CFS:2003/6


COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Vingt-neuvième session

Rome, 12-16 mai 2003

LE RÔLE DE L’AQUACULTURE DANS L’AMÉLIORATION DE
LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION

Table des matières



I. INTRODUCTION

1. Le présent document étudie la contribution de l’aquaculture au régime alimentaire, à l’échelle planétaire et au niveau des communautés, et le rôle qu’elle joue dans la réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire. Il met en évidence les domaines dans lesquels le Comité est appelé à formuler des recommandations et la manière dont ce sous-secteur d’activité peut jouer un rôle plus important dans la lutte contre la faim et la malnutrition.

2. La faim et la malnutrition demeurent au nombre des fléaux les plus effroyables qui frappent les populations pauvres du monde. Il est tragique qu’une partie considérable de la population mondiale continue de souffrir d’une ou plusieurs formes de carences en nutriments. Cette souffrance est une insulte permanente au droit fondamental de tout être humain à disposer d’une alimentation appropriée et d’être à l’abri de la faim et de la malnutrition, en particulier dans un monde qui possède les ressources et les connaissances pour mettre un terme à cette catastrophe1.

3. Le défi consiste à faire régresser plus rapidement la faim et la malnutrition. À cet égard, l’aquaculture a un rôle important à jouer car elle fournit du poisson et divers produits d’eau douce et d’eau de mer qui sont généralement riches en protéines, acides gras essentiels, vitamines et minéraux, et crée des emplois et des sources de revenus. Elle peut donc être d’un grand intérêt pour les artisans-pêcheurs pauvres qui dépendent de la pêche artisanale pour leur subsistance. La promotion de l’aquaculture peut contribuer à augmenter la disponibilité de produits d’eau douce et d’eau de mer de bonne qualité, et à accroître l’offre au même rythme que la demande. Si l’on veut que ces avantages bénéficient à ceux qui en ont le plus besoin, il ne faut pas négliger de faire participer activement les artisans-pêcheurs artisanaux à cette initiative.

4. Le poisson peut apporter une contribution unique aux initiatives engagées pour améliorer et diversifier la consommation alimentaire et promouvoir le bien-être nutritionnel dans la plupart des groupes de population. Le poisson possède des caractéristiques nutritionnelles particulièrement utiles car c’est une excellente source de protéines animales de grande qualité, d’une digestion aisée et d’une valeur biologique élevée. Les poissons gras sont en particulier une source extrêmement riche d’acides gras essentiels, notamment les acides gras polyinsaturés omega-3 (PUFA), qui jouent un rôle très important dans la croissance et le développement du système nerveux central, surtout pendant la grossesse et la petite enfance. Le poisson est aussi riche en vitamines et sels minéraux (en particulier le calcium, le phosphore, le fer, le sélénium et l’iode dans les produits d’eau de mer). Par conséquent, le poisson peut être une source importante de nutriments, surtout pour les individus dont le régime alimentaire est peu varié et carencé en produits animaux. L’accroissement de la part du poisson dans le régime alimentaire augmente la richesse gustative et incite à consommer des aliments variés, ce qui contribue à améliorer de manière globale l’apport en nutriments et la consommation alimentaire.

II. AQUACULTURE MONDIALE: SITUATION, PROBLÈMES ET PERSPECTIVES

5. L’aquaculture apporte une contribution importante à la sécurité alimentaire. Au niveau mondial, elle aide à combler l’écart entre la demande globale de produits halieutiques et l’accroissement limité de la production des pêches de capture2. L’aquaculture est le secteur de production alimentaire qui connaît la plus forte croissance dans le monde. Une grande partie de cette production provient des pays en développement (91,2 pour cent en 2000), en particulier les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV), (83,9 pour cent en 2000)3.

6. La contribution de l’aquaculture (en tonnes) à la production halieutique mondiale est passée de 5,3 pour cent en 1970 à 32,2 pour cent en 2000. L’aquaculture domine désormais tous les autres secteurs de la production d’aliments d’origine animale, et affiche un taux de croissance annuel moyen de 8,9 pour cent par an depuis 1970, contre 1,4 et 2,8 pour cent respectivement pour les pêches de capture et l’élevage. En 2000, 45,71 millions de tonnes de produits aquacoles, d’une valeur de 56,47 milliards de dollars EU, ont été produites dans le monde, dont la moitié sous la forme de poisson. Contrairement aux systèmes d’agriculture et d’élevage, où l’essentiel de la production globale est assuré par un nombre limité d’espèces animales et végétales, le secteur aquacole comprend plus de 200 espèces différentes. Ce grand nombre d’espèces cultivées reflète la diversité du secteur, en particulier le large éventail des espèces cultivées à titre expérimental et les divers systèmes de production utilisés.

7. À l’heure actuelle, tous les principaux pays pratiquant l’aquaculture se trouvent en Asie. En 2000, la valeur de la production aquacole de sept pays asiatiques (Chine, Inde, Japon, Indonésie, Thaïlande, Bangladesh et Vietnam) s’élevait à 1 milliard de dollars EU. Si les poissons constituent l’essentiel des espèces élevées en eau douce, les poissons et les crustacés à valeur élevée prédominent en eaux saumâtres, tandis que les mollusques et les plantes aquatiques s’imposent en eau de mer. De ces trois environnements, c’est l’aquaculture en eau douce qui contribuerait le plus à l’amélioration de la sécurité alimentaire. L’aquaculture en eau de mer, en particulier l’élevage des algues et des mollusques, contribuent aussi à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté, car l’essentiel de ses produits provient d’exploitations de petite ou de moyenne dimension. Si la culture de la crevette en eau saumâtre a généralement pour but de produire une marchandise d’exportation à valeur élevée, la culture de la crevette sur le littoral joue aussi un rôle important dans les moyens de subsistance des communautés rurales et la sécurité alimentaire.

