Page précédente Table des matières Page suivante


RESULTATS OBTENUS


DIVERSITE DES IGNAMES DANS LES GRANDES ZONES DE PRODUCTION

Les ignames du complexe D. cayenensis - D. rotundata se subdivisent en deux types: les ignames précoces et les ignames tardives. Sous réserve de synonymie, la présente étude a permis d’identifier 313 variétés dans les zones prospectées.

L’annexe 1 reprend, pour les principales zones ethniques prospectées, les listes des variétés les plus fréquentes. L’annexe 2, quant à elle, établit les correspondances recensées entre les différentes dénominations des ignames selon les dialectes ethniques.

Le tableau 3 présente un aperçu de la diversité variétale par zone ethnique.

On note une certaine préférence pour les variétés tardives chez les Lokpa et les Kotokoli et, dans une moindre mesure, chez les Bariba et les Yom - en grisé dans le tableau. Cette préférence semble motivée par l’attribution de certaines qualités aux variétés tardives: meilleure conservation, haut rendement, pilé de qualité supérieure, aptitudes à la fabrication de cossettes (valeur marchande), faible sensibilité aux attaques parasitaires.

On constate par contre que les variétés précoces sont majoritaires chez les Biali (zone Matéri-Kobli) et les Wama (zone de Toukountouna) - en grisé dans le tableau. Cela correspond à la réalité de terrain qui révèle que, dans ces régions, la préférence va aux tubercules longs et volumineux, produits par les variétés précoces, dont la culture nécessite la confection de grandes buttes. Cette préférence semble justifiée par une question de goût.

Chez les autres ethnies, essentiellement celles du centre du pays, on ne rencontre pas de préférence marquée pour l’un ou l’autre type.

Cela dit, ces raisonnements doivent être considérés avec prudence en raison des fortes inégalités en termes de nombres de villages prospectés par ethnie.

GROUPE
ETHNIQUE

NOMBRE DE VILLAGES
PROSPECTES

SITUATION
GEOGRAPHIQUE

% DE VARIETES
PRECOCES

% DE VARIETES
TARDIVES

Lokpa

3

Nord-ouest

33,5

66,5

Kotokoli/Ani

2

Nord-ouest

40,0

60,0

Yom (Pila-Pila)

3

Nord-ouest

43,5

56,5

Bariba

20

Nord-est

44,5

55,5

Nago

21

Centre

48,0

52,0

Fon/Mahi

12

Centre

52,0

48,0

Wama

3

Nord-ouest

61,5

38,5

Biali/N’bermin

3

Nord-ouest

76,5

23,5

Tableau 3: Diversité variétale des ignames du complexe D. cayenensis - D. rotundata par zone ethnique.
Les plages en grisé font l’objet d’un commentaire spécifique dans le texte.

Comme le montre le tableau 4, le nombre de variétés cultivées varie aussi selon la zone géographique. Le nord-est est la zone présentant la plus grande diversité variétale puisqu’on y dénombre pas loin de 40 variétés par village - en grisé dans le tableau. Dans cette zone, la sous-préfecture de Tchaourou révèle cependant une diversité moindre. Il faut signaler que cette dernière sous-préfecture est fortement décentrée vers le sud de la zone.

Les moyennes observées dans le nord-ouest cachent une certaine variabilité locale. En effet, on y rencontre des secteurs à diversité faible à moyenne (sous-préfectures de Kobli, Matéri et Ouaké), mais également des secteurs à diversité moyenne à importante (sous-préfectures de Toukountouna, Bassila et Kopargo). Par ailleurs, une sous-préfecture se distingue nettement par sa diversité très importante, comparable à celle du nord-est; il s’agit de la sous-préfecture de Kouandé - en grisé dans le tableau. Cette dernière particularité s’explique peut-être par des raisons historiques et/ou socioculturelles. En effet, la sous-préfecture de Kouandé est la seule, dans le nord-ouest, à compter une importante population Bariba. Or, cette ethnie est précisément dominante au nord-est.

Le centre se distingue par la diversité variétale la plus faible. En effet, mise à part la sous-préfecture de Bantè qui fait exception avec une diversité relativement importante, les autres sous-préfectures ne présentent en général pas plus de 12 variétés par village.

