AU/MIN/AGRI/2

CONFÉRENCE DES MINISTRES DE L'AGRICULTURE DE L'UNION AFRICAINE
Maputo, Mozambique
1er - 2 juillet 2003

Réunion préparatoire d'experts
1er juillet 2003

Point 2 de l'ordre du jour provisoire

RÉPONDRE AUX DÉFIS DE L'INSÉCURITÉ AGRICOLE ET ALIMENTAIRE
MOBILISER L'AFRIQUE POUR METTRE EN ŒUVRE LES PROGRAMMES DU NEPAD


1. L'ÉTAT ALARMANT DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE L'AGRICULTURE EN AFRIQUE
2. LA RÉPONSE DE L'AFRIQUE
3. MOBILISER L'AFRIQUE POUR AGIR
4. L'HEURE EST VENUE POUR UNE ACTION DÉCISIVE
5. RECOMMANDATIONS A L'ATTENTION DES MINISTRES


Dans ce document, le terme "agriculture" est employé pour désigner la totalité de la chaîne de valeur depuis la ferme ou le parcours jusqu'au marché, en passant par la transformation et l'entreposage. Ce terme désigne également la foresterie et la pêche.

1. L'ÉTAT ALARMANT DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE L'AGRICULTURE EN AFRIQUE

Bien que la majorité des Africains subviennent à leurs besoins alimentaires et que certains pays du continent soient exportateurs de produits agricoles, l'image la plus frappante véhiculée dans le monde est celle de la sébile du mendiant. L'Afrique est confrontée régulièrement à des famines spectaculaires et elle en vient à être perçue comme un continent vivant de l'aumône; un objet de pitié. Dans l'agriculture comme dans d'autres secteurs, la production de l'Afrique et sa part de marché dans le commerce international sont faibles; cette région n'est donc pas en mesure d'influencer les prix mondiaux et la structure des échanges ou de peser de façon significative sur son propre destin. Le rôle marginal que joue l'Afrique est dû en grande partie aux mauvais résultats de son économie et au fait qu'elle ne fournit guère ce qu'on souhaite acheter dans le monde.

Étant donné que l'agriculture emploie au moins 60 pour cent de la main-d'oeuvre africaine, les mauvaises performances du secteur doivent expliquer partiellement le triste état général du continent, d'où la nécessité de lutter vigoureusement contre ce malaise profond. Ce document est écrit avec la conviction que si l'agriculture était gérée de façon appropriée, en particulier à court et moyen terme, elle serait, mieux que bien d'autres secteurs, en mesure de revigorer l'économie africaine, de sortir massivement les pauvres du désespoir et l'Afrique de son marasme.

L'argument permettant d'accorder la priorité à l'agriculture devrait aller de soi en Afrique. Néanmoins, le Document de base AU/MIN/AGRI/1 dans le cadre du point 1 de l'ordre du jour "La situation de l'alimentation et de l'agriculture en Afrique" résume la situation actuelle et confirme qu'il est largement justifié de donner la priorité au développement agricole. Actuellement, l'agriculture représente environ 60 pour cent de la main d'oeuvre en Afrique et 20 pour cent de ses recettes d'exportation; plus de 70 pour cent de la population totale et la majorité des plus pauvres et des sous-alimentés vivant en zone rurale, où l'agriculture constitue la base de l'économie. Bien que ce secteur ne détienne pas l'unique solution à l'insécurité alimentaire, il est au coeur du problème, d'autant plus qu'en Afrique de nombreux consommateurs, plus que dans toute autre région du monde, produisent encore leur propre nourriture. Mais le secteur est en crise.

Cependant, bien qu'on soit conscient à la fois de l'importance du secteur et de la crise qu'il traverse, le soutien public et privé en faveur de l'agriculture demeure limité. Par conséquent, tous les indicateurs montrent que l'Afrique (en particulier l'Afrique subsaharienne) se laisse largement distancer par d'autres régions en développement. Par exemple, l'Afrique est depuis longtemps à la traîne au niveau du pourcentage de terres arables irriguées, de la valeur ajoutée par travailleur, du niveau d'utilisation des engrais, et des progrès de la productivité dans la production tant végétale qu'animale. Ces défaillances, allant de pair avec des échecs économiques globaux, ont eu des conséquences directes et dévastatrices1.

Dans le domaine du commerce (un moyen potentiellement important de création de revenus), les résultats de l'Afrique ont également été décourageants. La part de l'Afrique dans le commerce mondial total, pour tous les biens, n'a été que de 1,2 pour cent au cours des années 90, alors quelle était de 3,1 pour cent dans les années 50; en ce qui concerne les exportations agricoles mondiales, la part de l'Afrique a été divisée par plus de deux, passant de huit pour cent en 1971-1980 à seulement 3,4 pour cent en 1991-2000. On avance souvent l'argument que l'agriculture fortement subventionnée des pays développés fait perdre à l'Afrique sa compétitivité à l'exportation. Mais l'Afrique doit se demander pourquoi d'autres régions en développement, qui se heurtent aux mêmes obstacles, ont obtenu de meilleurs résultats et ont en fait ravi une part du marché que détenait l'Afrique. Par ailleurs, les échanges d'un bon nombre de pays africains dépendent exagérément d'un ou deux produits de base et de produits non transformés, le pays de destination récoltant les avantages de la valeur ajoutée. Et avec la subite ouverture des frontières aux fournisseurs concurrents, même les faibles capacités industrielles, qui avaient été mises en place en Afrique, sont souvent en déclin - dans certains pays, le secteur agricole semble en voie de très forte désindustrialisation.