III. PRODUITS AQUATIQUES: VALEUR NUTRITIONNELLE ET CONSOMMATION

8. À l’échelle mondiale, les deux tiers de l’approvisionnement global en poissons destinés à la consommation humaine proviennent de pêches de capture continentales et maritimes; le tiers restant est obtenu à partir de l’aquaculture. La contribution des pêches de capture aux disponibilités alimentaires par personne est restée stable, de l’ordre de 10 à 11 kg par personne pendant la période 1970-2000. La production aquacole a permis d’augmenter récemment la disponibilité par personne. En moyenne, pour tous les pays du monde à l’exception de la Chine, la contribution de l’aquaculture à la disponibilité alimentaire par personne est passée de 0,5 kg en 1970 à 1,8 kg en 2000, soit une croissance moyenne de 4,5 pour cent par an. En Chine, où les activités piscicoles sont profondément ancrées dans les traditions locales, on indique que la disponibilité par personne obtenue à partir de l’aquaculture est passée de 1 kg à 19 kg pendant la même période, soit une croissance annuelle moyenne de 11 pour cent.

9. On consomme plus de poisson par personne dans le monde que de viande ou de protéines animales (disponibilité par personne 16 kg en 1998). Pour ce qui est des protéines animales, le «poisson de consommation» représentait 16,5 pour cent de l’offre totale en 1997 (pour une disponibilité globale de protéines animales estimée à 27,1 g par personne la même année), suivi par le porc (14,7 pour cent), le bœuf et le veau (13,6 pour cent) et enfin la viande de volaille (12,5 pour cent). Il est intéressant de noter sur ce point que la production chinoise de produits aquatiques d’élevage se classe actuellement au deuxième rang derrière la production de viande de porc; par personne, la disponibilité de poisson de consommation en Chine est passée de 6,3 kg en 1984 à 25,5 kg en 19984.

10. Le facteur principal qui explique la forte demande en poissons de consommation de base (en particulier les espèces de poisson bon marché, élevés en eau douce et qui se placent au dernier rang de la chaîne alimentaire) dans la plupart des pays en développement est qu’ils sont plus accessibles aux segments de population les plus appauvris5. À l’heure actuelle, le poisson de consommation représente la source principale de protéines animales (il contribue à plus de 25 pour cent de l’offre totale de protéines animales) pour une population d’environ 1 milliard d’individus vivant dans 58 pays, y compris les pays en développement et les PFRDV (calculs effectués sans tenir compte de la Chine)6.

11. Bien que l’apport énergétique provenant du poisson puisse parfois s’élever à 180 kcal par personne et par jour dans certains pays comme le Japon et l’Islande, la moyenne se situe en général entre 20 et 30 kilocalories par personne et par jour. Dans les régimes alimentaires de nombreux pays, la contribution du poisson est proche ou égale à 50 pour cent de la quantité totale de protéines animales (Gambie, Ghana, Guinée équatoriale, Indonésie, Sierra Leone, Togo, Guinée, Bangladesh, République démocratique du Congo, Cambodge, Sri Lanka, Philippines, etc.). La Conférence internationale sur la contribution durable des pêches à la sécurité alimentaire, organisée à Kyoto en 1995, a reconnu que les produits aquacoles contribuent de manière importante à garantir une bonne nutrition7.

12. Comme on l’a indiqué précédemment, le poisson est une source importante de nombreux nutriments, dont des protéines de très grande qualité, le rétinol (vitamine A), la vitamine D, la vitamine E, l’iode et le sélénium. Des preuves toujours plus nombreuses démontrent que la consommation de poisson renforce le développement du système nerveux central et les capacités d’apprentissage chez les jeunes enfants, protège la vue et la santé oculaire, et assure une protection contre les maladies cardiovasculaires et certains cancers. Les graisses et les acides gras présents dans le poisson, en particulier les acides gras n-3 (n-3 PUFA) de longue chaîne, sont très bénéfiques et difficiles à obtenir d’autres sources alimentaires. Les acides de type eicosapentaenoïque (20: 5n-3, EPA) et docosahexaenoïque (22: 6n-3, DHA) ont une importance particulière. Une étude sur les avantages de la consommation de poisson pour les mères et les jeunes enfants a été publiée par la FAO en 20008.

13. La teneur en graisse du poisson varie de 1 g pour 100 g dans les poissons blancs maigres à 30 g pour 100 g dans les poissons gras. La présence d’acides gras polyinsaturés n-3 (PUFA) est faible dans les poissons blancs (0,5 g pour 100 g dans la morue), moyenne dans les crustacés (0,7 g pour 100 g dans les moules) et les œufs de poisson (1 g pour 100 g) et plus élevée dans les poissons gras (> 5 g pour 100 g dans le maquereau). De nombreux facteurs peuvent faire varier la teneur en nutriments du poisson, notamment le stade de maturité et la composition de l’alimentation.

14. Les protéines de qualité élevée, les acides gras essentiels, les vitamines et les minéraux présents dans le poisson, ainsi que l’inclusion de poisson dans les régimes de base traditionnels peu variés sont susceptibles de stimuler l’appétit et d’augmenter la consommation de nourriture chez les jeunes enfants, les personnes âgées et les malades, notamment les personnes atteintes du virus VIH/SIDA9.

IV. L’AQUACULTURE ET LE DÉVELOPPEMENT RURAL

15. Bien que l’aquaculture soit complémentaire d’autres systèmes de production alimentaire, telles les formes intégrées d’agriculture et d’aquaculture, de riziculture et de pisciculture, d’élevage de bétail et de pisciculture, etc., sa contribution potentielle à la production alimentaire à l’échelle mondiale ne s’est pas encore pleinement concrétisée. La décision de placer le Sous-comité de l’aquaculture sous la responsabilité du Comité des pêches (COFI), prise en 2001, reflète l’importance que les gouvernements membres de la FAO accordent à l’aquaculture, qu’ils considèrent comme un véritable instrument du développement national. De nombreuses réunions internationales, dont la Conférence sur l’aquaculture au troisième millénaire et le Sommet mondial de l’alimentation: cinq ans après, ont reconnu le rôle que l’aquaculture peut jouer dans le développement économique national, les disponibilités mondiales d’aliments et l’amélioration de la sécurité alimentaire, et déclaré que ce secteur peut continuer à apporter une contribution encore plus efficace aux moyens d’existence des populations10.

