Parallèlement à la Côte Est, de Foulpointe à Farafangana s'étend une vaste dépression orientée Nord-Sud, occupée par une succession de lacs et marais reliés entre eux par un enchevêtrement assez complexe de chenaux naturels, et qui sont en fait, l'expansion des têtes de rivières perdues dans cette dépression, à la recherche d'un exutoire vers la mer.
Ces plans d'eaux disposés en forme de chapelet étaient jadis séparés les uns des autres par des seuils sableux ou des dunes ; mais au début de ce siècle (1900 – 1901) ceux-ci ont été percés par un canal artificiel pour les réunir de manière à constituer une voie de navigation ininterrompue.
Les Pangalanes couvrent une superficie de 18.000 Ha et ne sont séparées de la mer que par un cordon littoral étroit et sableux ; leur longueur totale est de l'ordre de 600 Km environ.
A l'origine, la partie de ce vaste ensemble lagunaire comprise entre TAMATAVE et ANDEVORANTO était en communication permanente ou temporaire avec la mer en quatre endroits différents, dont respectivement : IVONDRO, AMPANATOAMAIZINA, ANDAVAKAMENARANA et RIANILA (Andevoranto), qui constituaient quatre bassins distincts. Mais tout ce système hydrographique a été bouleversé lors du percement des seuils en 1897–1900 pour la création du canal navigable. C'est à ce moment que l'on décida de protéger ce canal en fermant définitivement (remblai) l'exutoire vers la mer à AMPANATOAMAIZINA. Quant à la sortie d'ANDAVAKAMENARANA communiquant jusqu'alors par intermittance avec la mer en fonction de l'importance des crues, son remblai définitif fut décidé lors de la remise en état de la route AMBILA-ANDEVORANTO, franchie jusqu'alors à cet endroit par un pont qui fut emporté en 1928–29.
Cet exutoire fut toutefois réouvert lors des grandes inondations de 1959, mais le sable transporté par le courant marin côtier colmata rapidement cette brèche complètement refermée depuis lors.
Dans le canal même, des travaux de dragage doivent être effectués périodiquement, modifiant chaque fois sur de grandes surfaces le substrat qui s'était formé. Les derniers travaux importants de ce genre remontent au cyclone de 1959 à la suite duquel il fallu reprofiler complètement le canal (1960–65).
En conséquence de ce qui précède, si la création d'une voie navigable était parfaitement justifiée pour promouvoir le développement agro-socio économique de la région, il n'y a aucun doute que les travaux d'aménagement effectués ont profondément modifié le milieu aquatique.
Par ailleurs, la fermeture définitive des deux ouvertures médianes sur la mer ont achevé de bouleverser complètement l'environnement. Aussi, les résultats de ces profondes transformations sur le milieu halieutique ne se sont pas fait attendre et ils se traduisent notamment par :
un appauvrissement progressif de la faune ichtyologique, la montée des poissons de mer euryhalins, en lagunes, étant fortement réduite alors que l'effort de pêche reste constant, sinon croissant.
une diminution beaucoup trop importante des échanges eaux de mer - eaux douces qui, bien équilibrés dans le passé maintenaient une productivité élevée en milieu lagunaire, alors qu'ils se trouvent actuellement très limités, entraînant une forte réduction de la productivité naturelle ; celle-ci était estimée en 1968 à 35/Ha/An environ. Dans l'intervalle, les eaux qui étaient jadis franchement saumâtres sont aujourd'hui du type oligohalines, avec des taux de salinité allant de 500 à 5.000 mgr/litre seulement.
un rendement des pêches en régression constante, malgré un effort soutenu, sinon croissant de l'exploitation des ressources, Bien que les statistiques vraies fassent défaut, la production totale des Pangalanes était estimée après enquête, à 381 Tonnes en 1967 et entre 320–350 Tonnes en 1970. Actuellement la situation ayant encore empiré, il est probable que cette production se soit stabilisée aux environs de 300 T/An,sinon à un niveau plus bas encore.
Le tableau ci-dessous illustre bien la régression des captures pour l'une ces espèces les plus intéressantes, Liza macrolepis, alors que l'effort de pêche sur cette espèce est resté pratiquement constant :
Années | Nombre de Mulets captures aux barrages | Poids total approximatif des captures | Nombre de barrages |
1910 | 72.000 | 159.000 Kg | 25 |
1958 | 15.000 | 37.500 " | 33 |
1967 | 2.575 | 7.500 " | 39 |
1968 | 1.140 | 2.650 " | - |
1969 | 1.200 | 3.000 " | - |
une modification profonde de la composition des stocks des populations piscicoles, dans lesquelles on constate un déséquilibre flagrant entre la proportion d'espèces voraces et d'espèces planctonophages ou phytophages ; numériquement, les ichtyophages représentant 52 à 56 % du peuplement, alors que les phyto-planctonophages existants ne représentent qu'environ 4 %.
Le tableau ci-après donne un aperçu de la composition des stocks, selon les résultats des recherches les plus récentes, effectuées en 1966–67 (ex-C.T.F.T.).
