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Chapitre VI
ESTIMATION DES DEPENSES ET DES RECETTES


L'analyse financière des projets réalisés avec RuralInvest est principalement fondée sur une approche de trésorerie (recettes-dépenses) et non sur une approche comptable (évaluation des produits et des charges). On notera toutefois que l'analyse prend en compte certaines recettes et dépenses qui n'entraînent pas de flux monétaires: les recettes non monétaires incluent notamment l'autoconsommation des produits, tandis que la main d'oeuvre familiale utilisée constitue une dépense non-monétaire; toutes deux sont valorisées au coût du marché local. Ainsi, deux flux de trésorerie sont calculés par RuralInvest, l'un tenant compte exclusivement des dépenses et recettes monétaires, l'autre considérant les aspects non monétaires.

Les coûts et les bénéfices, ainsi que le plan de production de l'activité (plan opérationnel) déterminent la rentabilité des activités devant générer des revenus ainsi que les besoins en subventions et les contributions des utilisateurs dans le cas de projets ne générant pas de revenus.

Bien que l'analyse du marché, des aspects technologiques et de la durabilité aient normalement déjà fourni beaucoup de ces éléments (prix des produits, coûts de l'investissement, etc.), nous sommes encore loin, à ce stade de l'analyse, de disposer d'une connaissance suffisante.

Une première étape importante est de vérifier et de classer les différentes dépenses. Les hypothèses de départ sur les coûts des différentes composantes de l'investissement doivent être vérifiées. Les coûts d'investissement, les coûts de fonctionnement et les frais généraux doivent être traités séparément.

A. Vérification et classification des dépenses

Le processus d'évaluation d'un investissement qui doit générer des revenus se fait en comparant les recettes générées aux dépenses entraînées. Par définition, seuls les projets dont les recettes sont supérieures aux dépenses peuvent être exécutés. Même dans le cas d'investissements ne générant pas de profits (c'est-à-dire les projets sociaux, environnementaux ou d'assistance technique) la connaissance des dépenses est un préalable au calcul de la valeur de l'investissement considéré et au calcul du montant annuel nécessaire pour couvrir les frais de fonctionnement et d'entretien.

Dans le cas de projets générant des revenus, il est nécessaire d'estimer les coûts de l'investissement et toutes les dépenses et recettes qui découlent du fonctionnement du projet.

Il est facile pour un investisseur enthousiaste, de sous-estimer les dépenses nécessaires à la réalisation d'un projet ou de les imputer à une catégorie erronée, ce qui entraînera des erreurs dans le calcul du financement nécessaire. La préparation d'un avant-projet, sur le terrain attache peu d'importance à la vérification des coûts et se contente d'une estimation. Aussi, la première tâche des porteurs de projets et de leurs conseillers lors du processus de formulation détaillée et d'évaluation sera-t-elle de revoir toutes les dépenses identifiées précédemment, dans le but:

Les différentes dépenses liées à la réalisation d'un projet peuvent être réparties en trois principales catégories:

a) les investissements et leur remplacement périodique;
b) les coûts de production (qui varient généralement avec le volume de la production);
c) les frais généraux (qui ne varient généralement pas avec le volume de la production).

Chacune de ces principales catégories peut être brièvement décrite de la manière suivante.

1. Investissement et coûts associés

L'investissement est au coeur de tout projet. On peut, en effet, définir un projet comme une activité dans laquelle on réalise un investissement maintenant pour en retirer un bénéfice dans l'avenir. Un investissement est un type de dépense qui se distingue par la durée de son impact. Si la durée de l'impact n'est pas supérieure à un an, la dépense ne peut pas être considérée comme un investissement et doit être traitée comme un frais de fonctionnement ou un coût de production.

a. Type d'investissement

Nous traitons ici d'un investissement ayant un impact visible, car tous les investissements ne prennent pas la forme d'actifs physiques, bien que les investissements sous forme de travail et d'équipements soient, sans aucun doute, les plus courants. Toutefois, on peut aussi investir dans des choses moins tangibles: l'éducation, la recherche et les systèmes, par exemple. Lorsque l'on achète une boutique ou autre commerce, il est souvent nécessaire de payer les actifs incorporels du propriétaire précédent, c'est-à-dire, son réseau de contacts commerciaux. On considère que les relations établies par le vendeur avec ses clients au fil des ans représentent un bien ayant une valeur commerciale.

La mise en place d'une culture permanente (y compris les coûts de travail du sol) est aussi un investissement. Lorsqu'une petite partie des cultures permanentes doit être remplacée chaque année dans le cadre d'un schéma préétabli (par exemple 5 pour cent des arbres par an) ce coût est fréquemment inclus dans les dépenses de fonctionnement. Cette erreur à peu d'importance sur de faibles quantités; toutefois, il est bon de se rappeler que les coûts et la disponibilité d'un financement varieront souvent en fonction de leur objet. Si l'on doit mettre en place des surfaces importantes de plantations nouvelles ou s'il est nécessaire de remplacer une proportion importante des plantations existantes (à la suite de l'achat d'une exploitation agricole en mauvais état par exemple), il devient évident que ces dépenses importantes vont entraîner des problèmes au niveau du budget de fonctionnement. Si les nouvelles plantations sont considérées comme un investissement (ce qu'elles sont) il deviendra alors possible d'obtenir un financement à plus long terme, à un taux d'intérêt plus avantageux et peut-être même un délai pour le commencement du remboursement du prêt (période de grâce).

Lors de l'estimation du coût d'un investissement physique, il est important de prendre en compte les facteurs suivants:

b. Vie économique

Quelques investissements durent plus longtemps que la vie du projet, ceci est en particulier le cas des réalisations physiques, constructions et équipements lourds. D'autres, comme la terre, n'ont pas de durée de vie prédéterminée et l'on suppose que leurs bénéfices dureront indéfiniment.

Toutefois, de nombreux investissements devront être remplacés périodiquement car ils s'usent (mais jamais avant au moins un an, sinon ils ne pourraient pas être considérés comme un investissement). Il est par conséquent nécessaire de considérer la vie économique ou utile de chaque investissement, c'est-à-dire le nombre d'années pendant lesquelles il pourra être utilisé avant d'être remplacé.