16. L’objectif du développement rural est de contribuer à une économie rurale durable et de parvenir à améliorer le bien-être des populations rurales. Les possibilités d’intégration de l’aquaculture dans le développement rural sont fonction de la diversité des ressources aquatiques de la multiplicité des parties prenantes et de la variété des modes d’existence. D’autres objectifs peuvent être visés, aussi divers que la production alimentaire, la création de sources de revenus, l’amélioration du stock sauvage, voire les activités de loisirs (élevage de poissons d’ornement ou pêche sportive). Les activités visées peuvent être de nature commerciale et intensive ou de simple subsistance, dans des économies développées ou moins développées. Aux niveaux national ou local, l’intégration de l’aquaculture dans le développement rural peut prendre place dans des populations en croissance (par exemple les économies en développement) ou en déclin (par exemple les régions rurales éloignées dans les économies développées). À tous les niveaux, cette intégration se produit dans le contexte de la mondialisation, de la circulation accélérée des biens, des services, du capital et des idées, auxquelles s’ajoutent l’accroissement des transferts d’espèces aquatiques et les transmissions de maladies. Les investisseurs sont généralement séduits par les environnements institutionnels et politiques prévisibles et stables, les lois transparentes, la concurrence loyale et les systèmes juridiques fiables. Là où le développement rural n’arrive pas à créer l’environnement politique et les compétences pour exploiter les débouchés à l’échelle mondiale, l’aquaculture, comme les autres sous-secteurs, peut péricliter.

17. À l’échelle mondiale, l’aquaculture procure des emplois à des millions de personnes. Au total, c’est en Chine que le nombre d’emplois créés par le secteur de l’aquaculture est le plus élevé. En effet, près de 4 millions de personnes travaillent à temps plein dans ce secteur, et le taux de croissance annuel de création d’emplois est estimé à 6 pour cent11. Au Vietnam, le nombre d’emplois créés s’élèverait à plus de 700 000 personnes12, mais cette estimation ne reflète pas encore le grand nombre de personnes employées dans les industries liées à l’aquaculture (aliments pour poissons, matériels, transformation du poisson, et commercialisation). Aux États-Unis, où l’aquaculture est identifiée comme une industrie à forte croissance pour le XXIème siècle, environ 200 000 personnes sont employées par ce sous-secteur13. À l’inverse, moins de 60 000 personnes sont employées par l’aquaculture dans l’Union européenne14, soit à peine plus de dix pour cent du nombre total d’emplois dans le secteur des pêches.

18. Des études menées dans divers pays en développement (par exemple la Chine et le Vietnam) montrent que 80 à 100 pour cent des produits aquacoles provenant de petites exploitations rurales sont commercialisés, ce qui suggère que l’aquaculture peut être considérée comme une activité génératrice de revenus et, par conséquent, une source indirecte importante de sécurité alimentaire. Dans de nombreux pays, les prix moyens du poisson sur le marché sont inférieurs à ceux des autres produits animaux comme le poulet, le porc et la viande rouge. En Asie, en particulier, le prix peu élevé de produits aquacoles comme la carpe et le tilapia rend le poisson extrêmement accessible à toutes les couches de la population, même les plus défavorisées. Les populations pauvres de pays aussi isolés que le Népal et le Laos sont largement tributaires de l’aquaculture en eau douce pour s’approvisionner en poisson.

19. Les études de faisabilité économique montrent que l’aquaculture est économiquement rentable dans des contextes très différents. De nombreuses technologies simples, à faible risque et peu coûteuses ont vu le jour au cours de ces dernières années. Les études comparatives entre les systèmes de riziculture, de riziculture et pisciculture combinées et de pisciculture en Afrique sub-saharienne ont démontré que les agriculteurs qui investissent dans l’aquaculture ont augmenté considérablement les revenus de leurs ménages sans engager d’investissements importants. En Europe, aux États-Unis, en Chine et dans d’autres pays asiatiques, l’augmentation de la production et le nombre de personnes actives dans l’aquaculture pendant la dernière décennie montrent que les systèmes de production, aussi bien extensifs que très intensifs, peuvent être économiquement rentables.

20. En Chine, le revenu annuel moyen par personne des individus employés à temps plein dans le secteur des pêches (y compris l’aquaculture) s’élevait à environ 540 dollars EU en 1999, soit plus du double du revenu des ruraux pratiquant l’agriculture. Dans les pays d’Asie du Sud-Est, tels le Cambodge, la Thaïlande et l’Indonésie, la situation est analogue; les agriculteurs qui travaillent dans l’aquaculture ont des revenus par famille généralement plus élevés que ceux qui n’y travaillent pas. Au Vietnam, 50 pour cent des agriculteurs qui pratiquent l’aquaculture considèrent celle-ci comme leur principale source de revenus et en tirent, en moyenne, 75 pour cent des revenus familiaux. En particulier, les cultures de la crevette et du poisson-chat ont, au cours de ces dernières années, assuré un revenu familial annuel moyen de plus de 1000 dollars EU, ce qui est très supérieur à celui généré par des activités agricoles comparables15.

21. Les premières données provenant d’une étude sur le delta du Mékong (Vietnam) suggèrent que le développement de l’aquaculture peut contribuer à faire baisser la migration des jeunes femmes des zones rurales vers les centres urbains en offrant des emplois rémunérés dans des exploitations locales. La baisse du flux migratoire vers les villes pourrait éviter que les femmes ne soient contraintes à se prostituer, et par conséquent, pourrait réduire le nombre de femmes risquant de contracter le virus VIH/SIDA.

V. LE RÔLE DE L’AQUACULTURE DANS L’AMÉLIORATION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION

22. S’il est incontestable que le poisson joue un rôle important dans l’amélioration des régimes alimentaires, ce rôle devient crucial s’il s’agit du régime alimentaire et de la nutrition des enfants. Une étude conduite à Luapula (Zambie) en 1997-98 sur la sécurité alimentaire et la nutrition dans les familles illustre cette constatation (FAO, 2000). Dans la vallée de Luapula, le poisson est souvent la source la plus importante de protéines de haute qualité. Les données collectées montrent que les enfants dont le régime alimentaire comprend régulièrement du poisson et des aliments contenant des protéines de haute qualité souffrent beaucoup moins de retards de croissance que ceux dont le régime alimentaire inclut peu de poisson. Lorsque les programmes qui améliorent l’accès au poisson sont associés à une éducation alimentaire efficace visant à promouvoir l’apport de poisson dans le régime alimentaire des enfants, la nutrition des enfants peut être notablement améliorée et d’une manière très efficace en termes de coût.

