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1. PRINCIPAUX PROBLEMES LIES AUX MAUVAISES HERBES AQUATIQUES EN AFRIQUE


Bien que des mauvaises herbes aquatiques exotiques aient été signalées en Afrique dès la fin du dix-neuvième siècle (Tackholm and Drar, 1950), elles n'ont commencé à envahir massivement les milieux aquatiques africains qu'au début des années 1950 (Mitchell et al., 1990) et se sont rapidement diffusées dans plusieurs pays. La croissance de ces mauvaises herbes est extrêmement rapide, leur permettant de développer des populations très importantes dans des zones où elles n'étaient même pas signalées peu d'années auparavant. Ces plantes ont envahi lacs, étangs, rivières, canaux et exploitations agricoles, devenant un véritable fléau. Les dégâts à l'environnement et à l'économie sont énormes, donnant lieu à des effets désastreux pour l'agriculture, la pêche, la production d'électricité, les transports, la santé publique, les moyens de subsistance, les conditions de vie et la structure sociale. La jacinthe d'eau, la salade d'eau et la fougère d'eau posent les problèmes les plus graves.
 

Distribution des principales mauvaises herbes aquatiques en Afrique

1.1. Jacinthe d'eau

Origine et Distribution. La jacinthe d'eau (Eichhornia crassipes (Martius) Solms-Laubach), native du bassin de l'Amazone, au Brésil (Penfound and Earle, 1948; DeLoach, 1976), est devenue commune dans le monde entier, grâce également à son aspect attrayant. Elle est commercialisée comme plante ornementale pour jardins. Sa diffusion a commencé par son introduction intentionnelle en Amérique du Nord à partir du Brésil, à la fin du vingtième siècle, comme plante ornementale et ensuite a échappé à la culture (DeLoach, 1976; Barrett and Forno, 1982). A présent, on la trouve comme mauvaise herbe dans toutes les régions tropicales et subtropicales du monde, y compris en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, Asie, Australie et en Nouvelle Zélande.

Morphologie et Biologie. Cette plante herbacée vivace est une hydrophyte flottante d'eau douce. Elle appartient à la Famille Pontederiaceae et toutes les espèces du Genre Eichhornia sont aquatiques. La jacinthe d'eau a une variabilité considérable dans la forme et la couleur de ses feuilles et de ses fleurs, aussi selon l'âge de la plante. Les fleurs sont bleuâtres - pourpres, grandes et auto-fertiles. Les graines sont produites en grand nombre dans des capsules, chaque capsule pouvant contenir jusqu'à 300 graines (Manson and Manson, 1958). Les graines peuvent rester viables de 5 à 20 ans (Matthews et al., 1977). La plante peut aussi se reproduire végétativement avec la production de stolons horizontaux.

   

Plantes et fleurs de jacinthe d'eau

 

Problème en tant que mauvaise herbe. La croissance rapide de la jacinthe d'eau a permis à cette plante de développer des populations importantes dans sa zone d'introduction, où elle a développé des nattes denses sur la surface de l'eau et est devenue un sérieux problème en tant que mauvaise herbe.

Elle est considérée la plus mauvaise herbe aquatique au monde. Sa croissance et diffusion rapide dans des nouvelles régions est due surtout à la reproduction végétative, un individu pouvant développer rapidement une infestation importante. Grâce à la possibilité de se déplacer facilement avec les courants de l'eau, le vent où autres moyens accidentels, comme les filets des pêcheurs ou les barques, la plante a envahi rivières, canaux, étangs, lacs, barrages et autres pièces d'eau douce. Les principaux problèmes posés par le développement des épaisses nattes de la jacinthe d'eau sont (a) une énorme perte d'eau à travers l'évapotranspiration, qui altère l'équilibre hydrique d'entières régions; (b) l'obstacle à la circulation de l'eau, qui augmente la sédimentation, cause inondations et érosion du sol; (c) l'obstruction de la navigation; (d) le gêne aux activités de pêche et la réduction dramatique de la pêche et des sources de nourriture et de revenus pour les populations locales; (e) un changement substantiel des propriétés physiques et chimiques de l'eau et de l'environnement dans les milieux envahis, ayant des effets négatifs sur les plantes et les animaux; (f) la réduction de l'activité de centrales hydroélectriques, compromettant ainsi la quantité d'électricité disponible au pays; et (g) une grave menace à la production agricole, suite à l'obstruction des canaux d'irrigation et du système de drainage. Ainsi, plusieurs aspects de l'économie des pays concernés ont été sérieusement affectés. Cette mauvaise herbe représente un problème environnemental, mais également - indirectement - un problème de santé publique, puisqu'elle peut créer un micro-habitat favorable à plusieurs vecteurs de maladies de l'homme ainsi qu'à abriter des serpents venimeux.

