devant déterminer les montants des prêts à allouer.

En Italie, le Fonds national pour la montagne, établi au titre de la loi 97 de 1994, est financé par des contributions de l'Etat et des municipalités; les crédits sont répartis entre les régions et les provinces autonomes - ici, les Dolomites italiennes, Haut-Adige

- FAO DÉPARTEMENT DES FORÊTS/FO-1070/J. BALL

Aspects économiques

L'âpreté des conditions caractérisant les zones de montagne a souvent motivé l'intervention des législateurs pour l'adoption de mesures permettant d'exploiter au mieux leur potentiel économique. Ce souci de promouvoir la dimension économique du développement des montagnes, en incitant surtout les habitants à valoriser leurs propres ressources, constitue l'objectif central de la plupart des lois nationales. A cette fin, des fonds spéciaux sont généralement mis en place, comme le montre l'encadré ci-après.

La Bulgarie (dont on voit ici les montagnes spectaculaires près de Govedartzy) a préparé un projet de loi pour la mise en valeur des zones montagneuses; un conseil d'administration national surveillera l'application de la loi et coordonnera les actions de l'Etat, des autorités municipales et des associations communales de montagne

- FAO DÉPARTEMENT DES FORÊTS/FO-0459/C. PALMBERG-LERCHE

Agriculture de montagne. L'agriculture de montagne revêt une grande importance pour les populations qui en dépendent. Non seulement elle subvient directement à leurs besoins alimentaires, mais encore elle contribue à la création d'emplois et au développement économique. D'où la place de choix qu'elle occupe dans diverses lois sur les montagnes. En France, elle est reconnue d'intérêt général en tant qu'activité fondamentale des habitants de la montagne (article 18 de la loi 85-30, intégré dans le code rural [art. L. 113-1]). En Géorgie, les agro-industries sont considérées comme l'une des bases du développement socioéconomique des régions de montagne. En Suisse, les textes généraux relatifs au développement agricole (la loi fédérale sur l'agriculture et l'ordonnance de 1998 sur les paiements directs versés dans l'agriculture) contiennent des dispositions en faveur de l'agriculture de montagne. Un exemple en est l'aide financière pour les cultures réalisées sur des terrains en pente (article 75 de l'ordonnance de 1998).

Exemples de fonds spéciaux pour la montagne

BULGARIE

Selon le Chapitre V du projet de loi de 1993, consacré au fonds de développement des régions de montagne, les ressources mobilisées sont redistribuées sous forme de subventions, crédits d'investissement, financement de la recherche, etc.

ITALIE

Le fonds national pour la montagne, créé au titre de la loi de 1994, est alimenté par des apports de l'Etat et des communes. Ses ressources sont réparties entre les régions et les provinces autonomes. Celles-ci mettent en place leurs propres fonds régionaux de la montagne et décident elles-mêmes des affectations à leur donner.

FRANCE

Initialement, l'article 80 de la loi 85-30 a créé le fonds d'intervention pour l'autodéveloppement en montagne. Celui-ci a été absorbé par la suite par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, destiné à regrouper les crédits consacrés, entre autres, au développement de la montagne (loi 95-115).

SUISSE

L'article 14 de la loi de 1997 crée un fonds destiné à financer l'aide aux investissements en zone de montagne, tels les prêts favorisant l'implantation de nouvelles infrastructures en montagne.

Tourisme de montagne. L'attrait croissant des zones de montagne comme objectif touristique a entraîné une expansion des activités récréatives, une multiplication d'établissements, d'aménagements et d'infrastructures qui portent atteinte parfois au milieu naturel et culturel des écosystèmes montagneux. Afin d'y remédier, les législateurs soumettent le tourisme de montagne à certaines restrictions. En France, la loi 85-30 consacre un chapitre entier à l'encadrement des aménagements touristiques et à l'organisation des remontées mécaniques et des pistes, qui doivent être réalisées sous la supervision des communes. Toutes les nouvelles opérations font l'objet de contrats entre les promoteurs et les communes, ce qui permet d'exercer un certain contrôle sur le développement du tourisme. La loi géorgienne prévoit des encouragements aux investissements et des crédits bonifiés en faveur d'un tourisme de montagne respectueux des monuments historiques et des sites naturels. La loi ukrainienne envisage également l'octroi de subventions et de prêts au profit du développement touristique (Zakrevsky, 1995).

Produits locaux. Certaines lois traitent les produits locaux, en général artisanaux, provenant des zones de montagne. En France, une appellation spéciale est conférée à ces produits afin d'en attester la qualité et, ainsi, de promouvoir leur production localement (loi 85-30). L'octroi du label «montagne» est soumis à des conditions fixées par voie réglementaire (décret de 2000-2001). En Italie, un label similaire est accordé aux produits confectionnés en montagne (loi de 1994). Quant à la loi géorgienne, elle stimule l'artisanat traditionnel de montagne au moyen de crédits préférentiels.