23. L’aquaculture peut contribuer à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition par divers canaux: diversification de l’offre alimentaire locale par l’augmentation de la disponibilité de poissons bon marché; création de nouveaux emplois et de nouvelles sources de revenus; augmentation directe de la consommation de poisson. Si l’augmentation de la quantité et de la variété des poissons et d’autres aliments consommés par les populations pauvres est un facteur de réduction de la sous-nutrition, de telles améliorations du régime alimentaire ne découlent pas automatiquement du développement de l’aquaculture. Consommation alimentaire et nutrition correcte ne sont pas uniquement déterminées par la quantité d’aliments produits ou disponibles. En effet, les familles doivent avoir un accès physique et économique à une quantité et une diversité alimentaires adéquates, et les chefs de famille et les dispensateurs de soins doivent avoir le temps, les connaissances et la motivation pour faire le meilleur usage des ressources familiales afin de faire face aux besoins alimentaires et élémentaires de tous les membres de la famille. La condition pour retirer le maximum d’avantages nutritionnels du développement de l’aquaculture est de s’assurer que les populations pauvres et sous-alimentées accèdent plus facilement aux disponibilités accrues de poisson et tirent des revenus plus importants de l’aquaculture.

24. L’aquaculture comprend des systèmes de production divers permettant de cultiver et d’élever des plantes et des animaux dans les zones côtières et continentales, dont un grand nombre sont adaptées aux populations pauvres. Pour les communautés rurales pauvres, l’aquaculture est souvent un moyen de compléter les prises provenant des pêches traditionnelles. Celles-ci continuent de jouer un rôle important et, dans de nombreuses régions, suffisent à satisfaire les besoins de subsistance et assurent une source de revenus appréciable aux agriculteurs/pêcheurs. Dans de nombreux cas, les espèces capturées constituent la base de la sécurité alimentaire des familles, ce qui encourage l’utilisation de l’élevage des animaux et des poissons comme sources de revenus. L’aquaculture devient un élément important et attrayant aux yeux des communautés rurales, à l’heure où la pression démographique croissante, la dégradation de l’environnement ou la perte d’accès aux ressources limitent les prises provenant de pêches sauvages16.

25. Dans les systèmes d’élevage intégrés de petite dimension, l’aquaculture peut produire des protéines animales de grande qualité ainsi que d’autres nutriments qui peuvent s’avérer particulièrement appréciables pour les groupes vulnérables du point de vue nutritionnel. En général, l’aquaculture fournit des protéines à des prix habituellement accessibles aux segments les plus pauvres de la communauté, et crée des emplois sur l’entreprise même, notamment pour les femmes et les enfants, tout en générant des revenus grâce à la vente de produits dont la valeur peut être relativement élevée17. Des créations d’emploi sont aussi possibles dans les exploitations de plus grandes dimensions, les réseaux d’approvisionnement en semences, les chaînes commerciales et les services de réparation ou de fabrication. Parmi les avantages indirects, on note une offre plus abondante de poissons sur les marchés ruraux et urbains locaux et l’augmentation possible du revenu des familles par la vente de produits d’élevage, lesquels deviendront disponibles grâce à la consommation locale accrue de poisson. L’aquaculture peut aussi permettre aux paysans qui ne possèdent pas de terres d’utiliser des ressources communes pour l’élevage du poisson en nasse, l’élevage de mollusques et la culture d’algues, et d’obtenir de meilleures captures dans les masses d’eau communales18.

26. Les systèmes agricoles et aquacoles intégrés ont un avantage important, quoique souvent sous-estimé: ils contribuent à augmenter l’efficacité des exploitations et leur durabilité. Les sous-produits agricoles, tels le fumier provenant de l’élevage et les résidus de récolte, peuvent servir d’engrais et de compléments alimentaires pour l’aquaculture commerciale et de petite dimension. L’élevage de poissons dans les rizières contribue non seulement à la lutte intégrée contre les ravageurs mais aussi à la lutte contre les vecteurs de maladies, d’une grande importance médicale pour la santé humaine19. De plus, les étangs prennent de l’importance car ils jouent le rôle de réservoirs d’eau sur l’exploitation pour l’irrigation et l’abreuvement du bétail dans des zones sujettes aux pénuries saisonnières d’eau20. Les activités aquacoles peuvent assurer un revenu complémentaire pendant la période de soudure, lorsque le niveau de sécurité alimentaire est faible, amortissant ainsi les fluctuations saisonnières des revenus liés aux cultures annuelles. Le poisson peut être aussi une forme d’investissement de l’épargne car il peut être utilisé pour obtenir des prêts ou vendu lors de périodes difficiles pour atténuer les effets des périodes de soudure ou de pertes de revenus.

27. Les producteurs aquacoles, grâce à diverses interventions technologiques (par exemple l’amélioration des aliments pour animaux, des stocks de géniteurs, des mesures sanitaires, de la sélection génétique, etc.), ont obtenu des gains de productivité et des réductions de coûts importants. Sur la durée, ces améliorations ont entraîné une baisse des prix, malgré de fortes fluctuations à court terme. Les prix des produits de la pêche n’ont pas augmenté à la suite de la hausse de la demande internationale et connaissent au contraire une tendance à la baisse21. Les prix de certains produits aquacoles vendus dans l’Union européenne et aux États-Unis ont considérablement diminué au cours de ces dernières années. Le saumon et la crevette, qui étaient considérés dans les années 80 comme des produits à valeur élevée réservés à la société de l’abondance, sont devenus des produits plus largement consommés. L’augmentation de la consommation de saumons et de crevettes peut être justifiée par la baisse de leurs prix, leur plus grande disponibilité, la diversification des produits et l’utilisation du saumon et de la crevette dans des plats préparés et cuisinés. Le prix des produits aquatiques commercialisés aux niveaux local ou international conditionne leur contribution à la sécurité alimentaire car il influe sur la production. La tendance actuelle indique que les fluctuations de prix jouent en faveur de l’accroissement de la production locale, ce qui améliore les moyens d’existence des communautés rurales et renforce la sécurité alimentaire.

28. De nombreuses activités aquacoles, y compris la commercialisation, sont prises en charge par les femmes. Cette constatation est particulièrement pertinente pour les activités à petite échelle. Par conséquent, l’aquaculture peut assurer un revenu complémentaire aux femmes, lesquelles sont les principales gestionnaires des ressources familiales qui sont consacrées, de préférence, à la consommation. Augmenter le revenu des femmes renforce la position de celles-ci dans la société. Le fait qu’elles soient responsabilisées les encourage à s’engager de manière plus active dans les décisions à prendre dans le processus de développement.

