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LE CAS DE LA GUINÉE-BISSAU

par

Francisco Barreto de Carvalho

Introduction

Depuis son indépendance, la Guinée-Bissau a entrepris de restaurer, et en bien des cas de créer, un "système national de communication".

Reconnaissant l'importance capitale de la communication dans le développement socio-économique de la nation, le gouvernement a accordé la plus haute priorité au développement du système national de communication qui devait jouer un rôle dynamique, en tant que support essentiel, dans la promotion des objectifs nationaux suivants: renforcer le sens de l'unité culturelle nationale; communiquer les informations d'importance nationale et internationale; sensibiliser le peuple de Guinée-Bissau au processus de développement de la nation;

Ainsi, un des premiers objectifs du Gouvernement de Guinée-Bissau était d'établir un réseau complet de communication dans l'ensemble du pays.

Après plusieurs années d'efforts, en 1991, la Guinée- Bissau disposait d'une infrastructure de communication sociale qui n'était pas sans potentialités, mais le pays ne disposait pas des moyens pour utiliser efficacement cette infrastructure en faveur du développement.

Or, pour la Guinée-Bissau, pays à forte dominante agricole, la communication était indispensable et constituait une des conditions mêmes du développement, en favorisant par exemple le transfert de technologies pour améliorer les pratiques dans l'agriculture, l'élevage et la pêche, l'amélioration de la santé, la rencontre des savoir ou encore l'expression des cultures locales et des pratiques paysannes.

Une analyse très rapide peut nous permettre de mesurer l'ampleur des carences qui caractérisait à l'époque le dispositif de communication de Guinée-Bissau.

Ces carences n'étaient d'ailleurs que le reflet d'une situation générale d'une extrême difficulté, même si à l'époque tous les rapports sur la Guinée-Bissau faisaient état d'une nette amélioration par rapport à la décennie précédente: meilleur approvisionnement en produits alimentaires, libéralisation et assainissement de l'économie, décrispation de la situation sociale, démocratisation de la vie politique.

Malgré cette amélioration, malgré l'aide internationale et les efforts gouvernementaux, la réalité restait très préoccupante, tant en ce qui concerne l'équipement sanitaire que la situation économique. L'industrie ne parvenait pas à démarrer. Le PNB par habitant n'était que de 120 à 130 dollars par an.

Les besoins en communication étaient de quatre ordres:

1- des besoins qu'on pourrait qualifier d'urgence, comme la nécessité de faire parvenir aux agriculteurs des informations techniques concernant la météo, les calendriers agricoles, les attaques de prédateurs, les épidémies ou l'évolution des prix des produits agricoles, alors que rien jusque-là ne renseignait les agriculteurs sur ces questions;

2- des besoins permanents, en information et vulgarisation en matière d'agriculture et d'élevage, de pêche, de santé, de nutrition, etc., comme il en existe dans n'importe quel autre pays;

3- besoin d'un système d'information systématique, accessible à l'ensemble de la population, parfois isolée du fait du manque de moyens de transport ou de la géographie même du pays (une partie en archipel, une autre sur le continent mais lézardée de cours d'eau innombrables);

4- besoin plus complexe d'expression des identités culturelles des communautés rurales, condition de base d'un vrai développement, qui se double, sans être forcément contradictoire, du nécessaire renforcement du sentiment d'appartenance à une unité nationale.

La Guinée-Bissau, tout comme les pays environnants, est d'une extrême diversité ethnique (Balantes, Manjagues, Fulas, Papel, Bijagos, Beafada, etc.). Aucune langue ne peut être considérée comme vraiment commune à tous. En tout cas, pas le Portugais. Davantage le créole, parlée de tous les cadres et agents de développement, mais non comprise d'une large partie de la population rurale.

L'objectif des autorités nationales était d'aboutir à l'affirmation de l'unité dans la diversité.

La Guinée-Bissau, pourtant petite (36.000km2) est soumise à bien des forces centrifuges.

La radio nationale n'atteignait pas l'ensemble du territoire national et beaucoup de gens avaient pris l'habitude de se brancher plutôt à la radio sénégalaise.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement de Guinée-Bissau a fait appel à la FAO pour une assistance pour mettre sur pied une stratégie de communication multimédia.