2. LA RÉPONSE DE L'AFRIQUE

2.1 Les mesures prises et les progrès réalisés à ce jour

L'Afrique peut se targuer de certaines réalisations dans le domaine de l'alimentation et de l'agriculture; l'Afrique du Nord a des modèles de culture irriguée qui sont parmi les plus rentables et durables du monde. En Afrique australe, certains programmes de création de petits barrages constituent un exemple pour le reste du monde; il existe de petites entreprises de classe internationale, dans le domaine des fleurs coupées et des produits horticoles de grande valeur, qui sont parmi les meilleures; et, dans un bon nombre de pays, de récents programmes spéciaux de sécurité alimentaire sont source d'espoir pour beaucoup de monde. Cependant, globalement, ces exemples brillants sont rares. Après avoir obtenu leur indépendance politique, de nombreux pays africains ont cherché à réaliser des progrès plus rapides en lançant de multiples projets et programmes nouveaux, bénéficiant de l'aide étrangère. Ces opérations ont permis généralement la création d'enclaves de prospérité dans un environnement d'agriculture ou d'agro-industrie peu performant. Il est rare que le succès ait longtemps survécu à l'achèvement du projet soutenu par une aide extérieure.

Certains estiment que la carence des institutions est à l'origine de ce phénomène - en particulier, les producteurs se font mal entendre et sont mal organisés; les politiques, stratégies et techniques de développement agricole changent souvent; l'investissement en agriculture ou dans les structures d'appui est limité et il y a des interventions qui orientent les prix de manière à favoriser les secteurs non agricoles. L'Afrique a servi de terrain d'essai pour des approches rapidement abandonnées du développement agricole: à un moment ou à un autre, des programmes de développement rural intégré ont été préconisés, puis ont perdu la faveur; on a essayé puis abandonné différents types de vulgarisation et de soutien de l'agriculture; des offices publics de commercialisation ont été créés, ainsi que des fermes d'État, des branches de production et des marchés paraétatiques - tout cela étant également abandonné plus tard. L'approche conceptuelle qui prévaut actuellement au niveau international est hostile à l'intervention directe des pouvoirs publics dans les activités économiques et elle a amené la libéralisation et l'ajustement structurel encore en cours. Ce qu'il faut bien noter, c'est que tout cela a été tenté alors que l'Afrique a peu de succès notables à revendiquer. Il est évident qu'il manque quelque chose et le faible niveau d'engagement pratique vis-à-vis de l'agriculture peut être une cause de cette situation.

Comme on le note dans le document de base, l'agriculture africaine dépend encore des caprices de la pluviométrie; elle a très peu recours aux engrais ou à d'autres intrants et technologies modernes qui améliorent le rendement; elle fournit encore des produits de base bruts, et elle apporte dans ses échanges une valeur ajoutée minime. Dans certains pays, le budget de l'agriculture reste surtout financé de l'extérieur , avec très peu de fonds publics nationaux pour l'agriculture et le développement rural. L'Afrique semble sourde à l'adage selon lequel on ne peut pas récolter sans d'abord semer.

2.2 Le programme du NEPAD

2.2.1 Généralités

Les conséquences des mauvais résultats de l'agriculture ont engendré une frustration telle que ce secteur économique a été le seul à bénéficier de la première série de programmes du NEPAD. Le Comité directeur a demandé un programme d'action pour le secteur et le Secrétariat a travaillé avec la FAO à la préparation du "Programme détaillé pour le développement de l'agriculture africaine" (PDDAA). Saisissant l'occasion de la présence à Rome des ministres africains de l'agriculture pour le Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après, la FAO a convoqué le 9 juin 2002 une session spéciale de la Conférence régionale de la FAO pour l'Afrique. Les ministres ont centré les débats sur le NEPAD et ont appuyé le PDDAA, qui apporte une réponse directe à la situation de crise soulignée ci-dessus.

Sans laisser entendre en aucune manière qu'une politique à long terme et des changements institutionnels n'étaient pas nécessaires, le PDDAA s'est focalisé sur une action pratique reposant sur trois piliers se soutenant mutuellement, afin de provoquer au plus vite un accroissement de la production: a) accroissement des superficies cultivées de façon durable et desservies par des systèmes fiables de maîtrise de l'eau; b) amélioration des infrastructures rurales et des capacités liées au commerce, pour un meilleur accès au marché; c) augmentation des approvisionnements alimentaires et réduction de la faim. En outre, ce programme comporte un volet à long terme sur la recherche agricole, la diffusion et l'adoption de technologies. Par ailleurs, le PDDAA traite de la question des situations d'urgence et des catastrophes qui nécessitent des réponses alimentaires et agricoles. Le PDDAA doit être mis en oeuvre avec souplesse, compte tenu de la diversité des potentiels, des contraintes et des opportunités en Afrique.

Le PDDAA nécessite un investissement d'environ 251 milliards de dollars EU pour 2002-2015 (ce qui équivaut à près de 17,9 milliards de dollars EU par an), répartis comme suit:

Il faut bien préciser que l'agriculture n'opère pas dans le vide. Par conséquent, des interventions dans d'autres domaines intéressant le NEPAD2 peuvent avoir un effet de synergie entraînant des progrès dans l'agriculture. Les aspects suivants seront particulièrement importants: a) Santé: dans le cadre du Plan d'action du NEPAD, on estime que le ralentissement de la croissance économique à cause du seul paludisme a été de 1,3 pour cent par an et que la réduction de la croissance économique due au VIH/SIDA a été jusqu'à atteindre 2,6 pour cent dans les pays fortement touchés; b) Infrastructure: du fait du manque de routes offrant des facilités d'accès, les pays enclavés sont gravement désavantagés par rapport à leurs concurrents sur le plan international et même sur les marchés africains, en raison des coûts élevés du fret et des assurances. Avec de mauvaises liaisons au niveau des transports, les marchés restent limités et les économies d'échelle, permettant d'être compétitif, sont hors de portée. Les routes commerciales à l'intérieur de l'Afrique sont généralement très mauvaises et les capacités portuaires et autres sont insuffisantes. Le mauvais état de l'alimentation en électricité et des communications réduit gravement les possibilités d'industrialisation rurale basée sur l'agriculture; c) Éducation: le NEPAD considère ce domaine comme le premier facteur de développement national et le premier élément à l'origine de la différence entre les pays qui s'en sortent et les autres; et d) Environnement: lutter et éviter que se poursuive la dégradation rapide des ressources naturelles (terres, parcours pour les animaux, forêts, eau), y compris les eaux et autres ressources partagées ou transfrontières.

