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Paper 9: Agronomic aspects of root and tuber crops important for estimating production

Quelques aspects agronomiques et méthodologiques importants à prendre en compte dans l'estimation de la production des plantes à racines et tubercules: le cas de l'igname (Dioscorea spp)

By
Dr Doumbia Sékou
Agronome/Système de culture
Direction régionale du CNRA/Man
BP 440 Man (Côte d'Ivoire)
Tél: (225) 33 79 22 79
Fax: (225) 33 79 31 73

Summary

The various constraints related to the collection of reliable statistics on yams (Dioscorea spp) are reviewed. At this level, the study noted the importance of environmental factors and conditions as explanatory reasons for variation in production.

Based on a large-scale yam production study conducted in Côte d'Ivoire, the different stages in the "construction" of a development model for yam yields are described. The following factors were identified

which constitute the most important components of yam tuber production.

The results of the study are critically examined and analyzed with particular emphasis on the methodological difficulties involved.

Resumé

Les contraintes de différentes natures liées à l'établissement de statistiques fiables sur l'igname (Dioscorea spp) sont passées en revue. A ce niveau l'étude a noté l'importance des facteurs et conditions du milieu comme source de variation de la production.

A travers une étude réalisée en milieu de grande production de l'igname en Côte d'Ivoire, les différentes étapes dans la «construction» d'un modèle d'élaboration du rendement sur l'igname sont décrites:

constituent les composantes les plus pertinentes du rendement.

Les résultats de l'étude sont traités et analysés de manière critique. Les difficultés d'ordre méthodologiques sont particulièrement mises en relief.

INTRODUCTION

La qualité médiocre des statistiques agricoles dans les pays en développement est un fait généralement admis. En effet, l'estimation des superficies, de la production et du rendement en milieu rural africain butte sur de nombreuses difficultés qui sont à la fois d'ordre financier, organisationnel et méthodologique. Or, la nécessité de disposer de statistiques fiables sur les principales cultures est non seulement légitime, mais primordiale.

La demande est en effet forte pour ce type de donnée:de nombreux acteurs de la vie publique, fonctionnaires de l'administration, planificateurs, consultants, chercheurs et étudiants ont recours régulièrement aux statistiques agricoles dans le cadre de leur travail de tous les jours.

Aussi toute démarche visant à améliorer la qualité de ces statistiques mérite-t-elle d'être menée avec sérieux et circonspection. !

La présente communication, préparée pour être présentée à la réunion des experts de la FAO sur les statistiques des racines et tubercules, aborde la question à travers le cas de l'igname (Dioscorea spp) dans le contexte ivoirien.

Après avoir brièvement présenté l'importance de la culture de l'igname, les contraintes liées à l'estimation de sa production chez le paysan seront analysées. Un accent particulier sera mis sur les aspects agronomique, méthodologique et pratique.

Une étude de cas sera présentée en guise d'illustration de la démarche.

La communication s'achève par l'examen de quelques pistes de recherches pouvant constituer autant de nouveaux ²terrains² d'investigation en vue de l'amélioration des statistiques agricoles en Afrique

I. L'igname en Côte d'Ivoire

L'igname représente une denrée alimentaire majeure en Côte d'ivoire. Avec en l'an 2000 environ 3 000 000 de tonnes, elle constitue en volume la première culture vivrière, bien avant le manioc et la banane plantain.

L'igname est cultivée un peu partout dans le pays, avec cependant des intensités variables en fonction des zones agroécologiques. Les régions Centre, Centre-Est, Nord-Est et Nord constituent les principaux bassins de production.

Pour la période 1994-1996, les superficies emblavées en igname représentaient 260 000 hectares pour une production totale de 2 824 000 tonnes, ce qui donne un rendement de 10,8860 tonnes/hectare pour la même période. LEV et SHRIVER, (1997).

Par ailleurs, BRICAS et ATTAIE (1997) situent la Côte d'Ivoire dans le groupe de tête en matière de consommation d'igname, c'est à dire les pays où la consommation per capita reste importante depuis 1960. Dans ces pays, la disponibilité moyenne par habitant est supérieure à 40 kg/an sur la période 1989-1994.

Cet ensemble de caractéristiques font de la Côte d'Ivoire, le second plus grand producteur d'igname en Afrique après le Nigéria.

