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Résumés des communications:(Contd.)

Les collectivités locales et les SADA en Afrique de l'ouest

Agnès Gnammon-Adiko
Géographe
Institut de géographie tropicale
Université nationale de Côte d'Ivoire, Campus Cocody, Abidjan

Cette étude fait la synthèse des réflexions menées sur le rôle des collectivités locales (CL) dans les systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires (SADA) des villes de l'Afrique de l'ouest. La question de l'implication des CL dans les SADA se pose car les politiques de décentralisation en cours dans les Etats africains, depuis les années 80, favorisent l'émergence d'un pouvoir local. Les régions, les communes et les communautés rurales qui constituent l'Administration de proximité ont vu ainsi s'accroître leurs compétences dans la gestion des affaires locales. La question se pose également parce que, pour les communes chargées de l'administration de l'espace urbain, les compétences acquises doivent s'exercer dans un contexte de croissance démographique soutenue. Un tel contexte a pour conséquence de conférer à l'alimentation des citadins un caractère de secteur prioritaire.

Il appartient aux gestionnaires des villes de déployer des efforts dans ce domaine à travers la mise en place de stratégies opportunes destinées à faciliter chez les administrés l'accès à l'alimentation. L'étude a donc cherché à mettre en exergue les responsabilités des CL, les actions concrètes, les contraintes liées à l'exécution des tâches et les interventions possibles pour améliorer les SADA.

Les marchés dans Dakar-Pikine: 1995

Dans le domaine des SADA, les compétences reconnues aux communes par les textes réglementaires sont étendues; elles comprennent:

Les communes ont donc le pouvoir de programmer des projets de développement urbain, de faire réaliser ou d'autoriser des aménagements, de toute nature, nécessaires à l'activité commerciale, de disposer de ressources propres qui leur assurent l'autonomie, enfin de gérer, par des règlements adéquats, l'environnement des activités.

Ces responsabilités, les Autorités municipales les exécutent en entreprenant des actions concrètes comme la fourniture des infrastructures de base et leur gestion, l'appui aux opérateurs économiques et le contrôle de l'environnement des activités. Dans ce cadre, les opérations municipales les plus perceptibles sont la mise à la disposition des usagers de marchés publics modernes et fonctionnels, la tolérance à l'égard des espaces de vente spontanés, l'organisation technique et financière des marchés, le maintien de la salubrité et de la sécurité, l'assainissement et l'entretien des voies de communication, l'octroi de facilités aux organisations de commerçants et de transporteurs et leur encadrement.

Si la décentralisation donne aux communes les moyens d'être une Administration de proximité, l'exécution des tâches conférées ne va pas sans difficultés. Les Autorités voient en effet leurs ambitions et leurs efforts freinés par de nombreux facteurs: la pression exercée par les populations et les activités sur l'espace urbain, l'insuffisance et l'inadéquation des infrastructures, les effets exercés sur le budget par la mauvaise application des textes régissant la décentralisation, l'insuffisance et la faible qualification du personnel communal. A ces contraintes s'ajoutent l'absence de coordination entre les municipalités et les services de l'Administration ainsi que les fréquentes divergences d'intérêts entre les Autorités locales et les opérateurs économiques.

Les communes ayant la responsabilité d'améliorer les conditions d'accès de leurs administrés à l'alimentation sont tenues de s'impliquer davantage dans les SADA pour en garantir l'efficacité. A cette fin, il est recommandé aux pouvoirs municipaux de prendre des initiatives visant à élaborer des politiques et des programmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires, à améliorer la collaboration entre les CL et l'Administration centrale, à instituer des échanges entre les CL, à perfectionner le système d'information et à concevoir et fournir des infrastructures de base. Les Autorités gagneraient également à promouvoir la participation du secteur privé, à susciter la contribution des consommateurs et à rechercher des formes de partenariat et de coopération avec les agences de développement et les bailleurs de fonds.

De tels engagements aideront les communes à faire face aux défis relatifs à l'alimentation des citadins et à se préparer aux difficultés majeures qui ne manqueront pas de se manifester avec le troisième millénaire.

Les approches disciplinaires de l'analyse des SADA

Maurizio Aragrande
Professeur en économie agricole
Université de Bologne, Italie

Cet ouvrage a pour objectif de décrire synthétiquement la manière dont différentes disciplines traitent de l'analyse des systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires (SADA). Cet objectif est atteint en montrant les outils conceptuels et méthodologiques des disciplines impliquées. La liste des approches est bien sûr incomplète et la description est synthétique. Le but de cette description est double: d'une part, chercher à individualiser, pour chaque discipline, le(s) domaine(s) qui lui sont propres et qui participent à la problématique des SADA; d'autre, discerner pour chaque discipline les rôles spécifiques que chacune peut jouer dans une démarche de recherche interdisciplinaire sur les SADA. Des questions générales ont conduit la recherche: quelles disciplines se sont intéressées au sujet? A partir de quels fondements l'approchent-elles? Quelles méthodologies utilisent-elles? A quel type de résultats aboutissentelles? Sont-elles alternatives ou complémentaires? A quel(s) niveau(x) sont-elles efficaces?

Certaines parties de cet article ont été compilées sur la base de documents rédigés dans cette intention, produits par des spécialistes (approches géographique, nutritionniste et juridique) et intégrés dans un travail personnel. Les approches retenues sont les suivantes: économiques, (néoclassique, de filière, évolutionniste), historique, géographique, nutritionniste, juridique. A l'intérieur de l'approche de filière, on a retenu une approche socio-économique et géographique (à laquelle est consacré un paragraphe). Le sens de cet essai de description méthodologique ne se trouve pas dans la lecture des approches, mais dans leur juxtaposition. Les approches décrites, par ailleurs relevant de domaines scientifiques éloignés, se trouvent réunies dès l'instant où l'on considère les SADA non pas comme une activité abstraite mais comme la résultante des dynamiques qui se dégagent en un milieu donné d'un territoire, en un moment donné de son devenir, gérées par des agents ayant des finalités spécifiques.

L'approche économique au SADA n'est pas uniforme. Le souci commun des différentes démarches est l'analyse du niveau d'efficacité de la distribution. Les différences sont à reconduire aux méthodologies utilisées qui découlent, en amont, de l'acceptation des différents fondements scientifiques. L'approche néoclassique relève de l'acceptation des fondements de l'équilibre général néoclassique, basé sur la confrontation à tous les niveaux de l'offre et de la demande. Elle s'accompagne aussi d'autres outils conceptuels, dont la fonction est de nuancer, modifier ou rejeter certaines hypothèses néoclassiques, afin de saisir des réalités complexes, en dehors de la simple logique de marché (canaux de commercialisation, organisation industrielle, théorie de l'entreprise, économie institutionnelle). Le prix est le moyen par lequel des agents économiques sont informés sur la rareté relative des produits/services, ce qui influe sur leur comportement. Le prix est aussi le moyen qui coordonne les différents marchés: entre eux (de la production á la consommation), dans le temps (transformation et stockage), et dans l'espace (transport). L'efficacité du marché est liée à des hypothèses sur l'environnement économique. Un système de marché est efficace dans la mesure où la concurrence y est parfaite, l'accès est libre, les informations sont disponibles pour tous et à un coût zéro, les agents réagissent aux variations des prix de façon économiquement rationnelle. L'analyse des marchés réels entraîne toujours la comparaison avec ce modèle théorique: dans la mesure où ils s'écartent de ce dernier, ils manifestent des imperfections qui relèvent du domaine et des limites des politiques d'intervention. Au niveau de la recherche opérationnelle, l'efficacité des marchés est évaluée à l'aide de l'analyse structure-comportement-performance, qui a eu et a encore nombre d'applications en milieu africain.