L'équipement électronique (ordinateurs, imprimantes, téléphones, etc.) est une des catégories dont la vie économique est parmi les plus courtes, peut-être pas plus de quatre ans. La vie économique de tels équipements est d'abord déterminée par la vitesse du changement technologique. Un ordinateur est normalement remplacé non pas parce qu'il a cessé de fonctionner, mais parce qu'il n'est plus compatible avec les logiciels les plus récents.

Dans le cas des autres investissements, la durée de vie utile est étroitement associée à l'utilisation et à l'entretien de l'équipement et aux coûts croissants de réparation lorsqu'il s'use. Une voiture ou un camion, par exemple, peuvent durer un quart de siècle, mais quand un camion est utilisé sur les routes des pays en développement, sa durée de vie utile n'excède généralement pas cinq à sept ans. On se souviendra que ceci ne signifie pas que le camion ne puisse pas être utilisé plus longtemps, mais que les coûts liés à son utilisation et son entretien deviennent trop élevés pour être justifiés[11]. On considère généralement qu'il revient alors moins cher d'acheter un nouveau camion et de vendre l'ancien.

Le coût de remplacement doit être prévu l'année où le remplacement a lieu. Ainsi, s'il est nécessaire de remplacer l'ancien camion au cours de la sixième année, il faut prévoir le coût du nouveau camion (35 000 dollars EU, par exemple) cette année là.

c. Valeur marchande et valeur résiduelle

Un équipement qui est remplacé à la fin de sa durée de vie utile a fréquemment encore une valeur marchande. Sans aucun doute, la valeur du camion de six ans est encore importante, peut-être 20 ou 35 pour cent de son coût initial, selon le système de taxation du pays. Cette valeur est appelée valeur marchande et doit être considérée comme un bénéfice l'année où la vente a lieu, de la même façon que le coût du nouveau camion est imputé comme un coût d'investissement. Très peu d'investissements n'ont pratiquement pas de valeur marchande. Parmi ceux-ci, on peut citer: les équipements électroniques, les équipements fixes (les puits, les réservoirs d'eau, etc.) ou les cultures permanentes à la fin de leur durée de vie utile.

Il est aussi nécessaire de prendre en compte, spécialement dans le cas des investissements ayant une très longue durée de vie économique, le fait qu'ils peuvent avoir une valeur résiduelle importante à la fin de la vie du projet. La valeur résiduelle est la valeur d'un investissement à la fin de la période d'analyse. Pour de nombreux équipements, cette valeur est trop faible pour être prise en compte, spécialement s'il s'agit d'un futur éloigné. Toutefois, lorsque l'on considère des actifs importants tels que des immeubles et de la terre, la valeur résiduelle peut souvent être importante et avoir une influence sur la rentabilité du projet.

Afin de comprendre l'importance de la valeur résiduelle, on doit se rappeler qu'un projet démarre sans ressources, mais qu'il utilise des emprunts ou autres sources de financement pour obtenir les biens dont il a besoin. Durant la période d'analyse, les recettes serviront au remboursement des emprunts. Ces biens ont généralement été complètement payés avant la fin de la période d'analyse. Toutefois, dans le cas de la terre, des immeubles, etc., ils représentent encore une grande part de la valeur des actifs et cette valeur doit être reconnue à la fin du projet.

Il est très important de distinguer soigneusement le flux annuel de trésorerie (cash-flow annuel) et le taux de rentabilité interne (rentabilité totale), voir Chapitre IX. Les bâtiments et autres biens représentent une valeur, mais pas une recette. Aussi, vous ne devez pas prendre en compte les valeurs résiduelles dans la détermination du flux de trésorerie, mais vous pouvez les inclure dans le calcul de la rentabilité.

d. Dépréciation (amortissement)

Les personnes étudiant la méthodologie RuralInvest soulèvent toujours la question de la dépréciation. Inévitablement, quelqu'un demande pourquoi le coût de dépréciation n'est pas pris en compte dans les calculs.

La réponse est simple: la dépréciation n'est qu'une mesure fiscale définie par le Ministère des finances, l'administration des impôts ou du trésor du pays considéré, dans le seul but d'offrir un avantage fiscal aux investisseurs. Les autorités fiscales indiquent la façon dont une personne ou une société réalisant un investissement peut utiliser le coût de cet investissement pour réduire chaque année ses impôts. Ce montant est la dépréciation, il a souvent peu de rapport avec la durée de vie réelle de l'actif. Il change aussi d'un type d'investissement à l'autre, normalement en fonction de la politique gouvernementale d'aide à certains secteurs ou à certaines activités. Quand une société inscrit une dépréciation dans ses comptes, elle ne met pas réellement de l'argent de côté pour le remplacement de son équipement, mais elle réduit simplement sa charge fiscale.

Aussi, le concept de dépréciation n'est-il utile dans une analyse financière que si les impôts doivent être pris en compte. Dans RuralInvest, on accorde peu d'importance aux impôts car le but de l'analyse est de déterminer si le projet est efficace et durable, et non pas de maximiser les profits après impôts.

Puisque le calcul des impôts n'est normalement pas important pour ceux qui analysent les investissements ruraux de petite et de moyenne dimension, vous pouvez laisser de côté le concept de dépréciation jusqu'à ce que le projet génère suffisamment de profits pour qu'il devienne nécessaire de prendre en compte la fiscalité.

2. Coûts récurrents

Les investissements ne sont pas les seuls coûts d'un projet. Une fois qu'un projet a démarré, certains coûts doivent être couverts tous les ans (ou plus fréquemment). Ces coûts, qui ne sont pas des investissements, sont appelés coûts récurrents; c'est-à-dire qu'ils reviennent chaque année. Ce concept recouvre deux catégories distinctes: les coûts de production et les frais généraux.

a. Coûts de production

Ce sont tous les coûts directement imputables au processus de production. Par exemple, dans le cas d'une petite usine de production de vêtements, les coûts de la matière première (tissus, boutons, etc.), du matériel d'emballage et de l'électricité utilisée pour faire fonctionner les machines à coudre et les fers à repasser sont des coûts de production.

