par
Francisco Barreto de Carvalho
Depuis son indépendance, la Guinée-Bissau a entrepris de restaurer, et en bien des cas de créer, un "système national de communication".
Reconnaissant l'importance capitale de la communication dans le développement socio-économique de la nation, le gouvernement a accordé la plus haute priorité au développement du système national de communication qui devait jouer un rôle dynamique, en tant que support essentiel, dans la promotion des objectifs nationaux suivants: renforcer le sens de l'unité culturelle nationale; communiquer les informations d'importance nationale et internationale; sensibiliser le peuple de Guinée-Bissau au processus de développement de la nation;
éduquer la population et promouvoir le transfert effectif des connaissances pour une amélioration des conditions de vie et de travail;
promouvoir la protection sanitaire et la santé publique en général;
contribuer à l'avènement d'une démocratie pluraliste et au respect des droits de l'homme;
promouvoir la protection et la conservation des ressources humaines et naturelles;
inciter les agriculteurs à adopter des techniques de production modernes et à valoriser leurs propres techniques;
inciter les populations urbaines à suivre la voie du développement industriel;
promouvoir le commerce par la publicité;
promouvoir le tourisme, les sports et autres activités sociales.
Ainsi, un des premiers objectifs du Gouvernement de Guinée-Bissau était d'établir un réseau complet de communication dans l'ensemble du pays.
Après plusieurs années d'efforts, en 1991, la Guinée- Bissau disposait d'une infrastructure de communication sociale qui n'était pas sans potentialités, mais le pays ne disposait pas des moyens pour utiliser efficacement cette infrastructure en faveur du développement.
Or, pour la Guinée-Bissau, pays à forte dominante agricole, la communication était indispensable et constituait une des conditions mêmes du développement, en favorisant par exemple le transfert de technologies pour améliorer les pratiques dans l'agriculture, l'élevage et la pêche, l'amélioration de la santé, la rencontre des savoir ou encore l'expression des cultures locales et des pratiques paysannes.
Une analyse très rapide peut nous permettre de mesurer l'ampleur des carences qui caractérisait à l'époque le dispositif de communication de Guinée-Bissau.
Ces carences n'étaient d'ailleurs que le reflet d'une situation générale d'une extrême difficulté, même si à l'époque tous les rapports sur la Guinée-Bissau faisaient état d'une nette amélioration par rapport à la décennie précédente: meilleur approvisionnement en produits alimentaires, libéralisation et assainissement de l'économie, décrispation de la situation sociale, démocratisation de la vie politique.
Malgré cette amélioration, malgré l'aide internationale et les efforts gouvernementaux, la réalité restait très préoccupante, tant en ce qui concerne l'équipement sanitaire que la situation économique. L'industrie ne parvenait pas à démarrer. Le PNB par habitant n'était que de 120 à 130 dollars par an.
Les besoins en communication étaient de quatre ordres:
1- des besoins qu'on pourrait qualifier d'urgence, comme la nécessité de faire parvenir aux agriculteurs des informations techniques concernant la météo, les calendriers agricoles, les attaques de prédateurs, les épidémies ou l'évolution des prix des produits agricoles, alors que rien jusque-là ne renseignait les agriculteurs sur ces questions;
2- des besoins permanents, en information et vulgarisation en matière d'agriculture et d'élevage, de pêche, de santé, de nutrition, etc., comme il en existe dans n'importe quel autre pays;
3- besoin d'un système d'information systématique, accessible à l'ensemble de la population, parfois isolée du fait du manque de moyens de transport ou de la géographie même du pays (une partie en archipel, une autre sur le continent mais lézardée de cours d'eau innombrables);
4- besoin plus complexe d'expression des identités culturelles des communautés rurales, condition de base d'un vrai développement, qui se double, sans être forcément contradictoire, du nécessaire renforcement du sentiment d'appartenance à une unité nationale.
La Guinée-Bissau, tout comme les pays environnants, est d'une extrême diversité ethnique (Balantes, Manjagues, Fulas, Papel, Bijagos, Beafada, etc.). Aucune langue ne peut être considérée comme vraiment commune à tous. En tout cas, pas le Portugais. Davantage le créole, parlée de tous les cadres et agents de développement, mais non comprise d'une large partie de la population rurale.
L'objectif des autorités nationales était d'aboutir à l'affirmation de l'unité dans la diversité.
La Guinée-Bissau, pourtant petite (36.000km2) est soumise à bien des forces centrifuges.
La radio nationale n'atteignait pas l'ensemble du territoire national et beaucoup de gens avaient pris l'habitude de se brancher plutôt à la radio sénégalaise.
C'est dans ce contexte que le Gouvernement de Guinée-Bissau a fait appel à la FAO pour une assistance pour mettre sur pied une stratégie de communication multimédia.