Dans l'approche de filière, l'agent est un acteur (ou un groupe) économique qui se caractérise par: une (des) fonction(s) économique(s), des pouvoirs de décision, des comportements par rapport à des finalités (économiques ou d'autre type), et donc des stratégies d'intervention dans le système économique. Dans cette approche, il existe un évident effort d'aller au-delà des données de l'économie et d'en expliquer la dynamique en utilisant des concepts spécifiques à la filière, c'est-à-dire les stratégies des acteurs. Ce sont en effet les acteurs, par leurs stratégies, qui donnent une structuration et une signification économique à l'espace où ils agissent, qui autrement ne serait que l'expression de potentialités physiques sans autres spécifications. De même, la recherche des liens entre l'économique et le social relève de la nécessité de prendre en considération les déterminants du comportement des acteurs en dehors de leurs activités économiques. L'élargissement du domaine d'enquête au social implique l'utilisation de données non plus seulement quantitatives mais qualitatives, obtenues à travers des enquêtes ou des entretiens concernant des types d'acteurs de la filière. Ces histoires de vie sont des témoignages privilégiés de l'évolution sociale, c'est-à-dire de la dynamique par laquelle ces acteurs changent, accroissent ou réduisent leurs rôles et leur pouvoir dans la filière.

Pour accomplir leur tâche, les SADA doivent se confronter aussi au changement. Le changement a été abordé en économie par rapport à l'innovation surtout technique. On peut aussi considérer l'innovation de manière plus générale, en y incluant les changements au niveau de l'organisation. Il faut considérer quatre positions principales: l'économie politique classique, l'approche schumpétérienne, la macroéconomie du progrès technique et l'approche évolutionniste. La position évolutionniste vise la démarche, le processus même d'innovation plutôt que l'innovation en soi. L'approche évolutionniste a été appliquée surtout à des innovations techniques (industrielles ou artisanales) mais, au-delà de ces applications, on est porté à se demander si le point de vue évolutionniste peut aussi s'appliquer de manière productive et innovatrice à d'autres segments qui participent aux SADA, conçus justement comme des systèmes en évolution, nécessitant une adaptation et susceptibles d'innovation, dans un contexte complexe de relations économiques, sociales, et institutionnelles.

L'approche historique vise à déplacer l'interprétation des phénomènes liés à l'approvisionnement alimentaire du particularisme disciplinaire vers un point de vue plus général où la performance du système de distribution est analysée par rapport à son devenir dans un territoire physique, économique, social et politique. Deux remarques sont utiles pour en comprendre les spécificités: le rôle de la ville dans la méthodologie d'analyse et la nécessité d'intégrer l'économie de la distribution alimentaire dans le système des relations et des facteurs sociaux, institutionnels et politiques qui l'entourent. La réponse au besoin de globalité interprétative est donnée par le biais d'un parcours méthodologique lié au choix du niveau géographique de l'analyse, c'est-à-dire la ville, le lieu et le niveau auxquels il faut observer les problèmes de la crise alimentaire africaine. Comme la distribution alimentaire n'est pas simplement une question technique, il s'agit de replacer et assembler les différents parcours disciplinaires dans un cadre conceptuel structuré qui soit en mesure de réunir les aspects technico-économiques de la distribution avec la dynamique de l'environnement social et politique. L'utilisation de l'histoire sociale des villes dans ce processus implique, d'une part, l'identification de périodes homogènes du point de vue socio-institutionnel et l'identification des moments-clés qui ont marqué le passage d'une période à l'autre. On se réfère, dans ce cas, aux crises d'adaptation à des changements importants dans le cadre politique et économique de la ville/région ou de l'environnement mondial.

La relation entre nutrition et SADA est évidente, la consommation alimentaire étant le but propre aux SADA et une déterminante essentielle de l'étal nutritionnel. De plus, n'importe quelle politique d'intérêt alimentaire ne saurait faire abstraction des modèles de consommation et des exigences nutritionnelles. En parlant de SADA, on limite souvent les domaines de pertinence aux deux aspects, celui de l'approvisionnement-commercialisation et celui de l'état nutritionnel souhaitable. Le problème est: de quelle manière les SADA peuvent-ils véhiculer des messages nutritionnels à travers les structures qui sont propres à leur logique de fonctionnement? Au niveau des actions d'amélioration, de quelle manière repérer des synergies entre le développement des SADA et celui de l'état nutritionnel? Selon les hypothèses données, l'aspect nutritionnel peut être considéré comme une des dimensions de l'efficacité des SADA.

En géographie, le concept d'espace revêt un sens scientifique et analytique dès le moment où il se différencie et se concrétise en structures articulées, en formes, fonctions et relations enracinées dans un espace physique. Le processus de différenciation et ses résultats font l'objet privilégié de l'observation du géographe et les relations entre l'espace urbain et le ravitaillement des populations urbaines, le domaine d'étude. Parler d'espace signifie parler d'une ressource rare et limitée. Le géographe en explique les modalités d'organisation, les logiques propres et spécifiques, la manière d'en optimiser l'utilisation en relation aux multiples besoins. Il dispose d'un appareil conceptuel qui se prête à être appliqué au point de vue très spécifique du ravitaillement urbain. Il s'agit des principes classiques d'organisation économique et spatiale des modèles urbains. La croissance urbaine est un processus critique dans le développement de la ville. Dans les pays économiquement en retard, il a des aspects pathologiques, et procède indépendamment de l'évolution des activités productives. Cela amène à des phénomènes de malaise urbain, analysés par le géographe même dans leurs retombées immédiates sur les SADA. La question est donc de connaître les conséquences de la structure urbaine sur les modalités d'approvisionnement de la ville La réponse se trouve dans nombre de situations très typiques des SADA: ségrégation, isolement, surchargement des espaces marchands, agriculture urbaine et périurbaine, etc.

