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Stimuler la petite arboriculture – les leçons d’Afrique et d’Asie

A.A. Nawir, H. Kassa, M. Sandewall, D. Dore, B. Campbell, B. Ohlsson et M. Bekele

Ani Adiwinata Nawir est chercheuse au Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), Bogor, Indonésie.
Habtemariam Kassa
est chercheur au CIFOR, Addis-Abeba, Éthiopie.
Mats Sandewall
et Bo Ohlsson sont chercheurs à la Swedish University of Agricultural Sciences, Umeå, Suède.
Dale Dore
est directeur du Shanduko, Centre for Agrarian and Environmental Research, Harare, Zimbabwe.
Bruce Campbell
est directeur du Forest and Livelihoods Program du CIFOR, situé à la Charles Darwin University, Darwin, Australie.
Melaku Bekele
est doyen du Wondo Genet College of Forestry and Natural Resources, Shashemene, Éthiopie.

Des études de cas portant sur l’Éthiopie, l’Indonésie, l’Afrique du Sud et le Viet Nam montrent comment promouvoir la petite production communautaire de bois.

Entre 1990 et 2005, la superficie des plantations forestières tropicales s’est accrue, passant de 69 à 93 millions d’hectares (FAO, 2006). Bien que les plantations représentent 11 pour cent de la superficie forestière totale dans la région Asie et Pacifique et seulement 2 pour cent en Afrique, ces deux régions encouragent fortement la participation du secteur privé et des petits producteurs à l’établissement de plantations qui relevait jadis principalement du gouvernement (Persson, 2003; Sam et Trung, 2001).

Les petites plantations forestières fournissent un éventail d’avantages aux communautés rurales, y compris du bois de feu, du fourrage et du bois d’œuvre pour la construction et les usages quotidiens, ainsi que des bienfaits environnementaux et des occasions de loisir. Pourtant, ces petits producteurs et les ménages pauvres ne profitent guère des avantages commerciaux procurés par le bois des plantations et les produits ligneux transformés, bien que dans les pays en développement les plantations fournissent annuellement des produits qui valent des milliards de dollars.

Le présent article décrit différents programmes grâce auxquels les petits exploitants participent à l’établissement et à la gestion des plantations de production. Ils traduisent le lien qui relie, sans solution de continuité, la gestion réalisée par les arboriculteurs eux-mêmes aux initiatives des entreprises privées, au milieu duquel se situe la gestion conjointe parrainée par le gouvernement. Pour chacun de ces programmes, l’article identifie les incitations principales – définies comme «paiements ou services qui renforcent l’avantage comparatif des plantations forestières par rapport à d’autres utilisations du sol et stimulent ainsi les investissements dans l’établissement et la gestion des plantations» (Enters, Durst et Brown 2003) – qui encouragent la participation des petits exploitants à l’arboriculture, bien que les stratégies varient, naturellement, entre les pays et suivant les conditions locales. L’article met en évidence l’importance de politiques et d’une législation favorables, et de droits de propriété et de gestion des terres boisées clairs et sûrs, comme conditions propices à l’arboriculture artisanale durable.

Des agriculteurs de la zone de Debre Berhan en Éthiopie plantent des arbres principalement autour des maisons
H. Kassa

LA FORESTERIE PAYSANNE EN ÉTHIOPIE, EN INDONÉSIE ET AU VIET NAM

En Éthiopie, la foresterie paysanne remonte à plus d’un siècle. Dès 1910 environ, les plantations privées établies autour d’Addis-Abeba approvisionnaient la capitale en énergie et matériel de construction. Dans les années 70, le gouvernement a appuyé la «foresterie paysanne» fondée sur la propriété communautaire, mais l’absence de plans rationnels de gestion a entraîné la dégradation de ces plantations au fil du temps, et les relations entre les communautés et l’État en matière de gestion et/ou de propriété de ces plantations restaient incertaines (Abebe, 1998). Le pays n’a pas encore instauré un mécanisme de soutien pour encourager les agriculteurs et les entrepreneurs commerciaux à pratiquer la foresterie commerciale (Million, 2001).

