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L’eau, les forêts et le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau

D.G. Donovan

Une place pour de nouveaux débats sur les forêts dans les futures éditions du rapport périodique d’ONU-Eau sur la situation des ressources mondiales en eau douce.

Deanna G. Donovan est consultante forestière, ex-chargée de programme, Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau, Division de la science de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Elle a collaboré au deuxième Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau.

Le rapport entre les forêts et l’eau reste une question controversée, souvent entourée de mythes, de fausses interprétations et d’extrapolations d’exemples inappropriés. Les agriculteurs se sont plaints des niveaux décroissants de l’eau des puits à la suite de projets de boisement destinés à améliorer l’état des bassins versants. Les autorités ont dirigé l’abattage des arbres pour conserver l’eau. L’exploitation forestière et la déforestation sont largement jugées responsables des inondations. Une meilleure compréhension des relations qui s’établissent entre les forêts et l’eau reste une nécessité manifeste.

Les organisations du système des Nations Unies ont assumé la tâche d’organiser systématiquement les connaissances et les compétences mondiales en matière de ressources en eau, afin de préparer un examen et une évaluation périodiques à l’échelle mondiale de la situation de l’eau douce, à savoir le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau. Ce rapport est la publication vedette d’ONU-Eau, le mécanisme interinstitutions établi pour promouvoir la cohérence et la coordination de toutes les activités entreprises par les Nations Unies dans le domaine de l’eau douce. Produit par le Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau d’ONU-Eau, le rapport regroupe les compétences de 24 agences des Nations Unies œuvrant étroitement avec les gouvernements, les organisations non gouvernementales et la société civile. Le rapport vise à présenter une image fiable de l’état des ressources mondiales en eau douce et des écosystèmes connexes, identifiant les questions clés, surveillant les progrès accomplis et documentant les enseignements tirés – données indispensables pour la formulation de politiques et de plans relatifs à l’eau mieux informés. Le deuxième rapport, intitulé L’eau, une responsabilité partagée, a été publié le 22 mars 2006, la Journée mondiale de l’eau, lors du quatrième Forum mondial de l’eau à Mexico, Mexique.

Évaluation mondiale des ressources en eau fraîche

Divisé en quatre parties, L’eau, une responsabilité partagée commence par présenter les questions de base intéressant l’utilisation et la gestion de l’eau aujourd’hui, notamment le défi consistant à réaliser une bonne gouvernance hydrique par la gestion intégrée des ressources en eau et à atténuer les pressions exercées sur ces dernières par une urbanisation accélérée et des conditions climatiques instables.

Le rapport se poursuit par un examen des questions traitant de l’approvisionnement en eau, qui établit la relation entre l’état des ressources en eau douce et la situation des écosystèmes qui leur sont associés. Il reconnaît que le maintien d’écosystèmes sains signifie, non seulement préserver la diversité du paysage et les habitats des autres formes de vie, mais aussi assurer des disponibilités régulières d’eau propre pour tous les être vivants.

La troisième partie exprime les préoccupations des principaux secteurs responsables de la demande d’eau, notamment la santé, l’industrie et l’énergie, et aborde les questions relatives au dessalement et à l’exploitation de l’énergie cinétique de l’eau pour la production d’électricité.

Revenant, dans l’avant-dernière partie, sur les questions de gouvernance associées à l’évolution du contexte environnemental, politique et économique, le rapport se focalise sur la gestion des risques de catastrophes liées à l’eau, le partage des ressources en eau et la création de connaissances et de capacités en matière d’eau, ainsi que sur des questions économiques comme l’évaluation des ressources hydriques et la fixation de prix pour les services d’eau. Enfin, des études de cas conduites dans différents pays et régions décrivent les efforts accomplis pour relever les défis particuliers que pose l’eau, alors que des conclusions fournissent des recommandations pour le chemin à suivre.

La perspective forestière

Le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau n’examine que brièvement le rôle des forêts et de la foresterie. Il constate que les mauvaises pratiques de gestion forestière peuvent entraîner l’envasement des réservoirs. Compte tenu de la nécessité de fournir un approvisionnement suffisant en eau propre aux agglomérations urbaines en voie de croissance rapide dans de nombreux pays en développement, reconnaître que «le tiers des 100 plus grandes villes du monde repose sur les forêts … pour un pourcentage substantiel de leur eau potable» est significatif. Bien que le débat sur l’eau par rapport à l’alimentation, l’agriculture et les moyens d’existence ruraux soit centré principalement sur l’agriculture irriguée, le rapport note que la production agricole n’utilise, en réalité, qu’une petite fraction seulement des précipitations terrestres par rapport à la végétation naturelle, y compris les forêts et les pâturages. Le chapitre sur l’évaluation de l’eau soulève la question de sa rétribution pour les services environnementaux, comme la gestion des bassins versants.

Il est essentiel d’améliorer la gouvernance de l’environnement pour une utilisation plus efficiente, plus équitable et plus viable des ressources en eau douce. Les remarques conclusives reconnaissent que «les écosystèmes sains font partie intégrante du bon fonctionnement du cycle hydrologique» et que la protection de l’environnement doit, dès lors, être au cœur de la gestion intégrée des ressources en eau. Cependant, une meilleure gestion de l’environnement exige une compréhension approfondie des systèmes et des processus écologiques liés à l’eau, y compris ceux des écosystèmes forestiers.

Les responsables des politiques, les planificateurs et le grand public bénéficieraient certainement d’un débat plus exhaustif sur les relations entre les forêts et l’eau dans les prochaines éditions du Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau. Au-delà de l’observation des effets hydrologiques nocifs de la mauvaise gestion forestière (l’envasement, par exemple), il conviendrait de noter que des bassins versants boisés correctement aménagés peuvent être la source d’importants avantages, aussi bien économiques qu’environnementaux, comme le démontre le succès du domaine de l’«écohydrologie» – l’étude interdisciplinaire des interrelations fonctionnelles entre l’hydrologie et les biotes à l’échelle du bassin versant. C’est ainsi que le rôle, que jouent les forêts dans les bassins versants et les forêts de brouillard dans les montagnes, dans l’approvisionnement régulier en eau propre, et le rôle des mangroves et d’autres formes de forêts littorales dans la protection des populations côtières contre les catastrophes liées à l’eau, pourraient être mieux approfondis. La phytoremédiation (élimination des polluants par leur absorption par les plantes) pourrait être envisagée comme une solution de rechange de plus en plus populaire pour combattre la pollution industrielle de l’eau. Il pourrait convenir d’évaluer la dépendance de programmes hydroélectriques, petits et grands, vis-à-vis de la gestion rationnelle des montagnes. En ce qui concerne la bonne gouvernance hydrique, il faudrait accorder plus d’attention aux problèmes de la gestion de l’environnement dans les bassins versants transfrontières et à l’importance d’une formation et d’une recherche pluridisciplinaires visant à encourager une gestion réellement intégrée des ressources en eau. Il est espéré que, grâce à la promotion récente de la FAO à la direction d’ONU-Eau, les lecteurs pourront s’attendre à une meilleure prise en compte du rôle et des potentialités des forêts et de la foresterie dans la prochaine édition.

Le deuxième Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau est disponible sur internet à l’adresse suivante: http://www.unesco.org/water/wwap/wwdr/index_fr.shtml

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