Les activités qui se déroulent à l'intérieur des SADA, aussi bien que celles qui l'entourent, font référence à un cadre de règles. Qu'elles soient écrites ou coutumières, elles ont des effets structurants sur les SADA. Ce cadre fait l'objet d'une étude de la discipline juridique et définit les règles du jeu, valables pour les acteurs. Du point de vue juridique, les SADA sont un objet très articulé et complexe qui échappe à une définition simpliste. Cela amène à considérer le droit des SADA comme un droit composite et ouvert. Son explication est possible à l'aide de disciplines consacrées à l'analyse du domaine social (anthropologie, sociologie). L'application de la méthodologie juridique aux SADA consiste à identifier d'abord les sources du cadre réglementaire en vigueur, puis à reconnaître les différents droits sectoriels qui participent aux SADA. Les éléments de ce cadre ne sont pas forcément en accord. Son fonctionnement comporte des situations de conflit, qui demandent des pratiques de réglementation sociale. Cette contradiction donne lieu à des relations spécifiques qui sont aussi des phénomènes bien connus dans la réalité africaine (corruption, informel, etc.) et parfois sources d'inefficacité. A ce propos, il faut remarquer que l'approche juridique introduit dans l'analyse des SADA une nouvelle dimension de l'efficacité, celle qui relève de la cohérence du cadre réglementaire et de sa continuité avec les traditions locales.

Les conclusions sont présentées de manière thématique pour faire ressortir les sujets comuns aux différentes disciplines. On trouve alors le concept d'efficacité, qui acquiert des significations spécifiques à travers les approches décrites, l'importance des choix de délimitation du domaine concernant les SADA, au niveau physique, économique, temporel et le besoin d'intégrer la complexité de la réalité au de-là des limites scientifiques et méthodologiques imposées par les visions traditionnelles. L'ensemble des questions qui se posent, la complexité du sujet, le besoin de comprendre sa totalité, nécessitent une approche globale, qui trouve ses références méthodologiques dans la logique du système et dans l'approche interdisciplinaire.

Les méthodologies d'analyse des SADA et de formulation de programmes pour leur développement

Maurizio Aragrande
Professeur en économie agricole
Université de Bologne, Italie

Le Guide méthodologique proposé est un outil de travail méthodologique qui s'adresse aux chercheurs, professionnels et institutions engagés dans l'étude des relations entre l'expansion urbaine, c'est-à-dire l'accroissement des espaces urbains et de la demande alimentaire urbaine, et l'efficacité des SADA pour garantir la sécurité alimentaire des villes, dans le contexte des pays en développement et en transition économique (PDT). Cette méthodologie cherche à dépasser les limites des approches disciplinaires, avec la conviction que seule une approche qui intègre tous les aspects en jeu peut produire des connaissances satisfaisantes pour le développement des SADA et la sécurité alimentaire des villes.

Le rédaction d'un Guide demande des actions préalables, telles la définition de l'objet de l'étude et la caractérisation des implications méthodologiques générales. La définition des SADA occupe une place importante dans cette démarche. Selon l'auteur, les SADA des zones urbaines sont l'ensemble complexe des fonctions et des relations qui permettent à la ville de satisfaire ses besoins alimentaires à travers les processus d'approvisionnement et de distribution des produits alimentaires dans des conditions normales et de manière durable. Les éléments qui participent des SADA urbains sont les filières des produits, les acteurs, les relations systémiques qui s'établissent entre eux et avec l'environnement, dans un milieu et un temps donnés. Les implications méthodologiques majeures de cette définition font appel: à l'analyse systémique et dynamique, à l'approche filière, à l'approche interdisciplinaire et à la routine de travail en équipe. Ces concepts sont à la base du Guide et dessinent le cadre méthodologique dans lequel il faudrait développer l'étude de cas d'une ville, selon les repères généraux de la problématique donnée. Ils sont développés de manière cohérente pour caractériser les différentes phases de l'étude.

La première phase consiste dans la définition des éléments de base pour la compréhension des SADA. L'auteur rappelle d'abord les éléments constitutifs de la filière (production, transformation, commercialisation et consommation). Ensuite, il cherche à caractériser les principaux facteurs de dynamisation des SADA qui sont regroupés selon leur rôle dans les SADA et dans le respect d'une logique systémique. On peut ainsi distinguer:

Le développement d'une approche systémique et interdisciplinaire réussite aussi la solution de nombre de problèmes méthodologiques. Certains sont d'importance fondamentale. Il s'agit notamment de:

Les critères de délimitation concernent les différents segments des filières qui participent des SADA et le rôle de l'environnement dans lequel les SADA agissent. Ils font référence:

Il faut cependant rappeler le but spécifique d'une étude de cas qui consiste en réalité à évaluer l'efficacité des SADA dans une perspective dynamique.

Les disciplines entraînées dans une étude de cas sont nombreuses. Elles sont indiquées dans une matrice qui montre les liens fonctionnels qui s'instaurent entre les différents domaines disciplinaires par rapport aux aspects généraux de l'analyse. L'auteur propose aussi un outil de travail pour aborder l'analyse de certains aspects spécifiques d'une étude de cas. Il s'agit de la grille problème/approche qui permet de réfléchir à la manière d'optimiser le travail interdisciplinaire et systémique à chaque phase de étude. Deux exemples sont donnés concernant la demande alimentaire urbaine et les circuits de commercialisation.

Les outils opérationnels proposés par l'auteur se rejoignent au sein de l'équipe de travail, qui est la cheville ouvrière de cette approche méthodologique. Des indications spécifiques sont données pour l'orientation du travail de l'équipe, qui doit s'astreindre à une routine de travail permettant de traduire les indications méthodologiques sur le plan opérationnel. D'autres aspects importants qui sont préalables au démarrage de l'équipe et de l'étude de cas proprement dite, concernent la formulation des termes de référence et la pré-étude de cas. Des recommandations sont données à ce propos, selon une méthode de travail qui s'appuie sur l'appréciation sociale du problème, sur la concertation et sur la participation.

Le développement de l'étude de cas aboutit aux résultats suivants:

Les résultats du diagnostic et des scénarios futurs permettent d'entrevoir les actions à développer pour améliorer le niveau d'efficacité de la sécurité alimentaire, voire améliorer le fonctionnement des SADA. Cela entraîne d'abord la définition d'objectifs prioritaires, puis la définition des actions efficaces à entreprendre pour les atteindre. Cela se fait en adoptant des hypothèses de travail à partir desquelles on peut commencer à retenir un certain nombre d'actions parmi les possibles. La caractérisation d'une stratégie d'intervention nécessite la solution de nombreux problèmes aux niveaux scientifique et de l'organisation. Ces problèmes intéressent différents aspects de la stratégie d'intervention et se posent à différentes échelles, notamment:

L'approvisionnement et la distribution alimentaires de Dakar

Abdoulaye Pape Seck1
Agro-économiste
ISRA, Sénégal

Cette étude part d'un constat: Dakar, à l'instar des grandes villes, doit faire face à un problème de taille: «Comment nourrir au mieux et durablement une population en croissance galopante et dont les modèles de consommation alimentaire sont endehors des capacités actuelles de production?» Une telle interrogation ne peut trouver une réponse acceptable que dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire. C'est pourquoi les compétences et expertises scientifiques des spécialistes suivants ont été mobilisées: agroéconomiste, géographe, planificateur urbain, sociologue, démographe, nutritionniste, pour la prise en charge effective, par une approche intégrée, de la problématique ci-dessous.

