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Éditorial

Les forêts et la santé humaine

La santé humaine est définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un «état de complet bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». Ce numéro d’Unasylva examine comment les forêts et la santé sont interconnectées.

Pour la préparation de ce numéro, la FAO est vivement reconnaissante au Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) qui a mené des enquêtes sur ce thème ces trois dernières années. Les chercheurs du CIFOR – notamment E. Dounias et C.J.P. Colfer – ont aidé à concevoir ce numéro, y ont contribué et en ont accru la qualité en tant que réviseurs invités. Le premier article, écrit par C.J.P. Colfer et ses collègues, fait le point sur les recherches menées récemment par le CIFOR pour fournir un aperçu de l’état de la santé humaine dans les zones forestières (souvent trop reculées pour bénéficier de soins sanitaires) et un tableau des liens de causalité entre les forêts et la santé humaine.

Un de ces liens, étudié depuis peu, est celui existant entre le changement de la superficie forestière (en raison notamment de la déforestation et de la fragmentation de la forêt) et l’apparition de nouvelles maladies infectieuses (VIH et virus Ebola, par exemple) souvent d’origine animale.

B.A. Wilcox et B. Ellis mettent en évidence les principales maladies liées à la forêt et résument les facteurs qui contribuent à leur propagation: expansion des populations humaines dans les zones boisées, qui augmente l’exposition de l’homme à la faune sauvage; abondance et dissémination modifiées des hôtes et vecteurs pathogènes, dues à l’altération de la forêt; et variation des fonctions hydrologiques, qui pourrait favoriser les agents pathogènes d’origine hydrique.

Certaines mesures de gestion des ressources forestières peuvent donc aider à réduire les maladies. Ainsi, le recours au boisement pour assécher les marais a contribué à éradiquer le paludisme au début du XXe siècle en Italie.

Le SIDA exerce un impact important sur les communautés forestières, notamment en Afrique. C. Holding Anyonge et al. documentent la dépendance croissante des populations touchées par le VIH et le SIDA vis-à-vis des ressources forestières – en particulier en ce qui concerne les médicaments, l’énergie et les aliments – et en étudient les répercussions au plan de la gestion des ressources, indiquant certaines interventions qui pourraient aider à réduire cet impact.

La connaissance locale des plantes médicinales est à la base des soins de santé traditionnels et est utilisée aussi pour la préparation des médicaments modernes. La protection des droits des populations rurales au partage des avantages tirés de l’utilisation de leur savoir et de leurs ressources est un défi relevé par la Convention sur la diversité biologique (CDB). Un bref article de J. Muriuki résume les efforts accomplis récemment en Afrique pour mettre au point des médicaments antipaludiques à base d’herbes (dont un grand nombre fondés sur les espèces forestières) – et note leur énorme potentiel ainsi que leur portée pour les populations locales et la conservation des ressources naturelles.

E. Dounias et A. Froment montrent ensuite comment la sédentarisation des habitants nomades des forêts les expose à des maladies inconnues et à des influences alimentaires inhabituelles – mais aussi à des maux sociaux tels que l’insécurité économique, les préjudices sociaux et la négation de leurs droits coutumiers, qui peuvent avoir un effet tout aussi profond sur la santé. C’est pourquoi, outre l’amélioration des soins sanitaires, le soutien sociopolitique et l’accès à l’éducation revêtent une importance déterminante pour que ces groupes aient un avenir sain.

Les écosystèmes forestiers contribuent non seulement au régime alimentaire et à la subsistance des habitants des forêts mais ils fournissent aussi une part importante des aliments et médicaments consommés par les populations urbaines. T. Johns et P. Maundu examinent le lien entre la biodiversité forestière et les circuits alimentaires contemporains axés sur le marché – fournissant une justification pour intégrer la conservation de la diversité biologique forestière dans les objectifs de réduction de la pauvreté, de sécurité alimentaire et de diminution des maladies inscrits dans les politiques de développement.

Le bois de feu est essentiel aux moyens d’existence de millions de familles dans les pays en développement, mais lorsque sa combustion le transforme en fumée il peut causer des dommages aux voies respiratoires. K.R. Smith souligne les moyens adoptés pour résoudre le problème, tels les fourneaux améliorés. La fumée émanant des incendies forestiers menace souvent la santé de populations nombreuses – à tel point qu’en Asie du Sud-Est les pays ont adopté un Accord sur la pollution transfrontière par la brume.

Les forêts peuvent également contribuer à améliorer l’environnement humain en vue d’une meilleure santé – en absorbant par exemple la pollution atmosphérique (un des rôles reconnus des forêts urbaines), les métaux lourds, les radionucléides et d’autres polluants présents dans le sol, et en aidant à assurer la qualité de l’eau. J. Křeček et Z. Hořická témoignent du rôle que jouent les forêts des bassins versants en neutralisant l’effet des pluies acides dues à la pollution atmosphérique dans le «triangle noir» d’Europe centrale. Un bref article examine dans quelle mesure les mangroves et d’autres forêts côtières peuvent contribuer à la protection de vies humaines en érigeant une défense contre les tsunamis et d’autres dangers menaçant les côtes.

B. Moore, G. Allard et M. Malagnoux se penchent sur un problème épineux pour les travailleurs forestiers et autres personnes passant du temps dans la forêt: les allergènes et les irritants produits par les insectes, les plantes et les arbres forestiers, qui peuvent causer des maladies cutanées et des troubles respiratoires.

Enfin, L. O’Brien remarque que de nombreux pays européens concentrent à l’heure actuelle leur attention sur la façon dont les arbres et les forêts peuvent améliorer la santé et le bien-être mentaux et physiques des populations – comme l’illustrent diverses initiatives entreprises au Royaume-Uni.

Ces articles mettent non seulement l’accent sur les problèmes de santé relatifs aux forêts, mais ils soulignent le rôle que le secteur forestier et les services forestiers nationaux peuvent jouer et jouent souvent déjà en assurant le bien-être humain par une gestion responsable des forêts.

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