Le projet visait à assister le Gouvernement de Guinée-Bissau à définir une stratégie multimédia de communication sociale et éducative en matière de développement rural et à formuler un projet à moyen terme de développement des principaux instruments de communication avec le monde rural, notamment la radio rurale, la vidéo et les moyens audiovisuels en appui à la vulgarisation et à la communication de groupe.
Pour cela, il fallait s'attacher particulièrement à développer:
la production d'émissions de radio pour le monde rural;
la production d'émissions de télévision pour le monde rural;
les activités du Centre de Documentation et de Diffusion Agricole (CDEDA) en matière de circulation de l'information écrite et de conception matérielle didactique et audiovisuelle pour le monde rural;
une réflexion intersectorielle sur la planification des besoins de communication avec le monde rural.
Les résultats attendus de ces activités du projet étaient les suivants:
émissions de radio rurale diffusées sur les antennes de la radio nationale, et plan de développement de la radio rurale en Guinée-Bissau;
émissions de télévision destinées au monde rural;
meilleur circuit de documentation pour les agents du développement rural et production de matériel didactique pour le monde rural;
besoins en communication rurale identifiés et stratégie de communication multimédia et intersectorielle élaborée.
La coordination des activités du projet a été confiée à un consultant spécialiste en communication doté d'une bonne polyvalence. Outre ses activités de coordination et de sa contribution spécifique à chacune des activités mentionnées, il avait pour mission de:
susciter chez les partenaires bissau-guinéens une pratique d'évaluation permanente des activités de communication avec le monde rural;
définir l'architecture d'un programme plus vaste d'appui à la communication rurale, privilégiant la mise en place de radios rurales en langues locales et le développement d'expériences de communication participative;
Rechercher auprès d'autres bailleurs de fonds des moyens financiers complémentaires nécessaires à la mise en uvre de l'après-projet.
A l'issue de ce projet, une mission d'évaluation a été effectuée par un représentant de la Division de l'Information de la FAO.
En 1990, le Gouvernement de Guinée-Bissau a présenté à la FAO une requête pour une assistance en matière de communication en milieu rural.
Une mission d'identification basée sur une évaluation des possibilités et des limites des outils existants, ainsi que sur les besoins en communication permit de mesurer l'ampleur des carences qui caractérisaient le dispositif de communication bissau-guinéen. Cette mission concluait sur la nécessité d'appuyer le Gouvernement de Guinée-Bissau en vue d'élaborer une stratégie multimédia de communication pour satisfaire les besoins du monde rural.
Les activités du projet ont effectivement démarré en août 1992. Elles visaient essentiellement à assister les autorités bissau-guinéennes dans la définition d'une stratégie multimédia de communication sociale et éducative en matière de développement rural et à formuler un plan de développement a moyen terme des principaux moyens de communication avec le monde rural.
Le projet s'est particulièrement attaché aux activités suivantes:
formation à la méthodologie de la radio rurale des agents de la radiodiffusion nationale de Guinée-Bissau et d'agents provenant d'autres structures techniques. Plusieurs sorties sur le terrain ont permis aux différentes équipes de produire des émissions de radio pour le monde rural;
formation des producteurs de la télévision (TVEGB) et des agents du centre de documentation et de diffusion agricole (CDEDA) en vue de produire sur le terrain des émissions interactives avec les communautés rurales. Quatre émissions de qualité (reportages) ont été produites montées et diffusées sur les antennes de la télévision nationale, alors que, jusque-là, les antennes étaient saturées de "télénovelas" et de films de divertissement;
appui spécifique du CDEDA dans le domaine de la formation. Deux techniciens ont suivi deux sessions en radio rurale et TV/vidéo, et ont également été formés à la pédagogie paysanne à Bamako (Mali), au Centre de services de production audiovisuelle (CESPA);
appui du CDEDA dans le domaine de la coopération institutionnelle avec les médias audiovisuels, le CDEDA participant aux sorties sur le terrain de la radio rurale et aux travaux de montage des reportages réalisés par la télévision nationale;
appui du CDEDA dans le domaine de l'équipement enfin, par l'acquisition d'un équipement complet. permettant au CDEDA de produire et de monter des films vidéo.
En vue d'atteindre l'objectif majeur du projet - à savoir, définir une stratégie nationale de communication pour le développement - quatre rencontres régionales ont été organisées, pour identifier, inventorier et analyser les besoins en communication des différents acteurs sociaux en milieu urbain et rural, et pour réfléchir et faire des propositions concrètes, sous forme de plans d'action sectoriels et régionaux sur:
la mission et les objectifs généraux et spécifiques de la stratégie nationale de communication pour le développement;
le rôle et la place des médias;
la formation à la communication pour le développement
le cadre institutionnel et juridique chargé de la mise en uvre et du suivi de la stratégie nationale de communication pour le développement.