2.2.2 Le Plan d'action pour la mise en œuvre du programme du NEPAD

Le Document AU/IN/AGRI/3 relevant du point 3 de l'ordre du jour, "Brève présentation du processus permettant de transformer le Programme détaillé pour le développement de l'agriculture africaine (PDDAA) en plans d'action réalisables aux niveaux national et régional" décrit comment le PDDAA et ses lignes directrices peuvent se transformer en un Plan d'action. Il indique que ce Plan a pour fonction d'être le point de départ d'un processus visant au démarrage immédiat de la mise en œuvre de la vision qu'a le NEPAD de l'agriculture. Il énumère également les points essentiels de ce plan, y compris la préparation de projets phares, qui sont par nature régionaux et/ou intéressant plusieurs pays, dont la réalisation amène un renforcement mutuel et qui ont pour but de:

Le Plan d'action se situe au début d'un processus dynamique et il amène, dans sa version actuelle, une première série de "projets phares du NEPAD" d'un montant de 15,7 milliards de dollars EU, l'équivalent de seulement six pour cent du coût total estimé du PDDAA. Des détails des programmes sont fournis en annexe du Document AU/MIN/AGRI/3. Il en est de même pour l'ensemble des concepts et thèmes des programmes/projets, classés par secteur fondamental (pilier) du PDDAA et selon leur durée à court et plus long terme. Le fait que la première série ne représente que six pour cent du PDDAA montre clairement que:

2.3 La lutte contre les crises immédiates

Le Comité directeur du NEPAD a toujours appelé à lutter contre les crises immédiates engendrées par des situations d'urgence et également à renforcer les capacités pour éviter de futures crises et réagir contre elles. À la base de cette préoccupation, il y a la conviction que des situations d'urgence auxquelles on ne prête pas attention peuvent compromettre gravement et même réduire à néant les progrès réalisés dans le développement à long terme. Pour cette raison, les mesures destinées à constituer des réserves alimentaires, à prévenir les catastrophes et à améliorer la capacité de réaction aux situations d'urgence occupent une place majeure dans la toute première série de projets du Plan d'action 4 pour l'agriculture du NEPAD.

3. MOBILISER L'AFRIQUE POUR AGIR

En préparant et en adoptant un Plan d'action pour l'agriculture dans le cadre du NEPAD, on a fait un pas en avant. Il est en outre essentiel de prendre des engagements concrets pour sa mise en oeuvre. L'Afrique va avoir besoin d'une mobilisation de l'énergie et l'enthousiasme populaire, de financements provenant du grand public, de ses propres gouvernements et du secteur privé, ainsi que de partenaires extérieurs. Compte tenu de leur rôle clé dans la production, l'Afrique va devoir mobiliser l'énergie des femmes. En outre, l'Afrique devra mobiliser à tous les niveaux: au niveau de l'individu, de l'entreprise, au niveau national, régional et (progressivement) continental.

Encore plus important: l'Afrique doit obtenir de chaque État l'engagement renouvelé de soutenir énergiquement l'agriculture dans le cadre de ses propres plans de développement nationaux, et de garder présent à l'esprit que les États ont besoin d'agir de manière coordonnée, en évitant les approches incompatibles. Pour parvenir à une augmentation rapide de la productivité en Afrique, le NEPAD devra convaincre chaque État qu'en appliquant les principaux éléments du PDDAA il peut faire beaucoup, dans son propre intérêt et dans celui des autres États. La réussite à quelque niveau que ce soit nécessitera que l'Afrique accepte certains principes de base et agisse en fonction de ces principes, qui sont développés dans les sections suivantes:

3.1 Créer les conditions propices pour agir

3.1.1 Rendre l'agriculture attrayante

Comme dans toute entreprise, dans quelque domaine que ce soit, l'assurance du financement vient du profit: l'investissement dans l'agriculture et l'agro-industrie devrait être rendu attrayant pour les intervenants de taille modeste ou importante. Actuellement, l'agriculture n'attire guère les financements, bien que des gens souffrent de la faim et que l'Afrique continue à ne pas saisir des chances d'accès aux marchés. Cela laisse supposer qu'il n'y a plus de lien entre l'existence d'opportunités en agriculture et la possibilité de rendre ces opportunités rentables. Ceci ne signifie pas que l'activité soit par nature non rentable mais que les conditions de rentabilité ne sont pas réunies.

Quel que soit leur volume d'activité, du petit exploitant à l'entreprise géante, les agriculteurs, ceux qui transforment les produits agricoles et ceux qui font du négoce, ont tous besoin d'une agriculture rentable, bénéficiant de politiques et de stratégies stables et incitatives. Actuellement, l'agriculture est généralement pratiquée par de petits exploitants qui exercent cette activité car ils ne disposent pas d'une autre option praticable pour gagner leur vie; les jeunes évitent ce moyen d'existence s'ils le peuvent et préfèrent rester en ville; et les investisseurs choisissent des façons plus faciles pour rentabiliser leur capital. L'expérience passée enseigne que des politiques macroéconomiques peu pertinentes peuvent constituer la cause principale des obstacles à la croissance agricole. En outre, les changements fréquents de politiques, de stratégies, d'approches ou d'engagement vis-à-vis de l'agriculture (pour des raisons politiques ou afin de s'adapter aux changements des conditions exigées par les donateurs) ne peuvent permettre de réaliser des progrès. Les producteurs ne peuvent rester engagés et investir volontiers lorsque les marchés sont instables, les intrants d'une disponibilité incertaine, ou les services de soutien dans le domaine technologique ou financier déficients ou inexistants, etc.