DEPARTEMENTS

SOUS-PREFECTURES

NOMBRE DE VARIETES PRECOCES EN MOYENNE PAR VILLAGE

NOMBRE DE VARIETES TARDIVES EN MOYENNE PAR VILLAGE

NOMBRE TOTAL DE VARIETES EN MOYENNE PAR VILLAGE

ATACORA
(nord-ouest)

Bassila

9,0

11,5

20,5

Kobli

8,0

1,7

9,7

Kopargo

8,3

11,7

20,0

Kouandé

24,5

20,3

44,8

Matéri

8,0

1,3

9,3

Ouaké

7,7

6,7

14,3

Toukountouna

9,3

7,3

16,7

MOYENNE

10,7

8,6

19,3

BORGOU
(nord-est)

Bembèrèkè

21,3

18,0

39,3

Nikki

22,3

18,5

40,8

Pèrèrè

22,3

18,3

40,5

Tchaourou

14,3

12,3

26,5

MOYENNE

20,0

16,8

36,8

ZOU
(centre)

Bantè

11,8

8,5

20,3

Dassa

9,6

2,0

11,6

Djidja

5,8

4,0

9,8

Glazoué

9,0

2,4

11,4

Ouessè

5,0

5,0

10,0

Savalou

8,4

6,2

14,6

Savè

5,0

4,4

9,6

MOYENNE

7,8

4,6

12,5

Tableau 4: Nombre de variétés recensées par village.
Les plages en grisé font l’objet d’un commentaire spécifique dans le texte.

Ces dernières considérations permettent d’établir un double constat. Premièrement, la diversité variétale évolue en fonction de critères pédoclimatiques et agronomiques. En effet, l’igname (sous forme pilée) constitue au nord le principal produit vivrier, et la place qu’elle occupe dans l’alimentation incite les paysans à multiplier les variétés cultivées. Dans le sud et le centre du Bénin, par contre, le climat moins aride permet la culture d’autres produits vivriers comme le manioc, le maïs ou le haricot. Aussi, dans ces zones plus méridionales, les paysans accordent-ils moins d’importance à l’igname.

Le second constat est d’ordre socioculturel et montre qu’au nord-est l’ethnie Bariba est celle qui semble maîtriser la plus grande diversité variétale. La proximité du Nigéria, pays de l’igname par excellence, y est probablement pour quelque chose.

GESTION PAYSANNE DE LA DIVERSITE GENETIQUE DES IGNAMES CULTIVEES

On constate au Bénin un phénomène préoccupant d’érosion génétique de l’igname du complexe D. cayenensis - D. rotundata. Les paysans attribuent plusieurs causes à ce phénomène. Les principales raisons sont, par ordre d’importance:

Pour contrebalancer ce phénomène d’érosion génétique, trois approches sont possibles pour les paysans.

Tout d’abord, l’introduction de variétés à partir des pays voisins. L’enquête n’a ainsi pu montrer que 56 variétés sur les 313 recensées (soit environ 18 pour cent) ont été importées de l’étranger dans un passé récent. Parmi elles, 47 proviendraient du Nigéria, 6 du Ghana et 3 du Togo. C’est dire l’important pôle génétique que représente le Nigéria pour l’igname du complexe D. cayenensis - D. rotundata. Il serait, dès lors, intéressant d’étudier les potentiels d’échanges en la matière, en vue d’un renforcement variétal béninois. Les faibles importations en provenance du Togo s’expliquent, quant à elles, par le fait que les deux pays partagent un patrimoine variétal fort similaire.

Une autre manière d’accroître la diversité variétale locale consiste à procéder à des échanges entre villages producteurs du Bénin. Ces pratiques existent, mais les flux restent extrêmement localisés et on peut déplorer le manque d’échanges entre villages du nord et du centre. Or, l’enquête a permis d’identifier un besoin, chez les paysans du centre, de variétés du nord réputées pour leurs qualités. De tels échanges du nord vers le centre doivent certainement être amplifiés.