Chacune de ces rencontres a rassemblé, pendant quatre jours, de vingt à trente participants des régions suivantes:
Dans le même temps, cinq études sectorielles ont été menées par des consultants nationaux, sur les thèmes suivants:
Dans leurs études, les consultants dressèrent l'état des lieux, analysèrent les atouts et les contraintes et firent des recommandations relatives à la stratégie de communication pour le développement.
Des contacts ont été pris et maintenus avec les partenaires de la coopération bi et multilatérale afin de les impliquer dans la tenue et la mise en uvre du séminaire de définition d'une stratégie nationale de communication pour le développement. il s'agit du PNUD, de l'UNICEF, de l'OMS, des représentations diplomatiques des pays suivants: Etats-Unis, Suède, France, Portugal, Pays-Bas, Canada et d'organismes tels que l'UICN, la CE et l'USAID.
Ce long cheminement aboutit à l'organisation, du 30 janvier au 6 février 1995, du séminaire pour la définition d'une stratégie nationale de communication pour le développement, pour faire le point sur les expériences vécues et s'appuyer sur la communication sociale pour transformer la société guinéenne.
La stratégie nationale de communication pour le développement a pour mission de servir de cadre de référence évolutif et flexible, permettant, par le dialogue entre les différents acteurs de développement, que les projets soient connus de manière à prendre en compte les idées et capacités des bénéficiaires, pour les mobiliser (communication sociale) et renforcer leurs capacités (communication éducative), afin de mener à bien les actions de développement.
La stratégie de PNCD doit permettre l'instauration d'un climat de confiance entre le gouvernement et ses partenaires (internes et externes), en vue d'une action concertée pour traiter la problématique du développement national et pour éliminer la division entre "décideurs", "exécuteurs" et "bénéficiaires".
1 - OBJECTIFS GéNéRAUX
Promouvoir la participation de la société civile à la définition et à la mise en uvre des grandes orientations de développement du pays, en favorisant le dialogue entre tous les acteurs du développement sur ces actions
Appuyer les initiatives des communautés de base dans les différents secteurs du développement, en favorisant l'échange des informations, des savoirs et des techniques entre les communautés
Offrir - à tous ceux qui ont la responsabilité de diffuser des informations ou d'introduire des innovations dans les différents secteurs du développement - des instruments de communication sociale et éducative leur permettant de faire cette diffusion dans les meilleures conditions
Promouvoir, pour toutes les interventions en milieu rural, les systèmes de vulgarisation, d'encadrement, de formation et de communication basés sur des stratégies de dialogue, de participation, plutôt que sur des stratégies de messages verticaux.
En outre, la stratégie nationale de communication pour le développement, doit contribuer à la consolidation de la démocratie, y compris la prise de conscience, par les citoyens, de leurs droits et devoirs, et par l'Etat, de ses responsabilités et de son autorité.
2 - OBJECTIFS SPéCIFIQUES
La stratégie nationale de communication pour le développement doit contribuer à la mise en uvre des politiques sectorielles prioritaires du Gouvernement, notamment dans les domaines de l'éducation, la santé, l'énergie, l'agriculture et de l'habitat.
La stratégie nationale de communication pour le développement doit appuyer tous les secteurs, et notamment:
le secteur économique et financier
la production en agriculture, élevage, forêts, recherche agronomique, pêche, énergie, industrie, ressources naturelles, tourisme, environnement et artisanat;
le dispositif social, les infrastructures de transport et de communication, l'habitat et l'urbanisme;
le commerce;
le domaine social, en particulier les affaires sociales et la promotion féminine, la jeunesse, la culture et le sport.
Cet appui doit se manifester concrètement, en contribuant à:
la mise en uvre des politiques sectorielles du gouvernement sur la base du dialogue et de la concertation de l'Etat avec ces différents partenaires (internes et externes);
une meilleure formation, motivation et information des cadres, responsables de la mise en uvre des projets de développement;
le renforcement des capacités et la formation continue des populations, l'information et la transparence concernant les activités de développement, surtout celles qui les concernent directement;
l'émergence d'un cadre législatif pour permettre le dialogue, la responsabilisation et l'amélioration des rapports entre le secteur public et la société civile en matière de développement;
la valorisation de la culture bissau guinéenne, la cohésion sociale et le développement harmonieux du pays;
la défense des intérêts des populations, principalement des femmes, en ce qui concerne particulièrement l'éducation et la santé;
la décentralisation de la communication sociale afin que les communautés de base aient accès aux informations, et que les programmes reflètent les problèmes et les aspirations des individus, des familles et des communautés;
une meilleure circulation de l'information sur les calendriers de commercialisation des produits alimentaires, leurs prix, leur disponibilité sur le marché, etc.;
l'échange d'expériences (succès et échecs) entre les différents intervenants dans les actions de développement, notamment entre les différentes associations de base;
une ample campagne de protection pour favoriser l'équilibre des ressources naturelles et d'environnement;
l'acquisition et la consolidation des comportements, attitudes et connaissances par les populations, en appliquant les méthodes participatives;
l'identification et l'intégration d'une composante de communication pour le développement dans tous les projets et programmes de développement;
la formation et la consolidation des valeurs de la famille afin de mieux gérer son équilibre;
des consultations ("tables rondes") avec les partenaires au développement, en vue de mobiliser leur participation à l'élaboration et mise en uvre de la stratégie nationale de communication pour le développement.