Le coût de la main-d'œuvre est aussi considéré comme un coût de production si celle-ci est directement impliquée dans la production de vêtements. En fait, tout coût qui varie directement en fonction du volume de la production est un coût de production. L'estimation détaillée de ces coûts est étudiée plus loin.

b. Frais généraux

Ces dépenses incluent tous les coûts qui, normalement, ne varient pas avec le niveau de production. Ainsi, dans le cas de l'atelier de vêtements, nous pouvons identifier comme frais généraux le salaire du responsable de l'atelier de production, l'éclairage du bâtiment et le salaire du chauffeur du camion, parce que ces depenses ne varient pas avec le niveau de la production. Les frais généraux peuvent aussi inclure les taxes foncières, les assurances, les factures de téléphone et le service comptable.

En réalité, la séparation entre les coûts de production et les frais généraux n'est pas toujours aussi simple. Tout coût changera si l'échelle de production varie suffisamment. Par exemple, si les affaires marchent très bien, l'atelier peut avoir besoin d'agrandir son bâtiment ou d'embaucher un chef des ventes. D'autre part, le coût de la main-d'œuvre est-il réellement lié au niveau de la production? Par exemple, est-il possible de renvoyer les ouvriers chez eux au milieu de la journée sans les payer, si les commandes ne correspondent qu'à la moitié du nombre normal de chemises? On ne peut réellement dire que la main-d'œuvre est un coût de production que lorsque les ouvriers sont payés à l'unité produite.

La règle générale suivante peut aider à décider si une dépense doit être considérée comme un coût de production (c'est-à-dire une dépense variable) ou si elle fait partie des frais généraux (dépense fixe): tous les coûts qui augmentent (ou diminuent) d'au moins 10 pour cent lorsque le niveau de production varie, sont des coûts variables. Les coûts qui demeurent inchangés sont considérés comme des frais généraux.

3. Frais de formation et d'assistance technique

L'imputation des coûts de formation, d'éducation et d'assistance technique est fréquemment l'objet de confusion; toutefois, les règles concernant les biens physiques s'appliquent aussi dans ce cas. Toute dépense d'expertise ou de formation qui ne se produit qu'une seule fois ou qui se répète à de longs intervalles est un investissement.

Si la dépense se répète chaque année ou plus fréquemment (ce qui est généralement le cas pour les services de vulgarisation ou pour les conseillers techniques spécialisés) elle est considérée comme une dépense récurrente. Toutefois, le coût de tels services n'est généralement pas étroitement associé avec la production du projet. Par exemple, la visite mensuelle du vétérinaire aux troupeaux de bovins ne se fera pas toutes les trois semaines uniquement parce que l'agriculteur augmente la taille de son troupeau[12]. En conséquence, ces dépenses sont considérées comme des frais généraux et non comme des coûts de production.

B. Estimation des depenses et des recettes par activité

Au stade de l'identification (avant-projet) nous avons supposé, pour simplifier, que le projet résultant de l'investissement aurait des activités constantes pendant toute la période d'analyse.

Par exemple, on peut supposer au départ qu'un investissement dans la production de volaille entraînera la production d'un certain nombre de poulets par an, pour chaque année du projet. Toutefois, la réalité n'est pas aussi simple. En fait, dans de nombreux cas et pour de multiples raisons, les activités d'un projet ne se répètent pas à l'identique chaque année.

Un aspect qui varie souvent avec le temps est l'efficacité du système de production. La productivité augmente et les pertes diminuent. Dans le cas de la production de volaille, le taux d'éclosion augmentera très probablement après la première année et la prise de poids des poulets peut très bien devenir plus rapide grâce à une meilleure gestion de la production, entraînant ainsi une accélération des cycles de production au fil des ans. En cinquième année, il peut être possible de produire des poulets prêts à être consommés en sept semaines au lieu de dix semaines comme cela était le cas au début du projet.

Des changements peuvent aussi se produire en raison de modifications apportées ou du fait de l'introduction de nouvelles activités. Une laiterie peut désirer se lancer dans la production de crème glacée et de yaourt, mais pas avant que la production de beurre et de fromage n'ait été mise au point et ne fonctionne correctement.

Il peut aussi arriver que les dépenses et recettes associées à une activité ne soient pas constantes. Les taux de croissance et de mortalité des poulets, ainsi que les dépenses et recettes de la production de volaille, peuvent être différents pendant les mois d'été et les mois d'hiver. La production de tomates peut être plus coûteuse (irrigation) durant les mois secs de l'été, mais les rendements seront plus élevés, les pertes plus faibles (moins de ravageurs) et les prix sur le marché plus élevés que durant la production pluviale des mois plus humides de l'hiver, sur les mêmes terres.

Dans tous ces cas, il n'est pas possible de parler de modèles de production constants. Les modèles de production changeront dans le temps et peut-être de façon saisonnière.

Lorsque l'on a affaire à des activités pour lesquelles le cycle de production s'étend sur plus d'une année (par exemple, la production arboricole et l'élevage laitier) de tels changements dans le modèle de production sont non seulement possibles mais parfois inévitables. Les dépenses et recettes liées à une plantation d'avocats varient en fonction de son stade de développement. La fertilisation et la main-d'œuvre pour la récolte de la production arboricole varient en fonction de l'âge de l'arbre (de la plantule à l'arbre adulte) et, bien sûr, la quantité de fruits récoltés varie, elle aussi.

La plantation de nouvelles parcelles, ou l'achat de jeunes animaux au fil des ans, entraînera une série de changement très complexe, un mélange d'animaux ou d'arbres nouveaux, jeunes ou adultes, en continuelle évolution. Aussi, lors de l'analyse détaillée de la production, est-il essentiel de définir clairement les changements de dépenses et de recettes du projet au cours du temps. C'est la raison pour laquelle on utilise des «blocs» de production.