29. On constate une augmentation de l’effort de recherche sur l’utilisation des espèces aquacoles génétiquement modifiées, bien que la disponibilité commerciale de poissons transgéniques soit encore limitée et que la contribution des OGM à la production de poisson de consommation soit réduite. L’accent porté sur la biotechnologie et sa contribution à la sécurité alimentaire, à la réduction de la pauvreté et la création de sources de revenus est de plus en plus marqué. Il faut être préparé à répondre à ce défi d’une manière responsable. Les principaux secteurs de la biotechnologie qui interviennent dans l’aquaculture sont les mêmes que ceux qui interviennent dans les secteurs agricoles. L’évolution des connaissances exigées pour tirer le meilleur parti d’une biotechnologie sûre et innovante dans l’aquaculture revêt une importance particulière et présente une série de défis uniques, principalement dus à la diversité des espèces élevées et des systèmes de production utilisés. Les interventions de la biotechnologie, telles l’obtention de taux de conversion alimentaires plus élevés, l’amélioration de la santé des animaux aquatiques et la réduction de la mortalité dans les élevages, ainsi que l’adaptation des espèces aux conditions environnementales difficiles (par exemple le tilapia dans les environnements salins et froids), pourraient permettre à l’aquaculture d’apporter une meilleure contribution à la sécurité alimentaire globale. A cet égard, il faut noter que la plupart des espèces de poisson élevées possèdent un patrimoine génétique plus proche de leurs origines génétiques sauvages que celui des animaux d’élevage actuels22.

VI. AQUACULTURE, SÉCURITEÉ ALIMENTAIRE ET ENVIRONNEMENT

30. La malnutrition est plus répandue dans les régions pauvres en ressources et dans celles disposant de services et d’infrastructures rudimentaires. L’identification des technologies adaptées à ces conditions pose un défi du point de vue environnemental. En effet, il faut sélectionner ces technologies en essayant de bien comprendre pourquoi les techniques de culture pratiquées ont des conséquences néfastes sur l’environnement. Les politiques doivent inciter les agriculteurs, surtout les pauvres qui cultivent des terres marginales, à adopter des méthodes de culture améliorées qui soient écologiquement saines, socialement acceptables et économiquement rentables.

31. Les conséquences négatives sur l’environnement (telles la destruction de mangroves, le rejet d’effluents, l’abandon des exploitations, etc.) qui étaient traditionnellement liées de manière inextricable à l’aquaculture, et la culture de la crevette en particulier, sont devenues plus rares. L’introduction par de nombreux pays de pratiques responsables et de codes de conduite sectoriels, souvent inspirés par le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO, est un signe évident du changement intervenu dans ce sous-secteur23. L’aquaculture, comme les autres utilisateurs de ressources naturelles, est parfois critiquée parce qu’elle néglige les conséquences de ses activités sur la biodiversité et les ressources naturelles. Les cas de saumons échappés transmettant le pou de mer aux stocks sauvages, et la capture de stocks de géniteurs de crevettes en milieu sauvage ne sont que quelques exemples d’un passé récent. La FAO intervient activement dans ces domaines et des améliorations (dans la planification et la réglementation) sont apportées pour éviter les conséquences négatives sur l’environnement et la biodiversité24. De telles initiatives, qui visent à réduire au minimum les effets néfastes de l’aquaculture sur l’environnement et favoriser son développement durable dans le cadre du Code de conduite pour une pêche responsable, amélioreront la contribution du secteur à la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et au développement rural.

VII. MÉTHODES PARTICIPATIVES VISANT À AMÉLIORER LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DES FAMILLES ET LA NUTRITION

32. Les expériences des décennies passées montrent que les programmes destinés à atténuer la pauvreté et améliorer la sécurité alimentaire sont rarement durables s’ils sont planifiés sans la participation des communautés. Les méthodes axées sur les communautés encouragent l’autosuffisance et l’initiative personnelle et, de ce fait, renforcent le respect de soi. De telles méthodes visent à responsabiliser les communautés pour leur permettre d’utiliser au mieux les ressources disponibles localement, et d’exiger de manière efficace des ressources supplémentaires et de meilleurs services afin d’améliorer leurs moyens d’existence. En s’appuyant sur les réseaux sociaux traditionnels de soutien et d’assistance mutuelle, les méthodes axées sur les communautés mobilisent les membres des communautés, dans le cadre d’activités mises en place pour répondre aux besoins et aux priorités de développement dont ces communautés font état. Ces méthodes apportent ainsi une contribution importante au développement durable aux niveaux local et national. Les méthodes axées sur les communautés font en sorte que les parties prenantes, dont les femmes et les groupes marginaux, prennent part au processus de développement, et que les vrais problèmes et besoins soient pris en compte. Elles veillent aussi à ce que la mise en œuvre et le suivi soient améliorés et que la durabilité soit renforcée en donnant aux utilisateurs un rôle prépondérant dans le développement et l’adaptation des activités.

33. Les méthodes axées sur les communautés s’appuient sur la planification participative et les techniques d’évaluation. Elles ont été largement utilisées pour favoriser l’adoption et la diffusion de l’aquaculture, et leurs principes directeurs ont été examinés par la FAO. Il a été démontré que la sécurité alimentaire et la nutrition des familles sont des points de focalisation pertinents pour coordonner et planifier les projets de développement locaux intégrant les activités aquacoles, et les méthodes participatives ont été adaptées au contexte local. En témoigne l’expérience d’apprentissage menée dans les centres de formation de terrain pour agriculteurs dans le domaine de la riziculture, qui a montré qu’il était possible d’intégrer l’aquaculture pour améliorer les techniques de culture, en particulier dans le cadre de la lutte intégrée contre les ravageurs. Les agriculteurs se réunissent de cinq à six heures par semaine et consacrent deux heures à observer l’écosystème. Le processus est animé par des formateurs qui ont eux-mêmes passé une saison entière sur le terrain à étudier l’écosystème et concevoir les programmes pour les centres de formation de terrain pour agriculteurs. Les riziculteurs procèdent à des essais d’aménagement physique des champs pour créer un habitat favorable au poisson: creusement de tranchées de formes et de tailles différentes, ou de petits étangs sur des emplacements divers. Ils innovent en adaptant leurs systèmes de production aux conditions du marché local et élèvent des poissons plus gros pour la vente ou la consommation des ménages, ou plus petits s’ils peuvent les vendre à des exploitations satellites. Une meilleure utilisation des ressources, un complément de revenu, une culture du riz et un élevage de poissons mieux maîtrisés renforcent l’adhésion des agriculteurs à la protection intégrée et le rejet des pesticides. L’expérience montre que de nombreux groupes d’agriculteurs décident de continuer le processus d’échange d’informations au sein d’«associations d’agriculteurs», même lorsque les projets et les programmes organisés dans le cadre des centres de formation de terrain sont terminés depuis longtemps.