Dans de trop nombreux pays africains, la part des dépenses publiques consacrée à l'agriculture ne traduit pas l'importance de cette dernière dans l'économie; cela pourrait constituer une raison essentielle du manque d'attrait pour l'agriculture. Les gouvernements affectent si peu de financements publics à l'agriculture qu'ils ne parviennent pas à réaliser les améliorations répondant aux besoins susmentionnés. Afin d'obtenir davantage de l'agriculture, l'Afrique doit lui consacrer davantage. Par exemple, le document de base sur la situation de la sécurité alimentaire et de l'agriculture en Afrique indique qu'en moyenne les agriculteurs d'Asie de l'Est utilisent environ 241 kg d'engrais à l'hectare afin de produire environ 4300 kg de céréales; et les agriculteurs des pays à revenus élevés utilisent 125 kg pour produire 4000 kg de céréales. Comment les agriculteurs d'Afrique subsaharienne, qui n'utilisent que 9 kg d'engrais à l'hectare, peuvent-ils attendre plus que les 990 kg qu'ils obtiennent à présent ? Afin d'arriver à de meilleurs rendements, ils doivent aussi avoir recours à davantage de nutriments et autres intrants, ce qui doit être financé soit par l'État, soit par des prix plus élevés pour leurs produits.

Les politiques et les décisions de dépenses publiques devraient se garder des préjugés défavorables à ce secteur. Les attributions de financement et l'engagement politique vis-à-vis de l'agriculture et du développement rural qu'elles indiquent constituent un préalable au progrès. Les infrastructures rurales indispensables devraient être réalisées, car sans elles l'agriculture et le développement rural ne pourraient attirer les investisseurs et ceux qui se trouvent déjà dans le secteur ne pourraient accéder aux marchés et être compétitifs. Quelles que soient les mesures prises par l'Afrique, il existe un besoin fondamental: celui de créer les conditions permettant à l'agriculture de faire des bénéfices de façon durable; pour cette raison, les marchés doivent fonctionner. De récentes réformes structurelles ont souvent révélé un déficit entrepreneurial au niveau de la commercialisation (et d'autres services agricoles) de telle sorte que les producteurs refusent de fournir des excédents pour le marché. Par ailleurs, le besoin se fera sentir, de façon générale, de rationaliser l'agriculture, de la rendre de plus en plus professionnelle et de lui donner une orientation plus commerciale, en impliquant pleinement les petits exploitants. Dans la transformation et le négoce des produits agricoles, il faudra prendre des mesures d'aide au secteur informel, qui peut servir de rampe de lancement pour une activité à plus grande échelle et de base de formation pour l'acquisition de connaissances entrepreneuriales et de techniques essentielles.

S'agissant du commerce international, l'Afrique étant un acteur très secondaire sur la scène mondiale (avec seulement trois pour cent du commerce des produits agricoles), ce continent ne va faire des progrès que si la communauté internationale lui offre des règles de jeu plus équitables où les produits des petits exploitants non subventionnés pourraient trouver un marché. Les petits agriculteurs africains sont actuellement désavantagés par rapport à leurs concurrents des pays industrialisés de l'OCDE, qui bénéficient d'aides importantes au niveau de l'exploitation, à l'exportation, de subventions en cas de récolte insuffisante ou de prix planchers et de dispositifs de sécurité. En raison de l'absence de mécanismes de stabilisation des prix pour les principaux produits d'exportation africains (y compris des produits importants comme le café), les producteurs subissent de fortes perturbations qui découragent l'effort et le réinvestissement. En outre, l'Afrique, manquant de capacité de réaction à l'offre, a été loin de saisir ses chances d'accroître sa part de marché là où elle disposait auparavant d'un accès préférentiel.

3.1.2 Concentrer ses efforts

Dans la situation de crise actuelle, l'Afrique pourrait, par exemple, choisir de se focaliser, parmi de nombreuses priorités, sur la lutte contre les famines et leurs causes sous-jacentes et d'adapter l'exploitation agricole aux effets de la crise du VIH/SIDA.

Mais en affrontant ces problèmes douloureux, elle ne devrait pas oublier qu'en tant que continent elle a été le premier exportateur d'un bon nombre de produits. Or, il n'y en a pratiquement plus aucun où elle garde une position prédominante. Sa primauté lui a souvent été ravie par d'autres régions ou pays en développement. Ceux-ci se sont consacrés avec acharnement à des produits déterminés et sont parvenus à occuper une place de premier plan sur ces marchés. L'Afrique n'a pas su concentrer ses efforts et elle a perdu sa position de chef de file, son rôle éminent ou notable pour le café, l'huile de palme, l'arachide et le coton. Comment l'Afrique peut-elle retourner la situation? Comment une concurrence sans merci entre pays peut-elle laisser la place à un partenariat sur des produits stratégiques pour lesquels des sous-régions entières d'Afrique peuvent obtenir de meilleurs rendements? Comment l'Afrique est-elle devenue importatrice nette même pour des produits alimentaires essentiels tels que le riz (Afrique de l'Ouest), le sorgho et le mil (Afrique sahélienne), le maïs (Afrique orientale et australe) et le manioc (Afrique équatoriale)?