Toutefois, l'utilisation de ces blocs n'est pas nécessaire dans tous les cas. La plupart des projets ne générant pas de revenu, ainsi que ceux dont les revenus varient peu, ont généralement des modèles de production simples dans lesquels beaucoup de dépenses sont fixes et les activités peu nombreuses. Aussi la notion de blocs n'est-elle utilisée que pour les projets générateurs des revenus.

1. Concept de blocs: l'unité de base de l'analyse

Un bloc se définit comme un groupe de plantes, d'animaux ou d'autres unités de production qui partage les mêmes dépenses et génère les mêmes recettes, par unité de production. Une activité (par exemple la production de maïs) peut représenter un seul bloc, mais pas forcément. Ainsi, un maïs d'été peut faire partie d'un bloc différent de celui d'un maïs hiver, si les dépenses et les recettes par hectare sont différentes, bien qu'il puisse s'agir de la même variété dans les deux cas. De même, un chemisier et une chemise produits dans un atelier de vêtements peuvent être assez différents, mais appartenir tous les deux au même bloc, si les deux pièces nécessitent la même quantité de matériel et de main-d'œuvre et s'ils sont vendus au même prix.

Les blocs ne regroupent pas toujours des objets physiques. Par exemple, dans un projet d'écotourisme, le bloc peut être composé de clients/nuit, tandis que dans un projet de transport, le bloc regroupera des passagers/kilomètre. Mais là encore, un client/nuit dans une chambre double n'appartiendra pas au même bloc qu'un client/nuit dans une chambre simple, parce que les recettes (et peut-être les dépenses) engendrées ne seront pas les mêmes.

L'unité de production, qu'il s'agisse d'un hectare de production d'agrumes, d'une vache laitière ou de la chambre d'un hôtel, peut ne pas faire constamment partie du même bloc. Un veau peut être dans le bloc des bovins nouveau-nés durant sa première année, mais faire partie du bloc des jeunes au cours de sa deuxième année avant d'entrer dans le bloc des vaches laitières adultes en troisième année. L'animal peut alors rester dans ce bloc jusqu'à ce qu'il soit vendu au cours de sa dixième année.

Le concept de blocs peut sembler compliqué au départ; c'est toutefois un outil puissant pour identifier et mettre au point un modèle de production lorsque des changements se produisent au fil des ans. Il est particulièrement utile pour les investissements concernant les cultures permanentes, l'élevage et la production laitière. Le principal problème soulevé par son utilisation est la définition exacte des blocs pour chaque cas spécifique. Les points suivants peuvent aider à déterminer ce qui est ou ce qui n'est pas un bloc:

2. Détermination des dépenses et des recettes par blocs

Il est nécessaire de connaître trois types d'informations pour chaque bloc afin de pouvoir construire un modèle pour la performance d'ensemble d'un projet sur une période déterminée. Ces informations sont:

Comme nous l'avons vu, si la production est simple (sans changement de caractéristiques au cours de la période analysée), le bloc peut très bien être défini par le produit lui-même (les tomates peuvent ne représenter qu'un seul bloc) et le niveau de production peut rester constant d'une année à l'autre.

Chaque bloc doit être analysé au sein de tableaux présentant ces trois types d'information. Ainsi, une culture permanente correspondra à un bloc pour chaque stade de son développement et de sa production, ce qui nécessite plusieurs tableaux. Pour cette raison, avant d'étudier plus en détail les blocs, nous devons analyser soigneusement deux paramètres essentiels, utilisé pour l'établissement des tableaux: l'unité de production et le cycle de production.

a. L'unité de production

La définition de l'unité de production est essentielle car elle détermine la façon de mesurer les dépenses et les recettes. Dans de nombreux cas, l'unité de production d'un bloc ou d'un produit est évidente. Généralement, les cultures sont mesurées par hectare, acre ou toute autre unité de surface. Dans ce cas, l'utilisation et le coût des intrants (engrais, travail, etc.) et le rendement à la récolte peuvent être calculés par hectare. Dans le cas de ruminants, l'unité peut être la tête, la femelle reproductrice ou l'unité d'élevage.

Toutefois, lorsqu'il s'agit d'autres activités, la nature de l'unité de production n'est pas toujours aussi évidente. Dans ce cas, l'unité de production retenue doit être celle qui convient le mieux à l'estimation des dépenses et des recettes. Par exemple, dans le cas d'un projet d'aquaculture, l'unité peut être l'ensemble des poissons, le bassin ou même le poisson, en fonction de la facilité d'utilisation pour la détermination des dépenses et des recettes. Si l'aquaculteur est plus habitué à penser en termes d'aliments pour son bassin de poissons, il est évident que le bassin sera le meilleur choix. Toutefois, s'il raisonne plutôt en termes de prix reçu par kilo vendu, l'animal individuel peut être une meilleure unité.

Attention: Plus l'unité de production est grande, moins les changements de niveau de production sont faciles à prendre en compte. Si l'unité de production retenue pour une exploitation aquacole est le bassin (avec une moyenne de 5 000 poissons) vous serez contraint d'augmenter (ou de diminuer) le niveau de production de 5 000 poissons d'un coup, ou de démarrer en utilisant des fractions d'unités de production (la moitié d'un bassin, si le nouveau bassin n'a que 2 500 poissons). La dimension peut ne pas être un problème si le projet utilise des unités standard de mesures; toutefois, une unité de production particulièrement importante peut présenter des inconvénients.

Dans le cas des produits agroindustriels ou artisanaux, l'unité de production est fréquemment égale à l'unité de vente: la pièce de tissu, le kilo de fromage, la boîte de pots, etc. Quand il s'agit de services (hôtel, transport, etc.) l'unité de production peut être le passager (ou le passager/km), le client ou l'heure de service d'un équipement. Mais on se souviendra qu'une fois que l'unité de production a été sélectionnée, toutes les dépenses et recettes doivent être exprimées en fonction de cette unité.

