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SENEGAL - SÉNÉGAL

Son Excellence Monsieur Papa Diouf, Ministre de l'agriculture et de l'élevage de la République du Sénégal


C'est un réel plaisir pour moi et un grand honneur de m'adresser, au nom de mon pays le Sénégal, à cette auguste assemblée réunie ici aujourd'hui, cinq ans après le Sommet historique de Rome sur l'alimentation dans le monde, pour passer en revue le bilan de nos efforts communs afin de combattre la faim et mettre sur pied une agriculture performante et durable. Cette conférence, dont il faut féliciter le Directeur général de la FAO, Monsieur Jacques Diouf, d'avoir pris l'initiative de la convocation, se tient à un moment important, puisqu'elle devrait permettre de faire le bilan à mi-parcours des actions prises pour atteindre les objectifs du Sommet mondial de l'alimentation de 1996, dans le cadre des engagements auxquels les Chefs d'Etat et de Gouvernment du monde ont librement souscrit. Plus qu'un exercice de style ou de bon sens, il doit s'agir d'une démarche rendue nécessaire et urgente par la situation qui prévaut aujourd'hui dans le monde, en matière d'alimentation.

En effet, alors que l'humanité connaît le plus prodigieux développement technologique et scientifique de son histoire, qui lui permet d'aller à la conquête de l'espace, d'explorer l'infiniment petit et de produire chaque jour davantage de richesses et de nourriture, il est paradoxal que des centaines de millions d'hommes, de femmes et d'enfants n'aient pas toujours assez à manger. Comment expliquer aux générations présentes et futures qu'à l'époque d'internet et du tourisime spatial, de la révolution bio-technologique et de la découverte géo-humaine, un enfant est obligé d'aller au lit sans manger, alors que quelque part dans le monde, d'autres personnes sont payées pour détruire des aliments. Ce qui pourrait paraître demain incompréhensible aux yeux de nos descendants, constitue aujourd'hui-même une situation inacceptable et nous avons tous, sans aucune exception, la responsabilité de le changer, si nous ne voulons pas que l'histoire nous condamne pour non-assistance à 800 millions de personnes en danger.

Déjà, aujourd'hui-même, une importante partie de l'opinion publique internationale n'est pas prête à accepter une telle injustice, comme l'attestent les nombreuses protestations qui accompagnent régulièrement cette grande rencontre internationale. Contrairement au rendez-vous de 1996, le présent Sommet, s'il doit réussir, devrait nous permettre de rompre avec les pratiques du passé, consistant à faire des discours et à produire des communiqués finals, sans que cela soit suivi par des actes concrets. L'urgence de la situation commande que nous agissions vite, très vite, ici et maintenant. Nous sommes conscients au Sénégal comme en Afrique, en général, que la responsabilité première nous incombe, nous, les pays les plus touchés par la faim ou le fléau de la faim et de la malnutrition. Nous devons, par conséquent, traduire dans nos programmes de développement, la priorité absolue qui doit revenir à l'agriculture, à la loi des ressources adéquates à ce secteur, moteur du développement économique et social en Afrique, en particulier. La productivité agricole constituant le préalable pour toute croissance économique, il convient de la relever, notamment en améliorant l'environnement de la production agricole, qui passe par la réduction des contraintes auxquelles est soumis ce secteur, et dont la principale, en ce qui concerne la sous-région du Sahel, est le risque découlant des aléas climatiques.

Ainsi, la maîtrise des ressources en eau et la conservation des sols devraient être la clé de voûte politique, visant à améliorer l'environnement de la production agricole. Pour notre part, au Sénégal, depuis l'avènement démocratique et pacifique de l'alternance en 2000, nous nous sommes engagés résolument dans cette voie en finançant plusieurs programmes de développement, dont le programme agricole qui a bénéficié d'une enveloppe de 27 milliards de francs CFA, de 18 milliards à la charge de l'Etat, pour la campagne 2000-2001, soient respectivement 31,292 millions et 24,5 millions de dollars américains. De même, nous avons décidé de mettre en place un financement de 2,5 milliards de francs CFA, soit 3,4 millions de dollars américains pour la consolidation et l'élargissement à l'ensemble du territoire, pour une durée de 2 ans, du programme spécial de sécurité alimentaire de la FAO, qui bénéficie de notre total soutien.