Le NEPAD, en coopération avec les communautés économiques régionales (CER), peut contribuer à fixer les lignes directrices en favorisant une convergence des priorités d'un bon nombre de pays autour de quelques produits sélectionnés plutôt qu'en éparpillant les investissements, comme par le passé, sur une multitude d'opportunités. Le NEPAD peut encourager l'évolution des sous-régions d'Afrique, vers une position de producteur de première importance, en les incitant à abandonner une approche de "détail" du développement, qui a conduit chaque pays à produire un peu de tout sans occuper la première place pour aucun produit - ceci a entraîné une marginalisation croissante des pays africains et de l'Afrique sur les marchés internationaux et une perte d'excellence et d'avantage comparatif.

3.1.3 Mobiliser des financements suffisants et durables

La philosophie du NEPAD c'est la prise de responsabilités de l'Afrique, y compris en termes de financement. Il faut donc, pour la collecte des fonds, viser en particulier plusieurs sources: le secteur privé (y compris les petits exploitants en tant qu'investisseurs) et le budget de l'État. Les donateurs et les partenaires internationaux ont un rôle de soutien important, mais on ne peut attendre d'eux qu'ils remplacent l'engagement et le financement propre de l'Afrique. À la réunion du NEPAD, tenue à Rome le 9 juin 2002, les ministres africains de l'agriculture ont décidé6 de mettre au point "une stratégie concertée mettant en jeu les ministres de l'agriculture, des finances et de la planification en vue de réunir les financements nécessaires au développement agricole et rural, afin d'améliorer le financement propre des programmes du NEPAD en relation avec l'agriculture" Ils ont en outre décidé d'élaborer "un plan d'action volontariste pour renforcer le rôle et la contribution du secteur privé et de la société civile à l'exécution des programmes agricoles du NEPAD, y compris en ce qui concerne les activités liées à l'agriculture situées en amont et en aval du secteur...". La volonté existe, mais il faut la traduire dans les faits.

3.1.3.1 Rendre en priorité l'agriculture rentable

Parmi les obstacles à la rentabilité et à la compétitivité de l'agriculture africaine, on peut souligner ce qui suit:

En créant des conditions meilleures pour l'agriculture, il faudra admettre que la prospérité rurale dépend non seulement de l'agriculture mais aussi de liens efficaces avec les entreprises non agricoles, dont certaines fournissent des biens et services essentiels pour une agriculture performante, alors que d'autres jouent un rôle important du fait de leur apport direct de revenus.

3.1.3.2 Fonds provenant du budget de l'État

Tous les facteurs cités ci-dessus nécessitent une action des pouvoirs publics. Un problème semble se poser du fait qu'en mettant en œuvre des programmes d'ajustement structurel, les gouvernements non seulement se sont retirés des activités économiques agricoles, mais ils se sont déchargés de leurs responsabilités dans la fourniture d'un environnement de soutien à l'agriculture. La réduction de l'intervention de l'État a laissé l'agriculture et le développement rural sans soutien à la vulgarisation, au crédit et à la commercialisation, et sans services de fourniture d'intrants qui soient efficaces; l'investissement dans les infrastructures a ralenti ou régressé; des politiques peuvent exister, mais il manque les capacités de mise en œuvre. Les sommes dérisoires affectées par les gouvernements au secteur offrent peu d'espoir d'amélioration de la situation. Effectivement, bien que la majeure partie de la population dépende de l'agriculture, les gouvernements africains lui affectent une part minime du budget, ce qui constitue un mystère du développement de ce continent.

Lorsqu'on compare l'Afrique à l'Union européenne (UE): (a) Les pays africains, dont plus de 60 pour cent de la population dépend de l'agriculture, consacrent à cette dernière le pourcentage infime d'un pour cent ou moins de leur budget national; et (b) l'Union européenne, avec une population de cinq pour cent ou moins dépendant de ce secteur, affecte la moitié de son budget à la Politique agricole commune, dont de fortes subventions et autres aides à l'agriculture. Ceci constitue un paradoxe inexplicable.

On dit souvent que l'Afrique ne peut se permettre de subventionner son agriculture et c'est probablement vrai. La question est malgré tout de savoir s'il vaut mieux recourir à quelques subventions ou être confronté à de fréquentes famines conduisant à la dépendance vis-à-vis de l'aide alimentaire et à l'utilisation forcée de devises déjà rares pour importer dans l'urgence des produits alimentaires. L'Afrique n'a pas pris la peine d'évaluer si elle ne dépensait pas davantage en important dans la précipitation des produits alimentaires qu'en subventionnant les intrants essentiels, qui augmentent les rendements, l'approvisionnement en eau à usage agricole et la création d'infrastructures rurales. Si l'Afrique décidait de consacrer à l'agriculture des ressources et des efforts en rapport avec l'importance que représente ce secteur pour sa population, ses gouvernements pourraient:

Tout ceci va nécessiter une participation active des associations de petits exploitants, des groupes d'agriculteurs, des associations professionnelles, des Chambres de commerce et des banques pour l'industrie et le développement rural.

En ce qui concerne le programme agricole du NEPAD, les gouvernements doivent s'attaquer à tous les problèmes énumérés ci-dessus et, en outre, attribuer dans les budgets nationaux des crédits pour la partie nationale des programmes du NEPAD et pour la participation aux activités de soutien transfrontières du NEPAD, par exemple la facilitation du commerce, le renforcement des capacités, le développement des infrastructures, l'harmonisation des politiques, la lutte contre les ravageurs et les maladies, et la préparation conjointe aux situations d'urgence, etc.