POTENTIALITÉS
Parmi les conditions favorables à la mise en uvre de la stratégie nationale de communication pour le développement, citons l'engagement de tous les intervenants dans le processus de développement, qu'il s'agisse du gouvernement qui a mis en uvre le projet, des partenaires au développement, des bailleurs de fonds, des populations ou encore des ONG.
FACTEURS LIMITANTS
Il existait aussi de sérieux obstacles à la mise en uvre d'une stratégie nationale de communication pour le développement.
Manque de définition conceptuelle de la communication pour le développement auprès des agents chargés d'intervenir dans ce domaine, soit par manque de formation, soit par manque d'encadrement institutionnel approprié pour la mise en uvre de programmes de communication pour le développement
Manque de ressources matérielles et financières permettant la mise en uvre de la stratégie nationale de communication pour le développement
Insuffisance des infrastructures existantes, notamment sur les plans de l'énergie et des voies d'accès
Division ou manque de contact entre le monde rural et le monde urbain, en ce concerne les systèmes de valeurs et les normes culturelles
Projets soutenus par des financements externes limitant leurs domaines d'intervention et ne facilitant pas la communication, quoiqu'ils aient les moyens financiers et économiques pour le faire
Manque d'échanges qui limite les bénéfices que l'on pourrait retirés des connaissances et des techniques de documentation qui, pourtant, existent
Manque de contrepartie du gouvernement. Cette contrepartie aurait été nécessaire pour pleinement exploiter les potentialités offertes par des programmes et du matériel de communication disponibles dan certains services et projets.
Moyens de communication sous-utilisés par manque de protocoles d'accord bien définis entre les différents secteurs et services
Possibilités d'améliorer la communication en milieu rural et urbain non matérialisées par manque de stimulation et de motivation des cadres au niveau national, sectoriel et local
Moyens qui, quoiqu'insuffisants, auraient pu être mieux exploités:
- la radiodiffusion, la télévision, les studios audiovisuelles au sein des secteurs les plus divers, les systèmes traditionnels de communication, la presse écrite et les méthodologies participatives d'intervention;
- des projets qui géraient des budgets pour la production de programmes dans les domaines de l'information, éducation, communication (IEC), non exploités;
- plusieurs ONG, associations de base, groupements d'hommes et de femmes appuyant la communication à la base.
La mise en uvre de la stratégie nationale de communication pour le développement a fait l'objet d'une programmation à court, moyen et long termes.
1 - ACTIONS à COURT TERME (AVRIL 1995 à MARS 1996)
Sollicitation du gouvernement pour l'approbation des conclusions et recommandations relatives à la stratégie nationale de communication pour le développement
Initiation des travaux préparatoires à une relecture des textes juridiques existants et identifier les nouveaux textes nécessaires
Diffusion à tous les niveaux des résultats du séminaire national
Création d'une commission intersectorielle de communication pour le développement au sein de la primature, dont le Secrétaire Exécutif serait du Ministère de la Communication
Elaboration d'un plan directeur du développement de la communication sociale
Création de la radio rurale et des stations régionales
Contacts avec les partenaires du développement et de la coopération en vue de la mise en uvre des plans d'action de la stratégie nationale de communication pour le développement.
2 - ACTIONS à MOYEN TERME (AVRIL 1996 à MARS 1999)
Finalisation et proclamation des décrets liés à la stratégie nationale de communication pour le développement et au plan directeur
Mise en place de cellules de coordination des activités de communication pour le développement au sein des départements publics et des autres structures et organismes intéressés
Création d'une école de communication sociale
Création d'un centre national d'information et de documentation en communication pour le développement
Elaboration d'un programme de formation et recyclage pour les professionnels de la communication sociale
Elaboration d'un programme de formation en communication pour le développement et sur l'utilisation de supports de communication éducative à l'intention des communicateurs du terrain
Elaboration d'un schéma directeur pour la recherche en matière de communication pour le développement
Institutionnalisation de la communication pour le développement en tant que discipline dans l'enseignement secondaire, professionnel, technique et supérieur
Mise en uvre du plan directeur de développement de la communication, notamment la décentralisation des moyens de communication
Elaboration des stratégies sectorielles de communication pour le développement
Attribution des nouvelles fonctions et compétences, ainsi que des ressources matérielles et humaines à deux centres d'information, éducation et communication (IEC) afin que ces départements soient au service de tous les secteurs de développement en tant que centres de formation et de production
Renforcement du Centre d'Etudes du Développement Rural (CDEDA) comme centre de formation, d'information et de documentation en matière de méthodologie de l'approche et de l'animation participatives, à l'intention des communicateurs de terrain
Organisation d'une rencontre des PALOP (pays lusophones) pour mener un débat sur les expériences en communication pour le développement.