Pourcentage numérique et pondéral des principales espèces capturées aux Pangalanes-Est - 1967 :
E S P E C E S Nom scientifique | Nom vernaculaire | Régime alimentaire | % en nombre | % en poids |
- Caranx melampygus | Antriotrika | ichtyophage | 31.77 | 31.41 |
- Ptyochochromis oligacanthus | Saroy | omnivore | 25.30 | 14.62 |
- Ambassis commersoni | Ambatsy | ichtyophage | 8.65 | 2.78 |
- Tilapia rendalli | Tilapia | phytophage | 8.39 | 11.21 |
- Eleotris fusca | Amborodoka | ichtyophage | 6.20 | 11.31 |
- Paretroplus polyactis | Masovoatoaka | omnivore | 3.88 | 3.70 |
- Mugil robustus | Jebojebo | pelophage | 3.62 | 5.45 |
- Tilapia mossambica | Tilapia | phytophage | 3.62 | 3.38 |
- Leiognathus equula | Anketraketra | ichtyophage | 2.07 | 2.42 |
- Liza macrolepis | Eompona | pelophage | 0.65 | 4.51 |
- Autres divers | - | - | 5.85 | 9.21 |
le déséquilibre des stocks constaté en 1967 a vraisemblablement continué à s'aggraver en raison notamment de l'obstruction pratiquement complète de l'embouchure du chenal à TAMATAVE (exutoire Nord) par Eichornia crassipes ou jacinthe d'eau. Ce bouchon, permanent maintenant depuis plusieurs années, et long de 1 Km environ empêche, sinon arrête les échanges normaux d'eaux de mer et d'eaux douces par la sortie Nord du canal, si bien qu'actuellement ces échanges ne s'opèrent pratiquement plus que par le seul exutoire Sud, du Rianilo à Andevoranto. En plus de l'arrêt des mouvements d'eaux en surface, Eichornia aggrave encore la situation en accélérant la formation d'atterrissements sur le fond du canal par précipitation des vases et détritus, complétant ainsi progressivement l'obstruction totale de cette voie d'eau. Il en résulte une impossibilité de mouvements des poissons tant à la montée (réempoissonnements naturels par poissons euryhaline juvéniles, arrêtés) qu'à la descente (adultes devant aller se reproduire en mer), courcircuitant ainsi le cycle biologique de nombreuses espèces, souvent les plus intéressantes.
Conclusion : la situation actuelle de la réduction quasi totale des communications du complexe lagunaire des Pangalanes avec la mer, constitue certainement l'un des facteurs les plus négatifs handicapant l'aménagement des populations piscicoles et l'avenir (productivité) des pêcheries de ce milieu.
Les aspects nettement défavourables des conditions actuelles de milieu de ce plan d'eau évoqués ci-dessus sont cependant corrigés, en partie, par quelques aspects positifs qu'il convient de souligner :
le site échappe pratiquement à l'influence des marées de très faible amplitude sur la côte Est, indiquant par là que la réouverture éventuelle de certaines passes vers la mer n'impliquerait sans doute pas de très gros travaux de protection (épis rocheux déviant le courant côtier et empêchant le colmatage de ouvertures sur la mer).
les différents plans d'eaux des Pangalanes présentent pour l'aquaculture tous les biotopes souhaitables, propices aux empoissonnements diversifiés en vue d'une utilisation plus rationnelle des chaînes alimentaires existantes ; zones vaseuses, zones herbeuses, zones d'eaux libres avec poches plus profondes, chenaux de communication, etc.…. dont la plupart seraient facilement contrôlables sans grands aménagements particuliers ; en effet, dans de nombreux cas de simples barrages en claies ou en filets - grillages de matière plastique peuvent isoler parfaitement certains diverticules sélectifs. Par ailleurs dans certains das, la pisciculture en enclos pourrait également être envisagée.
l'existence d'une population humaine active, dont 600 familles vivent exclusivement de la pêche et ont acquis une très grande expérience du contexte local.
la proximité d'un grand marché urbain - TAMATAVE, accessible en permanence par chemin de fer (depuis Andevoranto) et du marché secondaire de Brickaville ; plus au Sud, les marchés intéressants des localités rurales côtières de Vatomandry, Mahanoro, Mananjary Manakara et Farafangana, pour lesquelles les Pangalanes sont la source principale d'approvisionnement en poisson frais, la pêche maritime étant pratiquement nulle dans ce secteur.
l'existence d'une Brigade des Pêches, confirmant la volonté de l'Administration des Eaux et Forêts de prendre sérieusement en considération les problèmes halieutiques de ce secteur. Restée toutefois jusqu'alors à l'état embryonnaire, cette Brigade qui cumule simultanément des responsabilités forestières, devrait être fortement restructurée et renforcée par des personnels de maîtrise et d'encadrement des pêcheurs, et disposer des matériels et équipements nécessaires pour pouvoir jouer pleinement son rôle en matière de promotion et de gestion halieutiques.
en cas de cyclone, les crues peuvent être très importantes et brutales ; sinon, les hauteurs de pluies tombant pendant 200 à 240 jours/an totalisent 2,4 à 3,5 m, provoquant des variations de niveau d'assez faible amplitude, ne dépassant guère 1,50m, mais souvent de caractère brusque.
il n'y a pratiquement pas de véritable saison sèche sur la côte Est ; pendant la saison plus fraîche (Mai-Novembre) la température de l'eau ne descend jamais en dessous de 20/21° ; par contre elle peut atteindre jusqu'à 34° en saison chaude (Décembre-Avril). Il y a donc production planctonique constante toute l'année, favorisée généralement par une très faible turbidité des eaux. Toutefois, la productivité planctonique par photosynthèse (algues notamment) est probablement réduite à certaines époques par la forte nébulosité caractérisant la région.
Enfin, le PH des eaux oscille en moyenne entre 6,4 et 7,2 donc légèrement acide avec une tendance relative vers la neutralité. A ce point de vue, il est évident que des apports mieux équilibrés en eaux de mer amélioreraient beaucoup la situation.