VIII. UN CADRE POUR AMÉLIORER LA CONTRIBUTION DE L’AQUACULTURE À LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, À LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ ET À LA NUTRITION

34. La Déclaration et la Stratégie de Bangkok25 soulignent que le secteur aquacole doit poursuivre son développement afin d’atteindre ses capacités maximales, ce qui lui permettra d’apporter une contribution nette à la disponibilité alimentaire mondiale, à la sécurité alimentaire au plan local, à la croissance économique, au commerce et à l’amélioration des conditions de vie.

A. INTÉGRATION DE L’AQUACULTURE DANS LE DÉVELOPPEMENT NATIONAL

35. Pour que l’aquaculture puisse atteindre ses capacités maximales, il faut la mettre en œuvre de sorte qu’elle fasse partie intégrante du développement des communautés. Elle pourra ainsi contribuer à améliorer durablement les moyens d’existence, promouvoir le développement des ressources humaines et renforcer le bien-être social des secteurs les plus défavorisés. Les politiques et réglementations en matière d’aquaculture doivent promouvoir des pratiques d’aménagement et de culture adaptées et économiquement rentables, qui sont durables du point de vue de l’environnement et socialement acceptables. Si l’aquaculture veut atteindre son potentiel maximal, il est possible que ce secteur exige de nouvelles méthodes dans les décennies à venir. Ces méthodes varieront sans doute selon les régions et les pays, et le défi consistera à mettre au point des méthodes qui seront réalistes et maîtrisables dans chaque contexte politique, environnemental, économique et social. Dans une époque marquée par la mondialisation et la libéralisation du commerce, de telles méthodes ne doivent pas seulement être axées sur l’accroissement de la production mais doivent aussi mettre l’accent sur la production d’un produit bon marché, acceptable et accessible à tous les secteurs de la société.

B. PARTICIPATION DES PARTIES PRENANTES À LA PRISE DE DÉCISIONS EN MATIÈRE D’AQUACULTURE

36. Jusqu’au début des années 90, les initiatives en matière de développement de l’aquaculture ont visé principalement à accroître la production pour satisfaire les besoins croissants de la population mondiale et compenser le déclin local de la production des pêches de capture. Avant 1990, les méthodes de développement de l’aquaculture privilégiaient le transfert de technologies, la recherche et la vulgarisation, et on veillait à ce qu’il y ait suffisamment d’œufs de poisson ou d’alevins dans les écloseries gouvernementales centralisées. Dans les années 90, ces méthodes, semblables à celles qui avaient cours dans les secteurs ruraux, ont changé car les gouvernements ont pris de plus en plus conscience que la libéralisation des marchés était importante pour le développement du secteur. Depuis la seconde moitié de la dernière décennie du XXème siècle, on reconnaît que les ressources aquatiques jouent un rôle essentiel dans les moyens d’existence des millions de pauvres qui vivent dans les pays en développement, et que la participation des pauvres aux processus de prise de décisions qui influent sur leurs conditions de vie est fondamentale.

C. PLANIFICATION STRATÉGIQUE, POLITIQUES APPROPRIÉES ET CADRES INSTITUTIONNEL ET LEGAL ADAPTÉS

37. Le modèle de développement de l’aquaculture des années 90 s’est soldé par un certain nombre de succès et d’échecs. Les principales causes d’échec, en particulier en Afrique, étaient dues à l’accent mis sur l’aquaculture de subsistance en tant qu’activité accompagnant des augmentations de la production. Il n’y avait aucune prise en compte des autres conditions préalables au développement du secteur, à savoir la disponibilité d’aliments pour animaux, l’accès au crédit, et la nécessité de commercialiser la production. Les autres causes d’échec étaient imputables, entre autres, à la mauvaise gestion, l’imprécision des droits de l’eau et de la propriété foncière, la focalisation sur les technologies, le mépris de l’environnement et l’utilisation d’écloseries gouvernementales, centralisées et inefficaces.

38. En revanche, les succès de l’aquaculture se comptent dans de nombreuses régions. En Europe et en Amérique du Nord et du Sud, l’explosion de la culture des salmonidés dans les années 90 a créé des emplois dans des régions sans beaucoup d’autres possibilités, ce qui a entraîné une amélioration des conditions de vie des populations de nombreuses régions côtières. Logiquement, les industries liées à l’aquaculture (aliments pour animaux, produits chimiques, matériel, transformation et commercialisation) ont profité de cette explosion. En Asie et en Amérique Latine, le développement de la culture de la crevette a créé des emplois et des sources de revenus pour de nombreuses populations côtières.

39. La faiblesse des institutions gouvernementales et de la société civile dans de nombreux pays en développement réduit la capacité de soutien du développement de l’aquaculture. Pour influencer les institutions et les inciter à fournir des services plus nombreux et de meilleure qualité, à l’appui du développement de l’aquaculture il faut lancer une initiative à long terme, mobiliser l’engagement interne des responsables, réaliser des programmes bien orientés de renforcement des capacités et développer des réseaux avec les institutions partenaires.

40. Le développement de l’aquaculture peut être aussi renforcé par l’application de processus transparents et participatifs d’élaboration des politiques. L’aquaculture est souvent négligée par les gouvernements lorsqu’ils conçoivent des politiques et des stratégies de développement rural. Par exemple, les Documents stratégiques pour la réduction de la pauvreté (DSRP) de la Banque mondiale et les Documents stratégiques par pays (DSP) de l’UE sont peu nombreux à souligner que l’aquaculture est un moyen de développement rural, d’amélioration de la sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté.