   

Dense natte de plantes de jacinthe

 

La jacinthe d'eau est la mauvaise herbe aquatique la plus importante en Afrique. Elle constitue un sérieux problème pour plusieurs pays, en particulier en Egypte et en Afrique Orientale, Occidentale et méridionale. Cette plante a fait son apparition au Lac Kyoga en Ouganda au début des années 1980 et se trouve aussi dans le Lac Kwania et dans le Nile Kyoga. En 1988, elle a été observée dans le Lac Naivasha au Kenya. Cependant, l'invasion la plus problématique dans la région durant les années 1990 a été dans le Lac Victoria. En 1990 on a observé que des nappes denses de cette mauvaise herbe interféraient avec les activités de pêche en proximité de la Tanzanie et durant la même année on a observé des nappes du coté ougandais et autour des Iles Sese. Au Zimbabwe la plante a été reconnue comme une mauvaise herbe extrêmement dangereuse dans les années 1980. Elle a été observée pour la première fois dans le Lac Kariba en 1994 et avant la fin du 1996 elle infestait plus de 200 ha. Au début des années 1990 la jacinthe d'eau a été trouvée également dans le fleuve Pangani en Tanzanie et dans la partie inférieure du fleuve Kagera au Rwanda. La FAO a conduit nombreux projets pour le contrôle de cette mauvaise herbe (voir Chapitre 3).

1.2. Salade d'eau

Origine et Distribution. La région d'origine de la salade d'eau (Pistia stratiotes L.), est encore incertaine, mais semble vraisemblablement être l'Amérique du Sud (Cordo et al., 1981). La plante s'est largement diffusée et à l'heure actuelle est présente dans tous les continents, à l'exception de l'Europe et de l'Antarctique. Initialement la dispersion a eu probablement lieu avec l'eau de ballast sur des bateaux en provenance de l'Amérique du Sud. A présent, il est possible de l'acheter comme plante ornementale. Elle est une des plantes aquatiques les plus répandues. En Afrique elle est ubiquitaire.

Morphologie et Biologie. Cette hydrophyte vivace d'eau douce est une plante herbacée flottante de la Famille Araceae. Elle est constituée par une rosette de feuilles vert pâle, avec les veines en relief et ressemble à une petite plante de salade. La salade d'eau a des feuilles droites veloutées - velues, une tige très courte et de longues racines plumeuses suspendues dans l'eau. Les fleurs sont bisexuées. La plante se reproduit et se disperse rapidement au moyen de stolons et de graines. Les graines sont facilement transportées à grandes distances par l'eau, puisqu'elles flottent pendant les deux premiers jours et atteignent ensuite la maturité. La couche poilue sur les feuilles retient l'air et est hydrofuge, ce qui évite que la plante soit submergée par de fortes pluies. Aussi bien la salade d'eau que la jacinthe d'eau peuvent bioaccumuler des métaux lourds (Sridahar, 1986).

   

Plantes de salade d'eau

 

Problème en tant que mauvaise herbe. La salade d'eau pose des problèmes majeurs en tant que mauvaise herbe dans les tropiques, où son impact est similaire à celui de la jacinthe d'eau, à la fois sur l'environnement et l'économie des pays concernés. Cependant en Afrique elle n'est devenue un problème de mauvaise herbe que récemment et son statut de mauvaise herbe semble être du à la pollution du milieu aquatique et à la présence de déchets organiques et résidus d'engrais. La plante développe des nappes denses et ses effets négatifs sont similaires à ceux de la jacinthe d'eau et incluent (a) une perte énorme d'eau à cause de l'évapotranspiration, entraînant un impact négatif impact sur l'équilibre hydrique dans des régions entières; (b) l'obstruction de fleuves et canaux, avec les problèmes relatifs; (c) l'interférence avec l'activité de centrales hydroélectriques; (d) une gêne au niveau de la pêche; (e) une gêne au niveau de la navigation; (f) un effet négatif sur la gestion de l'eau et son utilisation en agriculture; (g) la substitution d'espèces natives à cause de la modification des conditions environnementales: principalement suite à la réduction de l'oxygène disponible dans l'eau et dans les sédiments, augmentation de la sédimentation - provoquée par les racines - et ombrage excessif - à cause des feuilles; et (h) un impact indirect sur la santé humaine, puisqu'elle constitue un habitat favorable pour les organismes nuisibles et les vecteurs de maladies. La salade d'eau occupe des habitats similaires à ceux de la jacinthe d'eau et en général a une compétitivité inférieure à cette espèce. Par contre, le contrôle de la jacinthe d'eau peut être suivi par un nombre croissant de plantes de salade d'eau là où il existe des populations mixtes. La salade d'eau a envahi les eaux internes de plusieurs pays africains au début des années 1980. Les problèmes posés par cette mauvaise herbe sont particulièrement sérieux en Afrique occidentale, surtout dans les bassins des fleuves Niger et Volta, où la FAO a conduit et a en cours de nombreux projets (voir Chapitre 3).