Développement spatial de Dakar: 1923 – 1980

La méthodologie a consisté à faire un «état des lieux» des SADA de la ville de Dakar grâce à des interviews, à l'exploitation des informations disponibles et à des enquêtes légères. Ensuite, nous avons tenté de faire une lecture dynamique en nous interrogeant sur ce que pourrait devenir Dakar eu égard à la poussée démographique et aux conséquences de l'absence d'une politique cohérente pour mieux gérer le futur. En termes plus explicites, nous avons fait une analyse historique dont le point de départ est l'année 1975, une analyse diagnostique basée sur l'année 1995 et une analyse prospective dont le support est l'horizon 2018. Par ailleurs, la problématique a été abordée en considérant les niveaux de réflexion suivants: la demande alimentaire, les relations entre le milieu rural et le milieu urbain, les relations à l'intérieur de la ville, les aspects institutionnels, les politiques et programmes conçus pour améliorer la performance des SADA. Grâce aux contributions des spécialistes de l'étude, une vision dynamique a été dessinée. Celle-ci a considéré deux scénarii: le premier est la confirmation des tendances observées sur l'évolution de la population dakaroise (scénario tendanciel); le second repose sur une baisse sensible de l'indice synthétique de fécondité.

La ville de Dakar voit de plus en plus son approvisionnement et sa distribution alimentaires se complexifier. Ceci résulte de plusieurs facteurs dont les plus importants sont:

Pour les vingt prochaines années, sans intervention sur les SADA, la situation serait inacceptable car:

En clair, le scénario tendanciel (sans intervention) est inacceptable. Nous avons plutôt misé sur un scénario de rupture caractérisé par une baisse de l'indice synthétique de fécondité. Il faut alors des mesures d'accompagnement pour que le scénario de rupture soit véritablement un scénario qui améliore au mieux les performances des SADA. En particulier, il serait utile:

Note en bas de page

1. L'étude de cas des SADA de Dakar (ouvrage AC/07-97F) et le programme pour leur développement (ouvrage AC/08-97F) ont été réalisés par une équipe multidisciplinaire sénégalaise composée de: Dr. Ba Amadou, Démographe; Dr. Dia Ibrahima, Sociologue; Dr. Diouf Samba, Planificateur urbain; Prof. Guiro Amadou, Nutritionniste et Dr. Wane Oumar, Géographe. L'équipe a été coordonnée par Dr. Seck Abdoulaye Pape, Agro-économiste.

La sécurité alimentaire des villes africaines: le rôle des SADA

Martine Padilla
Spécialiste de l'économie agro-alimentaire
CIHEAM/IAMM

Cet ouvrage met en perspective la relation entre les systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires (SADA) dans les villes de l'Afrique francophone, dans un contexte de forte expansion de la demande urbaine et dans un environnement social et économique fluctuant. II donne également des éléments pour la préparation de politiques de développement des SADA des zones urbaines visant à améliorer la sécurité alimentaire des populations dans l'Afrique soumise aux plans de stabilisation économique.

Quartiers défavorisés de la région de Dakar

Un regard dans le temps et dans l'espace est un préalable utile pour traiter le sujet car il permet de comprendre que les SADA sont très dépendants d'un concept de politique globale, lui-même fluctuant au gré des convictions de l'époque. Les SADA ne peuvent être conçus que par rapport aux objectifs de société, préalables incontournables de la définition d'une politique.

Après une revue des grands défis de l'Afrique urbaine d'aujourd'hui et de demain, nous évoquerons le contexte économique et social particulier aux programmes d'ajustement structurels (PAS), et nous en verrons les conséquences sur le plan de la sécurité alimentaire. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, quelles politiques de développement des SADA pourraient être envisagées pour l'an 2020? Comment peut-on élaborer des politiques et des programmes qui aient les meilleures chances de réussite et qui puissent concilier libéralisation des SADA et sécurité alimentaire urbaine (si ces deux notions sont conciliables)?

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Regards dans le temps et dans l'espace

Dans le temps

En trente ans, les conceptions ou les voies privilégiées du développement alimentaire ont évolué et sont passées par trois phases principales qui ont eu des répercussions concrètes sur les modes d'approvisionnement des populations et, d'une façon plus générale, sur les politiques alimentaires publiques. Les pays africains ont appliqué successivement ces trois voies qui ont demandé à chaque fois investissements et adaptations.

La première de ces phases a été la planification alimentaire. L'idée principale était que la sous-alimentation et la malnutrition pouvaient être réduites ou supprimées par une série de mesures techniques, sans remettre fondamentalement en cause la répartition des produits de l'économie et sans nécessiter de réformes sociales profondes.

La planification alimentaire peut être considérée comme une juxtaposition de politiques sectorielles le long de la chaîne alimentaire.

La sécurité alimentaire des villes ne rentrait pas dans les priorités car l'urbanisation était alors faible en Afrique et l'objectif consistait au seul approvisionnement global de la nation par une dynamisation de l'agriculture. La vision agricole du système alimentaire était encore privilégiée.

Suivit la phase de la sécurité alimentaire autocentrée. La stratégie alimentaire est perçue comme une voie privilégiée pour atteindre un meilleur degré d'autosuffisance grâce à une démarche qui assure cohérence, intégration et synergie d'actions jusque-là isolées. Cette démarche suppose une connaissance de l'ensemble des éléments de la chaîne alimentaire et de son fonctionnement et une intégration et une coordination de toutes les politiques sectorielles. Les stratégies alimentaires autocentrées réclament une planification multisectorielle.

C'est au cours de ces périodes de développement autocentré que les politiques alimentaires ont été les plus étendues. L'Etat institua des subventions aux produits alimentaires, bénéficiant essentiellement aux urbains, ce qui lui assura une certaine paix sociale mais, ne pouvant à la fois assumer le poids budgétaire des subventions et de la recherche de l'autosuffisance, importe au moindre coût des denrées alimentaires pour satisfaire la population urbaine croissante.

Dans les années 80, la conjonction des difficultés économiques avec l'affirmation de l'avantage des politiques libérales a rapidement bouleversé le paysage des politiques alimentaires. La sécurité alimentaire est alors traitée comme un problème global et des actions spécifiques pour l'amélioration de la sécurité alimentaire ne sont plus jugées nécessaires. C'est la fin des subventions alimentaires et la libéralisation des secteurs de l'activité économique.

Ce rapide panorama historique montre que, derrière des mots identiques ou proches, se cachent des conceptions et des pratiques variées. De la même façon, le concept de sécurité alimentaire est loin d'être unique et universel. Il a fortement évolué depuis son apparition dans les années 70 de considérations très économiques et quantitativistes vers des considérations plus humanistes et plus qualitatives.