Enfin, le paysan peut pratiquer la domestication à partir de souches sauvages existantes dans les savanes et les forêts. Il s’agit ici véritablement de créer de la diversité variétale nouvelle et non simplement de diffuser des variétés existantes. Selon les paysans interrogés, trois espèces sauvages d’igname sont à l’origine de toutes les variétés existantes du complexe D. cayenensis - D. rotundata.

Ces trois espèces sont:

Cependant, la domestication est une pratique en régression. Ainsi, 38 variétés sur les 313 recensées (soit environ 12 pour cent) ont été citées par les paysans comme issues d’une domestication au cours des 30 dernières années. Des informations plus précises ont été obtenues pour seulement trois d’entre elles:

Le savoir-faire paysan en matière de domestication a fait l’objet d’études au CIRAD et mérite d’être largement soutenu et valorisé, car il permet un élargissement de la base génétique existante. Il faut cependant veiller au maintien de populations sauvages suffisantes, car elles constituent le réservoir de biodiversité au sein duquel il est nécessaire de puiser pour la création de nouvelles variétés. A cette fin, certaines bonnes pratiques sont à promouvoir, à savoir:

En raison des avantages mentionnés ci-dessus, il est recommandé de développer des programmes de création variétale à partir de semences prélevées dans la nature.

DONNEES ETHNOBOTANIQUES

Des informations ont été recueillies sur la signification du nom de 87 variétés d’ignames. Les critères utilisés dans la dénomination des ignames vont de la morphologie du tubercule ("Adigbirin" = "tubercule gros comme un tronc d’arbre") à ses qualités culinaires ("Kpakara" = "qui soulève le bol", foutou très tendre qui colle aux assiettes) en passant par ses caractéristiques agronomiques ("Aloungan" = "chef de la saison sèche"), ses conditions de culture ("Mafobo" = "ne doit pas être laissé à un fainéant", variété nécessitant beaucoup d’entretien), sa valeur marchande ("Wokourou" = "igname achetée à 50 francs") ou même ses vertus pharmacologiques ("Porchehbim" = "seins de la femme", variété galactogène).

En milieu paysan, l’échange variétal est rarement accompagné de la transmission du nom. Une même variété peut donc porter des noms différents selon l’ethnie ou même le village. L’enquête et les travaux de caractérisation de cette étude ont permis d’établir un certain nombre d’équivalences, mais l’existence probable d’autres équivalences non identifiées est un élément important, qui doit inciter à la prudence lorsqu’il s’agit d’interpréter les résultats obtenus.

Pour rappel, l’annexe 2 établit les correspondances recensées entre les différentes dénominations des ignames selon les dialectes ethniques.

Les ignames cultivées sont majoritairement autoconsommées (83,6 pour cent), vendues fraîches (10,8 pour cent) ou transformées en cossettes pour la vente (5,6 pour cent).

L’igname est surtout consommée sous sa forme pilée, appelée "foutou" (85,5 pour cent). Elle est occasionnellement bouillie (5,3 pour cent) ou encore consommée sous forme de pâte de cossette (4,2 pour cent) ou de ragoût (2,2 pour cent).

On considère qu’un pilé est de bonne qualité s’il est tendre (élastique) et sans grumeau. Pour une très large majorité de paysans, l’apparition de grumeaux n’est pas une caractéristique variétale mais dépend de la façon dont l’igname est pilée ou encore de la conservation.

La transformation des tubercules frais en cossettes est une activité en pleine évolution au centre du Bénin et chez les Lokpa au nord-ouest. Le savoir-faire paysan en la matière mérite d’être largement valorisé car il procure un produit à valeur marchande de bonne conservation.

Les cossettes sont issues d’ignames tardives (rassemblées sous l’appellation Kokoro), préalablement épluchées, découpées, ramollies par une cuisson légère et séchées au soleil. Elles sont réduites en farine et cuisinées pour donner une pâte appelée Amala en Nago. La qualité de cette pâte dépend de la variété d’igname utilisée.

Les cossettes se conservent mieux que les tubercules frais. Cependant, les réserves de cossettes peuvent souffrir d’attaques importantes de charançons. Des plantes comme Sinman et Bagouro ont un pouvoir insecticide et sont utilisées d’une manière ou d’une autre lors de la fabrication des cossettes.