3 - ACTIONS À LONG TERME (à PARTIR DE L'AN 2000)
Mise en place d'une structure de recherche et de coordination de la communication pour le développement
Consolidation des objectifs de la communication des différents secteurs de développement du pays
Evaluation et capitalisation des expériences en matière de communication pour le développement.
La méthodologie qui sous-tend la mise en uvre de la stratégie nationale de communication pour le développement était adaptée à la réalité, aux conditions culturelles, économiques, sociales et religieuses de la Guinée-Bissau et à son stade de développement. Cette méthodologie est basée sur les quatre principes de base suivants.
LE PARTENARIAT
Le soutien aux institutions locales et la coopération avec les ONG locales s'intéressant à la communication sont une priorité. Ce soutien doit s'intégrer aux programmes et aux projets sectoriels de communication pour le développement. Les partenaires sont les relais vers l'action.
L'INTERACTIVITÉ
Toute activité de communication dans le domaine de la communication pour le développement doit revêtir une dimension interactive: réfléchir, recevoir et proposer des idées et des informations.
LE MULTIMÉDIA
Utilisation de tous les médias disponibles (presse, radio, télévision, cinéma, vidéo, théâtre, danse, chant, conteurs) selon le public concerné.
Dans les régions peu alphabétisées, le contact direct doit être privilégié par les systèmes locaux de communication (SLC) et les moyens audiovisuels. Les médias traditionnels (griots, marionnettes, etc.) et les canaux traditionnels de communication (communautés confessionnelles, événements culturels, etc.) doivent être également privilégiés pour atteindre le plus grand nombre de personnes.
LA DURABILITÉ
Les activités de communication pour le développement doivent à terme être appropriées par les acteurs du développement.
Le Ministère chargé de la communication était responsable de l'exécution du projet. Il devait designer la structure chargée de la mise en uvre de la stratégie et nommer le directeur national.
En outre, le Gouvernement s'engageait à:
favoriser la collaboration des journalistes, producteurs et techniciens avec la structure responsable de la mise en uvre et à dégager les moyens humains nécessaires;
garantir une collaboration permanente entre les ministères impliqués;
garantir une participation de toutes les structures concernées.
Depuis l'approbation de la stratégie nationale de communication pour le développement, la PNCD n'a pu être appliquée pour trois raisons.
1- L'instabilité politique en Guinée-Bissau a fait que, de la date de l'élaboration de la stratégie jusqu'à 1998 (donc en 6 ans), il y a eu plus de 7 ministres ou secrétaires d'état chargés de la communication, soit un responsable différent tous les 10 ou 11 mois. Ces changements n'ont pas permis aux différents gouvernements d'inclure la communication dans leur agenda politique. En conséquence, la stratégie nationale n'a jamais été formellement validée par le gouvernement.
2- Comme conséquence du point 1, n'ont été créés ni la structure de coordination opérationnelle, ni les cellules de communication prévues au sein des départements ministériels, ni les comités intersectoriels impliquant tous les partenaires de la communication pour le développement.
3- "The last but not the least", l'année 1998 a été marquée en Guinée-Bissau par un conflit politico-militaire qui a entraîné des pertes en vies humaines, des destructions d'infrastructures socio-économiques et l'exil de nombreuses populations.
Cette crise politico-militaire a affecté profondément l'économie et la société de Guinée-Bissau. Elle a eu des conséquences dramatiques dans tous les domaines d'activité, a fragilisé les acquis obtenus, notamment, au plan macro-économique, et fragilisé la confiance des agents économiques et des partenaires du développement. Les résultats d'une évaluation de l'impact de cette crise indiquent une:
destruction du secteur productif, une désorganisation des circuits de commercialisation et de distribution et une chute des exploitations;
réduction du peu d'esprit d'entreprise existant dans le pays;
progression soutenue du secteur informel;
désorganisation et régression de la performance de l'administration publique;
augmentation de l'incertitude dans le système politico-institutionnel.
Dans le secteur de la communication, cette crise a eu des impacts très négatifs: les bâtiments de plusieurs stations de radio (Radio Nationale, Radio Bombolom et Radio Pindjiguiti) ont été endommagés. En outre, les équipements des radios privées Pindjiguiti et Mavegro ont été pillés. Enfin, la télévision nationale a été arrêtée du début à la fin du conflit et quelques équipements ont été endommagés.