Toutefois la production nationale d'igname est largement autoconsommée, on estime à moins de 10% le volume de la production monétarisée au plan intérieur, les transactions internationales demeurent à ce jour fort limitées, et ne concernent que quelques échanges avec les pays voisins.

D'autre part, par bien des aspects, l'igname en Côte d'Ivoire fait encore figure de culture extensive où l'augmentation de la production est obtenue plus par un accroissement des superficies cultivées (62%) que par une amélioration des rendements (38%). LEV et SHRIVER, (1998).

II. Les facteurs agronomiques de variation de la production de l'igname chez le paysan

De nombreux facteurs concourent à provoquer des variation de production au niveau de l'igname. Sans forcément accorder un poids spécifique à chacun d'entre eux, nous aborderons successivement le cas des espèces et des variétés cultivées, les techniques culturales, en particulier le matériel de plantation. Les aspects relatifs aux systèmes culturaux seront également examinés de même que les questions méthodologiques.

1. Les confusions liées à la nomenclature des espèces et variétés d'igname cultivées en Côte d'Ivoire

DOUMBIA (1998) a décrit à des fins d'éclaircissement la spécificité commerciale des espèces et variétés d'igname cultivées en Côte d'Ivoire. Dans la mesure où ces mêmes particularités se rencontrent au niveau de la production et peuvent être sources de confusion, nous reprenons ici cette analyse à notre compte.

En Côte d'Ivoire, deux espèces d'igname sont économiquement importantes. Il s'agit de l'espèce Dioscorea alata (D. alata) originaire de l'Asie et de l'espèce Dioscorea cayenensis-rotundata qui représente en fait un complexe botanique. Ce complexe d'origine africaine se subdivise en deux sous groupes. On distingue les Dioscorea cayenensis-rotundata à une récolte et les Dioscorea cayenensis-rotundata à deux récoltes appelées communément ignames tardives et ignames précoces respectivement. Ces appellations portent à confusion.

En effet, on a coutume de regrouper sous les noms génériques d'ignames précoces et d'ignames tardives, des variétés qui ne recouvrent pas les mêmes réalités ni par rapport à leur période de production et de commercialisation, ni par rapport à leur valeur marchande. Ceci est surtout le cas pour les variétés Krengle dont la valeur marchande est nettement plus élevée que celle de Florido ou de Bètè Bètè mais qui se trouve au sein du même groupe des ignames dites tardives que ces deux variétés. Par opposition, on parlera d'ignames précoces pour les variétés d'ignames exploitées en double récoltes et dont la mise en marché démarre la période de commercialisation. Ces variétés appartiennent à l'espèce Dioscorea cayenensis-rotundata.

Or, certaines variétés d'ignames précoces caractérisées par la double récolte sont parfois exploitées en une seule récolte. C'est le cas en particulier, lorsque interviennent des facteurs défavorables à la précocité de la production. La variété Lokpa en est un exemple.

Inversement, une variété tardive peut être exploitée en double récolte comme il advient de la variété Krengle. Le regroupement des variétés d'igname en ignames précoces et en ignames tardives est donc impropre en toute rigueur, mais très usité par commodité, tant au niveau de la production qu'au niveau du commerce.

De ce fait, l'outil statistique devrait comporter trois catégories d'ignames au niveau du suivi des paramètres de la production. Ce sont:

Dioscorea cayenensis à 2 récoltes

Dioscorea cayenensis à 1 récolte et

Dioscorea alata

Pour des enquêtes plus fines, la détermination exacte du nom de la variété sera nécessaire.

2. Plantation et matériel de plantation

L'igname est cultivée sur des profils culturaux en relief, elle demande un sol de bonne stabilité structurale, résistant à l'érosion.

La croissance de son enracinement, la formation des tubercules, en particulier leur nombre et leur taille sont très sensibles à la structure et à la compacité du sol (GUMBS et al, 1975).

D'après SERPENTIE (1985), les paramètres suivants sont importants au niveau du buttage:

- la profondeur de la prise de terre

- la forme des buttes

- l'individualisation des buttes (jointives ou non)

- leur agencement dans l'espace

- leur densité spatiale.

Ce dernier paramètre varie selon les sols, les précédents culturaux, les variétés et les objectifs de production.