41. Les interventions qui ont réussi à réduire la pauvreté et améliorer la sécurité alimentaire grâce à l’aquaculture présentent, entre autres, les caractéristiques suivantes: l’implication des bénéficiaires, l’utilisation de méthodes participatives, la mise en place de projets à petite échelle exigeant des investissements réduits, la prise en compte des demandes initiales des agriculteurs, l’utilisation de méthodes axées sur les communautés, l’élevage d’espèces placées en bas de la chaîne trophique (par exemple la carpe, le poisson-chat et le tilapia), la participation de tous les membres de la famille, l’utilisation de méthodologies s’appuyant sur les centres de formation de terrain pour agriculteurs et de technologies mises au point en fonction du contexte local et associées à la création de réseaux d’experts. En revanche, les interventions de l’aquaculture qui n’ont pas réussi à réduire la pauvreté rurale ou améliorer la sécurité alimentaire ont généralement fait un usage inapproprié des subventions et des allocations de formation, mis en place des écloseries centralisés de grande capacité, utilisé des méthodes axées sur la technologie, choisi d’investir à court terme et de faire appel à des méthodes de planification, de vulgarisation et d’aménagement conçues au sommet26.

42. L’aquaculture à petite échelle contribue à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration de la sécurité alimentaire. En outre, l’aquaculture à plus grande échelle, commerciale, telle qu’elle est pratiquée dans de nombreux pays en développement ou pays développés, avec des espèces comme la crevette, le saumon, le tilapia, le poisson-chat, le mérou et les carpes peut accroître la production destinée aux marchés locaux et internationaux et favoriser la création d’emplois (dans la production, la transformation et la commercialisation). De manière indirecte, les recettes fiscales provenant des entreprises aquacoles et les recettes en devises (provenant de l’exportation) permettent aux gouvernements d’investir dans les secteurs qui contribuent à l’amélioration de la sécurité alimentaire.

D. INFORMATION, SENSIBILISATION ET FORMATION

43. Sensibiliser tous les niveaux de la société au potentiel de l’aquaculture représente l’un des aspects principaux de tout cadre institutionnel propice au développement de ce secteur. L’éducation, le partage de l’information et la formation sont d’autres thèmes transversaux relatifs à la plupart des aspects de l’aménagement et du développement de l’aquaculture, en particulier pour mettre à profit son potentiel en matière de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté. Il est important de mieux intégrer l’aquaculture dans le développement rural compte tenu des ressources gouvernementales souvent limitées en matière d’éducation et de vulgarisation. À cet égard, tout cadre institutionnel pour le développement de l’aquaculture doit s’attaquer aux problèmes suivants qui se posent à l’échelon de l’exploitation: l’utilisation rationnelle des ressources, les motivations économiques ou liées aux moyens d’existence qui influencent les membres d’un ménage agricole lorsqu’ils décident d’un système de culture, de l’utilisation de l’eau, des aliments pour animaux, des engrais, des traitements chimiques et des autres intrants. Ensuite, il faut s’intéresser aux connaissances qu’ont les agriculteurs des systèmes de production et de protection contre les ravageurs disponibles et à leur capacité à les appliquer.

44. Les stratégies de gestion des agriculteurs ne sont pas seulement fondées sur des critères économiques mais incluent aussi la réduction du risque au minimum, la souplesse dans le choix des modes de culture, les préférences culturelles et traditionnelles pour certaines espèces ou techniques et la main-d’œuvre nécessaire, et disponible. La vulgarisation et la formation s’avèrent cruciales pour prendre des décisions en connaissance de cause27. Tout cadre institutionnel comprend d’autres éléments importants qui accroissent la contribution de l’aquaculture à l’amélioration de la sécurité alimentaire, tels que: aspects commerciaux, financiers et juridiques, commercialisation et investissements. L’existence d’une législation adaptée à l’aquaculture peut fournir une contribution importante au développement d’une aquaculture durable. Elle peut réduire au minimum (ou éviter) les conséquences négatives sur l’environnement et contribuer au développement d’un environnement dans lequel l’aquaculture est économiquement rentable. En outre, la législation appliquée à l’aquaculture, aux pêches et à la propriété foncière peut améliorer l’accès des couches les plus pauvres de la population aux ressources aquatiques, ce qui contribue directement à l’amélioration de la sécurité alimentaire.

45. L’accès aux services bancaires, au crédit et à l’assurance permet aux aquaculteurs de travailler de manière plus rationnelle, ce qui aura pour effets indirects d’accroître la production et de créer des revenus et des emplois supplémentaires. Les investissements dans l’aquaculture sont généralement pénalisés par un cadre institutionnel faible car ils portent en général sur le long terme. Par conséquent, les environnements administratif et politique instables peuvent entraîner une baisse des investissements, notamment les investissements directs d’origine étrangère. Les barrières douanières peuvent aussi nuire dans une large mesure à la rentabilité des exploitations aquacoles.

E. PARTENARIAT ENTRE LES SECTEURS PRIVÉ ET PUBLIC ET COOPÉRATION RÉGIONALE

46. Il a été démontré que les partenariats entre les secteurs privé et public dans l’aquaculture et la mise en place de réseaux d’experts contribuent de manière considérable au développement sectoriel. Bien que la mise en place de ces partenariats et de ces réseaux puisse être une tâche laborieuse, coûteuse et difficile32, leur concours est indispensable pour faire face aux contraintes et exploiter les opportunités qui se présentent. La coopération entre les gouvernements, les ONG et la société civile est aussi un moyen de sensibiliser, de cibler et de créer le dialogue entre les différentes parties prenantes à propos des interdépendances entre la sécurité alimentaire et l’aquaculture. La coopération régionale entre les aquaculteurs, les producteurs, les associations de commercialisation, les instituts de recherche et les gouvernements est essentielle. A cet égard, le programme d’appui à l’aménagement des ressources aquatiques régionales (Support to Regional Aquatic Resources Management, STREAM) est un bon exemple. Ce programme a démontré qu’il était capable de mettre l’aquaculture à l’ordre du jour des conférences régionales et nationales qui traitent, en particulier, des questions relatives au développement rural, à la sécurité alimentaire et à la pauvreté. La coopération sud-sud entre les pays d’Asie et les pays d’Afrique et d’Amérique du Sud est un outil utile pour faire connaître ces expériences.