DÉPENSES ET RECETTES


Une famille vient d'acheter une plantation de 20 ha de caféiers, constituée de 11 ha de plants adultes, de 5 ha de vieux plants et de 4 ha de jeunes plants mis en place l'année précédente. Bien que tous les caféiers soient dispersés sur l'exploitation, toutes les surfaces portant des caféiers adultes fructifient et utilisent des ressources d'une façon plus ou moins uniforme (produits agrochimiques, etc.); c'est-à-dire qu'elles ont les mêmes caractéristiques en terme de dépenses et de recettes. Le rendement de la vieille plantation, qui a plus de vingt-cinq ans, est plus faible que celui de la plantation adulte. Elle nécessite plus de pesticides pour le contrôle des maladies que les jeunes plants, aussi constitue-t-elle un bloc différent. Les arbustes nouvellement plantés, qui nécessitent moins de soins mais qui ne fructifient pas encore, constituent un troisième bloc. Bien sûr, aucun plant n'est identique à son voisin et aucune surface de caféiers n'est la même qu'une autre. Toutefois, les trois blocs sont constitués de plants plus ou moins semblables. Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques des blocs au cours de la première année du projet.

Blocs

Unités

Caractéristiques

Nouveaux plants

4 ha

Faible coût d'entretien, pas de production ni de recettes.

Plants adultes

11 ha

Coûts moyens (y compris les coûts de récolte). Production et recettes élevées.

Vieux plants

5 ha

Coûts d'entretien relativement importants, production et recettes modestes.


Les informations suivantes concernant les caractéristiques des blocs et les projets familiaux permettent de prévoir comment chaque bloc évoluera d'une année à l'autre:

a) La famille décide de remplacer la moitié des plants du vieux bloc chaque année au cours des deux premières années du projet (c'est-à-dire 2,5 ha par an).

b) Le bloc des jeunes plants contient des plants de 1 et 2 ans. C'est-à-dire que les dépenses et recettes correspondant à ces plants sont semblables durant les deux années considérées[14].

c) Tous les plants des surfaces du bloc des jeunes plants ont deux ans lors de l'achat de l'exploitation.

d) Aucun des plants adultes ne passera dans le bloc des vieux plants durant les cinq prochaines années.

Ces hypothèses permettent de prévoir le nombre d'hectares de chaque bloc de caféiers durant les quatre premières années du projet:


Hectares par bloc par année de projets

BLOC

Année 1

Année 2

Année 3

Année 4

Jeunes plants

4

2,5

5

2,5

Plants adultes

11

15

15

17,5

Vieux plants

5

2,5

0

0

Total

20

20

20

20


Comment a-t-on préparé ce deuxième tableau? La première année est la même que celle du premier tableau. Mais en deuxième année la moitié des vieux plants est arrachée, il reste donc 2,5 ha de vieux plants et 2,5 ha de jeunes plants sont mis en place.

Toutefois, ces jeunes plants sont les seuls de leur bloc parce que les plants des 4 ha qui étaient précédemment des jeunes plants, sont maintenant dans leur troisième année et sont donc passés dans le bloc des caféiers adultes. Le total des caféiers adultes est maintenant de 11 ha plus 4 ha. Notez que le nombre d'unités (hectare dans ce cas) d'un bloc peut changer et n'est pas nécessairement le même que celui de l'année précédente.

Au cours de la troisième année du projet, le reste des vieux plants (2,5 ha) sera remplacé, augmentant ainsi le bloc des jeunes plants de 2,5 ha (soit 5 ha au total car les 2,5 ha plantés l'année précédente ne sont pas suffisamment vieux pour passer dans le bloc des plants adultes), le bloc des vieux plants sera alors vide. Le bloc des plans adultes comportera 15 ha. Le lecteur peut recalculer lui-même la surface de chaque bloc du projet pour l'année 4.

b. Cycle de production

La définition du cycle de production est importante pour la même raison que celle de l'unité de production (voir ci-dessus); en effet, elle détermine la façon de mesurer les intrants et les rendements. Lorsque nous parlons de trois sacs de 50 kilos d'engrais par hectare, nous nous référons à la période totale de croissance de la culture ou à son cycle de production, et non pas à une durée d'une semaine ou de cinq ans. Toutefois, afin de bien comprendre quel est le cycle de production d'une activité donnée, nous avons besoin de deux informations: sa durée et le nombre de cycles par an (sa fréquence)[15].

Durée du cycle de production: La durée d'un cycle de production se définit simplement par la période nécessaire pour terminer une activité de production. C'est, pour la plupart des cultures annuelles, le temps s'écoulant entre la préparation des terres et la récolte; 12 à 14 semaines environ pour les cultures à cycle court, telles que les cultures maraîchères. Les céréales et les légumineuses à graines, telles que le riz, le maïs et les haricots ont généralement besoin de plus de temps.

Toutefois, dans certains cas, cette définition simple doit être modifiée. Rappelez-vous que dans RuralInvest toutes les analyses (exceptée celle du fonds de roulement) sont effectuées sur une base annuelle. Aussi, les dépenses et recettes d'une activité ne peuvent-elles pas être calculées sur une base plus longue qu'un an. Comme le cycle de production est le paramètre essentiel pour le calcul des dépenses et des intrants, il ne doit pas dépasser 12 mois, même si la durée totale de l'activité, par exemple une plantation d'arbres fruitiers, peut durer 20 ans ou plus.

Le problème peut être différent dans le cas des activités non agricoles. De nombreuses activités, telles que l'artisanat, l'agro-industrie, le transport, le tourisme et d'autres activités commerciales fonctionnent toute l'année; leur production n'a ni début ni fin bien définis. Il existe, dans ce cas, plusieurs possibilités. La première est de choisir une année complète comme cycle de production. Toutefois, de nombreuses dépenses (salaires, électricité, téléphone, etc.) sont généralement effectuées mensuellement, aussi peut-il être plus pratique de définir un cycle d'un mois. Toutefois, si l'usine ou l'atelier livre ses produits à la vente toutes les deux semaines par exemple, il peut être logique de retenir deux semaines comme durée du cycle de production. En fait, ce choix n'a pas grande importance, dans la mesure où la période est pratique et que les intrants et les recettes sont toujours quantifiés sur la même période pour une activité donnée.