Pour le matériel de plantation, le mode de prélèvement du semenceau et la taille de celui-ci sont importants à prendre en compte.

SERPENTIE (1985) estime que le paysan raisonne la plantation en fonction essentiellement de la variété et de la date de plantation.

Ces règles générales utilisées pour optimiser le rendement des semences sont souvent transgressées de manière conjoncturelle notamment en cas de faible disponibilité en semenceaux.

Une fois la plantation assurée, d'autres évènements défavorables indépendants de la volonté de l'agriculteur peuvent intervenir pour contribuer à l'accentuation de la variation de la production. Ce sont d'abord les ravageurs. Une attaque des organes par ceux-ci fait appel au potentiel de réponse des semenceaux. Ce potentiel est d'autant plus faible que le semenceau est de taille réduite. Il y a ensuite l'importance du salissement de la parcelle, et de la sensibilité accrue du pied d'igname à un déficit au moment de phases critiques comme le ²sevrage², phase au cours de laquelle s'opère le relais entre le semenceau ²épuisé² et la jeune plante qui devient ²autonome².

La position de la parcelle au niveau du bassin versant est tout aussi cruciale, notamment en cas d'inondation même pendant une courte période.

Une particularité de l'igname est d'avoir une dormance avec une levée de dormance qui n'est pas uniforme selon la position du fragment par rapport au collet. Ainsi les levées de champs à multiplication par fragments sont très étalées (1,5 à 2,5 mois). Comme le montrent les travaux de MIEGE (1957), les fragments les plus proximaux pourraient être plus précoces et plus productifs. Avec des semenceaux entiers, la production est plus groupée. De manière générale, l'étalement de la levée provient en grande partie de l'hétérogénéité du matériel de plantation et de son potentiel de croissance.

La conjonction de cet ensemble d'évènements ci-dessus décrits se traduit donc par la levée dont la qualité sera plus ou moins intéressante. En particulier, un nombre important de buttes vides correspond à la manifestation d'évènements défavorables intervenus pendant la phase de buttage-plantation ou juste après.

En effet, la présence de buttes vides dues en partie à l'absence de pied provient souvent d'un manque à la levée à cause de semence ravagée ou détruite. Parfois, le pied n'a donné lieu qu'à un tubercule inutilisable (poids inférieur à 50 g) malgré l'absence apparente d'accident. D'après SERPENTIE (1985), les plantations très tardives en situations sèches seraient à l'origine de ce genre de phénomènes.

3. Les systèmes de culture à base d'igname

3.1. La place de l'igname dans la rotation et la conduite de la culture.

Dans le système traditionnel, l'igname vient toujours en tête d'assolement. Elle peut être suivie d'une autre culture d'igname, avec dans ce cas des difficultés plus importantes de levée.

L'importance de la jachère comme principal précédent cultural de l'igname est attestée par de nombreuses études (DOUMBIA, 1995; Serpantie, 1985a). Ce constat s'explique au moins pour deux raisons, d'une part une possibilité plus grande de tuteurage de l'igname installée après une jachère et le fait que la jachère de longue durée constitue le principal mécanisme par lequel la reconstitution de la fertilité du sol est recherchée.

Au niveau de la conduite de la culture, de nombreux traits de caractère rattachent la culture de l'igname à une agriculture extensive. Certes moins concernée que le manioc par les associations culturales, le champ d'igname n'en demeure pas moins complanté avec d'autres espèces. Au sein du genre Dioscorea, les associations interspécifiques ne sont pas rares. A cela il faut ajouter le morcellement des parcelles et la présence d'un nombre important de variétés au sein de la même exploitation; Doumbia (1988) en a dénombré pas moins de dix dans certaines exploitations produisant l'igname dans la région de Dabakala dans le centre-est de la Côte d'Ivoire. En plus du fait que de telles situations provoquent une atomisation de l'offre, donc du groupage et de la commercialisation, elles constituent également un frein notable à toute entreprise de collecte de données sur les paramètres de la production.

3.2. La culture de l'igname dans un système en voie de sédentarisation

On observe actuellement en Afrique une transition vers la fixation, au niveau de nombreux systèmes de culture. Une monétarisation accrue de la production et la raréfaction des terres cultivables constituent les principaux déterminants de cette évolution.