Lors de l’enquête, il a été demandé aux paysans de donner, d’une part, leurs impressions sur les dix meilleures variétés du village et, d’autre part, de comparer deux à deux les principales variétés villageoises.

Les résultats des comparaisons deux à deux sont présentés dans le tableau 5. Ils font apparaître, comme pour l’évaluation des dix meilleures variétés, que sept critères sont prioritaires dans les processus de choix variétaux.

CRITERES DE CHOIX

VARIETES PRECOCES
(fréquence d’évocation du critère en %)

VARIETES TARDIVES
(fréquence d’évocation du critère en %)

TOTAL DES VARIETES
(fréquence d’évocation du critère en %)

Qualités culinaires

36,3

30,9

33,6

Productivité

30,1

27,2

24,9

Qualité des cossettes

0,0

19,8

10,9

Précocité de tubérisation

10,3

0,0

6,9

Valeur commerciale

8,1

6,8

6,3

Conservation

6,3

5,3

6,3

Facilité de culture et niveau de multiplication

4,1

4,8

5,5

Tableau 5: Résultats des comparaisons deux à deux des principales variétés villageoises.

Un agronome ou un généticien souhaitant sélectionner des variétés devrait donc tenir compte des critères évoqués ci-dessus. Cependant, d’autres critères, tels que la sensibilité aux pathogènes, ne doivent pas être négligés. Cela se justifie notamment par les pressions virales importantes dans le sud du pays.

L’annexe 3 présente, par zone ethnique, des matrices de comparaison par paires des variétés les plus importantes. Pour chaque paire, la variété préférée y est indiquée, ainsi que les raisons de la préférence.

PRATIQUES CULTURALES

Problématique du sol

L’igname est une plante exigeante en matières nutritives. Étant donné que les paysans n’ont pas les moyens d’acheter des engrais pour la fertilisation, ils épuisent rapidement les sols et on assiste à la destruction des savanes pour la mise en culture de nouvelles terres. Au maximum trois cultures successives d’igname peuvent s’envisager sur une même parcelle, et cela pour une dizaine de variétés seulement, parmi celles recensées dans le cadre de cette étude. Une quinzaine d’autres variétés, par contre, ne peuvent être cultivées qu’une fois en raison de leurs exigences particulières.

Cependant, diverses pratiques contribuent à maintenir la fertilité des sols pour la culture de l’igname. Les deux techniques présentées ci-dessous figurent parmi celles qui méritent d’être étudiées et valorisées:

En outre, certaines variétés aux caractéristiques particulières méritent l’attention. Il s’agit notamment des 17 variétés vantées lors de l’enquête pour leur bon comportement dans les bas-fonds, ainsi que des 15 variétés signalées comme affectionnant les sols à gravillons.

Plantation des ignames

L’igname est très majoritairement reproduite de manière végétative, au départ de tubercules entiers ou de fragments de tubercules issus de la récolte précédente et plantés pour engendrer une nouvelle plante qui fournira la récolte suivante. Ces tubercules ou fragments de tubercule sont appelés "semenceaux".

Chez les variétés précoces, les gros tubercules de première récolte sont réservés à la consommation, tandis que les tubercules de seconde récolte, plus petits, sont utilisés entiers comme semenceaux. Cependant, les secondes récoltes peuvent être insuffisantes, ce qui contraint les agriculteurs à utiliser comme semenceaux des fragments de tubercules de première récolte.

Les variétés tardives ne procurent qu’une seule récolte. Si elle est suffisamment fournie en tubercules, certains des plus petits sont utilisés entiers comme semenceaux. A défaut, on procède également à la découpe de certains tubercules pour l’obtention de semenceaux.

Dans ce dernier cas, le temps qui s’écoule entre cette découpe et la plantation peut varier d’un jour à quelques jours, selon la variété.

La disponibilité en semenceaux est un important facteur limitant la production. Les semenceaux sont rares sur le marché et leur prix peut atteindre 200 FCFA. Par conséquent, en période difficile, les paysans peuvent être contraints d’abandonner des milliers de buttes non plantées. Contrairement au marché du tubercule de consommation qui se développe, celui des semenceaux tarde donc à s’organiser, d’où la faiblesse du maillon dans la filière.