Fréquence du cycle de production: Comme mentionné précédemment, RuralInvest utilise une base annuelle pour presque tous ses calculs. Aussi n'est-il pas suffisant de connaître la durée de chaque cycle de production; nous devons aussi savoir combien de cycles sont exécutés durant l'année de l'analyse. Pour les activités qui sont continues tout au long de l'année, la réponse est simple: la durée de chaque cycle (en mois), multipliée par la fréquence des cycles (aussi exprimée en mois), est égale à 12. Ainsi, si le cycle de production d'un magasin rural dure un mois, il y aura 12 cycles par an.

Toutefois, certaines activités ne sont pas continues pendant toute l'année. L'agriculture et les autres activités basées sur les ressources naturelles, connaissent souvent des périodes sans production. Bien que le cycle de production d'une culture puisse durer quatre mois, il n'est pas du tout certain qu'il y aura trois cycles de production dans l'année (3 cycles x 4 mois = 12 mois). Même la possibilité de produire deux cycles peut dépendre de la disponibilité en irrigation. De la même façon, une unité de transformation de légumes peut définir son cycle de production sur une base mensuelle, mais cette unité peut ne fonctionner que cinq ou six mois par an, du fait du manque de matière première durant les autres mois.

c. Estimation des volumes et des quantités

Même lorsque les estimations des quantités utilisées ou produites au cours d'un processus de production sont faites soigneusement, les erreurs sont fréquentes. Les deux facteurs suivants entraînent souvent des erreurs dans l'estimation des intrants utilisés et des quantités produites:

Déchets et pertes: Les pertes, les produits endommagés et les déchets, qui font partie des opérations normales de production, sont souvent sous-évalués. Si un agriculteur récolte huit tonnes de poivrons verts ou doux dans son champ, il est très peu probable qu'il vende ces huit tonnes. Un certain pourcentage sera rejeté car trop petit ou abîmé, un autre pourcentage sera endommagé au cours du transport jusqu'au point de vente, etc. Il est très important de prendre en compte ces différentes pertes pour aboutir à une estimation sérieuse des coûts et des bénéfices. Les intrants peuvent également subir des pertes. Si le projet prévoit de mettre du vin en bouteille, il est judicieux de prévoir que quelques-unes de ces bouteilles seront cassées et de commander un nombre de bouteilles légèrement supérieur à la production finale escomptée, pour couvrir les bris.

La conservation de fruits et de légumes dans une usine de transformation peut également illustrer cet aspect. Prenons l'exemple d'une usine produisant des petits légumes macérés dans du vinaigre. On peut imaginer que chaque pot de produit fini nécessite environ 120 grammes de chou-fleur ainsi que des carottes, des courgettes et d'autres légumes. Toutefois, ce serait une grave erreur d'estimer les quantités nécessaires de chou-fleur en multipliant le nombre de pots à produire par 120 grammes. En réalité, quelque 40 pour cent de chaque chou-fleur seront écartés et perdus au cours de la préparation (tiges, feuilles et parties endommagées). Pour avoir 120 grammes de chou-fleur prêt à être utilisé, il sera nécessaire d'en acheter environ 200 grammes.

Auto-approvisionnement/autoconsommation: L'origine des intrants ou la destination des produits est un élément qui peut aussi être source d'erreur. Parfois, un projet utilise des intrants qu'il ne paie pas, généralement parce qu'ils sont fournis par des personnes ou des familles qui bénéficient du projet. Ceci est appelé l'auto-approvisionnement. Un exemple très courant dans beaucoup d'activités rurales est l'utilisation de main-d'œuvre familiale non payée. D'autres intrants «gratuits» peuvent inclure la matière première pour la transformation, ou même l'eau. Il est important de réaliser que même si ces intrants ne sont pas payés, ils ont une valeur. Même si le promoteur ne paie pas la journée de travail de son frère, celui-ci aurait pu obtenir un salaire s'il avait travaillé sur l'exploitation d'un voisin.

De la même façon, tout ou partie des produits sont consommés sur l'exploitation (ou par le propriétaire du projet) sans être payés, par exemple du grain est consommé ou conservé comme semence au lieu d'être vendu, ces produits constituent l'autoconsommation. Même si la famille ne paie pas les cultures ou les animaux qu'elle mange, ils ont pourtant une valeur, celle qu'ils auraient rapportée s'ils avaient été vendus au marché le plus proche.

L'existence d'auto-approvisionnement ou d'autoconsommation peut entraîner des différences importantes dans les résultats obtenus des deux principales analyses réalisées par RuralInvest. Ce point est discuté plus en détail au Chapitre IX. Dans l'analyse des flux de trésorerie, les intrants «gratuits» sont ignorés, car cette analyse ne porte que sur les flux monétaires. Toutefois, l'auto-approvisionnement et l'autoconsommation doivent être pris en compte dans l'analyse financière, car celle-ci tient compte de toutes les dépenses et recettes ayant une valeur marchande, même si elles ne sont pas monétarisées. Ainsi, si un produit est consommé au lieu d'être vendu, cela ne réduit pas la rentabilité de l'opération, mais affecte certainement la capacité à générer des produits financiers, aspect très important lorsque la banque ou l'institution de financement étudiera l'éventualité d'un prêt.

Il est important, lors de l'estimation des dépenses et des recettes, de prendre en compte la valeur de l'autoconsommation et de l'auto-approvisionnement. Normalement, vous devez identifier i) les coûts (pour l'auto-approvisionnement) et ii) les prix (pour les produits autoconsommés) sur le marché le plus proche, en tenant compte des coûts de transport si ce marché est quelque peu éloigné, et utiliser ces chiffres pour l'analyse financière.