Dans le cadre des systèmes de culture à base d'igname dès lors que la pression démographique devient importante, le paysan africain répond à une réduction de la jachère en adoptant de nouvelles stratégies de culture:

- abandon de la pratique de tuteurage

- rétrécissement de l'éventail des variétés d'igname cultivées

- diminution de la densité de plantation et

- plantation délibérément plus tardive

Dans le cadre d'une agriculture franchement sédentarisée, les modifications de l'environnement sont plus importantes avec des conséquences plus marquées au niveau de l'élaboration du rendement et donc de la production pour certaines variétés.

En effet, en Côte d'Ivoire, la transposition de la variété Krengle (D. cayenensis rotundata) dans une agriculture sédentarisée détermine des perturbations dans la tubérisation

Ce phénomène se traduit non par une absence de tubérisation, mais par un développement faible du ou des tubercules sans que l'on sache pour le moment s'il s'agit d'un arrêt précoce de croissance ou d'un retard dans la tubérisation.

4. Les aspects de méthodologie

La compréhension du processus d'élaboration du rendement de l'igname et donc des facteurs et conditions qui le déterminent se heurtent à plusieurs difficultés au plan méthodologique.

Dans le cadre des études plante-milieu-technique, la détermination de l'unité spatiale élémentaire est primordiale pour l'échantillonnage. En effet, si à la suite de MILLEVILLE (1972), l'on admet la vision de la parcelle paysanne en travail manuel comme une juxtaposition de sous-parcelles d'itinéraires techniques et milieux homogènes, qu'elle doit être alors la taille de l'unité élémentaire traitée de manière homogène en culture manuelle d'igname?

Quand bien même cette unité élémentaire serait déterminée, lorsque la population à échantillonner est hétérogène comme c'est le cas de l'igname, cela pose de réels problèmes de prélèvements. En effet, sur combien de buttes doit porter l'échantillonnage afin d'obtenir des caractéristiques de production mesurables stables? Ce problème est crucial sur l'igname où en culture manuelle paysanne, des coefficients de variation de l'ordre de 50% voire plus ne sont pas rares.

Quand on considère maintenant les relations entre paramètres de végétation et de rendement, la détermination de telles relations se heurte aux difficultés d'observation, à moins de procéder par la méthode destructrice, et de détermination de phases critiques en champ paysan.

Enfin lorsque l'on étudie les effets des techniques culturales, il existe rarement un lien direct technique-rendement ou technique-état du milieu (SEBILLOTTE, 1975).

CONCLUSION

Les facteurs et conditions du milieu susceptibles de provoquer une variation de la production de l'igname chez l'agriculteur sont nombreux et variés. En effet les différences intra et interspécifiques de productivité dans le genre Dioscorea et l'action de l'hétérogénéité du matériel de plantation semblent déterminants dans la variation de la production interbutte.

Le facteur humain demeure tout aussi primordial. En effet, l'agriculteur par ses interventions, ses choix, ses stratégies et objectifs de production contribue également à créer une variabilité importante au niveau de la production.

Les conditions du milieu, indépendantes de l'homme ou provoquées par lui ne sont pas non plus négligeables. On retiendra à ce niveau l'action déterminante sur la production d'une artificialisation du milieu producteur de plus en plus poussée dans le cadre d'une agriculture connaissant un blocage foncier, donc en voie de sédentarisation.

Enfin, estimer la production agricole dans des situations aussi hétérogènes nécessite que soient observées un minimum de précautions méthodologiques tant en ce qui concerne les méthodes d'observations, qu'en ce qui concerne les méthodes d'échantillonnage.

ETUDE DE CAS

Détermination des composantes du rendement sur la culture de l'igname(Dioscorea spp) en vue de l'estimation de la production chez le paysan: Intérêt et limite

I. Cadre de l'étude

L'étude s'est déroulée en Côte d'Ivoire, dans la zone de Dabakala en région Centre-Est. L'opération “détermination des composantes du rendement sur la culture de l'igname en vue de l'estimation de la production en milieu paysan” faisait partie d'un programme plus large destiné à étudier l'igname sous ses différents aspects agronomique, et socio-économique. L'objectif principal du programme étant de déterminer dans quelle mesure, l'igname, culture importante à Dabakala, pouvait contribuer à amorcer la modernisation de l'agriculture dans cette zone. L'ensemble de l'activité de recherche s'inscrivait dans le cadre plus global du projet de Développement rural de Dabakala-Katiola comprenant plusieurs autres volets et financé par le Fonds International de Développement Agricole (FIDA).