Le projet visait à assister le Gouvernement de Guinée-Bissau à définir une stratégie multimédia de communication sociale et éducative en matière de développement rural et à formuler un projet à moyen terme de développement des principaux instruments de communication avec le monde rural, notamment la radio rurale, la vidéo et les moyens audiovisuels en appui à la vulgarisation et à la communication de groupe.

Pour cela, il fallait s'attacher particulièrement à développer:

Les résultats attendus de ces activités du projet étaient les suivants:

La coordination des activités du projet a été confiée à un consultant spécialiste en communication doté d'une bonne polyvalence. Outre ses activités de coordination et de sa contribution spécifique à chacune des activités mentionnées, il avait pour mission de:

A l'issue de ce projet, une mission d'évaluation a été effectuée par un représentant de la Division de l'Information de la FAO.

I - Processus d'élaboration de la PNCD

En 1990, le Gouvernement de Guinée-Bissau a présenté à la FAO une requête pour une assistance en matière de communication en milieu rural.

Une mission d'identification basée sur une évaluation des possibilités et des limites des outils existants, ainsi que sur les besoins en communication permit de mesurer l'ampleur des carences qui caractérisaient le dispositif de communication bissau-guinéen. Cette mission concluait sur la nécessité d'appuyer le Gouvernement de Guinée-Bissau en vue d'élaborer une stratégie multimédia de communication pour satisfaire les besoins du monde rural.

Les activités du projet ont effectivement démarré en août 1992. Elles visaient essentiellement à assister les autorités bissau-guinéennes dans la définition d'une stratégie multimédia de communication sociale et éducative en matière de développement rural et à formuler un plan de développement a moyen terme des principaux moyens de communication avec le monde rural.

Le projet s'est particulièrement attaché aux activités suivantes:

En vue d'atteindre l'objectif majeur du projet - à savoir, définir une stratégie nationale de communication pour le développement - quatre rencontres régionales ont été organisées, pour identifier, inventorier et analyser les besoins en communication des différents acteurs sociaux en milieu urbain et rural, et pour réfléchir et faire des propositions concrètes, sous forme de plans d'action sectoriels et régionaux sur:

Chacune de ces rencontres a rassemblé, pendant quatre jours, de vingt à trente participants des régions suivantes:

Dans le même temps, cinq études sectorielles ont été menées par des consultants nationaux, sur les thèmes suivants:

Dans leurs études, les consultants dressèrent l'état des lieux, analysèrent les atouts et les contraintes et firent des recommandations relatives à la stratégie de communication pour le développement.

Des contacts ont été pris et maintenus avec les partenaires de la coopération bi et multilatérale afin de les impliquer dans la tenue et la mise en œuvre du séminaire de définition d'une stratégie nationale de communication pour le développement. il s'agit du PNUD, de l'UNICEF, de l'OMS, des représentations diplomatiques des pays suivants: Etats-Unis, Suède, France, Portugal, Pays-Bas, Canada et d'organismes tels que l'UICN, la CE et l'USAID.

Ce long cheminement aboutit à l'organisation, du 30 janvier au 6 février 1995, du séminaire pour la définition d'une stratégie nationale de communication pour le développement, pour faire le point sur les expériences vécues et s'appuyer sur la communication sociale pour transformer la société guinéenne.

II - Objectifs de la stratégie de communication du bureau régional

La stratégie nationale de communication pour le développement a pour mission de servir de cadre de référence évolutif et flexible, permettant, par le dialogue entre les différents acteurs de développement, que les projets soient connus de manière à prendre en compte les idées et capacités des bénéficiaires, pour les mobiliser (communication sociale) et renforcer leurs capacités (communication éducative), afin de mener à bien les actions de développement.

La stratégie de PNCD doit permettre l'instauration d'un climat de confiance entre le gouvernement et ses partenaires (internes et externes), en vue d'une action concertée pour traiter la problématique du développement national et pour éliminer la division entre "décideurs", "exécuteurs" et "bénéficiaires".