3. Importance de la première année d'un projet

La première année de vie d'un projet est la période la plus délicate et la plus risquée. L'échec d'un projet se produit dans neuf cas sur dix pendant cette période. Pourquoi? Parce que la première année d'un projet est la moins sûre; les employés ne sont pas encore habitués à leurs responsabilités; l'encadrement est moins expérimenté; les fournisseurs et les banques sont plus méfiants; les acheteurs sont moins habitués aux produits.

Plus important encore est le fait que, durant sa première année de vie, un projet n'a généralement pas les réserves monétaires suffisantes pour absorber un revers ou un événement inattendu. Le manque de ressources nécessaires pour financer des activités telles que l'achat de matières premières, le paiement des salaires ou les coûts de transport des produits finis vers le marché peuvent facilement entraîner la faillite d'un nouveau projet. Afin de réduire ce risque, il est nécessaire de traiter la première année d'un projet de façon différente de celle des autres années.

4. Estimation des besoins en fonds de roulement

L'absence ou l'insuffisance de fonds de roulement, plus qu'aucun autre facteur, a entraîné l'échec de nombreux petits projets. Il est toujours nécessaire de calculer les besoins en fonds de roulement, c'est-à-dire, les fonds nécessaires au projet pour payer ses dépenses monétaires, jusqu'à ce qu'il ait accumulé suffisamment de réserves monétaires pour pouvoir compter sur ses propres ressources. Beaucoup de projets commencent leurs activités en comptant sur les recettes de leurs ventes pour payer leurs factures. Ils ont oublié que, dans la réalité, ils peuvent avoir à attendre plusieurs mois le paiement espéré. Toutefois, spécialement lorsqu'il s'agit d'une nouvelle activité, la station d'essence, les employés du projet et les vendeurs d'aliments pour animaux ou d'engrais, demanderont tous à être payés comptant.

Généralement, les fonds de roulement sont nécessaires pour couvrir toutes les dépenses du projet à payer comptant, depuis le moment des premières dépenses jusqu'à la réception des recettes de la vente des produits. Les différentes étapes de cette période comprennent:

a) La préparation de la production, qui comprend des activités telles que: l'achat des équipements (même s'ils ne sont pas encore livrés), la préparation des terres, l'achat des semences et d'autres intrants, la formation du personnel, l'embauche du directeur, etc.

b) La période de production. Cette période peut être courte (fabrication d'une chemise, production d'un kilo de fromage) ou longue (production d'une culture) mais elle ne peut jamais dépasser douze mois, afin de permettre le calcul du fonds de roulement.

c) Stockage. Il peut être possible de fabriquer une chemise en quelques heures, mais les chemises finies ne seront expédiées aux grossistes qu'une fois par mois. Parfois, il peut arriver que les produits non périssables soient stockés pendant plusieurs mois dans l'attente d'un meilleur prix.

d) Transport et distribution. Cette période peut être courte, mais elle peut aussi durer plusieurs semaines dans le cas de produits agricoles ou d'autres produits exportés par bateau.

e) Attente du paiement. Alors que l'on peut obtenir immédiatement de l'argent de la vente sur un marché, l'attente du paiement d'un acheteur peut être très longue. Très souvent, les supermarchés retardent leurs paiements jusqu'à 60 jours et les grands complexes agroindustriels suivent parfois la même politique.

f) Transfert des paiements. L'argent liquide (cash) est immédiatement disponible, mais n'oubliez pas que les banques demandent fréquemment plusieurs jours avant de créditer un chèque, et peut-être plusieurs semaines si le paiement provient d'un autre pays.

g) Accumulation de réserves. Les fonds de roulement sont nécessaires non seulement pour couvrir la période décrite ci-dessus, mais aussi tant que le projet n'aura pas accumulé suffisamment de surplus pour lui permettre de rembourser ses emprunts (le cas échéant) et de faire ensuite des réserves pour constituer son propre fonds de roulement.

La combinaison de tous ces facteurs peut entraîner des délais de plusieurs mois, ou même de plusieurs années, avant que le projet n'ait plus besoin d'emprunter pour couvrir son fonds de roulement.

5. Flux de trésorerie

Nous avons supposé dans la discussion précédente que dès que le projet commence à vendre sa production et à recevoir des recettes, il est capable de faire des réserves pour établir un fonds de roulement propre. Ceci n'est pas toujours le cas.

Certains processus de fabrication sont constants et les fonds de roulement sont alors rapidement accumulés. Par exemple, un atelier fabriquant des souliers peut avoir la même dépense chaque mois et peut, petit à petit, accumuler des réserves en fonds de roulement à partir de sa marge mensuelle (à partir du moment où le projet commence à générer des bénéfices). Toutefois, d'autres activités sont saisonnières; en d'autres termes, les périodes de ventes sont réduites à certains mois et le volume de la production varie d'une façon importante d'un mois sur l'autre. Il se peut aussi que le projet conjugue plusieurs productions, chacune ayant ses propres dépenses, recettes et besoins en fonds de roulement.

Prenons l'exemple de la production d'un seul produit: la tomate. Nous savons que pour en produire un hectare, nous aurons besoin de 500 unités de la monnaie locale pour constituer le fonds de roulement nécessaire à une période de quatre mois, allant de la préparation des terres en février à la fin de la récolte en juin. Comme nous avons utilisé toutes nos ressources pour l'installation d'un système d'irrigation, nous empruntons ces 500 unités. Toutefois, la vente des tomates en mai et juin rapportera 800 unités monétaires, laissant ainsi une marge de 300 unités (moins les intérêts payés sur l'emprunt) qui permettra d'alimenter le fonds de roulement nécessaire pour le cycle suivant. A moins que nous n'ayons besoin d'argent pour une autre raison, nous n'aurons besoin d'emprunter que 200 unités lors du prochain cycle de production.

Toutefois, si le projet couvre différentes activités (par exemple la production de tomates, courgettes et haricots) la situation devient plus compliquée, car nous devons connaître l'articulation entre les dépenses et les recettes de chaque activité. Dans ce cas, la seule solution est de calculer exactement les dépenses et les entrées d'argent liées à ces trois activités combinées, ce qui constitue le flux de trésorerie.