La plantation a normalement lieu en décembre ou en janvier. Des variétés telles que Laboko, Kpouna, Ankploman, Ofegui et Soagoné doivent être plantées dès le début du mois de décembre. Ces variétés sont parmi les premières à arriver sur les marchés, dès le mois de juin; elles doivent être consommées rapidement en raison de leur courte période de dormance. À l’inverse, les variétés sensibles à la chaleur doivent être plantées profondément et tardivement, vers la fin février, de manière à éviter la pourriture dans les buttes.

Les variétés produisant des tubercules longs et gros, comme Boki, Guiéna, Guirissa, Morokorou, Noualaye, Oroutanai, Piédjè, Soagona, Soussouka, Terkokonou et Wossou, nécessitent des buttes de grande taille qui dépassent le mètre de hauteur.

Afin de protéger les plantations contre l’ensoleillement, les paysans coiffent les buttes d’un chapeau (coussinets, morceaux de pierre ou de terre). Dans la moitié des cas, ce travail est effectué au moment du buttage, mais peut se réaliser plus tard (à la plantation ou après celle-ci). Dans les trois quarts des cas, les semenceaux sont introduits latéralement dans la butte du côté du soleil couchant, mais ils peuvent également être plantés au sommet de la butte, lorsque celle-ci est coiffée. Il s’agit toujours de pratiques visant à diminuer l’effet néfaste d’un ensoleillement excessif.

Les ignames sont généralement plantées en lignes et regroupées par variété. Un tiers des paysans tient compte de l’influence lunaire et plante en lune montante.

Le taux de levée avoisine généralement 95 pour cent mais peut diminuer drastiquement en conditions exceptionnelles (retard des pluies, mauvais semenceaux). Les tiges surnuméraires, lorsqu’elles apparaissent, sont maintenues, car elles promettent une récolte accrue.

Tuteurage

Lorsqu’un champ d’igname est créé en savane, les arbres présents sont brûlés par le feu mais maintenus sur pied pour servir de tuteurs. Cette pratique est nuisible à bien des égards et ne mérite pas d’être encouragée. Au nord, par contre, les ignames peuvent être précédées de sorgho, de mil ou même de maïs dont les tiges servent de tuteurs; cette pratique est nettement plus avantageuse. La culture d’igname peut même être envisagée sans tuteurage, mais presque toujours au détriment du rendement, sauf pour certaines variétés mieux adaptées à l’absence de tuteurs.

Problèmes sanitaires

Parmi les dégâts dus aux maladies et aux pathogènes en culture d’igname, ceux occasionnés par les nématodes viennent en tête avec plus de 50 pour cent de fréquence, suivis par ceux provoqués par les virus (environ 25 pour cent), les champignons (environ 10 pour cent) et les insectes (presque 10 pour cent).

Les nématodes provoquent des déformations et des galles sur un éventail étendu de variétés sensibles. Les nématodes infestent les champs au départ de semenceaux contaminés. En vue de lutter contre leur prolifération, il est recommandé de pratiquer une rotation avec des plantes de couverture comme le mucuna et d’utiliser des variétés résistantes.

Les virus sont surtout présents au sud et provoquent des chloroses ou encore des malformations nuisibles aux rendements. Étant donné que l’igname est essentiellement reproduite par voie végétative, la transmission des virus s’opère d’une saison à l’autre par les semenceaux, et peut atteindre des proportions telles que certaines variétés totalement virosées finissent par disparaître.

Les attaques de champignons sont facilitées sur de grandes superficies monovariétales, comme cela s’est produit sur la variété Laboko dans la souspréfecture de Glazoué (centre).

Les cochenilles restent les insectes les plus dangereux pour l’igname. Elles peuvent ainsi infester les stocks de semenceaux et compromettre les projets de plantations.

Un problème nouveau et d’origine non identifiée a été signalé dans la sous-préfecture de Bassila sur de variétés tardives. Il se manifeste par des défoliations importantes qui entraînent de graves chutes de rendements.

Influence de la sécheresse et des plantes adventices sur la production

On a déjà signalé qu’une saison des pluies débutant avec retard est un important facteur préjudiciable au rendement de l’igname.