II. La méthode de travail

Notre démarche a privilégié des interventions directes en champ paysan à travers des enquêtes agronomiques couplées à des enquêtes socio-économiques, notamment les études de temps de travaux. La commercialisation de l'igname a également été étudiée à travers le suivi et le relevé hebdomadaire des prix des différentes variétés d'igname mise en marché.

Le dispositif de recherche

Nous avons utilisé un dispositif en bloc dispersé où chaque paysan constituait une répétition. Il y avait donc autant de répétitions que de paysans dans notre échantillon. Pour l'activité de détermination des composantes du rendement, notre échantillon comprenait 25 paysans, choisis de manière raisonnée. Un des critères d'appartenance à l'échantillon était que le paysan devait avoir cultivé au cours de l'année de l'enquête, les deux variétés d'intérêt que sont Krengle et Florido qui appartiennent respectivement aux espèces Diocorea cayenensis rotundata et Dioscorea alata. La présence dans l'échantillon de ces deux variétés largement cultivées dans la région et appartenant à des espèces différentes favorise des comparaisons interspécifiques riches en enseignements.

Les résultats présentés dans le cadre de cette étude de cas sont ceux de la campagne agricole 1996. Les parcelles enquêtées sont totalement gérées par l'agriculteur depuis le défrichement, jusqu'à la récolte. Ces parcelles constituent dans chaque exploitation enquêtée, un sous-ensemble du champ d'igname du paysan. Notre intervention a consisté à:

- reconstituer par enquête rétrospective l'histoire de la parcelle,

- noter au cours de passages répétés les faits importants intervenus en cours de végétation (opérations culturales, accidents),

- être présents à la récolte afin d'en organiser le chantier selon une fiche établie par nos soins.

La parcelle élémentaire est de 100 m2 et la superficie effectivement récoltée de 50 m2. En nous basant sur nos résultats de temps de travaux, nous avons estimé, qu'en culture manuelle dans notre zone d'intervention, le paysan pouvait «travailler», c'est-à-dire butter et ensemencer une superficie maximale en une journée de 1,5 ares. En matière d'échantillonnage, tout ou partie de cette superficie de 1,5 ares pouvait donc être considérée comme homogène par rapport à l'itinéraire technique utilisé.

III. L'organisation du chantier de récolte

La récolte avait pour objectif non seulement d'obtenir une mesure totale de la production par parcelle, mais de permettre également de mesurer des paramètres importants et de se faire une idée exacte de la qualité de la production en procédant au calibrage. En effet, seuls des tubercules d'igname d'un poids d'environ 1 kg ou plus sont intéressants pour le commerce, et un nombre important de tubercules de moins de 500 g constitue manifestement le signe d'une mauvaise récolte.

3. 1 La détermination des paramètres importants à la récolte

Il s'agit:

- du nombre de buttes effectivement récoltées (densité réelle à la récolte);

- de la répartition des buttes en fonction du nombre de tubercules d'igname qu'elles contiennent;

- de la répartition des tubercules en fonction de trois classes de poids:

a) nombre de tubercules dont le poids est inférieur ou égal à 500 g,

b) nombre de tubercule dont le poids est compris entre 500 g et 1000 g,

c) nombre de tubercules dont le poids est supérieur à 1000 g.

Les tubercules appartenant aux deux dernières classes sont orientées vers le commerce, la reproduction du système et l'autoconsommation. Les tubercules de la première classe essentiellement des petits tubercules sont dans tous les cas refusés par le commerce.

Leur utilisation comme semenceau n'est pas automatique, car souvent responsable de la virose. Ces tubercules sont la plupart du temps essentiellement autoconsommés.

3.1.1. La détermination de la densité réelle à la récolte

L'intérêt de la détermination de ce paramètre réside dans le fait qu'en cours de végétation, un certain nombre d'évènements interviennent pour réduire sensiblement la densité au buttage, que nous appelons la densité théorique. Il s'agit:

- du nombre de buttes d'autres variétés,

- du nombre de buttes déjà récoltés par le paysan (avant l'organisation du chantier de récolte)

- du nombre de buttes vides.