Les différentes définitions mettent en évidence quatre type d'évolutions:

Au cours de ces dernières années, la plupart des définitions convergent vers un nombre de mots-clés: disponibilités, accès, réduction du risque, durabilité.

On assiste à un paradoxe: alors que l'on devient plus conscient des droits humains individuels, on dilue le problème alimentaire dans des considérations exclusivement économiques et globales, comme si une mécanique naturelle permettait la transmission du développement global à la satisfaction individuelle.

Dans l'espace:
la transition vers la libéralisation et les modalités d'application

La libéralisation de l'économie et ses modalités d'application se posent avec acuité, car elle intervient à l'heure des grands défis pour les pays en développement. Un des principaux défis est de nourrir les villes en quantités suffisantes, en qualité et au moindre coût.

Voyons comment les différentes régions économiquement moins développées ont réagi face à la libéralisation.

Le cas du Maghreb:
le maintien d'un cadre législatif strict de planification centrale avec des obligations de rentabilité

Ce cas est révélateur de difficultés engendrées par la libéralisation de l'économie quand il existe des rigidités liées à de nombreuses années de prise en charge par l'Etat et d'assistanat. Les entreprises de transformation et de distribution se trouvent face à une mission impossible: suivre les règles de rentabilité d'une entreprise en système libéral et de concurrence, mais assurer parallèlement les fonctions de sécurité alimentaire des populations autrefois assignées à l'Etat.

Le cas de l'Amérique latine:
la coexistence de deux sous-systèmes

En Amérique latine, le fait urbain est plus ancien que sur les autres continents. La conséquence est une dualisation des systèmes:

Le cas de l'Afrique subsaharienne:
développement d'une zone périurbaine et montée de l'informel

La réponse de l'agriculture locale à l'explosion de la demande urbaine a été positive. La principale raison de ce succès tient à la proximité de l'agriculture à la demande urbaine avec la création d'une ceinture verte à la périphérie et de jardins dans les grands centres urbains. Le commerce informel de produits frais, transformés et prêts à consommer se développe.

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Grands défis africains pour les SADA

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Politiques d'ajustement structurel et sécurité alimentaire

Les constats que nous pouvons faire ne sont pas exclusivement les conséquences directes de l'ajustement structurel, mais une situation qui est l'aboutissement de vingt ans de planification centralisatrice et de dix ans d'ajustement structurel. La libéralisation a souvent permis de mettre à jour des carences déjà existantes des SADA, mais a eu par ailleurs des impacts négatifs sur l'organisation et le fonctionnement des SADA.

Nous tenterons de faire émerger les principales conséquences sur les éléments clés de la sécurité alimentaire et d'avoir une analyse prospective.

Les disponibilités de produits alimentaires ne sont pas vraiment problématiques en milieu urbain. Elles existent presque partout grâce à une organisation sociale performante. Toutefois, cette diffusion relativement correcte de la production locale sur les marchés ne saurait être correctement quantifiée car on ne sait ni en déterminer l'origine géographique ni les circuits empruntés par les flux. Ceci constitue une lacune importante pour l'amélioration de ces approvisionnements dans le temps et dans l'espace. La non planification des disponibilités entraîne des ruptures d'approvisionnement et des fluctuations de prix par trop importantes et préjudiciables au consommateur.

La paupérisation et le défaut d'accès économique deviennent préoccupants: actuellement, le PNUD évalue à un tiers la population urbaine située en dessous des seuils de pauvreté dans les pays d'Afrique subsaharienne.

Le contrôle sanitaire et de la qualité des produits alimentaires est une des composantes de la sécurité alimentaire. La libéralisation a eu pour conséquence le transfert de certaines réglementations et d'attributions aux collectivités locales. Celles-ci, ne disposant pas du personnel formé en la matière, effectuent les prélèvements de taxes auprès des marchés par exemple, sans pour autant rendre les services de contrepartie.

Les services d'hygiène maîtrisent assez bien l'amont de la chaîne alimentaire mais pas l'aval. La priorité devrait être accordée au contrôle sanitaire dans les abattoirs, sur les marchés, dans les maquis et dans l'alimentation de rue où le recyclage de produits périmés est courant.

Quel pourrait être l'avenir dans ce contexte?

Au risque de choquer les esprits normatifs, on peut dire que les pays de l'Afrique francophone se trouvent à un tournant de leur société. L'environnement paraît difficile: un pouvoir d'achat qui s'érode, une désorganisation de l'économie, une absence de relais au retrait massif et brutal de l'Etat, une déréglementation à tous les niveaux de la chaîne alimentaire. Paradoxalement, ces difficultés peuvent être l'occasion d'un réel démarrage sous la condition d'une réelle volonté politique de relancer l'économie et d'assurer la sécurité alimentaire des populations.

En effet, la libéralisation a mis les agents face à leurs responsabilités et les contraint à adopter des stratégies de survie; ils entrevoient à présent la nécessité de s'organiser et réclament eux-mêmes parfois des règles de production et de marché pour ne plus subir les abus de l'informel. La libéralisation a permis de mettre à jour une carence de réglementations ou de leur application au cours de trente années de monopole d'Etat.

La libéralisation permet les échanges commerciaux régionaux. L'Afrique occidentale possède suffisamment de potentialités pour assurer convenablement les approvisionnements alimentaires de toute la zone: riz, maïs, mil, sorgho, fruits et légumes et produits de l'élevage. L'ensemble de ces pays présente des complémentarités du point de vue alimentaire. Par ailleurs, ces pays présentent un avantage commercial indiscutable avec une monnaie commune et un langage commun. Pour cela, les Etats devraient lever leurs contradictions actuelles: profiter de la libéralisation pour écouler leurs produits sur les pays voisins tout en se protégeant des flux de ces mêmes voisins.

La libéralisation permet enfin de recréer la confiance des opérateurs. Il est en effet remarquable qu'à tous les niveaux, il y a une suspicion et un manque de confiance envers les informations, les contrôles, les décisions émanant des gouvernements. La restauration de la confiance sera longue et ne pourra se faire qu'à preuve de compétences.

Au-delà de la libéralisation, la dévaluation constitue une nouvelle chance. Bien qu'elle ait contribué à une perte de pouvoir d'achat du fait du renchérissement des produits alimentaires importés et de biens et services intermédiaires, elle a favorisé le report de la consommation vers les produits locaux relativement moins chers. Les pratiques alimentaires se sont modifiées et favorisent les produits locaux au travers notamment de l'alimentation de rue. C'est donc l'occasion d'une relance économique du secteur agroalimentaire.

Enfin par rapport au thème central du programme qui est l'urbanisation, son accélération est source d'inquiétude car il faut rapidement drainer des flux croissants de marchandises vers les points de concentration et organiser la distribution interne aux villes. C'est toutefois une chance pour la dynamique de l'agriculture et du commerce car la ville assure un marché stable.