3.1.3.3. Attirer les investissements du secteur privé

Pour que le secteur privé7 et le petit exploitant en tant qu'investisseur réinvestissent dans l'agriculture, ils doivent être en mesure de réaliser des profits. Une rentabilité assurée attirerait des investisseurs supplémentaires. Sur un continent où les gouvernements sont trop démunis pour proposer des subventions ou des incitations importantes, la motivation par le profit est le seul facteur majeur qui soit réaliste et pousse au financement. L'échec du développement reposant sur le seul secteur privé, après les réformes structurelles, incite à penser qu'en Afrique, peut-être plus qu'ailleurs, l'intervention des pouvoirs publics est essentielle pour préparer le terrain à l'épanouissement de l'investissement privé. Lorsque les conditions deviennent "favorables", les mécanismes du secteur privé, tel que le secteur bancaire, sont en mesure de prendre le relais, incités par une amélioration des perspectives de profit.

Afin de créer ces conditions "favorables", il est essentiel de promouvoir une situation où le risque est réduit, avec un environnement macroéconomique stable, des systèmes de taux de change tenant compte du marché et une réglementation des affaires bien définie, afin d'accroître la stabilité des prix et d'encourager l'investissement. L'expérience passée démontre que des politiques macroéconomiques défavorables constituent le principal obstacle à la croissance de l'agriculture. Le cadre macroéconomique s'est amélioré dans un bon nombre de pays, mais dans un bon nombre d'autres, il reste encore des progrès à accomplir. Il convient d'améliorer la transmission des prix des marchés intérieurs et mondiaux jusqu'à la porte de la ferme. Il est primordial que les producteurs aient davantage d'opportunités. Dans bien des cas, la baisse des prix internationaux sur certaines cultures comme les céréales et, ce qui est plus grave, sur des cultures d'exportation comme le café et le coton, nécessite le renforcement des mesures incitatives en faveur d'autres produits et activités à forte valeur.

3.1.3.4 Obtenir des fonds de la part des donateurs et d'autres sources publiques extérieures

En ce qui concerne les donateurs/partenaires extérieurs, l'Afrique aura besoin, sur une longue période, de l'aide extérieure, ce qui peut par ailleurs favoriser l'accès à des idées et de la technologie nouvelles, et permettre des contacts pour des opportunités commerciales. Cependant, il arrive bien trop souvent que les donateurs financent l'essentiel du budget de l'agriculture des pays africains. Cela paraît extrêmement regrettable, peu durable, et à l'opposé de tout principe de sécurité nationale, la production alimentaire étant en jeu. Si l'Afrique dépend lourdement des donateurs pour son agriculture, tout en devant compter sur l'aide alimentaire, la sécurité et l'indépendance du continent sont fragilisées et courent un risque sérieux.

Au début de ce nouveau millénaire, le moment semble venu pour l'Afrique de comprendre que la communauté internationale et les donateurs n'ont pas l'obligation de faire vivre sa population. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: les pays de l'OCDE dépensent environ 360 milliards de dollars EU par an (près d'un milliard de dollars EU par jour) à subventionner leurs propres agriculteurs, en dehors des subventions à l'exportation; à l'opposé, en 1999, l'aide, dans le domaine de l'agriculture, à la totalité des pays africains en développement, n'a été que de 2,6 milliards de dollars EU pour l'année entière. En outre, les attributions d'aide diminuent: selon la Banque mondiale, les flux d'aide publique au développement (APD) ont baissé de 25 pour cent au cours des quatre dernières années8. Dans l'Afrique en développement, l'aide à l'agriculture a diminué, passant de 4,0 milliards de dollars EU en 1990 à seulement 2,6 milliards de dollars EU, une chute de 35 pour cent. En outre, il y a une tendance croissante à consacrer l'aide limitée disponible à des secours d'urgence plutôt qu'au développement à long terme.

3.2 Définir le rôle des acteurs clés

En traitant des moyens de mobiliser des fonds, il a été montré dans la section 3.1.3 "Mobiliser des financements suffisants et durables" à quel point le problème allait au-delà de la question d'argent. La présente section établit clairement que les gouvernements ont un rôle vital à jouer afin de parvenir au succès. En effet, le message à retenir de cette section, c'est que le secteur privé ne peut réussir si l'engagement des pouvoirs publics est défaillant. En outre, les agriculteurs, les producteurs de l'agro-industrie et les négociants eux-mêmes, les entreprises privées et les donateurs ont un rôle important à jouer. Afin de s'assurer que toutes les parties prenantes vont bien dans le même sens, des mécanismes de consultation efficaces et à orientation pratique sont nécessaires, laissant aux plus faibles l'espace approprié pour faire entendre leur voix, tout en réservant la possibilité de faire des choix parfois difficiles et de prendre des décisions au bon moment. Les points marquants sont développés ci-après.

3.2.1 Rôle des États Membres

Les pays Membres seront les acteurs et bénéficiaires principaux des initiatives du NEPAD dans le domaine agricole. En jouant ce double rôle et afin de favoriser la prise en charge, l'engagement et la responsabilité, les États Membres devraient être incités à intégrer ou incorporer dans leurs budgets nationaux les programmes et projets liés au NEPAD. Comme on l'a indiqué dans la section 3.1.3, la base de l'engagement des gouvernements est de faire coïncider les secteurs auxquels le NEPAD s'intéresse et ses priorités avec leur propre intérêt national. Les idées reçues contemporaines n'accordent pas de rôle exécutif aux gouvernements en matière économique. Toutefois, comme on l'a souligné dans la section 3.1, les gouvernements ont un rôle indispensable à jouer dans la création d'un environnement propice, permettant au secteur privé (entreprises et particuliers) de bien travailler. On peut voir les tâches revenant aux gouvernements dans les sections 3.1.1 et 3.1.3.