1 - OBJECTIFS GéNéRAUX

En outre, la stratégie nationale de communication pour le développement, doit contribuer à la consolidation de la démocratie, y compris la prise de conscience, par les citoyens, de leurs droits et devoirs, et par l'Etat, de ses responsabilités et de son autorité.

2 - OBJECTIFS SPéCIFIQUES

La stratégie nationale de communication pour le développement doit contribuer à la mise en œuvre des politiques sectorielles prioritaires du Gouvernement, notamment dans les domaines de l'éducation, la santé, l'énergie, l'agriculture et de l'habitat.

La stratégie nationale de communication pour le développement doit appuyer tous les secteurs, et notamment:

Cet appui doit se manifester concrètement, en contribuant à:

III - Potentialités et facteurs limitants

POTENTIALITÉS

Parmi les conditions favorables à la mise en œuvre de la stratégie nationale de communication pour le développement, citons l'engagement de tous les intervenants dans le processus de développement, qu'il s'agisse du gouvernement qui a mis en œuvre le projet, des partenaires au développement, des bailleurs de fonds, des populations ou encore des ONG.

FACTEURS LIMITANTS

Il existait aussi de sérieux obstacles à la mise en œuvre d'une stratégie nationale de communication pour le développement.

IV - Programme d'action de mise en œuvre de la PNCD

La mise en œuvre de la stratégie nationale de communication pour le développement a fait l'objet d'une programmation à court, moyen et long termes.

1 - ACTIONS à COURT TERME (AVRIL 1995 à MARS 1996)

2 - ACTIONS à MOYEN TERME (AVRIL 1996 à MARS 1999)

3 - ACTIONS À LONG TERME (à PARTIR DE L'AN 2000)

Mise en place d'une structure de recherche et de coordination de la communication pour le développement

V - La méthodologie de mise en œuvre de la stratégie nationale de communication pour le développement

La méthodologie qui sous-tend la mise en œuvre de la stratégie nationale de communication pour le développement était adaptée à la réalité, aux conditions culturelles, économiques, sociales et religieuses de la Guinée-Bissau et à son stade de développement. Cette méthodologie est basée sur les quatre principes de base suivants.

LE PARTENARIAT

Le soutien aux institutions locales et la coopération avec les ONG locales s'intéressant à la communication sont une priorité. Ce soutien doit s'intégrer aux programmes et aux projets sectoriels de communication pour le développement. Les partenaires sont les relais vers l'action.

L'INTERACTIVITÉ

Toute activité de communication dans le domaine de la communication pour le développement doit revêtir une dimension interactive: réfléchir, recevoir et proposer des idées et des informations.

LE MULTIMÉDIA

Utilisation de tous les médias disponibles (presse, radio, télévision, cinéma, vidéo, théâtre, danse, chant, conteurs) selon le public concerné.

Dans les régions peu alphabétisées, le contact direct doit être privilégié par les systèmes locaux de communication (SLC) et les moyens audiovisuels. Les médias traditionnels (griots, marionnettes, etc.) et les canaux traditionnels de communication (communautés confessionnelles, événements culturels, etc.) doivent être également privilégiés pour atteindre le plus grand nombre de personnes.

LA DURABILITÉ

Les activités de communication pour le développement doivent à terme être appropriées par les acteurs du développement.

VI - Contribution et soutien du gouvernement de Guinée-Bissau

Le Ministère chargé de la communication était responsable de l'exécution du projet. Il devait designer la structure chargée de la mise en œuvre de la stratégie et nommer le directeur national.

En outre, le Gouvernement s'engageait à:

VII - Processus de mise en œuvre de la PNCD

Depuis l'approbation de la stratégie nationale de communication pour le développement, la PNCD n'a pu être appliquée pour trois raisons.

1- L'instabilité politique en Guinée-Bissau a fait que, de la date de l'élaboration de la stratégie jusqu'à 1998 (donc en 6 ans), il y a eu plus de 7 ministres ou secrétaires d'état chargés de la communication, soit un responsable différent tous les 10 ou 11 mois. Ces changements n'ont pas permis aux différents gouvernements d'inclure la communication dans leur agenda politique. En conséquence, la stratégie nationale n'a jamais été formellement validée par le gouvernement.