En Indonésie, la petite foresterie paysanne commerciale réalisée sur des terres communautaires a été pratiquée depuis les années 70 et il est largement estimé qu’elle a eu beaucoup plus de succès que les plantations industrielles établies à grande échelle par des entreprises concessionnaires dans les forêts publiques, en particulier pour ce qui est du paysage et des avantages socioéconomiques (Nawir et al., 2007). La foresterie paysanne contribue pour 43 pour cent à la superficie totale des plantations forestières du pays, 3,43 millions de ménages participant à la gestion de 4,2 millions d’hectares (FAO, 2001; Ministère des forêts, Indonésie, 1998). Les espèces les plus répandues comprennent Paraserianthes falcataria et le teck (Tectona grandis).

Au Viet Nam, dans les années 70, les coopératives ont commencé à établir des plantations pour approvisionner les entreprises publiques en matières premières. La foresterie paysanne privée est apparue après la mise en vigueur des réformes politiques instituant le marché libre en 1987 et l’allocation et la privatisation des forêts qui en ont été la conséquence. Depuis le début des années 90, les politiques et la législation ont soutenu le développement de la foresterie paysanne. Le programme de reboisement de cinq millions d’hectares de 1998 prévoyait le reboisement de quelque 2 millions d’hectares d’ici 2010, ainsi que l’établissement de plantations forestières artisanales pour le marché et pour la protection de l’environnement, grâce aux efforts du secteur privé. Depuis lors, plus de 80 000 hectares ont été reboisés annuellement (FAO, 2006). La foresterie paysanne s’est étendue et a prospéré aussi dans les zones industrialisées du pays (Sam et Trung, 2001). Divers systèmes agroforestiers ont été créés en fonction des besoins et des conditions de différents groupes socioéconomiques.

Au Viet Nam, des plantations à cultures multiples comprenant des arbres forestiers et fruitiers permettent aux agriculteurs à revenu faible et moyen de relever leur niveau de vie
M. Sandewall

Principales incitations en faveur des agriculteurs

Revenus escomptés du bois tiré des plantations. Les petits exploitants pratiquant la foresterie paysanne sont normalement autofinancés. Les revenus escomptés représentent généralement une incitation suffisante à entretenir les plantations. Cependant, les gouvernements ont souvent fourni des semences gratuites aux petits exploitants. Dans les trois provinces du Viet Nam examinées (M. Sandewall, B. Ohlsson, K. Sandewall et L.S. Viet, en préparation), rares étaient les possibilités de prêts bancaires leur permettant d’investir dans les plantations forestières.

Créneau particulier pour le bois produit grâce à la foresterie paysanne. À Java, Indonésie, les petits exploitants forestiers disposent d’un créneau dans les petites entreprises familiales. Ces entreprises préfèrent souvent acheter le bois (le teck, par exemple) provenant de la foresterie paysanne pour éviter les négociations souvent épineuses avec les grandes entreprises de transformation; pour négocier les prix plus facilement, étant donné qu’aucun prix normalisé n’est appliqué; et pour profiter de procédures administratives plus simples et des distances souvent plus courtes. Toutefois, malgré ces avantages, les petits exploitants font appel aux intermédiaires (courtiers en bois) pour exploiter et transporter le bois jusqu’aux acheteurs. De ce fait, ces arboriculteurs n’ont qu’un faible pouvoir de négociation en matière de prix. Dans le nord du Viet Nam, parmi les marchés pour le bois produit par les plantations artisanales, figurent l’industrie minière, les consommateurs de bois de feu dans les zones urbaines et l’industrie exportatrice de copeaux. Un marché particulièrement influent est la Bai Bang Pulp and Paper Mill, qui achète quelque 200 000 tonnes de bois annuellement à un grand nombre de petits exploitants principalement.

Risques et coûts de transaction encourus par les intermédiaires. Les intermédiaires pourraient accaparer le pourcentage le plus élevé des marges bénéficiaires, mais ils courent aussi un grand nombre de risques et il leur faut couvrir des coûts de transaction bien supérieurs à ceux des arboriculteurs. Ils obtiennent du bois de qualité mixte auprès d’un grand nombre de producteurs et reçoivent de faibles prix pour le bois de qualité médiocre. Les prix n’étant pas contrôlés, ils doivent les négocier avec de nombreux acheteurs et vendeurs. Ils doivent en outre traiter avec les autorités et supporter le coût des restrictions gouvernementales sur les opérations après récolte, dont le transport du bois, coût qui est souvent ajusté à l’aide de pots-de-vin. L’abolition ou la réduction de ces restrictions pourrait éliminer ces «redevances» informelles et aider les intermédiaires à offrir des prix plus attrayants. Simultanément, il est fondamental de conférer des pouvoirs aux petits exploitants en améliorant leur accès aux marchés et aux informations sur les marchés pour qu’ils puissent obtenir des prix plus favorables.