Pour les organisations de petits agriculteurs et celles de la société civile, comme pour le secteur privé commercial et peut-être même davantage, les gouvernements ont la tâche importante de créer un environnement propice. Ils doivent réserver un espace aux agriculteurs, leur permettant de faire entendre leur voix et d'influencer la politique et les priorités, afin de défendre leurs moyens d'existence et les bases de la prospérité de leur organisation, de fournir des services à leur organisation, et de se protéger eux-mêmes de l'exploitation des fournisseurs de services peu scrupuleux, qu'ils soient publics ou privés. Le renforcement des capacités des organisations d'agriculteurs peut jouer un rôle déterminant dans la mise en place de conditions propices au succès.

Les gouvernements devront nécessairement réexaminer et améliorer le soutien et les budgets pour l'agriculture et les facteurs qui soutiennent son développement; intégrer le NEPAD dans leurs plans de développement; presser leurs organisations économiques régionales (OER) de lui donner également la priorité, et mobiliser toutes les parties prenantes nationales, oeuvrant au développement économique du pays, afin d'entreprendre toutes les activités permettant d'appuyer la vision du PDDAA du NEPAD. En outre, les gouvernements sont les seuls en mesure d'assurer la paix, de diminuer les risques et de créer un climat où la primauté du droit garantit au secteur privé la sécurité de ses opérations.

3.2.2 Rôle de l'Union africaine et du NEPAD

L'Union africaine (UA) a créé le NEPAD afin de concentrer l'attention sur les questions actuelles de développement et de gouvernance qu'il est urgent de régler. L'UA a donné pour instructions au NEPAD de promouvoir des actions et de lui en rendre compte, l'UA pouvant alors obtenir l'appui politique permettant de s'attaquer à ces questions. L'UA peut intervenir directement ou par les structures du NEPAD pour des questions dont certaines sont énumérées ci-après. Il convient de noter que le NEPAD n'est pas un organe exécutif; il s'agit plutôt d'un mécanisme que d'une organisation. Ses rôles futurs dans l'agriculture traduisent son désir de garder une structure légère, d'éviter de participer à la multiplication des organisations et de s'impliquer directement dans la mise en œuvre des programmes. Le NEPAD a essentiellement pour vocation d'accomplir les tâches suivantes:

3.2.3 Rôle des Communautés/Organisations économiques régionales (CER/OER)

Si elles sont renforcées comme il convient, les CER/OER sont en mesure d'exécuter les programmes et projets régionaux ainsi que le volet régional de groupes de projets nationaux apparentés. À leur niveau, les CER et les OER peuvent jouer un rôle très proche de celui de l'UA et du NEPAD au niveau continental et dans les mêmes domaines:

En outre, elles devraient:

Afin d'effectuer leurs tâches efficacement, il sera important que les CER/OER renforcent leurs capacités de telle sorte qu'elles puissent gagner la confiance nécessaire, donc assurer un financement fiable et d'autres appuis. À présent, elles doivent réfléchir à deux problèmes principaux: (a) l'appartenance d'un pays à plusieurs organisations et le manque de rationalisation dans la mesure où des pays sont membres de plusieurs OER. Dans ce cas, l'attention des pays peut être attirée dans des directions divergentes et l'intérêt des gouvernements peut se disperser; (b) en général, la capacité organisationnelle des CER est faible et leurs ressources sont limitées - très souvent, leur base de financement est incertaine, avec des contributions nationales qui ne sont pas assurées. Il faudra effectivement trouver de nouveaux modèles de financement des CER pour que celles-ci aient la crédibilité nécessaire à la mise en oeuvre des programmes.

3.2.4 Rôle du secteur privé

On n'insistera jamais assez sur l'importance de la participation du secteur privé à la production agricole, à la transformation, aux infrastructures, au négoce et à la recherche liés à ces activités. Aussi, pour que l'investissement dans l'agriculture, dans le cadre du NEPAD, se développe et soit durable, la participation active du secteur privé, seul ou en partenariat avec les pouvoirs publics, est-elle nécessaire. Le secteur privé n'a pas soutenu activement l'amélioration de la production et de la productivité agricole et cela a contribué aux mauvais résultats de ce secteur dans la région. L'émergence de grandes chaînes multinationales, qui contrôlent la totalité de la chaîne de valeur, de la ferme au marché, est une réalité dont il faut tenir compte lorsqu'on recherche l'engagement effectif des opérateurs africains - généralement petits.

Quelle que soit la taille de l'entreprise, qu'elle soit locale ou multinationale, comme on l'a indiqué dans la section 3.1, la participation du secteur privé va dépendre largement de l'environnement propice, de la capacité d'entreprendre du secteur privé lui-même et de son aptitude à accéder aux marchés financiers. Afin d'attirer la participation du secteur privé, l'environnement d'exploitation global doit rendre l'agriculture rentable et devrait réduire les niveaux de risque. Par conséquent, les initiatives du NEPAD devraient également se préoccuper clairement de l'amélioration de la culture sociopolitique et économique des pays, favorable au développement du secteur privé, avec l'accent mis sur le renforcement de la primauté du droit et sur la santé des marchés financiers, dans le cadre des politiques macro-économiques et sectorielles.

Les entités du secteur privé pourraient participer individuellement ou en se regroupant (associations), une fois que le secteur public aurait mis en place les fonds nécessaires aux équipements, tels que les infrastructures (systèmes d'irrigation, routes de desserte). Il existe bien des modèles de partenariat avec les pouvoirs publics; dans certains pays, les infrastructures pourraient être cédées à bail au secteur privé. On peut également impliquer le secteur privé par le biais de programmes de production satellite ou d'accords de culture avec de petits exploitants. Pour assurer un accroissement des livraisons de produits agricoles aux transformateurs (secteur privé), les petits exploitants bénéficieraient de contrats où leur production utiliserait une technologie améliorée, financée et fournie par le secteur privé. Ces agriculteurs auraient donc une vente assurée de leurs produits à des prix négociés. En outre, le secteur privé assurerait des activités de vulgarisation et d'autres services, et il ajouterait plus tard, à un deuxième niveau, de la valeur aux produits par leur transformation.