Une quinzaine de journalistes de la presse publique et privée, sur les quelques dizaines dont dispose le pays, sont partis en exil. Ce n'est que lentement que les journaux reprennent leur parution régulière.
D'une manière générale, le conflit a entraîné l'arrêt des activités de communication, des rancurs entre certaines couches socio-politiques, la méfiance entre les individus et une déchirure du tissu social.
À présent, la mise en uvre d'une politique hardie d'appui aux secteurs de la communication s'avère nécessaire. Elle requiert notamment l'actualisation de la stratégie nationale de communication pour le développement. Ainsi le Gouvernement a déjà sollicité l'assistance de la FAO pour l'aider dans son effort de relance des activités de communication pour le développement ainsi que pour l'actualisation de la stratégie nationale qui avait été définie, condition sine qua non pour atteindre le développement humain durable.
Pour cette assistance, le gouvernement a demandé une mission, qui travaillerait avec la contrepartie nationale, pour:
revoir et actualiser les documents de stratégie nationale de communication pour le développement et le programme national de communication pour le développement;
renouer les contacts avec les partenaires de la coopération bi et multilatérale intéressés par la mise en uvre de la politique nationale de communication pour le développement;
initier une table ronde des bailleurs de fonds pour financer la mise en uvre de cette politique.
Par ailleurs, l'UNICEF a inclus dans son Plan d'opérations du programme 2003-2007 un projet sur la communication pour le développement, avec pour objectif général:
augmenter la capacité d'intervention des organes de communication sociale;
valoriser les canaux de communication traditionnelle;
coordonner les actions de communication sociale;
mettre en uvre des politiques et stratégies de communication pour le développement en vue de changer le comportement en faveur des enfants.
Ce projet a trois volets:
1. plaidoyer en faveur de la communication pour le développement;
2. renforcement du partenariat avec les organes de communication sociale;
3. développement de la communication de proximité.
L'UNESCO s'engage à contribuer à:
la détermination des besoins en réhabilitation des infrastructures de communication (presse écrite, presse audiovisuelle, presse publique et privée);
l'estimation des coûts de réhabilitation et d'équipement de la presse;
la détermination des besoins en formation des journalistes de la presse publique et privée en matière de culture de la paix. La formation, qui sera dispensée aux diverses catégories des journalistes, se fera par des séminaires, stages, journées de réflexion et panels autour de thèmes comme la culture de la paix, l'éthique et la déontologie professionnelle du journaliste, le rôle du journaliste dans le rétablissement et la consolidation de la paix en Guinée-Bissau.
Cette assistance de l'UNESCO aura comme objectif de contribuer à:
la formation des professionnels de l'information aux méthodes et techniques de collecte et diffusion d'informations relatives à la paix, à la tolérance et aux droits de l'homme;
la réflexion collective permanente sur le rôle du journaliste dans la prévention des conflits et la promotion de la paix.
En ce qui concerne la coopération bilatérale, la France redémarre son assistance à la télévision nationale et le Portugal aide les radios privées, mais aussi la télévision et la radio nationales en termes de rééquipement et de restructuration post conflit.
Toutes ces actions sont conformes au document de la stratégie nationale de communication pour le développement.
L'intervention de la stratégie nationale de communication pour le développement s'inscrit dans un cadre complexe, car il s'agit d'utiliser les atouts pour contribuer à:
la participation de la population à la définition et à la mise en uvre des grandes orientations de développement du pays en favorisant un dialogue entre tous les acteurs du développement sur ces actions;
l'initiative prise au niveau des communautés de base dans les différents secteurs du développement en favorisant les échanges des informations, des savoirs et des techniques entre ces communautés;
la mise à disposition des instruments de communication permettant à tous ceux qui ont la responsabilité de diffuser l'information de le faire dans les meilleures conditions;
la mise en uvre des politiques sectorielles du Gouvernement sur la base du dialogue et de la concertation de l'état avec ses différents partenaires (internes et externes);
une meilleure formation, motivation et information des cadres, responsables pour la mise en uvre des projets de développement;
l'information et la transparence concernant les activités du développement, surtout celles qui concernent directement les populations, en s'appuyant sur le renforcement des capacités et la formation continue des populations;
l'émergence d'un cadre législatif permettant le dialogue, la responsabilisation et l'amélioration des rapports entre le secteur public et la société civile en matière de développement;
la décentralisation de la communication afin que les communautés de base aient accès aux informations, et que les programmes reflètent les problèmes et les aspirations des individus, des familles et des communautés;
l'échange d'expériences (succès et échecs entre les différents intervenants dans les actions de développement, notamment entre les différentes associations de base);
des consultations (tables rondes) avec les partenaires au développement, en vue de mobiliser leur participation à l'élaboration et mise en uvre de la stratégie nationale de communication pour le développement.