Aspects sociaux

Sur le plan social, les législations nationales visent à améliorer les conditions de vie des communautés montagnardes en leur offrant un traitement comparable à celui des habitants des plaines. Les mesures préconisées concernent l'amélioration des équipements, le développement des infrastructures et le renforcement des services publics en zone de montagne.

Infrastructures et communication. L'isolement dont souffrent les populations de montagne est souvent dû à l'inexistence ou l'inefficacité des moyens de communication. D'où des mesures palliatives mises en place par les législateurs à cet égard. La loi géorgienne prévoit une adaptation des normes de construction des routes en montagne. En Ukraine, des subventions et des prêts peuvent être accordés pour le développement des transports publics, routes, moyens de télécommunication et de radiodiffusion (Zakrevsky, 1995). Selon la loi suisse de 1997 sur l'aide aux investissements, des prêts peuvent être octroyés pour développer les infrastructures de montagne. Afin d'en bénéficier, les projets doivent permettre d'améliorer le niveau de vie, le potentiel économique ou la compétitivité des industries dans la région. Certaines mesures tendent à réduire l'enclavement de la montagne par le développement des systèmes de communication. En France, la loi 85-30 prévoit une adéquation des techniques de transmission radiotélévisuelle. En Italie, les services publics des communes de montagne sont tenus d'ouvrir des bureaux d'information pour remédier aux lacunes de la communication et donner aux habitants libre accès aux informations non confidentielles disponibles (loi de 1994).

Culture, éducation, santé. Les gens de la montagne ont une connaissance inégalée de leur environnement. Ils doivent toutefois être en mesure de valoriser et de transmettre leurs connaissances moyennant des outils appropriés. La loi d'Ossétie du Nord envisage à cette fin des financements publics pour la recherche scientifique et les activités pédagogiques dans les régions de montagne. Des prêts et subventions de l'Etat en faveur des systèmes de santé et d'éducation en montagne sont aussi prévus en Ukraine (Zakrevsky, 1995). En France, les programmes de formation scolaire et universitaire et les programmes pédagogiques doivent se conformer aux conditions spécifiques de l'environnement naturel, économique et social des massifs de montagne (loi 85-30).

Aspects environnementaux

La fragilité des écosystèmes montagneux requiert leur sauvegarde contre les atteintes qu'ils subissent, comme le défrichement des forêts ou l'érosion du sol. C'est pourquoi des dispositions protectrices de l'environnement se retrouvent aussi bien dans les lois relatives aux montagnes que dans des textes connexes (lois sur les forêts, l'eau, les sols, l'environnement, l'aménagement du territoire, etc.). La loi d'Ossétie du Nord prescrit la rationalisation de l'utilisation des ressources naturelles de la montagne, avec possibilité d'engager la responsabilité des usagers qui en abusent (articles 15 et 16). En Italie, des mesures d'aménagement hydraulique, de reboisement des forêts et de lutte contre l'érosion des sols peuvent être prises à des fins environnementales, en expropriant au besoin les terrains dont la conservation s'impose (lois de 1971 et de 1994). De même, la restauration des sols de montagne est l'une des priorités de la loi ukrainienne (Zakrevsky, 1995). Enfin, la loi géorgienne vise, plus largement, à assurer tant la protection des écosystèmes de montagne que la gestion adéquate de leurs ressources naturelles et la réhabilitation de leurs zones arides (article 1).

REMARQUES CONCLUSIVES

Dix ans environ après la mise en œuvre des dispositions du Chapitre 13 d'Action 21, seuls quelques pays - France, Géorgie, Italie, Suisse et Ukraine - ont adopté des textes juridiques applicables spécifiquement aux zones de montagne.

Dans la plupart des pays, les lois relatives à la montagne ne couvrent pas encore intégralement les conditions et besoins particuliers des régions et des populations de montagne. Celles existantes tendent à privilégier les plaines, au détriment des intérêts des écosystèmes et des habitants de la montagne.

Il serait donc souhaitable de promulguer des lois applicables à la montagne, et de mettre en place des structures institutionnelles adaptées, telles que des comités nationaux de la montagne, afin de fournir les outils normatifs favorisant non seulement le développement durable de la montagne mais aussi la coordination avec d'autres lois et institutions apparentées.

Pour être efficaces, les cadres juridiques propres à la montagne devraient:

Ces cadres juridiques devraient être fondés et soutenus par des politiques et stratégies nationales globales en faveur de l'aménagement durable des écosystèmes montagneux. Ils devraient aussi être complétés au besoin par des accords régionaux, comme la Convention alpine, qui prévoient la collaboration transfrontière entre les pays partageant les mêmes systèmes montagneux.

L'Année internationale de la montagne est l'occasion unique de lancer un programme mondial pour l'avancement du droit de la montagne.

Bibliographie


Page précédenteDébut de pagePage suivante