L'environnement, contrairement aux apparences, est donc tout à fait favorable au secteur alimentaire, bien que les tâches de reconstruction soient considérables.

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Quelles politiques d'approvisionnement et de distribution alimentaires pour la sécurité alimentaire des villes à l'an 2020?

Chaque gouvernement doit faire ses choix de politiques au moins autour de six questions fondamentales:

Doit-on approvisionner les villes à partir de ressources nationales, régionales ou internationales?

Trois constats s'imposent:

Les échanges régionaux de produits alimentaires ont toutes les chances de réussite car ils bénéficient d'un certain nombre de facteurs favorables:

Certains auteurs estiment que l'ouverture totale des pays de la région au marché mondial n'est pas favorable à la sécurité alimentaire de ces populations à moyen et à long terme. En effet, malgré le discours libéral, les pratiques sont protectionnistes (notamment par les normes de qualité des produits) et les pays africains ne peuvent pas espérer être compétitifs, sinon au prix d'une paupérisation accrue et d'une exportation de malnutrition urbaine. Dans la plupart des pays de la zone, le pouvoir ne tire sa légitimité politique que de la structure d'Etat, aussi est-il peu probable que les pouvoirs politiques franchissent le seuil de la profession de foi dans l'union économique. Dans ces conditions, il faudrait concevoir la coopération régionale comme une voie utile et nécessaire à une ouverture mondiale sur le long terme.

Quel est le rôle du gouvernement et de ses institutions?

L'Etat qui jadis assumait toutes les fonctions indispensables à la sécurité alimentaire, s'est retiré presque totalement de ces fonctions en libéralisant la production, le commerce, les prix à la consommation, les contrôles, etc. Mais il n'a pas pris de dispositions sur le maintien et l'organisation de services publics indispensables à la bonne marche de l'économie libérale.

L'Etat doit modifier sa conception en passant du rôle d'opérateur économique au rôle de soutien et d'accompagnement. Ce changement de mentalité n'est pas aisé. Comment parvenir à la sécurité alimentaire dans un contexte libéral? Les opérateurs privés n'ont aucun objectif social et vont là où leur intérêt est le plus fort. Le rôle de l'Etat est d'assurer les conditions d'une bonne fluidité des marchandises, de bonne qualité et au meilleur prix final. La tâche est tellement immense que l'Etat ne peut pas tout assurer dans le court terme avec les moyens dont il dispose. Un palliatif ou un complément indispensable serait l'appui du consommateur dont il faut éveiller la conscience.

Le retrait total de mesures de politiques alimentaires n'est pas souhaitable, dans la mesure où les chocs économiques récents sont certes source d'espoirs, mais ont aussi contribué à une marginalisation croissante de certaines zones et à un appauvrissement de certaines populations. L'Etat a pour devoir d'assurer la sécurité alimentaire de ces populations au moyen de techniques connues. Encore faut-il les localiser et évaluer leurs besoins.

Faut-il décentraliser les pouvoirs?

Si l'option de la sécurité alimentaire des populations urbaines devient une priorité affichée, la décentralisation des pouvoirs apparaît comme nécessaire pour que les décideurs et les gestionnaires soient au plus près de l'information et des bénéficiaires des politiques de développement des SADA. Toutefois, une clarification des attributions des autorités locales par rapport aux autorités centrales reste à définir pour ne pas mettre en place des mesures contradictoires et pour éviter le laisser-faire, chacun pensant que le problème posé n'est pas de son ressort.

Comment favoriser l'emploi et à quelles conditions?

Un des grands dilemmes pour les sociétés africaines est le démantèlement ou l'appui du secteur informel. Face au monopole d'Etat et à son inaptitude à assurer la sécurité alimentaire de toutes les populations, il s'est créé une économie parallèle dynamique qui a permis l'approvisionnement alimentaire des zones reculées et une adaptation extrême aux conditions des populations marginalisées. Aujourd'hui, on estime que la moitié au moins de l'activité économique est informelle. Outre ses aptitudes dans le domaine de la sécurité alimentaire, ce secteur a l'avantage d'occuper une main-d'oeuvre abondante. Une rationalisation trop poussée à l'image de ce qui se passe dans les pays développés, ou une réglementation trop dure risquent de conduire à l'élimination de certains flux et au chômage.

Cependant, l'informel préserve son système et ses richesses sur la base de l'opacité du marché et d'une désinformation, autant de conditions insoutenables pour une économie libérale; par ailleurs, la multiplicité de l'informel allonge la chaîne alimentaire et pèse sur le prix final des denrées alimentaires. Les gouvernements doivent se déterminer dans la façon de gérer l'informel. Ne faudrait-il pas créer des conditions telles que l'informel trouverait avantage à rentrer dans le formel?

La politique la plus efficace serait de s'appuyer sur l'organisation du secteur informel afin de bénéficier de ses aptitudes d'adaptation au milieu, tout en l'amenant par une législation et une réglementation attractives et non systématiquement répressives à se formaliser de lui-même. Le maintien de l'emploi dans les milieux urbains est à ce prix.

Les organismes financiers n'ont-ils pas un rôle fondamental?

Le secteur financier a connu un développement de l'informel qui peut s'expliquer par deux facteurs:

La mise en place d'un mode dynamique et innovant de financement de la commercialisation est un problème vital pour la formalisation du secteur privé. L'objectif est d'adapter le système de financement aux spécificités du commerce des produits alimentaires.

Comment organiser l'information et sa gestion?

Une des principales lacunes des SADA des zones urbaines est l'absence d'informations le long de la chaîne alimentaire. Or, l'opacité des marchés favorise les comportements abusifs et la corruption. Les informations circulent par l'informel et sont très cloisonnées.

L'information doit passer par les marchés mais, pour faire la référence, il faut une masse critique. Elle doit être organisée pour que des arbitrages soient possibles sur les marchés, et améliorer ainsi leur efficacité. Ce domaine devrait être du ressort de l'Etat pour éviter qu'elle ne devienne un objet de pouvoir, mais elle doit être conçue pour les opérateurs et non exclusivement pour le gouvernement lui-même.

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Politiques de développement des SADA pour l'an 2020

Un certain nombre de conditions sont préalables à la mise en place d'une politique de développement.

Clarté des objectifs de l'Etat

Développer les systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires des villes suppose la résolution de dilemmes fondamentaux auxquels l'Etat doit se soumettre. En effet, aucune stratégie ne peut être mise en place sans un objectif de société clair ou des objectifs cohérents. Ces dilemmes portent essentiellement sur quatre points: sécurité alimentaire et équité ou réduction drastique des dépenses de l'Etat; contrôle du secteur privé ou libéralisation totale; stabilisation des marchés ou liberté des prix; efficacité commerciale et de distribution immédiate ou développement du marché sur le long terme.

Sécurité alimentaire ou économisme?