2- Comme conséquence du point 1, n'ont été créés ni la structure de coordination opérationnelle, ni les cellules de communication prévues au sein des départements ministériels, ni les comités intersectoriels impliquant tous les partenaires de la communication pour le développement.

3- "The last but not the least", l'année 1998 a été marquée en Guinée-Bissau par un conflit politico-militaire qui a entraîné des pertes en vies humaines, des destructions d'infrastructures socio-économiques et l'exil de nombreuses populations.

Cette crise politico-militaire a affecté profondément l'économie et la société de Guinée-Bissau. Elle a eu des conséquences dramatiques dans tous les domaines d'activité, a fragilisé les acquis obtenus, notamment, au plan macro-économique, et fragilisé la confiance des agents économiques et des partenaires du développement. Les résultats d'une évaluation de l'impact de cette crise indiquent une:

Dans le secteur de la communication, cette crise a eu des impacts très négatifs: les bâtiments de plusieurs stations de radio (Radio Nationale, Radio Bombolom et Radio Pindjiguiti) ont été endommagés. En outre, les équipements des radios privées Pindjiguiti et Mavegro ont été pillés. Enfin, la télévision nationale a été arrêtée du début à la fin du conflit et quelques équipements ont été endommagés.

Une quinzaine de journalistes de la presse publique et privée, sur les quelques dizaines dont dispose le pays, sont partis en exil. Ce n'est que lentement que les journaux reprennent leur parution régulière.

D'une manière générale, le conflit a entraîné l'arrêt des activités de communication, des rancœurs entre certaines couches socio-politiques, la méfiance entre les individus et une déchirure du tissu social.

À présent, la mise en œuvre d'une politique hardie d'appui aux secteurs de la communication s'avère nécessaire. Elle requiert notamment l'actualisation de la stratégie nationale de communication pour le développement. Ainsi le Gouvernement a déjà sollicité l'assistance de la FAO pour l'aider dans son effort de relance des activités de communication pour le développement ainsi que pour l'actualisation de la stratégie nationale qui avait été définie, condition sine qua non pour atteindre le développement humain durable.

Pour cette assistance, le gouvernement a demandé une mission, qui travaillerait avec la contrepartie nationale, pour:

Par ailleurs, l'UNICEF a inclus dans son Plan d'opérations du programme 2003-2007 un projet sur la communication pour le développement, avec pour objectif général:

Ce projet a trois volets:

1. plaidoyer en faveur de la communication pour le développement;
2. renforcement du partenariat avec les organes de communication sociale;
3. développement de la communication de proximité.

L'UNESCO s'engage à contribuer à:

Cette assistance de l'UNESCO aura comme objectif de contribuer à:

En ce qui concerne la coopération bilatérale, la France redémarre son assistance à la télévision nationale et le Portugal aide les radios privées, mais aussi la télévision et la radio nationales en termes de rééquipement et de restructuration post conflit.

Toutes ces actions sont conformes au document de la stratégie nationale de communication pour le développement.

VIII - Atouts et contraintes de la méthodologie d'élaboration de la PNCD

L'intervention de la stratégie nationale de communication pour le développement s'inscrit dans un cadre complexe, car il s'agit d'utiliser les atouts pour contribuer à:

Il existe des conditions favorables à la mise en œuvre de la stratégie nationale de communication pour le développement, comme la volonté de tous les intervenants dans le processus de développement. La participation à l'élaboration de la stratégie nationale de la communication pour le développement a été remarquable, qu'il s'agisse du gouvernement, des bailleurs de fonds, des ONG ou encore des partenaires au développement.