IX. RECOMMANDATIONS AU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

47. Si un environnement favorable et productif est créé, le poisson d’élevage et d’autres produits aquatiques pourraient jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs de développement du millénaire. À cet égard, le comité souhaitera peut-être examiner les actions suivantes;

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1 Tacon, A.G.J. 2001. Increasing the contribution of aquaculture for food security and poverty alleviation. Dans R.P. Subasinghe, P. Bueno, M.J. Phillips, C. Hough, & S.E. McGladdery (Eds.) Aquaculture in the Third Millennium. Compte rendu technique de la Conférence sur l’aquaculture au troisième millénaire, Bangkok, Thaïlande, 20-25 février 2000. pp. 63-72. NACA, Bangkok et FAO, Rome.

2 FAO. 2003. La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2002. FAO, Rome. 150 p.

3 FAO. 2003. Review of the State of World Aquaculture. Circulaire sur les pêches FAO C886, Rev 2. FAO, Rome. 95 p.

4 Données agricoles de FAOSTAT, Bilans alimentaires, 1er juin 2000.

5 Tacon, A.G.J. & Barg, U.C. 1999. Responsible aquaculture development for the next millennium. Document présenté au séminaire-atelier sur le développement d’une aquaculture responsable en Asie du Sud-Est, Iloilo, Philippines, 12-14 octobre 1999.

6 Ye, Y. 1999. Historical consumption and future demand for fish and fishery products: exploratory calculations for the years 2015/2030. Circulaire FAO sur les pêches, n° 946. Rome, FAO. 1999. 31 p.

7 Aquaculture development trends: perspectives for food security. Document de référence pour la Conférence internationale sur la contribution durable des pêches à la sécurité alimentaire, Kyoto, Japon, 1995.

8 Elvevoll, E. et D. James, “Avantages potentiels du poisson pour la nutrition maternelle, fœtale et néonatale: examen de la littérature à ce sujet ”. Alimentation, Nutrition et Agriculture, 27, 2000, pp. 28-37.

9 VIH/SIDA au Vietnam.

10 NACA/FAO. 2000. Le développement de l’aquaculture au-delà de l’an 2000: La Déclaration et la Stratégie de Bangkok. Conférence sur l’aquaculture au troisième Millénaire, 20-25 février 2000, Bangkok, Thaïlande. NACA, Bangkok et FAO, Rome.

11 Hishamunda, N. et R. Subasinghe. 2003. Aquaculture Development in China: the Role of Public Sector Policies. Document technique FAO sur les pêches n° 427. Rome. 2003. 64 pp.

12 Rapport interne du Ministère des pêches de la république socialiste du Vietnam, 2002.

13 Rapport interne du Ministère de l’agriculture des États-Unis, 2003.

14 Étude socio-économique sur l’emploi et le niveau de dépendance vis-à-vis de la pêche, Commission des Communautés Européennes, Direction générale des pêches, 2000.

15 FAO. 2003. Fisheries Marketing and Credit in Vietnam. Document technique FAO sur les pêches (sous presse).

16 IIRR, IDRC, FAO, NACA et ICLARM 2001. Utilizing different aquatic resources for livelihoods in Asia: a resource book. Institut international de reconstruction rurale, Centre de recherche pour le développement international, Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, Réseau de centres aquacoles en Asie-Pacifique, et Centre international d’aménagement des ressources bioaquatiques, 416 p.

17 Edwards, P. 1999. Aquaculture and poverty: Past, present and future prospects of impact. Document de synthèse préparé pour la Cinquième Consultation des bailleurs de fonds sur le développement des pêches, Rome, Italie, 22-24 février 1999.

18 Tacon, A.G.J. 2001. Increasing the contribution of aquaculture for food security and poverty alleviation. Dans: R.P. Subasinghe, P. Bueno, M.J. Phillips, C. Hough, S.E. McGladdery et J.R. éd. Arthur. L’aquaculture au troisième millénaire. Compte rendu technique de la Conférence sur l’aquaculture au troisième millénaire, Bangkok, Thaïlande, 20-25 février 2000, pp. 63-72. NACA, Bangkok et FAO, Rome.

19 Halwart, M. 2001. Fish as biocontrol agents of vectors and pests of medical and agricultural importance, pp. 70-75. Dans: IIRR, IDRC, FAO, NACA et ICLARM 2001. Utilizing different aquatic resources for livelihoods in Asia: a resource book. Institut international de reconstruction rurale, Centre de recherche pour le développement international, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Réseau de centres aquacoles en Asie-Pacifique, et Centre international d’aménagement des ressources bioaquatiques, 416 p.

20 Lovshin, L.L., N.B. Schwartz et U. Hatch 2000. Impact of integrated fish culture on resource limited farms in Guatemala and Panamá. International Center for Aquaculture and Aquatic Environments, université d’Auburn, États-Unis. 29 p.

21 FAO.2002. Base de données Globefish. FAO, Rome.

22 FAO. 2003. Review of the State of World Aquaculture. FAO Circulaire sur les pêches, C886, Rev 2. FAO, Rome. 95 p.

23 FAO. 2001. Report of the FAO/Government of Australia Expert Consultation on Good Management Practices and Good Legal and Institutional Arrangements for Sustainable Shrimp Culture. Brisbane (Australie), 4-7 décembre 2000. Rapport sur les pêches FAO, n° 659. 70 p.

24 FAO/NACA. 2000. Asia Regional technical Guidelines on Health Management for the Responsible Movement of Live Aquatic Animals and the Beijing Consensus and Implementation Strategy. FAO Document technique sur les pêches. N° 402. FAO, Rome. 2000. 53 p.

25 NACA/FAO. 2000. Développement de l’aquaculture au-delà de l’an 2000: La Déclaration et la Stratégie de Bangkok. Conférence sur l’aquaculture au troisième Millénaire, 20-25 février 2000, Bangkok, Thaïlande. NACA, Bangkok et FAO, Rome.

26 FAO/NACA. 2002. Focusing Small-scale aquaculture and aquatic resource management on poverty alleviation. FAO/NACA, 2002.

27 FAO. 2002. Le rôle de l’aquaculture dans le développement rural. Document de référence pour la première session du sous-comité sur l’aquaculture (COFI), FAO, 2002.

28 NACA/FAO. 2000. Le développement de l’aquaculture au-delà de l’an 2000: la Déclaration et la Stratégie de Bangkok. Conférence sur l’aquaculture dans le troisième Millénaire, 20-25 février 2000, Bangkok, Thaïlande. NACA, Bangkok et FAO, Rome.