Notre expérience du terrain nous enseigne que de manière conjoncturelle, pour une superficie buttée et destinée à être ensemencée en une variété donnée lorsque le paysan venait à manquer de semenceaux de cette variété, le reste des buttes dans ce cas était ensemencé avec des tubercules d'une autre variété. En toute rigueur il fallait exclure de nos calculs la production de ces buttes ensemencées en une autre variété que celle qui nous intéressait. Pour des superficies aussi réduites que 100 m2, ce genre de situation était assez rare.

Les cas de buttes déjà récoltées par le paysan était également rare, mais leur probabilité d'occurrence n'était pas nulle malgré la précaution qui consistait à délimiter la partie du champ d'igname sur laquelle la recherche se proposait de mesurer la production. Enfin, les situations de buttes vides, beaucoup plus fréquentes étaient également notées. Les causes de tels évènements ont été déjà décrites plus avant dans cette communication. En définitive, la densité réelle à la récolte était obtenue en tenant compte de ces trois sources de variation de la densité théorique.

3.1.2. La répartition des buttes en fonction du nombre de tubercules qu'elles contiennent et le calibrage.

L'opération de dénombrement des buttes en fonction du nombre de tubercules qu'elles contiennent, réalisée butte par butte est effectuée par comptage sur le lieu même de la récolte.

L'intérêt du calibrage a été déjà signalé. Il est réalisé sur place à la récolte, par répartition en se basant sur une appréciation visuelle. Une fois la récolte achevée, les tubercules sont réparties en trois classes de poids identifiées comme:

- petits tubercules

- tubercules moyens

- gros tubercules.

3.2. Les pesées et autres calculs

Réalisées sur place, juste après la récolte, les pesées portent sur:

- la production par classe de tubercules

- la production totale.

Les autres calculs sont réalisés au bureau une fois de retour à la station.

3.3. Résultats et discussion

3.3.1. Analyse des résultats.

La distribution de la plupart des paramètres considérés s'écartant d'une distribution normale, nous avons calculé en lieu et place de la moyenne et de l'écart type, la médiane et l'étendue.

3.3.1.1. Les composantes du rendement.

A la récolte beaucoup de paramètres sont disponibles, mais tous ne peuvent être considérés comme des composantes pertinentes du rendements. En effet la possibilité de détermination de la densité réelle, diminue fortement l'intérêt de l'utilisation des paramètres tels que la densité théoriques et le nombre de buttes vides comme composante du rendement. Le nombre total de tubercules ne nous a pas non plus semblé très pertinent en ce sens que le calibrage indique de manière assez évidente qu'un nombre élevé de tubercules est assez généralement lié à l'existence de petits tubercules, phénomène qui traduit plutôt l'occurrence de conditions défavorables intervenues en cours de végétation.. En définitive, nous avons approché le rendement par la formule suivante:

Rendement parcellaire(Kg/50m²) = densité réelle × Nombre moyen de tubercules/butte × Poids (Kg) moyen d'un tubercule

Notre analyse des composantes du rendement portera donc sur ces trois composantes.

1) La densité réelle à la récolte.

Dans le cas général, les densités réelles obtenues à la récolte sont inférieures aux densités théoriques. Dans notre exemple, les densités réelles ne représentent plus que 90% et 86,20% des densités au buttage respectivement sur les variétés krengle et florido. Nos enquêtes antérieures (Doumbia, 1988) indiquent des densités théoriques moyennes en milieu paysan de 4946 buttes/ha et de 5612 buttes/ha toujours sur krengle et florido. Les valeurs médianes des densités théoriques obtenues dans le cadre de cette étude, respectivement de 6000 buttes/ha et de 5800 buttes/ha sur krengle et florido majorent très sensiblement la densité sur krengle et minorent sensiblement celle sur florido.

La dispersion au niveau des valeurs médianes mesurées par l'étendue est plus importante sur florido ou la densité minimale ne représente plus que 52,63% de la valeur maximale, alors que sur krengle le minima représente encore plus des deux tiers du maxima. (69,44%). Le tableau 1 résume l'ensemble de ces données.

2) Le nombre de tubercules par butte.

Les résultats relatifs à ce paramètre sont consignés au tableau 2. Le fait que les valeurs minimales soient supérieures à 0 signifie que les calculs ont porté sur la densité réelle.

