Erkki Tomppo est professeur
de techniques
d'inventaire forestier
et coordonnateur du Programme
national de
recherches en matière
d'inventaire forestier de l'Institut
finlandais
des recherches forestières,
Helsinki (Finlande).
Raymond L. Czaplewski est chef de projet
(Programme d'inventaire forestier) auprès
de la Station de recherche des
montagnes
Rocheuses des Etats-Unis, Département
de l'agriculture,
Service forestier, Fort Collins,
Colorado (Etats-Unis).
L'Evaluation des ressources forestières mondiales 2000 comprenait une enquête par télédétection des zones tropicales visant à augmenter les informations fournies par les pays; est-il possible d'étendre ce type d'enquête au monde entier?
Sous-ensemble de carte Ikonos panchromatique au 1:20 000 à très haute résolution à 1 m, Lohja, Finlande -
NATIONAL LAND SURVEY OF FINLAND
La même zone vue dans une image Landsat TM 5 à haute résolution -
NATIONAL LAND SURVEY OF FINLAND
L'Evaluation des ressources fores- tières mondiales 2000 (ERF 2000) se fondait essentiellement sur les informations fournies par les pays, mais la FAO a aussi réalisé une étude par télédétection des forêts tropicales pour compléter les informations nationales et pour améliorer la compréhension des mécanismes qui déterminent les changements du couvert végétal dans les zones tropicales, notamment la déforestation, la dégradation des forêts, leur fragmentation et l'agriculture itinérante. Les inventaires basés sur la télédétection permettent de confirmer les estimations obtenues d'autres sources, et contribuent au renforcement des capacités nationales par la mise en place de centres de formation régionaux ou nationaux. Le présent article examine la faisabilité d'étendre à l'ensemble du globe, pour l'ERF 2010, une enquête des ressources forestières basée sur la télédétection, indépendante des inventaires forestiers nationaux traditionnels. L'accent porterait sur les estimations mondiales du changement de superficie des forêts et des autres terres boisées, qui proviendraient d'estimations régionales et feraient éventuellement la distinction entre zones tempérées, boréales et tropicales.
Les enquêtes par télédétection des zones tropicales incluses dans l'ERF 1990 et l'ERF 2000 ont été réalisées en recourant à l'interprétation visuelle. Le principal avantage de ce type d'interprétation réside dans le fait que l'information contextuelle et les connaissances d'experts peuvent être intégrées dans l'analyse plus facilement, parfois même avec plus d'exactitude, que celles obtenues par les méthodes numériques. Cependant, l'interprétation visuelle est une tâche laborieuse et subjective. Ces inconvénients sont particulièrement gênants dans les enquêtes mondiales présentant des zones de végétation variables. Les zones avec un couvert arboré clairsemé, comme les terres semi-arides ou la toundra boréale boisée, sont particulièrement difficiles à évaluer.
La disponibilité de données de référence pour l'analyse d'images numériques ou pour l'interprétation visuelle est l'un des principaux problèmes auxquels se heurtent les enquêtes mondiales basées sur la télédétection. Toutes ces enquêtes ont besoin d'être soutenues par des observations ou des mesures de terrain. En principe, il faut un minimum de parcelles pour chaque image. Ce besoin peut être partiellement surmonté par un calibrage relatif des images, qui permet d'utiliser les données de références d'images voisines. L'intensité de l'échantillonnage dépend des ressources techniques et financières disponibles, de la variabilité des paramètres cibles sur le terrain et l'application de télédétection utilisée.
Les paramètres qui peuvent être estimés par une enquête basée sur la télédétection dépendent de l'intensité de l'échantillonnage de terrain. Ceux qui exigent le maximum de contrôle de qualité, et pour lesquels les ressources disponibles permettent une enquête basée sur la télédétection, comprennent la superficie des forêts, des autres terres boisées et des autres terres, ainsi que leur changement. Ces variables ont été mesurées dans l'ERF 2000. Une décomposition des résultats par grands groupes d'espèces, par exemple forêts de conifères, feuillus et mixtes, pourrait aussi être réalisée par télédétection si l'on dispose de données de terrain. Le volume de bois sur pied et la biomasse ligneuse sont aussi des variables clés pour évaluer l'état des forêts du monde, mais l'estimation de ces variables exige des mesures de terrain minutieuses. Cependant, rares sont les études qui ont évalué l'exactitude des estimations de ces variables à l'aide de données de télédétection associées à un faible échantillonnage de terrain.
Une couverture globale est réalisable avec des données d'images à moyenne résolution (MODIS, par exemple). Les images satellitaires à moyenne résolution et les cartes du couvert végétal de l'ensemble du globe fournissent des sources d'informations pour la planification de plans d'échantillonnage basés aussi bien sur des mesures de terrain que sur des données de télédétection.