Une sécheresse qui s’installe après la germination est particulièrement nuisible au rendement. Seule la variété Alakicha (D. cayenensis), encore connue sous le nom d’Ikéni en Bonoussé, s’avère résistante à la sécheresse. D’autres cas de tolérance à la sécheresse ont été cités parmi des variétés tardives rassemblées sous l’appellation Kokoro. Des investigations approfondies méritent d’être menées sur ces variétés.

En phase juvénile, le développement des ignames est réduit en présence d’un excès de plantes adventices. Les variétés Singou, Taba ndé et Yakara ngo se montrent cependant plus tolérantes en cette matière.

Récolte

Les variétés précoces sont récoltées à deux reprises. La première récolte s’étale entre juin et septembre, avec un pic entre le 15 juillet et le 15 août. La seconde période de récolte démarre en novembre pour se terminer en février, après avoir connu un pic en janvier.

Pour les variétés précoces, les faibles rendements en seconde récolte sont la principale conséquence d’une première récolte tardive. Le fait de retarder les secondes récoltes est également préjudiciable, notamment en ce qui concerne la pourriture des tubercules, les attaques parasitaires et le dessèchement.

Il arrive assez fréquemment que les paysans réservent les ignames précoces à une récolte unique qui intervient plus tard qu’une première récolte normale. Cette pratique concerne au maximum un quart des buttes plantées.

L’unique récolte des variétés tardives, pour sa part, a lieu sur le même intervalle de temps que la seconde récolte des variétés précoces.

Méthodes traditionnelles de conservation des tubercules après récolte

Les méthodes traditionnelles de conservation des ignames utilisées par les paysans du Bénin sont, par ordre d’importance: la conservation en tas (pratiqué par 65 pour cent des paysans interrogés), la conservation en buttes (19 pour cent), en paillotes (14 pour cent), en fosses (1,5-pour cent) et sur plates-formes (0,5 pour cent).

La conservation en tas consiste à rassembler les ignames récoltées en monticules, dans des endroits protégés du soleil et des inondations. Ces monticules ont une taille réduite en vue de favoriser l’aération. Les premières récoltes de variétés précoces peuvent être conservées, grâce à cette technique, jusqu’en fin janvier.

La conservation en butte consiste à maintenir les tubercules dans les buttes où ils se sont développés. Cette pratique est réservée à certaines variétés tardives et aux secondes récoltes de variétés précoces. Il s’agit en fait d’un étalement de la récolte.

La conservation en paillote se rencontre au nord du pays. Les tubercules sont entassés sur un lit de paille, de tiges de mil ou de sorgho. Ce lit recouvre une trame de branches déposées sur le sol.

On peut encore rassembler les tubercules dans des fosses creusées au champ. Les récoltes ainsi stockées sont recouvertes de paille, de tiges sèches d’igname et de branches épineuses.

Des plates-formes, soutenues par des pilotis, peuvent accueillir des ignames entassées et recouvertes de branchages ou de palmes. Cette technique protège les récoltes du soleil, de l’humidité et des attaques de rongeurs.

Les paysans pensent que ces techniques de conservation méritent d’être améliorées. En effet, parmi les problèmes rencontrés au stockage, on relève des attaques de cochenilles et d’insectes foreurs de chair, surtout sur les secondes récoltes et les récoltes de variétés tardives. En général, les variétés tardives présentent de meilleures aptitudes à la conservation, en raison de leur meilleure tubérisation. Il existe cependant des variétés précoces bien adaptées à la conservation comme les variétés Soutra et Ouwonpèotina.

Dans tous les cas, la conservation longue des tubercules n’est possible que si l’on procède régulièrement à l’élimination des germes

Aspirations des paysans

Plus de 50 pour cent des paysans interrogés souhaitent accroître leur production dans le futur, contre 45 pour cent environ qui préfèrent maintenir leurs superficies cultivées et une minorité qui envisage une réduction de la production au profit du coton, activité jugée plus rentable.

Ce constat montre à quel point les paysans restent attachés à l’igname, malgré l’existence d’autres cultures jugées plus rentables comme le coton. Un tel comportement mérite d’être largement soutenu, notamment pour des raisons de sécurité alimentaire.


Page précédente Début de page Page suivante