Je profite de l'occasion, d'ailleurs, pour remercier les autorités de la République socialiste du Viet Nam, dont les experts nous accompagnent dans ce programme. Au niveau continental, les dirigeant africains ont élaboré le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique), fondé sur la conviction qui revient aux africains eux-même la responsabilité première de tirer leurs régions du sous-développement. Cette vision commune, qui traduit la détermination de l'Afrique d'éradiquer la pauvreté et de s'engager sur la voie de la croissance et du développement durable repose sur ce secteur, dont notamment, l'agriculture. Ce volet de l'agriculture constitue un atout considérable pour la sécurité alimentaire des pays africains, car il nous permettra de mettre en place un type d'exploitation agricole performant qui puisse assurer la sécurité alimentaire des populations et permettre l'amélioration du pouvoir d'achat des agriculteurs, constituant ainsi une réponse adéquate à la lutte contre la pauvreté. S'il incombe aux Etats africains de créer les conditions nécessaires pour parvenir à la sécurité alimentaire durable. Il est certain que l'Afrique, en ce qui la concerne, ne sera pas, en tout cas, pour des raisons multiples, en mesure d'atteindre seulement cet objectif. L'apport de la communauté internationale pour compléter et appuyer nos efforts s'avère donc indispensable si l'on veut que notre continent atteigne les objectifs du Sommet.

Aussi, est-il regrettable de constater que depuis quelques années aussi bien les bailleurs de fonds bilatéraux que les institutions internationales ne consacrent plus suffisamment d'attention ni de ressources au secteur de l'agriculture. D'une manière générale, l'aide publique au développement des pays industrialisés ne représente aujourd'hui qu'un effort moyen de 0,24 pour cent de leur revenu intérieur brut contre un objectif de 0,7 auquel ces mêmes pays s'étaient engagés. Dans le même temps, la Banque mondiale qui consacrait en 1979 trente neuf pour cent de son portefeuille à l'agriculture, a vu ses crédits destinés au secteur descendre à 12 pour cent en 1996 avant de subsidier au niveau de 7 pour cent en 2000. Comme le disait ici, il y a cinq ans, le Premier Ministre du Danemark, Monsieur Anders Fogh Rasmussen, il est inacceptable que l'aide au développement continue de baisser, alors que la malnutrition et la faim augmentent. Et Monsieur Rasmussen de poursuivre "je pense qu'il est temps de souligner que les belles paroles devraient être suivies d'actions concrètes".

Nous devons ensemble, Gouvernements, institutions nationales et secteur privé, prendre les mesures nécessaires pour renverser cette tendance néfaste à la baisse des ressources liées à l'agriculture. Dès lors, à nos organisations communes, la FAO, à laquelle nous avons déjà confié le mandat de libérer de la faim, les moyens de s'acquitter de sa mission. Á cet égard, il serait temps de rompre avec un budget de la FAO, en constante diminution, alors que les besoins ne font qu'augmenter. Á ce propos, j'appuie fortement la décision de créer au sein de la FAO un fonds fiduciaire de 500 millions de dollars américains, destinés à financer notamment les activités visant à améliorer durablement la production vivrière dans les pays en voie de développement. Le fardeau de la dette des pays en développement, surtout en Afrique, constitue un sérieux obstacle à leurs efforts de développement et à leur croissance économique, le service de la dette consommant une large part des maigres ressources budgétaires qui pourraient être dirigées vers des secteurs productifs ou sociaux. La situation est encore aggravée par la volatilité des ressources d'exploitation et le recensement de leurs principales ressources d'importations. C'est pourquoi il est urgent qu'une solution durable puisse être trouvée à cette terrible situation.

La communauté internationale ne peut plus se permettre ni politiquement, ni moralement, ni même économiquement, d'abandonner à leur sort plus d'un milliard d'êtres humains. La faim, la malnutrition et la misère doivent être bannies définitivement de la surface de la terre, car nous en avons les moyens scientifiques, humains et financiers. Mais, en avons-nous la volonté politique? C'est à nous-mêmes de le démontrer ici, berceau de l'une des plus grandes civilisations humaines.

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