   

Natte dense de plantes de salade d'eau

 

   

Infestation de salade d'eau dans un barrage - Kumasi, Ghana

 

1.3. Fougère d'eau

Origine et Distribution. La fougère d'eau (Salvinia molesta D.S. Mitchell) est également native de l'Amérique du Sud, dans des régions près de la côte et internes du Brésil sud-oriental. La plante a été introduite au Sri Lanka dans les années 1930 et s'est rapidement diffusée depuis, se trouvant à présent dans les régions tropicales et subtropicales du monde entier (Holm et al., 1991). Cette espèce est disponible commercialement pour les aquariums et les jardins. C'est probablement de cette manière qu'elle a été initialement introduite et cela peut encore contribuer à sa diffusion. En Afrique elle représente un problème en tant que mauvaise herbe principalement dans la zone intertropicale.

Morphologie et Biologie. La fougère d'eau est une plante flottant librement qui appartient à la Famille Salviniaceae et vit dans des milieux d'eau douce. L'eau stagnante, ou à cours lent, représente l'habitat le plus favorable à sa croissance. Elle est constituée par un rhizome horizontal qui flotte juste au-dessous de la surface de l'eau et produit trois feuilles à chaque nœud, deux aériennes, qui sont vert pâle, larges, elliptiques, d'une longueur d'environ 25 mm et la troisième feuille, submergée, est brunâtre, filamenteuse, plumeuse et semblable à une racine et d'une longueur d'environ 25 cm. La plante n'a pas de racines. La feuille submergée, qui à la fonction de racine en absorbant eau et éléments nutritifs, porte le sporocarpe, de forme ovale, qui est la structure députée à la production des spores. Des poiles disposés régulièrement, en lignes parallèles sur les feuilles aériennes, forment une couche hydrofuge qui permet à la plante de flotter (Holm et al., 1991). Un individu peut atteindre une longueur de 30 cm. Leur croissance est extrêmement rapide, la population de la plante pouvant doubler en environ une semaine (Mitchell and Tur, 1975). Les plantes se compriment l'une l'autre en chaînes serrées, qui forment des nattes épaisses sur la surface de l'eau et peuvent surmonter des périodes de stress, comme les basses températures, ou périodes de sécheresse, repoussant à partir de bourgeons dormants. La fougère d'eau se multiplie facilement par voie végétative, par fragmentation du rhizome, des petites parties permettant le développement de nouvelles infestations. Les plantes africaines sont stériles et plus vigoureuses que les plantes d'autres parties du monde (Holm et al., 1991).

   

Plante de fougère d'eau

 

   

Infestation de fougère d'eau dans le fleuve Sénégal, Sénégal

 

Problème en tant que mauvaise herbe. Grâce à sa croissance rapide en développant des nattes denses, la plante a envahi lacs et rivières dans sa zone d'introduction, devenant un fléau. La fougère d'eau est aussi connue comme Kariba Weed, nom commun dérivé de celui du Lac Kariba sur le fleuve Zambesi en Afrique méridionale, une zone qui a été envahie par cette mauvaise herbe. Elle a un fort impact sur l'environnement et l'économie des régions affectées. Elle cause de problèmes semblables à ceux posés par la jacinthe d'eau et la salade d'eau en obstruant canaux, rivières et lacs; avec la substitution de plantes et animaux natifs; et en interférant avec l'irrigation de différentes cultures, la navigation, la pêche et l'activité de centrales hydroélectriques. De plus, elle se développe en rizière, où elle provoque des sérieux problèmes. La fougère d'eau a envahi les eaux internes de plusieurs pays africains au début des années 1980. Le problème en tant que mauvaise herbe est particulièrement grave en Afrique occidentale, spécialement dans les bassins des fleuves Niger, Volta et Sénégal, où la FAO a conduit et a en cours de nombreux projets (voir Chapitre 3).


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