Les quelques dix années de politiques d'ajustement de l'économie font apparaître des contradictions entre les objectifs d'équilibre et de restructuration et les objectifs de développement et de sécurité alimentaire. En effet, l'expérience montre que les instruments employés pour l'ajustement ne contribuent pas à la réduction de la pauvreté, à l'amélioration des conditions de vie des populations, à la répartition plus égalitaire des revenus et à la protection de l'environnement. La sécurité alimentaire, bien qu'affichée dans les programmes, demeure diluée dans les préoccupations économiques et financières majeures. Combien de temps pourra-t-on différer la sécurité alimentaire des populations, notamment dans les villes où les pauvres sont de plus en plus nombreux et isolés et où naissent les ferments de l'opposition populaire, au nom de l'équilibre économique?

Contrôle du secteur privé ou libéralisation totale?

Le lien entre le secteur privé et l'Etat conditionne les chances de succès d'un programme de privatisation. L'Etat fixe les règles du jeu, mais si elles sont trop restrictives ou trop fluctuantes, le secteur privé s'en détournera et restera dans l'informel. Le rôle de l'Etat est de définir un cadre réglementaire stable exprimant clairement les droits et obligations des consommateurs, des distributeurs, des producteurs. Ce cadre réglementaire doit être plus incitatif que répressif, afin de motiver les agents à y adhérer.

Stabilisation des marchés ou liberté des prix?

La libéralisation totale des prix des denrées alimentaires, faisant suite à une longue période de contrôle strict et de politiques de soutien, aboutit inévitablement à une flambée des prix. Pour ne pas trop réduire le pouvoir d'achat des populations, un minimum de stabilisation des marchés s'impose. Toutefois, le niveau et les modalités des mesures de stabilisation influent sur le fonctionnement même du marché. S'il apprécie mal le niveau de stabilisation des prix, le gouvernement risque de créer un climat d'incertitude et de décourager les initiatives privées.

Efficacité commerciale et de distribution immédiate ou développement du marché sur le long terme?

Le souci d'une efficacité de court terme quant à la diffusion spatiale et quantitative des denrées alimentaires en milieu urbain, sans considération des prix, de la qualité et des pertes de produits, impliquerait un encouragement du secteur informel par les autorités légales. Cependant, assurer le développement des SADA sur le long terme mérite réflexion et réintroduit le débat sur le maintien ou la dissolution du secteur informel.

Pluridisciplinarité pour créer des programmes et l'adoption de l'approche de l'économie agro-alimentaire

Le phénomène alimentaire est un phénomène complexe et a le caractère d'un fait social. Des analyses approfondies pluridisciplinaires et interdisciplinaires sont un préalable nécessaire à toute mesure politique. Toute intervention ou décision politique nécessite, pour être entreprise, une compréhension du milieu. L'approche de l'économie agro-alimentaire qui place le consommateur et sa satisfaction au coeur de la problématique et qui envisage les interrelations entre les éléments de la chaîne alimentaire nous semble la plus appropriée comme moyen d'analyse.

Des systèmes de surveillance de la sécurité alimentaire

La mise en place d'une stratégie de sécurité alimentaire urbaine s'intégrant dans un processus de développement des SADA suppose un diagnostic permanent pour en évaluer l'impact et surveiller l'évolution de l'environnement des SADA et leurs composantes, et pour s'assurer que la politique menée est toujours optimale. Le diagnostic doit être inscrit dans la programmation des mesures de politiques et dans les investissements.

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Conclusions

Dans ces années 1990 et suivantes, la gestion de l'urgence de court terme reste la préoccupation majeure des gouvernements en Afrique subsaharienne. Polarisés par les équilibres économiques et financiers, les gouvernants en oublient l'élément essentiel à la pérennité de leur société: la sécurité alimentaire des populations. Source de paix sociale, elle doit être associée au droit à la santé, à l'éducation, à l'emploi, à une qualité de l'environnement. Cette sécurité estelle compatible avec la libéralisation complète d'une société qui n'en connaît plus le fonctionnement, et avec l'insertion de sociétés fragiles et vulnérables dans une économie mondiale où règne la concurrence par la rationalisation et la qualité? La société africaine est-elle condamnée à adopter cette rationalité dans laquelle elle perd son identité? Ou bien auraitelle la volonté politique de construire un nouveau système économique ayant pour objectif la sécurité de ses populations dans une forme de société originale?

De façon générale, il semblerait que les gouvernements aient une conscience confuse de la sécurité alimentaire et gèrent le court terme avec des contradictions, sans objectif à horizon plus lointain. Ils s'appliqueraient plus à respecter le calendrier de la libéralisation qu'à construire un nouveau système économique. Parmi les diverses voies de la sécurité alimentaire, aucun choix délibéré n'a été fait; les seuls affichages sont la recherche d'un meilleur autoapprovisionnement et, éventuellement, d'un marché d'exportation au sein de l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).

La société africaine est-elle politiquement motivée et prête à saisir la convergence d'événements favorable à un réel démarrage économique, et les bailleurs de fonds sont-ils prêts à prendre des risques pour que les investissements restent au et pour le pays?

La Revue et la Collection “Aliments dans les villes”

Olivio Argenti
Editeur en chef
FAO

Créées en 1997 dans le cadre du programme de la FAO “Approvisionnement et distribution alimentaires des villes”, la Revue et la Collection “Aliments dans les villes” sont le lieu de rencontre privilégié des chercheurs et des professionnels, en particulier de ceux des pays en développement et en transition (PDT), intéressés par les thèmes suivants:

L'image-symbol de la Revue et de la Collection: «Quatre oranges» par S. Santucci

Voir la liste des aspects de la relation entre dynamiques urbaines et SADA, d'intérêt pour la Revue et la Collection, à l'annexe 6.

Le Comité éditorial de la Revue et de la Collection est composé de spécialistes de différents pays.

Objectifs

Ouvrages

Revue “Aliments dans les villes”

La Revue publie par Internet (avec une fréquence au moins annuelle) des recueils d'articles. Des appels à contribution sont lancés pour la préparation des numéros thématiques (voir l'annexe 5).

Collection “Aliments dans les villes”

La Collection publie par Internet:

La Revue et la Collection peuvent aussi publier des ouvrages déjà publiés pour en augmenter la diffusion.

Les textes sont publiés dans une des langues suivantes: anglais, français, espagnol et arabe.

Les critères de soumission et de sélection des ouvrages pour publication éventuelle sont détaillés dans l'annexe 4, ainsi que dans le site Web SADA.

Diffusion

Tous les ouvrages de la Revue et de la Collection “Aliments dans les villes” sont diffusés gratuitement:

L'offre du CD-ROM est réservée aux nouveaux membres du réseau “Aliments dans les villes” auquel toutes les institutions ainsi que les professionnels peuvent adhérer gratuitement.

Des volumes de la Revue et de la Collection sont occasionnellement imprimés et diffusés commercialement.