Petites pépinières privées – activités d’entreprise dans la région industrielle forestière du nord du Viet Nam
M. Sandewall

INITIATIVES PARRAINÉES PAR LE GOUVERNEMENT: GESTION CONJOINTE DES PLANTATIONS EN INDONÉSIE ET EN ÉTHIOPIE

Les Gouvernements d’Indonésie et d’Éthiopie ont lancé des programmes de gestion conjointe des plantations pour surmonter les problèmes croissants de l’exploitation illégale et de l’empiètement sur les forêts en faisant intervenir les communautés locales. Ces gouvernements espèrent qu’en allouant aux communautés le droit d’établir et de gérer les plantations pendant certaines périodes, et en leur garantissant une part des bénéfices tirés de la vente du bois, ils pourront renforcer leur engagement vis-à-vis de la gestion forestière durable.

La gestion conjointe des plantations fait appel aux coopératives communautaires ou à des groupes locaux et à différents niveaux du gouvernement – provincial ou de district, par exemple. En Éthiopie, depuis les années 90 environ, le gouvernement a confié la gestion de certaines plantations (Eucalyptus spp. normalement) aux communautés. En Indonésie, cette forme de gestion se répand rapidement depuis la mise en vigueur de la politique de décentralisation de 1998. Tout récemment, le gouvernement a donné la priorité au développement des plantations par de petits exploitants ruraux sur une superficie de 5,4 millions d’hectares dans le cadre du programme de plantations à assise communautaire (Ministère des forêts, Indonésie, 2006).

Principales incitations offertes par le gouvernement

Incitations directes à planter. Les gouvernements ont longtemps fourni des subventions ou des incitations financières par une série de mesures comprenant l’octroi de crédits pour l’établissement de plantations, d’intrants matériels, de semences gratuites, d’une main-d’œuvre rétribuée pour des projets publics et des programmes de prêts. Toutefois, les coûts d’entretien en sont souvent exclus. En Indonésie, ces incitations directes sont représentées en général par des fonds de reboisement, qui sont les revenus que le gouvernement reçoit des concessions forestières et qui sont affectés au financement de la remise en état des forêts dégradées (Nawir et al., 2007). Malgré leur longue histoire, les incitations directes pourraient n’avoir qu’un impact marginal. Dans certains cas, elles pourraient même déterminer une distribution injuste des fonds et décourager ainsi la plantation d’arbres (Enters, Durst et Brown 2003). Toutefois, les incitations financières ne sauront être efficaces sans des politiques et des conditions propices, comme la sécurité de la propriété (Williams, 2001).

L’assurance du partage des avantages découlant du bois récolté. Des accords de partage équitable et loyal entre l’État et les groupes communautaires ont attiré de nombreux petits exploitants à l’arboriculture, notamment en Éthiopie et aux Philippines (Calderon et Nawir, 2006). En Indonésie, cette stratégie fait encore l’objet de débats animés, de nombreuses personnes estimant que le gouvernement ne devrait pas agir comme une entreprise commerciale qui reçoit les revenus de l’exploitation des plantations.

Droits de gestion à long terme. Les gouvernements ont assigné de façon croissante aux communautés des droits de gestion dont la durée est comprise entre 25 à 60 ans, à la suite de changements économiques et politiques qui favorisent la participation plus active des communautés à la gestion des forêts, y compris le développement des plantations forestières. Une telle politique a été appliquée en Éthiopie depuis les années 90 environ et a été adoptée en Indonésie en 2007. En Éthiopie, les nouvelles politiques régionales d’administration foncière permettent la délivrance de certificats de propriété foncière aux détenteurs de terres, et les propriétaires ont le droit de louer leurs parcelles à d’autres pour 25 ans au maximum; toutefois, la terre ne peut être achetée ou vendue officiellement.

Plantation artisanale dans le Zululand, Afrique du Sud
D. Dore

INITIATIVES DES ENTREPRISES: PROGRAMMES DE PLANTATIONS ARTISANALES EN AFRIQUE DU SUD ET INDONÉSIE

Les programmes de plantations artisanales en Afrique du Sud ont été lancés par deux grandes entreprises, Sappi (depuis 1983) et Mondi (depuis 1989), qui ont œuvré de concert avec des petits planteurs d’eucalyptus sur les terres communales du KwaZulu Natal, le long de la côte orientale de l’Afrique du Sud. Les programmes sont nés du besoin de terres pour la production de bois brut et pour stimuler le développement des scieries. Aujourd’hui, plus de 10 000 petits exploitants, dont 80 pour cent sont des femmes, cultivent des eucalyptus sous contrat pour Mondi et Sappi (Chamberlain et al., 2005).