3.2.5 Rôle des organisations de producteurs et de la société civile

Lorsque les petits exploitants sont très nombreux, l'inorganisation mène à l'exploitation. Il est donc important que les agriculteurs et le secteur informel s'organisent; ce qui leur permet par ailleurs de mieux faire entendre leurs besoins communs et d'avoir des services améliorés.

En raison de l'importance que le NEPAD attache à la bonne gouvernance, les organisations de la société civile (organisations d'agriculteurs et d'entrepreneurs du secteur informel, organisations de femmes, et autres ONG spécialisées) peuvent aider à faire passer le message de la base aux décideurs sous forme d'informations nécessaires à la conception des meilleures politiques ou interventions et à leur ciblage.

4. L'HEURE EST VENUE POUR UNE ACTION DÉCISIVE

Le Document de base AU/MIN/AGRI/1 relevant du point 1 de l'ordre du jour "La situation de l'alimentation et de l'agriculture en Afrique" et le présent document ne donnent pas une vue d'ensemble encourageante de la situation de l'agriculture et de la sécurité alimentaire en Afrique. Ils ont décrit un sombre tableau de sa production et de sa consommation, sans qu'on ait de raison de penser que l'avenir sera meilleur si les politiques actuelles et le niveau des efforts restent les mêmes. Ce document a fait passer le message que le NEPAD proposait une approche qui pourrait être utile si elle était adoptée de manière appropriée et correcte par les pouvoirs publics et le secteur privé africain. Un message aussi clair que possible a été transmis, selon lequel l'Afrique devait faire face à ses responsabilités: en gros, le monde ne doit pas subvenir aux besoins du continent. En tout cas, l'option de dépendre interminablement, pour un besoin aussi fondamental que l'alimentation, d'autres gouvernements et de la charité multilatérale est en contradiction avec la volonté d'indépendance de l'Afrique. Peu de situations peuvent nuire davantage au développement auquel pourrait prétendre l'Afrique que cette dépendance vis-à-vis de la charité des autres en matière alimentaire.

Parfois, pour échapper à une réalité déplaisante, on fait endosser la responsabilité aux autres: ils ont fermé leurs marchés, ils subventionnent leurs producteurs, si bien que l'Afrique n'est plus compétitive, leur aide est insuffisante, etc. Mais le fait est que ces conditions défavorables s'appliquent également à d'autres régions en développement - l'Asie et l'Amérique latine. Pourtant, ces dernières régions ont gagné un peu de terrain, même si tout cela n'aurait pas été possible dans un monde plus équitable. Elles ont fait des progrès, parfois malgré un lourd handicap, en travaillant beaucoup, en investissant; en se concentrant sur des produits stratégiques sélectionnés, pour lesquels elles ont choisi de devenir suffisamment importantes pour commencer à peser sur les marchés mondiaux; en nouant des partenariats entre les secteurs publics et privés plutôt qu'en se déchargeant des responsabilités publiques au nom de la libéralisation; et surtout en prenant des engagements à long terme avec les contraintes que cela implique.L'Afrique peut étudier et imiter leur expérience, en l'adaptant à son propre contexte.

L'Afrique ne peut se permettre de prolonger l'inaction ou de prolonger le comportement actuel: le prix à payer serait trop important; elle ne peut pas se permettre d'agir comme si on pouvait récolter sans avoir semé; elle ne peut pas se permettre de laisser son destin entre les mains des autres, en partant du principe que la charité dictera toujours leur action et qu'ils accorderont une aide si la situation devient désespérée. L'Afrique dispose de ressources naturelles suffisamment riches pour ne pas désespérer. Ce dont elle a besoin, c'est d'être déterminée à se sauver elle-même et retrouver vraiment confiance en elle. Une telle détermination peut bien être le principal facteur de succès.

5. RECOMMANDATIONS A L'ATTENTION DES MINISTRES

Des décisions d'une importance vitale doivent être prises et une orientation doit être donnée aux futures activités du NEPAD et des CER/OER. Les recommandations suivantes sont données pour examen et prise de décision par les Ministres:


1 Document AU/MIN/AGRI/2 dans le cadre du point 1 de l'ordre du jour "La situation de l'alimentation et de l'agriculture en Afrique en 2003".
2 Pour davantage de détails, voir: Secrétariat du NEPAD, 2002: NEPAD @ work: Résumé des plans d'action du NEPAD Midrand, Afrique du Sud, juillet 2002. 64 pages.
3 Ceci n'entre pas dans le champ d'action du programme pour le secteur agricole du NEPAD.
4 Document AU/MIN/AGRI/3 dans le cadre du point 3 de l'ordre du jour, "Brève présentation du processus permettant de transformer le Programme détaillé pour le développement de l'agriculture africaine (PDDAA) en plans d'action réalisables aux niveaux national et régional", les trois-quarts environ du premier budget de 10 milliards de dollars EU sont consacrés à la préparation aux situations d'urgence et aux capacités de réaction.
5 Il s'agit là d'une question qui ne paraît pas avoir été correctement traitée dans les initiatives régionales passées, de telle sorte qu'aucune partie prenante n'a pris des mesures énergiques ou assuré un rôle responsable à quelque niveau que ce soit.
6 FAO. 2002. Rapport de la vingt-deuxième Conférence régionale de la FAO pour l'Afrique-Réunion ministérielle de suivi du NEPAD. Rome, Italie (9 juin, 2002). Document ARC /FLW/02/REP, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Rome.
7 En mettant l'accent sur le secteur privé africain.
8 Communiqué de presse de la Banque mondiale 2002/212.