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La question urgente de la faim à l’échelle mondiale

Le droit d’être à l’abri de la faim, qui est consacré dans différents instruments in ternationaux relatifs aux droits de l’homme, est un droit fondamental, mais aussi l’un de ceux qui est le plus fréquemment violé. Compte tenu de l’engagement moral fondamental de la FAO de mettre l’humanité à l’abri de la faim et de veiller à ce que chacun ait accès à une alimentation adéquate, le Groupe d’experts est profondément préoccupé par la recrudescence de la faim dans le monde. Le monde est aujourd’hui plus riche qu’il ne l’a jamais été dans son histoire, si l’on considère la production globale, et il existe actuellement plus de possibilités qu’il n’y en a jamais eues par le passé; néanmoins, une inégalité dévastatrice continue de régner dans de nombreuses régions du monde, où sévit la faim généralisée.

Plus de cinq ans après le Sommet mondial de l’alimentation qui s’est tenu à Rome en 1996, les engagements pris n’ont pas été compensés par des mesures efficaces. Si des progrès importants ont été accomplis en Chine et dans quelques autres pays, dans bien d’autres régions du monde, les difficultés d’accès à une alimentation suffisante demeurent aussi préoccupantes que par le passé et, dans certaines d’entre elles, la situation s’est même aggravée depuis 1996. Il y a donc lieu de craindre que la faim et la malnutrition persisteront avec une intensité proche de celle de 1996. Il y a dans le monde en développement au moins 777 millions de personnes qui souffrent de sous-alimentation chronique, dont 180 millions d’enfants de moins de 5 ans. La sous-alimentation chez les enfants risque même d’empirer.

Si la faim n’est pas rapidement éliminée, la stabilité politique et économique de la planète, ainsi que les ressources naturelles dont dépendent les approvisionnements alimentaires des générations à venir, continuera d’être menacée. La faim crée et entretient un climat propice aux conflits violents et aux guerres locales, à des actes désespérés de violence et à des actes de terrorisme. Faute de pouvoir accéder dans des conditions équitables à une alimentation adéquate et de pouvoir participer de manière constructive au développement, nombreux sont ceux qui sombrent dans le désespoir ou deviennent une proie facile pour les mouvements violents. La persistance de la faim et de la malnutrition va manifestement à l’encontre de l’ordre mondial que l’on espérait voir s’instaurer après la seconde guerre mondiale grâce au respect des droits de l’homme et au développement humain. En outre, il est clair que, dans les sociétés où la faim est généralisée, une expansion économique durable est impossible.

Le Groupe d’experts considère que s’attaquer d’urgence et sur tous les fronts à cette crise mondiale est un impératif moral. La sous-alimentation et la famine dans un monde d’abondance doivent être considérées comme aussi graves qu’une violation flagrante de tout autre droit de l’homme. Le Groupe d’experts est d’avis que la faim peut être éliminée pour peu qu’existe la volonté nécessaire et que les gouvernements s’engagent à adopter des mesures appropriées sur le plan national et à coopérer à l’échelon international, et aussi que les ressources mondiales actuellement disponibles soient utilisées comme il convient.

Le Groupe reconnaît que les causes de la faim sont multidimensionnelles et que les obstacles à surmonter pour éliminer la faim sont innombrables. Il faudra par conséquent agir à des niveaux différents, et notamment déployer des efforts massifs et d’envergure pour lutter contre des maladies comme le paludisme et le VIH/SIDA, prévenir ou résoudre des conflits locaux dévastateurs dans les pays en développement, assurer une gestion socialement responsable de la politique économique, éliminer la discrimination et l’exclusion et autonomiser ceux qui, par le passé, ont été mis à l’écart d’une participation réelle à l’économie. Le problème tient en partie au fait que, dans les pays en développement, nombre de femmes pauvres se voient refuser tout droit en matière de procréation. Ne pouvant pas elles-mêmes espacer les naissances, elles doivent répartir leur temps limité entre des grossesses fréquentes, sans pouvoir s’occuper comme il convient de leurs nombreux enfants, en devant lutter pour nourrir le reste de la famille et en cherchant à gagner un peu d’argent, que ce soit au moyen du travail de la terre, du petit commerce ou d’autres activités. Il en résulte non seulement un surpeuplement, mais aussi un grand nombre d’enfants mal nourris qui ne peuvent pas assimiler l’enseignement reçu à l’école et qui risquent donc de retomber dans la même ornière que leur mère. Cette situation est exacerbée par l’inégalité d’accès à l’éducation et le manque de possibilités économiques pour les femmes.

Le droit d’être à l’abri de la faim doit être pris en considération dans les politiques et décisions adoptées dans tous les domaines liés à l’alimentation et à l’agriculture, en ayant à l’esprit qu’être à l’abri de la faim n’est pas seulement un idéal diffus à réaliser à l’avenir, mais aussi une exigence pratique dans la vie quotidienne contemporaine. Bien que chaque individu et chaque organe de la société, dans quelque domaine d’activité que ce soit, doivent être considérés comme ayant l’obligation morale de ne pas imposer la faim à autrui, la responsabilité ultime, juridiquement et formellement, incombe aux Etats, qui doivent veiller, au moyen de mesures réglementaires et administratives, à ce que le droit d’être à l’abri de la faim soit pris en considération dans les politiques nationales touchant l’alimentation et l’agriculture. Les politiques réglementaires de certains Etats sont déficientes dans ce domaine, ce qui compromet la sécurité alimentaire des groupes vulnérables et freine la réduction du nombre total de ceux qui ont faim.

Les Etats ne peuvent pas gérer de telles responsabilités à eux seuls. Le manque de ressources ou les actes d’un autre Etat peuvent affecter la capacité d’un pays de mettre à l’abri de la faim les populations vivant sur son territoire. Pour l’essentiel, la collaboration entre pays en développement et pays développés doit passer ou être coordonnée par le système multilatéral, au sein duquel les différentes institutions des Nations Unies devront assumer un rôle de chef de file dans leurs domaines de compétence respectifs: la FAO, le FIDA et le PAM pour l’accès à l’alimentation; l’OMS pour l’atténuation des effets du paludisme, du VIH/SIDA et des autres maladies et leur élimination; et l’UNESCO pour l’éducation en encourageant l’accès libre et égal de tous et en particulier des femmes du monde entier à l’éducation.

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