Les entreprises indonésiennes ont introduit les programmes de plantations artisanales en 1999/2000 pour régler les conflits fonciers qui éclataient sans trêve dans leurs concessions (Nawir, Santoso et Mudhofar, 2003). Malgré l’absence de statistiques officielles sur le total de plantations artisanales, un nombre croissant d’entreprises travaillent avec les petits arboriculteurs au titre de leur engagement vis-à-vis de leurs responsabilités sociales. C’est ainsi que dix entreprises de plantation d’Acacia mangium ont établi des programmes de plantations artisanales sur une superficie de 180 000 hectares environ, soit près de 11 pour cent de la superficie de leurs concessions (A.A. Nawir et ComForLink, en préparation). Les entreprises estiment que c’est un moyen efficace d’assurer un approvisionnement en bois durable tout en partageant les avantages (et les risques) avec les communautés locales. En outre, il offre aux petits arboriculteurs la chance d’exploiter leurs terres en friche pour en tirer des revenus économiques futurs.

Principales incitations en faveur des petits arboriculteurs

Soutien financier à l’arboriculture et à l’entretien des arbres. Les entreprises qui mettent en œuvre des programmes de plantations artisanales fournissent d’importantes incitations aux petits exploitants pour les encourager à constituer des partenariats en vertu d’un contrat, conformément aux conditions locales et aux besoins des partenaires, en garantissant des prix équitables, en fournissant aux communautés des services sociaux et en formant des associations ou des comités de producteurs qui agissent en qualité d’instance pour l’examen de questions d’intérêt économique réciproque. Les arboriculteurs sont chargés par l’entreprise d’assumer la responsabilité de la surveillance des terres et des arbres gérés conjointement, en les protégeant, par exemple, contre le vol et/ou le feu. Pour résoudre les problèmes financiers, les entreprises Sappi et Mondi paient un acompte – calculé grosso modo en fonction du prix du loyer foncier – une fois que les petits exploitants ont établi avec succès leurs plantations. Ce paiement est en réalité un prêt sur la valeur des arbres au moment de la récolte. D’autres incitations comprennent l’accès à des clones d’Eucalyptus améliorés, souvent à des prix subventionnés; des intrants à des prix concurrentiels; des programmes de formation et de vulgarisation; et la fourniture d’une assistance aux villageois âgés disposant de terres suffisantes mais privés de main-d’œuvre. Les entreprises supportent aussi tous les coûts liés à la récolte et au transport jusqu’à l’entrée de la scierie, opérations sous-traitées à d’autres membres de la communauté.

Marchés garantis, bien que les prix devront être négociés. La mesure dans laquelle les entreprises offrent un marché garanti varie entre les différents programmes de plantations artisanales. En situation de monopsone (un seul acheteur), dans le cas par exemple des acacias cultivés par des petits exploitants à Sumatra, Indonésie, les entreprises tendent à acheter à des prix faibles. Compte tenu de la croissance des marchés locaux pour certaines espèces feuillues, elles doivent acheter à un prix concurrentiel pour éviter que les exploitants aillent vendre leur bois ailleurs. En Afrique du Sud, pendant les périodes d’offre excédentaire, les entreprises ont introduit un système de quotas de livraison qui donne aux arboriculteurs sous contrat la priorité par rapport à ceux qui sont indépendants. Lorsque les sources de bois se sont faites rares, le système des quotas a été abandonné et certains arboriculteurs ont préféré vendre leurs produits indépendamment aux prix du marché.

Assistance pendant la période entre la plantation et la récolte. La longue période qui s’écoule entre la plantation et la récolte (de six à huit ans, au moins,  même pour les essences à croissance rapide) pose un problème pour les communautés qui n’ont que de rares autres sources de revenus. Pour surmonter les problèmes financiers pressants des petits exploitants à faible revenu durant cette période, Sappi a offert des avances annuelles supplémentaires, sans intérêt, pour l’entretien des plantations et la protection contre les incendies. Mondi a établi un intérêt de 10 pour cent pour des prêts similaires. En Indonésie, des terrains ont été fournis aux arboriculteurs pour l’établissement de cultures de rente non forestières afin de surmonter ce problème.