Un tableau présentant les flux de trésorerie, permet de clarifier les besoins en fonds de roulement. Le tableau suivant nous montre les coûts mensuels de production pour la tomate (selon l'exemple mentionné ci-dessus), durant la période de février à mai (dépenses de 125 dollars EU par mois, soit un total de 500 dollars EU). Les recettes des ventes de tomates commencent avec 400 dollars EU en mai et sont suivis de 400 dollars EU en juin. Toutefois, ces montants peuvent n'être reçus que vers la fin du mois, aussi seront-ils crédités le mois suivant (c'est-à-dire en juin et juillet). Les dépenses d'un mois donné doivent être payées avant que les recettes n'aient été encaissées.

D'autres complications surgissent. En mai, le projet devra aussi faire face à 100 dollars EU de dépenses liées au démarrage de la production de courgettes. Ainsi, les besoins en emprunt atteindront un maximum de 600 dollars EU avant que les recettes de la vente des tomates ne commencent à entrer. Il manquera alors encore 300 dollars EU au projet jusqu'à ce que les 400 dollars EU restant de la vente de tomates n'arrivent à la banque, le mois suivant.

ACTIVITÉ

DÉPENSES ET RECETTES

janv.

févr.

mars

avril

mai

juin

Juillet

aôut

sept.

oct.

nov.

déc.

Tomate:


125

125

125

125









Recettes





400

400







Courgette:





100

100

100

50






Recettes








650





Haricots:

50








50

50

50

50


Recettes


150

150

150









Flux mensuel

0

-125

-125

-125

225

300

300

-50

550

-50

-50

-50

Flux cumulé

0

-125

-250

-375

-600

-300

0

-50

500

450

400

350

Le tableau montre aussi que le montant total reçu de la vente des tomates (400 + 400, soit 800 dollars EU) n'est pas suffisant pour rembourser l'emprunt du fonds de roulement pour les tomates (500 dollars EU) et pour couvrir en même temps les coûts de production des courgettes (350 dollars EU). Ainsi, bien que l'activité de production de tomates atteigne le seuil de rentabilité en juillet, le producteur aura besoin faire recours à l'emprunt pour couvrir les coûts de production de la courgette en août. Si l'emprunt pour le fonds de roulement nécessaire à la production de tomates était remboursé en août, le projet devrait emprunter de nouveaux fonds. Aussi est-il préférable d'attendre septembre pour rembourser l'emprunt en fonds de roulement. Heureusement, les profits combinés des tomates et des courgettes seront suffisants pour couvrir les coûts de production des haricots; toutefois, l'argent disponible ne sera que de 350 dollars EU à la fin de l'année.

En référence au tableau ci-dessus, certains lecteurs peuvent se demander pourquoi les dépenses et recettes des haricots produits du mois de janvier au mois d'avril n'entrent pas dans ce calcul. La réponse est simple: le cycle de production des haricots commence en septembre. Si le projet commence en janvier, comme c'est le cas dans notre exemple, il est impossible que les haricots génèrent des revenus dans les premiers mois de l'année, car ils n'ont pas été semés au mois de septembre précédent !

Ce tableau a été simplifié, certains éléments qui feraient partie d'une analyse réelle n'ont pas été pris en compte. Par exemple, les coûts indiqués ne concernent que le processus de production lui-même. Tout projet devra faire face à d'autres dépenses (générales et fixes) qui devront être payées durant la première année d'activité (telles que l'électricité, les taxes foncières, la subsistance de la famille, le salaire du directeur, etc.) aussi une ligne supplémentaire est-elle habituellement insérée pour inclure les dépenses générales. Mais on se souviendra que seules les dépenses monétaires doivent être prises en compte dans l'analyse de trésorerie.

Il peut arriver que le revenu net prévu pour la fin de la première année soit négatif (ce qui peut être du au fait qu'une culture pérenne ne produit pas la première année, par exemple) ou que, positif, il ne soit pas suffisant pour couvrir les dépenses de la deuxième année (comme dans l'exemple ci-dessus). Dans ces cas, il sera nécessaire d'emprunter pour constituer le fonds de roulement de la deuxième et peut-être même de la troisième année. Toutefois, il n'est généralement pas nécessaire d'analyser le flux de trésorerie chaque année. Si les dépenses et les recettes de la seconde année sont semblables à ceux de la première année, il est possible de répéter simplement les besoins en fonds de roulement d'une année sur l'autre.

Il n'est généralement pas nécessaire de préparer des projections de trésorerie pour les projets qui n'ont qu'une activité ou pour les très petits projets. Toutefois, ces analyses sont généralement essentielles pour les projets qui ont de multiples activités ou qui sont plus importants. Quoi qu'il en soit, RuralInvest effectue automatiquement les calculs de trésorerie; aussi, un tableau mensuel estimatif de trésorerie est-il généré directement dès que les recettes et les dépenses ont été entrés pour chaque bloc d'activité.


[11] Ceci aussi en raison du coût pour le projet d'avoir un camion bloqué en attendant les pièces de remplacement.
[12] Toutefois, le coût des intrants et du matériel utilisés par le vétérinaire - médicaments, etc. - peut être considéré comme un coût de production, parce qu'il variera en fonction du nombre d'animaux soignés.
[13] La nécessité d'estimer les changements de niveau de production d'une année sur l'autre découle directement de la volonté de RuralInvest d'évaluer annuellement les performances d'un projet (pratique financière classique). On peut aussi utiliser des périodes de six mois ou même de trois mois, ce qui nécessite beaucoup plus de travail. De fait, RuralInvest estime les flux financiers mensuels au cours de la première année afin de déterminer les besoins en fonds de roulement.
[14] En réalité, les plants de café ne passent pas directement du stade jeune au stade adulte au cours de la troisième année, mais l'exemple a été simplifié.
[15] En théorie, nous ne sommes pas obligés de définir la fréquence d'un cycle de production comme étant égale au nombre de cycles de production par an. Toutefois, c'est la période d'une année que nous avons utilisée pour l'analyse des coûts et revenus, aussi devons-nous rester homogène.

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