Suivant l'objectif de l'enquête mondiale, le prix des images et la charge de travail, l'échantillonnage pourrait être le seul moyen possible d'utiliser des données satellitaires à haute résolution (Landsat, avec une résolution comprise entre 15 et 60 m par exemple) ou à très haute résolution (Ikonos et QuickBird, les deux premiers satellites pouvant produire des images dont la taille du pixel est inférieure à 1 m). Avec les images satellites Landsat - les images à haute résolution le plus largement utilisées - il faut de 400 à 450 images pour un échantillonnage de 10 pour cent de l'ensemble du globe, et le coût estimé serait d'environ 255 000 dollars EU (tableau 1). Le coût d'une enquêtes basée exclusivement sur des mesures de terrain s'établirait, en revanche, entre 10 et 100 millions de dollars (tableau 2).
L'analyse du changement exige une double couverture d'images, et il se pourrait que des images à très haute résolution ne soient pas disponibles en nombre suffisant; dans ce cas, on devra peut-être adopter une technique à résolutions multiples.
Les auteurs ont calculé des estimations d'erreurs approximatives dans le cas de différentes intensités d'échantillonnage pour la superficie des forêts et des autres terres boisées en Europe et dans la Communauté des Etats indépendants (CEI) en utilisant un modèle de simulation basé sur la carte du couvert végétal d'ERF 2000. La présente étude suggère qu'un inventaire forestier fondé sur des images à haute et très haute résolutions pourrait avoir des erreurs types relatives de 5 pour cent ou moins et satisfaire les besoins d'un éventuel inventaire forestier mondial par télédétection indépendant avec des coûts modérés (tableau 3).
Il a été supposé que la superficie forestière et son changement peuvent être interprétés à partir d'images à très haute résolution sans données de terrain; la validité de cette hypothèse devra être confirmée. La densité des images satellitaires et des échantillons de terrain pourrait varier d'une région à l'autre, de sorte qu'une telle étude devrait être étendue à d'autres régions.
De nouveaux satellites, dont certains sont en cours de mise au point, assurent de façon croissante la disponibilité d'images satellites. Jusqu'à présent, les cartes mondiales du couvert forestier ont été dressées sur la base d'images à résolution faible ou moyenne. Cependant, il est attendu que des cartes mondiales complètes basées sur des images à haute résolution apparaissent d'ici quelques années. Cela n'élimine pas la nécessité d'une enquête par télédétection des ressources forestières indépendante qui utilise les définitions exactes de la FAO et qui comprenne des estimations de l'état actuel des forêts, des estimations du changement et des erreurs types calculées sous un strict contrôle de qualité.
TABLEAU 1. Exemple du nombre d'images nécessaires et des coûts estimés pour un inventaire par télédétection utilisant différents types de résolution et d'échantillonnage
Région |
Nombre d'images nécessaires Coût des images |
Coût
des
images |
|||||
MODIS, |
Landsat, |
Ikonos, |
Ikonos, |
Landsat, |
Ikonos, |
Ikonos, | |
Afrique |
6 |
97 |
331 |
3 309 |
58 |
951 |
8 992 |
Asie |
6 |
100 |
343 |
3 428 |
60 |
986 |
9 315 |
Europe |
4 |
73 |
251 |
2 511 |
44 |
722 |
6 824 |
Amérique du Nord |
4 |
69 |
237 |
2 374 |
42 |
683 |
6 453 |
Océanie |
2 |
28 |
94 |
943 |
17 |
271 |
2 564 |
Amérique du Sud |
3 |
57 |
195 |
1 950 |
34 |
561 |
5 299 |
Total |
25 |
424 |
1 452 |
14 516 |
254 |
4 174 |
39 446 |
TABLEAU 2. Un exemple du nombre de parcelles et de leurs coûts dans un inventaire mondial n'utilisant que des données de terrain
Région |
Superficie |
Superficie |
Superficie |
Nombre de |
Coûts estimés |
Afrique |
2 978 |
650 |
13 692 |
69 221 |
30 457 |
Asie |
3 085 |
548 |
28 540 |
30 010 |
13 205 |
Europe |
2 260 |
1 039 |
28 268 |
44 751 |
19 690 |
Amérique du Nord |
2 137 |
549 |
27 814 |
27 421 |
12 065 |
Océanie |
849 |
198 |
25 960 |
10 898 |
4 795 |
Amérique du Sud |
1 755 |
886 |
21 648 |
49 035 |
21 575 |
Total |
13 064 |
3 869 |
|
231 336 |
101 788 |
a La superficie occupée par une seule parcelle varie en fonction du changement net survenu dans la superficie forestière; les parcelles sont plus limitées dans les zones où le changement annuel est le plus élevé .
TABLEAU 3. Coûts estimés avec 100 parcelles de terrain par image Landsat à 440 dollars EU la parcelle (milliers de $EU)
Région | Données de terrain |
Données satellitaires |
Coûts totaux |
Afrique |
4 254 |
58 |
4 312 |
Asie |
4 407 |
60 |
4 467 |
Europe |
3 228 |
44 |
3 272 |
Amérique du Nord |
3 053 |
42 |
3 094 |
Océanie |
1 213 |
17 |
1 229 |
Amérique du Sud |
2 507 |
34 |
2 541 |
Total |
18 661 |
254 |
18 916 |