Les valeurs de 2,04 tubercules/butte et de 1,45 tubercules/butte observé sur la variété krengle d'une part de 2,56 tubercules/butte et de 1,89 tubercules/butte sur la variété florido d'autre part indiquant respectivement sur chaque variété le maxima et la médiane traduisent le caractère moins prolifique de krengle par rapport à florido.

Par ailleurs, quand on examine la distribution du nombre moyen de tubercules par buttes, on constate que cette distribution est de type monomodal de valeur modale égale à 1 sur krengle et de type bimodal et de valeurs modales égalent à 1 et 2. Ce résultat qui est en rapport avec la précédent traduit le fait qu'en condition normale de production, l'obtention d'un nombre limité de tubercules (1 à 2) demeure la règle. Mais l'existence de buttes à plus de 2 tubercules, parfois 3 voire 4 et plus quoique rare sur krengle mais possible sur florido traduit la réaction de la plante à des conditions environnementales défavorables. En particulier l'occurrence de périodes de sécheresse plus ou moins longues intervenues en cours de végétation.

3) Le poids moyen d'un tubercule.

Pour cette composante du rendement, il existe de très grandes différences variétale. En effet le rapport du maxima au minima pour cette composante est de l'ordre de 4 sur krengle et de 12 sur florido. La valeur médiane respectivement de l'ordre de 0,46 sur krengle et de l'ordre de 0,69 sur florido laisse présager une productivité plus grande des D.alata par rapport aux D.cayenensis. Le tableau 3 résume l'ensemble de ces résultats.

4) Le rendement.

L'examen du tableau 4 indique une grande dispersion des valeurs de cette composante, caractérisée par un rapport élevé de l'ordre de 10 entre maxima et minima au niveau des rendements des deux variétés. Par ailleurs, comparés aux rendements courants en milieu paysan, les rendements auxquels nous parvenons ici sont faibles surtout en ce qui concerne la variété florido pour laquelle des rendements de l'ordre de 10 à 12 tonnes par hectare ne sont pas exceptionnels en milieu paysan.

3.3.1.2. La capacité de prédiction du modèle

Au cours de cette analyse nous apprécierons par la méthode des nuages de points l'intensité de la liaison entre le rendement et chacun des composantes du rendement d'une part et d'autre part la capacité de prédiction de notre modèle.

Les nuages de points analysés sont présentés aux figures 2, 3 et 4. Des trois composantes du rendement seule le poids moyen d'un tubercule semble assez bien corrélé au rendement surtout dans le cas de la variété florido. La faible représentation de Krengle dans notre échantillon ne permet pas dans le cas de cette variété de conclure de manière nette.

La capacité de prédiction du rendement par notre modèle peut être appréciée d'après les résultats ci-dessous suivants:

1) cas des variétés Krengle

Valeur médiane du rendement parcellaire de l'échantillon = 4,03 t/ha

Valeur estimée = 5400 × 1,45 × 0,46 = 3601,8 Kg/ha

Soit 3,60 t/ha

2) Cas de la variété Florido

Valeur médiane du rendement parcellaire de l'échantillon = 7,44 t/ha

Valeur estimée = 5000 × 1,89 × 0,69 = 6520,5 Kg/ha

Soit 6,52 t/ha

La faible différence entre les valeurs médianes du rendement obtenues dans l'échantillon et les valeurs estimées grâce aux composantes du rendement est encourageante et témoigne de l'utilité du modèle choisi ainsi que de la pertinence des composantes du rendement choisies. Le fait également d'avoir retenu en lieu et place de la moyenne et de l'écart type la médiane et l'étendue mérite également d'être signalé.

3.3.2. Discussion

Les résultats de notre étude confirment la grande dispersion des valeurs en milieu de grande production. Bonnefonds (1980) a abouti à la même conclusion en ce qui concerne les relevés de temps de travaux.

Le modèle d'élaboration du rendement sur l'igname auquel nous sommes parvenus repose sur trois composantes qui sont:

Chacune de ces composantes demeure sous la dépendance des effets des facteurs et conditions du milieu. Par exemple, l'action d'un déficit hydrique marqué se traduit pour chacune des composantes de notre modèle, soit par une baisse des valeurs, cas de la densité réelle et du poids moyen d'un tubercule, soit par une augmentation, c'est le cas du nombre moyen de tubercules par butte. Ainsi, des conditions extrêmes de production amoindrissent l'utilité de ces composantes dans le cadre d'un diagnostic agronomique quantitatif de la production.