CONDITIONS PROPICES À LA PARTICIPATION DES PETITS EXPLOITANTS À L’ARBORICULTURE

Les conditions les plus propices à la production des petits exploitants sont des politiques favorables dans divers secteurs de la gestion et de la commercialisation, un régime foncier clair et sûr et des droits sur la récolte, y compris le droit de gérer, d’exploiter, de transporter et de commercialiser le bois produit. La prise de conscience accrue de la responsabilité sociale des entreprises, définie comme «l’engagement permanent des entreprises à se comporter de manière éthique et à contribuer au développement économique, tout en améliorant la qualité de la vie des travailleurs et de leurs familles, ainsi que des communautés locales et de l’ensemble de la société» (World Business Council for Sustainable Development, 1999), pourrait encourager aussi les grandes entreprises privées et publiques à accorder davantage d’attention à la promotion de l’arboriculture artisanale.

Politiques de soutien à l’arboriculture

Un cadre stratégique clair pour garantir les droits des communautés de gérer les forêts publiques, et des règlements locaux propices conformes aux initiatives communautaires locales ont été à l’origine du succès de la foresterie paysanne et de la gestion conjointe des plantations en Indonésie (Nawir et al., 2007).

En Éthiopie, une politique forestière formulée récemment fournit aux agriculteurs des incitations fiscales proportionnelles au nombre d’arbres plantés. Le gouvernement encourage aussi le secteur privé à investir dans la foresterie. Il a aboli les contrôles sur les prix et la commercialisation des produits forestiers, préparant ainsi la voie à la création d’un marché du bois ouvert et concurrentiel. Les agriculteurs font face désormais à des restrictions limitées sur la vente des produits tirés des arbres.

Au Viet Nam, tant la politique générale (la création d’un marché libre) que les politiques et une législation spéciales ont soutenu les plantations forestières artisanales privées.

Un régime foncier clair et sûr

L’Afrique du Sud offre un exemple intéressant de la manière dont les petits exploitants ont planté des arbres pour assurer leurs droits fonciers dans les zones communautaires et la raison de ces actions. Le gouvernement entendait établir des plantations forestières dans des zones communautaires le long des côtes pour fixer les dunes. Sous la menace d’éviction de leur zone, les ménages ont décidé de planter eux-mêmes des eucalyptus. Au titre du système de régime foncier patriarcal des Zoulous, une veuve peut s’assurer la propriété des terres appartenant à son mari décédé en y plantant des eucalyptus. Les programmes de plantations artisanales ont joué un rôle fondamental en aidant les femmes à obtenir la propriété foncière dans le cadre de ce système (Cairns, 2003).

La nouvelle proclamation forestière en Éthiopie reconnaît la propriété forestière privée et encourage la gestion conjointe des forêts par les communautés et l’État. Elle assure aussi la sécurité de la propriété et le transfert des droits sur des terres boisées, conformément à la nouvelle proclamation fédérale sur l’utilisation et la gestion des terres. La redistribution des terres devient de moins en moins fréquente en Éthiopie, et les responsables des politiques prennent aussi des mesures pour réduire l’insécurité de la propriété par le biais, par exemple, de politiques qui permettent la délivrance de titres de propriété foncière aux propriétaires fonciers, comme décrit plus haut.

Une grande partie de la forêt naturelle des montagnes du Viet Nam a été exploitée et défrichée en faveur de la culture itinérante pendant les années 60, 70 et 80. L’allocation de terres (assignation de droits de propriété officiels à long terme) à des ménages individuels et des entités vers 1990 a exercé un impact favorable presque immédiat sur le nombre de plantations forestières et de cultures de rapport établies par les petits exploitants. Entre 1990 et 2005, la superficie des plantations forestières de production au Viet Nam s’est accrue de 7 pour cent par an, grâce principalement aux initiatives paysannes (FAO, 2006).