Informations

Rédacteur en chef
Revue et Collection “Aliments dans les villes”

Service de la commercialisation et des financements ruraux (AGSM)
FAO
Viale delle Terme di Caracalla
00100 Rome • Italie

Télécopies:
(+39-6) 5705 6850 • 5705 4961
Adresse électronique: sadaseries @fao.org

Prix John Abbott

Les meilleurs ouvrages publiés par la Revue et la Collection “Aliments dans les villes” concourent au Prix John Abbott.

Pour des renseignements sur le Prix John Abbott, voir le site Web SADA ou contacter directement l'Administrateur du Fonds

(et non la FAO):

J.W. Abbott
The John Abbott Book Fund
Cudlow House, Sea Lane
Rustington, West Sussex
BN16 2RR
Royaume-Uni

http://www.fao.org/waicent/faoinfo/agricult/ags/agsm/sada/sada.htm

Le réseau informel de recherche, assistance technique et échange d'expérience
“Aliments dans les villes”

Olivio Argenti
Coordinateur du réseau
FAO

Le réseau informel “Aliments dans les villes”, créé en 1997 dans le cadre du programme de la FAO “Approvisionnement et distribution alimentaires des villes”, réunit les institutions et les professionnels de tous les pays concernés par la sécurité alimentaire des zones urbaines des pays en développement et en transition (PDT) et, en particulier, par:

L'image-symbol du réseau:
«Trois poires» par S. Santucci

Objectifs

Avantages

et encore plus dans le futur !!!

Être membre implique

Adhésion

Les institutions et les organismes publics et privés ainsi que les professionnels de tous les pays, peuvent adhérer gratuitement au réseau «Aliments dans les villes». Il suffit d'envoyer la fiche d'adhésion contenue dans l'annexe 9 au Coordinateur du réseau. Les fiches peuvent aussi être obtenues au bureau local de la FAO, au site Web SADA ou demandées au Coordinateur du réseau.

Informations

Coordinateur
Réseau “Aliments dans les villes”

Service de la commercialisation et des financements ruraux (AGSM)
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Le Centre d'information
«Aliments dans les villes»
(CIAV)

Maurizio Aragrande
Professeur en économie agricole
Université de Bologne, Italie

En 1995, la FAO a lancé la première phase du Programme “Approvisionnement et distribution alimentaires des villes”, concerné par la relation entre, d'une part, la croissance des zones urbaines et de la demande alimentaire urbaine et, d'autre part, l'efficacité et le dynamisme des systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires (SADA) au service des zones urbaines.

Parmi d'autres institutions nationales et internationales de recherche et de développement, l'Université de Bologne (Italie) a exprimé son intérêt à collaborer avec ce Programme sur:

Nombre de travaux ont été effectués sur des aspects importants de l'approvisionnement et de la distribution alimentaires des villes. Par exemple, en Afrique francophone, plusieurs aspects de cette problématique sont traités, soit par le biais de l'analyse de filières spécifiques ou d'intérêt particulier, soit à travers l'approche des problèmes spécifiques de la problématique. En outre, rares sont les recherches spécifiques concernant les SADA des villes, dans les termes posés par le Programme de la FAO.

Si les villes sont au centre de l'attention, on s'aperçoit que, pour comprendre les multiples facettes de leur approvisionnement en denrées alimentaires et de leur distribution à l'intérieur des espaces urbains, il existe encore un nombre important d'aspects auxquels la recherche devrait se consacrer parmi lesquels la manière d'aborder un sujet aussi complexe.

C'est la raison pour laquelle la réflexion menée par l'Université de Bologne a porté sur les méthodologies utilisées dans l'analyse des SADA. Les activités d'approvisionnement et de distribution des denrées alimentaires des zones urbaines sont nombreuses et souvent réalisées dans des contextes socio-économiques et politiques complexes. L'analyse de leur efficacité et dynamisme s'inspire fortement de l'économie, mais la compréhension de leur complexité doit s'appuyer aussi sur les disciplines qui sont à même de replacer le fait économique dans le contexte général. Une approche interdisciplinaire et systémique s'est donc montrée la plus appropriée pour développer des analyses efficaces d'une réalité complexe et en constante mutation (voir les communications de Maurizio Aragrande, aux pages 59 et 62), d'autant plus que ces analyses sont le point de départ indispensable d'une conception des programmes de développement et d'investissement des zones urbaines, périurbaines et rurales, visant à l'amélioration de la sécurité alimentaire des populations les plus défavorisées.

L'Université de Bologne a ainsi collaboré avec le Programme de la FAO pour:

La circulation de l'information est un moyen indispensable pour atteindre le premier but. Ainsi, l'Université de Bologne s'est consacré:

Le Centre d'information “Aliments dans les villes” (CIAV)

Le Centre d'information «Aliments dans les villes» (CIAV) est le moyen par lequel ces activités se réalisent, en cherchant à pénétrer le milieu scientifique, en particulier grâce à l'utilisation du réseau informatique.

De manière plus spécifique, le CIAV a été créé, dans le cadre d'une collaboration entre l'Unité d'économie alimentaire du Département d'économie et ingénierie agricoles de l'Université de Bologne, le Programme de la FAO «Approvisionnement et distribution alimentaires des villes» et le Service de la commercialisation et des financements ruraux (AGSM) de la FAO.

Objectifs du CIAV

Les services du CIAV

Tous les services suivants sont accessibles gratuitement à partir du site Web du CIAV.

InfoBiblio

Récolte de données bibliographiques ciblée sur les thèmes de l'approvisionnement et de la distribution alimentaires.

InfoWeb

Liste interactive des sites Web, développée pour rendre la recherche de l'information sur internet plus aisée.

InfoAction

Information sur les activités (séminaires, ateliers, rencontres, etc.), en cours et en préparation, concernant un ou plusieurs aspects d'intérêt du CIAV;

Appui à la recherche

Appui à la recherche sous forme de mobilisation de ressources (informations bibliographiques, contacts, appels à contribution, etc.), conseils spécifiques pour des programmes de recherche, organisation d'activités de dissemination et de formation, etc.

Le CIAV collabore aussi à la coordination du Réseau “Aliments dans les villes” et à l'édition de la Revue et de la Collection “Aliments dans les villes”, lancés par la FAO dans le cadre du Programme «Approvisionnement et distribution alimentaires des villes». Un accès privilégié aux services du CIAV est réservé aux membres du Réseau «Aliments dans les villes» (voir à la page 78).

Informations

Coordinateur
Centre d'Information «Aliments dans les villes»
(CIAV)
Unità di Economia Alimentare
Dipartimento di Economia e Ingegneria Agrarie
Università degli Studi di Bologna
Villa Almerici
Via Ravennate 1020
47023 Cesena (Forlì)
Italie

Téléphone: (+39-51) 351 593
Télécopie: (+39-51) 248 832

Adresse électronique:
[email protected]

http://foodsci.unibo.it/ciav/INDEX.HTML


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