Il existe des conditions favorables à la mise en uvre de la stratégie nationale de communication pour le développement, comme la volonté de tous les intervenants dans le processus de développement. La participation à l'élaboration de la stratégie nationale de la communication pour le développement a été remarquable, qu'il s'agisse du gouvernement, des bailleurs de fonds, des ONG ou encore des partenaires au développement.
Cependant il existe aussi de sérieux obstacles à la mise d'une stratégie nationale de communication pour le développement:
manque de définition conceptuelle de la communication pour le développement auprès des agents chargés d'intervenir dans ce domaine, soit par manque de formation, soit par manque d'encadrement institutionnel approprié pour la mise en uvre de programmes de communication pour le développement;
manque de ressources matérielles et financières permettant la mise en uvre de la stratégie nationale de communication pour le développement;
insuffisance des infrastructures existantes, notamment sur les plans de l'énergie et des voies d'accès;
division ou manque de contact entre le monde rural et le monde urbain, en ce qui concerne les systèmes de valeurs et les normes culturelles.
L'élaboration de la stratégie de communication pour le développement est un processus complexe. Elle fait appel à la participation de la population à la définition et à la mise en uvre des grandes orientations du développement du pays et favorise un dialogue entre tous les acteurs du développement sur ces actions. Ainsi, un pays qui prétend élaborer la stratégie nationale de communication pour le développement doit:
1. tenir compte d'enjeux comme l'élévation de la qualité de vie des populations, sachant que les indicateurs de cette qualité sont définis par les populations mêmes;
2. s'adapter à la multiplicité et à la diversité des tous les acteurs concernés à savoir:
3. répondre aux exigences de chaque étape de l'élaboration de la stratégie;- la communauté villageoise composée de l'ensemble des individus - hommes femmes, enfants - souvent organisés en associations, groupements ou comités;
- les notables et autorités traditionnelles ou religieuses, gardiens des coutumes et habitudes de la collectivité;
- les différentes catégories socioprofessionnelles concernées par les fonctions du développement;
- les agents du développement (techniciens, vulgarisateurs, animateurs) de l'état, des ONG, de projets et d'institutions qui s'occupent du développement;
4. mobiliser les outils et réseaux de communication existants en fonction:
- des objectifs de communication poursuivis, qui ne sont pas nécessairement les mêmes dans chaque étape de la stratégie;
- de leur impact dans le milieu;
- de leur souplesse dans l'utilisation (capacité de production et d'utilisation, facilités logistiques, etc.);
- de leur coût de mise en uvre;
- de la possibilité pour les communautés de s'approprier leur usage et/ou de participer à la production des messages transmis de façon à garantir la durabilité des activités de communication et le renforcement et le développement des systèmes locaux de communication;
5. utiliser de façon organisée, systématique et interactive les différentes formes de communication (de masse, de proximité, traditionnelle, institutionnelle) et ses outils afin de:
6. inscrire la communication pour le développement comme une priorité dans le programme de travail du gouvernement;- partager les connaissances et les informations;
- mobiliser les différents partenaires;
- renforcer les compétences pédagogiques et les facultés de communication des agents de développement, à tous les niveaux qui travaillent dans les secteurs du développement;
7. faire en sorte que la stratégie nationale de communication pour le développement serve de cadre de référence à tous les partenaires;
8. inclure un volet communication dans tous les aspects de la politique globale du pays afin de permettre la circulation bidirectionnelle des informations;
9. mettre en place une structure de coordination opérationnelle et efficace. Cette structure doit avoir un caractère souple à la fois technique et politique avec un mandat et des moyens financiers conséquents. Cette structure, présidée par le Premier Ministre, doit être effective dès l'approbation du programme d'action;
10. mettre en place un mécanisme d'évaluation de la stratégie tout au long du processus de sa mise en uvre: synthèse, évaluation et modification;
11. confier les travaux de recherche à des structures légères de coordination, afin d'assurer la cohésion des actions et de minimiser les coûts;
12. impliquer tous les partenaires dans la prise en charge du coût de la communication pour le développement;
13. prendre en compte tous ceux qui travaillent dans le domaine de la communication pour le développement, afin que soit reconnue la spécificité de leur activité, qu'elle soit valorisée et institutionnellement réglementée.
· L'identification des thèmes et secteurs d'étude à réaliser a été facilitée par l'expérience du Mali.
· Le recrutement des cadres n'a pas été difficile sauf pour le thème "moyens traditionnels de communication" où les délais n'ont pu être respectés.
· Les délais octroyés aux consultants s'avéraient trop court par rapport au volume de travail. A l'avenir, il faudra envisager des délais plus longs (un mois de plus pour le travail de terrain).