Cependant il existe aussi de sérieux obstacles à la mise d'une stratégie nationale de communication pour le développement:

IX - Recommandations a l'endroit des pays intéresses a l'élaboration d'une PNCD

L'élaboration de la stratégie de communication pour le développement est un processus complexe. Elle fait appel à la participation de la population à la définition et à la mise en œuvre des grandes orientations du développement du pays et favorise un dialogue entre tous les acteurs du développement sur ces actions. Ainsi, un pays qui prétend élaborer la stratégie nationale de communication pour le développement doit:

1. tenir compte d'enjeux comme l'élévation de la qualité de vie des populations, sachant que les indicateurs de cette qualité sont définis par les populations mêmes;

2. s'adapter à la multiplicité et à la diversité des tous les acteurs concernés à savoir:

- la communauté villageoise composée de l'ensemble des individus - hommes femmes, enfants - souvent organisés en associations, groupements ou comités;

- les notables et autorités traditionnelles ou religieuses, gardiens des coutumes et habitudes de la collectivité;

- les différentes catégories socioprofessionnelles concernées par les fonctions du développement;

- les agents du développement (techniciens, vulgarisateurs, animateurs) de l'état, des ONG, de projets et d'institutions qui s'occupent du développement;

3. répondre aux exigences de chaque étape de l'élaboration de la stratégie;

4. mobiliser les outils et réseaux de communication existants en fonction:

- des objectifs de communication poursuivis, qui ne sont pas nécessairement les mêmes dans chaque étape de la stratégie;

- de leur impact dans le milieu;

- de leur souplesse dans l'utilisation (capacité de production et d'utilisation, facilités logistiques, etc.);

- de leur coût de mise en œuvre;

- de la possibilité pour les communautés de s'approprier leur usage et/ou de participer à la production des messages transmis de façon à garantir la durabilité des activités de communication et le renforcement et le développement des systèmes locaux de communication;

5. utiliser de façon organisée, systématique et interactive les différentes formes de communication (de masse, de proximité, traditionnelle, institutionnelle) et ses outils afin de:

- partager les connaissances et les informations;

- mobiliser les différents partenaires;

- renforcer les compétences pédagogiques et les facultés de communication des agents de développement, à tous les niveaux qui travaillent dans les secteurs du développement;

6. inscrire la communication pour le développement comme une priorité dans le programme de travail du gouvernement;

7. faire en sorte que la stratégie nationale de communication pour le développement serve de cadre de référence à tous les partenaires;

8. inclure un volet communication dans tous les aspects de la politique globale du pays afin de permettre la circulation bidirectionnelle des informations;

9. mettre en place une structure de coordination opérationnelle et efficace. Cette structure doit avoir un caractère souple à la fois technique et politique avec un mandat et des moyens financiers conséquents. Cette structure, présidée par le Premier Ministre, doit être effective dès l'approbation du programme d'action;

10. mettre en place un mécanisme d'évaluation de la stratégie tout au long du processus de sa mise en œuvre: synthèse, évaluation et modification;

11. confier les travaux de recherche à des structures légères de coordination, afin d'assurer la cohésion des actions et de minimiser les coûts;

12. impliquer tous les partenaires dans la prise en charge du coût de la communication pour le développement;

13. prendre en compte tous ceux qui travaillent dans le domaine de la communication pour le développement, afin que soit reconnue la spécificité de leur activité, qu'elle soit valorisée et institutionnellement réglementée.

X - Quelles leçons tirer de la méthodologie d'élaboration et de mise en œuvre de la politique nationale de communication?

· L'identification des thèmes et secteurs d'étude à réaliser a été facilitée par l'expérience du Mali.

· Le recrutement des cadres n'a pas été difficile sauf pour le thème "moyens traditionnels de communication" où les délais n'ont pu être respectés.

· Les délais octroyés aux consultants s'avéraient trop court par rapport au volume de travail. A l'avenir, il faudra envisager des délais plus longs (un mois de plus pour le travail de terrain).

· Les consultants n'ont pas eu un atelier pédagogique permettant d'harmoniser les thèmes et les bases méthodologiques d'études et de diagnostics.

· Les institutions contactées se sont montrées disponibles pour fournir tous les éléments utiles au travail des consultants et pour participer au séminaire national. A l'avenir, il faudra profiter de cet élan et de cet engouement pour un travail plus profond.

· Les enquêtes réalisées sur le terrain se sont avérées très utiles. D'autant que, pour la première fois, l'on a écouté les attentes des usagers de la communication, surtout en zone rurale.