Attention mondiale croissante accordée à la responsabilité sociale des entreprises

Les entreprises comme Sappi et Mondi en Afrique du Sud encouragent les programmes des petits exploitants, non seulement pour en tirer des bénéfices, mais aussi pour apparaître responsables aux plans social et environnemental. Ils doivent démontrer – et non pas seulement au gouvernement, aux organisations non gouvernementales et à la communauté, mais de plus en plus souvent à leurs actionnaires – qu’ils pratiquent un commerce loyal et transparent avec les petits exploitants des communautés pauvres. La certification internationale du Forest Stewarship Council (FSC) est une marque de responsabilité sociale de ces entreprises. Malgré ces signes positifs, des appels ont été lancés en faveur de l’attribution accrue de pouvoirs aux petits exploitants, en renforçant leur capacité de négociation (Chamberlain et al., 2005; Howard et al., 2005; Cairns, 2003; Mayers et Vermeulen, 2002).

Quelque 40 pour cent de la superficie forestière du Viet Nam appartient aux entreprises forestières publiques qui, de tout temps, ont employé une importante main-d’œuvre. Le système fait actuellement l’objet d’une réforme, et les plantations forestières publiques sont remplacées progressivement par la foresterie paysanne. Une des préoccupations des entreprises forestières publiques est de procurer des emplois et des moyens d’existence à leurs anciens travailleurs. La location de la gestion de leurs forêts à des agriculteurs et des entrepreneurs est une pratique très répandue et conforme à la responsabilité sociale des entreprises.

À Sumatra, Indonésie, les revenus tirés de l’établissement concurrentiel de plantations de palmiers à huile peuvent encourager les planteurs à rompre leur contrat et abandonner les programmes de plantations artisanales d’Acacia
H. Witono

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Les petits exploitants participent à la production de bois tiré des plantations dans le cadre de divers programmes. La foresterie paysanne a été guidée par l’espoir d’obtenir des revenus de la vente de bois. La gestion conjointe des plantations vise à faire participer les communautés à la solution des problèmes de l’exploitation illégale et de l’empiètement sur les forêts. Les programmes de plantations artisanales en Afrique du Sud ont été établis en tenant compte des besoins des entreprises de se procurer des matières premières, alors qu’en Indonésie le motif prédominant a été le règlement des conflits fonciers qui peuvent gravement compromettre les opérations d’une entreprise. Chacun de ces programmes exige des incitations financières et autres pour stimuler la participation des petits exploitants à l’arboriculture.

Des systèmes d’accès sûr à la terre reconnus sur le plan local et national, des politiques et une législation favorables et des marchés fiables et stables ont contribué notablement à l’établissement des petites plantations forestières privées. Dans un contexte national, l’impact global des petites plantations en Asie et Afrique est considérable. L’attribution de pouvoirs aux petits exploitants – notamment en améliorant leur accès aux marchés et aux informations sur les marchés et en réduisant les coûts de transaction élevés – est également importante, afin de soutenir les bénéfices tirés des petites plantations et d’encourager ainsi les investissements.

Les gouvernements peuvent s’attaquer à certains des problèmes liés à la propriété en créant des mécanismes comme les accords de gestion forestière conjointe. Les groupes gouvernementaux et non gouvernementaux œuvrant pour le développement doivent s’employer davantage pour aider les petits exploitants à améliorer la qualité de leurs produits, afin de mieux les commercialiser sur les marchés locaux et internationaux et d’accroître leur pouvoir de négociation. Il est important de répertorier les industries et de connaître leurs capacités d’achat pour améliorer la compréhension des marchés potentiels. Aider les petits producteurs à apposer un label sur leurs produits pourrait leur permettre d’entrer dans le créneau du «commerce équitable». Les gouvernements pourraient aussi fournir des incitations commerciales comme la réduction des impôts et des sources fiables de matières premières pour les entreprises qui achètent les produits des projets de gestion forestière communautaire.

Les partenariats entre entreprises et petits exploitants en matière de plantations forestières sont promus de façon croissante comme moyen d’assurer aux petits arboriculteurs un accès aux marchés. Parmi les questions qui nécessitent une attention à cet égard figurent la façon d’accéder aux marchés et de les conserver, l’obtention de prix intéressants pour les producteurs, la fourniture d’une assistance technique pour garantir la qualité et la quantité adaptées du produit, et la formulation de stratégies favorables pour les petits exploitants à faible revenu pendant la période qui s’écoule entre la plantation et la récolte. Toutefois, le succès de ces partenariats dépend de la capacité de l’entreprise et de la communauté d’œuvrer de façon créative afin d’obtenir des avantages réciproques. En outre, la participation et le soutien du gouvernement, grâce à l’établissement de règlements favorables, sont indispensables pour instaurer un climat propice à l’investissement, au commerce et aux affaires en général.

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