· Les consultants n'ont pas eu un atelier pédagogique permettant d'harmoniser les thèmes et les bases méthodologiques d'études et de diagnostics.
· Les institutions contactées se sont montrées disponibles pour fournir tous les éléments utiles au travail des consultants et pour participer au séminaire national. A l'avenir, il faudra profiter de cet élan et de cet engouement pour un travail plus profond.
· Les enquêtes réalisées sur le terrain se sont avérées très utiles. D'autant que, pour la première fois, l'on a écouté les attentes des usagers de la communication, surtout en zone rurale.
· L'étude sur le cadre juridique et institutionnel s'est penchée plutôt sur le juridique que l'institutionnel. Pour l'actualisation de la stratégie, il faudra reprendre ce volet.
· Le directeur national devrait être pris en charge dès le début du projet afin d'accompagner à plein temps les travaux et de piloter le comité chargé de l'exécution de la stratégie. Travaillant en même temps pour le projet et pour une structure gouvernementale, il se voit limiter son action.
· La mise en uvre de la stratégie implique qu'un effort soit fait en faveur des professionnels de la communication, tous les médias confondus. En effet, selon les résultats du processus d'élaboration de la stratégie, trop peu de professionnels sont capables de maîtriser et de diffuser correctement les thèmes et la problématique inhérents au processus de développement.
· Au moment de la préparation de la stratégie, le secteur privé de la communication était encore embryonnaire. Il conviendra de reprendre cette thématique lors de l'actualisation de la stratégie.
· Les nouvelles technologies de l'information et de la communication n'ont pas été suffisamment prises en compte dans la stratégie. Il faudra donc approfondir cette dimension de la stratégie.
· La situation de conflit connue par la Guinée-Bissau et la situation en Afrique de l'Ouest exigent que soit inclus dans la stratégie le rôle de la communication pour le développement dans la consolidation de la paix, de la tolérance et du respect des Droits de l'Homme.
· Une structure de suivi et d'évaluation doit être associée dés le début du projet.
· L'appui conceptuel et méthodologique du service concerné de la FAO a été déterminante dans l'élaboration de la stratégie.
En Guinée-Bissau la stratégie nationale de communication n'a pu être mise en uvre à cause des raisons soulevées ci-dessus.
Il convient de poser un certain nombre de questions en guise de conclusion.
A quoi bon proposer à des femmes d'adhérer au planning familial si les moyens contraceptifs et le suivi médical ne sont pas disponibles? A quoi bon encourager les jeunes à porter des préservatifs pour lutter contre le sida si ceux-ci ne sont pas disponibles sur tous les marchés? A quoi bon proposer aux agriculteurs d'utiliser la traction animale s'il n'y a pas de bufs dans la zone ou si on ne leur apprend pas à les dresser? A quoi bon pousser les maraîchers à intensifier leur production si les structures de commercialisation n'existent pas? A quoi bon encourager les parents à envoyer leurs enfants à l'école si la plus proche est à 15 kilomètres et s'ils doivent payer les enseignants? A quoi bon encourager les charbonniers à arrêter leur production dévastatrice si on ne leur propose pas d'activités alternatives et si la demande augmente? A quoi bon "sensibiliser" les populations à une gestion durable de leur environnement si on ne leur propose aucun moyen concret de le faire? A quoi bon construire des infrastructures si tout est détruit ensuite par les conflits?
Pratiquement toutes les organisations qui uvrent pour le développement dans les secteurs de l'agriculture, de la santé, de l'éducation et de l'environnement de nos pays en Afrique ont compris depuis longtemps que les hommes et les femmes ont plus besoin d'exemples que de paroles, même si l'oralité est une partie intégrante de leur culture.
La communication peut faire beaucoup pour le développement mais à condition que, parallèlement, les services, les moyens d'apprentissage, les outils, les capacités d'organisation, les financements, les décisions et l'exemplarité politiques existent sur le terrain. Or, dans la majeure partie des cas, ils sont absents et les populations attendent que "ceux" qui parlent démontrent et les aident à faire.
L'élaboration d'une stratégie de communication pour le développement ne doit pas être une fin en soi, ni une opération abstraite. Pour la mener à bien, il faut tenir compte des mécanismes spécifiques de la prise de décision, de l'allocation des ressources financières et logistiques, du comportement économique, social et politique. Elaborer une stratégie de communication pour le développement seulement pour le plaisir de l'élaborer est un gaspillage évident. Ce qui donne un sens à la mise en uvre d'une stratégie de communication pour le développement, c'est la réalisation. Si l'on n'y intègre pas les paramètres facteurs de déterminations politiques et de prises de décision, non seulement, l'on ne tire pas parti de toutes les possibilités, mais l'on risque aussi de courir à l'échec.