· L'étude sur le cadre juridique et institutionnel s'est penchée plutôt sur le juridique que l'institutionnel. Pour l'actualisation de la stratégie, il faudra reprendre ce volet.

· Le directeur national devrait être pris en charge dès le début du projet afin d'accompagner à plein temps les travaux et de piloter le comité chargé de l'exécution de la stratégie. Travaillant en même temps pour le projet et pour une structure gouvernementale, il se voit limiter son action.

· La mise en œuvre de la stratégie implique qu'un effort soit fait en faveur des professionnels de la communication, tous les médias confondus. En effet, selon les résultats du processus d'élaboration de la stratégie, trop peu de professionnels sont capables de maîtriser et de diffuser correctement les thèmes et la problématique inhérents au processus de développement.

· Au moment de la préparation de la stratégie, le secteur privé de la communication était encore embryonnaire. Il conviendra de reprendre cette thématique lors de l'actualisation de la stratégie.

· Les nouvelles technologies de l'information et de la communication n'ont pas été suffisamment prises en compte dans la stratégie. Il faudra donc approfondir cette dimension de la stratégie.

· La situation de conflit connue par la Guinée-Bissau et la situation en Afrique de l'Ouest exigent que soit inclus dans la stratégie le rôle de la communication pour le développement dans la consolidation de la paix, de la tolérance et du respect des Droits de l'Homme.

· Une structure de suivi et d'évaluation doit être associée dés le début du projet.

· L'appui conceptuel et méthodologique du service concerné de la FAO a été déterminante dans l'élaboration de la stratégie.

Conclusion

En Guinée-Bissau la stratégie nationale de communication n'a pu être mise en œuvre à cause des raisons soulevées ci-dessus.

Il convient de poser un certain nombre de questions en guise de conclusion.

A quoi bon proposer à des femmes d'adhérer au planning familial si les moyens contraceptifs et le suivi médical ne sont pas disponibles? A quoi bon encourager les jeunes à porter des préservatifs pour lutter contre le sida si ceux-ci ne sont pas disponibles sur tous les marchés? A quoi bon proposer aux agriculteurs d'utiliser la traction animale s'il n'y a pas de bœufs dans la zone ou si on ne leur apprend pas à les dresser? A quoi bon pousser les maraîchers à intensifier leur production si les structures de commercialisation n'existent pas? A quoi bon encourager les parents à envoyer leurs enfants à l'école si la plus proche est à 15 kilomètres et s'ils doivent payer les enseignants? A quoi bon encourager les charbonniers à arrêter leur production dévastatrice si on ne leur propose pas d'activités alternatives et si la demande augmente? A quoi bon "sensibiliser" les populations à une gestion durable de leur environnement si on ne leur propose aucun moyen concret de le faire? A quoi bon construire des infrastructures si tout est détruit ensuite par les conflits?

Pratiquement toutes les organisations qui œuvrent pour le développement dans les secteurs de l'agriculture, de la santé, de l'éducation et de l'environnement de nos pays en Afrique ont compris depuis longtemps que les hommes et les femmes ont plus besoin d'exemples que de paroles, même si l'oralité est une partie intégrante de leur culture.

La communication peut faire beaucoup pour le développement mais à condition que, parallèlement, les services, les moyens d'apprentissage, les outils, les capacités d'organisation, les financements, les décisions et l'exemplarité politiques existent sur le terrain. Or, dans la majeure partie des cas, ils sont absents et les populations attendent que "ceux" qui parlent démontrent et les aident à faire.

L'élaboration d'une stratégie de communication pour le développement ne doit pas être une fin en soi, ni une opération abstraite. Pour la mener à bien, il faut tenir compte des mécanismes spécifiques de la prise de décision, de l'allocation des ressources financières et logistiques, du comportement économique, social et politique. Elaborer une stratégie de communication pour le développement seulement pour le plaisir de l'élaborer est un gaspillage évident. Ce qui donne un sens à la mise en œuvre d'une stratégie de communication pour le développement, c'est la réalisation. Si l'on n'y intègre pas les paramètres facteurs de déterminations politiques et de prises de décision, non seulement, l'on ne tire pas parti de toutes les possibilités, mais l'on risque aussi de courir à l'échec.


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