Par ailleurs, le fait que sous l'action du stress hydrique, on assiste à une augmentation du nombre de tubercules moyen par butte affaiblit la position selon laquelle cette composante serait une caractéristique variétale.

De manière plus générale, nos résultats confirment les faibles niveaux de rendement en milieu de grande production par rapport au rendement potentiel réalisé en station; ils confirment également une plus grande productivité de la variété florido par rapport à la variété krengle.

Enfin, les voies d'amélioration de notre modèle concernent avant tout les questions d'échantillonnage à examiner en priorité.

CONCLUSION

Les résultats de notre étude nous confortent dans l'idée qu'il est possible, grâce à un choix judicieux de composantes, de «construire» un modèle relativement correct d'élaboration du rendement sur l'igname.

Mais la très grande dispersion des valeurs obtenues nous incite à la fois à mieux affiner nos méthodes d'investigation et à d'avantage approfondir nos connaissances et notre analyse du mode d'action des principaux facteurs et conditions du milieu. En particulier leur caractère très hétérogène constitue une source importante de variation de la production.

BIBLIOGRAPHIE

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Tableau 1: Valeurs extrêmes et valeur médiane de la densité théorique et de la densité réelle exprimée en nombre de buttes par hectare sur culture d'igname en milieu paysan (zone de Dabakala, région Centre Est de la Côte d'Ivoire, campagne 1996)


KRENGLE

FLORIDO

Densité théorique

Densité réelle

Densité théorique

Densité réelle

Minima

5000

2600

4000

4000

Maxima

7200

6800

7600

7000

Médian

6000

5400

5800

5000

NB:

Krengle: Dioscorea cayenensis rotundata


Florido: Dioscorea alata

Tableau 2: Valeurs extrêmes et valeurs médianes du nombre moyen de tubercules par butte relevé sur 50 m² (zone de Dabakala, région Centre Est de la Côte d'Ivoire, campagne 1996)

KRENGLE

FLORIDO

Minima

1,00

Minima

1,35

Maxima

2,04

Maxima

2,56

Médiane

1,45

Médiane

1,89

Tableau 3: Valeurs extrêmes et valeur médiane du poids moyen d'un tubercule (kg) de deux variétés d'igname dans la zone de Dabakala, en région Centre Est de Côte d'Ivoire. Campagne 1996

Variété\Valeur

Valeurs extrêmes

Médiane

Minima

Maxima

Krengle

0,298

1,10

0,46

Florido

0,22

2,83

0,69

NB:

Krengle: Dioscorea cayenensis rotundata


Florido: Dioscorea alata

Tableau 4: Valeurs extrêmes et valeur médiane relevées au niveau du rendement (t/ha) de deux variétés d'igname dans la zone de Dabakala, en région Centre Est de Côte d'Ivoire. Campagne 1996

Variété\Valeur

Valeurs extrêmes

Médiane

Minima

Maxima

Krengle

1,32

12,16

4,03

Florido

2,04

20,64

7,44

NB:

Krengle: Dioscorea cayenensis rotundata


Florido: Dioscorea alata

Figure 2: Relation entre le rendement et la densité réelle

a) Rendement parcellaire (kg/50 m²) de la variété d'igname Florido en fonction de la densité réelle

b) Rendement parcellaire (kg/50 m²) de la variété d'igname krengle en fonction de la densité réelle

Figure 3: Relation entre le rendement et le nombre de tubercules/butte

a) Rendement parcellaire (kg/50 m²) de la variété d'igname Florido en fonction du nombre moyen de tubercules/butte

b) Rendement parcellaire (kg/50 m²) de la variété d'igname krengle en fonction du nombre moyen de tubercules/butte

Figure 4: Relation entre le rendement et le poids moyen d'un tubercule

a) Rendement parcellaire (kg/50 m²) de la variété d'igname Florido en fonction du poids moyen d'un tubercule (kg)

b) Rendement parcellaire (kg/50 m²) de la variété d'igname krengle en fonction du poids moyen d'un tubercule (kg)


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